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    Bienvenue dans la Base de Données des livres !

    Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !

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  • 711 livres

    1. Type: livre Thème: après la Bombe… Auteur: Robert BLOCH Parution: 1972
      « Les têtes nucléaires tournoyaient haut dans le ciel, et le fracas de leur passage ébranlait la montagne. »
      Le survivant avait tout prévu : un abri blindé, des vivres, le costume de protection (rarissime) qui lui permettrait de sortir aussitôt le forfait accompli. A l’aube, il voulut savoir et émergea de son abri :
      « Au bout d’un moment le brouillard se dissipa et il put contempler le paysage. Des arbres jaunes et de l’herbe jaune, se découpant sur un ciel jaune dans lequel se tordaient d’immenses nuages ».
      En butant contre les restes pitoyables de la société de consommation – kleenex, listes d’achats froissées, chaussettes de nylon- , il progressa le long des rues :
      « Il avait du mal à suivre un trajet régulier, car les rues étaient encombrées de véhicules détruits et les trottoirs souvent barrés par des poutres  ou des façades entières d’immeubles écroulés. »
      Au loin, sur une colline, il aperçut le bâtiment fédéral. De là-haut, la vue devait être magnifique. Il fallait y parvenir.  Mais :
      « Il savait qu’autour de lui, dans le noyau de la cité, se trouvaient d’autres êtres, certains accomplissant des actes de pitié, d’autres portant héroïquement secours. Mais il les ignora tous, car ils étaient morts à ses yeux. Quelques-uns d’entre eux le hélèrent, mais il poursuivit son chemin sans les écouter, sachant que leurs paroles n’étaient que des râles de mourants. »
      Touchant enfin au sommet, puis au bâtiment, négligeant les soldats hébétés qui s’y traînaient , il entra dans la dernière pièce, le dernier bureau, d’où la vue sur les ruines devait être fantastique :
      « A l’horizon la nuit se mêlait à la brume, mais il n’y avait pas d’obscurité. Les petits foyers d’incendie s’étaient étendus, apparemment avec l’arrivée du vent, et maintenant il contemplait une marée de flammes grandissantes. Les clochers tordus et les édifices ravagés se noyaient dans les vagues pourpres. Tandis qu’il regardait, ses larmes revinrent, mais ii savait qu’il n’y aurait jamais assez de larmes sur terre pour éteindre les feux. »
      Un chef de guerre, un général, regardant par la fenêtre, lui tournait le dos. Au moment où il déplora cette vision de mort,
      « il vit le visage exultant, presque joyeux, du général.
      -Que voulez-vous dire ? dit le fier guerrier en se rengorgeant. Nous avons gagné ! »
      Un tableau sinistre des effets d’une guerre nucléaire, un témoignage probant de la sottise humaine, et plus encore, de la stupidité militaire. Un classique !


    2. Type: livre Thème: menaces cosmiques Auteur: Stefan WUL Parution: 1956
      Jâ Benal est un scientifique condamné à être déporté sur la Lune devenue bagne dans les siècles futurs. En réalité, il est envoyé par la Terre comme espion car les forces terrestres  désirent connaître l’exact danger que représente les Lunaires qui préparent l’invasion cette dernière.  Ils savent que Jâr est un espion; ils lui adjoignent une contre-espionne en la personne de Nira qui, vaincue par son charme, deviendra une contre-contre-espionne.
      Le parcours sera jalonné par des êtres et des événements comme les " Gôr " télépathes (réminiscence de Wells ?), une intervention chirurgicale sous forme d’expédition dans le corps humain  (annonce du «  voyage fantastique » ?), des bombes et des émetteurs miniaturisés ayant pour but mettre à genoux " l’Excellence ", c’est-à-dire le chef des Lunaires.
      Nira et Jâr eux-mêmes réduits à une grandeur Tom Pouce (réminiscence de " l’homme qui rétrécit " ?) , l’Excellence dans sa mégalomanie fera exploser la Lune ce qui dévaste du même coup la Terre. Tout le monde meurt. Vraiment tout le monde ? Non, surtout pas Jâr et Nira, qui se sont échappés de la Lune peu de temps avant son annihilation et qui deviendront les Adam et Eve miniatures d’une terre édénique.
      Un récit qui se lit sans ennui sinon avec le plaisir douteux que provoquent " les enluminures idiotes " (Rimbaud)


    3. Type: livre Thème: savants fous et maîtres du monde Auteur: Georges G. CHESBRO Parution: 1985
      L’enquête de « Mongo » Frederickson, le nain détective, et de son frère Garth, débute de manière curieuse au Nebraska, à Peru County, lors de l’enterrement d’un petit neveu, Tommy, et de son copain Rod. Assassinés tous deux, semble-t-il.
      Une première piste mène les détectives auprès de la Volsung Corporation, une mystérieuse entreprise de traitement du maïs, installée dans la région. Mongo sera poursuivi par Jack Bolesh, un ancien ennemi d’enfance, devenu shérif pour le compte de la Volsung,  qui ne supporte pas que le nain puisse se mêler de l’affaire du « double suicide ». Pourtant, les deux frères arrivent à faire la preuve que les jeunes ont bien été assassinés parce qu’ils s’étaient trop approchés du bâtiment mystérieux. La Volsung appartiendrait à Sigmund Loge, un savant charismatique, deux fois prix Nobel,  et fondateur, à ses moments perdus, d’une secte religieuse aux ramifications multiples.
      Pour en savoir plus,  ils font appel à  Lipitt, un agent extérieur et ancienne connaissance de Mongo, qui a travaillé pour Loge. Arrêtés à nouveau par Bolesh, celui-ci décide de les mettre définitivement sur la touche en leur injectant un mystérieux produit qui, insensiblement, provoquera leur régression physiologique. Garth se couvrira de poils et développera des réflexes foudroyants alors que  Mongo, parfaitement photophobe,  présentera des mains et des pieds palmés ! c’est Lipitt qui tuera Jack Bolesh, pour libérer les deux frères et qui leur dira la vérité au sujet des Loge : il y a Obbie, le plus jeune, un adolescent vaniteux et égoïste, Siegfrid, son père, un être malfaisant et savant de son état, enfin Siegmund, le grand-père, qui se fait passer pour Dieu aux yeux de ses adeptes. Il semble qu’ils procéderaient,  sous le couvert de la Volsung, à des expériences de manipulations génétiques dont Mongo et Garth ont déjà fait les frais :
      « Supposons que l’objectif du Projet Walhalla soit d’obtenir la capacité de provoquer une rapide dégénérescence chez les humains d’âge adulte et leur progéniture au sein de certaines populations bien précises. Il ne s’agit pas de tuer ; ça, les bombes et les balles savent le faire, et tout le monde est largement pourvu dans ce domaine. Et, bien évidemment, il ne sert à rien de simplement déformer les gens. Le processus de dégénérescence doit être contrôlé, discret et quasiment indétectable. Disons qu’il faut trouver une sorte de sérum qui déclenche une dégénérescence conduisant à la création d’êtres humains stupides et dociles qui ne seront plus véritablement des humains. Pour simplifier, imaginons des créatures d’apparence humaine, se situant quelque part sur l’échelle de l’évolution entre le néanderthalien et  cromagnon. »
      Mystérieux et protégé par une force spéciale appelée «les Gardiens», sans doute appuyé par des lobbies gouvernementaux d’extrême-droite, Siegmund est en passe de boucler le «Projet Walhalla». Il ne lui reste plus  qu’à mettre la main sur Garth et Mongo, cobayes précieux à ses yeux. Il est d’ailleurs le seul à pouvoir leur administrer l’antidote à leur mal. Pour connaître sa retraite, les deux détectives se feront passer pour des adeptes, en s’introduisant dans une des cellules religieuses du savant fou. C’est à Centralia, en Pennsylvanie que travaille Siegmund.
