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Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !

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Livres

  1. Type: livre Thème: épidémies, la cité foudroyée Auteur: Michel VIALA Parution: 1995
    Une ville morte qui devrait être Genève, juste après la catastrophe. Une épidémie foudroyante a réduit drastiquement le nombre des survivants. Le narrateur y traîne une existence vide, à l’instar de quelques autres, tenant à jour son journal intime.  D’un naturel peu communicatif et sauvage, il s’est installé une niche sur les hauteurs de la ville, qu’il appelle " la Tanière " :
    " Je mange les haricots à la même boîte, actionne la pompe pour remplir un verre d’eau. Par bonheur la conduite n’a pas gelé. L’eau n’a pas mauvais goût. Il y a un sac de charbon à côté du poêle. Je le bourre jusqu’à la gueule, car je commence à avoir froid. Plus tard, je retourne au fourgon pour y prendre mon journal. La neige est toujours aussi épaisse. Elle craque sous mes semelles."
    Aménagée selon son goût, en compagnie de ses vieux 78 tours, il y coule une existence paisible se ravitaillant de temps en temps, à l’aide de son 4X4, en boîtes de conserve encore disponibles  dans les magasins :
    " Souvent, je pars seul à l’aventure ; j’ai trouvé sur un bateau au bord du lac, des talkies-walkies et des piles de réserve. Ainsi nous pouvons communiquer, Ji et moi, quand je m’absente.  Et, en variant les fréquences, j’ai même eu d’autres interlocuteurs. Malheureusement, ils sont à des centaines de kilomètres. Il faudrait carrément monter une expédition pour les rencontrer et Ji n’en a pas envie. J’ai rencontré en ville quelques solitaires que j’ai apprivoisés. (…)
    La ville se dégrade de plus en plus, au point de ne plus ressembler à une ville, mais à un champ de ruines. Ca a commencé par les toits. Un orage violent il y a quelques années, a cassé et déplacé des tuiles si bien que l’eau a pu pénétrer et a pourri les murs. Il n’a pas fallu dix ans pour que certaines maisons s’écroulent. De nombreuses rues sont obstruées de gravas, où pousse maintenant une envahissante mauvaise herbe, voire même des arbres. "
    Namor (c’est son nom, anagramme de Roman, autant pour désigner la Suisse que pour la narration) a également aménagé son fourgon pour y résider à l’occasion.  Sa tranquillité est cependant troublée par un groupe d’inquiétants survivants qui ont pris assise au café de la Rotonde, ont suivi ses déplacements, et aimeraient qu’il les rejoigne. Ce groupe désespéré, nihiliste en son essence, comporte la femme au manteau de fourrure, le Plongeur, l’Amiral, la Barbie et le Grand Noir, ainsi que Ji, une jeune asiatique. Tous se droguent ou s’alcoolisent sauf Ji qui devient la compagne de Namor, l’accompagnant en la Tanière. Le narrateur se coule dans ce sursis que lui offre la vie. Ji, en fonction de ses fantasmes matrimoniaux, transforme la Tanière, l’humanise. Au bout de quelque temps,  elle attend un enfant. Parfois, d’autres inquiétants personnages traversent l’espace du récit. Comme ce vicomte de la Parlotte qui vit encore selon les privilèges d’un ancien régime, enfin restitués par le cataclysme.
    En ville, près du parking où il s’était garé, Namor rencontre Gédéon dont la fonction, semble-t-il, est d’accumuler un quantité d’objets invraisemblables. Insensiblement, le narrateur perd la notion du temps. Au sortir de son éclipse –où était-il ?-, il estime que plusieurs mois se sont écoulés.
    De retour à la Tanière, il retrouve une Ji différente de celle qu’il a connue, en compagnie du " Mécanicien " qui l’aide en ses divers travaux. Elle apprend à Namor que son fils, baptisé Roman, est né. Elle est toujours prête à jouer à Adam et Eve avec lui mais selon des normes bourgeoises qu’elle veut imposer à Namor.  Sans un mot, le narrateur repart dans son fourgon :
    " Le mécanicien amateur de poule et de coq a garé le fourgon devant la palissade. J’ai vu son arrivée depuis la fenêtre. Il entre dans la maison comme chez lui, me salue vaguement et se précipite vers Ji qui tient Roman dans ses bras. D’autorité, il s’empare du bébé, le couvre de baisers. Le petit se met à pleurer. Je n’en supporte davantage, je sors. Je vais vers le fourgon. Je monte dans la cabine. Miracle, mon journal est là sur le tableau de bord ! Je mets le moteur en marche. Il tourne rond. Ji se montre à la fenêtre. Elle me sourit. Je démarre. Salut."
    En ville, les signes de la décomposition s’affichent de plus en plus nettement :
    " Je remplis mon sac à dos de provisions de bouche et d’objets de première nécessité. Je continuerai à pied, car les rues sont maintenant impraticables à tous véhicules. Même un char d’assaut n’y passerait pas. Les profondes crevasses et les énormes amoncellements de gravas sont autant d’obstacles infranchissables. La ville enfin rendue aux piétons !. "
    A la Rotonde, plus trace du groupe des " Immortels ". Ils résident maintenant dans un bateau, sur le lac d’où ils s’amusent à des jeux de pouvoir. Namor s’y rend, est capturé, réduit en esclavage selon les codes d’un jeu qui suit une stricte discipline militaire.  Libéré par la femme au manteau de fourrure, il remonte à la Tanière, mais il n’y a plus trace de Ji et de Roman ; ont-ils seulement existé autre part que dans son imagination ?  Le lieu est dégradé, envahi par la végétation : serait-il resté absent au monde encore plus longtemps qu’il ne l’avait pensé ?
    " Et si soudain, je me retrouvais il y a dix ans sur un parking encombré de véhicules, de cris, de rumeurs, de bruits, d’odeurs, de passants pressés, actifs, entreprenants, dynamiques ? Que cette césure verdâtre disparaisse ? Que je me retrouve à enseigner des banalités à des enfants dociles ? Car peut-être cette prison où je suis enfin seul, n’est-elle qu’un avatar ? Qu’un moment de ma folie ? "
    A Genève, il fait la rencontre incongrue d’un cheval errant dans les ruines urbaines :
    " Soudain, j’entends du bruit. Je regarde autour de moi. Aussi insolite que cela paraisse, on dirait un galop de cheval. Après tout, pourquoi pas ! J’ai déjà vu, dans cette ville que la nature reconquiert, des chèvres, des poules, des vaches et même un tigre ! le galop se précise. Débouche bientôt sur la place un superbe cheval alezan. ",
    Puis apparaît Lara la naine, comédienne en son théâtre,  où elle se joue une pièce sans spectateurs. Fuyant à nouveau vers la Tanière en sa compagnie, il y fait la connaissance de Paul Trachner, un soi-disant militaire qui s’est donné pour mission de réorganiser la société en recensant les survivants.
    Lara est séduite et accompagne Trachner en son illusion. Namor, resté définitivement seul et penché sur son journal, livre ses dernières réflexions sur la mort et la survie, la disparition de l’Homo Sapiens, se demandant si la naissance de son enfant Roman ne correspondrait pas à une nouvelle race, celle de l’Homo Post-Sapiens  sapiens:
    " Déjà, avant le bouleversement, j’étais un solitaire. Je n’avais avec les autres que des rapports absolument indispensables. C’est ainsi. Et pour Roman, ma foi, je ne vois rien à lui apporter , sinon un passé frelaté… la situation fait de ce petit bout d’homme ou le résidu condamné d’un désastre ou le début d’une autre espèce : l’homo post-sapiens sapiens. Prions pour cette dernière éventualité (…) Il faut que je cesse de penser. Que je n’écoute que le bruit du temps qui me conduit vers la mort. Une bonne fin, car alors tout disparaîtra lentement. Les souvenirs s’effilocheront. Ji et Roman se dilueront dans une brume indéfinissable… "
    Ce texte cataclysmique offre en une écriture serrée l’ensemble du bouquet thématique rattaché à la problématique du genre.  Dépassant la pure description d’un décor qui forme la toile de fond où s’inscrivent les événements, le romancier s’immerge de manière permanente dans le narrateur et transcrit des réflexions liées au vécu d’une situation dramatique, adoptant pour cela la posture de héros post-romantique.  Cette histoire,  baignant dans la couleur crépusculaire d’un désespoir tranquille,  forme la trame  d’un texte original et peu courant dans notre domaine.

