Bienvenue dans la Base de Données des livres !
Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !
Livres
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La Tempête De Neige - Par BenF
" Le 29, le vent s’apaisa, mais, entre-temps, la neige n’avait cessé de tomber, formant une couche uniforme de trois mètres d’épaisseur. Avec de légères variations, elle s’étendait partout à la même profondeur, mais les congères atteignaient une hauteur prodigieuse. La national Gallery disparaissait totalement sous une montagne de neige. De Saint Paul, on ne voyait plus que le dôme qui se dressait tel un immense igloo. "
Jefferies s’essaye à une description réaliste de la grande tempête de neige qui gela le coeur de Londres et sa région. Il en étudie les conséquences humaines, vitales, économiques à travers le journal intime de Smith, le narrateur. De la tempête proprement dite à la disparition de la cité sous la neige, l’horreur croît: les réserves pillées, les cadavres entassés, la guerre civile, la chute du gouvernement, la folie, le feu et la mort en sont les étapes obligées:
" Les quartiers riches furent envahis par une armée de gueux affamés qui avaient escaladé les congères et, en un instant, les maisons furent dépouillées de toutes leurs victuailles. (...) L’aspect terrifiant de ces hordes incarnait la violence. Jamais je n’oublierai leur visage. Ils avaient les tempes enfoncées, les pommettes saillantes, les lèvres rentrées, les gencives bleues de froid et d’anémie, et des dents semblables à celles d’un chien prêt à mordre. "
Un grand texte en peu de lignes.
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La Derniere Bataille - Par BenF
En 1909, l’Europe est aux mains des Russes et des Allemands. Le Tsar Nicolas, sa cour, ses féaux les autres princes d’Europe, ont asservi le côté oriental en distribuant des prébendes ou en faisant régner une terreur absolue. L’autre Europe, le côté occidental, gémit sous la botte de l’empereur de Prusse Guillaume III qui tient fermement par ses affidés, les rois et consorts, la Hollande, la Belgique, la France, l’Espagne, le Portugal, l’Italie :
« Il y a dix ans, deux monarques, l’un russe et l’autre prussien, comme leurs ancêtres moins hardis avaient autrefois assailli la Pologne, se sont rués à l’improviste sur l’Europe terrifiée, et de ses dépouilles ils ont accru leurs empires, qui sont devenus l’empire de l’Est et l’empire de l’Ouest. »
Parce que la princesse Amélie, la fille du roi de France Louis Philippe III, a refusé la main du Tsarevitch, la querelle, envenimée par l’ambassadeur de Guillaume II, déboucha sur une crise politique grave et sur la menace d’un massacre généralisée. Chaque autocrate, actionnant les pays soumis à son autorité, arma ses troupes et les fit marcher les unes contre les autres. Des coups d’éclat eurent lieu de part et d’autre sans que rien de définitif ne pût arrêter la machine infernale avec des morts qui, déjà, se comptaient par millions :
« A côté de ces moyens nouveaux, les guerres d’autrefois semblent dans l’enfance de l’art. Des villes entières, avec tous leurs habitants, sont anéanties sans combat. (…) ici et là les armées en présence, sous le souffle terrible de leurs monstres d’airain, se couchent dans le sang des champs de bataille. A regarder faire les empereurs, on dirait que la Nature elle-même devient méchante. Elle manque devoir tuer tout ce qu’ils ne tuent pas. En Russie, elle déchaîne le typhus ; en Allemagne et en France, la variole ; en Italie et en Turquie, le choléra . En quatre mois, trois millions de soldats ont péri, mais rien de cela n’a fatigué l’espérance et l’orgueil des deux maîtres de l’Europe, entre lesquels la victoire continue d’osciller incertaine. »
Du côté allemand, le relieur Liebell rêve d’un « unionisme » universel et songe à créer les « Etats Unis d’Europe » qui fédéreront tous les peuples de bonne volonté. Ce rêve est partagé par le russe Mikoff, gantier de son état, du côté oriental. Ayant appris à se connaître et à s’estimer, ils élaborèrent une nouvelle Constitution, attendant le moment favorable pour l’appliquer.
