Sur l'auteur :
Préambule :
le Continent maudit par Morgin -
1 ère parution : 1939
sociétés post-
Synopsis :
Jean et Wilfried avancent dans une plaine où l’on devine encore l’influence de l’homme. La France, et plus généralement l’Europe, se trouve à présent dépeuplée en étant retournée à l’état sauvage. Les nations se sont entretuées en se livrant une guerre à outrance.
Wilfrid, l’Allemand philosophe adepte de la " surhumanité " nitszchéenne, Jean, le Français, vieux et sage, représentent les seuls êtres vivants dans ce paysage hostile. Tout en pérégrinant, Wilfrid se rappelle un passé à jamais disparu :
" Je ne me plains pas, Jean, je te suis ! Que m’importe d’être là ou ailleurs, maintenant que les buts sont perdus et que les dieux sont morts ! Mais je te le dis : tu te prépares une atroce déception, une souffrance que tu pouvais éviter. Au spectacle que tu verras bientôt, quand nous atteindrons les lieux que tu cherches, tu sentiras avec plus d’âpreté que jamais, la ruine définitive de la vie civilisée et la misère sans espoir de l’avenir… "
Le paysage lunaire hérissé de fil de fer barbelé les incite à la prudence. Entrant dans un sous-
" Mais les ruines sont partout ! Mais l’Europe est vide d’habitants ! Tous ceux qui ont pu fuir, ont fui cette terre d’épouvante vouée à la malédiction ! Des émigrés, par millions, sont en Amérique ou au fond de l’Océan. Comme un gigantesque coup de rabot, la peste a passé sur les peuples derrière l’orgie des massacres ; la peste avec le choléra et toutes les hideurs épidémiques qu’on ne pouvait plus enrayer ni combattre. Même, l’horrible lèpre du moyen -
" Un salon, enseveli sous la poussière, mais dans le bon ordre des intérieurs rangés, s’ouvrait à droite. Une pendule, aux délicates sculptures d’albâtre, posée sur la cheminée, marquait une heure d’antan. Dans la glace ternie, tous les objets prenaient des formes vagues et fantomatiques. Des peintures montraient des sous-
Le lendemain, ils traquent la faune de la cité en ruine pour venger la mort de leur cheval. A plusieurs indices laissés par les pseudo-
" Leur déficience physique n’est complètement explicable que par l’influence d’une maladie que je n’identifie pas… Certes la promiscuité du milieu a facilité la contamination générale par l’assouvissement des désirs sexuels. S’agit-
Il leur explique les principes qui ont présidé à la mise en place de sa communauté, comment, à force d’énergie, il est parvenu à rassembler des hommes épars pour les remettre sur le chemin de la technologie. Son seul regret est de n’avoir eu autour de lui que des êtres frustes, incapables de comprendre la grandeur de ses idées. L’arrivée de Jean et de Wilfrid allait combler cette lacune. Peu à peu, les deux hommes se rendirent indispensables et il allait de soi que l’un bientôt s’unirait à Romula et l’autre à Rema. La recherche d’autres sociétés évoluées se poursuivait conjointement, à l’aide d’un récepteur radio sauvé du désastre, pour pouvoir enter en contact avec l’Amérique. Car les Américains, dès le début du conflit, avaient coupé les ponts avec l’Europe, le continent maudit, pour ne pas être entraîné dans sa chute. Les résultats de l’écoute furent décevants : de la musique de jazz, des futilités et des anecdotes leur parvinrent seuls aux oreilles :
" Les paroles étaient difficiles à comprendre : l’appareil déformait en nasillements la voix déjà nasillarde du yankee chanteur. Le Commandant inclina la tête vers l’embouchure du pavillon. Plus familier que ses compagnons de l’accentuation américaine, il traduisit par bribes et constata qu’il s’agissait d’une chanson nègre. -
Avec le temps, Jean devint un chef écouté et Wilfrid son adjoint indispensable lorsque , soudainement, un bateau à vapeur se profila le long des côtes bretonnes. Il s’agissait d’un navire commercial américain qui comptait exploiter les restes archéologiques européens. Haxton, le capitaine, et Butler le commercial qui l’accompagnait, eurent d’emblée un contact difficile avec les autochtones. Engoncés dans leur supériorité de gens aisés, ils prennent les indigènes bretons pour des sauvages primitifs et demeurés. Ils voyagent en compagnie de Dolorès, une pure perle des Antilles, épouse de Butler, (en dépit de ses conceptions racistes) qui fit grosse impression sur Wilfrid :
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Espérant amadouer les Européens avec de la bimbeloterie, les Américains déclenchent leur colère. Le choc culturel en se prolongeant souleva de nombreuses autres questions :
" La créole, bavarde et candide, se demandait comment les "gentlemen" pouvaient vivre ainsi, privés de tous les agréments de l’existence. Ils n’avaient pas d’appareils ménagers, pas d’eau courante, pas de magasins à vitrine, pas de cinémas. Dans les rues de la petite ville il manquait vraiment les silhouettes d’un tramway ! Comme il devait être triste de vivre dans un pays si arriéré et si inconfortable! "
Peu à peu l’objet de la quête des Américains se fait plus précis. Il s’agit de rapporter de là-
" Au pas lent des bœufs, la caravane avançait sur la grande route, confondue sous la montée des herbes avec l’étendue indécise et fauve de la brousse automnale. Si des fossés et, parfois, des rangées d’arbres, subsistant de chaque côté de la voie, n’avaient constitué un sûr repère, la colonne aurait plus d’une fois perdue sa route. Les bornes étaient sous l’herbe et, souvent, indéchiffrables. Au détour de la piste herbue, la troupe d’hommes, aux courts vêtements ajustés, aux gilets de peau de mouton et aux casaques de cuir, ces guerriers qui encadraient trois lourds chariots traînés par des couples de bœufs, rappelaient tout à coup un cortège de rois Mérovingiens, de ces rois fainéants, d’une même époque de misère et de régression, parcourant la voie romaine, ensevelie comme la civilisation du monde antique."
