Sur l'auteur :
Préambule :
Omegar ou le dernier homme, proso-
1 ère parution : 1853
le dernier homme – l’apocalypse réalisée
Synopsis :
C’est à Cousin de Grainville qu’Elise Gagne a emprunté le personnage d’Omégar, dernier homme sur terre.
Les péripéties du premier « Omégar » se déployaient dans un environnement que l’on peut considérer comme rationnel, avec une intrigue crédible, malgré l’emphase et la boursouflure du style.
Ici, au contraire, le personnage sert de support à l’apologétique. Tout entier dévolu à sa mission, soit la défense et l’illustration de la foi chrétienne, il montre la voie de l’excellence par la pratique de la dévotion et de la vertu. Car ce qui attend le méchant, c’est la fin du monde.
L’œuvre, qui n’est pas un roman mais « une proso-
L’Unitéide est un personnage féminin, l’Eglise incarnée sur terre, missionnée par Jésus lui-
« L’Unitéide, Eliavas, était, je vous l’ai déjà dit, la personnification vivante de l’Eglise de Jesus-
Le deuxième pilier sur lequel s’appuie l’ouvrage d’Elise Gagne est l’apocalypse de Jean et ses sombres visions. Omégar sera entouré d’une pléiade de personnages représentatifs et symboliques, ou du mal, ou du bien.
Théolinde, l’épouse d’Omégar, est une sainte femme, lui ayant donné deux enfants, Romualt et Nésilda. Les domestiques fidèles font partie de la famille depuis le début : Omégar peut compter sur Babolein et Fabiane pour traquer le démon sous ses divers déguisements.
L’Unitéide, déjà citée, est une figure extraordinaire avec laquelle Omégar s’entretient à plusieurs reprises et qui l’aide dans sa mission. Eliavas, évêque de Provence et directeur de conscience d’Omégar, est aussi son ami. Il lui donne la réplique et l’aide à découvrir son moi profond. Adam, le premier homme est le mentor d’Omégar, Rosaniel, un ange(!), amoureux de Nésilda. Enfin Satan, le tentateur, apparaîtra sous diverses formes, notamment lors du jugement final où seront aussi convoqués tous les saints et les archanges, ainsi que la Sainte Trinité, les rois de France, etc., etc.
Une quantité non moins grande de personnages porteurs de tares sociales ou anti-
Ceux que Dieu vomit, bien sûr :
« Au courroux tout-
Seule, la noble France a longtemps résisté ;
Mais, se courbant enfin sous l’horrible tempête,
D’un crêpe funéraire elle a voilé sa tête.
Par vingt fléaux divers Hercule terrassé,
Du livre des vivants son peuple est effacé ;
Une trombe de feu s’est ouverte autour d’elle
Et forme un noir volcan d’où la lave ruisselle…
Maintenant sur les bords de ce volcan qui bout,
Une seule famille est encore debout !
Par le glaive divin jusqu’alors épargnée,
Elle attend son arrêt, pieuse et résignée…
Cette noble famille a pour chef Omégar. »
Omégar, qui est enfin arrivé au bout de sa longue route, a connu un destin extraordinaire voulu par Dieu afin qu’il puisse par sa vie, racheter à travers ses souffrances, les péchés des derniers humains. A l’instar du Juif errant, il traverse les millénaires. Très vieux, mais d’apparence mûre, il a connu bien des hommes et fait bien des sottises narrées sans complaisance par l’auteur, mais il n’a jamais perdu de vue sa mission, épaulé par Adam, et malgré les nombreuses tentations à son encontre permises par Dieu à Satan.
Il a vu mourir avant lui –ce qui est logique puisqu’il est le «Dernier Homme »-
« Les villes, veuves des nombreux habitants qui les peuplaient, ne sont plus que des déserts sillonnés de cendres et de débris ; les plaines et les vallées ressemblent à des ravins profonds qu’une pluie sulfureuse aurait creusés ; le vent impétueux de la colère divine a tout balayé, tout anéanti, depuis le grand chêne jusqu’à l’humble violette, depuis l’aigle superbe jusqu’au timide moucheron. »
Dieu est irrité par ce siècle menteur et pervers, par les immondices que charrient quantité de littérateurs pervers, principaux responsables du mal ambiant, boucs émissaires d’Elise qui les envoient dans les feux de l’enfer :
« Entraînés sur la pente funeste de l’incrédulité, séduits par les dangereux sophismes de cette horde coupable d’écrivains dont les aïeux remontent surtout au XVIIIème et XIXème siècle, ils ont méprisé tous les signes qui leur annonçaient, d’une manière bien évidente pourtant que le triomphe du mal touchait à sa fin ; ils ont redoublé de bravades et de folies, et quand l’heure de la punition a sonné, ils ont osé se plaindre de n’avoir pas été avertis. Les malheureux !
