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  • La Guerre Infernale

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    Fiche du livre :

    Type : livre

    Auteur : Albert ROBIDA Pierre GIFFARD

    Parution : 1964

    Thème : guerres futures 2


    Sur l'auteur :

    Albert ROBIDA (1848-1926). illustrateur, polygraphe, journaliste. Sa vocation d'être illustrateur l'emporte sur tout. Caricaturiste dans les revues et journaux en vogue qui imposent sa célébrité. Il fonde sa propre revue "la Caricature" avec les meillurs dessinateurs du temps. Il s'intéresse à tous les domaines: histoire, voyages, fantaisie, classiques, anticipation, etc. Après une éclipse, il s'impose aujourd'hui comme l'un des meilleurs dans le domaine conjectural au niveau de Jules Verne ou de H.G. Wells. La justesse de ses spéculations font de lui un visionnaire de l'inventivité et du pessimisme social. Son oeuvre est immense: 60 ouvrages, 200 livres illustrés, 70 revues, et environ 60 000 dessins.
    Pierre GIFFARD (1853-1922) ( A ne pas confondre avec Henri Giffard)  Homme de lettres, Grand reporter, précurseur du journalisme d'investigation. S'intéresse à la technique automobile. Collaborateur de Robida pour la "Guerre infernale"


    Préambule :

    LA GUERRE INFERNALE par Pierre Giffard et Albert Robida. roman-feuilleton d’expression française
    guerres futures 2


    Synopsis :

    Vol.01 : la Planète en feu, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    En résidence à l’hôtel de « l’Entente Universelle » à La Haye, le narrateur, journaliste en chef de « l’An 2000 », en compagnie de ses collègues Malaval et Pigeon, est réveillé brusquement au petit jour par son domestique chinois Wang qui lui annonce que la ville brûle. La guerre a éclaté dans la nuit entre l’Angleterre et l’Allemagne pour une question de préséance dans la distribution des sorbets au dîner de gala.  Par le jeu des alliances, elle serait devenue universelle. Sommé par son patron de regagner Paris au plus vite dans son « aérocar » personnel, le narrateur s’adjoint miss Ada, la fille des Vandercuyp, les propriétaires de l’hôtel. Cette jeune personne s’est remise de son émotion lorsqu’elle a su que son fiancé anglais Tom Davis, était l’un des seuls rescapés de l’aérocar où avait pris place cette nuit même l’ambassadeur anglais. Ayant pu regagner Paris, il y attendrait miss Ada.
    Le voyage en aérocar, d’habitude magnifique, n’a pas été de tout repos car la guerre avait gagné la campagne française. Mitraillés d’en bas par des soldats français qui le prirent pour un ennemi et d’en haut par des vaisseaux germaniques, ils durent faire halte à la station de réparation de Dijon, abandonnant à la mort le pauvre Wang, touché à la tête et tombé de l’aérocar.Ayant laissé là miss Ada qui poursuivra son voyage par route, ils repartirent en mission, en direction de Chamonix, afin de tenir informés les lecteurs de « l’An 2000 » de l’efficacité du grandiose arsenal aérien français commandé par le général Rapeau.
    Grâce à Tom Davis retrouvé à Dijon lui aussi et avec l’autorisation personnelle du général, en compagnie de Pigeon, le narrateur prend place dans l’auto blindée du chef de la flotte. Direction : l’arsenal du Mont Blanc. En chemin, il put se rendre compte , aux longues files d’autos blindées parcourant les voies menant à la frontière, à quel point ses compatriotes étaient mobilisés.
    Vol.02 : les Armées de l’air, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida
    La visite des arsenaux aériens fut inoubliable, l’«aéroamiral» leur facilitant l’accès à tous les secteurs. Après la visite des « Léviathan » que forment les cent cinquante aérocars d’attaque dans leur niche rocheuse, ils passèrent en revue le régiment des « Voleurs » ou infanterie aérienne. L’équipe, composé du pilote et de son mitrailleur, prend place à bord d’un engin volant de la taille d’une bicyclette, extrêmement maniable, pour appuyer l’engagement des Léviathan. Les missions sont parfois périlleuses :
    « Un monte-en-l’air mort à son poste est devenu un danger pour la manœuvre : on le balance par-dessus bord. Un blessé n’est pas moins encombrant : on l’achève.
    -Comment ! m’écriai-je avec indignation.
    -Que voulez-vous ? C’est la guerre d’aujourd’hui. Elle a ses exigences comme l’ancienne. Elles sont différentes, voilà tout. Dès qu’un homme du bord, dit notre théorie, frappé de manière à ne plus pouvoir servir d’aucune façon à la manœuvre ou au combat, devient un danger pour l’équipage, le commandant a le devoir de lui ôter la vie par le moyen le plus rapide et le plus humain… Nos chimistes ont découvert pour cet objet des petites bouteilles extraordinaires. Il suffira qu’on nous les tienne une seconde sous le nez. Nous n’aurons que l’embarras du choix. »

    Au cours de la visite, l’œil exercé du journaliste put démasquer un anarchiste infiltré, qui, se voyant découvert, se fit sauter, causant quelques dégâts. Au même moment, un vaisseau volant germanique lança une fusée qui tomba sur la section chimie où six cents spécialistes mettaient au point bombes et gaz délétères. La boucherie fit plus de cent cinquante morts :
    « Nous entrâmes dans l’hôpital tout proche. Les chirurgiens secondés des infirmiers actifs y coupaient déjà bras et jambes comme les bouchers écartèlent le bétail. Du sang giclait sous nos pas. Les lits en étaient teints. Par des plaies béantes s’échappaient des flots rouges qui faisaient peine à voir. »
    Mais il y eut mieux : les officiers français faillirent s’étouffer d’indignation lorsqu’ils apprirent que la cité de Belfort venait d’être soufflée par une titanesque explosion causée par les Teutons qui, avec patience, avaient accumulé une énorme charge d’explosifs en forant un gigantesque tunnel à partir des contreforts de la Forêt Noire. L’Armée aérienne prit donc son envol dans un but de destruction et de vengeance. Les deux journalistes furent conviés au voyage.
    Vol.03 : les Semeurs d’épouvante, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    Le journaliste a pris place à côté de Rapeau sur le «Montgolfier ». En direction de l’Allemagne, par-dessus les Alpes, l’escadre reste en liaison avec chacune de ses unités, par des signaux de fumée. Le narrateur, tout en visitant le navire-amiral, écoute, atterré, l’intention de Rapeau de bombarder Munich :
    « Aujourd’hui  nous ne connaissons qu’un moyen d’agir, l’épouvante, c’est bien simple. A qui terrifiera le plus vite l’adversaire. Voilà, ce me semble, un moyen d’activer les guerres et d’en abréger la durée. (…) A la guerre, comme à la guerre, voilà la vérité. Et l’on fait la guerre comme on peut, du mieux qu’on peut, avec les armes qu’on a, fussent-elles les plus terribles du monde. (…)
    Je le regardai. Il était effrayant à voir. Sa figure se contractait ; sa bouche grimaçait un rire qui escomptait le triomphe. Il avait les yeux vissés à sa lorgnette, attendant les premiers résultats. »
    Lorsque ce fut l’heure, Pigeon et Tom Davis, qui, sur le «Santos-Dumont » assistent eux aussi aux bombardements des trains venus au secours de la ville-martyre en feu,  assurent le contact avec le Montgolfier :
    « Chacun se félicitait d’avoir assisté au premier « feu » allumé par une force aérienne solidement constituée. Sûrement ma mentalité n’était pas, ou n’était plus au niveau des autres car ce haut fait ne m’inspirait qu’un profond chagrin. Je songeais au nombre de pauvres gens qu’on avait ainsi chassés de leurs maisons en flammes, à ceux qui n’avaient pu se sauver, bien qu’on eût opéré en plein jour ; car il y avait partout des impotents, des affolés et des infirmes. Où était le mérite militaire de cette expédition ? On avait incendié une ville sans défense. Après ?... »
    La flotte aérienne allemande étant toujours aussi invisible, l’on continua vers Francfort. En cours de navigation, certains dirigeables s’étant dégonflés, il fut nécessaire de refaire le plein d’hydrogène en territoire ennemi.
    Rapeau fit descendre la flotte au-dessus des installations techniques d’Augsburg, promettant de détruire la ville entière au moindre signe d’agressivité que donneraient les Allemands. Les autorités municipales médusées et les forces allemandes présentes capitulent : elles accepteront les conditions des forces françaises aériennes. L’escadre met pied à terre. Rapeau exige les clefs de la ville d’Augsburg, d’être mis au courant par gazette, après ravitaillement, de la situation militaire générale, impose le couvre-feu et demande une rançon en argent. Déambulant en vainqueur sous les yeux furibonds de Von der Pfaltz, le chef de la place militaire et de sa « Landsturm », il semble vouloir s’attarder en ville.
    Mais un coup de vent se précise : il faut repartir d’urgence. Alors que la manœuvre est délicate lors de cette tempête d’équinoxe, ils apprennent l’existence d’un dirigeable sombre, totalement atypique, extrêmement maniable, à la grande puissance de feu, qui semble n’être inféodé à aucun pays, et que l’on surnomme le « Corsaire Noir ».Au moment où d’autres trains blindés, en provenance d’Ulm,  sont torpillés, le Santos-Dumont est mystérieusement foudroyé par un navire volant sombre, apparu soudainement dans le ciel, comme un rapace.Le narrateur, en attente d’embarquement, encore à terre, se sentit d’un coup transporté dans l’espace, tel un lièvre, pris dans un filet. Le Corsaire Noir l’a capturé à son bord…
    Vol.04 : Prisonnier dans les nuages, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    Après un moment d’affolement, le journaliste se réveille sur un plancher de métal, transi de froid. Il se trouve au sein du fameux Corsaire Noir, navire soi-disant fantôme, dirigeable blindé en forme de soucoupe à deux ponts, d’une grande puissance de feu, d’une capacité de vitesse extraordinaire, d’une aisance d’évolution remarquable, à la technicité largement au-delà de celle des dirigeables de Rapeau .Ce navire volant est sorti du cerveau et des mains de Jim Keog, américain hors normes, brigand apatride, assoiffé de haine et de vengeance, qui, avec ses deux affidés noirs, veut le peau de Rapeau. C’est lui qui a fait sauter l’arsenal du Mont Blanc. C’est lui qui a attaqué « l’Austral ». C’est lui qui a fait exploser le « Santos-Dumont ».
    Jadis, Keog avait voulu vendre son invention à la France, ce que les responsables politiques et militaires, Rapeau en tête,  n’ont pas apprécié. Il était inconcevable qu’un individu, étranger de surcroît, puisse se montrer plus performant que la remarquable élite militaire française! Ils ont donc repoussé cette offre avec dédain. Depuis ce jour, Keog poursuit de sa colère l’aéroamiral et cèderait son invention à qui la désire pour une somme - modeste - de vingt millions de francs-or. La présence à son bord du journaliste, recueilli par hasard, lui plaît. Peut-être, grâce à lui, pourra-t-il enfin convaincre le gouvernement français.Quant au narrateur, bien que la personnalité même de Keog lui répugne, il considère surtout l’excellence de son invention, propre à assurer la victoire à la France,  tout en raccourcissant la guerre. D’autre part, par ce coup d’éclat, il donnerait aussi la suprématie médiatique à son journal, l’An 2000. Un pacte est passé avec Keog qui emmène l’attaché de presse à toute vitesse vers Paris.
    Vol.05 : Paris bouleversé, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    A Paris, la situation a changé. Et si l’apparition du narrateur étonne ses amis Pigeon et Malaval, lorsqu’il met les pieds à l’An 2000, c’est lui qui est le plus surpris par la nouvelle mode des Parisiens. Portant bouclier en fer et protection métallique sur le dos dans la crainte d’un bombardement imminent de la flotte germanique invisible, ils vont et viennent  le long de rues où disparaissent les monuments sous des carapaces blindées.
    Son patron, M. Martin Du Bois, dit encore « Napoléon », aussitôt prévenu de son retour écoute avec attention le récit de son employé et la proposition de Keog. M. Martin Du Bois, est un « chevalier d’entreprise », immensément riche, à la vision professionnelle sûre et aux appuis politiques nombreux. Il épouse sans restriction la cause du narrateur. Dès lors, il prend sur lui de convaincre les autorités françaises d’acheter l’invention de Keog afin d’assurer à son pays une victoire sûre et rapide.Mais le rival jaloux de l’An 2000, le journal « l’An 3000 » veille et tente de déstabiliser le journaliste, de le faire passer pour fou et de faire croire au coup  monté.
    Alors que Rapeau ne donne plus aucune nouvelle de sa personne, que la force germanique reste introuvable, que les Parisiens attendent anxieux d’être bombardés, la Grande-Bretagne reste maîtresse sur les eaux et frappe l’Allemagne en l’inondant de faux marks, destinés à couler l’économie de cette dernière. A Paris, cependant, la cinquième colonne, composée d’anarchistes et «d’étrangers», les ennemis de l’extérieur, s’introduisant par le sous-sol, sapent le Palais-Bourbon et le font sauter, tuant du même coup quelques députés (ils n’y sont jamais très nombreux aux assemblées !).
    Un « meeting d’indignation » a été monté par  l’ « An 3000», qui veut porter le coup de grâce à son concurrent. Plus de cinquante mille personnes sont prévues sur l’esplanade des Invalides. Apprenant la nouvelle, notre envoyé n’hésite pas. Il payera de sa personne en s’invitant de lui-même comme orateur, afin de défendre son point de vue. Le coup réussit mieux que prévu. Il parvient, à la grande satisfaction de Martin Du Bois, à retourner les consciences, la vox populi exigeant à présent l’appareil de Keog lequel fait une apparition opportune au-dessus de la foule.Le président de la République recevra le patron de presse mais comme, en France, toute décision doit être approuvée par de multiples corps constitués, la décision traîne en longueur  pendant que de nombreux soldats se font tuer tous les jours sur les lignes de frontière.
    Vol.06 : les Chevaliers de l’abîme, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    Le journaliste abandonne pour quelques jours l’affaire Keog. Lors d’un dîner donné par Martin Du Bois, il fait la connaissance de Marcel Duchemin, le gendre de son patron et l’animateur d’une nouvelle force d’intervention, ultra secrète, composée d’une centaine d’hommes, appelés les «hommes-crabes » ou les « sous-l’eau » (avec jeu de mots), dont la tâche imminente est de faire exploser cinq des plus grands cuirassés germaniques, radeaux porteurs de la force d’invasion pour l’Angleterre, mouillant dans l’estuaire de l’Elbe, en déposant sous leurs quilles des charges explosives.
    Grâce à des scaphandres semi-rigides et autonomes, une nouveauté pour l’époque, les hardis soldats, pendants exacts des « Voleurs »  aériens, se dirigeront en sous-marin vers l’estuaire, se faufilant entre les câbles tendus, les diverses lumières et autres pièges disposés à leur intention. Puis, sortant du « Chercheur » (c’est le nom dudit sous-marin), à pieds sur le fond du fleuve, encordés et communiquant à l’aide d’un code convenu, ils se dirigeront sur leurs cibles. Quoiqu’il s’agisse là d’une mission à haut risque, notre narrateur veut y prendre part. D’ailleurs c’est également le vœu de son patron qui flaire dans cette opération une vente exceptionnelle de journaux. Lors de son embarquement, le journaliste remarque les manœuvres ambigus d’un des hommes de l’équipage surnommé « le Petit » avec un individu louche travaillant à  l’ An 3000. Cette méfiance sera payante puisqu’au cours de l’action elle lui évitera d’être assassiné par le Petit, qui agit pour le compte du journal concurrent de l’An 2000.
    Vol.07 : Tragédies sous la mer, Albert Méricant éd., 1908, 1 fasci-cule broché, in-quarto, 32pp couverture illustrée par Robida.