  2. Type: livre Thème: menaces climatiques Auteur: Jean-Pierre ANDREVON Parution: 1994
    Le jeune narrateur, Marchetti, a beaucoup de chances que son papa soit un ingénieur, bricoleur de surcroît, qui ne se laisse pas aller à la morosité ambiante. Depuis quelque temps, une pluie continue transforme la ville (et la terre entière) en un bourbier infâme, à un point tel que, dans le collège, tous les cours sont interrompus:
    " Cela doit être difficile d’enseigner l’Histoire quand " son tissu se défait comme un pull-over quand on tire sur une maille " - comme nous le disait la semaine dernière, monsieur Ferniot . Et encore plus vain de faire des cours de géographie quand elle se modifie tous les jours, à mesure que l’eau ronge les côtes. "
    La situation se révèle catastrophique, un nouveau déluge, dû à la pollution, noie le paysage:
    " Dans les Alpes suisses, les torrents ne cessent de grossir, emportant des villages entiers sur leur passage... Au Bangladesh... mais le Bangladesh n’existe plus, il n’y a plus qu’un trou émietté sur la côte indienne, qui ressemble à un gigantesque fromage mou dans lequel un géant affamé a planté ses dents...  En Italie, Venise achève de s’enfoncer dans la mer. Cette fois, c’est bien la fin d’une des plus belles villes du monde. La mer du Nord déferle vers l’Europe sans cesse gonflée par la fonte des glaciers du pôle. Le Danemark, la Hollande; la Belgique, la Normandie sont amputés chaque jour de dizaines de kilomètres carrés... "(...)
    " A force de balancer dans l’atmosphère des millions de tonnes de gaz carbonique et autres cochonneries suite à la combustion forcenée des énergies fossiles, pétrole et charbon en particulier, la température moyenne du globe s’est élevée en l’espace de quelques dizaines d’années. Oh! pas de beaucoup: quatre ou cinq degrés. Mais ça suffit pour accentuer ce que l’on appelle l’effet de serre. Résultat: l’eau des océans a subi une accélération de son évaporation. Des milliards de mètres cubes de vapeur d’eau se sont condensées au-dessus de nos têtes, formant autour de la planète une impénétrable couche de nuages. Et il s’est mis à pleuvoir, cette pluie que nous connaissons bien, que nous subissons sans trêve, cette pluie lourde et grasse, noire de toute la pollution ramassée en chemin. "
    Les villes se dépeuplent, les militaires sont sur le pied de guerre, même Claude Dracheline, le meilleur ami de Marchetti, a émigré avec ses parents vers des lieux plus cléments. Seule Aïcha, enfant des ZUP et autres ZAC, jeune fille de harki, ne sait où aller. Fière et abandonnée, elle hante encore des immeubles déjà condamnés par la pluie. Quant à Marchetti, il aide son papa à construire une arche qui les emmènera vers les étoiles, vers une autre terre. Avec sa maman, Chloé, il rapporte toutes sortes d’objets électroniques laissés là, à disposition, dans de rares entrepôts encore approvisionnés:
    " De toute façon, ces expéditions étaient le plus souvent inutiles. Les entreprises et entrepôts abandonnés étaient pillés jusqu’à l’os, les autres ne montraient que des présentoirs vides. Il pleuvait, il pleuvait, tout le monde foutait le camp. La plupart des routes traversant le plateau étaient devenues impraticables, les pontons montés par le Génie pour permettre la traversée de la plaine inondée s’effondraient les uns après les autres et n’étaient pas remplacés. Le tissu social continuait de se défaire maille par maille. "
    La situation se dégrade nettement lorsqu’une bande de "grands" les attaque, visant plus particulièrement la grange où papa construit son engin. Heureusement, maman les met en fuite. Très motivé par l’urgence, papa accélère l’installation de sa petite famille à bord de l’arche, n’oubliant pas d’emmener, comme il est écrit dans les textes canoniques, un couple de chaque animal domestique encore vivant autour d’eux : chien, chat, mouton, vache, etc., et, pour tenir compagnie à Marchetti, le veinard, sa copine Aïcha,  future promise du narrateur.  L’arche s’élève traversant une épaisse zone nuageuse, témoin de l’universalité de la catastrophe:
    " La terre, comme vous le savez, est mal partie. Combien de temps cette pluie tropicale que nous avons nous-mêmes déclenchée va-t-elle durer ? Un an? Dix ans ? Cent ans ? Personne ne peut le dire. En conséquence, de combien de mètres, ou de centaines de mètres, l’eau va-t-elle monter ? Cela non plus personne ne peut le dire. Ce qui va se passer ensuite, par contre, nous pouvons le prévoir: isolée des rayons du soleil par le bouclier de nuages, la terre va se refroidir. Toute cette eau déversée va geler, notre planète connaîtra un nouvel âge glaciaire. "
    l’arche débouche à l’air libre sous un ciel constellé d’étoiles, libre de voguer vers une nouvelle terre.
    Un petit récit d’Andrevon destiné aux enfants de huit à quatorze ans. Bien que le thème du nouveau déluge soit totalement éculé, le texte n’en est ni naïf, ni pétri de cette fausse sensiblerie si commune à ce type de littérature pour la jeunesse. Au contraire, l’auteur en profite pour y distiller quelques messages qui lui tiennent à coeur, de l’anti-racisme, du danger de l’industrialisation à outrance, en passant par l’écologie et l’amour de la nature.

  3. Type: livre Thème: Adam et Eve revisités, la nouvelle glaciation Auteur: Gilles FONTAINE Parution: 1994
    Vol.01 : la Survivante, Magnard éd., 2003, coll. "Magnard jeunesse ", 1 vol. broché,  in-octavo, 153pp ;   couverture illustrée  par Jaouen Salaün. roman d’expression française
    1 ère  parution : 2003
    Lisa  se réveille dans sa  maison familiale à Commentray, petite ville située entre Tours et Orléans. Ce matin-là est exceptionnel. Ses parents, ses amis, ainsi que tous les habitant de la petite ville ont disparu. Lisa est seule, terriblement seule :
    " Il n’y avait dehors aucune trace de violence, pas d’immeubles éventrés par des bombes, ni de voitures incendiées. Pas de rues inondées ; pas de maisons en flammes ; pas de fissures dans la chaussée comme on en voit après les tremblements de terre ; pas de cadavres dans les rues, pas de blessés, pas même de traces de sang. "
    Après un moment d’affolement, elle explore les environs, et  s’organise pour repérer les lieux privilégiés de survie. A bicyclette, elle se rend à l’hôpital pour s’y aménager une retraite sûre, en se nourrissant des produits du supermarché local. Elle se rendra vite compte qu’il lui faudra prendre des précautions car si aucun humain ne se manifeste, elle partage le pouvoir de la vie avec les animaux du zoo proche, l’éléphant ou le tigre, qu’il s’agira d’éviter. Au fur et à mesure que passent les jours, l’environnement urbain se dégrade, les rues étant rendues à la sauvagerie de la vie végétale :
    " Un mois avait passé. Personne n’était réapparu, et la radio restait muette. Dans certains quartiers, l’air devenait difficilement respirable, à cause des ordures qui n’avaient pas été ramassées le matin de la Disparition. Les jardins publics, n’étant plus entretenus, étaient envahis par les herbes folles. "
    Reste sa rencontre avec Elias, l’adolescent mystérieux, l’orphelin des ateliers souterrains (" les Souts "), relégué au rang d’esclave, obligé de travailler pour les besoins de l’hôpital. La " Disparition " l’a, lui aussi, épargné. Avisé, mais inculte, habile mais sauvage, c’est lui qui décide de sa rencontre avec Lisa, considérée comme provenant d’un autre monde. Les deux adolescents organisent leur survie en réservant pour plus tard l’exploration lointaine, car divers signes (un billet dans une bouteille pêchée dans la rivière proche) montrent que d’autres personnes ont pu survivre. C’est ainsi que Lisa fait connaissance avec la bande des "Faucheux ", un groupe d’adolescents qui compte envahir Commentray pour y prendre le pouvoir et obliger tous les survivants à travailler pour eux.
    C’était sans compter sur le petit groupe de " Manu ", une ancienne copine de Lisa, devenue, elle aussi, chef de bande et qui espère reconstruire la ville d’avant. Ceci ne plaît pas à Elias et ses deux amis Guillaume et Betty, eux aussi anciens orphelins-esclaves. Considérant la Disparition des adultes comme une seconde chance donnée à la vie, qui les a ainsi débarrassés de leurs tortionnaires, ils prêchent le retour à la nature en incendiant les quartiers nord de Commentray :
    " On peut chercher ailleurs, si tu veux, continua l’adolescente. Figure-toi que je connaissais… -Tu ne comprends pas, Lisa ! On est débarrassés de cette saleté d’humains, et toi tu voudrais recommencer comme avant, reconstruire les maisons, rétablir l’électricité, retrouver les autres survivants… Tu dois te soumettre à l’eau, au feu, à la terre, Lisa ! (…) C’est la nature qui commande. Les hommes nous ont emprisonnés et la nature nous a libérés. Nous avons choisi notre camp ! ".