Le front s’étant stabilisé vers Vienne, les deux conjurés passèrent à l’action, ayant déjà un appui solide dans les rangs des soldats unionistes des deux armées. Liebel avait réussi à s’infiltrer à un poste-clé du commandement de l’armée prussienne. Il déclencha à l’heure prescrite la «Révolution », dès qu’il sût que son homologue russe avait agi dans le même sens. Comme une traînée de poudre le même mot d’ordre circula : « Halte aux tyrans et aux rois, halte à la guerre ! » Le coup de force dissocia d’abord les généraux des pouvoirs intermédiaires, en les coupant de leur base. Puis Liebel, à la tête d’une troupe nombreuse, captura et emprisonna tous les rois d’Occident dans leurs demeures et châteaux de Vienne, comme Mikoff le fit du côté russe.
Les deux armées, gagnées à la cause révolutionnaire, fraternisèrent, brisant dans l’œuf toute velléité de résistance. La jonction s’opéra à Ragelsbrün et déjà le monde entier suivait avec passion la naissance de cette nouvelle Europe. Mais pour que l’acte fondateur pût être fécond, l’ensemble des sommités royales et bourgeoises inféodées, princes et laquais des monarques, devaient être fusillés selon un rituel précis dans la plaine de Ragelsbrün, un lieu qui se transformera ensuite en symbole éternel de la chute des tyrans :
« Tous ces poteaux improvisés seront rangés en file, mais ceux auxquels on attachera les deux empereurs occuperont le milieu de la plantation sinistre, et, distant l’un de l’autre de neuf mètres, chacun d’eux sera également planté à neuf mètres de ceux destinés aux rois. De chaque côté, six mètres seulement sépareront ceux-ci les uns des autres, ainsi que le dernier d’entre eux des premiers de ceux destinés aux princes, lesquels ne seront respectivement séparés que par un espace de trois mètres. Ainsi jusque dans l’expiation l’on conservera l’étiquette chère aux tyrans.»
La nouvelle Europe des peuples était née, une et indivisible, pacifique et travailleuse, une « Internationale » de tous les hommes de bonne volonté :
« Le libre groupement des nationalités, le divorce des Eglises et des Etats, la suppression des armées, l’absolue gratuité de l’enseignement, la création d’un impôt unique et progressif sur le capital acquis, l’abolition du salariat, tous ces desiderata si profondément justes, réfutés par d’odieux sophistes, ou éludés violemment par des exploiteurs éhontés sont proclamés en principe, et du jour au lendemain réalisés en fait ; et aucun trouble ne se produit, et pas une réclamation n’ose s’élever, car où il n’y a plus de prince la justice peut enfin régner ! »
La « Dernière bataille » , courte et introuvable épopée de Frédéric Stampf, mena son auteur , militaire de carrière, à sa destitution dans l’armée allemande, puis à son emprisonnement sur l’ordre de Bismarck, qui fut interrompue par sa mort précoce, à 35 ans. Le récit est appelé « vision» ou épopée ». Publié en 1873, il montre comment les peuples pourraient avoir l’idée de prendre en mains leurs destins afin de bannir la guerre et d’écarter les rois, seuls criminels de ce monde. Le rêve d’un « Unionisme» encore utopique qui s’appuie sur l’expérience de la Commune de Paris. Une œuvre originale, brève et puissante, mais méconnue.
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Une Fantaisie Du Dr. Ox - Par BenF
La merveilleuse et utopique petite ville de Quiquendonne en Flandres, est vouée à la placidité. Les habitants, comme leur bourgmestre Van Tricasse et leur conseiller Niklausse, sont tout confits en civilité, béatitude tranquille et hébétude sociale. C’est leur façon de vivre, à ces Flamands-là! Mais le Dr Ox et son serviteur Ygène vont changer tout cela. Sous prétexte d’installer dans toute la bourgade un puissant éclairage au gaz, ils saturent l’air de la cité en oxygène. Le résultat ne se fait pas attendre : des animosités apparaissent, la tension associée à la vivacité des propos dégénère en insultes et en agressions physiques.