    Les charges posées, les explosions, déclenchées les unes après les autres,  créent une onde de choc qui désorganise le bataillon. Le retour vers le Chercheur s’avère donc plus difficile que prévue et une dizaine d’hommes-crabes y laisseront leur peau, le corps déchiré par des mines dormantes. Notre journaliste a de la chance. Sauvé des griffes de Le Petit grâce à Marcel Duchemin, il regagnera son havre de paix.
    Le sous-marin, se glissant entre la fourmilière des bateaux allemands qui recherchent les auteurs de l’attentat en surface, sera réceptionné au large, comme prévu, par une escadre anglaise. L’Angleterre avait été en effet associée à l’opération dès le début. D’abord, elle a guidé le Chercheur vers son but, en communiquant avec lui par un câble reliant le sous-marin à un ballon captif en surface, tâche confiée à un Anglais que nous connaissons bien… le lieutenant Tom Davis, lequel était sorti indemne de l’explosion du Santos-Dumont, contrairement aux prévisions.
    Rattachée à une enveloppe encore gonflée, il a pu dériver dans les airs jusqu’à la Norvège. Le narrateur a l’immense joie de retrouver sur le chemin du retour son ami et s’empresse de lui faire part de toute la ferveur de miss Ada à son égard.
    A son retour à Paris, porté en triomphe jusqu’à  l’An 2000, il n’a guère le temps de se reposer car l’affaire Keog n’est pas encore réglée. Il s’agit de mettre les bouchées doubles pour vaincre l’extraordinaire inertie de l’administration française.
    L’inventeur félon leur a fixé une date butoir pour les tractations. Il exige d’être payé dans les deux jours, à Berne, en Suisse, à midi. La vente, passé ce délai, ne se fera pas avec la France.
    Martin Du Bois et son employé  entreprennent immédiatement un marathon pour forcer tous les obstacles, se rendre en Suisse en temps voulu,  malgré les grèves,  (cela n’a guère changé depuis), les retards, les formalités à remplir. Ils y arriveront trop tard, pour constater que le bandit a offert son invention au Reich allemand. Avec l’amertume et la haine indicibles qu’ils éprouvent à l’égard de l’Américain, ils prennent le chemin du retour pour annoncer leur échec à la nation française.
    Vol.08 : le Siège de Londres, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    En revenant vers Paris, Martin Du Bois et le journaliste apprennent que Londres est menacée par l’invasion allemande. La nouvelle de l’échec de la transaction en Suisse a soulevé une émeute populaire en France. De partout, les Parisiens convergent vers l’Elysée, pensant que le gouvernement a trahi le pays. Malgré une charge policière avec des motocyclettes à mitrailleuse, la foule grossit sans cesse et acclame les deux héros de l’An 2000.
    A bord de la voiture de son patron, en compagnie du préfet,  le narrateur remonte la longue file des émeutiers, se demandant comment faire pour briser leur élan, sur la demande expresse et angoissée du préfet de Paris. Le président Dupont est d’ailleurs prêt à lui faire donner la Légion d’Honneur si notre héros prête son concours au rétablissement de l’ordre. Prenant la parole, s’adressant à la cantonade à la foule, il réussit à la détourner de son objectif en lui promettant de traquer personnellement Keog, où qu’il se trouve, et lui faire payer sa forfaiture au grand soulagement du président Dupont.
    En arrivant au siège du journal, le narrateur prend connaissance, grâce aux articles de Pigeon, des faits survenus dans le monde depuis son absence. Il voit aussi miss Ada qui lui apporte des nouvelles de son fiancé Tom Davis, recueilli en Norvège et acheminé vers l’Angleterre. Puis il rencontre le nouvel officier de l’ « aérotactique », venu le saluer, avec son équipe de « Voleurs », des Japonais présents pour parfaire leurs connaissances aériennes, puisqu’un traité d’amitié lie le Japon à la France. Menés par le comte Mourata, les Japonais se montrent exceptionnellement doués dans ce domaine et prêts à tous les sacrifices. Car les dernières nouvelles sont mauvaises : partout éclate la guerre, partout, sur tous les fronts, des hommes meurent en masse.
    Mais le plus grave est la menace qui pèse sur Londres qui a déjà subi deux attaques de la part du « Sirius », le vaisseau de Keog, qui a surtout décapité – ô rage et désespoir pour les Anglais!- la statue de Nelson, à Trafalgar-Square. Des travaux souterrains gigantesques ont été entrepris dans la capitale anglaise, des sortes de catacombes prolongeant les lignes du métro pour mettre les Londoniens à l’abri d’un coup de force aérien.
    Enfin, l’An 3000 annonçant de façon perfide l’invasion imminente en Angleterre, la décision fut prise de partir pour l’Angleterre à bord de « l’Austral », le dirigeable de l’An 2000, qui sera actionné de main de maître par les Japonais. Dès le départ, ceux-ci découvrent un espion à bord. Il s’agit de Pezonnaz, âme damnée de l’An 3000, qui a déjà failli causer la mort du narrateur à plusieurs reprises, entre autres, sous la mer. Mais cette fois-ci, ficelé comme un saucisson, il servira d’intermédiaire, suspendu dans le vide, entre un radeau de naufragés, sur lequel se trouve Marcel Duchemin, dont le bateau avait été torpillé, et l’Austral, qui le guide à bon port. L’arrivée au-dessus de l’Angleterre se fait dans une purée de pois opaque. Précédent de peu la grande «aéroflotte » française venue prêter main forte à l’Angleterre, les navigateurs  de l’Austral sont accueillis en héros par le Lord-maire et la foule londonienne.
    Vol.09 : Moletown, la ville des taupes, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    En compagnie de Pigeon, le narrateur et patron de l’Austral, demande à M. de Troarec, le nouveau commandant militaire de la flotte française, que son aéronef soit considéré comme engin de guerre, et serve à côté des autres dirigeables pour la défense du sol Anglais. Les dépêches signalent par ailleurs une recrudescence d’activité du côté des Allemands mais le brouillard, toujours opaque, évite tout danger imminent.En attendant, les deux hommes visitent la ville « underground » de Londres, appelée « Moletown. »
    Les Anglais, toujours organisés, ont creusé en un temps record une multitude de galeries sous la Tamise, l’argile du sous-sol britannique convenant parfaitement à cet usage. Le plan de la ville souterraine, toujours en construction, est calqué sur celui de Londres. Les citoyens y ont leur «home», les déplacements se font à pied ou à cheval, et, dans de longs tubes adjacents, des chambres ont été creusées.
    Stupéfaits par la vitalité de ce peuple, nos deux amis vont de découverte en découverte, et en profitent pour faire connaissance avec la famille de Tom Davis qui a déjà aménagé sous terre. Mais la visite est soudainement interrompue. Dénoncés comme étant de dangereux espions par Pezonnaz, le traître, qu’ils ont pourtant laissé vivre lors de leur épopée maritime, et qui les avait suivis en Angleterre,  ils sont arrêtés et placés en détention sous la Tour de Londres, en un cachot humide et obscur.
    Là, par chance, ils surprennent un dialogue en provenance d’une geôle voisine. De vrais espions allemands évoquent une action inquiétante et proche : le Sirius de Keog, avisé par un signal lumineux opportunément placé à Blackfriars, une entrée vers Moletown, bombardera cette dernière de telle manière que l’eau de la Tamise inonde l’ensemble du réseau de tunnels, pour y noyer des milliers d’occupants.
    Le narrateur sera délivré par l’ambassadeur même du Japon, alerté par Wami, l’un des coéquipiers de l’Austral qui les suivait, ayant repéré Pezonnaz et flairé le pot aux roses.Tom Davis, alerté d’urgence, signale la menace au « War Office», tandis que les deux hommes se rendent au domicile souterrain du militaire pour mettre sa famille en sécurité. Déjà il est trop tard pour des milliers d’Anglais : le Sirius a lâché ses bombes, l’eau s’engouffre dans les tunnels et noie tous ceux qui s’y trouvent. Nos amis assistent, la rage au cœur, au crime commis,  se promettant de le venger.
    Vol.10 : la Bataille aérienne, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    A Sydenheim, l’Austral se prépare à appareiller pour une mission de surveillance préconisée par Le Troarec, le nouvel aéroamiral. Jusqu’à 20 km au Sud de Londres, l’aéronef a pour mission de repérer l’arrivée des Prussiens et d’en avertir immédiatement la flotte alliée. Nulle trace de dirigeables aériens.