    Lisa, coincée avec son jeune ami Pierre entre toutes ces volontés contradictoires, n’a d’autre alternative que de fuir pour s’installer dans le quartier sud de la ville, momentanément épargné. Le répit sera de courte durée, puisque les Faucheux, avec à leur tête le " Seigneur ", leur chef, se heurtent au groupe de Manu. Lisa devra la vie sauve à Elias et à sa parfaite connaissance des souterrains de la ville  inondée. Quant aux Faucheux et leurs adversaires, ils ne survivront pas très longtemps, une main mystérieuse les ayant enfermé dans une maison en y mettant le feu : ils mourront tous, carbonisés. Lisa, Elias et Pierre sont dorénavant prêts  à affronter l’extérieur, autant pour échapper au mystérieux incendiaire que pour s’assurer de l’existence d’autres êtres humains.
    Un thème ancien et exploité (cf. " L’Heure " de Lewino). Ici, les survivants sont des adolescents puisque le livre est destiné à cette tranche d’âge. L’auteur se tire bien de la situation à travers le souci du détail, de la vraisemblance psychologique, et l’attention  au décor. L’action ainsi que l’intrigue évolue lentement, formant une assise solide pour une histoire dont le présent volume ne constitue que le premier tome.
    Vol.02 : le Dôme, Magnard éd., 2004, coll. " Magnard jeunesse ", 1 vol. broché,  in-octavo, 141pp ; couverture illustrée par Jaouen Salaün. roman d’expression française
    1 ère  parution : 2004
    Lisa, Elias et Pierre sur la route. Près du Château de Vals (un haras), ils sauvent de la noyade des chevaux menacés par la montée des eaux consécutive à un barrage en cours de rupture. Mais une ombre s’attache à leurs pas, celle qui a provoqué l’incendie de la maison et qui est prête à nouveau à tuer. Elias sent qu’on les suit. Se mettant à l’affût sur une branche d’arbre, il n’aperçoit pas l’ombre mais une bande de " bikers " qui campent dans une clairière. Découvert à son tour, il est attaché à un tronc et abandonné là. Il sera sauvé de justesse, le matin, par Lisa et Pierre partis à sa recherche,  car il a contracté une pneumonie qui est prête à l’emporter. Le laissant se reposer, les deux adolescents pensent lui rapporter des médicaments de la ville voisine. Ils y découvrent en effet une pharmacie mais aussi les bikers qui ont investi les lieux, et leur prisonnier adulte, Sam, appelé "Doc ".
    En le libérant, ils apprennent qu’il est originaire du " Dôme",  d’où il s’est enfui, une sorte d’abri en verre, ancien camp de vacances pour jeunes, où vit encore une société d’adolescents.
    Lisa a la même idée que les bikers: il importe de situer le Dôme, appelé encore " les Nouveaux Territoires ". En attendant, il faut sauver Elias. Ils arrivent juste à temps pour neutraliser " l’ombre ", " le fou " qui envisageait de tuer leur ami. Stupeur ! Le fou est François, le frère que Lisa croyait disparu. A sa vue, il retrouve la mémoire et s’intègre au petit groupe.Le Dôme, trouvé facilement, est régi par Kito, un jeune dictateur qui hait les " Ads " (adultes) qu’il rend responsable de la Disparition. Il en garde pourtant quelques-uns en prison pour qu’ils l’aident de leurs connaissances. Elias s’entend bien avec Kito qu’il croit issu des " Souts " et dont il partage les valeurs. L’avenir est cependant gros de menaces. Le chef des bikers qui a un compte à régler avec Kito a, lui aussi, découvert l’entrée du Dôme. Entre-temps est survenu l’hiver, avec sa neige qui s’accumule sur la verrière menaçant de la faire s’écrouler. Alors que la place est investi par les bikers, et grâce à Pierre qui se sacrifiera, Elias, Lisa et François quittent le Dôme en train de s’effondrer, par le moyen d’une montgolfière. Kito sera fait prisonnier, puis relâché. Nos amis s’agrègeront au reste des bikers et à leur chef Marc.
    Vol.03 : la Dernière tempête, Magnard éd., 2004, coll. "Magnard jeunesse ", 1 vol. broché,  in-octavo, 175pp ;  couverture illustrée par Jaouen Salaün. roman d’expression française
    1 ère  parution : 2004
    Lisa et ses amis, réfugiés au haras après la chute du Dôme, envisagent de reprendre leur route vers le sud devant la menace effrayante d’une immense tempête de glace et de neige, prémisse d’une sorte de typhon glaciaire. Alors que François, resté en arrière, retrouve Luna, sauvée par Sam, en un couloir souterrain, Marc, Lisa, ainsi que les autres suivent la voie désormais enneigée et difficile, le long de l’ancienne autoroute du sud de la France. Elias est capturé par deux jumeaux qui l’emmènent auprès de " l’homme-montagne ", un énorme obèse qui les tient sous sa coupe psychologique. Il utilisera de la même manière Elias pour qu’il lui rapporte de la nourriture.
    En cours de route, Marc, Loup et Marie feront sécession. S’emparant de la voiture qui leur avait permis d’avancer plus vite, ils abandonnent le reste du groupe. Lisa et les autres, à bout de force, seront sauvés par des adolescents qui ont établi leur base dans un aéroport désaffecté jouxtant l’autoroute. Logeant dans les immenses gros porteurs, ils ont à leur disposition, nourriture, boisson et énergie. Se sentant parfaitement à l’abri, ils sous-estiment le danger que représente la tempête. Lisa n’est pas tranquille. Après quelques jours, avec son noyau de fidèles, elle repart avec François, Luna et Elias, délivré de son tuteur, qui l’a rejointe.  Arrivés au bord de la mer, ils découvrent un impressionnant village de tentes où, d’une façon très libre, il leur est permis de s’installer. A un détail près : la nourriture leur est rapportée en bateau par des étrangers adultes, habitants d’une île voisine. En contrepartie, ceux-ci exigent des enfants que certains leur servent d’esclaves. Lisa en fera partie. Elle découvre  dans l’île que les adultes, en possession du bateau de pêche, ont à leur disposition de nombreux enfants qui veillent à toutes leurs charges. La tempête approche, inexorable. Sur la plage, François prend toutes les précautions pour s’enterrer dans le sable, afin de donner moins de prise au vent :
    " Protégeant son visage d’un revers de sa chemise, François les rejoignit. Il les aida à se relever, leur fit comprendre qu’ils devaient se retourner, dos à la tempête. Quelques mètres plus loin, Elias se rendit compte qu’il grelottait. Des grêlons jonchaient maintenant le sable. –Vite, il faut faire un trou ! hurla François en dépit des rafales qui couvraient sa voix…. Assez grand pour nous quatre ! –On ne va pas s’enterrer ? protesta Luna. –C’est notre seule chance ! "Il n’était plus temps de discuter. Ils se jetèrent à genoux et commencèrent à creuser. (…) Ils descendirent dans leur abri, tendirent la toile de tente au-dessus de leur tête pour fermer hermétiquement le trou, fixèrent les lanières de la tente à leurs poignets pour qu’elle ne s’envole pas.
    De son côté, Lisa, profitant de ce que les adultes sont partis pêcher, referme solidement la porte, s’enfermant avec les autres enfants dans le baraquement. Lorsque la tempête s’évacue enfin, laissant derrière elle un paysage d’apocalypse, toutes les menaces auront été balayées : la mer, ayant gelé instantanément, a broyé le bateau des esclavagistes. Les deux groupes se ressoudent, celui du continent rejoignant l’île en marchant sur le bras de mer gelé. Les adolescents s’installeront définitivement là, constituant un ultime noyau d’humanité plus solidaire et plus respectueux de la nature :
    " Je crois que tu avais raison, Elias dit enfin Luna . Depuis le début. Le garçon hocha la tête. " La Terre a remis les compteurs à zéro, reprit Luna. La Disparition pour les humains, la tempête pour tout ce qu’ils avaient édifié. Plus de maisons, plus de machines, plus d’énergie. Tout à reconstruire. Et surtout plus d’adultes. Ou à peine quelques-uns pour nous aider à redémarrer. "
    La " Dernière tempête " clôt la série du " Nouveau monde ". Les personnages y ont gagné en densité et en maturité, vaincu l’horreur et la mort pour survivre dans une plus grande fraternité affective et relationnelle. Un très beau cycle pour adolescents.

  4. Type: livre Thème: menaces climatiques Auteur: John BARNES Parution: 1994
    2028. Le monde a profondément changé grâce à  l’informatique. D’autres nations se sont formées et se disputent la prééminence dans un contexte planétaire. De nombreux personnages vivent leur vie personnelle et se retrouveront alternativement en compagnie des uns ou des autres au fur et à mesure du déroulement du récit.