      Curieux mélange d’ambiance romantique à la Wagner et du «Seigneur des anneaux» de Tolkien, les bâtiments de Centralia sont situés sur un terrain volcanique et instable. D’emblée, Garth et Mongo se feront repérer par le gardien des lieux, un immense gorille (Golly) doué d’une certaine intelligence, qui les remet entre les mains d’Obbie et de Siegfrid. Ceux-ci se pourléchant à l’avance du plaisir qu’ils prendront à les torturer, leur montrent « la Chambre Noire»,  un puits aboutissant à des tunnels que hantent les échantillons ratés de la science génétique des Loge. Surveillés par Golly et Hugo, un géant ancien condisciple de cirque de Mongo, les deux frères seront soumis à des tests et prélèvements physiologiques complets. Ce délai permettra à Mongo de tenter de convaincre Hugo du danger que représente le projet Walhalla, auquel celui-ci refuse de croire. Pourtant Hugo, et même Golly, devront se rendre à l’évidence quand Mongo leur fera visiter la Chambre Noire. Surpris par les Loge, Hugo sera précipité dans le puit.
      C’en est trop pour Golly qui tue Obbie pendant que Mongo se débarrasse de Siegfried. C’est donc un groupe curieux constitué par un nain, un géant, un gorille parlant et une sorte de brute prognathe (Garth au bout de sa régression) qui s’enfuira de Centralia en direction du repaire secret de Siegmund, quelque part au Groenland. Garth et Mongo manqueront de périr de froid,  mais le choc thermique leur fera retrouver leur état normal. Finalement, parvenus jusqu’à l’antre du savant fou, ils seront amenés à écouter son discours délirant :
      « -Dieu est au courant.
      Les yeux de Loge s’emplirent de larmes ; des larmes de bonté et d’amour.
      -Hein ? Quoi ?
      -Je dois avouer que je n’ai pas été totalement franc avec vous, dit le vieil homme d’une voix vibrante d’extase tout à coup. J’ai dit qu’il n’existait pas de dieux, mais Dieu existe… le Dieu de l’univers, notre Dieu à tous. Il m’a parlé pour la première fois quand j’avais douze ans, il m’a dit de commencer à collecter les images et les extraits de films que vous avez vus. Depuis ce jour, il me parle régulièrement, il me guide dans mon travail. C’est Dieu qui m’a donné le système mathématique dont j’avais besoin pour appliquer la parabole de Triage à l’humanité, c’est Dieu qui m’a poussé à prendre la responsabilité de développer le Projet Walhalla. J’exécute la volonté de Dieu. Voyez-vous, messieurs, je suis réellement le messie. Sur ce, adieu. »
      Libérés par le gardien Leviticus enfin convaincu de la folie de Loge, laissant derrière eux des bâtiments en feu, ils seront ramenés par Lipitt à Peru Coutry où ils jouiront d’un repos mérité.
      « les Bêtes du Walhalla » concentre la thématique du grand guignol, du roman noir et du genre cataclysmique. Ses gentils monstres, à l’instar de ceux du film « Freaks », mettront en évidence la monstruosité psychologique du savant fou. Quant aux prouesses de Mongo et consort, elles se suivent sans désemparer obligeant le lecteur à s’accrocher au récit, quoiqu’il arrive.

    4. Type: livre Thème: l’apocalypse réalisée Auteur: Jef SCHEIRS Parution: 1929
      En cette ère mondiale nouvelle et heureuse, entièrement régie par le collectivisme et le matérialisme, Jean Malfaict, journaliste à "la Fraternité Mondiale", s'entretient avec son patron, Morbihan, au sujet d'une conférence sur le monde spirituel ou "subtil" donnée par un certain Dr. Nox. Depuis quelques temps d'ailleurs, alimentée par ce savant et d'autres événements curieux, la foule se préoccupe davantage du monde spirituel. Il semblerait que l'on ait découvert les preuves de l'existence d'un monde invisible, et que des ponts puissent être établis entre celui-ci et le monde des vivants:
      "Le docteur Abiran, professeur émérite de l’Université d’Alexandrie, découvrit la matière originelle de la vie et calcula que dans un centième de milligramme d’air, vit un monde de quatre-vingt quinze milliards d’atomes Anima. Il réussit à en isoler quelques-uns qu’il cultiva, soigna et en vint au résultat surprenant de voir ces atomes invisibles se transformer. Ils se développèrent d’abord en un insecte, puis en une espèce de grenouille, pour terminer leur évolution en un poisson ressemblant fortement au brochet. Le docteur Abiran déclara dès lors qu’il devait exister une force spéciale qui faisait pénétrer partout la matière originelle de la vie ; il prétendit également qu’il existait des quantités formidables de ces atomes dans le cerveau humain."
      Malfaict, parfait libre penseur, sceptique et épicurien, est l'un de ces esprits forts qui ne croit pas à tout cela. Néanmoins, il accompagne Morbihan à la séance de Nox où il fait la connaissance d'un collègue, un être singulier, du nom de Nathanaïel Assur, journaliste vedette de "la Thau", organe de presse universellement connu. Assur portant lui-même sur son front une Thau rouge, est juif et franc-maçon, grand maître de la loge maçonnique de Sion. Dès la première de leurs nombreuses rencontres il affirme être plus qu'un homme, une sorte d'élu dont le règne arrivera bientôt. Il faut dire que les événements curieux se multiplient et s'amplifient partout dans le monde; des tremblements de terre, des cataclysmes vont jusqu'à faire décaler légèrement l'axe du monde, des ténèbres de noirceur et de sang se répandent dans l'atmosphère, des prophéties, de plus en plus nombreuses, annoncent pour bientôt l'apocalypse de ce monde matérialiste et jouisseur.
      Nous sommes par ailleurs à un moment privilégié où "l'Union Européenne" fêtera à l'hôtel "Universo" à Rome les éclatantes festivités qui célèbrent la naissance du collectivisme mondial. Jean Malfaict y est envoyé pour, avec tous ses confrères, couvrir l'événement. En cours de route, il a appris le suicide par "impatience" de son supérieur, Morbihan, pressé d'abandonner son corps matériel pour converser avec les esprits. Ce cas n'est pas isolé. La jeune femme, assise en face de lui dans l'avion qui l'amène à Rome, en témoignera également, puisqu'elle sautera de l'avion au-dessus de Milan, prétendant faire voler son corps subtil dans l'atmosphère éthérée. Malfaict en déduit que le nombre des psychopathes est en nette augmentation.
