Bienvenue dans la Base de Données des livres !
Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !
Livres
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Le professeur Paul Lefort accompagne son ami le richissime et jeune savant Roger Livry, dit « l’Homme de l’apocalypse», dans son odyssée infernale. En ami intime de ce dernier, le narrateur se demande comment empêcher Roger de sombrer dans la folie destructrice. Réel schizophrène, le savant oscille sans cesse entre l’amour et la destruction du monde. Il donne la première preuve de sa puissance à Paul en sa propriété de Fontenoy. Grâce à sa découverte de «l’acide Oméga» auquel il ajoute des particules de radium, la mixture, convenablement disposée à l’air libre, possède la propriété d’abaisser rapidement la température de l‘atmosphère terrestre vers le zéro absolu en quelques mois, vouant à la mort certaine toute forme de vie :
« Etant donné les surfaces d’acide radifère que j’emploierai, six mois suffiront pour abaisser la température du globe à 150 degrés au-dessous de zéro. J’estime qu’aucun organisme vivant ne pourra résister à un pareil climat. D’autre part, la surprise aura été trop brusque pour qu’on arrive à s’organiser contre un froid semblable. Tout calorique, toute protection fournis par les habitations actuelle deviennent illusoires. D’ailleurs comment mangerait-on ? Plus d’animaux de boucherie, plus de végétaux comestibles, plus d’eaux courantes. Tout mouvement impossible ! »
Roger, bien que n’étant pas foncièrement mauvais, est ce que l’on appellerait aujourd’hui un être « borderline ». Timide et amoureux transi, il attend un signe de la part de la jeune Hélène de Thiérard-Leroy, fille d’un astronome célèbre. Il suit les déplacement de son aimée à la trace, avec son ami sur ses talons, sans jamais oser se déclarer à elle.Bientôt il apprendra que son ancien employé, un dénommé Jobert, lui a dérobé de sa mixture et surtout du radium, exigeant d’utiliser l’invention de Roger pour son propre compte. Le voyou exerce un chantage odieux sur ce dernier et, pour prouver toute sa noirceur, provoque un tremblement de terre en Algérie, en utilisant une autre propriété de l’acide Oméga.
L’astronome Thiérard-Leroy emmène sa fille à Biskra, en Algérie, pour faire profiter cette plante gracile d’un bon soleil, car la pauvrette est malade des poumons. Roger et Paul les suivent, feront enfin connaissance avec Hélène. Roger sera accepté par elle. Fou de joie, il ne pense plus à détruire le monde. De fait son génie se fait à nouveau sentir positivement puisqu’il donne un sérieux coup de main à l’intrépide aviateur Guy Mayrol pour l’aider à stabiliser son «alérion» (planeur).
Le destin (et l’auteur) décide de couper court au bonheur du savant : Hélène meurt précocement, foudroyée par la tuberculose. Roger, tellement affecté qu’il en devient définitivement fou, bascule du côté obscur de la force. Non seulement il reprend contact avec Jobert pour en faire son associé, mais il s’acoquine aussi avec un sinistre milliardaire américain, à tête de mort, amoureux d’oiseaux exotiques détestant l’humanité, le sieur Barnett, alcoolique, qui le soutiendra de toute sa fortune. A eux trois, ils espèrent éradiquer toute vie sur terre, au grand désespoir de Paul, témoin muet et navré.
Ils disparaissent dans la nature pour mettre leur projet à exécution. Tandis que la température fraîchit singulièrement en ces mois d’été, Paul, secondé par Etienne Tourte, un sympathique petit apprenti, alerté, par l’entremise de Thiérard-Leroy, le ministre de l’intérieur français, M. Luissant. Celui-ci, convaincu, fait donner la police et l’armée pour rechercher le savant fou. Les indices le signalent dans la région pyrénéenne, plus précisément dans la Tour de l’Osset, un château vertigineux, forteresse imprenable située au sommet d’une aiguille rocheuse :
« Aux époques éruptives, ce jet granitique avait traversé les sédiments calcaires déjà formés, et crevé à l’extérieur pour constituer le sommet du mont. C’était sur cette aiguille de roche dure que les fransiscains avaient construit les bâtiments de leur monastère, prélévant les matériaux sur le granit lui-même, en gens pour lesquels le temps et la peine ne comptent pas. Le couvent avait donc été conçu comme une forteresse : il était destiné d‘ailleurs à briser l’assaut des Sarrasins. Il formait un ensemble de constructions massives, entourées d’un mur épais de quinze pieds. Des portes en chêne bordées de fer, des grilles énormes commandaient l’entrée des quartiers divers ménagés entre les cours intérieures. Pour être maître de l’ensemble, des assiégeants étaient donc tenus d’enlever successivement ces véritables réduits. »
A l’aide de l’acide Oméga les criminels ont coupé toutes les voies d’accès à leur repaire et aplani le terrain autour du nid d’aigle.Toute action semble donc être vouée à l’échec, même le déplacement de troupes déployées par le général Hochtheim alentour. Les aéroplanes aussi, chargés de lancer des bombes sur l’objectif, explosent avant qu’ils ne puissent atteindre leur cible, ainsi que toutes les réserves de munition stockées au sol : encore un effet inattendu de l’acide Oméga!
Pourtant le danger devient pressant, la température de plus en plus basse, a déjà provoqué quelques morts par le froid en France :
«L’action de l’acide Oméga s’exerce de proche en proche sur les molécules de vapeur d’eau. Très vite, l’évaporation des océans sera annihilée. Chaque jour, s’élargira donc la faille par où s’échappera la vie du Monde ! D’abord les eaux se congèleront puis, les montagnes de glace formées par les mers se déverseront sur les continents. Mais bien avant, tout mouvement se trouvera suspendu ; les maisons, les stocks de combustibles seront très vite impuissants à défendre les hommes contre la morsure du gel. Les animaux périront les premiers, puis les plantes. Plus d’eau potable, plus de vivres ! le sol durci par la gelée se refusera même à recevoir les corps de ceux qui succomberont d’abord. Les autres suivront de très près ! »
Paul a une dernière idée : pourquoi ne pas se servir de l’alérion piloté par Guy Mayrol pour le déposer, lui, dans la cour du château ? Il saurait bien faire plier son ancien ami Roger ! Un vol de reconnaissance de Mayrol, qui a accepté la dangereuse mission, montre que seul quelqu’un d’un poids minime pourra réussir à se laisser tomber dans la tanière des monstres :
«Eclairé par la lumière blafarde des projecteurs électriques, le sommet de granit se découpe sur le ciel, immense tour noire au couronnement bizarre, formé par le roc qui avance en pointe et par la silhouette des toits, des clochetons et de tourelles du couvent des Franciscains. (…) En bas, tout autour, des lueurs glauques, inquiétantes, se montrent à fleur de sol, comme pour défendre l’approche de ce lieu d’épouvante et de mystère : ce sont les eaux gelées des bas-fonds dont la surface s’irise sous la caresse des rayons lunaires.»
Aussitôt Etienne Tourte se présente se disant prêt à convaincre les bandits. Paul accepte mais le voit partir avec effroi. Lui et le général Hochtheim observent, effondrés, les conséquences de l’intervention : des coups de feu suivis par la chute de Paul Livry du haut de son château. Une lettre posthume du savant fou explique comment, secoué par la mort d’Etienne, abattu froidement par Jobert, il s’est débarrassé de ses deux complices, neutralisant les cuves d’Acide pour se donner la mort en se jetant dans le vide.
Le colonel Royet, dont nous connaissons la prédilection pour les ouvrages de guerre conjecturale (voir la « Guerre est déclarée »), signe ici un authentique récit de savant fou où les personnages d’une pièce, représentatifs d’un récit à caractère populaire, manifestent des émotions paroxystiques. Les retournements de situation, les comportements immoraux ou cyniques dressent un tableau caricatural ou édifiant de la nature humaine, selon le cas. Enfin, la fin du monde par le froid scientifiquement provoquée est une trouvaille dans le cadre de la conjecture rationnelle du début de siècle.