    Une rivalité opposant la République de l’Alaska et celle de la Sibérie d’Abdulhashim mettra le feu aux poudres. Afin d’annihiler le stock de missiles de la République de Sibérie, les Etats-Unis lanceront une contr’attaque avec des missiles nucléaires, ce qui changera la face du monde. Les engins de mort, s’enfonçant profondément dans la banquise polaire, libèrent des centaines de milliards de tonnes de méthane dans l’atmosphère jusque-là maintenues à l’état de clathrates au fond de la mer. En quelques jours l’atmosphère se réchauffe provoquant un effet de serre inattendu et mortel.La conséquence en est la naissance d’un extraordinaire cyclone tropical, baptisé " Clem " qui, pompant l’énergie de l’océan Pacifique menacera de plus en plus dramatiquement à travers son trajet erratique l’espèce humaine, plus particulièrement celle située le long des bordures continentales:
    " Le rapport qui sera rendu public et communiqué à l’ONU affirme que l’été prochain verra l’émergence d’une vingtaine d’ouragans, de typhons et de cyclones d’une violence inconnue à ce jour, de sécheresses radicales dans les zones tempérées et de moussons dévastatrices dans les tropiques; les neiges d’Afrique de l’Est se transformeront en glaciers et la Colorado River cessera probablement de couler; la famine, les inondations et les tempêtes causeront la mort de plusieurs dizaines de millions de personnes (...) Il sera probablement impossible de sauver les Pays-Bas et très certainement impossible de sauver le BanglaDesh ainsi que les très grands deltas. Certaines îles du Pacifiques seront rayées de la carte et, dans l’hémisphère Sud, les glaciers de l’Antarctique gagneront en volume durant l’hiver austral pour fondre plus rapidement que d’ordinaire en octobre et novembre. Les conséquences de ce dernier phénomène sont encore imprévisibles. "
    Il en résultera un milliard de morts ainsi que l’écroulement des anciennes nations avec une nouvelle donne géopolitique.
    Le cataclysme est vécu " en direct " grâce aux acteurs de la XV, chaîne télé qui permet l’empathie totale des spectateurs par le biais des branchements informatiques de simulation. L’événement est vu, ressenti, analysé à travers les acteurs de la XV (certains acteurs mourront en direct),  relayé par des centaines de millions de téléspectateurs:
    " Ils s’effondrent doucement sur la moquette, toujours tendrement enlacés, sentent la fatigue s’emparer de leurs corps. Bill prend le visage de Candy en coupe et l’embrasse; sa bouche est grande ouverte et lorsque Porter zappe sur elle, il constate qu’elle est encore en train de jouir, que des  vaguelettes de plaisir montent encore de sa vulve endolorie.
    La bourrasque choisit cet instant pour frapper. Le vent cyclonique est susceptible de doubler, voire de tripler sa vitesse initiale. Cette bourrasque, venue de la mer brise simultanément toutes les fenêtres de l’hôtel. Les deux tourtereaux ont à peine le temps de voir la baie vitrée se fracasser contre le mur; Candy ouvre la bouche pour hurler."
    Enfin les "datarats", sortes de programmes informatiques "intelligents", en puisant et en volant les informations ultra-secrètes des ordinateurs, permettent, en quelques nanosecondes, de révéler à qui le désire, les secrets  découverts. Les personnages du récit se livrent ainsi une guerre larvée à coups de manipulations informatiques par datarats interposés.
    Les uns en profiteront, telle la présidente des Etats-Unis, Brittany Lynn Hardshaw,  pour hâter l’émergence du nouveau monde, parfois à leur propre détriment, et pour lutter contre les éléments naturels. Les autres s’en serviront à leur profit personnel comme Jameson, la journaliste ou John Klieg, le requin de la finance internationale.
    Clem et ses rejetons constituent l’unique souci de Hardshaw. Comment arrêter ou atténuer l’effet des cyclones? Elle se tient au courant de la situation à travers Carla, une femme spécialiste mondiale de la météorologie qui croise dans la pacifique avec son sous-marin personnel. Carla est en liaison avec son époux Louie Tynan qui tourne sur orbite terrestre,  dernier humain dans un espace totalement robotisé. Ces deux personnages joueront un rôle de premier plan dans le récit. Grâce à eux la terre sera sauvée. Louie, inutile jusque là, reçoit soudain l’ordre de réactiver la base robotique lunaire pour des lancements éventuels. En ce but, il se branche en visualisation symbiotique sur les machines-robots disponibles à la surface lunaire. Une conséquence inattendue de cette manipulation en est la transmutation asymptotique de son esprit,  bientôt totalement imprégné par des programmes de plus en plus sophistiqués qui développeront ses capacités de manière exponentielle: il représentera à très court terme l’équivalent de milliards de cerveaux humains en connexion, et ses facultés continuent encore à se développer:
    " Pour lui, huit mille ans environ se sont écoulés. Il utilise plusieurs milliards de processeurs, en fait il atteindra le trillion cet après-midi même, et comme chacun d’eux est massivement parallèle, il fait tourner en tout plusieurs quintillions de programmes (...) Il s’amuse à élaborer une douzaine de projets destinés à transformer Jupiter en petit soleil pour faciliter la terraformation de ses lunes, imagine quelles nations pourraient s’y établir ".
    Heureusement pour l’espèce humaine, Louie reste une sorte de dieu bienveillant  et compatit à son malheur. En connexion avec Carla,  qui s’est totalement immergée dans le web terrestre, Louie abandonne son corps physique pour être plus à l’aise, et envisage de mettre fin aux activités du cyclone Clem en transportant à proximité de la terre une comète de glace puisée aux confins du système d’Oort, de la découper en tranches (" des fresbees "),  et de les lancer dans l’atmosphère terrestre en vue de rafraîchir la terre. Le mécanisme cyclonique s’arrêtera ainsi de lui-même, privé d’énergie calorique.
    Durant ce temps, Klieg le financier avec son idéologie de la middle-class et ses datarats, apprend que tous les lanceurs terrestres seront détruits par le cyclone. Comme il en envisage toutes les conséquences, il installe sa propre base de lancement dans la république de Sibérie, s’acoquinant avec un financier du coin. Hardshaw aura besoin de lui pour se débarrasser du fléau par le lancement d’une myriade de ballons en mylar dans la haute atmosphère, ce qui réduira l’intensité lumineuse, donc l’énergie disponible pour Clem. En situation monopolistique, Klieg est, en désespoir de cause, l’autre espoir de l’humanité. Louie se rend compte cependant que si d’aventure Klieg remportait la mise, sa réussite livrerait la Terre à la plus féroce dictature jamais envisagée.
    Restent Synthia Venture alias Mary Ann, la reine hard du porno de la XV, et Jesse , l’amoureux éconduit.  Ils se retrouvent au Mexique, elle fatiguée d’être le modèle de la copulatrice médiatisée, et lui à la recherche d’un vrai amour "centré". Ils vivront ensemble leur amour dans un décor bouleversé par le cataclysme et s’ouvriront à l’amour des autres en se forgeant un destin grandiose. Par sa notoriété et grâce à l’empathie universelle de la XV, Synthia deviendra l’outil consentant de Hardshaw qui lui proposera d’être le modèle positif d’une renaissance sociale. A travers Synthia, les survivants pourront reconstruire un monde meilleur.
    Berlina Jameson, la journaliste par qui le scandale est arrivé, devenue célèbre grâce aux secrets diplomatiques qu’elle a pu révéler avec ses datarats, est aussi manipulée par la présidente Hardshaw en vue de  piéger Klieg dont Louie lui a signalé le danger énorme que ce dernier constituerait pour l’avenir. Et, durant que ces personnages se battent ou s’unissent, les cyclones s’amplifiant, balaient le monde:
    " Clem 650, le cyclone dont le bilan se révèle le plus meurtrier, est certes l’un des plus puissants qu’ait engendré Clem, mais il frappe au bon endroit et au bon moment. Il était impossible d’évacuer le Japon et, en dépit de leurs parcs de réplicateurs, les Japonais n’ont pas eu le temps matériel d’édifier assez de digues. Clem 650 tourne au nord-est de Honshu et ravage un corridor peuplé d’êtres humains condamnés à l’avance. Il en tue cinq cents millions en l’espace de neuf jours. Le 26 août, il arrive au large de Yokohama, et le lendemain, bien que les autorités japonaises conservent un silence obstiné, on apprend grâce aux radars que Tokyo n’est plus qu’un champ de ruines. Clem 650 fonce vers le sud, achève de submerger Honhsu et Kyushu, envoie une marée de tempête sur les côtes de Chine et jusque dans le détroit de Formose. En s’engageant ainsi dans le détroit, cette marée donne naissance à un courant si puissant qu’il arrache à la côte tous les ports situés entre Quanzhou et Zianjang - y compris Hongkong et Macao -, à la façon d’un jet d’eau fendant une plaque de neige. Les images en provenance de la Chine sont horribles : on voit des masses d’hommes et de femmes piétiner des montagnes de cadavres dans leur fuite éperdue. "
    Louie revient finalement en orbite terrestre avec sa comète. La terre est sauvée mais pleine de cicatrices. Au plan géographique, des terres ont sombré, des mers sont apparues. Au plan politique, des pays ont disparu, des états nouveaux se sont imposés. La prééminence des Etats-Unis est terminée. Enfin, au plan de l’espèce humaine, un nouvel être est né : un quasi-dieu, Louie Thynan, qui veille sur la destinée des êtres humains.