    Par contre, planant en dessous du brouillard, ils découvrent de nombreux radeaux abordant les plages du sud de l’Angleterre, y déversant des soldats allemands.
    Ayant signalé le danger au War Office, ils prennent position au nord de l’agglomération londonienne, débarrassée de son brouillard par des canons à « acétylène » dévolus à cet effet.
    C’est par cette trouée, et sans aucun doute possible, qu’ils voient approcher au-dessus de la capitale les vaisseaux germaniques, de taille et de formes diverses.  A l’écart de la bataille, les membres de l’Austral pourront contempler son déroulement et en faire part au PC anglais.
    Les Prussiens, malgré le feu  nourri des batteries terrestres, négligeant la flotte française qui fond sur eux du haut des cieux, se jettent dans le vide, planant sans se faire mal grâce à un « parachute total », une nouvelle invention, sorte de voile attachée sur leur dos,  qu’ils arrivent à guider à l’aide de leurs bras. Ayant visé le centre de Londres, ils prennent position dans Hyde Park, s’évertuant le plus rapidement possible à établir une tête de pont solide, en attendant leurs bataillons débarqués au sud.
    Alors qu’au sol le combat fait rage, les dirigeables ennemis, traînant derrière eux des ballons captifs, déversent de l’essence sur Buckingham Palace, obligeant le Roi et le corps politique à une retraite précipitée. Malgré le sacrifice héroïque des « Voleurs » alliés, l’ennemi progresse, raffermissant sa position autour de Regent Street.Les Anglais semblent débordés, surtout lorsque du ciel tombe le Sirius de Keog, qui, à la vitesse de l’éclair, canonne le défense anglaise.L’Austral, avec à son bord le narrateur et Marcel Duchemin, ainsi que des Japonais fous de rage et de frustration, constatent la débâcle anglaise.
    Vol.11 : le sang des Samouraïs, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    Au dessous d’eux, ils aperçoivent l’armée d’invasion qui se porte vers les faubourgs de Londres. A son encontre se dirigent des bataillons anglais de force équivalente, ce qui laisse supposer, avec l’appui de batteries terrestres stratégiquement disposées, une issue heureuse en faveur des Anglais.
    Mais c’était sans compter avec le Sirius. Celui-ci, réapparaissant brusquement, élimine sans pitié, l’un après l’autre,  les gros dirigeables français et notamment, «l’Amiral Meusnier », le vaisseau directeur avec Le Troarec à bord, lequel, son enveloppe déchirée, vide sur le sol sa cargaison de braves nautes.C’en est trop pour les Français qui prennent en chasse le pirate, allégeant les carcasses de toile pour arriver à le survoler. Hélas! trop lourds et peu maniables, leurs dirigeables plafonnent à 3500 mètres alors que le Sirius n’est plus qu’un point au-delà des nuages.
    L’Austral est d’une autre trempe : léger, maniable, bien servi par des Japonais efficaces et en colère, alimenté par la haine du journaliste de l’An 2000 qui s’est fait un point d’honneur d’arrêter le bandit, un duel à mort s’engage entre les deux vaisseaux. L’Austral, se délestant peu à peu et actionnant savamment le navigateur qui leur permet de gagner de précieux mètres en hauteur, monte jusqu’à 5500 mètres et se rapproche du Sirius. Celui-ci réagit. Ayant atteint sa limite, il se déleste encore, en jetant dans le vide l’un des coéquipiers (le Noir), suivi peu après par un autre (le bandit aux cheveux roux). Etant à chaque fois persuadé d’avoir le dessus et d’être à même de grenader le Sirius, les occupants de l’Austral se débarrassent aussi de tout matériel inutile ou encombrant pour faire gagner de la hauteur à leur appareil.
    Tout ceci n’est pas suffisant. Alors le capitaine Mouroto, en japonais héroïque qui méprise la mort, ordonne aux siens, l’un après l’autre selon la nécessité, de sauter dans le vide en se sacrifiant pour l’empereur. Ce qui fut fait. Au grand effroi de Duchemin et du narrateur, Sikawa et Narabo disparurent dans le vide, plongeant vers le sol comme s’ils allaient à la promenade. Ces sacrifices firent pencher la balance, bien que le manque d’oxygène ait induit  chez les hardis navigateurs de graves troubles psychiques.
    Légèrement situé au-dessus du Sirius, l’Austral est enfin en position de faire sauter l’infâme Keog, qui se bat d’ailleurs avec son mécanicien. Une grenade atteint la bouche d’air située au sommet du vaisseau ennemi, infligeant des dégâts irréparables. Le vaisseau de Keog plonge et se désagrège, non sans tirer une ultime rafale qui étend Duchemin et détruit tout le système moteur de l’Austral, qui descend beaucoup trop rapidement. Wami et le narrateur, constatant qu’il leur est impossible de relâcher la pression à temps pour éviter l’explosion de l’enveloppe, jettent tout ce qui reste encore par-dessus bord, afin de regagner de la hauteur. L’appareil dérive vers l’Océan atlantique…
    Vol.12 : Perdus dans l’Atlantique, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    Entraînés au-dessus de la mer, les naufragés se recroquevillent dans les couvertures pour se tenir au chaud. D’après les calculs approximatifs de Marcel Duchemin, l’aérostat en perdition se dirigerait vers le nord. Bientôt apparaissent les premiers flocons ; en dessous d’eux, un sol blanc, brisé par des séracs, parcourus par des ours blancs.
    Nos héros se savant perdus et s’apprêtent à mourir. Une longue nuit passe lorsque l’épave, suffisamment près du sol, leur laisse entrevoir un bout de mer libre. Le vent ayant tourné, ils seront à nouveau entraînés vers le sud, en direction de l’Atlantique. Pourtant, cela importe peu, puisque, au lieu de mourir gelés, ils mourront noyés. Après un temps assez long, ils aperçoivent, sur une mer calme, un voilier qui semble se diriger cers eux : c’est l’occasion de la dernière chance ! Unissant leurs forces, les trois naufragés parviennent enfin à déchirer l’enveloppe du dirigeable, permettant la décompression brutale, l’épave s’abattant tout à proximité du bateau, leur permettant d’y prendre pied.
    Sauvés ! Du moins le croient-ils. Ils se rendent vite compte que là encore, ils ont abordé une épave, un « derelict », une « fortune de mer », un bateau en perdition, débarrassé de son équipage, virant aux quatre vents, sans lumières, sans moteur, aux voiles battantes.
    Rien n’entame pourtant leur optimisme puisqu’ils ont troqué leurs vêtements mouillés avec des effets secs trouvés dans la cabine du capitaine, et même des cigares. Ayant eu la présence d’esprit  de se saisir de leur caisse de pilules alimentaires, ils ne mourront pas de faim. Enfin, un jour, le vent les entraînera  bien vers la terre ferme. Pour le moment, avec un vent fort, ils se retrouvent dans la mer des Sargasses jusqu’à ce que, dans la nuit noire, ils se fassent saborder et couper en deux par un immense navire de guerre américain, « l’Oklahoma », patrouillant dans ces parages.
    Wami, le japonais, le narrateur et l’enseigne Duchemin,  se réveillent, allongés sur des matelas, recueillis et prisonniers à bord d’un vaisseau de guerre ennemi. S’entendant à mi-voix entre eux, ils se mettent d’accord pour simuler la folie, crédible à cause de tous les chocs subits, ce qui leur permettrait d’éviter l’incarcération en terre américaine.
    Vol.13 : la Cohue des fous, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    L’interrogatoire, mené par le commandant, n’a rien donné, les naufragés simulant la folie à la perfection. Dans l’expectative, jusqu’à leur débarquement à Charleston, en Caroline du Sud, ils resteront sous surveillance. Rapidement, cependant, leur identité est percée à jour, et reconnus dangereux pour l’Amérique comme étant ceux qui ont mis Keog à terre.
    A Charleston, après un second interrogatoire, ils seront conduits dans un « Asile de guerre », un immense bâtiment abritant plus d’un milliers de soldats, tous souffrant de traumatismes de guerre. Car les Japonais de Californie, préparant de longue date l’invasion de l’Amérique, appuyés par des troupes fraîchement débarquées en provenance du Japon, ont percé, lors d’un combat décisif, les lignes américaines à Black River. Ce combat gigantesque, perdu par les troupes régulières, a fait des milliers de morts. Les conditions mêmes de la bataille étaient si terribles que les survivants devinrent tous fous, chacun avec son propre vécu, chacun refaisant un combat fantasmé, soit en stimulant des morts virtuels ou en grimpant aux arbres pour éviter des grenades irréelles. Une telle situation explique également la haine de tous contre le pauvre Wami, obligé de se cacher pour ne pas être mis en morceaux.
    Incarcérés dans un tel univers, interrogés par l’habile et bienveillant médecin-chef, le docteur Champart, d’ascendance française et originaire de Fécamp, ils rétabliront des rapports normaux avec leurs interlocuteurs. Le docteur, avec beaucoup de mansuétude, leur permettra de séjourner dans cet asile aussi longtemps qu’ils le souhaiteront, pour retarder le moment où l’autorité militaire pourrait faire main basse sur leurs personnes. Ils paraîtront finalement devant le colonel commandant les forces de Charleston, dont la sévérité avait été adoucie par l’intervention de Champart. Un arrangement sera trouvé : ils pourront séjourner à Charleston, dans une villa louée, s’y promener à leur guise, à condition de ne pas chercher à s’enfuir. Les Américains, toujours pragmatiques, leur avancent même de l’argent , puisqu’ils seront bientôt payés par l’An 2000, leurs aventures ayant pu parvenir au siège du bureau parisien.
    Néanmoins, miss Taylor, détective attachée à leurs pas, se méfie d’eux comme la peste, et les fait surveiller par des factionnaires. Quelques jours après, l’apparition d’un négrillon surprenant –qui est Wami déguisé- précipite les événements. Il se propose de les faire s’évader, immédiatement. Les deux hommes sont d’accord, sans connaître le plan prévu. Le départ de la villa se fait sans difficultés autres que la mort d’un factionnaire, mordu à la gorge par Wami, qui révèle à nouveau sa nature sauvage.
    Vol.14 : la Croisière du « Krakatoa », Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    Wami entraîne ses amis vers la voie ferrée où les attendent deux Noirs qui ne sont autres que –ô surprise ! –Pigeon et Coquet, déguisés. Ils prennent tous place dans une automobile à la ligne surprenante et prennent rapidement la direction du Sud, vers Orangeburg et Shavannah, le long de la côte. Comme la voie ferrée s’étend parallèlement à la route, ils constatent qu’un train les poursuit : miss Taylor, déjà mystérieusement avertie, leur donne la chasse. Mais elle ne s’attend pas à la suite. A la stupéfaction de nos amis, l’automobile plonge sans hésiter dans l’eau et prend le large, flottant d’une façon impeccable puisque c’est une voiture amphibie du dernier cri, et de fabrication française. Plus tard, une voile est montée, ce qui laisse le temps aux sauveteurs comment l’opération avait été mise au point dans tous ses détails.
    Grâce à M. Vandercuyp, à Martin Dubois et à Miss Ada, un yacht fut affrété pour libérer les otages. Après s’être procuré à Paris cette voiture amphibie, profitant de la neutralité des Hollandais, le « Krakatoa » mis le cap sur Charleston. Pigeon et Coquet, déguisés en noirs, grâce aux informations de Wami échappé miraculeusement de sa prison, ont su comment faire évader les prisonniers sans aucune anicroche, si ce n’est l’attaque sauvage à l’encontre du garde, non prévue dans le plan.
    Les retrouvailles sur le Krakatoa furent à la hauteur du plaisir partagé par les protagonistes, terni cependant par la présence à bord de deux ennemis maintenant bien connus, Pezonnaz et Le Petit, qui s’étaient faits embaucher parmi les membres de l’équipage. Aussitôt reconnus, ils furent appréhendés et mis aux fers, non sans qu’ils aient pu, préalablement alerter les autorités américaines, ce qui expliqua l’acharnement de miss Taylor ainsi que la surprise, pour M. Vandercuyp, de voir le Krakatoa arraisonné par un croiseur , « l’Oklahoma », dans le but de procéder à une fouille approfondie. Affolement à bord. En toute hâte, nos amis trouvèrent une cachette au sein d’une fausse cheminée aménagée, ce qui leur permit de suivre l’ensemble des événements.
    Les militaires américains s’attendaient à trouver deux fugitifs à bord. On leur livra le Petit et Pezonnaz qui, ignorant l’anglais, ne se doutaient pas de leur sort lorsqu’on les transféra sur l’Oklahoma, en attendant leur détention dans une geôle américaine. Celle-ci n’eut d’ailleurs jamais lieu, puisque,  peu de temps après, l’Oklahoma sauta sur une mine flottante. Coupé en deux par une gigantesque explosion, il sombra en quelques minutes, envoyant au fond de l’eau tous les marins en dépit du bon cœur de miss Ada qui prétendait les sauver, déclenchant par là même une mutinerie  à bord du Krakatoa.Celle-là  fut arrêtée net par un coup de poignard de Wami qui étendit le quartier-maître, le meneur, pour le compte. C’est dans ces conditions difficiles que le yacht se rendit aux Bahamas, à Nassau, perdu au milieu des îles proches de la Floride
    Vol.15 : la mer qui brûle, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    A Nassau, d’heureuses surprises les attendent. D’abord, un chèque de 38 000F, de la part de martin Dubois, avec ses félicitations pour la relation rigoureuse des événements militaires inédits, ce qui allait procurer une bonne longueur d’avance à l’an 2000 sur ses concurrents.Ensuite, miss Ada qui fut enchantée de retrouver –ô miracle !- son fiancé anglais, Tom Davis. Celui-ci, de par son comportement énigmatique, apparut bien vite aux yeux des protagonistes, comme étant chargé d’une mystérieuse mission auprès des Américains.
    Sept croiseurs anglais de fort tonnage y attendaient aussi la flotte japonaise de l’amiral Muroto, partie du Japon pour prendre part à la conquête de la Floride, appuyant, dans un déploiement parallèle, l’avancée de leurs compatriotes en Californie du Nord. Pourtant le commandant anglais Knollys, qui devait escorter les Japonais, montrait de la mauvaise humeur et une certaine réticence à cette idée, d’autant plus que, dès son arrivée à Nassau, Muroto exigea le départ immédiat de tout bateau neutre, y compris le Krakatoa, au grand déplaisir de miss Ada. Laissant derrière eux, Pigeon, Coquet, Tom Davis et le narrateur, afin de couvrir l’événement, le bateau de M. Vandercuyp prit la direction de la Hollande.
    Pour participer davantage à l’action, Coquet et le narrateur prirent place sur le vaisseau-amiral anglais, laissant Pigeon à Nassau comme relais télégraphique avec la France et Martin Dubois.Les Japonais comptaient emprunter le canal maritime entre Cuba et la Floride, au large de Key Largo et de ses chapelets d’îles, quoique le danger fût grand. Les Américains avait truffé ces parages de pièges électriques inédits, inventés par le génial Erikcson dans sa retraite de Key West.
    Muroto, toujours prêt au kamikaze et à l’heure dite, engouffra ses vaisseaux dans le chenal, les vaisseaux anglais assurant prudemment ses arrières. Apercevant la flotte américaine qui se dérobait devant lui, il la poursuivit jusqu’à ce qu’une manifestation extraordinaire brouilla le magnétisme des boussoles, qui indiquèrent une fausse direction, les amenant à proximité des terres américaines à partir desquelles les Japonais auraient pu être bombardés. Mais le plus grave, une fois l’erreur redressée, fut que, derrière la flotte japonaise, la mer si mit à brûler d’un coup, élevant une barrière de feu pour empêcher les japonais de reculer, alors que, dans le même temps, les croiseurs ennemis faisaient demi-tour pour se propulser à l’assaut. Le mystère fut résolu par un scaphandrier : les Américains, en un travail titanesque, avaient noyé au fond de la mer une tuyauterie continue, percée de trous réguliers d’où s’échappaient des filets de pétrole vers la surface. Enflammés, ils avaient pour but d’emprisonner la flotte nippone dans une immense cage de feu.Muroto, devant cette menace, força le blocus ardent, non sans perdre sa superbe et quelques-uns de ses vaisseaux. A son grand déplaisir, les Anglais se contentèrent d’observer sa manœuvre.
    Entre temps, Tom Davis, dévoilant en partie sa mission à ses deux amis, leur présenta un personnage important, malgré son apparent anonymat : Dick Jarrett. Ils s’embarquèrent tous dans un sous-marin de poche pour gagner Key West afin d’y rencontrer Nat Goffrey, un ingénieur de l’Electrical Department ». Tom Davis s’entendrait-il avec les Américains ?
    Vol.16 : la Mer qui gèle, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    Tom Davis et le narrateur se rendent dans une mystérieuse auberge, à peine débarqués  à Key West. Là, en compagnie de Jarrett, ils rencontrent ceux qui espionnent les jaunes dans le monde entier, au profit de l’Angleterre. Les nouvelles ne sont pas rassurantes. Partout, d’Australie au Canada en passant par l’Afrique, les Japonais fomentent troubles et émeutes, entraînant dans leur sillage les Chinois, multiplient les plans d’invasion dans divers pays. Il importe donc de se défendre et surtout de s’entendre entre Blancs, quitte à abandonner les anciennes alliances. Voilà pourquoi le président américain Gardiner se montre favorable à une nouvelle alliance avec l’Angleterre, l’ennemi d’hier :
    « C’est simple à comprendre : les Japonais, les Chinois, les Hindous, tous les Jaunes, Mongols ou Malais, que le Mikado mobilise contre le monde blanc, sont prolifiques. Leurs familles sont nombreuses et le chiffre de leur population s’accroît sans cesse, en dépit de l’infanticide traditionnel dans le Céleste Empire. Nous au contraire, nous les Blancs, nous dépérissons ; nous naissons, si j’ose dire, en moins grande quantité, d’année en année. C’est dire que nous serons absorbés en peu de temps par la marée jaune si nous ne prenons pas les devants. Absorbons-la nous-mêmes ! Qu’il n’en reste que des peuples secondaires, impuissants, désarmés, désargentés surtout, car seuls les peuples riches sont à craindre. Ruinons le commerce, brisons la force militaire de ces Japs, tandis qu’il est temps encore ! L’Europe entière s’y mettra joyeusement, j’en jurerais. Les dépêches signalent sa lassitude. C’est que la cause de la guerre qui nous désole tous est navrante en soi, humiliante pour des pays comme la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, les Etats-Unis (…) Blancs, cessons de nous entre-tuer pour des niaiseries ! Unissons nous et faisons tête aux Jaunes pour les ramener au point où nous les avons jadis connus. Le salut de notre race est à ce prix ! L’Europe et l’Amérique en avant ! L’Asie en tutelle, comme l’Afrique!»
    Dès le lendemain, nos amis ont pris rendez-vous auprès d’Erikcson, « l’Homme des câbles », le maître de la foudre et de la défense électrique de l’Amérique, maréchal de surcroît. A l’Electrical Department, son domaine, l’on est prêt. Son fils étant mort, tué par les Japonais, Erickson rêve d’une vengeance qui sera terrible. Son piège se situe dans la rade de Charleston que l’escadre japonaise de Muromoto doit investir dans les deux jours.
    Ce qu’ignore le commandant de la flotte ennemie, c’est qu’Erickson a disposé au fond de la passe, formant une sorte de lac, un treillis de câbles électriques lesquels, réfrigérant soudainement l’eau par extraction et détente brusque de l’oxygène, provoquera une brusque baisse de la température, bloquant l’escadre dans la glace et faisant périr par myriades les marins japonais. Muromoto, qui ne se doutera de rien, passera ainsi, et sans coup férir, instantanément de vie à trépas, suivi par plus de dix mille Japonais, congelés sur pied. Les cadavres, ramassés sur les bateaux par des noirs américains, n’encombreront pas longtemps les environs. Mis en tas immenses, arrosés d’essence, ils brûleront sans discontinuer, empuantissant l’atmosphère.Erickson est satisfait et envisage sereinement la suite des opérations
    Vol.17 : la Tuerie scientifique, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    L’invasion japonaise se poursuivant à partir de la Californie, il faut arrêter la horde jaune, forte de plus de deux cent mille hommes, qui s’avance à marche forcée. Erickson et ses amis partent donc pour Tuckson, en Arizona, au lieu dit « Lead Mountain », la Montagne de Plomb, où sont établis les dispositifs électriques propres à enrayer la ruée dévastatrice.
    Durant la traversée du désert de l’Arizona, deux aéronefs ennemis prendront pour cible les voyageurs. Aussitôt abattus, ils ont pourtant eu le temps de mitrailler le groupe, provoquant un grave désastre : la mort de Jarrett et surtout la blessure gravissime infligée à Erickson. Parmi les trois Japonais survivants à la chute, l’on retrouve le maintenant bien connu Wami. Les deux premiers proprement exécutés, gardant le dernier captif, les Américains atteignent Lead Mountain qui comporte douze mille hommes de garnison.
    Le sol alentour est piégé par d’innombrables fils électriques. On laisse tout d’abord les jaunes s’avancer sous d’énormes toiles flottantes qui ont pour fonction de dissocier, à partir des ondes hertziennes, l’oxygène de l’air, produisant  de cette manière du peroxyde d’azote : une pluie dense d’acide sulfurique tombera sur les Jaunes, lesquels meurent comme des mouches. Affolés, les ennemis s’entremêlent dans les fils disposés autour de la colline. L’électricité est alors envoyée dans le sol, dérivée à la masse, électrocutant les assaillants par grappes entières, paralysés par les impulsions.
    Mais les pertes, quoique significatives, ne sont pas suffisantes. La ruée continue, les Japonais ayant eu la prudence de mettre à l’avant des cavaliers chinois bien entraînés et inspirant la crainte.
    Au petit matin, l’on découvre Erickson mort, un poignard fiché dans la poitrine, assassiné par Wami qui a pris la fuite. Comme un malheur n’arrive jamais seul, les turbines, fournissant l’électricité nécessaire au combat, se sont arrêtées : elles ont été sabotées. Lead Mountain est désormais sans défense. Le narrateur et son collège Pigeon, transportant le corps d’Erickson pour l’amener à une sépulture convenable, observent de haut, à bord d’un dirigeable, les hordes barbares. Pas longtemps, puisqu’ils sont mis à terre et ne doivent leur salut qu’aux chevaux, dont ils parviennent à s’emparer, et au fait que leurs poursuivants sont arrêtés par les rouleaux de fil électrique encombrant le sol. Ils s’apprêtent à défendre chèrement leur vie.
    Vol.18 : Jap contre Sam, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    Entourés par les cavaliers chinois, ils se résignèrent à défendre chèrement leur vie, lorsqu’un aéroplane japonais, intervenant brusquement, les sauva, en tuant leurs ennemis alentour. Immédiatement saisis, emmenés dans les airs comme prisonniers,le narrateur et son collègue Pigeon, reconnurent Wami en la personne de leur sauveur, qui leur réservait un sort connu de lui seul pour le moment. Traînés devant le général en chef Mosimoto, ils seront ensuite conduits par train à travers la Californie occupée par les Japonais, pour atteindre Horouko (San - Francisco), afin d’y être jugés. Ils virent en cours de route les nombreux mouvements de troupe et surent qu’ils étaient perdus.
    Arrivés à destination, au lieu d’être conduits directement au supplice, ils furent traînés et exhibés à travers la ville, notamment dans le bas quartier de Chinatown où résidait une humanité chinoise et misérable :
    « De chaque côté des rues en pente qui zigzaguent au travers de la cité pestilentielle, j’apercevais un spectacle qui me rappelait des voyages antérieurs aux pays jaunes : les échoppes des marchands de victuaille putréfiés, basses, dans le sous-sol des baraques en papier aux toits retroussés ; les mâts plantés devant les cases avec des oriflammes et des banderoles décolorées depuis la dernière fête qui les vit arborer ; les écrivains publics accroupis sur leur tâche, avec le pinceau et l’encrier, au milieu d’un troupeau  de brutes ignares, désireuses de faire dire au papier quelques mensonges utiles à leurs intérêts ; les rôtisseurs de viande pourrie ; les barbiers ambulants qui, sur le sol même de la rue, rasent du soir au matin les Célestes devant leur porte ; les charrons et les maréchaux qui ferrent voitures et chevaux au milieu de la voie publique. Et des théories de femmes hideuses, d’enfants accoutrés comme des singes, font la foule à côté des magots hébétés qui sont sortis de ces tanières pour nous voir… »
    Puis, enfermés dans une cage au volume à peine suffisant pour tenir debout, vêtus à la chinoise, ils furent condamnés à mort par un tribunal auquel ils ne comprirent rien, si ce n’est la longue intervention et l’animosité de Wami, enfin reconduits, chacun séparément, dans une nouvelle geôle.
    Le narrateur, désespéré, remarqua cependant à côté de lui la présence d’un vieux Chinois, prisonnier comme lui, qui lui remit une lettre écrite par Martin Dubois. Lui indiquant comment il pourrait être sauvé, enlevé par un groupe de Chinois soudoyés par le patron de l’An 2000, à condition de simuler la mort à l’aide d’une potion paralysante. Le prisonnier se résolut à adopter ce plan. Mais au moment où les Chinois, ayant neutralisé les gardes, s’apprêtaient à enlever le corps inerte du journaliste, disposé à l’intérieur d’un vieux fût, Wami intervint à nouveau, tuant les ravisseurs et récupérant son prisonnier.Il lui expliqua que l’occidental resterait trois mois à sa disposition afin que ce dernier voie de ses propres yeux les prodiges de l’armée japonaise, puis qu’il serait mis à mort.Avec anxiété, le journaliste se demanda ce qu’il était advenu de Pigeon.
    Vol.19 : le Hibou de l’Océan, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.