Les citoyens en viennent à exhumer une vieille querelle de voisinage pour aller en découdre avec les habitants de la bourgade voisine. Heureusement une explosion des réservoirs d’oxygène met un terme à l’expérience du bon Dr. Ox:
" En résumé, et pour conclure, la vertu, le courage, les talents, l’esprit, l’imagination, toutes ces qualités ou ces facultés, ne seraient-elles donc qu’une question d’oxygène?"
Une nouvelle atypique dans l’œuvre de Jules Verne. Au-delà du thème de l’empoisonnement de l’air provoquant la désagrégation de la société et avec un humour absent de ses autres ouvrages, Jules Verne nous donne le choix entre deux attitudes possibles face au progrès: celle de foncer comme le ferait un taureau (Dr. " Ox "), quitte à casser du bois, ou celle de végéter dans la stabilité sociale d’un ennui mortel.
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La Bataille De Dorking - Par BenF
La « Bataille de Dorking » se présente comme la relation vécue de l’invasion de l’Angleterre par les Prussiens, racontée par l’un de ces vétérans. Parmi les causes d’un si grand malheur, facilement évitable par une Angleterre puissante et commerçante, il place le manque de fierté de l’Anglais envers son armée, sa suffisance à l’égard des autres puissances liées à une organisation militaire défectueuse. L’éparpillement de la flotte anglaise au Canada, aux Antilles, en Chine, les révoltes en Inde et en Irlande ont affaibli d’autant la Grande-Bretagne. Ce furent les annexions de la Hollande et du Danemark par les Prussiens qui décideront de l’engagement dans la guerre, dans la certitude de la gagner:
« L’invasion est un rêve. Une flotte anglaise montée par des marins anglais, dont le courage et l’enthousiasme trouvent un écho dans le cœur des habitants du pays, est déjà partie à la rencontre de notre présomptueux ennemi. L’issue d’une lutte entre des navires anglais et des navires de toute autre nation, à nombre à peu près égal, ne saurait être douteuse. L’Angleterre attend avec calme et confiance le résultat de l’action, qui est imminente. »
L’Angleterre, isolée dans le nord de l’Europe eut soudain connaissance de la condition misérable de sa flotte en perdition, coulée par des mines prussiennes ou « engins infernaux ». Immédiatement, le gouvernement procéda à l’enrôlement de 20 000 volontaires dont fit partie le narrateur. La Bourse et les spéculateurs se précipitèrent pour pallier le coup du sort :
« Nous prîmes le premier train pour Londres, et nous y arrivâmes au moment où la fatale nouvelle de la perte de la flotte fut télégraphiée de Portsmouth. La panique et l’agitation de ce jour-là, la baisse effroyable des fonds publics ; l’assaut de la banque, obligée de suspendre ses payements ; la moitié des maisons de commerce de la ville en faillite ; la publication d’un décret du gouvernement suspendant les payements en espèces et la présentation des billets (…), enfin l’appel aux armes et l’empressement unanime de la population à y répondre, tout cela appartient à l’histoire, et je n’ai pas besoin de vous le répéter. »
Tandis que les marins ennemis approchent de la côte anglaise, les volontaires, mal préparés, mal armés, mal commandés, se dirigent vers Harwich, cantonnant de gare en gare, dans la confusion, le désordre, le vacarme et la cohue, sans que l’intendance ne suivît. Les ordres et contre-ordres se succédant, la seule information sûre qui leur parvint, fut celle de stopper l’avance ennemie dans une région de collines, au voisinage du village de Dorking :
