Sur l'auteur :
(1916-
Préambule :
la Peur gigantesque de Monsieur Médiocre (Histoire folle) par Pierre Dudan, illustrations de Dubout, Livre Monte-
1 ère parution : 1947
le dernier homme
Synopsis :
Monsieur Médiocre alias Eugène Machin a une vie médiocre, très médiocre, vraiment médiocre :
" Machin ne pense pas. Machin mange, dort, rêve à l’amour, le fait médiocrement, mange encore, travaille, élimine ce qu’il peut, dort encore, travaille encore, et… recommence la ronde. Il ne s’est vraiment passionné que pour voir quelques " matches " de football qu’il est allé voir le dimanche après-
Un jour, Eugène Machin décide de passer une semaine de vacances à Fortville pour s’imprégner des joies et des plaisirs de la grande cité. Totalement désorienté, il se fait dévaliser dès l’entrée par Robert-
Pris dans une charge policière, il ne doit son salut qu’à l’intervention d’un jeune couple qui l’entraîne à l’abri, à l’intérieur d’une maison. Là, avec stupéfaction et écrasé de fatigue, Eugène Machin, écoute, tout en s’enivrant, le discours étonnant que lui tient Charles, le jeune homme. Celui-
Eugène machin ne comprend rien à ces paroles et s’endort à même le sol. En se réveillant, il constate que le couple a disparu et qu’il se retrouve tout seul à Fortville, déserté de ses habitants, et peut-
" Seule la résonance des voûtes répondait à l’appel d’Eugène. Il finit tout de même par se taire et reste immobile, figé par une peur qu’il ne peut plus mâter, par une peur durable aux racines profondes. La peur de ne plus pouvoir se sortir jamais de cette aventure. La peur de la solitude inexorable. La peur de l’ennui, de son propre ennui. Peur de s’ennuyer dans sa peau monotone, peur d’être écrasé par sa médiocrité. "
Son délire se renforce et comme Néron jadis, il envisage d’incendier la cité pour son unique plaisir:
" Il pénètre dans la cuisine d’un appartement modeste. Il y trouve d’abord des allumettes. Puis, une bouteille de pétrole. Il répand avec conscience le pétrole sur les rideaux, les tapis, les fauteuils. Il éparpille partout des journaux chiffonnés. Et… allume tranquillement le tout. Il n’a pas à attendre longtemps le résultat. Le feu, rapidement, encouragé par le pétrole, gagne du terrain à une vitesse qui effraie machin lui-
" Le bruit de ces pièces tombant et roulant sur la chaussée, aurait suffi à provoquer une bagarre sanglante (…) . (C’est curieux comme l’argent qui roule à terre est proche des coups et des blessures.) Mais là encore, le silence enregistre seul le bruit agaçant de cette chute des métaux inutiles. Oui, si les objets qui l’entourent, les uns après les autres, se foutent tranquillement de lui, Eugène Machin, à son tour, se fout paisiblement des objets. Il se fout du fric. Il s’en fout avec autant d’énergie qu’il l’avait accumulé auparavant à la Caisse d’Epargne de Bourg. Il comprend, malgré lui, la vanité de bien des choses. Il comprend de mieux en mieux. Il apprend à comprendre. "
Sa personnalité se modifie. Il n’est plus l’être médiocre d’avant. S’installant dans un chalet de montagne, il communiera avec la nature d’hiver qui l’enchante de ses flocons. Il se sent de plus en plus heureux, sensible, ouvert au monde. Il comprend enfin quelle est sa destinée sur la grande roue du karma, il accepte la mort qui le sanctifiera tandis que la terre, délivrée de l’homme, n’en revivra que plus intensément :
" La Terre, depuis ce jour, n’avait plus d’autre souci que de jouer aux quatre saisons, toute seule avec son rythme à elle. Sans personne pour la déranger. Plus la moindre trace de parasites humains ou animaux. Et lentement, les maisons se lézardèrent, furent envahies par des herbes folles, rampantes ou grimpantes, par des orties majestueuses. Tout, jusqu’aux plus monstrueux canyons, jusqu’aux plus invraisemblables gratte -
Des champignons géants poussaient entre les rails du métro. La moisissure gagnait les uniformes militaires. Les drapeaux se déchiquetaient lentement, faisant une salade ignoble de leurs couleurs. Les réserves alimentaires pourrissaient dans les caves et les garde-
" la Peur gigantesque de Monsieur Médiocre pourrait encore s’intituler " une voie vers l’Illumination " ou " une thérapie de la Sagesse ". Eugène Machin, à travers l’épreuve de la solitude totale – celle du dernier homme – vit un cheminement initiatique qui l’amène à comprendre que l’important dans la vie est d’être et non de posséder. Message transparent, apparaissant parfois en d’autres ouvrages cataclysmiques tels que " le Pont sur l’Abîme " ou " le Nuage Pourpre " .
Le récit est par endroits desservi par le dessin de Dubout qui, par son humour, se trouve être en décalage avec le sens symbolique du texte. Tel quel cependant, le roman vaut le détour, perle rare difficilement accessible quand on sait qu’il a été imprimé avec un tirage limité de 4000 exemplaires, en 1947, et jamais réédité par la suite.