    Le narrateur, reconduit par Wami, sous bonne escorte, retrouve Pigeon, prisonnier comme lui. Toujours inquiet sur son sort, les yeux bandés, (Wami ne va-t-il pas le tuer ?), il est rapidement rassuré par Pigeon qui est en possession de nouvelles fraîches de la part de Martin Dubois. Une dizaine d’aéroplanes du type « Sirius », menés par Will Keog, le frère du précédent, mais qui lui a basculé du bon côté de la force, sont à leur recherche. Will Keog, surnommé le «Hibou de l’océan » prépare une action d’éclat pour enlever au nez et à la barbe des Japs les deux prisonniers au sein de la forteresse de San Francisco.
    Wami, lui aussi au courant de ce qui se prépare, décide de faire front et de démontrer à ses adversaires l’excellence de l’armée japonaise. Pour ce faire, il leur montre les « canons à remous  circulaires » destinés à créer des typhons qui broieront les engins volants  dans leurs remous circulaires. Malgré la riposte, Will Keog réussira à arracher les deux prisonniers des griffes de leurs tortionnaires, à les embarquer à bord de son vaisseau volant et à prendre la fuite au-dessus de la mer. Il y sera poursuivi par deux sortes d’engins japonais aussi performants : les « hydroplanes » et les «hydrovolants », qui glissent rapidement au-dessus de l’eau. Ils seront arrêtés et repris avec, en sus, Will Keog, et remis dans une nouvelle cage. Enfin, menés à bord du vaisseau japonais le « Saïtama », ils prennent la direction du canal de Panama, à travers le Pacifique., pour être utilisés lors d’une mission.
    Les Japonais, Wami en tête, désirent déposer dans un village d’Amérique centrale proche du canal, des caisses d’explosifs. Pour ce faire, ils ont besoin des trois hommes qui sont censés tromper les Panaméens en jouant aux maîtres blancs menant une cohorte de Jaunes. Le passage par la jungle sera éprouvant. Obligés de se tailler leur chemin à coups de machette, ils n’éviteront pas la faune dangereuse, surtout les araignées, décidés à les mordre, et les crocodiles, prêts à les croquer. Arrivés dans le village de Jiayo, une minable bourgade perdue dans la jungle, ils feront la connaissance d’un tenancier de bar, Pedro Blas,  avant que celui-ci ne soit tué par Wami qui le considère comme un traître en puissance. L’humanité primitive autour d’eux n’est pas prête à les secourir :
    « C’étaient des noirs, des rouges, des demi-rouges, des demi-jaunes. Toute une exposition des races inférieures, dit Pigeon : enfants d’esclaves marrons, nègres, croisement d’Indiens et de mulâtres, métis de Blancs, d’Hindous, de ces Chinois mêmes qui étaient venus chaque année travailler au canal et pourrir sur la place, pioche en mains. (…) Une vraie collection de bonshommes en biscuit, n’est-ce pas ? Il y a bien peu de sang bleu dans tout cela, mais il y en a encore. Voyez-vous ceux-ci avec leurs cheveux lisses et fins? Ce sont des Cholos, des aristocrates : aux racines de leur arbre généalogique il y a des Blancs, ou des Blanches. Voici maintenant la monnaie courante du pays : messieurs les Zambos, fils des Colorados ou Pardos, que nous appellerons tout simplement des nègres, entre nous, parce que si nous qualifions ainsi ces citoyens, ça les fâche »
    Que vont-ils devenir ?
    Vol.20 : l’Invincible Armada, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    Le petit groupe de porteurs quitte Jioyo, se taillant un chemin vers la zone du canal à travers la forêt vierge. La première étape se fera à « l’Etang du Diable », que les Zambos craignent.  Après des tractations et une augmentation des primes, ils consentent à avancer en longeant la lagune infestée de moustiques. Ils arriveront dans un village dont le cacique Adolfito Lélégoulou leur offre l’hospitalité où ils profiteront d’un repos assombri par des chauve-souris vampires.
    Au petit jour, ils repartent vers Alhajuela, proche de la route fluviale conduisant au bief de Chagres, par une ancienne route mal pavée et informe. Avançant avec difficultés, ils seront amenés à camper en pleine zone de jungle où un jaguar, profitant de l’occasion croquera l’un des porteurs. Wami, en colère, rend le guetteur responsable de l’incident et le fouettera, ce qui n’est pas du goût des autres qui demandent réparation. Après un conciliabule entre les Japonais, Wami consent à se faire appliquer trente coups de bâton sur la plante des pieds, au vif plaisir des captifs.
    Arrivés à Treboul, ils font la connaissance d’un nouveau cacique, un Breton de France échoué là par hasard, qui se fait nommer lui-même « le Glaive » et qui comprend les mauvais plans des Japonais. Il désire accompagner le groupe pour venir en aide aux Français. Entre temps, Wami tombe gravement malade. Les Blancs, n’écoutant que leur bon cœur –leur morale n’est pas celle des Jaunes !- le guérissent.
    Lors de leur dernier campement à la Rojas, le Japonais passent à l’action. Après être entrés en communication avec leur flotte stationnée dans la rade, ils déchargent les caisses, préparent leurs explosifs et participent au montage d’une petite torpille habitable dans laquelle l’un d’entre eux (le plus petit) prendra place pour une mission suicide. Il dirigera l’engin, bourré d’explosifs, vers la  base du barrage de Chagres pour le faire céder. Il sera aidé par des bombes flottantes en surface. Les Blancs, attachés sur les radeaux dériveront avec le courant et mourront dans l’explosion des bombes situées juste au-dessous d’eux, démantelant ainsi complètement le barrage.
    Seuls nos deux amis, le narrateur et Pigeon, auront la vie sauve puisqu’ils seront recueillis par une patrouille américaine surveillant (mal !) le canal.De là, ils assisteront à l’inimaginable catastrophe provoquée par les Japonais : des centaines de navires de guerre européens, en route vers la Chine, bloqués dans le canal de Panama, se talonnant, définitivement hors de combat, laissant la voie libre aux jaunes dans leur plan d’invasion de l’Europe :
    « Ah ! répondis-je, je vois d’ici les images que les Japs vont répandre à profusion chez eux et en Chine sur la défaite des Européens ! Cette catastrophe-là ?... C’est le succès indiscutable qui va décider la Chine à se lever tout entière en armes, vous verrez ce que je vous dis, Pigeon… Elle a déjà fourni au Japon des subsides et des combattants ; nous en savons quelque chose ! Mais je vois comme je vous vois, mon cher ami, s’organiser sur tout le territoire du Céleste-Empire une levée en masse de hordes jaunes qui vont se répandre, ce coup-ci vers leurs frontières de l’Occident avec la même aisance que l’eau s’éparpille dans les écluses de ce canal. Malheureuse Europe ! Malheureux Blancs ! Et ils se déchirent entre eux au lieu de s’unir ! (…)
    Prises au traquenard, la vieille Europe et l’effervescente Amérique ! Quel avertissement brutal ! Que de cruels lendemains leur vaudraient à toutes les deux le dédain qu’elles avaient affecté pour l’Asie et un demi-siècle d’imprévoyance ! »
    Vol.21 : la Muraille blanche, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    Nos amis sont enfin de retour à Paris. Retour provisoire puisqu’ils doivent convaincre la population parisienne de la nécessité de venir en aide aux Russes afin d’arrêter l’invasion chinoise en créant une « muraille blanche » sur les monts de l’Oural capable de stopper les Jaunes. En attendant, ils sont fêtés comme il se doit. Durant les festivités, les acclamations de la foule, les remises de médaille, toutes plus honorifiques les unes que les autres, le déjeuner somptueux pris dans les locaux de l’An 2000 , donné par Martin Dubois, les dépêches qui s’accumulent en provenance de la Russie font état d’une situation catastrophique : les armées du Tsar sont débordées, puis décimées. Dans les steppes de Sibérie, le général Gripinsky a été anéanti. Les Chinois sont parvenus jusqu’à Irkoutsk qu’ils ont mise à sac. Le Tsar appelle l’Europe blanche à son secours.
    Immédiatement le gouvernement français convoque les deux Chambres  d’urgence. Tous les alliés européens participent à la délibération et fournissent leurs contingents de soldats dont l’ensemble atteindra deux millions, prêts à être acheminés sur le front russe. Mais qui sera le général en chef? Ce point fera tant débat que des chamailleries pourraient faire éclater en morceaux la belle union. Heureusement Sir Tom Davis (il a été ennobli récemment) propose le généralissime en chef Prialmont, un Belge, nomination qui fera l’unanimité. Dans la foulée, l’on instaurera une « Yellow tax » , un appel de fonds supplémentaires à fin de conjurer le péril jaune.
    Avant de partir en direction de Moscou, le narrateur est encore provoqué en duel par Gaudichon, le directeur de l’An 3000, le concurrent de Martin Dubois, qui ne voit que cette manière pour se débarrasser du journaliste encombrant, les autres entreprises ayant toutes échouées. Martin Dubois est ravi : il fera de ce duel un spectacle à la hauteur de l’événement. Dans le stade de Montrouge envahi par la foule, Gaudichon donne toute la mesure de sa traîtrise, tirant à la carabine avant le décompte final et blessant son adversaire à l’index, ce qui arrête le combat. Ce dernier, chouchouté et soigné attend donc sereinement son départ pour Moscou, alors que son rival, bousculé et honni par la foule, disparaît sous les lazzis. Cependant, un événement inattendu vint encore perturber les préparations : à St Pétersbourg, l’on vient d’assassiner le Tsar Nicolas II. !
    Vol.22 : Nitchevo !, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    Le départ pour Moscou s’est enfin précisé. Mais dans quelles conditions ! Le tsarisme est contesté par les «Poscarié» (Emeutiers), qui réclament un nouveau gouvernement et une nouvelle constitution, ce qui vient alourdir les conditions déjà difficiles de la mise en place d’une défense.
    D’ailleurs cette émeute (ou révolution ?) semble faire l’unanimité chez les Russes. Les armées étrangères tombent ainsi au plus mauvais moment ; elles sont prises à parti à cause du soutien qu’elles accordent au gouvernement légitime. L’invasion chinoise semble être le moindre des soucis pour les Russes qui n’ont que ce mot à la bouche : Nitchévo ! (c’est-à-dire, «cela ne fait rien», «cela n’a pas d’importance»).
    A St Petersbourg, en présence de tous les officiers des armées étrangères, a lieu la difficile passation de pouvoir : le petit tsarevitch  Nicolas Serge est reconnu comme souverain légitime. Prenant leurs quartiers d’hiver sous une neige abondante, nos amis attendent qu’un train puisse les emmener vers l’Oural, vers la ligne de défense. En ville, les émeutes succèdent aux émeutes, gagnant même certains bataillons russes. Rien n’est disponible à cause de la grève générale et les trains ne fonctionnent plus. Des manifestations sont réprimées dans le sang. Dans la rue Petrovska, la situation devient critique surtout lorsque des aéronefs d’origine douteuse larguent sur la ville des bombes incendiaires qui embrasent plusieurs quartiers.
    Enfin Pigeon et le narrateur entendent les mâles accents de la Marseillaise : un bataillon français, composé de « Voleurs» et de soldats d’infanterie, commandés par le général Lamidey, vient d’entrer en ville. Ils se joignent à eux pour gagner le front de l’Oural, vers la « Muraille blanche ».
    Ce n’est pas une promenade de santé :  D’abord soixante kilomètres dans le froid intense, le vent et la neige incessante, comme jadis les grognards de Napoléon, avant d’arriver à Toula où les attend un train pour l’Oural. Pigeon et notre journaliste se trouveront deux ordonnances françaises, deux débrouillards gouailleurs, Rigoullot et Robinet, qui s’occuperont de leurs chevaux et de leurs affaires.
    Cette marche pénible est heureusement interrompue par un épisode inédit. Au-dessus d’eux, un dirigeable en perdition plane jusqu’au sol. Les deux dragons (des «Loung») peints sur leurs flancs ne laissent pas place au doute : il s’agit bien de Chinois en avant-poste.  Ceux qui sont encore en vie sont capturés, quant aux autres, ils se sont déjà suicidés avant d’arriver au sol. Parmi les survivants, ô surprise ! un individu bien connu : le Japonais Wami ! Interrogé par nos deux amis sans qu’ils arrivent à lui arracher un mot, les espions japonais sont destinés à être fusillés dès le lendemain. La chose faite, le narrateur se penchant sur le cadavre de Wami, ne peut cacher son étonnement : il ne s’agit pas du même homme! Le vrai Wami, opérant une substitution de personne, est parvenu à s’éclipser, endossant un uniforme français.
    Vol.23 : les Fourmis jaunes, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida
    L’arrivée dans la zone asiatique de la Russie est l’occasion, pour le narrateur, de s’esbaudir devant l’exotisme des peuples croisés, où chameaux à longs poils et costumes bigarrés se mêlent en un kaléidoscope géant. Ici au moins les ressortissants commencent à s’inquiéter des Kitaïski (Chinois) qui déjà ont envahi la ville de Samara.