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Adam Pearson (Dam) , le fils du roi de la viande, en cette veille de l’an 2000, tient compte du mystérieux avertissement d’un mage de sa connaissance, Nadir, annonçant pour bientôt des événements catastrophiques d’après les signaux électromagnétiques du soleil. De nature mélancolique, le jeune homme avait déjà perdu des êtres chers :
" Deux chères images du passé apparurent devant ses yeux : celle de sa mère, celle de cette adorable miss Lili Atkins, sa fiancée. Toutes deux, il les avait aimées tendrement. Elles étaient parties, victimes de la surcivilisation régnante, de ces réfrigérants subtils, de ces radiateurs réglables à moins d’un dixième de degré, toutes inventions merveilleuses destinées à dompter la nature, à maîtriser les éléments ; par l’excès même de leur perfection, elles avaient rendu les organismes humains plus délicats encore, plus susceptibles aux maux foudroyants. "
Désireux de fêter la nouvelle année dans la solitude, il s’élève dans les airs à bord de son ballon à vol libre. C’est de là qu’il assiste, en spectateur privilégié, à la vague énorme qui non seulement engloutit la ville d’Atlantic-City en y effaçant tous ceux qu’il aimait, mais encore, rythmiquement, parcourt la terre pour y détruire toute vie :
" Ainsi, ce soir-là, le ciel avait pris un aspect extra-terrestre: la teinte livide de paysage et de la mer se transformait en sable jaune sale et en rouge sombre à mesure que l’œil s’élevait vers le zénith. Dam ne put s’empêcher de tressaillir en constatant que l’aiguille aimantée de la boussole tournait en tous sens, affolée comme lors des grandes perturbations magnétiques. (…)
En même temps, du fond de l’horizon, un mugissement montait, avec un crescendo de plus en plus intense. De l’Océan, il voyait venir avec une vitesse foudroyante, une montagne noirâtre. En un gigantesque raz de marée, la mer déferlait vers la côte, vers la ville, masse d’eau d’une hauteur qui devait dépasser trois cents mètres. "
Le ballon est entraîné par des vents impétueux à plus de 12 000 mètres d’altitude. La température extérieure se modifie. Des débris de toutes sortes flottent dans l’air. Avec surprise mais détermination, il sauve de la mort une jeune Française, Eve Dampierre, qui dérivait à côté du ballon, accrochée à un parasol ( ! ). Celle-ci lui narre son aventure depuis le départ de Chine où l’usine de son père avait été détruite par les grévistes jaunes jusqu’à son séjour sur un immense paquebot-ville où la main-d’œuvre chinoise s’avèrera bien utile :
" L’afflux de cette main d’oeuvre jaune était nécessité par les travaux indispensables aux pays civilisés et que ne voulaient plus faire les artisans des races affinées : terrassements, mines, chemins de fer, routes. Une garnison de police de 1500 soldats était nécessaire pour donner toute sécurité aux passagers ordinaires. Sur un pont supérieur, établi à 15 mètres au-dessus des logements de coolies, des cottages entourés de jardin et de pelouses donnaient à ces voyageurs de marque plutôt l’impression d’une villégiature au bord de la mer que d’une traversée réelle. "
Le bateau a été brisé par la tempête comme un fétu de paille. Le vent qui entraîne les jeunes gens à grande vitesse autour du globe, les oblige à stabiliser leur ballon au-dessus de l’ancienne vallée du Nil, près de constructions de type égyptien remises au jour par le cataclysme universel. Après l’atterrissage, ils explorent le " Pharaon Hôtel " où , à côté de quelques cadavres, ils trouvent de la nourriture. Mais des êtres étranges, cancrelats gigantesques et vers suceurs énormes ont surgi du sol et les attaquent :
" De couleur gris sale, l’être n’avait pas de tête : une sorte de trompe aux contours dentelés semblait constituer la "bouche " par laquelle ce protozoaire subvenait à son entretien. Tour à tour, la bouche s’évasait et se rétrécissait, comme pour happer ce qui se trouvait à sa portée (…) Dans les affouillements creusés par le vent avaient dû être entraînés des dépouilles d’animaux, d’hommes sans doute aussi. Et ces bêtes annelées, vestiges d’une époque accomplie de l’histoire du globe, vivaient dans ces profondeurs inaccessibles, se nourrissaient des détritus des premiers âges. Brusquement, le cataclysme les avait exhumés. A la lumière, gauches, lourds, terribles quand même, ils s’adaptaient, l’intérêt aidant, à la vie nouvelle qui se résumait pour eux à la recherche d’une proie. "
Se réfugiant dans la plus haute tour, ils y découvrent un émetteur de radio ainsi qu’un avion prêt à l’usage. A tout hasard, ils appellent au secours sur les ondes. Une voix leur répond : c’est celle du grand-père d’Eve qui s’était réfugié auprès du sage Nadir (qu’il connaissait lui aussi), dans sa retraite himalayenne. Guidés par radio, ils échappent aux monstres gluants et fluorescents pour se retrouver quatre heures après à côté des leurs qui les accueillent à bras ouverts. Finalement tous les ingrédients seront réunis pour un nouveau départ : Adam et Eve, avec la bénédiction de leur grand-père et la sanctification de l’église (un prêtre fait partie des sauvés), copuleront dans la décence pour assurer l’avenir du genre humain :
" Vous vous aimez, n’est-il pas vrai ? Les deux jeunes gens s’étaient levés, au comble de l’émotion. Grand-père Philippe prit la main de la Française et la mit dans celle de l’Américain. - Adam Pearson, prononça-t-il, je vous donne en mariage ma petite-fille, Eve Dampierre. Et, il ajouta, en une boutade presque joyeuse : - Ne suis-je pas le maire de la dernière commune terrestre ? Et maintenant, venez. Allons retrouver le père Luc dans son oratoire, où il prie, pour la pauvre humanité défunte. A son tour, il vous unira, selon les rites des aïeux, devant l’Infini. Mais, auparavant, petite Eve, je veux te remettre ta dot. Il tendit son sac. Oh, ce n’est pas de l’or, combien inutile. Ce sont des grains de blé ! "
Une nouvelle inédite qui vaut par la naïveté de sa mise en œuvre dans le champ de la littérature populaire : bons sentiments, monstres gluants, méchants grévistes et maudits Chinois, permanence de la religion. Un petit texte réactionnaire à l’état brut !
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Pièce de théâtre en deux actes qui offre deux intrigues en parallèle. Celle de Clementina, fille de Fergusson, conjuré anglais, amoureuse d’Alphonse, jeune officier français évadé de prison. Celle de la prise de la place-forte de Douvres, menée par la colonel Houssey, militaire anglais gagné aux idées de la révolution française et secondé par un navire français à la rescousse, annonçant l’invasion (la Descente) de l’Angleterre :
« Peuple Anglais ! qui avez su briser vos fers, apprenez que dans l’instant où une partie de l’escadre Française vient de débarquer, Buonaparte a effectué une descente générale… l’Ecosse et l’Irlande se sont soulevées, et ont réuni leurs forces à celles de la République Française. »
Les conjurés anglais, réunis chez Fergusson, espèrent se débarrasser de l’odieux régime de Pitt et faire triompher les idéaux révolutionnaires. C’était sans compter avec l’immonde traître Murai, qui dénonce les conjurés au commandant du fort de Douvres.
Prêts à être exécutés – y compris Alphonse- ils seront sauvés par le coup de force français. Murai meurt, tué de la main de Houssey. Douvres sera soumise. Clementina épousera Alphonse et le régime anglais, miné de l’intérieur, vacillera sur ses bases lorsque les conjurés, en accord avec les Français, marchent sur Cantorbéry :
« Courageux Anglais ! vous n’êtes plus asservis sous un esclavage honteux… mais il ne suffit pas d’opérer une révolution à Douvres ; il faut encore imprimer ce mouvement à toute la grande Bretagne… Nous venons pour affranchir les mers et rendre l’indépendance aux Nations opprimées. C’est dans Londres que règne la tyrannie ; c’est dans Londres qu’il faut la renverser. »
Une pièce datée et historique relatant l’une des premières invasions de l’Angleterre dans le cadre d’une guerre future. Un tableau brillant et animé, de beaux sentiments teintés d’héroïsme, et cette idée incroyable d’une amitié indéfectible entre Français et Anglais. L’on pouvait encore y croire à l’époque !