      Arrivé à Rome, il en profitera pour dénicher une interview inédite. Celle d'"Ultimo Pietro", le pape déchu de la secte chrétienne, un vieillard cacochyme, habitant dans un immeuble populaire, sans aucun pouvoir ni gloriole:
      "Il lut tout en bas de la dernière page, à la dernière ligne : «Ultimo Pietro, rue de la Tombe, n° 33, surnommé Saint Père et Pape. Chef des croyants. Reçoit beaucoup. Fait du spiritisme, de l’exorcisme, dit la bonne aventure et des formules magiques. »  -Tiens ! serait-ce le type à interviewer, dont le Président m’a parlé ?... L’après-midi est belle, une promenade me fera du bien et une interview avec cet homme sera un début original pour ma tâche de journaliste à Rome."
      Il aura du mal à le rencontrer car ce dernier, ayant troublé l'ordre public en annonçant des temps nouveaux, sera mis en prison et aussitôt mystérieusement libéré par un être singulier habillé d'un manteau bleu qui dit s'appeler Elie le Thesbite.
      En attendant, les fêtes se préparent en vue d'exalter les vertus de la société collectiviste qui a fait disparaître en chacun l'angoisse existentielle. Tout a été réduit au corps et à la finance. Les femmes sont achetées et vendues comme esclaves. Cela semble d'ailleurs leur plaire. Ainsi en est-il de la merveilleuse Dolorès, la compagne achetée par Malfaict, dont il est éperdument amoureux. La jouissance est la seule occupation de chacun et quand rien ne va plus, le suicide est autorisé, encouragé. Mourir n'est plus qu'une formalité administrative que remplissent , sans aucune émotion, les individus fatigués de la vie:
      "(...) l’inhumation des corps, comme on le faisait anciennement, accompagnée de rites religieux ou officiels, n’existait plus ; les moments ou les cérémonies de la mort et de l’enterrement étaient réduits à leur expression la plus simple et se faisaient le plus rapidement possible. Le service mortuaire de la ville de Rome, bien organisé, disposait de nombreux camions-corbillards, d’ailleurs indispensables pour la province romaine, très étendue. Celui qui décédait chez lui ou mourait sur la route n’encombrait pas longtemps les vivants ; il suffisait d’indiquer l’endroit, la rue et le numéro, et, quelques instants après, le corbillard chargeait le cadavre, le transportait au four crématoire où, en un clin d’œil, tout était pulvérisé. Cela se passait ainsi aussi bien pour le haut fonctionnaire de la ville que pour l’homme de la rue ; il n’y avait que les tarifs qui différaient. Un autre département du service mortuaire était l’exploitation du suicide. Comme quatre-vingt dix sur cent des humains mouraient d’une mort volontaire, ces institutions étaient généralement très prospères et constituaient une source de revenus appréciables. Tout était arrangé pour que cela se passât facilement et agréablement. Contre paiement d’un supplément, on provoquait une atmosphère spéciale, d’après l’espèce de mort que le client désirait. L’institution occupait un vaste terrain et comptait une série de bâtiments magnifiques, très en vogue auprès du public et s’adaptant parfaitement à l’opinion générale de la collectivité. Tel l’homme, telle la mort !"
      Quant aux enfants, ils sont élevés, vendus et achetés dans des fermes d'Etat pour la plus grande joie du capitalisme.:
      . -Les garçonnets quittent à l’âge de sept ans, docteur ? -A huit ans, Monsieur Malfaict. A cet âge, ils deviennent la propriété de la collectivité. Alors nous sommes obligés de les céder au prix convenu ; on les incorpore dans tel ou tel métier, d’après leurs aptitudes ou leur goût et on les spécialise. Les fillettes, par contre, restent la propriété de la firme ou des particuliers jusqu’à l’âge de dix-huit ans ; elles ne deviennent complètement libres qu’à partir de ce moment. Nous devons les instruire jusqu’à douze ans. -A quel âge les vendez-vous le mieux, docteur ? -De quinze à seize ans. -La firme fait-elle de bonnes affaires ? -Votre question est plutôt indiscrète, Monsieur Malfaict, mais je puis vous répondre affirmativement ; ce n’est pas étonnant, d’ailleurs, car nous ne nous occupons que d’une marchandise d’élite. Tout enfant normal est soigneusement examiné  à la naissance et tout ce qui est jugé être de seconde qualité va directement aux fours crématoires. Les bons produits, par contre, sont soignés méticuleusement et bien enseignés. La demande surpasse toujours l’offre. -Alors, vous n’avez que peu ou pas de réserves, docteur ? -Non, il y a chaque année un petit restant que nous exploitons nous-mêmes ; les lois de l’Union nous autorisent à en disposer jusqu’à l’âge de dix-huit ans ; après leur seizième année, il n’y a plus aucun moyen d’en obtenir de hauts prix".
      Il est étonnant, dans un tel monde, que la viande de boucherie d'origine humaine ne soit pas encore disponible sur les étals! Tout le monde profite donc au maximum de la vie (femmes, sexe, cigares, nourritures fines, etc.) Pourtant, ce monde semble condamné. Elie le Thesbite réapparaît en plusieurs lieues pour annoncer la venue du Christ selon les canons définis par l'Apocalypse de Jean. Assur - en réalité Satan- jubile en attendant le jour où il règnera définitivement sur la Terre. Il est convaincu, à juste titre d'ailleurs, que la totalité de l'humanité lui appartiendra. Son unique enjeu est d'arriver à convaincre le libre-penseur Malfaict et le gagner à sa cause. Jean deviendra ainsi, à son corps défendant, le dernier homme libre et celui qui, par sa décision, rédimera ses frères humains.
      En attendant, dans les fermes d'Etat, naissent des monstres. Les tremblements de terre, de plus en plus forts, de plus en plus fréquents, rythment le jour des festivités lorsqu'un rassemblement inouï de personnes à la gloire de Satan défilent devant les yeux de Malfaict:
      "Trente chevaux noirs ailés étaient attelés devant un char en or de dimensions gigantesques. Leurs pieds ne touchaient pas le sol, mais se mouvaient fièrement quelques mètres au-dessus du pavement ; leurs ailes, larges et fortes, battaient en cadence ; leurs bouches et leurs narines exhalaient du feu ; les roues tournaient également au-dessus du sol ; la grande masse glissait sur l’air. Le char était en forme d’un escalier, haut de cinquante mètres, dont les marches étaient en or et en pierres précieuses ; de magnifiques anges d’enfer étaient agenouillés sur les marches, la tête inclinée en adoration, les mains jointes ; sur leur svelte dos rose pendaient leurs ailes noires repliées; au-dessus de l’escalier se dressait une lourde T dont les poutres étaient en métal précieux…contre l’étendard de l’enfer s’appuyait Nathanaiël Assur, grandiose et triomphant ! -Salut à la Thau ! Gloire à la Thau !