    "la Mère des tempêtes" est un ouvrage complexe croisant habilement divers thèmes, les uns anciens, comme celui de "la tempête universelle", et d’autres appartenant au courant cyberpunk. La richesse des descriptions, l’effet de réel engendré par la véracité scientifique des faits, apparenté à la hard-science, la trame de fond des intrigues politiques sans que ne soit abandonnée l’épaisseur psychologique de personnages  incarnés, traduisent le métier de l’auteur et sa volonté de susciter un livre-univers crédible quant à un futur alternatif proche. L’analyse des conséquences du web et son interaction avec l’être humain en est une de ses créations les plus fascinantes.

  5. Type: livre Thème: menaces climatiques Auteur: Bruce STERLING Parution: 1994
    2030. L’Ouest des Etats-Unis s’est totalement asséché. Un déséquilibre climatique permanent, alimenté par l’effet de serre, provoque tornade sur tornade, notamment au Texas. Bien que la sécheresse semble s’être installée sur la totalité de la planète, sept milliards d’individus continuent de vivre tant bien que mal dans une biosphère hostile. L’évolution technologique a crée une société planétaire curieuse,  à la fois "branchée" informatique et démunie du strict nécessaire
    C’est dans ce milieu qu’évolue Alex, adolescent rachitique, atteint d’une maladie génétique de type mucoviscidose. Il lui reste peu de temps à vivre. Il lui faut pour continuer à respirer se "vider" périodiquement les poumons à l’aide d’un fluide physiologique spécial, une opération très douloureuse.
    Cependant fils de bonne famille - son père est richissime -,  il connaît la zone et sait se débrouiller à l’occasion. C’est dans une clinique mexicaine que sa soeur Jany l’enlève à l’appareillage médical supposé l’aider, et l’emmène vivre dans un groupe de marginaux, les "Frontistes",  bande d’allumés, informaticiens et mathématiciens, va-nu-pieds,  dont le seul plaisir est de traquer les tornades, les plus grosses et les plus dangereuses, en recueillant toutes les informations sur celles-ci.
    Leur chef, Jerry Mulhegan, l’amant de Jany, se présente comme un mathématicien hors-pair et un leader charismatique. Tous les autres le suivent dans sa démarche car lui seul sait quand se déclenchera une "F-6", c’est-à-dire, la reine des tornades, du jamais vu, avec un vortex libérant des vents de plus de 500 km à l’heure.En attendant que se présente une telle opportunité, Alex s’accoutume à la vie du camp, aux costumes en papier, résistants et jetables, au guidage des « ornithoptères » en vision directe grâce au casque-visu qui interprète en temps réel les données de la caméra, fixée sur l’appareil, lorsque celui-ci plonge dans l’oeil de la tornade.
    Ainsi se passe la vie faite de crasse, de poussière, de manque d’eau, de repas pris sur le pouce et de beaucoup de naïveté. Même avec les autres, Alex reste encore marginal, se sentant condamné par sa maladie. Sa rencontre avec Léo, le frère de Jerry, lui vaut une inimitié haineuse de la part de ce dernier. Se sentant décliner, sa seule ambition est de tenir jusqu’à sa rencontre avec la F-6.,Celle-ci ne tardera pas à se concentrer au-dessus de l’Oklahoma : Jerry pressent une tempête d’une violence inouïe. Tout le monde se prépare à accueillir l’événement, conscient du danger mortel qu’il représente.  Soudain, une masse d’air froid gigantesque entre en contact avec le sol en libérant une énergie d’une violence prodigieuse. La totalité de la ville d’Oklahoma-City est aspirée dans les airs :
    " Ils traversaient une bourgade. Celle-ci apparaissait périodiquement alentour, illuminée par les monstrueux éclairs stroboscopiques de la foudre. Le fracas étant général et continu, il régnait sous son casque un silence complet. Le patelin ressemblait à une ville fantôme silencieuse, soumise à un barrage d’artillerie inaudible. Et qu’on serait en train de raser systématiquement : murs abattus, toitures soufflées.
    Mais le vent n’était pas seul à l’oeuvre. Le vent avait convié ses amis. Des objets - autant de projectiles, de shrapnels - défonçaient au hasard, renversant tout ce qui était dressé, tout ce qui résistait, volant, percutant, écrasant, pulvérisant. Des objets volants et destructeurs. D’antiques poteaux téléphoniques d’avant les transmissions radio - sectionnées nets au ras du sol, et venant défoncer les murs des immeubles. Avec une aisance étrange, comme on transpercerait de grosses masses de tofu avec une baguette."
    A bord de Charlie, un véhicule blindé, hautement sophistiqué et semi-intelligent, Jany et Alex suivent la tornade en fournissant toutes les informations possibles au reste du groupe. Lorsque Charlie se renverse, Jany se réfugie dans une sorte de bunker, puis est sauvée par Léo et son groupe de dealers. Alex, lui, trouve miraculeusement refuge dans les branches d’un arbre gigantesque. La tornade passe, laissant sur son passage mort et destruction.Les bandes vidéos et les données informatiques exploitées ultérieurement rendent Jerry et Jany immensément riches. Ce qui leur permet de concevoir une nouvelle vie bourgeoise et feutrée. Alex, grâce à l’argent de son papa, se fera remodeler entièrement le génome pour se débarrasser de sa maladie, faisant de lui un être totalement nouveau. Et la vie continue, dans laquelle tout ce petit monde s’accoutume parfaitement de la pollution.
    Un récit pessimiste quant à la nature humaine et à ses motivations qui vaut surtout par l’introduction de l’élément "cyberpunk" au milieu de la thématique catastrophiste, déjà bien utilisée par des prédécesseurs («le Vent de nulle part» de Ballard ", "le Nuage noir" de Hoyle). Cependant, les descriptions hyperréalistes de l’activité des tornades ainsi que le style de l’auteur, volontairement " branché " font de ce roman un texte «dans le vent».