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Mada Ou Le Dernier Homme - Par BenF
Après des siècles de progrès, les peuples ont instauré l’état d’utopie :
« Tous les trônes avaient successivement croulé et la fraternité avait gagné les nations ; plus de barrières entre elles. » La liberté règne en politique, dans les religions (où le pape s’est fait discret) et en sciences où les secrets seront arrachés progressivement à la nature :
« Se centuplant par elle, les forces de la nature soulageaient les bras dans leur labeur, et n’ayant plus de secrets, celle-ci lui abandonnait ses trésors. (…) Les éléments définitivement domptés, on voyagea dans les airs. On traversa les espaces avec une rapidité inouïe. On décomposa les métaux les plus durs. On fit de l’or. On put faire le diamant.»
Mais un état stable est de peu de durée et les sociétés finissent par se ruer les unes contre les autres: « l’Extrême Asie fut ravagée, inondée de flots d’hommes et de chevaux », l’Amérique croît puis décroît cédant sa place à l’Afrique qui occupera dorénavant une place prééminente dans le monde. Le raffinement du luxe ruine les mœurs et les croyances, faisant surgir les signes d’une anarchie morale. La religion se fragmente en sectes bizarres ; enfin des fléaux inconnus se propagent et frappent la nature entière :
« Partout où il (= le fléau) passait, les arbres jaunissaient, se dépouillaient, séchaient. En une heure, les champs voyaient leur verdure se flétrir. Il pénétrait jusqu’aux racines des plantes. L’effroi fut universel. Il parcourut les deux hémisphères semant la désolation et la mort. » L’apparition d’un prophète nouveau qui se dit l’incarnation de Jésus-Christ répand la croyance en la religion du libre-arbitre. Un seul peuple reste admirable dans sa défense de la foi et dans sa pugnacité envers les barbares ; c’est la France : « ses œuvres avaient inondé le monde. On obéissait à ses élans, à ses transports, à ses lois. Sa langue, partout adoptée, façonnée par le génie et les mœurs du peuple, était presque la seule en usag ,» qui hélas ! cède à son tour :
« Le plus épouvantable des fléaux a fondu sur elle, terni son immortelle auréole, détruit son armée, ravagé son sol, et, en quelques instants, l’a fait descendre au bord de l’abîme, où tout s’engloutit. »
les signes sinistres se multiplient : le soleil pâlit, les saisons inversent leurs cours, l’atmosphère se refroidit, la végétation languit, la disette et les famines se répandent, le monde se dépeuple : « Tout s’y étiolait. Les fleurs, les feuilles restaient chétives, languissantes. Les blés germaient sans mûrir. La vigne ouvrait à peine ses bourgeons. C’était l’existence ne se révélant plus que pour avorter. »
C’est le début de la fin du monde. L’augmentation du nombre des taches solaires fait craindre le pire : « Le soleil se montra presque dépouillé de ses rayons, défait, éclairant tout d’une lumière sinistre. D’énormes taches couvraient sa face livide ( …) On pouvait les fixer et mesurer ses stigmates sans être ébloui. »
En ces temps néfastes, où la majorité de l’humanité est déjà morte « quelques années suffirent pour réduire l’ espèce humaine à quelques familles dont l’une devait survivre aux autres et périr la dernière » sur les bords de « l’antique Helvétie et de la France » , dont celle de Mada.
Le chef de celle-la, puissante et reconnue, fit beaucoup pour soulager les maux de ses contemporains. Pourtant il ne put s’opposer à l’inéluctable. Alors que les survivants s’entretuaient, Mada, tout en essayant de les raisonner, ne parvint pas à éviter la destruction et le pillage de la petite ville, ce qui précipita la chute des sociétés. Mada prend la fuite avec ses deux enfants, Ivan un garçon de dix-sept ans et Ela, sa fille, âgée de quatorze ans. Leur mère étant morte, ils recherchent un nouvel asile sûr auprès d’Elisée, un ancien ami, habitant sur les hauteurs du lac.
Les signes de la dégradation s’accentuent : la lune éclaire moins, les brumes s’infiltrent en tous lieux, ainsi que la glace. Mada y voit les prémisses de l’apocalypse réalisée. C’est pourquoi il se réfugie dans sa foi en Dieu. D’ailleurs Elisée, vers lequel se dirigent leurs pas, est, lui aussi, un authentique croyant et, comme Mada, un consolateur de l’humanité. Arrivé à proximité de son manoir qui semble dégradé, Mada se demande si son ami est encore de ce monde. Il surgit juste à temps pour écouter les dernières paroles d’un vieillard vénérable sur son lit de mort, qui lui souffle les principes de sa mission : « Les temps sont proches (…) Mada, digne fils du plus sage des hommes, tu es peut-être destiné à clore l’immense chaîne où tout ce que le cœur pouvait produire a été produit. »
La famille l’enterre près de l’Oratoire qui deviendra un lieu hautement fréquenté par eux, et ils s’installeront à demeure, puisqu’en visitant les souterrains du manoir, ils y ont découvert tout ce qui était nécessaire à leur survie. Deux autres tombes, situées près de l’Oratoire aiguisent leur curiosité : quelles personnes sont inhumées-là ?
Puis, partis en reconnaissance au deuxième étage de la propriété, ils y découvrent une bibliothèque richement fournie avec en son centre, posé sur un lutrin, la bible ouverte, autour de laquelle ils se réuniront souvent pour confronter la parole sacrée aux philosophies du passé. Mada (anagramme de « Adam ») dispense donc un enseignement religieux continuel à ses deux enfants. La diminution du feu solaire qui fait craindre le pire, leur impose une série de réflexions sur l’essence mystérieuse de la lumière, comparée à celle de l’âme. Ainsi passent les jours.
Ivan a maintenant dix- neuf ans et Ela seize. C’est une jeune fille dans tout son éclat et les sentiments qui unissent les deux jeunes gens sont d’une grande intensité :« Ils s’aimaient comme frères, n’ayant pour ainsi dire connu qu’eux-mêmes, et enfin, faut-il le dire, sans le savoir, sans s’en douter, ils s’aimaient peut-être à un autre titre… »
Ils s’écarteront peu du manoir à cause de la dangerosité de la nature mais pousseront quand même leur audace à visiter une chapelle écartée, en dépit de la brume, qui deviendra leur lieu secret. Ivan remarque, lors d’une de leur sorties, un brin de myosotis près d’un petit filet d’eau, et l’offre à Ela qui le dispose dans son livre de prières, comme il sied à une « Fleur des Saints ». Mada est inquiet car il associe la dégradation de la nature au surgissement du mal dans le monde : « Le monde finit lentement (…) Il n’y a d’éternel que l’Eternel. Les Ecritures disent (…) que la fin sera précédée de calamités. Nous sommes arrivés à ces épouvantements. »
Ses réflexions sur Dieu, sur la distinction entre monothéisme et polythéisme, sur le mal engendré par les anciennes guerres de religion, seront interrompues par la découverte, dans un tiroir, d’un rouleau de papier relatant l’histoire d’Elisée et d’Elisa. Deux familles qui habitent côte à côte, y lit-il. Elisa, la brillante jeune voisine est d’évidence destinée à Elisée. A la mort du père d’Elisa, c’est tout naturellement qu’Elisée la demande en mariage. Contre toute attente, Elisa s’y refuse : seul l’habite un sentiment fraternel.