    Enfin le terminus s’annonce, en gare d’Orenbourg et les Français seront accueillis par le général Lamouroux et par l’état major russe.
    Une missive de Martin Dubois, qui doit les rejoindre plus tard, leur demande de créer un journal de liaison entre soldats, « l’Echo de l’Oural » qui, bien que distribué gratuitement, aidera beaucoup au renom de l’An 2000. Les journalistes se mettent en quête des outils, des hommes et des matériaux pour que ce journal puisse voir le jour le plus tôt possible. L’opération réussit au-delà de leurs espérances.
    L’Echo de l’Oural informera les lecteurs de l’emplacement des diverses troupes européennes, du rôle de liaison imparti aux Cosaques et, plus généralement, de tous les événements récents se produisant à l’instant.
    Nous sommes au début du mois de Mars. Le froid cède peu à peu du terrain. Les norias de trains se succèdent, apportant canons et munitions vers la ligne de front, dont il sera fait un usage immodéré. Un jour, apparaissent une masse d’hommes, de femmes, d’enfants, en approche de la Muraille Blanche. Ce sont des peuplades kirghizes, les Yolounes, attaqués par les Chinois, spoliés de leurs terre, dépouillés de leurs chevaux, et qui demandent asile. Cela leur sera refusé par la haut commandement : on ne franchit pas la ligne de front ! Désespérés, mettant en œuvre leur code d’honneur, des milliers de Kirghizes se suicident  sous l’œil froid des Blancs, plutôt que de retomber entre les mains des Jaunes :
    "Chacun, dans la tribu, a travaillé à détruire son semblable. Les pères ont égorgé d’abord leurs femmes et leurs enfants, en exceptant les aînés. Les aînés ont alors pris les couteaux, les fusils, et tué leurs pères. Après quoi, ils se sont suicidés sur les cadavres de leur famille. Moi seul j’ai tenu à vivre quelques heures de plus pour m’assurer que les choses se passeraient suivant les règles de notre honneur, à nous, qui n’est pas le même que le vôtre. Vous ne valez pas mieux que les Chinois. On a tué votre tsar, on a bien fait. Vous êtes de vilains diables. Brûlez-nous honnêtement, c’est tout ce que je vous demande avant de mourir à mon tour."
    Et sur ce monceau de cadavres, d’un coup de yatagan, le vieux chef de la tribu des Yolounes se trancha la gorge, affreusement. »
    Les cadavres s’entassent sur la plaine blanche, mis en tas et aussitôt brûlés comme de vulgaires fagots.
    Après cet épisode dramatique, nos héros font l’essai d’un traîneau automoteur qui les emmène au-delà d’Orenbourg dans le confort et la vitesse mais qui, au retour, met en danger leurs vies,  car poursuivis par des meutes de loups qui manquent de peu de les déchiqueter. A l’annonce de l’arrivée certaine des hordes chinoises, Lamouroux demande à certains aéronefs de survoler la future zone de combat pour évaluer la progression des Jaunes grâce à un nouveau procédé technologique, le « télécinématographe » qui expédiera directement des images du terrain vers le centre de commandement. Après quelques heures d’attente, le  «Montblanc », dans lequel ont pris place Pigeon et le narrateur, survole des masses infinies d’hommes jaunes en marche, des Chinois, à pieds, à cheval, des groupes, brandissant des têtes coupées au bout de lances, habillés à la moderne et munis d’armes perfectionnées, certainement  fournies par les Japonais. La mission des audacieux «Voleurs» est remplie et nul ne songe à s’attarder au-dessus de cette mer mouvante et hostile, lorsque le « Donon », suite à une avarie, s’abîme à terre, immédiatement attaqué par les Jaunes, sous l’œil horrifié de leurs amis.
    Vol.24 : le choc de deux races, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida
    Bien que certains aéronautes se soient déjà suicidés, d’autres tombent aux mains de leurs ennemis. Impuissants, du haut des airs, leurs amis assistent aux cruels événements. Finalement, décision est prise de nettoyer le terrain, puisque les survivants n’ont, de toute façon, aucune chance d’en réchapper. Les grenades pleuvent au sol, éparpillant hommes et animaux. Le retour est morne et il faut la nouvelle de la mise en place de l’artillerie sur la rive gauche de l’Oural, qui constitue un goulet d’étranglement, pour que les défenseurs européens reprennent courage.
    Puis, c’est la ruée chinoise au passage de l’Irtely. 300.000 Jaunes tombent, fauchés par la mitraille. Bien que l’hécatombe soit totale, les vides sont aussitôt comblés par de nouveaux envahisseurs. La supériorité technologique et militaire des Occidentaux se trouve largement dépassée par la supériorité numérique des Jaunes qui peuvent sacrifier des millions d’hommes à leur entreprise de conquête. Le massacre est tel que les Blancs ne peuvent sauver tous leurs blessés qui seront achevés par les Chinois en d’horribles souffrances :
    « Mieux vaut mourir d’une balle dans la tête que d’être emmené par les barbares en captivité pour servir de jouet macabre à des populations féroces, qui se repaîtront de nos supplices. Car le Chinois, ne l’oubliez pas, ne fait pas de quartier aux prisonniers ! Il les martyrise par des tortures graduées. Vous ne voulez pas qu’on vous mette en croix, n’est-ce pas, ni qu’on vous découpe en dix mille morceaux la peau de tout votre être, ce qui demande plusieurs jours, le plus possible, naturellement ?... Vous ne tenez pas à ce  qu’on vous crève les yeux, les joues, les seins, la gorge, les oreilles ; à ce qu’on vous coupe le nez, la langue, les paupières ; à ce qu’on vous arrache les dents, les cheveux, les ongles, à ce qu’on vous passe des fers rouges sous les bras et les jambes, à ce qu’on vous introduise sous la peau des rats qui chemineront à travers votre corps et mettront trois ou quatre jours à vous dévorer… ? »
    A l’arrière, les fantassins français piaffent d’impatience : pourvu que l’artillerie leur laisse encore des adversaires sur pied ! Les munitions utilisées lors de ces massacres, sont spécialisées et spécifiques et l’on en consomme excessivement, à tel point que l’approvisionnement, en provenance de l’arrière et par trains, doit se faire de manière ininterrompue.
    Les Turcs seront les premiers à souffrir d’un manque de munitions. Ceci est dû à l’action des Poscarié qui, faisant sauter les rails, privent la ligne de feu de projectiles. A terme, cela conduira à une catastrophe pouvant même mettre en cause la victoire des Blancs sur le terrain. Car sans munitions, les défenseurs seront obligés de battre en retraite vers Orenbourg pour s’y retrancher en attendant que les balles, obus et projectiles leur parviennent à nouveau.
    Martin Dubois et nos amis se trouvent au cœur de l’engagement et menacés de toutes parts. Une charge de lanciers en leur faveur libère quelque peu la pression. Mais lorsque la barrière turque cède, c’est le sauve-qui-peut général, en dépit des aéronefs qui sillonnent le ciel et qui font de leur mieux. Les engagements se font maintenant à la baïonnette dans le froid, la nuit, le brouillard, le gel.Avec la neige qui se met à tomber, nos amis sont pris en tenaille, puis libérés à nouveau par une charge de cavalerie. Mais Martin Dubois, criblé d’éclats d’obus, tombe, blessé à mort. Pour ne pas être torturé par les Chinois, il supplie son journaliste de l’achever. Celui-ci obtempère, la mort dans l’âme.
    Dans Orenbourg règne la confusion la plus totale, les blessés encombrent les rues par milliers et l’église Saint-Wladimir est transformée en lazaret improvisé. Le général Lamouroux ne décolère pas d’être ainsi trahi par les siens. Afin de ralentir la progression chinoise, l’on casse la glace du fleuve Oural. Pourtant la retraite vers Rostov s’imposera à court terme, la ville étant pilonnée sans cesse. Peu de temps avant cette prise de décision, une personnalité curieuse, un savant, le Dr. Essipof demande à voir le généralissime des troupes occidentales.
    Vol.25 : A nous le choléra !, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.