« L’ignorance où tout le monde, depuis le colonel jusqu’au soldat, nous laissait des mouvements de l’ennemi, nous remplissait d’inquiétude. Nous nous représentions l’Allemand poursuivant avec fermeté son plan d’attaque bien combiné, et nous comparions son assurance avec notre propre irrésolution. Le silence au milieu duquel s’accomplissaient les mouvements de l’ennemi nous inspirait une terreur mystérieuse. La journée s’avançait, nous souffrions de la faim, car nous n’avions rien mangé depuis le matin. »
le commandement, assuré par des brutes narcissiques, installe en son esprit d’amères réflexions sur la valeur humaine :
« Le capitaine écouta froidement mon récit, mais il ordonna au peloton de relâcher les deux captifs, qui se sauvèrent à la hâte par un chemin de traverse. Le capitaine était un bel homme à l’air martial, mais rien ne pouvait égaler l’insolence de ses manières, insolence d’autant plus remarquable qu’elle semblait naturelle et provenir d’un incommensurable sentiment de supériorité. Entre un pauvre volontaire boiteux et un capitaine de l’armée victorieuse, il y avait à ses yeux un abîme. Ces deux hommes eussent-ils été des chiens, il est évident qu’on n’aurait pas décidé de leur sort avec plus de dédain. »
Les volontaires perdront rapidement confiance, surtout avec le ventre vide, les batteries de cuisine étant restées en arrière, ce qui les obligea à manger leur viande crue. Ils s’établiront cependant sur une hauteur pour défendre la vallée. De là, les volontaires verront manœuvrer les armées successives qui se pressent, sans cesse plus nombreuses, pour défendre ou forcer l’accès de Dorking, clé de l’invasion et chemin assuré vers Londres :
« C’était comme une scène de théâtre : un rideau de fumée enveloppait le champ de bataille, avec une échappée au centre éclairée par un rayon de soleil couchant. Le versant rapide et glissant de la colline était couvert de troupes ennemies, dont je voyais pour la première fois les uniformes d’un bleu foncé. Elles formaient des lignes irrégulières sur le premier plan ; mais par derrière elles étaient très compactes.»
La plus grande confusion règne dans la gare de Dorking où des fourgons sans chevaux s’opposent à la fuite de la population. Après une attente interminable, la confrontation avec les Prussiens a enfin lieu, à trois heures de l’après-midi. Les troupes anglaises avancent sous un feu d’artillerie incessant et meurtrier. Le beau sentiment esthétique que procure la magnifique discipline anglaise s’avère éphémère : il y eut tellement de morts et de blessés dans les rangs anglais que les volontaires eurent tendance à fuir le champ de bataille :
« Quel beau spectacle de voir ces braves soldats ! Avec quelle précision les gardes descendant le revers de la colline conservaient un irréprochable alignement ! malgré les sinuosités de la plaine, ils faisaient feu et manoeuvraient avec la même régularité que s’ils eussent été à la parade : c’était splendide. Nos cœurs bondissaient d’une ardeur patriotique ; il nous semblait que la bataille était gagnée.»
Les charges à la baïonnette dont le narrateur fit partie ressemblent à une sanglante boucherie :
« Je sentis une vive douleur à la jambe pendant que j’enfonçais ma baïonnette dans le corps du soldat vis-à-vis de moi. J’avoue que j’avais peur de regarder mon adversaire ; cependant je ne détournais pas la tête assez vite pour ne pas voir ce malheureux au moment où il tombait ; les yeux lui sortaient de la tête, et, tout excité que je fusse par le combat, ce spectacle me parut horrible. (…) A une longue journée d’attente avait succédé l’excitation de la bataille, et nous n’avions guère eu le temps d’envisager notre situation ; lorsque chaque minute était peut-être la dernière de notre vie, nous ne songions guère à nos amis et à nos voisins ; et lorsqu’un homme armé d’un fusil est là en face de vous et qu’il veut votre vie, on n’a pas le loisir de se demander qui est l’agresseur, ni si on se bat pour son pays et son foyer. Je pense que toutes les batailles une fois commencées se ressemblent, du moins quant aux sentiments qui animent les combattants. »