Lors d’un voyage à l’étranger, Elisa, au grand désespoir d’Elisée, se marie à un jeune homme. Pour vaincre sa douleur, Elisée décide d’habiter en ville mais les dégradations de la nature, l’arrivée de la fin des temps, le convainc à se mettre au service des autres. Mada, suite à cette lecture, souhaite visiter avec ses enfants, cette ville (Lausanne ?, Genève ?) où son ami a vécu : « Ils s’arrêtèrent pour en contempler l’aspect désolé. Elle ressemblait à un sépulcre abandonné. Chaque jour s’en détachait une pierre sous l’action du temps dont rien ne pouvait plus conjurer la puissance. »
Les rues désertes leur font porter leurs pas vers une demeure princière dans laquelle un portait d’Elisa leur signale que c’est là que cette dernière a vécue avant d’être enterré avec son mari près de l’oratoire par les bons soins d’Elisée. Après avoir vu l’hôpital puis le cimetière, décidant d’arrêter leur pérégrination urbaine et de retourner dans leur manoir, ils sont pris dans un gigantesque tremblement de terre :
« Des flots de poussière brûlante tombaient autour d’eux. Ce fut une tourmente inouïe menaçant de les ensevelir vivants.(…) Les monts, les monts gigantesques, ces monts couronnés de glaciers, arrachés de leur fondement, avaient roulé dans les vallées. A la place du lac s’étendait maintenant une plaine presqu’uniforme. »
Le matin, la brume ayant disparu, ils observent stupéfaits le désordre géologique d’un paysage bouleversé. Ela, frappée de congestion, est mourante au grand désespoir d’Ivan qui n’aura bientôt plus pour se consoler que la petite « Fleur des saints » du livre de prières. Après l’inhumation de sa soeur, le jeune homme restera inconsolable malgré toute la patience de Mada qui tente de lui faire comprendre les voies du ciel. Il dépérit à son tour. Lorsque la chapelle, à laquelle il était très attaché, est dévastée, il meurt: « On eût dit que le feu du ciel l’avait ravagée. Un amas de terre bitumineuse s’élevait devant la porte comme un flot de lave refroidie. Elle était remplie de décombres. »
Mada reste le dernier homme sur une terre vide et cette pensée le terrifie : « La pensée qu ‘il n’y avait pas d’autre être vivant sous les cieux égarait sa raison. Il n’osait se sentir vivre, se remuer, se palper sans tomber dans une sorte de terreur superstitieuse.»D’autant plus que les conditions climatiques empirent :
« Un soir qu’il sortait du pavillon, il fut surpris du changement subit de l’atmosphère. De glacée, elle était devenue tiède. Depuis un instant, le soleil n’éclairait plus la terre. Les ombres régnaient partout. »
Enfin, Mada se sait perdu lorsque le manoir, son unique refuge, devient la proie des flammes:
« Un mugissement sourd se fait entendre et aussitôt une épouvantable explosion a lieu. Le sol tremble, le ciel se remplit d’une vapeur rougeâtre, et, en tombant, une pluie de feu embrase le vieil édifice. Renversé par une violente secousse de l’air, Mada eut à peine le temps de se relever et de rentrer au pavillon. Le météore disparu, il ne restait plus de la maison d’Elisée que des ruines fumantes. »
Avec la fièvre, s’impose à lui une dernière vision du jugement: « L’astre dominateur était devenu un corps opaque. Sur presque tout son extérieur régnaient les ténèbres. Seulement à ses extrémités, de rares points brillaient d’un reste de flamme vomie de ses dernières profondeurs. »
En mourant, il se demande si sa disparition signe vraiment la défaite absolue de l’espèce humaine ou si Dieu, dans sa sagesse, n’a pas prévu un remplaçant à l’homme disparu :
« Peut-être l’intelligence humaine y sera-t-elle servie par de plus purs, de plus sûrs organes. Les aptitudes y seront plus variées, les instincts plus larges, l’âme plus aspirante ! Pour dompter cette nature extraordinaire, pour être maître de cet espace, il faudra aux hommes qui l’habiteront des moyens inconnus aux autres sphères !. »
« Mada ou le dernier homme » fut, de l’aveu même de l’auteur, écrit dans une période troublée. Prenant parti ouvertement contre les Communards (« la France troublée par de vains essais de communisme ») et en faveur de la religion, d’Aiguy relate son pessimisme politique par une narration à thématique cataclysmique.
Le décalage curieux d’un texte post-romantique et réactionnaire en pleine période réaliste, voire naturaliste, explique en partie le désintérêt de la postérité pour un récit aujourd’hui quasi-introuvable. Pourtant ni le style, ni les réflexions, ni la peinture des mœurs ou du décor n’y sont ridicules, même s’ils mettent à mal la patience du lecteur moderne habitué à des brouets plus épicés.
La trajectoire spirituelle de Mada se renforce parallèlement à la nature qui meurt. L’apologétique chrétienne, les réflexions et dissertations sur la prééminence de la religion consolatrice ne font pas oublier les descriptions nourries par la rigueur d’une pensée scientifique, même si le cadre général de l’œuvre s’inscrit dans la schéma canonique de l’Apocalypse de St Jean : le soleil se refroidit, les taches solaires en sont à la fois la cause et la preuve, les bouleversements géologiques et climatiques s’en déduisant rationnellement. La thématique elle-même de « Mada » est déjà fortement référencée : poésie des ruines et pensées touchantes.
« Le Dernier homme » de Cousin de Grainville et surtout «Omégar » d’Elise Gagne ne sont pas loin. Enfin, le décor suisse semble être emprunté au « Dernier Homme » de Mary Shelley, région propice par ailleurs à la rêverie romantique de l’homme bon, non corrompu par la société selon les prêches de Rousseau. Le récit s’achève sur une suite poétique intitulée « Visions » dont l’auteur reste anonyme. S’agit-il de « Caro », l’ami à qui d’Aiguy dédicace l’ouvrage?. Cette suite, en trois parties, épouse les inflexions du roman dont elle reprend le tracé, en le dépouillant de tout le superflu, pour ne garder en l’amplifiant, que la vision cataclysmique des phénomènes de la nature, expressivement renforcée. « Mada ou le dernier homme » est encore l’un de ces romans du 19 ème siècle, traitant du thème de la finitude, jalon important - et méconnu - du genre cataclysmique.
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Le Microbe X - Par BenF
Peu de temps après la deuxième guerre mondiale, grâce à la S.D.N., l’Europe resurgit de ses ruines. Raoul Sizeran, ingénieur français à la C.E.F.F. (Compagnie Européenne de Fonçage et de Forage), avec son compagnon, le Belge Bert Van Lindhout et le contremaître polonais Franz Lydik, roulait vers sa destination en Hongrie, dans la vallée de la Tisa, un affluent du Danube. Le premier, heureux d’intervenir sur le terrain européen. Le second, encore jeune, pensant sans arrêt à sa « Moeder » (sa mère) restée à Bruxelles. Le troisième enfin, content de vivre, à condition qu’il puisse tirer sur sa pipe de façon continue.
Soudain un choc d’une grande violence déporta le car, évitant l’accident mortel d’extrême justesse. Un événement improbable venait de se produire, un météore de quelques centaines de kilogrammes s’était abattu non loin d’eux. Revenus de leur surprise, les trois compagnons allèrent contempler l’objet extraterrestre encore brûlant, qu’ils soupçonnaient être radioactif. Ils pensèrent immédiatement à faire mettre en place un cordon de sécurité en avertissant les autorités du village proche de Torbagy. Cette réaction rapide ne put pourtant empêcher deux jeunes, Emeric et Ida de s’approprier en secret un fragment du météore.