  6. Type: livre Thème: sociétés post-cataclysmiques 1 Auteur: Hugues DOURIAUX Parution: 1994
    Warrior-le-Grand est un redoutable combattant du clan des Aigles. Habitant la cité en ruines, jeune et inculte, il remplit toutes les conditions pour chasser « les Vieux » rendus responsables du « Grand Feu » qui a détruit toute civilisation:
    « Je m’appelle Warrior et je ne suis pas un Vieux. Dans notre monde, nous haïssons les Vieux . C’est à cause des Vieux que le Feu Infernal brûle les entrailles de la Terre et que le Mal ronge la moelle de nos os. Quand je rencontre des Vieux, je m’enfuis. Ou bien je me bats. Je m’enfuis si je suis seul. Je me bats si des Frères et des Sœurs m’accompagnent.(…) Les Vieux sont capables de tout. Une vermine que je hais de toutes mes forces. »
    L’arrivée d’une Vieille nommée Teigne , va bouleverser sa vie. Alors qu’elle est blessée dans un traquenard monté par le clan des Loups, elle sera sauvée par Warrior qui suit son impulsion. Courageuse, dure et douce à l’occasion, Teigne, s’échappant avec Warrior par les couloirs effondrés du métro, trouvera asile en zone périurbaine, une ancienne banlieue. Il lui faudra du temps pour guérir, ce qui permet à Warrior d’observer à loisir cette étrange inconnue. Il s’y habitue progressivement, troublé malgré lui par son physique. Lors d’une dernière incursion dans la cité pour récupérer une trousse de médicaments, Warrior fait la rencontre musclée d’Enoria, une jeune « Sœur » du clan adverse. Comme le veut la tradition, il la viole. Enoria, craignant des représailles de la part de son chef, supplie Warrior de l’emmener avec lui. Le voici donc avec deux femmes, Teigne et Enoria dans un univers de campagne qui lui est totalement étranger :
    « -C’est vaste, l’Extérieur, dit tout à coup Enoria. Ca nous étonne tellement, Teigne et moi, qu’elle nous parle, qu’on reste un instant à la regarder. Elle baisse la tête, plonge un doigt au fond de sa boîte, le lèche longuement. -Ouais… C’est vaste, répond enfin Teigne. Bien plus vaste que tu peux imaginer. Elle semble songeuse. Et puis voilà qu’elle se met à parler, comme jamais elle n’avait fait : Il y a des campagnes infinies, des forêts, des lacs, des rivières. Des routes et des villes. Des villages déserts. On voit les maisons… De loin, elles paraissent encore vivantes, presque gaies. On s’attend à voir apparaître les habitants. En fermant les yeux, on entend  les enfants qui crient, les gens qui s’interpellent. Mais en approchant, on ne rencontre que le vide, la désolation… La mort… La mort partout… »
    Teigne, prenant le commandement, décide de pousser vers le sud en suivant une autoroute désaffectée. Mais les dangers sont énormes, comme cette meute de chiens sauvages qui ne les lâche d’un pas. Là encore, les connaissances de Teigne les sauveront. Par ruse, ils s’empareront d’un 4X4, éliminant sans pitié les conducteurs, eux-mêmes en chasse. C’est elle encore qui dira au couple de se cacher lorsqu’une troupe de pillards se prétendant soldats passera près d’eux, derrière un char en état de marche. Chemin faisant, Teigne fera l’éducation de Warrior. Elle lui démontre qu’une femme n’est pas un objet lorsque le combattant tente pour la seconde fois de violer Enoria. De fait, une complicité s’installe entre les deux femmes, excluant Warrior. La punition sera heureusement rapidement levée :
    « Mais… A son tour, Teigne m’embrasse, non moins fougueusement qu’Enoria. Je ne comprends plus. Ma main touche ses seins. Elle est nue, elle aussi. Teigne se relève. Je les regarde,  toutes deux. Toutes deux nues, agenouillées, l’une à ma droite, l’autre à ma gauche. La jeune Sœur et la Vieille… pas si vieille que ça. C’est impossible… mon rêve continue ! Enoria se penche, s’affaire à me retirer mes vêtements. Teigne passe sa main calleuse, mais qui se fait douce, sur mes joues. C’est tellement mieux avec de l’amour, murmure-t-elle. Ne dis rien, Warrior… Oublie tes angoisses. Cette nuit nous appartient à tous les trois. »
    C’est une cellule soudée qui entre dans la cité d’Andréas, être cynique et dépravé, entouré d’une bande de « mignons » et de brutes sanguinaires. Teigne, qui connaît la cité pour y avoir vécu, propose à Andréas un combat de gladiateurs, misant sur la force de ses deux amis. Andréas accepte, se réservant de déchirer le contrat en faisant emprisonner le couple quoiqu’il arrive pour le soumettre à sa volonté. Vainqueurs, ils seront pourtant battus, emprisonnés avec l’apparent accord de Teigne, qui attend son heure pour les libérer. Ils se retrouvent hors de leur prison mais en plein combat, avec l’arrivée fortuite de pillards appuyés par leur char. Andréas n’échappera cependant pas à la colère de Warrior qui ne lui pardonne pas de l’avoir sodomisé :
    « Andréas fait encore deux pas, lâche son arme, qui tombe sur le sol avec un bruit de ferraille, puis il s’écroule à genoux, s’effondre enfin devant nous. Je hurle de haine, bondis sur lui, empoigne le manche du poignard, m’acharne sur le corps que secouent de violents soubresauts. Figés par l’agonie, les yeux d’Andréas me fixent. -Fumier ! Je gronde de rage…. me relève et brandis la tête tranchée d’Andréas, le Maître de la Cité ! A ce moment je vois les soldats qui nous entourent et qui nous tiennent sous la menace de leurs armes… »
    Dans la fureur de la bataille, Teigne est mortellement blessée. Remarqué pour leur acharnement au combat, Enoria et Warrior seront graciés par le commandant des pillards, qui les laissera libres de leurs mouvements.  Ils quitteront cette région de malheur pour s’installer dans une ferme vide où Enoria, enceinte, pourra paisiblement mettre son fils au monde. Warrior-le-Combatant est devenu Warrior-le-Paysan.
    Un épisode de la vie en société post cataclysmique narré avec le talent de Douriaux qui, en un style sobre et des phrases tendues, accroche le lecteur. Bien que le récit ne prétende pas rénover le genre, il constitue une agréable détente en présentant toutes les qualités d’un bon roman d’aventures.

  7. Type: livre Thème: menaces climatiques, guerres futures 1, pollution généralisée Auteur: Jean-Marc LIGNY Parution: 1993
    L’eau est devenue un produit hautement convoité dans un monde pollué, inégalitaire où la lutte Nord-Sud se développe. Au Tibesti, le FroLiTi (Front de Libération du Tibesti) s’oppose au gouvernement tchadien dirigé par l’empereur Boukouni qui hait les Occidentaux. L’équilibre entre les deux camps, jusqu’ici parfaitement maîtrisé par les Européens, risque d’éclater. En effet, la CEGE (Compagnie générale des Eaux), vient de découvrir une immense nappe phréatique d’eau douce ne demandant qu’à être exploitée par les pays évolués. Une opération se met en place qui permettra à la CEGE de s’approprier l’eau, d’éradiquer le FroLiTi, aux Européens de se débarrasser de Boukouni et d’étendre la zone d’influence du Nord.
    Ce seront Victor Bensoussan, un mercenaire, et la propre fille de Helmuth-Gonzalès-Andersen, (Directeur de CEGE), son pseudo-otage, qui y joueront un rôle de premier plan. Sandra Federovna Ciccione, adolescente plutôt non-conformiste, vaccinée anti-sida, opiomane qui hait ses parents, tombera amoureuse de Victor lorsqu’elle apprendra qu’elle a été jouée par son propre père. Victor, qui honore toujours un contrat, s’engage pourtant à la livrer à Boukouni, comme prévu. Les Yakusais du Dragon Rouge (Chinois) rendent cette mission plus difficile. L’eau de la nappe phréatique qui leur servait à cultiver les champs de pavots d’opium, à destination de l’Europe, sous la bienveillance active du FroLiTi,  et le plan de la CEGE les dérangent fortement. D’autant plus que des morts subites de drogués laissent à penser que l’opium mis sur le marché est empoisonné. Il l’est effectivement à cause d’anciens fûts irakiens de gaz de combat au tabun qui pourrissaient dans le coin, à l’insu de tous, l’Irak ayant disparu depuis un certain temps déjà de la scène de l’histoire.  
    Leroi-Szbigniew, le poussah répugnant, président de l’Europe-Unie, et la CEGE réussiront pourtant leur coup, éliminant Boukouni et le FroLiTi en ce combat géopolitique sans pour autant récupérer l’eau délétère qui empoisonnera les Tchadiens. Sandra, elle, dégoûtée par la société des nantis, suivra Victor en sa destinée de mercenaire :
    « Sandra fit une grimace de dégoût, se retourna sur son siège de cuir tabac et s’abîma dans la contemplation morose de la circulation derrière nous. C’était d’ailleurs la seule animation dans le paysage mortifère qu’on traversait : gazomètres rouillés, usines à l’abandon, immeubles sinistres, végétation moribonde, étouffée sous le smog éternel. Ca et là des favelas, des cités précaires, des terrains vagues jonchés d’ordures où couraient des mômes en haillons. Partout la crasse, la ruine, la décrépitude. (…) Tous les limes, frontières, contrôles et guerres n’arrivaient plus à contenir les hordes de gueux qui battaient maintenant aux portes blindées des effendias, exigeaient partage et justice. Déjà pillages et sabotages commençaient. Il était temps pour des gamins comme Sandra d’apprendre à vivre.»
    Un petit récit à l’emporte-pièce, cynique à souhait, qui évoque un futur proche et plausible, certainement en dessous de la vérité pour ce qui concerne les manipulations politiques.

  8. Type: livre Thème: menaces cosmiques Auteur: Arthur C. CLARKE Parution: 1993
    La vie du capitaine Robert Singh, commandant du vaisseau « Goliath », est indissociable de sa mission qui l’entraîne aux confins du système solaire, vers Kali, un astéroïde de la famille des Troyens. Détecté par le professeur Millar, un astronome amateur, en dépit du programme « Spaceguard » mise en place par la NASA vers 2100 dans le but de répertorier tous les menus objets du système solaire, Kali, avec ses milliards de tonnes de roche, de fer et de poussière, fonce vers la Terre :
    « Nous sommes en présence d’un petit monde criblé de cratères, en forme d’haltère ou de cacahuète, et d’une masse de deux milliards de tonnes. Par malchance il se déplace sur une orbite rétrograde, en sens inverse de toutes les planètes. Rien de bien inhabituel, la comète de Halley fait pareil, mais cela veut dire qu’il percutera la Terre à pleine vitesse et de plein fouet. C’est pourquoi nous devons absolument dévier sa trajectoire, sinon notre civilisation, et peut-être même notre espèce, sera rayée de la surface du globe. »
    Le parcours personnel de Singh, son travail de spécialiste sur Mars, entre Phobos et Deimos, l’a désigné tout particulièrement pour cette dangereuse mission. A bord du Goliath, un long vaisseau minier en forme de tube, il aura pour obligation, avec ses compagnons et l’ordinateur de bord David, de fixer Atlas, une grosse tuyère propulsive, sur Kali,  pour dévier sa trajectoire, « comme une souris qui pousserait un éléphant. »
    Arrivé dans les parages de Kali, les géologues de la mission recherchent le meilleur endroit d’arrimage. Atlas est mis en place et fonctionne très correctement durant cinq secondes, puis s’éteint définitivement. Quelques exaltés de la nouvelle religion syncrétique terrestre, le Christislamisme, ont décidé que rien ne devrait entraver le plan de Dieu en sabotant Atlas, là-bas, sur Mars.