      C’était le cri triomphal des millions d’hommes devant lesquels le char défilait. Jean et Dolorès regardaient le cortège par une fenêtre ouverte de l’hôtel Universo"
      En effet, Assur a réussi à convaincre les hommes, par la voie des médias et sa propre force de persuasion spirituelle, qu'il s'engagerait à côté de l'humanité pour combattre le Dieu si injuste qui a décidé de leur mort. Son succès est immense et le signe rouge de la Thau brille sur tous les fronts, comme le sera dans le futur au bras l'emblème nazi de la Svastika. Déjà, Jérusalem n'est plus. A sa place, à l'endroit exact de l'ancien Golgotha, s'est élevé un gigantesque volcan:
      "Une terrible secousse fit trembler la colonne ardente ; pendant quelques minutes elles flamboya avec une nouvelle ardeur et puis s’éteignit brusquement sous un hurlement infernal. Plus blanche que la neige apparut alors la Colline des Crânes, baignée par la lumière d’un soleil invisible, près de laquelle la lumière solaire de la terre n’était qu’une ombre ; brillants et étincelants se trouvaient là, contre les flancs de la colline, des milliers de squelettes ; sur le sommet, une croix qui jeta des rayons aveuglants et qui scintilla comme le diamant…puis, la Colline se détacha de la terre, de la terre maternelle brûlée et monta tout droit vers le ciel où elle disparut comme une comète lumineuse dans les hauteurs incommensurables de l’Espace. A l’endroit où se dressa autrefois le Golgotha, il ne restait plus que le triste plancher vide et noir de la terre brûlée."
      Malfaict, accompagné par Dolorès, gagnée  à la grâce divine et sûre de la venue de l'apocalypse, se rend sur les lieux. Il contemplera comme témoin final l'immense armée des morts qui se succèdent devant la Jérusalem céleste. Assur apparaît maintenant dans toute sa gloire et triomphe. Il pense dominer le Temps, le Monde, la Mort, le Mouvement et surtout Dieu. mais Malfaict, le dernier homme, gagné enfin à la vérité spirituelle, les yeux dessillés,  mettra sa confiance dans le Christ juste avant que la terre ne disparaisse dans le chaos final:
      "Jean Malfaict et la Mort moururent dans les bras l’un de l’autre. Les mondes entrèrent en collision dans l’Espace ; la terre se crevassa, vola en éclats, qui, incandescents, se heurtèrent contre d’autres mondes… Tout brûla, bouillonna, trépida, hurla et tonna un instant dans l’espace et il ne resta plus rien des soixante-dix centaines de fois les soixante-dix centaines de milliers de mondes ! Le Mouvement fut écrasé dans le dernier heurt des mondes et le temps se mourut dans l’Eternité. Le vain néant plana de nouveau dans l’Espace… et dans le Néant retentit le son des trompettes des anges qui nous appelleront vous et moi à comparaître au dernier jugement."
      Avec Les Derniers jours de la Terre de Jef Scheirs on est devant une oeuvre troublante. Incontestablement une oeuvre eschatologique, un brûlot stigmatisant les incroyants, une oeuvre d'édification morale mais aussi un roman de science-fiction. la description de cette société utopique et matérialiste est extraordinaire de vérité du même niveau que peut l'être le "Meilleur des mondes" de Huxley. L'intrigue, qui se déroule le plus souvent sous la forme de dialogues, met en présence deux personnages hors du commun, Assur et Malfaict. Le personnage du "Maudit" se situe bien dans la vision d'un catholicisme début de siècle qui associait le satanisme aux Juifs et à la franc-maçonnerie (Léo Taxil n'est pas loin). Les interventions constantes des prophètes, parfois lourdes, sont heureusement rachetées par la destruction jubilatoire d'une Terre condamnée. Au final, nous sommes devant une oeuvre rarissime et curieuse qui, malgré son atmosphère symboliste et spiritualiste, méritait de figurer dans notre bibliographie.

    5. Type: livre Thème: archéologie du futur Auteur: Pierre DE NOLHAC Parution: 1932
      J.H. Smithson, un archéologue américain, est en visite en Europe et s’émerveille de tous les monuments laissés à l’abandon. Alors que les Etats-Unis d’Amérique sont tournés vers la contemplation spirituelle et la vie culturelle, les Etats-Unis d’Europe, en ce siècle futur, enfoncés dans le pire des matérialismes, ne jurent que par l’Economique et l’Industriel, laissant sombrer dans l’ignorance les lieux magnifiques des époques passées, comme les jardins du château de Versailles :
      « Je marchais dans les allées dont le tracé se conservait à peine parmi les herbes folles. Des rejetons poussés au hasard obstruaient le chemin. Une prairie sauvage recouvrait ce qui avait dû être du gazon. Des degrés, des bassins, des colonnades s’écroulaient sous les futaies, et laissaient deviner un plan d’ensemble qui les avait distribués. »
      Une vision de l’Europe et de l’Amérique qui semble avoir du mal à se concrétiser.



    6. Type: livre Thème: menaces idéologiques Auteur: Jules PERRIN Parution: 1926
      Jean Sibiril écrivain de théâtre réputé, voue un amour inconditionnel à Dinah Magis, son actrice préférée. Pour elle, il a l’intention de créer une nouvelle pièce portant sur l’influence grandissante qu’exerce l’Orient sur l’Occident en mettant en scène la secte des Assassins qu’il imagine toujours active sous l’égide du Vieux de la Montagne, poursuivant son influence néfaste et occulte dans l’Europe contemporaine.  Un cheik arabe du nom de Mohamed-Aziz-Bey, jeune homme de grande culture et immensément riche, ancien condisciple d’université de Sibiril, renoue des liens avec son ancien ami et, par la même occasion, avec Dinah. Hautement intéressé par le projet de l’écrivain, il se tient à disposition du couple pour les faire profiter à la fois de ses largesses et de sa connaissance du sujet. Incidemment, Sibiril suppose qu’Aziz se sert du prétexte de la pièce pour courtiser la jeune femme, ce qu’elle dément.