Pendant que Sizeran se propose d’envoyer un échantillon de la roche pour analyse à son ami américain Edward-Boy Lister, à Vienne, Les autorités hongroises dépêchent sur les lieux des militaires encerclant le village par un cordon sanitaire infranchissable. Mais il est déjà trop tard. Emeric et Ida, le soir venu, sont dans un piteux état :
« Sur un lit sommaire, deux petites formes que la lampe illumina crûment. Sizeran éprouva une stupeur affreuse. Ce garçonnet… cette fillette… Comment dire ? Ils faisaient penser à ces momies égyptiennes qu’après tant de siècles, on retire des pyramides, et qui ne sont plus que la caricature d’êtres humains. Les yeux étaient creusés, la chair s’affaissait sur les os. Une respiration haletante et sourde s’échappait d’entre des lèvres aussi grises que si elles avaient été modelées dans la poussière du chemin. »
Quelques heures après, les parents des deux enfants décèdent à leur tour. Le fragment de météorite était le siège d’une contamination mortelle, foudroyante et mystérieuse, responsable de la maladie que l’on baptisa « maladie du squelette mou », sans doute d’origine microbienne. Comment faire pour acheminer un fragment vers Vienne sans être bloqué par les autorités ? Les trois hommes eurent une idée. Pendant que le Français se chargerait de voler le fragment déposé dans la maison des infectés, le Belge négocia avec les journalistes présents leur évacuation en échange des photos du météore. Grâce aux poings du solide contremaître qui neutralisèrent les sentinelles, les trois compagnons purent s’envoler vers Vienne avec le précieux fragment.
Dans son laboratoire,Edward-Boy prouva, qu’effectivement, le facteur de transmission du mal était ce fameux « Microbe X ». Il découvrit, de justesse, un antidote avant qu’un espion infiltré ne mette la main sur l’échantillon pour que son pays puisse créer, à partir de celui-là, une arme bactériologique susceptible de contaminer la planète. Ce péril écarté – l’espion étant abattu sine die - , le chimiste donna des ordres pour que le météore soit désintégré par la toute nouvelle arme atomique, rien ne devant subsister qui pourrait remettre en question la paix dans le monde.
Un récit d’un fascicule populaire, écrit en lettres si fines qu’il faut une loupe pour le déchiffrer, chantre de la réconciliation européenne. La brièveté du récit ne permit pas à l’auteur de développer des idées, souvent intéressantes, pour que la lecture en soit suffisamment prenante.
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Le Retour Des Barbares - Par BenF
Jean Sibiril écrivain de théâtre réputé, voue un amour inconditionnel à Dinah Magis, son actrice préférée. Pour elle, il a l’intention de créer une nouvelle pièce portant sur l’influence grandissante qu’exerce l’Orient sur l’Occident en mettant en scène la secte des Assassins qu’il imagine toujours active sous l’égide du Vieux de la Montagne, poursuivant son influence néfaste et occulte dans l’Europe contemporaine. Un cheik arabe du nom de Mohamed-Aziz-Bey, jeune homme de grande culture et immensément riche, ancien condisciple d’université de Sibiril, renoue des liens avec son ancien ami et, par la même occasion, avec Dinah. Hautement intéressé par le projet de l’écrivain, il se tient à disposition du couple pour les faire profiter à la fois de ses largesses et de sa connaissance du sujet. Incidemment, Sibiril suppose qu’Aziz se sert du prétexte de la pièce pour courtiser la jeune femme, ce qu’elle dément.
De fil en aiguille, Aziz, toujours charmeur et dévoué, les invite à passer quelques jours de vacances dans sa résidence au Maroc où ils pourront mieux s’imprégner de leur sujet. Il peut même faire rencontrer à Sibiril le seigneur Ahmet-Ben-Hassan, l’actuel chef de la secte des Ismaëlites, improprement appelée " Assassins " et mieux connue sous le nom de " Haschichins ". Cette secte, érigée en société secrète, existerait donc encore. A la faveur d’un somptueux repas agrémenté d’une douceur au haschich, Sibiril est enlevé et se retrouve prisonnier dans une chambre rustique en plein cœur de la montagne marocaine. Toutes les attentions d’Aziz n’étaient que des leurres. Alerté par les idées de l’écrivain qui, par hasard, semblait avoir vu juste sur les intentions de la secte, Aziz, affidé de celle-ci, a pensé, plutôt que d’éliminer son ami, de le faire adhérer à ses convictions. Toujours active depuis plus de mille ans, la secte, en secret, pousse à la subversion dans l’ensemble des sociétés occidentales. Véritable franc-maçonnerie à caractère initiatique, par le meurtre, le chantage ou la conviction, elle se trouve à l’arrière-plan de toutes les révolutions, y compris la bolchevique, de toutes les guerres, de toutes les agitations qui sont bonnes pour déstabiliser l’Occident. Son but ultime est l’anarchie, la destruction de tout pouvoir organisé, le retour de la barbarie :
" -En vérité, murmura-t-il, je n’imaginais pas que vos tendances fussent si uniquement destructives et je pensais qu’il s’agissait seulement de substitution. Dans la théorie communiste, les masses populaires qui s’estiment esclaves du capital, veulent imposer leur dictature,prendre possession de la richesse commune et l’exploiter au bénéfice commun, selon les capacités et les ressources de la production moderne. (…)
D’une voix calmée Aziz répondit : -Que la masse, pour l’instant, l’estime ainsi, soit. La masse ne doit connaître qu’à l’heure voulue le secret profond de la doctrine (…) car, soyez-en certain, mon cher maître, bolchevisme, communisme, dictature du peuple, ce ne sont là que des étapes nécessaires que nous aidons à préparer, tout en sapant les vieilles assises sociales sur lesquelles repose l’édifice vermoulu de cette civilisation qui vous semble encore si belle mais dont vous connaissez bien les lézardes et la précaire puissance. "
Aziz persuade son ami d’entrer dans la secte ou de mourir. Sibiril cède, à contrecoeur. L’Arabe lui fait accomplir les étapes initiatiques nécessaires pour être reconnu par le Vieux de la Montagne, appelé encore Kourkia, un vieillard fanatique et dangereux. Sibiril doit abandonner toute idée d’écrire sa pièce et, en l’espace d’un an, se transforme en membre actif et inconditionnel de la secte. Le dramaturge retourne dans la villa de Gézirah chez Aziz. C’est là qu’il apprend l’atroce vérité : Dinah est morte, tuée par une dose trop forte de haschich ou intentionnellement, qui sait ?