    La situation est gravissime car le temps presse. Après un moment de découragement, les hommes du Goliath fixent leur propre engin à Kali pour en faire un propulseur, situation vécue avec intensité sur la Terre. Mais un autre danger surgit. Sous l’influence du vent solaire, l’astéroïde commence à dégazer, créant des forces perturbatrices opposées à celles engagées par Goliath, annulant la déviation prévue.
    Comme deux issues possibles valent mieux qu’une, les Etats terrestres ont aussi activé le projet « Excalibur » qui consiste à faire exploser l’astéroïde par un missile atomique, ancienne arme de la « guerre des étoiles » terrestre, du temps de la guerre froide entre les blocs. Une fusée à forte charge nucléaire prend le départ pour Kali, condamnant à mort le Goliath et ses passagers. Fait incroyable, arrivée à destination, la fusée fait long feu, épargnant les hardis pionniers qui déjà s’étaient apprêtés à mourir. Mais son action ne fut pas nulle. L’ impact cassa Kali en deux par son milieu. L’une de ses parties, avec le Goliath accroché à ses flancs, dériva dans l’espace d’où l’on pourra ultérieurement recueillir les naufragés. L’autre, se dirigeant vers notre planète, rebondit sur son atmosphère non sans avoir, au préalable amorcé une catastrophe planétaire :
    « Par chance, le principal impact thermique se produisit au-dessus de l’Antarctique, le seul continent capable de l’absorber. Pourtant, même si Kali n’eut pas la force d’arracher au pôle Sud son manteau de glace, le Grand Dégel bouleversa le tracé des côtes sur l’ensemble de la planète.
    Parmi ceux qui entendirent passer Kali et survécurent, nul ne peut en décrire le bruit et les instruments n’enregistrèrent qu’un faible écho. Bien sûr les images vidéo furent superbes et les hommes pleins d’effroi les regarderaient pendant des générations. (…) Deux minutes après avoir effleuré l’atmosphère terrestre, l’astéroïde repartait vers l’espace. Au plus près, il avait frôlé la Terre à soixante kilomètres. Pendant ces deux minutes, il avait causé cent mille morts et fait pour trois milliards de dollars de dégâts. »
    Avertissement sans frais pour les Terriens qui, à partir de maintenant, regarderont l’espace d’un autre œil.
    Un grand savoir-faire littéraire et scientifique se dégage de cet ouvrage de Clarke qui se lit d’une seule traite. En chapitres courts et denses, sans que jamais l’intrigue principale ne se perde de vue, est brossée en arrière-plan une société du futur proche,  crédible quant à ses motivations sociales et ses développements technologiques.

  9. Type: livre Thème: invasions extraterrestres, disette d’éléments, sociétés post-cataclysmiques 1 Auteur: J.H. ROSNY AINE Parution: 1993
    Deux physiciens, Langre et Meyral, font une découverte stupéfiante: la lumière est malade, elle se dédouble, les longueurs d’onde les plus longues dévorant les plus courtes. Suite à cela, la folie gagne les rues de Paris, le psychisme des gens étant perturbé. Ils se piétinent incapables de résister à leurs mauvais instincts. C’est dans cette ville en délabrement que Langre et Meyral vont arracher Sabine, la nièce de Langre, des griffes de son mari.
    Ils la mettent en sécurité dans leur laboratoire et continuent leurs recherches. Ils apprennent bientôt que les vagues de folie destructrices sont liées au rythme solaire, à la disparition des couleurs du spectre ce qui entraîne aussi la perturbation totale des communications. Peu à peu le rouge, puis le jaune, le vert, puis le bleu, disparaissent. Enfin vint :
    " L’aube, puis le jour, un jour qui ressemblait aux nuits du poète quand l’aurore boréale monte à travers les nuées. "
    Le groupe, réuni autour de Langre, subit un dernier assaut, fatidique pour beaucoup d’humains, le froid se fait sibérien, la folie rôde. Soudain le phénomène, comme une vague, décroît. Mais il a laissé des traces douloureuses en modifiant le comportement des individus.Nos deux héros se réfugient à la campagne, dans une villa, pour se reposer. Ils constatent qu’un lien émotionnel de plus en plus intense, les unit. Meyral note, en face de l’impossibilité de quelques-uns à s’éloigner de la maison:
    "Remarquez que d’instinct nous nous sommes approchés de la maison, c’est à dire du centre favorable.Ce qui m’étonne le plus c’est en somme qu’il ne s’agit pas d’un instinct proprement social. Nous ne désirons pas nous réunir à d’autres groupes. Les groupes du village ne le désirent pas non plus... Hier, quand j’ai voulu aller seul au bord de l’Yonne, j’ai ressenti, à mesure que je m’éloignais de vous tous un véritable sentiment de détresse."
    Le phénomène du " groupisme " est né. Les membres d’un même groupe seront désormais obligés d’évoluer ensemble sous peine de mort. L’humanité a changé de nature. Les liens sociaux universels se sont rompus pour donner naissance à une sorte "d’Homo-Gestalt", à la mobilité circonscrite dans une zone d’action réduite :
    " Il inscrivit quelques notes sur son carnet et reprit sa route. Ce fut pénible, ce fut douloureux. De minute en minute la difficulté s’aggravait. Quand Meyral ayant dépassé l’îlot fut en vue de l’aqueduc, la marche devint épuisante : c’était comme s’il avait traîné un chariot, de grosses gouttes de sueur coulaient dans sa nuque. En même temps une souffrance aiguë envahissait tout le corps; les tempes semblaient pressées par des plaques de bois: le coeur haletait; des brûlures lancinaient les poumons. Il savait que ses peines se répercutaient là-bas, moindres cependant, réparties, diluées. Jusqu’à l’aqueduc, il persévéra; enfin la fatigue devenant intolérable et se sentant à bout de forces, il s’arrêta:
    -Inutile de pousser plus loin l’expérience! Le soulagement musculaire fut instantané. "
    De retour, Meyral fit part de son expérience aux autres membres du groupe. Langre surenchérit:
    «Si je n’étais en proie au plus absurde optimisme, je serai saisi d’horreur. Car tout se passe comme si nous étions devenus une sorte d’être unique.»
    Langre arrive à la conclusion suivante:
    " Oui... nous sommes pris dans un piège immense... Nous sommes saisis par une autre vie. "
    Cette " autre vie " se manifestera par des taches sur le corps de tous les membres.  Pourtant l’été est splendide et les récoltes s’avèrent bonnes. Tout irait donc pour le mieux à l’intérieur du groupe qui partage des émotions de plus en plus intenses si ce n’était l’arrivée d’une nouvelle menace: le "carnivorisme". Comme une épidémie, un besoin incoercible de viande se fait jour parmi les humains, les rendant identiques à des animaux. Entre temps, nos héros s’aperçoivent que les taches qui les recouvrent sont toutes réunies en un réseau de filaments qui se nourrissent de l’énergie des émotions:
    " Vous croyez que ce flux (celui qui a entouré la terre) tout entier était vivant? –Non -Vous croyez que les taches le sont? -J’en suis sûr. Le phénomène dont nous sommes victimes est d’ordre organique. Chaque groupe ,selon moi, est englobé dans un être. "
    La menace du carnivorisme se fait pressante car le manque de viande est mortel. Venu de Westphalie le mal se répand sur l’Europe et se rapproche de la villa où se trouvent nos amis. Langre en organise la défense lorsque le groupe , à son tour, est atteint par la maladie. L’idée lui vient que des champignons combleraient le besoin de viande. Il emmène ses compagnons dans une vieille champignonnière, perdue au fond des bois, où ils pourront assouvir leur besoin. En mangeant des cèpes par grosses quantités, ils se sentent mieux instantanément.
