Sur l'auteur :
(1848-
Préambule :
l’Ingénieur von Satanas par Albert Robida, la Renaissance du Livre éd., 1919, 1 vol. broché, in-
1 ère parution : 1919
guerres futures 2
Synopsis :
Deux prologues ouvrent le récit. Dans le premier, le diable, empruntant la personnalité du moine Schwartz, présente à l’abbé Gotlieb dans l’abbaye de Fribourg, sa dernière invention (diabolique) : la poudre à canon. Nous sommes en l’an 12…
Dans le deuxième, c’est l’ingénieur Von Satanas qui vient tenter les parlementaires de la paix réunis à La Haye. La science et le progrès allaient enfin établir la paix universelle, lorsque juste avant le banquet de clôture et après la signature du traité, comme l’on allait boire à l’amitié éternelle entre les peuples, les plans du nouveau moteur d’aéroplane et la composition chimique ou microbienne de nouveaux obus présentés par von Satanas séduisirent énormément. Cet ingénieur ressemblait étonnamment au moine Schwartz…
Au moment où s’ouvre le roman, le narrateur, Jacquemin, est en train de dériver sur un débris, entraîné par les courants, vers la côte hollandaise. Ayant fait partie de l’expédition Hutchinstone pour l’exploration du pôle Nord, en 1914, il était de retour en 1929 quand le bateau sur lequel il regagnait l’Europe, fit naufrage.
Il ne resta d’ailleurs pas longtemps seul sur son épave, rejoint par un autre survivant, le jeune et sympathique Marcel Blondeau, de retour d’une île du Pacifique, et qui lui aussi eut le malheur de sauter sur une mine. Unissant leurs efforts, ils s’interrogent sur l’origine de ces engins meurtriers responsables de leur malheur, sur l’absence de phares le long des côtes, sur la désertification des routes marines.
Alors que leurs vivres diminuent, ils accostent enfin sur une plage sablonneuse, truffés d’objets ressemblant à s’y méprendre à des bombes ayant fait long feu et parsemées de ruines, ce qui témoignerait d’une incontestable violence. Soudain ils furent abordés par une petite troupe de gens au visage couvert d’un masque à gaz qui les entraînèrent vers un abri souterrain. Sans qu’ils le sachent encore, l’on venait de leur sauver la vie. Bien que surpris par l’aspect grotesque et les habits en lambeaux de leurs sauveteurs, ils prirent le temps d’écouter le chef du groupe, un certain Danois, le Dr. Christiansen, leur indiquer la cause de leur affreuse situation :
" La gueuse de Science, l’horrible gueuse ! répète le Danois.
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Sans elle serions-
Ecrabouillements venant du ciel par avions… diffusions de maladies épidémiques par boîtes à miasmes, ou grenades à microbes de haute virulence…etc., etc., que sais-
" -
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L’abri souterrain où ils se terrent en attendant que se dissipent les "gaz boches" au-
" Au lieu de couper radicalement les griffes du monstre et de lui casser soigneusement les dents, on se contenta de les rogner légèrement, avec douceur et délicatesse… Faute capitale ! Funeste mansuétude, dont l’Univers tout entier subit aujourd’hui les conséquences effroyables !… L’Allemagne refaisait avec une hâte fébrile son matériel de guerre, le décuplait en le perfectionnant. "
Aujourd’hui vainqueurs mais réduits en nombre, ils en sont à leur dernière extrémité belliqueuse gardant jusqu’à la fin qui est sans doute proche, leur faculté de nuisance :
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Les seuls endroits sûrs qui permettent d’échapper aux bombes de toutes sortes sont les abris, les " terriers " qui ont vu naître une nouvelle civilisation préhistorique :
" Eh bien, est-
Les populations qui dans les premières années de la guerre générale ont échappé aux écrabouillements par explosifs, aux intoxications par les nappes de gaz, par les couvercles de vapeurs mortelles, aux infernales projections de flammes, d’acides ou de miasmes, se sont enfoncées dans le sol. On vit sous terre, on creuse la glèbe aussi profondément qu’on le peut, la bonne vieille terre nourricière de jadis, on fouille l’argile, la pierre ou le roc. "
L’Europe !… Rappelez-
" Au pilori, la science ! Certes, la guerre de tout temps fut quelque chose de triste et d’horrible, mais notre science est venue, et elle a centuplé…que dis-
Elle a tellement changé et aggravé les conditions des luttes de nations, si affreusement gâté la guerre, enlaidi, sali hideusement l’horreur, que les guerres d’autrefois ne semblent plus que de simples bousculades un peu vives , la bataille d’autrefois un geste d’héroïsme brutal…. "
Habillés avec des lambeaux de peaux, armés de massues ou d’arcs, mangeant des rats ou les lapins des dunes, n’enlevant leurs masque à gaz qu’à de rares occasions, les troglodytes s’obstinent à survivre malgré tout. Ils ont tous été dupés par l’Allemagne, par son sentimentalisme, par ses " Gretchen ", alors qu’elle ne songeait qu’à utiliser la science en un but de mort, en s’aidant des microbes :
" Quel travail !… Préparation des cultures infectieuses, étude des ferments et des virus, élevage et trituration en grand nombre de tous les microbes, de tous les bacilles susceptibles de transmettre les pires maladies et de faire éclater les épidémies, dosage des produits de nos bouillons de culture arrivés à point, pour les charger en torpilles miasmatiques, en bombes, boîtes, fioles, tubes, pastilles, etc."