      De fil en aiguille, Aziz, toujours charmeur et dévoué, les invite à passer quelques jours de vacances dans sa résidence au Maroc où ils pourront mieux s’imprégner de leur sujet. Il peut même faire rencontrer à Sibiril le seigneur Ahmet-Ben-Hassan, l’actuel chef de la secte des Ismaëlites, improprement appelée " Assassins " et mieux connue sous le nom de " Haschichins ".  Cette secte, érigée en société secrète, existerait donc encore.  A la faveur d’un somptueux repas agrémenté d’une douceur au haschich, Sibiril est enlevé et se retrouve prisonnier dans une chambre rustique en plein cœur de la montagne marocaine. Toutes les attentions d’Aziz n’étaient que des leurres.  Alerté par les idées de l’écrivain qui, par hasard, semblait avoir vu juste sur les intentions de la secte, Aziz, affidé de celle-ci,  a pensé, plutôt que d’éliminer son ami, de le faire adhérer à ses convictions.  Toujours active depuis plus de mille ans, la secte, en secret, pousse à la subversion dans l’ensemble des sociétés occidentales. Véritable franc-maçonnerie à caractère initiatique, par le meurtre, le chantage ou la conviction, elle se trouve à l’arrière-plan de toutes les révolutions, y compris la bolchevique, de toutes les guerres, de toutes les agitations qui sont bonnes pour déstabiliser l’Occident. Son but ultime est l’anarchie, la destruction de tout pouvoir organisé, le retour de la barbarie :
      " -En vérité, murmura-t-il, je n’imaginais pas que vos tendances fussent si uniquement destructives et je pensais qu’il s’agissait seulement de substitution. Dans la théorie communiste, les masses populaires qui s’estiment esclaves du capital, veulent imposer leur dictature,prendre possession de la richesse commune et l’exploiter au bénéfice commun, selon les capacités et les ressources de la production moderne. (…)
      D’une voix calmée Aziz répondit : -Que la masse, pour l’instant, l’estime ainsi, soit. La masse ne doit connaître qu’à l’heure voulue le secret profond de la doctrine (…) car, soyez-en certain, mon cher maître, bolchevisme, communisme, dictature du peuple, ce ne sont là que des étapes nécessaires que nous aidons à préparer, tout en sapant les vieilles assises sociales sur lesquelles repose l’édifice vermoulu de cette civilisation qui vous semble encore si belle mais dont vous connaissez bien les lézardes et la précaire puissance. "
      Aziz persuade son ami d’entrer dans la secte ou de mourir. Sibiril cède, à contrecoeur.  L’Arabe lui fait accomplir les étapes initiatiques nécessaires pour être reconnu par le Vieux de la Montagne, appelé encore Kourkia, un vieillard fanatique et dangereux. Sibiril doit abandonner toute idée d’écrire sa pièce et, en l’espace d’un an, se transforme en membre actif et inconditionnel de la secte. Le dramaturge retourne dans la villa de Gézirah chez Aziz. C’est là qu’il apprend l’atroce vérité : Dinah est morte, tuée par une dose trop forte de haschich ou intentionnellement, qui sait ?
      Revenant à Paris où il se traîne, n’étant plus que l’ombre  de lui-même, Sibiril songe à se venger. S’abstenant de toute vie sociale, il passera sa dernière année à rendre compte du danger qui menace l’Occident avant d’être lui-même assassiné :
      " En sommes-nous là ? Le flot qui submergea Babylone et Alexandrie, les barbares qui vinrent déferler sur le monde romain pour l’engloutir, le transformer, allons-nous les voir revenir sortir de cette traditionnelle forteresse, de ce rocher où je sais qu’ils rêvent et d’où leur influence agit magnétiquement sur le monde depuis des siècles, au plus profond de cet Orient demeuré fidèle aux premiers errements humains, en révolte contre notre ardente civilisation et toujours prêt à la détruire ? "
      Un ouvrage intimiste écrit dans un registre de langue soutenu où l’amour entre les deux personnages principaux occupe une place importante. La thèse du complot occulte, de la menace idéologique rampante, par lesquels l’Occident risque de retourner à la barbarie, forme le soubassement d’une oeuvre qui trahit les préoccupations communes de plus d’un écrivain de l’entre-deux guerres

    7. Type: livre Thème: guerres futures 1 Auteur: Gardner DOZOIS Parution: 1971
      Un vieux soldat au rebut raconte sa vie passée à un jeune homme. Il lui explique son vécu quotidien au sein des affrontements dans une guerre future. En l’occurrence, celle des « Questeurs » contre « le Combinat » sur « Monde » , guerre durant laquelle les armes les plus sophistiquées auront été employées. Le Combinat, couvrant la moitié de Monde, représente une forme de dictature qui réduit les hommes en esclavage, développe des usines à clones et cultive, pour donner de l’impulsion à ses centres-moteur, les « Nulls », des humains dégénérés réduits à une seule fonction. Les Questeurs, au sein desquels s’est engagé le narrateur, ont déclaré la guerre à mort au Combinat. Celle-ci se cristallise autour de la ville de D’Kotta, dans les monts Dominicain où, par l’utilisation d’une machine habituellement employée à terraformer les planètes, les ville, les collines environnantes, la plaine, les soldats seront réduits en un magma gluant.
      Notre observateur échappe à la mort par miracle. Mais c’est pour mieux participer à la suite de la guerre comme membre d’un commando. La sophistication extrême des armes, rayons ardents, boucliers magnétiques, détecteurs holographiques, etc. ont fait jusqu’à faire oublier la rustique mais bonne efficacité d’une balle de fusil. C’est pourquoi, pour réussir dans leur entreprise de détruire un « orbot », un immense vaisseau renfermant une armée de clones en devenir,  Heynith, Goth, Ren et lui-même, tous membres du même commando, se retrouvent en faction sur une hauteur avoisinante, guettant l’atterrissage de l’engin. Utilisant le couteau et le fusil pour tuer, la bicyclette pour se déplacer, ils sont indétectables de par leur archaïsme. Machines à faire mourir, sans état d’âme, ils trempent dans le sang. Cette nuit de veille est la plus longue de l’existence du narrateur. Il se demande comment il a pu en arriver là :
      « Je voyais l’araignée carbonisée qu’était D’kotta, couchée sur le dos et exposant l’obscénité de son ventre souilllé ; je la voyais lancer contre le ciel ses pattes de feu où s’ouvraient des cloques vénéneuses qui venaient empoisonner les nuages. Je voyais le jeune soldat ruisselant de sang, qui battait ses talons contre le sol. Je commençais à avoir des doutes sur les grandes idées et l’innocence du monde. »
      Lorsque Heynith lui ordonne d’éliminer au couteau un Null, un déchet de la bataille de D’Kotta arrivé là par hasard, une révolution incroyable s’accomplit dans son cerveau de soldat. Avec l’immédiateté de l’évidence, il découvre le sens du mot « humain » et, au lieu d’achever le pauvre être, il l’épargne, épargnant dans ce geste sa propre vie, puisqu’en retour celui-ci le protège de l’explosion de l’orbot arrivé enfin sur les lieux :
      « Si j’en ai réchappé, c’est parce que le null est resté debout à côté de moi tout le temps où le soleil était haut et brûlait les rochers, et son ombre m’a servi de bouclier contre les rayons mortels. Je ne dis pas qu’il ait consciemment agi de la sorte, qu’il m’ait délibérément protégé (quoique, va savoir) mais je lui avais donné la seule chaleur qu’il eût jamais connue dans un cauchemar interminable de souffrances et il est resté à mes côtés alors que rien ne le retenait de s’enfuir –Et le résultat est le même. Point n’est besoin d’intelligence et de mots pour répondre à l’empathie, le contact, les doigts suffisent à communiquer –tu le saurais si tu avais déjà eu un chat ou si tu avais été amoureux.(…) Quand l’équipe de secours est arrivée, ils ont tiré sur le null, croyant qu’il essayait de m’agresser. Comme disait l’autre : et les Justes seront récompensés. »
      Seul rescapé de cet enfer, le narrateur s’en tire avec une prothèse en guise de jambe, réduit à mendier pour survivre hors de l’armée.