Enfin, les rangs se rompent dans la plus extrême des confusions. Le narrateur, dont les amis ont été tués, se retrouve à l’arrière des lignes, en retraite vers Londres, l’ultime charge anglaise ayant échoué. Sur la route de Kingston, le désespoir le gagne lorsqu’il apprend la reddition de Woolwich, l’arsenal général des armées anglaises. Se traînant jusqu’à la maison de son ami Travers, il y arrive juste à temps pour voir le petit enfant de celui-ci blessé à mort par un éclat d’obus :
« Il était trop tard, hélas ! Le pauvre enfant gisait au pied de l’escalier la face contre terre, ses petits bras étendus, ses cheveux blonds baignés dans une mare de sang. Au milieu des milles éclats de la bataille, je n’avais pas entendu l’explosion. Un éclat d’obus était entré par la porte ouverte du vestibule et avait fracassé le crâne de l’enfant. »
Lorsqu’il sort de son évanouissement, la maison est peuplée d’Allemands triomphants. A la honte d’être avili, humilié, méprisé, spolié, il ajoutera celle de l’Angleterre occupée, dépouillée de ses colonies et ruinée dans son négoce :
« Je me souviens encore avec quel sentiment d’amertume nous voyions qu’il était trop tard pour épargner à notre pays cette profanation, si facile cependant à écarter. Un peu de fermeté, un peu de prévoyance, chez nos ministres un peu de bon sens seulement, et cette calamité sans seconde eût été impossible. Il était hélas ! trop tard, nous étions comme les vierges folles de la parabole. » Il en conclut qu’ «une nation trop égoïste pour défendre son indépendance est indigne de la conserver .»
La « Bataille de Dorking », écrite dans l’anonymat à l’époque par un Lord anglais, Lord Chesney, a vu son importance croître en proportion inverse de la brièveté du récit. Jamais nouvelle plus courte n’eut une pérennité plus longue, tant fut grande son influence. L’émotion, lors de sa parution, fut immense et donna lieu à de nombreuses imitations ou réfutations tant en Angleterre que dans le reste de l’Europe. Pour la première fois, sur un ton simple et naturel, l’on osa évoquer le pire cauchemar que peut vivre l’Anglais insulaire : l’invasion de son sanctuaire sacré et la perte de sa puissance économique.
Le roman ne se contenta pas seulement d’en raconter les épisodes, il appuie là où cela fait mal, en recherchant les causes du désastre, liées selon lui à la morgue et au mépris anglais vis-à-vis des autres nations. La polémique fut vive à un point tel qu’elle fut à l’origine d’un nouveau genre littéraire, celui des « guerres futures », dont la veine est encore fortement exploitée aujourd’hui. Il n’était donc nul besoin d’aligner une vingtaine de volumes comme le fit le capitaine Danrit avec sa « Guerre de demain » ou Pouvourville avec son « Héroïque combat », tout était déjà écrit en cet opuscule, chef-d’œuvre authentique dont on attend la réimpression (faite aujourd'hui).
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Mada Ou Le Dernier Homme - Par BenF
Après des siècles de progrès, les peuples ont instauré l’état d’utopie :
« Tous les trônes avaient successivement croulé et la fraternité avait gagné les nations ; plus de barrières entre elles. » La liberté règne en politique, dans les religions (où le pape s’est fait discret) et en sciences où les secrets seront arrachés progressivement à la nature :
« Se centuplant par elle, les forces de la nature soulageaient les bras dans leur labeur, et n’ayant plus de secrets, celle-ci lui abandonnait ses trésors. (…) Les éléments définitivement domptés, on voyagea dans les airs. On traversa les espaces avec une rapidité inouïe. On décomposa les métaux les plus durs. On fit de l’or. On put faire le diamant.»