La vie dans les terriers est bien organisée. Alors que Jeanne et sa mère s’occupent de faire pousser de rares salades, les hommes partent, quand cela est possible, en expédition. Dans l’environnement en ruines, tous les monuments sont à terre, les bois dévastés, les dunes bouleversées. On y court à la chasse aux rats ou au ramassage des rares escargots. Et lorsque une rencontre s’établit avec d’autres survivants c’est pour s’échanger de pauvres médicaments, des tisanes ou des décoctions contre le typhus ou le choléra.
Avec le temps, les terriers ont été arrangés du mieux possible et Jeanne possède même des fragments de miroirs pour ménager sa féminité. Tous regrettent le temps d’avant, celui de l’abondance et des chefs-
La recherche de nourriture demeure leur occupation principale. Quelquefois, des prises d’exception améliorent l’ordinaire, comme celle du jour où Bamoko revint avec un cheval errant capturé dans les dunes. En étant nourri il fournira dans quelques temps des réserves importantes de nourriture.Pour cela, il faut aller au fourrage. Un groupe, parti en ce but, tombe sur une horde à l’apparence préhistorique menée par un véritable géant. Pas de panique ! Ce sont de braves pêcheurs de Noorderick commandés par leur bourgmestre qui leur indique la direction de Leyde.
Se faufilant entre les cratères de bombe et les marmites enterrées, ils se reposent un instant dans un village où ils feront la connaissance de Yamoto, aviateur japonais reconverti dans le tir à l’arc qui les accompagnera dans leur entreprise. Le soir tombant, ils devront chercher un abri pour y passer la nuit. Une monstrueuse forteresse roulante hors d’usage dans laquelle vit un Bulgare (allié des Allemands) dégoûté par la guerre, servira en ce but :
" Dans le petit brouillard mouillé du matin, notre ruine de forteresse roulante se dessinait de façon impressionnante et dramatique, dominant un vaste et sinistre paysage de dévastation, où tout était ravage et ruine, le sol crevassé, éboulé, rempli d’aspérités, de trous et de cicatrices, avec des traces blanches ou rouges de fermes ou de villages évaporés, disparus à jamais, les eaux répandus par flaques, les ruisseaux au cours changé, stagnant ça et là dans des trous, les arbres décapités, invalides amputés et disloqués, qui s’obstinaient à vivre tout de même, poussaient de nouvelles branches et garnissaient de feuillage leurs misérables moignons déchiquetés. "
Une bande de loups sentant la chair fraîche les traquera toute la nuit. Yamoto et ses compagnons en tueront un grand nombre mais au petit matin on ne trouve plus trace des cadavres : les loups tués auront été dévorés par leurs congénères.
De retour avec le fourrage, ils découvrent que Blondeau – qui ne les avait pas suivis – avait réinventé le flirt à l’âge des terriers, poétisant auprès de Melle Vitalis qui, d’un naturel gai et optimiste malgré la situation, avait non seulement gagné son cœur mais aussi celui de Miraud, établissant entre eux deux une saine émulation à son sujet.
Les nouvelles fraîches sont très difficiles à obtenir en ce temps de " guerre totale " , selon le concept de Luddendorf :
" La Guerre scientifique à longue distance, à l’aveuglette, ne peut plus faire de distinction entre civils et belligérants, tout le monde vit en plein dans les mêmes dangers, partout et toujours, dans la fournaise infernale commune, et je distingue chez tous la soumission à l’inéluctable, le fatalisme résigné, cette forme nouvelle et si triste du courage. "
Pourtant à la Haye, le Palais de la Paix qui résistait encore semble être à bout de forces : les Boches brûlent leurs dernières cartouches ! Mystérieusement avertis par l’instinct, les survivants des terriers se regroupent, se préparent à l’assaut final avec leurs arcs et leurs flèches, leurs massues et leurs casse-
" Voici tous les obus toxiques
les suffocants, les asphyxiants,
Torpilles et bombes chimiques,
L’Enfer lâché sur les vaillants !
(bis)
Et sentez-
Les nappes de gaz empoisonnés
Venant jusque sous notre nez,
Asphyxier nos fils et nos compagnes !
Aux armes, citoyens,
Assurez vos baîllons… "
" Voyez tous à l’œuvre la hideuse Allemagne,
Hideuse dans son âme, hideuse en ses forfaits,
Son Kaiser qu’on dirait vomi par quelque bagne,
Ses princes procrées par l’Enfer tout exprès (…)
Appétits monstrueux de quelques brutes féroces, d’une caste de féodaux en fringale de richesses et d’avantages, de théoriciens du massacre productif, de hauts seigneurs de la grande industrie et de la finance affamés de milliards et de puissance… A table pour le festin ! à table ! "
La description de la vie dans les " terriers " est calquée sur celle des tranchées. La lutte pour la survie des individus s’enracine dans un décor minutieusement reconstitué. Aucun détail de la vie quotidienne ne sera laissé de côté : agencement des lieux, difficulté de subsister, de s’habiller, les blessures du corps, les atteintes épidémiques, la crasse, la pauvreté, la misère, la mort, lot quotidien des défenseurs de Verdun. L’agressivité et le désespoir véhiculés dans le récit est à mettre en parallèle avec ceux de Méric dans " la Der des ders " et ceux d’autres romans – non conjecturaux-