Revenant à Paris où il se traîne, n’étant plus que l’ombre de lui-même, Sibiril songe à se venger. S’abstenant de toute vie sociale, il passera sa dernière année à rendre compte du danger qui menace l’Occident avant d’être lui-même assassiné :
" En sommes-nous là ? Le flot qui submergea Babylone et Alexandrie, les barbares qui vinrent déferler sur le monde romain pour l’engloutir, le transformer, allons-nous les voir revenir sortir de cette traditionnelle forteresse, de ce rocher où je sais qu’ils rêvent et d’où leur influence agit magnétiquement sur le monde depuis des siècles, au plus profond de cet Orient demeuré fidèle aux premiers errements humains, en révolte contre notre ardente civilisation et toujours prêt à la détruire ? "
Un ouvrage intimiste écrit dans un registre de langue soutenu où l’amour entre les deux personnages principaux occupe une place importante. La thèse du complot occulte, de la menace idéologique rampante, par lesquels l’Occident risque de retourner à la barbarie, forme le soubassement d’une oeuvre qui trahit les préoccupations communes de plus d’un écrivain de l’entre-deux guerres
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La Grande Pluie - Par BenF
M. Uppington, un bricoleur de génie, a trouvé le moyen de faire pleuvoir à l’aide d’un catalyseur, ce qui aiderait beaucoup les agriculteurs. Il en fait part au narrateur, Clarke, employé de Foyles and Cie, et la première - et dernière tentative - a lieu dans un champs près de Londres. Le ballon explose. M Uppington y laisse sa vie. Il commence à pleuvoir, une pluie que rien n’arrêtera plus : c’est la "Grande Pluie " :
Les Noé se mirent à proliférer en Grande-Bretagne. Il y avait le Noé de Plymouth, le Noé de Bradford, et un vieux fou qui habitait à la sortie de Luton. Etant les premiers, ils furent ceux qui eurent le plus de publicité, mais beaucoup d’autres les suivirent, maudissant les péchés du monde et fabriquant tous, avec une habileté variable, des arches dans lesquelles ils avaient l’intention d’entasser leurs familles et autant d’animaux qu’ils pourraient s’en procurer. "
La situation, d’abord préoccupante, devint bientôt dramatique. Les autorités anglaises organisent des évacuations et les regroupements des personnes sinistrées dans des camps situés sur des hauteurs :
" En février, ce fut le dégel. Dans le pays entier, les rivières gonflées débordaient de leur lit, emportaient les ponts, inondaient les fermes, noyaient les gens et le bétail qui avaient survécu au froid. Les rues de Londres étaient sous l’eau. Les fours crématoires de Golders Green et de Woking travaillaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ils recevaient le combustible en priorité, car on ne pouvait enterrer les morts. "
Clarke a pris en charge Wendy, la femme d’un ami, pour la mettre en sécurité. L’entreprise est périlleuse puisque petit à petit, l’eau monte, submergeant les rues des villages, l’ensemble de la campagne anglaise, puis les hauteurs. Wendy est prise d’une mauvaise grippe : elle tousse sans interruption. Les camps, de cloaques se transforment en mouroirs, les forces d’autorité se délitent, les gouvernements disparaissent. Pour comble de malheur l’arrivée de l’hiver, transformant la pluie en neige, provoque une famine généralisée avec apparition du cannibalisme alimentaire. Clarke laisse Wendy dans un camp et reprend la navigation sur une sorte de mer intérieure (et sous la pluie) en compagnie de Sonya, une pianiste sauvée des eaux. Ils se retrouvent quasiment seuls dans l’univers lorsque leur dérive les rapproche d’une espèce d’arche publicitaire (celle des produits Glub) occupée par un petit groupe d’individus qui les recueille :
"Ce radeau appartenait à l’International Unitarian Breakfast Food Company. Il était en balsa, et généreusement pourvu d’un stock de Glub, " l’aliment idéal du petit déjeuner : suffit à lui tout seul ! " l’International Unitarian Breakfast Food Company affirmait que l’homme pouvait se nourrir exclusivement de Glub ".
On y trouve Arthur Rensham, le patron, Muriel Wesley, une jeune femme et son mari Otterdale, un culturiste, Tony Ryle, Gertrude Harrisson, une actrice, ainsi que Banner Harold le pasteur, tous gens de hasard. Clarke a des difficultés à se faire admettre à bord contrairement à Sonya dont l’avenir de reproductrice plaît à Arthur. Celui-ci impose une stricte discipline, acceptée implicitement par les autres, distribue punitions et récompenses et assume enfin le leadership que la vie d’avant lui avait refusé :
" Avez-vous la moindre idée de la proportion de déficience mentale en Grande-Bretagne ces cinquante dernières années ? Non, bien sûr. La proportion de crétins et de demi-crétins s’est accrue parce que, si l’on peut convaincre les gens intelligents de pratiquer le contrôle des naissances, on ne peut enseigner les méthodes contraceptives à des idiots (…) En d’autres termes, les hommes ont accru leur quantité et diminué en qualité ; les imbéciles ont de plus en plus dépassé en nombre les intelligents, et, sous le système des démocraties, ils jouissaient du même pouvoir politique (…) la folie. Nous allions vers la folie. - Je vois - Le Déluge a tout balayé. Seuls les êtres intelligents y survivront, avec ceux des êtres stupides qu’ils jugeront bon de sauver avec eux. - Pourquoi en sauver ? - Pour les travaux grossiers. Vous avez observé les proportions physiques de Mr. Ryle. Il nous sera très utile quand les eaux se retireront et que nous entreprendrons notre installation. De plus, si l’on procède à des croisements judicieux (…) - Et si les eaux ne se retiraient pas ? -Il est évident que si, affirma Arthur avec colère. Vous figurez-vous que la sélection naturelle compte nous remplacer par des poissons ? "
La place de chacun à bord étant bien définie, le temps vital se structure à travers les jeux relationnels qu’ils établissent entre eux. Leurs comportements se dégradent au fur et à mesure que la pluie dure. Muriel et Gertrude rivalisent entre elles pour savoir laquelle des deux a le mieux servi l’art dramatique. Quant à Clarke, la jalousie le taraude à l’idée que Sonya se livre avec Tony , en un lieu réservé au fond de la cale, à des exercices de musculation.
Arthur, lui, reste imperturbable. Se sentant désigné par le destin pour conduire l’arche à travers tous les périls, il affronte victorieusement la tempête, un tsunami géant provoqué par un effondrement océanique, ainsi qu’une pieuvre gigantesque qui, comme celle du capitaine Nemo, menace l’esquif :
" Vous êtes Dieu ! criait-elle à Arthur. Vous êtes Dieu, vous nous l’avez dit ! Faites que cela s’arrête !-Ne dites pas de bêtises, l’ai-je interrompue. Il ne voulait pas être pris au sérieux. -Mais Muriel a continué à crier : " Dieu ! Dieu ! Faites que cela s’arrête ", bientôt soutenue par Gertrude -Alors lâchez-moi, a dit Arthur. Otez vos mains de ma chasuble.
Les deux femmes ont cessé de s’accrocher à la couverture, tout en restant à genoux, les cuisses reposant sur les mollets. D’un geste, Arthur a indiqué à Banner que nous devions aussi nous agenouiller, et nous avons obéi. Il a paru s’en satisfaire. Tenant en mains deux coins de la couverture, il a ouvert les brais comme des ailes, est resté un instant immobile pendant qu’elles se déployaient, puis les a repliées en avant. -Au nom des pouvoirs qui me sont dévolus en tant que Dieu, a-t-il clamé, je vous commande de vous arrêter. "
La raison d’Arthur bascule: il se prend pour Dieu, fondateur d’une future humanité ! Les autres lui devront dévotion et adoration. Tout acte à bord du bateau constituera les éléments d’un nouveau rituel. Il se fait fabriquer deux masques - car la face d’un dieu ne saurait être regardée impunément ! -, il y a le masque de dieu rieur et celui de dieu sérieux, qui exprime la colère. Ne quittant plus sa cabine devenue le Saint des Saints, il se fait apporter à manger. Le reste du groupe lui passe ses lubies, les considérant comme mineures par rapport au danger que représente la submersion de tout.
Bientôt, le pire se fait jour. Afin de se concilier le Dieu Arthur, le Grand Prêtre Arthur (car Dieu est aussi l’instrument de Dieu) envisage, à l’instar des tragiques grecs, de sacrifier une Iphigénie pour que les eaux baissent. Or Sonya est enceinte des œuvres de Clarke et elle accouchera sous peu. Arthur arrache à Clarke son consentement au sacrifice, donné du bout des lèvres. Clarke, taraudé par la monstruosité dont fait preuve Arthur, s’en ouvre à Tony :
" Arthur dit que le Dieu demande un sacrifice, que c’est pour cela qu’il est sorti de la mer. Il a dit qu’il demande une vie, neuve et sans tache. Il y eut un long silence. - Vous êtes tombés sur la tête, a dit Tony, et il est rentré. - Il est allé droit au temple. Il n’a même pas frappé. - Quand Arthur l’a vu, il a mis précipitamment le masque sévère. " Hi ha… " a-t-il commencé, avant que Tony ne le lui ait arraché. - Assez fait joujou, a-t-il dit. "
Tony, dans sa simplicité, prend les décisions qui s’imposent: il poignarde Arthur et, voulant le jeter par-dessus bord, celui-ci l’entraîne dans sa mort. Peu de temps après, la pluie cesse, le soleil se met à briller, une nouvelle terre se profile à l’horizon.