    Ils décident donc de s’établir là pour repousser les "carnivoristes" qui s’approchent, en s’alliant avec les groupes voisins, à qui ils révèlent leur secret. En attendant l’assaut final, Meyral et Langre, devenus chefs,  font fortifier le village. L’attaque survient :
    "On commençait à percevoir des voix sourdes, des grondements de bêtes, de piétinements. Cela venait de l’ouest, mais à mesure la rumeur se propageait au nord et au sud. Parfois un cri sauvage, une plainte retentissante annonçaient des blessures ou une agonie. "
    Après ce combat sauvage, la villa est épargnée et la vie continue cahin-caha, jusqu’à ce que leur arrivent des nouvelles d’espoir  
    " Chaque jour, les nouvelles devenaient plus favorables. Le lien surnaturel qui entravait les sociétés se défaisaient rapidement: l’action individuelle reprenait. "
    La conclusion appartiendra à Langre lorsque, devant un aréopage distingué de physiciens, il exposera sa théorie:
    " On peut conjecturer que c’est UN MONDE ou un fragment de monde qui a rencontré notre terre. De toute évidence CE MONDE appartient à un système très différent de nos systèmes solaires. Il ne s’ensuit pas qu’il fasse partie de systèmes situés en dehors des étendues occupées par la voie lactée et par les autres nébuleuses .
    Il se peut que notre espace comporte des espèces différentes d’univers, tantôt susceptibles d’agir partiellement les uns sur les autres, tantôt d’une indifférence et même d’une perméabilité mutuelles à peu près complètes. Dans ce denier cas, la coexistence des univers, quelle que soit leur proximité, ne donne lieu à aucun trouble perceptible, tandis que dans le premier cas des cataclysmes proportionnels aux analogies sont possibles.
    Le monde qui vient de passer au travers de notre système n’avait pas assez d’analogie avec le nôtre pour détruire notre terre (la masse planétaire semble n’avoir subi aucune modification sérieuse), mais il en avait suffisamment pour attaquer nos énergies superficielles et pour menacer la vie. Un degré d’analogie de plus, ou un passage moins rapide de la catastrophe, et l’animalité terrestre disparaissait.  Quoiqu’il en soit, nous posons l’hypothèse que nous avons subi le heurt d’un monde, incapable de compromettre l’existence de notre globe, et même de troubler sa marche, et que ce monde comporte, comme le nôtre, un règne organique."
    "La Force mystérieuse" est un chef-d’œuvre de l’anticipation française. L’action, constamment relancée, l’intrigue qui ne s’embarrasse pas de fioritures sentimentales (contrairement à l’habitude du roman de l’époque) , des personnages bien campés, cela seul suffirait à en faire un bon roman. Les idées extraordinaires qui annoncent la science-fiction moderne foisonnent : disparition des couleurs et leur influence sur le psychisme, création de l’Homo-Gestalt, rencontre avec un univers parallèle et des êtres radicalement  autres, font de Rosny Aîné l’un des auteurs-clés de la science-fiction d’expression française.

  10. Type: livre Thème: fins du monde, fins de l'humanité, l’apocalypse réalisée Auteur: Jean ALESSANDRINI Parution: 1993
    Maximilien Crible se réveille ce matin du 15 juin 2004 et se rend compte que tout va de travers. Non seulement les gadgets technologiques le lâchent, non seulement, ce jour, au soir, il sera viré de son travail de lecteur-programmeur du plus puissant ordinateur du monde, mais encore, dans les médias , les catastrophes s’amoncellent, avec des volcans en éveil et des tremblements de terre partout dans le monde.
    Plus grave: ce dont il est le seul à s’apercevoir, semble-t-il, c’est qu’il n’y aura pas de 16 juin 2004 ! Le calendrier, la montre, l’agenda,   ne prévoient pas cette date, comme si sa propre mort, ou celle de la terre était déjà programmée. Par ailleurs, il découvre un autre indice qui ne trompe pas : le chiffre 666, celui de la « Bête » de l’apocalypse, que lui, Maximilien, semble être le seul à voir.
    Que se passe-t-il ?
    Malgré tout, il envisage d’aller à son travail une dernière fois, remplacé par « Antisphinx », l’ordinateur géant qui devra être inauguré aujourd’hui. Son collaborateur et ami Gibbelin, lui soummet les dernières projections géosatellitaires. Le doute n’est plus permis: partout, le long de la ceinture de feu se réveillent les volcans,  et à la conjonction des plaques sibériennes, européenne et atlantique, le sol plissé de façon singulière semble former le chiffre 666 :
    « La plus grande partie de l’Irak et la quasi-totalité de la Turquie n’existaient déjà plus qu’à l’état d’ulcération… Une plaie béante à la surface de la terre, si énorme, si profonde qu’elle devait être visible de la Lune !(…) le craquement laissait entrevoir, en contre-bas d’une dépression d’au moins cinq cents mètres amplifiée par une surnivellation de hauteur équivalente, un plateau étrangement lisse disparaissant dans l’ombre portée de nouveaux plissements en à-pics. Il suivit à la loupe le parcours fracturé de ce corridor inopinément mis à jour. Utilisant les tables de conversion, il détermina approximativement l’écartement maximum des lèvres de la plaie à trois cents kilomètres. Pestant contre l’image, il devina plus qu’il ne distingua une série de balafres discontinues, droites, courbes, croisées, circulaires, sinusoïdales, spiralées, biscornues, incisions étrangement régulières, parfois répétitives, comme griffées par un gigantesque burin. Indubitablement ces ciselures ne pouvaient être que l’œuvre de la nature, mais la cohérence de leur dessin lui remit en mémoire le mystérieux artefact de Nazca au Pérou. »
    Pour en avoir le cœur net,  et parce que seul le super-ordinateur saura répondre à sa question, Crible décide de le consulter, bien que l’accès lui en est rigoureusement interdit. Par l’entremise de Gibbelin, il obtient les clés d’entrée de la salle où il se retrouve seul devant Antisphinx. Crible reçoit une réponse à son soi-disant délire.
    Le responsable de tout, c’était lui, Antisphinx. Connecté à la machinerie mondiale, le robot a décidé de tirer un trait sur l’espèce humaine, en enclenchant partout un processus d’autodestruction mais en gardant un témoin privilégié de ce moment, à savoir, lui , Maximilien Crible.
    Maximilien soumet à la machine une dernière question à laquelle elle ne pourra refuser de répondre : que signifie ce chiffre « 666 » inscrit dans les plis de l’écorce terrestre ?Antisphinx met du temps à  analyser les données. Quand enfin il parle, c’est avec un intense étonnement : la terre aurait été programmée depuis son début par la nature, à se détruire un jour, et ce jour, c’est le 16 juin 2004 :
    « -Antisphinx de quoi sera fait le 16 juin 2004 ? Un silence puis la « divinité » assena sa réponse : -Demain, 16 juin 2004, Antisphinx sera le maître de l’univers. -Pourrais-tu être plus précis ? demanda Crible, avec un plissement de paupières inquisiteur.
    -Oui, Crible. Demain verra la fin du cycle humain sur Terre et l’avènement de la machine ultime. (…) La planète est désormais entièrement informatisée, totalement sous influence. Du plus infime microprocesseur au terminal géant et du logiciel d’appartement à la banque de données, la technosphère étend partout son empire et Antisphinx en est le cœur et le cerveau.(…)
    «  Mes conclusions sont formelles. Les lignes de fracture opéreront une première jonction dans six heures trente-neuf minutes dix-huit secondes, c’est-à-dire à vingt-trois heures cinquante-neuf minutes, au point d’intersection géographique considéré comme la charnière du substratum européen, africain et asiatique. (…) Il y aura une dérive accélérée des continents, puis, du fait, de la gravitation terrestre, l’écorce démembrée s’arrachera au noyau fondateur et s’évacuera par morceaux dans l’espace. »
    Pas de chance pour Antisphinx que ce jour coïncide justement avec la prise de pouvoir des machines ! Lorsque les officiels pénètrent enfin dans la salle, ils contemplent un ordinateur définitivement hors d’usage, un Crible, joyeux et insouciant qui s’apprête à rejoindre le fantôme de sa défunte femme, tandis que deviennent perceptibles les premières secousses telluriques :
    « L’orage, un orage fantastique, libérateur, éclata soudain sur la ville. Le tonnerre gronda. Une gerbe d’éclairs déchira le ciel chargé de nuages lourds qui évoquaient un galop d’éléphants cruels. La pièce s’illumina. Le vent se leva. La tourmente souffla. Mugissement. Rugissements.
    -J’ai atteint ma date limite, n’est-ce pas, demanda Crible. -Oui, mon chéri. Viens, je t’attends.
    Elle lui tendit les bras. »
    Un récit pour adolescents, intelligent, ironique, enlevé, dont  le suspense ne se relâche à aucun instant.