    A leur grande satisfaction, le Dr. Essipof, si pacifiste d’allure, propose aux chefs de l’armée de cultiver et de répandre, en quelques jours, à partir d’un laboratoire improvisé et sans beaucoup de matériel, le germe du choléra parmi les Chinois, garantissant ainsi l’extinction de l’armée jaune. Il lui faudra trois jours pour cela.Avec l’approbation du général Lamouroux, et sans que Paris ne soit informé de la décision - pour éviter que les bureaucrates ne ralentissent l’action ! -  Essipof, en compagnie de quelques autres médecins et de nos amis, au nord d’Orenbourg, dans une cahute d’apparence inoffensive, prépare sa mixture épidémique et la fait verser dans la source en connexion avec la nappe phréatique de la plaine.
    Parallèlement, défense est faite aux soldats occidentaux de boire de cette eau : ils devront se contenter en un premier temps de neige fondue puis, plus tard, de l’eau de Choucha, en provenance de poches thermales des monts de l’Oural. Les résultats ne se font pas attendre ; vomissements, diarrhées et crampes couchent les Chinois au sol,  qui sont incapables d’utiliser leur artillerie. Le « Montblanc », en surveillance, rapporte des images d’horreur , pourtant joyeuses pour les Blancs :
    « Il y avait des morts à présent, par milliers. On les voyait étendus sur le sol, sans soins, tombés les uns à côté des autres, parfois en un tas désordonné. Ce n’était pas des alignements de cadavres que nous apercevions d’en haut ; c’étaient des grappes, de véritables grappes funèbres. A la distance où nous étions, entre neuf cents et mille mètres d’altitude, on ne pouvait percevoir un son. Mais les contorsions, les convulsions des moribonds suffisaient à nous montrer que les redoutables bactéries confiées aux eaux brunâtres de l’Oural s’étaient furieusement acquittées de leur mission sauvage. »
    Bientôt, cependant, se produisent des événements bizarres. Des Français, buvant l’eau de Choucha, tombent malades à leur tour. Quelqu’un a dû répandre les germes du choléra dans cette eau, peut-être des Poscarié. L’enquête révèlera qu’un intendant russe s’est fait acheter  par des Chinois et l’on sent derrière cette manœuvre la main de Wami. La réalité est plus effrayante, car c’est Essipof le responsable. Dans un souci d’équilibre morbide, il a voulu rester fidèle à son idéologie de « Niedoloviste » (Mécontent), qui demande une réorganisation totale de l’ordre mondial, mais qui ne pourra être jugé,  puisqu’il s’est suicidé en se lançant du haut de la nacelle du Montblanc.
    En attendant, l’infection se répand aussi chez les Blancs, affectant de plus en plus de monde. Tom Davis annonce qu’un train sanitaire, dirigé par miss Ada, est en route vers Orenbourg pour procéder à l’évacuation des moins atteints. Il y aura également à bord – divine surprise !- des munitions que M. Vandercuyp a fait acheminer par un navire affrété dans le port de Rostov.
    La pression des Chinois, malgré l’épidémie, se fait insoutenable. Déjà, ils traversent le fleuve sur des radeaux improvisés. Miss Ada, avec ses infirmières, saluée comme il se doit par nos amis, ne restera pas longtemps à Orenbourg : il faut repartir au plus vite, après avoir fait le plein de malades, pour Rostov.
    Vol.26 : le Train sanitaire, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    Le train étant apprêté pour le transport des cholériques vers Rostov, le départ fut donné. Miss Ada, ainsi qu’une vingtaine d’accompagnatrices, veillait au grain sous la direction de Brondeix, le médecin-chef. Des obus spéciaux de type soporifique, ayant endormis des milliers de Chinois, l’on se demandait quoi faire de tous ces ennemis à leur réveil. Les cosaques mirent en œuvre une solution simple, élégante et horrible : ils les égorgèrent !
    En attendant,  trois armés chinoises, l’une au Nord, l’autre au Sud, la troisième au centre, respectivement commandées par les généraux Vou, Dou et Tsou,  convergeaient vers Orenbourg. D’après un jeune capitaine ennemi parlant français, ses compatriotes investiraient Moscou dans moins d’un mois.Le voyage vers Rostov, distant de 700 kilomètres d’Orenbourg, et malgré la sollicitude des jolies infirmières, vit le décès des malades les plus gravement atteints.
    Peu de temps après le départ, se fit un arrêt en pleine campagne, sans cause apparente. Très vite, à l’horizon, les voyageurs virent apparaître une foule de moujiks en colère, menés par des prêtres orthodoxes, et ils entendirent de plus en plus distinctement un seul mot d’ordre : « Pas de cholériques à Rostov ! »Cette foule d’émeutiers, prêts à faire un mauvais parti aux Français s’ils persistaient dans leur désir d’aller de l’avant, ne put être tempérée que par l’arrivée d’un groupe de cosaques jouant le rôle d’intermédiaires.
    Pourtant, eux aussi, avaient eu l’ordre le plus impérieux d’empêcher le train d’avancer. Malgré la protection de l’aéronef le «Montblanc »,  qui mitraillait les belligérants, le train dut reprendre le chemin inverse, en direction d’Orenbourg, les conditions de survie des malades devenant de plus en plus problématiques.
    La mort du général Lamouroux et la menace qui planait sur miss Ada rendaient Tom Davis très pessimiste. Ce pessimisme devint du désespoir  quand il apprit que sa jeune sœur Nelly était elle aussi atteinte du choléra, et devait décéder rapidement. De retour  au point de départ, la situation ne s’était pas améliorée, au contraire. Les plaines étaient jonchées de cadavres infectés et les Chinois pesaient sur le dispositif de l’armée turque, de plus en plus défaillante. Pour couronner le tout, Tom Davis, atteint à son tour par le choléra, mourut de façon fulgurante, dans une cabane, à Perm, à  peu de distance d’Orenbourg
    Vol.27 : Désespoirs et vengeance, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
    Le corps de Tom Davis fut brûlé à Niojnine le 7 avril 1938, au grand désespoir de Miss Ada, effondrée, malgré le soutien moral que lui prodiguait Pigeon.  Dans le lointain, ils entendent  des fusillades et voient venir vers eux une troupe de jeune soldats turcs qui leur apprennent que leur armée s’est fait soudoyer par les Chinois, achetée pour 500 piastres par tête, qu’elle a tourné casaque,  se dressant dorénavant contre les Occidentaux,  et qu’eux seuls, ne partageant pas cette trahison, leur sont restés fidèles. D’ailleurs, ils ont fait un prisonnier jaune qui semble impliqué dans la manœuvre. Avec stupéfaction, nos amis s’aperçoivent qu’il s’agit de Wami. Ce dernier, déversant un torrent d’injures sur leurs têtes, montrant sa haine à l’égard des Blancs, se coupant la langue plutôt que de continuer à leur parler, est tué par le général Lamidey, d’un coup de pistolet, son corps, dépecé par les Turcs et sa tête promené au bout d’une pique.
    Enfin, le train repart, accompagné par le groupe de soldats fidèles, pour s’arrêter presque aussitôt : une rivière en crue a noyé les rails ; il est donc impossible de franchir l’obstacle. Mais impossible n’est pas turc ! Ceux-ci se mettent en deux files parallèles, pénètrent dans l’eau, et, au signal du commandant, soulèvent, en un effort prodigieux les rails, permettant aux Européens de franchir l’obstacle, avec la locomotive et ses voitures. Cet effort stupéfait le narrateur. Tout le monde réembarque. L’arrivée très lente, au-dessus d’eux d’un aéronef français, les met en joie. Ils sont sauvés ! D’ailleurs une voix venue du haut, leur demande de se préparer à monter à bord. Les Turcs, cependant, flairent un piège et dès que le dirigeable leur est accessible, ils le mitraillent à bout portant. C’étaient effectivement des Japonais qui, ayant pris le contrôle de l’engin, singeant les Occidentaux, s’apprêtaient à les enlever dans les airs.
    Le train est très vite confronté  à un nouvel arrêt, définitif celui-là : les rails et le ballast ont sauté comme résultat d’un sabotage opéré par les Poscariés, soutenu par les Japonais. D’un repli de terrain, les adversaires jaillissent soudainement.Talonnés par le gros de l’armée turque, assaillis par les saboteurs, harcelés par les Jaunes, les Blancs se sentent perdus. Mme Louvet, miss Ada, le Dr. Brondeix, Pigeon, le narrateur se trouvent aux mains de leurs ennemis, la tête mise dans une cangue, attendant la venue des trois maréchaux chinois qui décideront de leur mise à mort, certainement après d’atroces tortures.
    Vol.28 : les Chinois à Moscou, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp couverture illustrée par Robida.