Bowen signe un roman remarquable sans concession au réalisme de la catastrophe évoquée avec son cortège d’horreurs. Pourtant, l’essentiel n’est pas là. L’analyse des interactions psychologiques entre les personnages placés dans une situation limite, débouche sur un univers où le mythe se construit à travers le rite. Avec finesse et humour, l’écrivain se livre à une recréation du monde et de l’homme dans laquelle, la catastrophe ayant décapé l’âme humaine, cette dernière se révèle dans toute sa noirceur. " la Grande Pluie " est une oeuvre de refondation comme l’est " le Seigneur des Mouches " de Golding.
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La Fin Du Monde (Renez) - Par BenF
Jean Novalic personnifie le Christ en croix dans le cadre d’une représentation théâtrale à laquelle assiste son frère astronome Martial Novalic, Geneviève de Murcie et son père, astronome également, ainsi que Schomburg, un banquier peu scrupuleux, et sa maîtresse Isabelle. Jean Novalic a la tête de l’emploi : pénétré des misères humaines il avait écrit un ouvrage prophétique, que peu de ses contemporains ont lu, « le Royaume de la terre », dans lequel il pointait l’amour universel comme moteur de l’évolution humaine. Attitude philanthropique que méprise Schomburg, véritable Satan incarné, qui convoite Geneviève:
« Schomburg avançait lentement, mais sûrement. Le poison versé grossièrement par Isabelle, il le versait, lui, goutte à goutte, et cette distillation du venin agissait sur Geneviève, qu’il prenait peu à peu par le rire. Elle riait follement des propos malsains qu’il murmurait à son oreille, le regardant, elle le comparait à ces belzebuths de pierre que les sculpteurs du moyen âge mettaient en gargouilles sur le toit des églises. Il était vraiment satanique, et Geneviève trouvait une volupté malsaine à se voir désirer.»
Le père de Murcie, s’apercevant du manège, jaloux de la réputation de Martial Novalic qui a eu le prix Nobel, propose Geneviève à Schomburg. Elle, qui n’a d’yeux que pour Jean, hésite devant l’hommage du banquier qu’elle sait intéressé.
Pourtant, la situation internationale ne prête pas à rire. Partout des bruits de bottes confirment l’horreur d’une guerre mondiale future dans laquelle les Chinois seraient principalement impliqués comme agresseurs :
« Les quatre cavaliers de l’Apocalypse cavalcadaient, farouches, et derrière eux, des milliers de cadavres échappés du néant suivaient, agitant leurs suaires ou se démenant dans des uniformes en lambeaux et leurs figures spectrales grimaçaient hideusement ; cette marée funèbre, grandissant peu à peu, envahissait l’inscription terrible et fugitive annonçant la révolte de neuf cent millions d’hommes prêts à la course à la mort. »
Schomburg est aux anges. Avec Wester, un autre banquier douteux, il prend des options sur une vente importante d’armes, les deux complices étant assurés de s’enrichir énormément :
« Les deux banquiers échangèrent un sourire. Cela marchait fort bien ; la tourmente allait s’abattre sur le monde, les cadavres s’entasseraient et, pour arriver à ce charnier, il fallait des munitions. La banque allait retrouver les heureuses heures de jadis ; on allait jongler avec les vies humaines pour entasser des flots d’or. Crève l’humanité, pourvu que les coffres-forts engouffrent l’or ! La Banque est internationale, elle est sans patrie, car le capital est universel, et c’est à cette preuve qu’il appartient de droit. »
Alors que Jean survit misérablement dans une soupente, trahi par ceux auxquels il a fait du bien, y compris par Geneviève, qui, fascinée, s’acoquine avec Schomburg, survient un événement imprévu et dramatique qui va modifier les situations. Martial Novalic détecte l’arrivée d’une énorme comète :
« Le noyau opaque de cette comète me paraît être sept fois celui de la Terre ; la longueur de sa chevelure, de trois cent millions de kilomètres. L’analyse spectrale me l’a montrée baignant dans le protoxyde d’azote et l’oxyde de carbone. Elle sera distincte à l’œil nu dans un mois et heurtera la Terre dans cent quatorze jours, sept heures, vingt deux minutes et sept secondes. »
Ses calculs – dont tout le monde savant se gausse en les prétendant faux- sont sans appel : l’évenement dramatique aura lieu et il ne reste que cent jours pour en tirer toutes les conséquences. Schomburg est furieux. L’annonce de la fin du monde fait passer au second plan les guerre dont il espérait tirer profit. Après avoir violé Geneviève, il se dresse contre Martial pour le discréditer. Ce dernier, en rendant visite à Jean, s’aperçoit de l’extrême misère de son frère et lui donne une forte somme d’argent que le prophète utilise pour répandre ses visions d’amour sur tous les supports médiatiques possibles :
« Si tu as besoin de mes écrits, puise dans ces manuscrits qui sont les gardiens fidèles de ma pensée. Si tu as besoin de ma présence vivante et de ma parole, l’industrie moderne t’en donnera les moyens. L’argent que tu m’as envoyé m’a été précieux pour mon œuvre. Voici des disques de phonographe, le verbe ; voici des films impressionnés, la présence vivante. Même, moi disparu, mon action peut s’exercer sur l’humanité. »
Devant les attaques de Schomburg, Martial réagit. Il convainc Wester, l’ancien allié du banquier, de l’imminence de la fin des faibles et de la survie des forts. Il lui demande de mettre son argent à la disposition du Bien et, incidemment, de ruiner Schomburg. Ensemble, ils construiront une organisation mondiale dans laquelle une dizaine de relais autour de la planète seront chargés de propager les idées généreuses et fraternelles de Jean Novalic. La tour Eiffel leur servira de relais de communication principale jusqu’à l’arrivée de la comète.
Bientôt, l’agitation gagne le monde entier :la comète devient visible à l’oeil nu :
« Les gens campaient dans les rues. La visibilité de la comète se faisait de jour en jour, elle était devenue des trois quarts de la grosseur du soleil et présentait une teinte verdâtre. Un grondement sourd, continu, bruit étrange, jamais entendu, accentuait l’anxiété générale. Des orages magnétiques commençaient, des nuages noirs passaient devant la comète et l’éclipsaient par instants. (…) Le règne végétal commençait à être frappé (…) le feuillage se rétractait comme crispé par l’épouvante et tombait. Les arbustes se tordaient et mouraient. »
Schomburg – toujours avec l’aide du père de Geneviève- déclenche une vaste campagne de calomnie envers Martial, mettant les policiers de son côté. Il désire éliminer physiquement Wester et Martial dans leur quartier général de la tour Eiffel. Quant à Jean, son rôle prophétique prend fin. Vaincu par trop de passion, sa raison s’altérant, il sera transporté dans un asile d’aliénés.
Les jours passent et la comète, énorme maintenant, provoque un ensemble de bouleversements telluriques, météorologiques, atmosphériques qui créent la panique pour des millions d’êtres humains :
« Une pluie lumineuse semblait s’abattre sur la terre ; des aérolithes tombaient, écrasant des maisons, apportant la terreur et si quelques-uns parmi les humains se terraient, fous de peur, d’autres, extatiques, écoutaient toujours les paroles salvatrices inspirées par Jean Novalic.
La bourse en chute libre, le travail arrêté, les comportements les plus aberrants se font jour, soit de jouissance effrénée, soit d’agressivité incoercible. Geneviève, prise de remords, avertit Martial de l’attaque de Schomburg. Le banquier satanique mourra écrasé par la chute de la cabine d’ascenseur de la tour. Pendant ce temps, les émissaires de Martial, qui ont travaillé les populations en profondeur, rassemblent les hommes de bonne volonté, les « forts », ceux qui survivront au péril. La proximité de la comète modifie à tel point les conditions terrestres habituelles qu’une étrange sensation s’empare des survivants :
« Chose curieuse, à la fébrilité des êtres succédait une sorte d’extase, leur figure rayonnait comme s’ils avaient la vision de quelque miracle. Une fluidité inconnue traversait les choses, tous les corps, comme si l’univers baignait dans de l’air liquide. (…) Martial, qui se débattait dans la torpeur qui vient de s’abattre sur tous, balbutia aux savants qui l’entouraient : -Courage : l’oxyde de carbone en rencontrant l’oxygène, forme le protoxyde d’azote. Nous baignons dans les gaz hilarants.(…) Tout devenait d’une diaphanité de rêve, plus d’ombre, et le triomphe de la lenteur dans une atmosphère irisée et splendide s’affirme. La Terre devient comme une sorte d’ectoplasme de la comète. »
Sans perdre de temps, Martial et Wester avec De Murcie et Geneviève repentante, jettent dans les heures qui précèdent le cataclysme, les bases d’une république universelle fondée sur l’altruisme et la fraternité, proclamant la guerre hors-la-loi :
« Un grand cri vint rompre le silence humain et domine l’effroyable sifflement de l’atmosphère incendiée.