Comment étaient-
Nésilda annonce à son père qu’elle est amoureuse d’une colombe qui n’est autre que l’ange Rosaniel. Omégar attend des nouvelles de Romualt se trouvant à Paris, ou plutôt dans ce qui reste des ruines de la ville-
« A la place où jadis trônait le Panthéon,
Croissent en liberté l’ortie et le chardon,
Ton Louvre colossal, tes vieilles Tuileries,
Ton Luxembourg propice aux douces rêveries,
Ton grand arc de triomphe où le nom des guerriers
Flamboyait entouré d’un cadre de lauriers,
Ta Notre-
Tout cela n’est plus rien qu’un amas de poussière !... »
« Les lois ? on les méprise ! Les enseignements que les ministres de l’Evangile laissent tomber du haut des chaires sacrées ? on va les écouter comme un drame o un opéra nouveau, sans en être touché, sans y puiser un seul motif de réformer sa conduite !... Les liens de famille ne sont plus qu’une chaîne usée ; le mariage, une association mercantile; l’autorité paternelle a perdu toute sa puissance; la vieillesse, si respectée dans les premiers âges du monde, est devenue l’objet des plus cyniques railleries ! Prêché par des livres auprès desquels ceux des Balzac, des George Sand, Eugène Sue, des Frédéric Soulié étaient des traités de haute morale, l’adultère ne prend plus la peine de se cacher (…)
Le luxe surpasse toutes les extravagances, toutes les modes ruineuses qu’on lui reprochait si justement autrefois : grandes dames, artisannes, bourgeoises, paysannes même, c’est à qui inventera les costumes les plus bizarres, c’est à qui se livrera aux excentricités les plus monstrueuses pour attirer les regards ! En un mot, le monde n’est plus qu’une vaste succursale de Charenton, de la Roquette, de Saint-
Ainsi en est-
Durant le déplacement, le jeune couple perçoit le chœur des âmes de leurs compagnons défunts reçus malgré tout au paradis tant la mansuétude du Christ est grande; (Quoique Babylas…)
A la Rose d’Or, les événements ne s’arrangent pas vraiment, bien qu’Omégar a la certitude que c’est l’endroit du monde qui résistera le plus longtemps à la dégradation universelle, ce qui donnera le temps à Elise Gagne d’approfondir longuement le passé des principaux personnages. Elle ne nous cachera rien de l’amour éclos entre Romualt et Géréline, des soupçons que Géréline partage avec Nésilda, de la peine qu’elle a ressentie envers Gaëtan qui s’abandonna jadis à la débauche. L’arrivée de Satan déguisé en vieille femme, lequel espère attirer Géréline dans son piège, permettra au lecteur de souffler un peu, jusqu’à ce que Eliavas déjoue le complot.
Puis l’auteur se penche sur le passé d’Omégar. Celui-
Mais il ne s’arrête pas en si bon chemin. Son opinion (défavorable !) devant les grands mouvements littéraires de son époque, Romantisme surtout, l’instauration de la République, un voyage en Inde puis dans le monde entier, enfin un retour tardif en France, lui font préférer une installation en une retraite sûre qui deviendra « la Rose d’Or».
Entre temps de si profonds changements avaient affecté son pays qu’il demanda conseil à l’Unitéide. Il confia aussi à Eliavas l’histoire de ses égarements féminins ou comment il a pu être berné par la perfide Mme de Boisgonthier « une nouvelle Armide, un serpent venimeux », en espérant que Dieu lui pardonnerait ce faux-
« Le vent hurlait, la nuit d’un lugubre suaire
Recouvrait tous les points de ce vaste hémisphère,
On entendait au loin le bruit sourd des grands monts
Qui roulaient foudroyés dans les gouffres profonds,
Les arbres se tordaient sous l’orage en furie,
Les derniers animaux râlaient leur agonie,
Des blocs de feux, poussés par l’aquilon fougueux,
Tombaient en allumant l’incendie après eux,
La terre s’enfonçait par degré dans l’abîme,
Et l’avide Chaos attendait sa victime… »
Au ciel se prépare le Jugement Dernier, le dernier acte.
En concertation avec David et Isaïe, Saint Jean, la Sainte Vierge et bien d’autres, Jésus déplore la sévérité dont il va faire preuve mais, que voulez-
« Quand la famille humaine, en deux camps partagée,
Par l’arrêt sans appel tout entière est jugée,
Il (=Dieu) se recueille et fait un geste de la main,
Auxquels les morts-
A sa droite, et conduits par la paix et la grâce,
Sur des trônes d’éclairs les élus prennent place,
Tandis que précédés d’un groupe de démons
Aux pieds tors, à l’œil louche, aux impudiques fronts,
Les maudits, exhalant des plaintes sépulcrales,
Prennent le noir chemin des rives infernales.
La haine de son dard aiguillonne leurs pas,
Derrière eux les rochers croulent avec fracas ;
Comme un vaisseau géant, la terre ballottée
Sur les vagues de feu d’une mer agitée
Lutte avec l’ouragan, dont le choc furieux
Tout à tour la rapproche et l’éloigne des cieux »
Quoique l’ouvrage soit composé en un style soutenu, et bien que sa prose poétique ne nous émeut plus guère, malgré ses interminables digressions, romans dans le roman qui alourdissent l’intrigue – déjà bien lourde en soi – Elise Gagne possède certaines qualités de style, gâchées , hélas ! par sa monomanie anti-