Poursuivis par des rôdeurs de brousse qui déclenchèrent une attaque, quelques Bretons y laissèrent leur vie.
Grâce à Wilfrid, l’expédition se tira du mauvais pas et parvint dans les ruines de la capitale. Dolorès, depuis un bon moment déjà, était devenue la maîtresse de Wilfrid sans que Butler ne s’en rendît compte. A Paris, le spectacle de la décrépitude et de la mort impressionne fortement les âmes naïves des Américains :
" La vision de la cité foudroyée troublait les civilisés. Ils avaient lu dans leurs journaux des récits retraçant le lugubre état des villes du continent, mais les descriptions d’imagination, bâties sur le témoignage d’Européens fugitifs ne pouvaient donner une idée de la tragique horreur d’une capitale en ruines. Ils pressentaient obscurément que leur sécurité, leur vie facile de chaque jour n’avaient peut-
Le lendemain commence la chasse aux trésors. La médiocrité culturelle des Américains ne leur permet pas de distinguer une œuvre d’art authentique d’entre les fausses, au grand mépris de Wilfrid :
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Les chars à bœufs, remplis à ras bord de pièces archéologiques, prirent le chemin du retour qui s’avéra être encore plus périlleux que l’aller. Des attaques en provenance d’isolés se succédèrent constamment affaiblissant drastiquement le petit groupe.
Butler reporta son irritation sur Wilfrid dont il commença à percevoir la complicité qui l’unissait à Dolorès. Arrivés aux abords du territoire breton, une catastrophe immense les attendit : la communauté qu’avait édifiée le Commandant n’existait plus ! Elle avait été totalement anéantie et rasée par des expéditions de pirates en provenance du sud, des Vendéens. Toute la cité, tous les êtres qui leur étaient cher, ainsi que le bateau américain, avaient disparu. Le petit groupe se désintégra à cette nouvelle. Les Bretons survivants en voulurent aux Américains de les avoir entraînés en cette aventure et ils s’entretuèrent avec vivacité. Butler fut tué de la main de Wilfrid. Au bout du rouleau, les derniers survivants se servirent des trésors archéologiques pour se réchauffer :
" Les matelots traînèrent les toiles empaquetées, les colis bourrés de paille, tout ce que Butler avait fait emballer, envelopper, avec une attention de collectionneur. Un premier paquet de peinture, que les jeunes barbares déplièrent pour qu’il prît feu avec plus de facilité, fut jeté dans le brasier. La flamme rouge lécha puis mordit la toile peinte qui s’embrasa et les personnages, visibles sur le fond sombre, animés soudain sous l’action du feu, semblèrent se tordre dans les flammes comme des damnés. (…) Les sauvages brutaux écrasaient sous leurs bottes les Tanagras délicates, chantaient et dansaient autour du feu de joie qui achevait de consumer la civilisation. Le feu éteint, ce serait la nuit profonde, la nuit des temps très anciens. "
Devenus agressifs envers Wilfrid à qui ils pensaient prendre Dolorès à leur tour, les derniers Bretons furent mis en fuite. Jean, Wilfrid et Dolorès restèrent seuls, dénués de tout et sans but. Jean s’étant absenté afin de pourvoir à la nourriture du groupe, Dolorès et Wilfrid se donnent la mort. C’en est trop pour Jean qui pense, lui aussi, à mourir :
" La neige le recouvrait déjà et ensevelissait son corps sous le contour indécis d’un linceul ! Il était si bien pourtant, si bien, plongé sans une quiétude heureuse et douce, dans un engourdissement sensuel qu’il n’avait jamais ressenti. Comme il avait été médecin, il comprit que c’était la mort qui venait. "
Roman intense et méconnu, le " Continent maudit " mérite une mention particulière dans le genre. Jamais puérile, l’intrigue se centre sur deux personnages principaux dont le contraste permet à l’auteur de dévoiler au lecteur ses idées fondamentales : pessimisme fondamental quant à la possibilité de survie de l’Europe (dans la réalité de l’immédiate avant-