Mais un état stable est de peu de durée et les sociétés finissent par se ruer les unes contre les autres: « l’Extrême Asie fut ravagée, inondée de flots d’hommes et de chevaux », l’Amérique croît puis décroît cédant sa place à l’Afrique qui occupera dorénavant une place prééminente dans le monde. Le raffinement du luxe ruine les mœurs et les croyances, faisant surgir les signes d’une anarchie morale. La religion se fragmente en sectes bizarres ; enfin des fléaux inconnus se propagent et frappent la nature entière :
« Partout où il (= le fléau) passait, les arbres jaunissaient, se dépouillaient, séchaient. En une heure, les champs voyaient leur verdure se flétrir. Il pénétrait jusqu’aux racines des plantes. L’effroi fut universel. Il parcourut les deux hémisphères semant la désolation et la mort. » L’apparition d’un prophète nouveau qui se dit l’incarnation de Jésus-Christ répand la croyance en la religion du libre-arbitre. Un seul peuple reste admirable dans sa défense de la foi et dans sa pugnacité envers les barbares ; c’est la France : « ses œuvres avaient inondé le monde. On obéissait à ses élans, à ses transports, à ses lois. Sa langue, partout adoptée, façonnée par le génie et les mœurs du peuple, était presque la seule en usag ,» qui hélas ! cède à son tour :
« Le plus épouvantable des fléaux a fondu sur elle, terni son immortelle auréole, détruit son armée, ravagé son sol, et, en quelques instants, l’a fait descendre au bord de l’abîme, où tout s’engloutit. »
les signes sinistres se multiplient : le soleil pâlit, les saisons inversent leurs cours, l’atmosphère se refroidit, la végétation languit, la disette et les famines se répandent, le monde se dépeuple : « Tout s’y étiolait. Les fleurs, les feuilles restaient chétives, languissantes. Les blés germaient sans mûrir. La vigne ouvrait à peine ses bourgeons. C’était l’existence ne se révélant plus que pour avorter. »
C’est le début de la fin du monde. L’augmentation du nombre des taches solaires fait craindre le pire : « Le soleil se montra presque dépouillé de ses rayons, défait, éclairant tout d’une lumière sinistre. D’énormes taches couvraient sa face livide ( …) On pouvait les fixer et mesurer ses stigmates sans être ébloui. »
En ces temps néfastes, où la majorité de l’humanité est déjà morte « quelques années suffirent pour réduire l’ espèce humaine à quelques familles dont l’une devait survivre aux autres et périr la dernière » sur les bords de « l’antique Helvétie et de la France » , dont celle de Mada.
Le chef de celle-la, puissante et reconnue, fit beaucoup pour soulager les maux de ses contemporains. Pourtant il ne put s’opposer à l’inéluctable. Alors que les survivants s’entretuaient, Mada, tout en essayant de les raisonner, ne parvint pas à éviter la destruction et le pillage de la petite ville, ce qui précipita la chute des sociétés. Mada prend la fuite avec ses deux enfants, Ivan un garçon de dix-sept ans et Ela, sa fille, âgée de quatorze ans. Leur mère étant morte, ils recherchent un nouvel asile sûr auprès d’Elisée, un ancien ami, habitant sur les hauteurs du lac.
Les signes de la dégradation s’accentuent : la lune éclaire moins, les brumes s’infiltrent en tous lieux, ainsi que la glace. Mada y voit les prémisses de l’apocalypse réalisée. C’est pourquoi il se réfugie dans sa foi en Dieu. D’ailleurs Elisée, vers lequel se dirigent leurs pas, est, lui aussi, un authentique croyant et, comme Mada, un consolateur de l’humanité. Arrivé à proximité de son manoir qui semble dégradé, Mada se demande si son ami est encore de ce monde. Il surgit juste à temps pour écouter les dernières paroles d’un vieillard vénérable sur son lit de mort, qui lui souffle les principes de sa mission : « Les temps sont proches (…) Mada, digne fils du plus sage des hommes, tu es peut-être destiné à clore l’immense chaîne où tout ce que le cœur pouvait produire a été produit. »
La famille l’enterre près de l’Oratoire qui deviendra un lieu hautement fréquenté par eux, et ils s’installeront à demeure, puisqu’en visitant les souterrains du manoir, ils y ont découvert tout ce qui était nécessaire à leur survie. Deux autres tombes, situées près de l’Oratoire aiguisent leur curiosité : quelles personnes sont inhumées-là ?