      Une nouvelle qui fouille les états d’âme et les motivations du soldat, les conditions inhumaines sur un champ de bataille dont la modernité est un leurre. Sophistiquée ou non, la guerre passe par la mort de l’individu, seule et indépassable réalité.

    8. Type: livre Thème: l’entropie progresse…, la nouvelle glaciation Auteur: Charles de l'ANDELYN Parution: 1931
      Depuis longtemps, la terre est à l'agonie. Le soleil éclaire moins, chauffe moins, les glaces se sont répandues jusqu'à l'équateur ne laissant de libre qu'une étroite bande de terre centrée autour de ce qui fut  jadis le fleuve Congo. Le paysage tropical a disparu, remplacé par des pins enneigés dans un univers plat et glacé. Dans ce dernier endroit survit le dernier groupe humain de la tribu du "Rayon Ardent", une trentaine de d'hommes, de femmes et d'enfants qui, la plupart du temps, s'abritent au fond d'une grotte. Dirigés par Homb, l'ancêtre, les hommes ont une activité réduite qui consiste à se pourvoir en nourriture par la pêche , en cassant la glace du fleuve- et à rechercher du bois pour entretenir le feu. Ces derniers hommes, bien qu'ils apparaissent aussi démunis que les premiers, gardent néanmoins la mémoire de ce qu'ils furent jadis. Le soir, lorsqu'ils se serrent les uns contre les autres, Homb évoque le brillant destin humain. Il leur raconte comment l'homme s'est élevé au sommet de l'évolution, comment il a fait régner la paix, a gagné les planètes environnantes, a instauré un gouvernement unique, a pratiqué l'eugénisme pour ne garder que les meilleurs de l'espèce:
      "Maître de la Terre, l'homme songea à l'espace. La Lune, ce satellite mort éclairant la glace de nos nuits, fut le premier objet de ses désirs. Exécutant enfin les pensées folles des aïeux, il réussit à vaincre la force de l'attraction comme il avait asservi les autres énergies, il quitta le sol terrestre, il franchit l'atmosphère, pénétra dans l'invisible éther, et, à mesure qu'il allait, il voyait, ô prodige, l'astre patrie s'effacer et blêmir dans le ciel noir, tandis que la Lune grandissante et dorée remplissait tout l'espace et lui révélait ses cratères sans flammes et ses océans sans feu; il put enfin fouler un sol vierge, contempler à la fois le Soleil et les étoiles et s'étonner d'un silence éternel."
      Longtemps l'être humain a dominé le monde. Il s'est aperçu que sur Mars ont existé jadis des êtres semblables à lui, et qui ont disparu. Il a su que sur Vénus, planète encore jeune et proche du soleil, l'évolution était à venir. Mais il a compris aussi que le soleil déclinait peu à peu, que cela affecterait toute vie sur la Terre en proie à un refroidissement généralisé et intense:
      "Alors le froid remporta son premier triomphe: les hivers polaires amassèrent la neige en montagnes, et la mer gela; le pouvoir humain vaincu dut céder, car ni les feux du Soleil, ni ceux de l'onde électrique ne parvenaient à réchauffer cet immense désert blanc; l'homme quitta les pôles; quand l'été revint, il en tenta la reconquête, mais les hivers se succédèrent si rapides et si cruels qu'il fallut perdre toute espérance; on abandonna pour toujours les cités superbes que la neige ensevelit, et les peuples exilés refluèrent vers des terres plus clémentes."
      La race humaine est peu à peu descendu de son piédestal et a involué vers davantage de primitivité. Les grandes et merveilleuses cités ont disparu. la technologie n'a plus été comprise, la guerre est réapparue, les sociétés ont fondu en nombre, l'espace vital s'est rétréci, le froid intense a tué la plupart des survivants. Aujourd'hui, dans cette grotte glacée, Homb est sans espoir. Il se bat avec ses compagnons pour une survie au jour le jour, se demandant notamment comment échapper à la grande tempête d'hiver:
      "La neige tombait toujours, inlassable et indifférente; le ciel était d'un blanc laiteux à l'orient, d'un blanc grisâtre à l'occident, et la terre, toute blanche, montrait d'énormes entassements de neige qu'on n'aurait pas soupçonné, si l'on n'avait vu les arbres s'enfoncer peu à peu dans ce linceul qui effleurait leurs premières branches et voulait s'élever toujours plus haut, et les sapins noirs et les bouleaux décharnés attendaient immobiles la mort qui montait. Et les hommes eurent une vision fugitive: ils se virent eux aussi debout dans la neige enveloppant leurs pieds, s'accumulant jusqu'à leurs genoux, escaladant leurs cuisses, entreprenant l'ascension de leur buste tout doucement, sans violence et sans heurt, mais sûre d'atteindre le cou qui se gonfle, la bouche qui crie, les narines qui s'élargissent désespérément et se referment remplies de flocons, les yeux grands ouverts dans le spasme de l'asphyxie."
      La tempête se déchaîne à son maximum au moment où manque le bois. L'équation est simple: il faut trouver de quoi se chauffer ou se résigner à mourir de suite. Homb envoie les guerriers les plus jeunes, en dépit du danger, hors de la grotte pour coupe les derniers sapins poussant au bord du fleuve. Ils ne reviendront jamais, gelés debout, enchâssés dans la neige. Au matin, lorsque la tempête s'apaise, il ne reste que sept survivants de l'ensemble de la tribu. Homb a succombé. Har, le plus volontaire, rappelle aux autres que jadis existait en aval du fleuve un autre groupe humain. Peut-être existe-t-il encore? Avec réticence, ils quittent leur caverne familiale, désormais une tombe où reposent les leurs. Progressant avec difficulté le long des rives glacées, ils se heurtent à un obstacle inattendu lorsqu'il leur faut joindre l'autre rive. Si le printemps débutant facilite leur progression, il fragilise également la glace. Seul Har atteint son but, en rampant sur la surfface gelée. Ses compagnons, trop pressés, se noient. Har se retrouve seul survivant, le dernier homme sur terre. Malgré tout, là où vivait l'autre tribu, au fond d'une caverne, il découvre Fléa, une jeune femme, dernière survivante et dernière femme. Elle deviendra sa compagne pour cet ultime printemps. Vivant intensément leur union, le couple goûte les derniers instants de la beauté du monde. Le bref dégel printanier leur permet de se nourrir et de se chauffer. Mais dès les premières chutes de neige, Fléa succombe au froid. Har, désespéré mais résolu,  attend la mort assis, solitaire,  en face d'un soleil couchant d'une beauté impitoyable:
      "Har regarda autour de lui. Le Soleil atteignait l'horizon. Alors la surface immense de la glace s'enflamma, et toute la mer parut rouge, comme un océan de rubis; le flamboiement se perdait dans l'infini et la neige rosissait, le ciel s'empourprait, toute la nature resplendissait d'une fantastique lueur rouge. Puis l'astre qu'aucun oeil humain ne verrait plus s'enfonça sous la glace qui pâlit, devint rose, blanche,comme le linceul de neige; le ciel aussi modifia ses couleurs, se vêtant de pourpre foncé et de violet éclatant, enfin de lilas et d'indigo. Alors Vénus flamboya à l'occident, et une à une les étoiles étincelèrent, Aldebaran, les flammes orangées de Bételgeuse et les scintillements de Sirius."