    Les prisonniers avancent avec l’armée chinoise dont ils peuvent apercevoir l’ordonnancement. A l’arrivée des maréchaux, les troupes se rangent par bataillons. Au son d’une musique militaire cacophonique, les Occidentaux sont traînés devant les chefs. Dou leur explique qu’ils seront mis à mort lors de l’entrée des siens dans Moscou mais, qu’en attendant, ils seront gardés en vie pour s’imprégner de l’excellence des armées jaunes.
    Pourtant, histoire de les mettre en appétit, trois des Turcs capturés avec eux seront suppliciés avant leur exécution immédiate : nez, oreilles et langue coupée font partie d’un programme qui se clôt sur une décapitation.Quant au Dr. Brondeix coupable, selon eux, d’avoir participé à la dispersion du microbe cholérique, il subira le supplice dit de « la promenade du rat », sous l’œil horrifié de ses amis et celui, ravi, de la plèbe jaune. Immédiatement marqué au fer rouge, on lui introduit un rat vivant dans ses blessures gonflées, lequel poursuivra tranquillement son chemin en grignotant les chairs du bon docteur :
    « Alors le tortionnaire en chef entra en scène. Après avoir fait à Dou-y-Kou un salut obséquieux, il entr’ouvrit adroitement sa cage, de manière à laisser le rat s’échapper dans la première poche de chair qui se présentait.
    Après toutes sortes de précaution la bête fut mise en contact avec la peau, dans laquelle l’aide venait de découper brusquement une ouverture, à la pointe d’un sabre. Le rat quittait aussitôt son panier et entrait en fonctions, car on vit le corps de notre malheureux compagnon sursauter et se tortiller dans une succession d’épouvantables douleurs. Le bourreau, fier d’avoir réussi son coup, lançait bientôt la cage en l’air, et d’un geste indiquait au maréchal que l’animal était à l’œuvre. Immondes Chinois ! Bêtes féroces indignes de porter le nom d’hommes, décidément ! Comment s’appelait donc le fou qui voulait démontrer dans je ne sais quel ouvrage, voilà des années déjà, la parfaite égalité des races humaines ? Il n’y a pas de races, disait-il, avec je ne sais quelles déclamations en guise de preuves à l’appui, il n’y a que des hommes !
    Je crois que s’il eût été crucifié sur un chevalet, comme notre malheureux docteur Brondeix, nu sous le soleil d’avril, avec un rat vivant sous la peau, ce philanthrope paradoxal n’eût pas raisonné de la même manière. »
    Ceci enchante les Chinois qui augurent qu’il mettra longtemps à mourir, trois jours dans le meilleur des cas !
    De Volsk, au bord de la Volga, l’armée reprend sa route vers la capitale de la Russie.  Wang-Tchao,  parlant parfaitement le français, leur est spécialement attaché et les met en contact avec Takorikara, le principal interlocuteur qui rassemble des journalistes de Kobé, Pékin, Bangkok ou Ceylan.
    Fasciné, le narrateur assiste, dans cette plaine sans aucune élévation, à un chef-d’œuvre de la stratégie chinoise, c’est-à-dire à la mise en place  d’une colline artificielle formée par les corps de centaines de soldats, entassés les uns sur les autres, servant de marchepieds aux généraux désireux d’examiner les environs.
    Pour fêter leur arrivée, les maréchaux permettent une représentation théâtrale dans laquelle se tortillent de nombreuses geishas au son d’une musique horrible aux oreilles des captifs. Suprême avanie : miss Ada et ses compagnes déguisées en chinoises aux petits pieds, sont traînées sur scène et moquées par la foule, aux accents d’une marseillaise caricaturale.
    Wang-Tchao qui est tombé amoureux de la blanche miss Ada, propose un marché au journaliste à qui il est demandé de la convaincre en échange de la vie de cette dernière. Miss Ada refuse, car elle reste fidèle au souvenir de tom Davis. Enchaînés comme du vulgaire bétail, ils arrivent à Moscou, appelée Kitaïgorod, terme final de leurs souffrances.
    Devant le Kremlin, sur la Place Rouge, les Chinois préparent la grande fête du lendemain où trois cents de leurs ennemis seront mis à mort dans les tortures les plus longues, les souffrances les plus atroces, sur des échafauds aussi variés que prometteurs. En guise de hors-d’œuvre, et pour s’ouvrir l’appétit, ils soumettent sans désemparer Mme Louvet au supplice de « la chemise de fer ». Sur le buste de la malheureuse est enfilée une sorte de cotte de mailles, aux multiples petits trous,  extrêmement serrée, d’où s’échappent quantité de petits bourrelets de chair. La règle du jeu est simple : le bourreau tranche ces bourrelets, laissant Miss Louvet agoniser le plus longtemps possible, perdant son sang.
    Vol.29 : Dans l’avenue des supplices, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.

