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  • Les Cinq Sens

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    Fiche du livre :

    Type : livre

    Auteur : Joseph DELTEIL

    Parution : 1924

    Thème : épidémies


    Sur l'auteur :

    (1894-1978) Poète et écrivain français. Personnalité atypique dans le monde des Lettres, souvent fortement rejetée. Né en Provence, a vécu un certain temps à Paris (essentiellement dans des hôtels), faisant connaisance avec le monde littéraire, surtout le groupe des surréalistes . Vivra de sa seule plume avec quelque 36 ouvrages à son actif. Lassé de Paris (et de ses amis),  il s'installera à nouveau dans le Sud de la France.


    Préambule :

    Les Cinq Sens par Joseph Delteil, Bernard Grasset éd., 1924, 1 vol. broché, 272 pp. couverture muette.  roman d’expression française
    1ère  parution : 1924
    épidémies


    Synopsis :

    Partout dans les rues, durant les bals populaires, les gens écrasent sous leurs pieds de minuscules tubes, de provenance inconnue, contenant le germe de la peste :
    " Le 5 mai 1925, jour anniversaire de la mort de Napoléon, l’agent 584 ramassa sur la place Saint-Michel un tube de verre écarlate, portant une étiquette avec ces mots : Peste. "

    Les premiers morts apparaissent et l’épidémie se répand de manière foudroyante dans le monde :
    "Cependant, la peste se répandait à vue d’œil. Ces rassemblements d’espèces humaines dépourvues de phénol et de morale se révélèrent étonnamment enclins à la contamination. Il mourait à Bergen trois ou quatre mille personnes par jour. De tous âges et de tous sexes. Bientôt, ce nombre s’accrut. Il passa à 5.000, puis à 7.000. Il fallut mettre sur pied toute une organisation mortuaire. On mobilisa à l’usage des cadavres une Police Noire. On embaucha " pour la durée de la Peste plus 6 mois " toute une tribu de cafres, chargés de  l’inhumation, ou plutôt de l’immersion des défunts. "

    Les peuples bougent et se mobilisent car l’on dit que dans les pays froids le mal est moins important. C’est l’occasion pour l’auteur, en d’interminables énumérations spécifiant les qualités ethniques de chaque peuplade, de les montrer, s’embarquant, se bousculant, se tuant, toutes en fuite vers le nord de l’Europe pour s’établir d’abord à Bergen en Norvège puis à Tromsoë en Finlande :
    " Maintenant la Flotte Française longeait les côtes de la Norvège, cinglant vers le cap Nord. On croisait des cargos chargés d’Espagnols, des trirèmes pleines de Romains, des jonques, des gondoles, des monitors de Malte, des myriades de lougres et de cotres, des trois-mâts barques à foison. Il y avait des canots pleins de Cafres, des voiliers surchargés de Croates, des Tchéco-slovaques, d’Algériens, d’Afghans, de Chinois et de Canadiens. Des paquebots de la Cunard-Linie, de yachts de cuir jaune, des felouques de Constantinople voguaient bord à bord sur des eaux d’une verdeur scandinave. La grande voile latine, les quadruples cheminées à charbon, les tuyaux de dégagement de pétrole, pêle-mêle, emplissaient l’horizon nordique. Parfois, quelques cuirassés sans canons, le pont encombré de huttes de planches, passaient soufflant et crachant. Ou bien quelque tartane marseillaise, la sardine à la corne, et toute odorante d’échalotes. La terre entière avec toutes ses embarcations naviguait vers le Pôle Nord. "
    Parallèlement à ces déplacements de population qui forment pour ainsi dire le fond du décor, quelques personnages bien typés s’activent au premier plan : ce sont les héros découvreurs présumés d’un vaccin. La figure héroïque et le destin d’Eléonore, d’abord bergère gardeuse d’oie à Castelnaudary,  puis biologiste émérite, s’y détache en premier. De plus en plus appréciée par les populations qui s’efforcent de la protéger, elle recherche inlassablement un remède à la peste. Elle travaille dans le laboratoire du professeur Elie-Elie, un juif bon teint  secrètement amoureux d’elle. Peu à peu, il essaye de briser sa résistance mais elle ne s’en laisse pas compter. Pratiquant le noble art de la boxe, elle le met knock-out lors d’une mémorable séance devant aboutir au viol d’Eléonore.
    Chaque personnage, de son côté, cultive son jardin secret. Elie-Elie se sert de Mouche, une jeune turque pour assouvir ses besoins physiologiques. Eléonore apprécie énormément Gaspard, un jeune bellâtre qui s’attache à ses pas. Pendant ce temps, la peste poursuit ses ravages et pousse les peuples les uns contre les autres.
    Les Sénégalais, par exemple, forment une barrière de protection autour d’Eléonore alors que les Yankees, fraîchement débarqués, cherchent à l’enlever des mains du maire de Bergen avec lequel elle coule le parfait amour.
    Gaspard se rend à Londres où règne la désolation. L’Angleterre dévastée ne participera pas au concert des nations qui ont repris leur déplacement vers le pôle. Elie-Elie, toujours amoureux d’Eléonore, envoie Mouche dans les bras de Gaspard pour que  celui-ci lui laisse le champ libre auprès de sa dulcinée. Celle-ci corrige le tir et reprend Gaspard en mains. Alors Elie-Elie, par l’entremise de Mouche fait sauter l’abri dans lequel se trouvent Eléonore et Gaspard. Le couple meurt. Finalement, Elie-Elie est crucifié par une foule en délire qui le torture à la chinoise en lui enlevant progressivement les cinq sens :
    " Un roulement de tambour. ON VA DETRUIRE LES CINQ SENS ! L’Ouïe! Un Brandebourgeois couvert de brandebourgs, de couenne de porc et de médailles commémoratives s’approche d’Elie-Elie, lui marche sur les pieds, et lui coupe les deux oreilles. L’Odorat ! Un Napolitain au teint de homard, ayant fait trois génuflexions, lui taille le nez du fond du cœur, au son de la mandoline. Le Goût ! Un beau Russe à grands soupirs lui arrache toute la langue, au bout de ses longues mains abominables. La Vue ! Un Turc grassouillet et doux s’approche sur ses talons, et lui arrache les deux yeux. Le Toucher ! Une Japonaise ingénue, accroupie à hauteur de ses cuisses, tranche au rasoir les deux bulles d’amour. Et maintenant, devant Elie-Elie en lambeaux, le défilé du genre humain commence."

    Heureusement, avant de disparaître, Eléonore a réussi à découvrir le remède tant attendu. Les hommes seront sauvés!
    Le roman cataclysmique est ici prétexte à une débauche de mots, un univers-fiction où le monde évoqué rejoint Rabelais dans " l’Héneaurme ", dans l’indicible. Choc de mots, alliances de phrases, coq-à-l’âne, calembours, tropes, zeugmas, etc., les figures de style abondent sur plus de trois cents pages. Humour, contestation, xénophobie, ironie et racisme se partagent un récit inclassable mais indéniablement original.


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