      La terre toute entière plonge dans la mort, gelée en profondeur, tout en poursuivant aveuglément sa course dans l'espace:
      "L'atmosphère se liquéfia, et de nouveaux océans d'oxygène, d'hydrogène et d'azote furent la robe bleue de la Terre, mais océans sans vie. (...) Et ces mers elles aussi se couvrirent d'une glace étrange et se solidifièrent jusqu'en leurs abysses, et la terre fut alors une sphère très dure à la surface transparente, un diamant roulant sur son orbite inchangée."
      "Les derniers jours du monde" de Charles de l'Andelyn est le jumeau littéraire de l'ouvrage de Poudeybat, les "derniers hommes" même trame narrative, même voyage vers la mort, même pessimisme. Le reste tient au style. Le récit de l'Andelyn est plus poétique, ses descriptions d'un univers transfiguré par la neige  (on sent l'influence des hivers alpestres) forment la texture substantielle du récit. L'idée même de la mort par extinction progressive du rayonnement solaire est largement tributaire des théories scientifiques du moment. L'on sait aujourd'hui que le Soleil, avant de s'éteindre, connaîtra des convulsions inouïes, projetant ses couches superficielles brûlantes dans l'espace, qui vaporiseront les planètes du système solaire, avant de plonger dans la nuit. L'ouvrage est rare, écrit avec un soin particulier,  montrant l'affection de cet auteur pour l'anticipation scientifique et dont ce volume n'est pas la seule incursion dans le domaine.

    9. Type: livre Thème: sociétés post-cataclysmiques 2 Auteur: Eve DERRIEN Parution: 2000
      Ils sont quatre. Quatre copains qui survivent à la fin du monde. Par suite d’un conflit généralisé, tout le monde est mort, ou presque:
      " L’odeur de cadavre était pourtant particulièrement commune à ce moment-là, omniprésente et parfois presque tangible. Les restes des villes puaient la mort, les routes défoncées étaient pavées de charognes, l’air était saturé du riche parfum de la chair en décomposition. Ca va bien mieux à présent que les vers, les chiens et les oiseaux ont fait leur petit travail de nettoyage, et on tombe plus souvent désormais sur une momie desséchée ou sur un squelette bien récuré que sur la spongieuse fermentation d’un cadavre relativement récent. "
      Les rares survivants s’organisent, subsistant seuls ou en petits groupe,  par la violence. Balki, Niko, Markus et Nic sont de ceux-là. S’entendant bien entre eux, n’ayant rien à reconstruire ni à prouver, ils avouent aimer cet état de liberté absolue où tout est disponible, où le temps se structure en fonction des fantasmes individuels. Ils voyagent en moto pour le plaisir et se débrouillent parfaitement en ce nouveau monde hostile. Apparaît Léo, une de leur ancienne amie, qui a survécu, elle aussi. Léo la mystérieuse a changé. Très vite, elle domine le groupe, le cimente en se donnant à chacun:
      " Peu à peu, ce partage équitable est devenu naturel. Léo y était pour beaucoup: c’est elle, et elle seule, qui veillait à préserver nos ego. De nous-mêmes - je parle de la section mâle de l’équipe - nous aurions plutôt eu tendance à l’exhibitionnisme primaire, mais Léo a imposé rapidement, et avec des moyens très discutables, du point de vue de l’éthique, un mode de vie en alternance.
      Il y avait deux Léo: celle qu’on pouvait caresser, et celle qui mordait. Je l’ai vue un jour se battre jusqu’au sang avec Niko - il était plus lourd qu’elle, mais elle était plus méchante - pour une allusion plutôt amusante à leurs ébats récents. "
      Ses compétences vont au-delà de la sexualité puisqu’elle s’affirme véritable chef de guerre lors de l’épisode des "cannibales ". Tombés dans un guet-apens tendu par un groupe d’individus qui se font un plaisir d’améliorer leur ordinaire grâce à la viande humaine:
      " Je n’entendais pas un mot de ce qu’il lui disait, mais je l’ai vu détacher les mains de Balki, pendant qu’un autre le maintenait. Tout en parlant, sans quitter Balki des yeux, il l’a forcé à tendre un bras vers lui, et a commencé à lui caresser la main, dépliant ses doigts un à un. Il a terminé sa phrase, s’est penché en avant, et a porté la main à sa bouche. J’ai cru qu’il l’embrassait. Le hurlement de Balki  m’a frappé comme un coup; j’ai vu le cannibale retirer de sa bouche le doigt arraché, le contempler en riant, et en ronger la chair. Un filet de sang coulait sur son menton. "
      Seuls Nic et Léo parviennent à leur échapper. Devant cet énorme danger, Léo organise une contre-attaque précise, meurtrière, techniquement sans défaut. Les cannibales seront systématiquement tués, leurs motos incendiées,  et les amis libérés. Cette action d’éclat leur fait découvrir une autre Léo qui leur était inconnue jusque là: impitoyable et meurtrière. Tous les quatre désirent connaître la manière dont Léo est arrivé à posséder cette maîtrise dans l’art de se battre.
      Après quelques atermoiements - car elle sait que jamais plus leurs relations ne seront pareilles à la suite de sa confession - Léo leur explique comment elle a réussi à survivre dans le groupe des " Chasseurs ", individus qui ont élevé la mise à mort au rang d’une esthétique en rejouant pour leur compte les " chasses du Comte Zaroff ". Elle avait survécu à la Chasse et de victime était passé au statut de " Chasseur émérite ":
      " En dehors de ses quelques membres d’origine, la meute était constituée de ses meilleures prises; elle s’était peu  à peu développée jusqu’à rassembler une trentaine de membres, jamais beaucoup plus, jamais beaucoup moins: une bonne chasse engendrait parfois la défection de quelques-uns des chasseurs pour cause de mort violente, mais la meute se reconstituait en intégrant l’élite de ses proies; il était rare en effet que cette proposition se voie opposer un refus.