-La Terre brûle ! la Terre brûle ! hurlent des torches vivantes qui viennent d’un point touché par un aérolithe, qui courent et s’effondrent. Le bruit étrange redouble, on entend la plainte, le gémissement de la terre. Martial parle :
-Article III : les Etats fédérés des deux Amériques sont constitués.
Les Américains, sous une pluie de feu, agonisent, en acclamant ces mots. Et article par article, le Maître des forts proclame la fédération asiatique, africaine. Les noirs, fraternellement, embrassent les blancs. Qu’importe le cataclysme, puisque doit en sortir l’union des peuples. »
Dans le monde entier l’on projette les images enregistrées de Jean Novalic où il explique ses idées novatrices à ceux qui survivront à la catastrophe :
« En gros plan, sur l’écran, à genoux, suppliant les hommes, Jean, les mains tendus, avait une telle expression, que toute la foule, d’un seul élan, se leva et se découvrit comme devant l’apparition d’un saint. La voix de Jean se faisait encore plus persuasive.
-Aimez la plante, l’oiseau, le vent, l’eau et les pierres mêmes. Aimez-vous ! Aimez-vous ! Aimez-vous ! »
Enfin la comète, ayant rebondi sur l’atmosphère terrestre, se perdra à nouveau dans le cosmos, laissant une terre meurtrie et dévastée mais une société d’hommes nouveaux, lavés de tout mal et tournés vers l’avenir.
« la Fin du monde » de Joachim Renez est une adaptation scrupuleuse du scénario filmique d’Abel Gance, lui-même inspiré par le roman de Camille Flammarion. Certaines idées peuvent sembler naïves mais le récit ne manque pas de grandeur. D'ailleurs, une rédition récente en DVD vous permettra de vous en faire une idée de visu.
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Necropolis - Par BenF
Le jeune spéléologue Daniel Hérard (Dan) explore une grotte au-dessus des vallées de Villejouve et de Brainville, avec des villages de haute montagne. Un tremblement de terre le surprend dans les grottes. Lorsqu’il lui arrive de revoir la lumière du jour, s’étend devant lui un champ de ruines et de terres vitrifiées. Il en déduit que, durant son absence sous terre, s’est produit un terrible cataclysme, sûrement d’origine atomique. Son but le plus pressant est de trouver à manger :
« Daniel poussa un soupir. Si le fléau avait été partout aussi destructeur, il n’avait guère d’illusions à se faire sur son sort. Que pouvait-il espérer ? Que pourrait-il découvrir parmi cette poussière organique ? Certes, il s’agissait là d’une cabane de bois, d’un modeste bâtiment en matériaux combustibles ; sous les pierres épaisses des maisons villageoises, il trouverait peut-être quelques traces de l’existence des humains »
S’avançant dans les rochers, il repère, au bout d’un instant, une forme allongée. C’est une jeune fille encore vivante, amnésique et férue de peinture qui avait recherché la solitude des lieux, ce qui lui a sauvé la vie. Il hésite un instant :
« Or, il s’agissait d’une frêle et radieuse créature qui, dès le premier contact, l’avait considéré comme son sauveur. Il ferma les yeux, maudissant le sort injuste que lui infligeait cette nouvelle épreuve ; la pire de toutes peut-être (…) La terreur le gagna. Non !… Mille fois non !… il ne pourrait pas supporter un tel spectacle ; il ne pourrait pas rester devant ces yeux qui allaient s’éteindre lentement comme une flamme sans huile…Ah ! Pourquoi n’avait-il pas suivi son impulsion de la nuit ?… Il y avait toujours de grosses pierres autour d’eux. Un geste suffisait pour achever l’infortunée. »
La décision étant finalement prise de la laisser vivre, Dan la réconforte. Près du village en ruines, dans une cave d’accès malaisé, il découvre des légumes, ce qui lui permet de parer aux besoins immédiats. Angélique (c’est le nom que lui donne le jeune homme), encore frêle et maladive, serait mieux dans les hauteurs. Daniel l’installe donc dans une grotte, sorte d’abri sous roche qui deviendra leur maison. Se croyant le dernier couple au monde, ils jouent à Robinson faisant de la recherche de nourriture leur quête quotidienne. Un aigle capturé dans son aire leur fournit de la viande et des œufs, comme quelques poissons pris dans un petit lac leur donnent de quoi subsister, mais chichement.
Daniel tente même un retour à la terre en ensemençant un lopin moins dévasté que le reste avec des fanes de pommes de terre. Cependant, leur principale occupation est de s’adonner à des tortures morales concernant leur amour réciproque soigneusement caché, ce qui fournit à l’auteur l’occasion de belles envolées lyriques :
« Daniel se ressaisit brutalement. La muette extase de son visage laissa place à un masque rigide. Les paupières venaient de se soulever et l’éclat pervenche apparaissait nuancé de surprise. Un subite rougeur envahissait le fin visage, rougeur qui semblait contagieuse car Daniel sentit un afflux de chaleur gagner son front. Dans la gêne qu’il crut lire, le jeune homme devina l’inattendu de sa présence : sa protégée, étouffant sous son lourd costume de montagne, profitait de ses absences pour se donner un bien-être légitime ; l’intimité du désert valait certes les cloisons les plus étanches. Son retour inopportun la surprenait dans une tenue, non indécente, mais qui livrait trop visiblement les charmes de son corps gracile. »
Après de nombreuses pages, ils conviennent qu’il ne leur est pas possible de s’aimer parce qu’ils ne peuvent avoir d’enfants qui survivraient dans un tel environnement ! Chez Dan, cette impossibilité d’aimer tourne à l’obsession et modifie son comportement vis-à-vis de la jeune fille. Ombrageux et fier, mais poète à ses heures, il ne cèdera à sa douce inclination que lorsque Angélique se sera chargée des approches nécessaires.
Les mois passent et l’hiver s’installe dans la région sans qu’il leur vienne une fois à l’idée d’aller voir ce qui pourrait subsister au-delà des montagnes. Un soir, Daniel entend du bruit. Il s’avance dans la vallée puis disparaît aux yeux d’Angélique qui pressent un malheur. Le jeune homme vient de se faire capturer par une patrouille militaire qui, intriguée par cet espace cultivé en plein désert, est revenue sur zone pour vérification.
Daniel, mené devant le commandant, apprend que la région dévastée, appelée « Nécropolis », est le résultat d’un terrible accident nucléaire. Une centrale, qui y était implantée, a explosé, provoquant la mort des villageois et la mise en quarantaine de la zone contaminée. Daniel et Angélique (que l’on est revenue chercher) seront donc considérés comme des miraculés et rendus célèbres par les médias. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, Angélique – qui s’appelle plus prosaïquement Germaine - retrouve la trace de son papa exilé aux colonies. Mais le jeune couple, soudé pour le meilleur (le pire n’étant peut-être pas encore passé), déclinera l’offre qui leur est faite de se réinsérer dans la civilisation. Ils préfèreront habiter dans une ferme d’une des hautes vallées du Jura, sous la protection de Dieu et du curé de l’endroit.
Un ouvrage méconnu (on se doute pourquoi), donc rare. La catastrophe sert manifestement d’écrin à la description pseudo-romantique des relations amoureuses au sein d’un jeune couple. Que de turpitudes !
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