    Miss Ada et ses compagnons seront forcés de voir ce triste spectacle. Il se poursuivra avec des décapitations rythmées par les sons des cloches du Kremlin. Wang-Tchao tente à nouveau de sauver miss Ada en la substituant à une autre jeune femme. Refus de la première. L’après-midi est agrémenté par le supplice des « serpents d’eau ».  Ligotées, la peau nue, des femmes blanches se voient appliquer, étroitement serrés autour d’elles, des tuyaux d’arrosage remplis d’eau bouillante et dont l’effet est garanti pour guérir définitivement des rhumatismes, le tout sous les injures et les lazzis des Jaunes. La nuit, s’élèvent des chants de triomphe autour des gibets. Miss Ada, en proie à une ultime tentative d’enlèvement (ou de sauvetage) de la part de Wang-Tchao, n’en supporte pas plus. S’emparant d’un poignard, elle se le plonge dans la poitrine.
    Pas assez profondément, hélas ! car elle n’en meurt pas. Frustrant les maréchaux de leur vengeance, elle sera immédiatement suppliciée, tant qu’elle est encore en vie. Pendant que de jeune Chinois lui enfoncent des clous rougis au feu dans les talons –histoire de la faire réagir !-, on allume tout autour d’elle des fagots pour une bonne flambée. Elle mourra en quasi-sainte, devant le maréchal Dou, à l’instar de Jeanne d’Arc à Rouen.
    Vient le tour du supplice de Pigeon. Lui, ainsi que le narrateur, munis de mors crasseux qui les empêchent de s’exprimer, sont sommés de creuser leur propre tombe. Le journaliste, dont la mise à mort est prévue en dernier, assiste à l’agonie de Pigeon dont on découpe le dos et le ventre en fines lanière de peau et de viande que l’on donne à manger à des chiens. Finalement, la tête de ce dernier sautera sous le coupe-coupe terriblement aiguisé d’un bourreau fier de son œuvre. Le tout sera disposé dans la tombe, dans le plus parfait désordre :
    « Avec un « han ! » de bûcheron le tortionnaire enfonce l’arme terrible dans le cou de l’écorché.
    –Hao to ! crie encore le populaire.
    Mais ce n’est pas fini. La tête a roulé en bas du tréteau. L’un des galopins l’a ramassée et renvoyée comme une balle ensanglantée au bourreau, qui la fait sauter plusieurs fois dans ses mains avant de l’envoyer à son destinataire, le maréchal Dou. Le hideux guerrier la prend, la considère, ricane, lui adresse des insultes que répètent Tsou et Vou. Après quoi le maréchal jette la tête dans la tombe ; les aides y portent le corps qu’ils laissent tomber pesamment. »
    En ce qui concerne notre héros, avant qu’il ne soit décapité, et étant donné qu’il a été jugé coupable d’avoir répandu pendant si longtemps de si mauvaises nouvelles pour le peuple jaune, des tortures préalables et inventives ont été mises en place.
    D’abord, on le pend, à cinq reprises, le relâchant au bord de l’asphyxie, ce qui lui permet d’apprécier la difficulté du passage dans l’autre monde. Puis, on lui enfourne de grosses allumettes enflammées dans les narines, ce qui l’asphyxie également, le fait éternuer, lui monte au cerveau, lui fait un mal de chien, etc. etc.
    Ensuite, on l’enterre, la tête à fleur de sol. Alors qu’il croit être arrivé au bout de son martyre, il s’aperçoit (encore) qu’il n’en est rien.  En effet, le bourreau lui fait sur une autre, une démonstration du dernier délice qui l’attend : avec une petite cuillère, on lui fera sauter proprement l’œil (les deux !) hors de leur orbite. Aveuglé, réduit à rien, le condamné attend le coup de grâce.
    Vol.30 : la Fin d’un cauchemar, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida
    C’est à ce moment précis que le narrateur se réveille. Angoissé, avachi, reprenant lentement le contrôle de lui-même, secoué par son domestique chinois qui ne comprend pas ce qui lui arrive, il doit se rendre à l’évidence: il a été la victime d’un atroce cauchemar. Ayant beaucoup de mal à se réadapter à la réalité, il se rappelle enfin qu’il est attendu au mariage de Miss Vandercuyp (Miss Ada) avec le sergent Tom Davis, en présence de nombreuses autres personnalités, comme son patron Martin Dubois, et qu’il se trouve à La Haye en cette occasion. D’ailleurs, son collaborateur Pigeon, trouvant qu’il est bien long à s’habiller, tambourine à la porte, ce qui achève de le réveiller.
    Aussitôt après, ils se dirigent ensemble vers l’église, puis, après la cérémonie, vers la sortie,  où les jeunes mariés défilent sous la voûte d’acier. De là, ils se rendent dans le hall de restauration où doit se dérouler le repas de noces, ce qui laisse le temps au narrateur de conter longuement à son ami Pigeon les détails, les caractéristiques et modalités diverses de son affreux rêve.  Pigeon lui fait remarquer, qu’en effet, ils ne sont pas en 1937 mais en 1907, que « l’An 2000 » n’existe pas, contrairement au « Figaro » ou au  «Petit Parisien », que l’invasion jaune n’a pas eu lieu (du moins pas encore!) ainsi que la guerre du sorbet qui a dressé la France et l’Angleterre contre la Prusse, même si cette dernière est menaçante,  et que la conférence de La Haye recèle bien des dangers.
    Les personnages qu’il a rencontrés dans son odyssée cauchemardesque avaient revêtus les oripeaux de la réalité. Ainsi Wami ressemblait étrangement au délégué japonais M. Tsoukouba et Jim Keog au commodore américain Clayton. De même, le « War insane Asylum » était le titre d’un tableau fixé au mur. Lors de la promenade digestive faite en compagnie de Pigeon, les deux amis se rendent compte que le matériau de ce rêve est si riche qu’il pourrait fournir le sujet d’une œuvre romanesque. Aussitôt dit, aussitôt fait. Ils prennent le temps, dans une auberge de hasard, de coucher sur le papier l’intrigue et les événements oniriques qui constitueront le corps d’un roman-feuilleton « la Guerre Infernale », destiné à être publié dans les journaux, formant ainsi le tableau d’une vision prémonitoire de l’avenir :
    « Dans mon cas, je vois déjà se dresser en un faisceau toutes les invraisemblances du rêve, et pourtant au milieu de ces invraisemblances un fil conducteur apparaît…
    -L’idée de la guerre future.
    -C’est clair. Qu’avions-nous fait à La Haye depuis un mois? Enregistré les dires de plénipotentiaires qui ne parlent que de la paix. Il est tout naturel que notre esprit, tendu depuis un mois sur l’idée de paix, soit accueillant à l’idée de guerre.
    -Absolument (…) A La Haye, si l’on n’a parlé que de paix, on n’a pensé qu’à la guerre. Le point de départ de votre cauchemar est logique. Les excellents vins du banquet vous avaient incité à rêver. Vos préoccupations de chaque jour ont déterminé le leit motiv du rêve. C’était la guerre, et la guerre infernale que les Conférences de La Haye cherchent à rendre moins cruelle –sinon impossible-, la guerre que nous ne verrons pas, j’espère, mais qu’on verrait dans quelques années, si quelques fous s’avisaient de la déchaîner sur le monde. »
    conclusion:
    La « Guerre infernale », écrite par Giffard, illustrée par Robida, sans que l’on sache exactement la part de l’un et de l’autre, (l’on se rappelle que Robida est aussi l’auteur du «Vingtième siècle » et de « la Guerre au Vingtième siècle), est l’archétype même du genre « guerres futures ». Débité en livraisons hebdomadaires, durant trente épisodes, le roman-feuilleton, qui va atteindre une taille respectable, développe l’ensemble des thèmes que l’on retrouvera ultérieurement dans ce type d’écrit.
    Autant dire qu’il est exemplaire. Ecrit avec une indéniable qualité dans le style, le roman évoque les conséquences d’une guerre à venir, d’abord européenne,  puis mondiale. Dans les premières années du vingtième siècle, avec les développements de la technologie militaire, la menace, de plus en plus pesante, que constituait la Prusse, se cristallisent les inquiétudes de 14-18 en littérature, comme l’a magistralement démontré I.F Clarke avec son ouvrage (non traduit) « Voices prophesying war, future wars (19763-3749)»
    En ce sens, la « Guerre infernale » porte les traces et les stigmates des idéaux, des préjugés et des valeurs qui furent ceux de nos arrières grands-parents, ceux d’une société occidentale encore en plein essor colonial, et que les deux guerres qui suivront n’avaient pas encore mise à genoux.Le discours y est donc triomphant, dominateur, xénophobe et raciste. D’abord la « guerre des sorbets », appelée ainsi en raison du motif futile qui l’a initiée, et qui rassemble les protagonistes de deux camps : les Prussiens et leurs alliés, les Italiens d’un côté, la France, l’Angleterre et la Russie, de l’autre. Tous les coups seront permis. Cette guerre sauvage et monstrueuse entre Blancs, s’appuyant sur l’arrogance des Prussiens, affaiblit le rayonnement européen. Elle n’est pourtant qu’un hors-d’œuvre, une sorte de mise en bouche,  puisque le corps de l’ouvrage décrit un conflit entre les Européens et les Japonais, entendez entre les Blancs et les Jaunes. A cette occasion, même les Américains, qui avaient fait cause commune avec les Prussiens, retournent leur veste  en reconnaissent leur erreur et rejoignent l’entente blanche.
    D’ailleurs, leur territoire est envahi dès le début par les infiltrés de la cinquième colonne, ces immigrants jaunes de Californie. Le véritable nœud du conflit est ailleurs : c’est celui du « Péril Jaune»,  quand les masses énormes de Chinois s’ébranlent en direction de l’Occident et, épaulées par la technologie japonaise, désirent envahir nos pays. La mort n’est rien pour eux, semble-t-il. Un inépuisable réservoir d’hommes, riche de plus de quarante millions d’individus, déferle en hordes serrées, à travers les steppes mongoles et sibériennes, à l’assaut de la Russie blanche. Les Jaunes y sont décrits en fonction de l’image qu’ils dessinent dans la fantasmatique blanche : fourbes, cruels, inhumains, au réflexe de fourmis, se délectant des tortures, capables de se suicider et de mourir sur commande.
    Le thème du « Péril Jaune » ne cesse de parcourir la littérature conjecturale du siècle. Tous les romans, apparentés à notre domaine l’évoquent, roman ou roman-feuilleton, rendu palpable dans les écrits des Pouvourville, Kistenmaekers ou autre Lermina.  Les Européens y ont naturellement le beau rôle : ils sont intelligents, humains, sensibles et munis des dernières inventions technologiques, canons démesurés, aéronefs hyper-rapides, bactéries nocives, cultivées avec soin en vue d’éradiquer industriellement l’ennemi.
    Sans discussion, ils représentent le Bien. Le racisme et la xénophonie,  dont ils administrent la preuve à chaque instant,  apparaissent comme des évidences, tellement les «nègres » les « métis » et les autres « sang-mêlés » leur sont naturellement inférieurs, comme si la couleur de leur peau signait irrévocablement leur demi-humanité. On sait aujourd’hui les conséquences qu’a produites cette attitude dominante en notre début du XXIème siècle.
    La guerre, aussi. La barbarie y est dépeinte, difficilement soutenable parfois,  sans concession, crue ou brutale, mais si nécessaire ! « L’ingénieur von Satanas » n’est pas loin.  Blessés, traumatisés, charniers, explosions, membres épars, suicides, tortures, s’accumulent au fil des pages, jusqu’à la nausée. Il n’est guère que le capitaine Danrit qui les dépasse dans la description de l’horreur avec sa somme indigeste qui évoque  la  «Guerre de demain ».
    Politiquement, l’œuvre est conservatrice. Faisant leur la pensée de Goethe pour qui « l’injustice est préférable au désordre », les auteurs abreuvent d’injures les "Poscariés", ou révolutionnaires russes, prêts à mettre à bas leur pays pour réclamer une nouvelle constitution. Non seulement ils perpètrent un crime inouï en assassinant le tsar Nicolas II, non seulement ils paralysent leur gigantesque pays avec une grève générale, mais surtout ils empêchent la victoire de l’Occident sur les hordes jaunes en faisant sauter tous les ponts ferroviaires censés acheminer munitions et canons pour les vaillants défenseurs de la « Muraille blanche », dans les contreforts des monts de l’Oural.  Ingrats, bêtes à mourir avec leur volonté de nuire, honnis et à mettre au ban de la société, voilà comment sont vus les « Poscariés », dont le traitement devrait être équivalent à celui des Jaunes.
    Enfin, ceux qui ont le beau rôle dans cette épopée guerrière, sont les journalistes et, d’une façon plus générale, la Presse, seul « média »comme l’on dirait aujourd’hui, capable de transmettre rapidement les informations en provenance du front, informations non censurées, bien sûr.  Le héros du récit est l’un de ces journalistes –dont on ne saura jamais le nom comme si cela n’avait aucune importance – qui, avec son collaborateur Pigeon et avec son excellent patron, M. Martin Dubois, relate sans désemparer les événements de l’héroïsme occidental.
    Si l’intrigue est soutenue, et souvent relancée selon la manière propre au roman-feuilleton, les personnages principaux hors du commun, comme ce Wami, tortionnaire japonais de nos héros, la critique des « vieilles badernes » de l’armée présente mais discrète, la « lenteur » des bureaucrates et autres politiques quelquefois dénoncée, il n’en reste pas moins que la fin est décevante, car irréelle : toute cette aventure n’était qu’un rêve ! Un cauchemar, plutôt, dont s’éveille le narrateur après un repas trop bien arrosé. Une telle chute, souvent utilisée dans la procédure romanesque – une manière de fuir la difficulté structurelle d’une « fin » appropriée-, représente le maillon faible d’un récit qui, malgré sa longueur, présente aussi d’indéniables qualités littéraires, le rendant encore lisible aujourd’hui
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