      Bien entendu, la seule alternative à l’intégration était la mort, mais jamais personne n’avait tenté de quitter, par la suite, son nouveau clan. La traque accédait à la grandeur sanglante d’un rite initiatique: celui qui passait l’épreuve non seulement y prenait l’envie dévorante de la faire passer à son tour, de devenir chasseur après avoir été chassé, mais découvrait que ce rite de passage lui accordait ce droit, et ce plaisir, en toute justice. "
      Toujours liée aux autres par la passion du sang, elle participe à de nombreuses mises à mort avec un brio inégalable... jusqu’à ce que le groupe rencontre le " Solitaire ", un psychopathe qui se pique au jeu et décide de les éradiquer tous, les uns après les autres. Seule Léo, mue par un réflexe de survie, parviendra à trancher la gorge du " Solitaire ", trop sûr de sa victoire finale. Quelque mois plus tard, elle rencontrait le groupe de ses anciens amis...
      Gênés par ces révélations, les quatre garçons ont du mal à comprendre le fond de perversité qui réside en Léo. Elle, pour leur éviter des angoisses inutiles, disparaît de leur vie. C’est l’effondrement psychologique du groupe qui passe un temps infini à la rechercher. Ils y arriveront, au bout d’un long  voyage en bord de mer.
      Ils retrouvent une Léo, nouvelle figure charismatique d’un nouveau clan. Ils réussissent même à s’intégrer à ce nouveau groupe mais jamais plus ils ne retrouveront la complicité qui les unissait à elle. Quant à l’avenir de l’espèce humaine, il n’y en aura pas puisque - sans raisons apparente - toutes les filles s’avèrent stériles:
      " Alors qu’il est bien entendu avec moi-même que je m’en fous, je ressens l’envie stupide, l’envie sans cause, sans rime et sans raison, d’écrire nos noms, juste pour moi, juste pour dire que j’aurais au moins fait ça. Nous étions le produit de millénaires d’antiques exodes, le fruit des hasards d’une histoire morte. Nous étions tous nés au même endroit, au bord de la même mer, et dans nos noms pourtant se rassemblaient des peuples. Ils finiront avec nous.  Car nous cinq, nous, Nicolas Solovki, Pascal Balcchi, Marc Hauser, Eléonore Cohen et moi, Jean-Christophe de Kerveden, dernier de ma race, nous mourrons un jour, et il n’y aura pas de suite à notre histoire. "
      Un récit à la première personne (C’est Nic le narrateur) relatant une " tranche de vie " de l’après-guerre totale. L’analyse psychologique fine des personnages compte bien plus que les explications sociologiques et que le décor. La brièveté de la durée (l’action se passe en quelques mois), l’intensité des sentiments de " l’Homo Gestalt " que représente le groupe avec comme clef de voûte la fascinante Léo permet au lecteur de négliger les stéréotypes du genre. La charge explosive des images et des situations est constamment désamorcée par un style distancié et plein d’humour qui rend ce bref roman non seulement agréable à lire mais donne aussi du souffle à un genre aujourd’hui sans surprise


    10. Type: livre Thème: péril jaune et guerre des races Auteur: Captain W.E. JOHNS Parution: 1949
      Biggles, Dikpa, Algy et le jeune Ginger seront impliqués dans une étrange aventure. Poursuivis par un "rayon bleu paralysant" et des "hommes invisibles" qui menacent de les tuer, ils retrouvent l’origine du péril au Tibet  où se dresse une "montagne de lumière." L’as de la R.A.F embarque aussitôt avec son équipe : direction l’Himalaya ! Arrivés sur place, après un atterrissage périlleux, ils constatent une activité technologique importante sur un haut plateau. De menaçantes tours crépitantes de lumière, desservies par de petits hommes jaunes, les "Chungs", sont à l’origine des rayons bleus :
      "Révolver en main, il s’avança lentement de ce côté-là et finit par tomber sur une scène qui le stupéfia, tant il était loin de la prévoir. A une quarantaine de pieds plus bas, sur une superficie d’un acre environ, s’étendait la station génératrice la plus grande qu’il ait jamais vue. Une sorte de dynamo était en marche et dans un réceptacle en forme de cloche au-dessus, un certain nombre de Chungs nus jetaient des petits morceaux de métal porté au rouge, semblait-il. Ils les cassaient avec un marteau d’une pile de rochers qui se trouvaient là et étaient apportés par d’autres Chungs. Ceux-ci travaillaient dans une galerie presque au même niveau que Biggles. Au-delà de la dynamo, dont ils étaient séparés par une grande grille métallique, se trouvaient des rangées d’énormes accumulateurs, de verre jaune. "
      Le rêve immémorial de ces Chinois est, d’après Mc. Allister un malheureux savant écossais délivré fort à propos, la conquête du monde occidental :
      " Oui ! déclara Mc Allister. Voici des années que je vis avec eux, aussi je le sais bien. S’ils ne détruisent pas complètement le monde civilisé, ils tueront des milliers de personnes en Chine et aux Indes, à essayer de le faire. Et ils provoqueront un tel bouleversement qu’il faudra un demi-siècle pour s’en remettre. Ils liquideront l’Inde pour commencer. Ils sont habitués aux hautes altitudes et l’Himalaya ne les arrêtera pas davantage qu’une barrière de deux pieds de haut n’arrêterait un cerf aux abois. "
      Au cours des temps, ils auraient accumulé une puissance formidable en ces vallées isolées, comme le rayon bleu, qui d’abord paralyse puis tue, sauf si l’on s’en protège avec un vernis spécial. Le pouvoir d’invisibilité ensuite, qui leur a déjà permis à plus d’une reprise de se glisser auprès de nos amis. Le matériau qui rend tout cela possible est le radium dont est constituée la montagne de lumière. Avec de nouvelles propriétés et pris à doses infinitésimales, ce radium serait aussi capable de guérir. C’est pourquoi Biggles désire en rapporter un échantillon en Angleterre afin de soulager les malades des hôpitaux. Mais devant la menace que représentent les Chungs, le petit groupe décide d’éliminer le péril qu’encoure l’humanité. D’ailleurs Les Chungs alimentent leur animosité en leur envoyant une armée de scolopendres géantes et carnivores ou en s’attaquant à leur avion-amphibie.
      Des combats furieux les opposeront aux Blancs et c’est grâce à Ginger de garde à ce moment-là,  que le groupe réussira à s’envoler pour évaluer de haut la situation. Biggles  se rend alors compte  du point   faible des Chungs , soit un immense rocher en déséquilibre au-dessus d’un lac, qu’il fera sauter. Les eaux brusquement libérées noieront la vallée, les Jaunes, et leurs inventions diaboliques. De retour en Inde, dernière escale avant l’Angleterre, Biggles convaincra ses chefs de sa bonne foi en leur remettant un précieux échantillon de radium arraché à la montagne de la lumière. Enfin, la protestation officielle du président chinois au sujet d’une incursion anglaise intolérable au Tibet  prouva au monde entier la culpabilité de la Chine dans son projet de domination mondiale.
      "Biggles au Tibet" est un livre d’aventure pour adolescents dont la série eut un succès prodigieux. Voguant sur la peur du péril jaune, il décrit une époque heureuse où l’on pouvait encore mettre en poche du radium sans précautions particulières. Le récit cependant, quasi-entièrement consacré aux scènes de combats, reste confus et dans son déroulement et dans la description des décors.

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