Puis, partis en reconnaissance au deuxième étage de la propriété, ils y découvrent une bibliothèque richement fournie avec en son centre, posé sur un lutrin, la bible ouverte, autour de laquelle ils se réuniront souvent pour confronter la parole sacrée aux philosophies du passé. Mada (anagramme de « Adam ») dispense donc un enseignement religieux continuel à ses deux enfants. La diminution du feu solaire qui fait craindre le pire, leur impose une série de réflexions sur l’essence mystérieuse de la lumière, comparée à celle de l’âme. Ainsi passent les jours.
Ivan a maintenant dix- neuf ans et Ela seize. C’est une jeune fille dans tout son éclat et les sentiments qui unissent les deux jeunes gens sont d’une grande intensité :« Ils s’aimaient comme frères, n’ayant pour ainsi dire connu qu’eux-mêmes, et enfin, faut-il le dire, sans le savoir, sans s’en douter, ils s’aimaient peut-être à un autre titre… »
Ils s’écarteront peu du manoir à cause de la dangerosité de la nature mais pousseront quand même leur audace à visiter une chapelle écartée, en dépit de la brume, qui deviendra leur lieu secret. Ivan remarque, lors d’une de leur sorties, un brin de myosotis près d’un petit filet d’eau, et l’offre à Ela qui le dispose dans son livre de prières, comme il sied à une « Fleur des Saints ». Mada est inquiet car il associe la dégradation de la nature au surgissement du mal dans le monde : « Le monde finit lentement (…) Il n’y a d’éternel que l’Eternel. Les Ecritures disent (…) que la fin sera précédée de calamités. Nous sommes arrivés à ces épouvantements. »
Ses réflexions sur Dieu, sur la distinction entre monothéisme et polythéisme, sur le mal engendré par les anciennes guerres de religion, seront interrompues par la découverte, dans un tiroir, d’un rouleau de papier relatant l’histoire d’Elisée et d’Elisa. Deux familles qui habitent côte à côte, y lit-il. Elisa, la brillante jeune voisine est d’évidence destinée à Elisée. A la mort du père d’Elisa, c’est tout naturellement qu’Elisée la demande en mariage. Contre toute attente, Elisa s’y refuse : seul l’habite un sentiment fraternel.
Lors d’un voyage à l’étranger, Elisa, au grand désespoir d’Elisée, se marie à un jeune homme. Pour vaincre sa douleur, Elisée décide d’habiter en ville mais les dégradations de la nature, l’arrivée de la fin des temps, le convainc à se mettre au service des autres. Mada, suite à cette lecture, souhaite visiter avec ses enfants, cette ville (Lausanne ?, Genève ?) où son ami a vécu : « Ils s’arrêtèrent pour en contempler l’aspect désolé. Elle ressemblait à un sépulcre abandonné. Chaque jour s’en détachait une pierre sous l’action du temps dont rien ne pouvait plus conjurer la puissance. »
Les rues désertes leur font porter leurs pas vers une demeure princière dans laquelle un portait d’Elisa leur signale que c’est là que cette dernière a vécue avant d’être enterré avec son mari près de l’oratoire par les bons soins d’Elisée. Après avoir vu l’hôpital puis le cimetière, décidant d’arrêter leur pérégrination urbaine et de retourner dans leur manoir, ils sont pris dans un gigantesque tremblement de terre :
« Des flots de poussière brûlante tombaient autour d’eux. Ce fut une tourmente inouïe menaçant de les ensevelir vivants.(…) Les monts, les monts gigantesques, ces monts couronnés de glaciers, arrachés de leur fondement, avaient roulé dans les vallées. A la place du lac s’étendait maintenant une plaine presqu’uniforme. »
Le matin, la brume ayant disparu, ils observent stupéfaits le désordre géologique d’un paysage bouleversé. Ela, frappée de congestion, est mourante au grand désespoir d’Ivan qui n’aura bientôt plus pour se consoler que la petite « Fleur des saints » du livre de prières. Après l’inhumation de sa soeur, le jeune homme restera inconsolable malgré toute la patience de Mada qui tente de lui faire comprendre les voies du ciel. Il dépérit à son tour. Lorsque la chapelle, à laquelle il était très attaché, est dévastée, il meurt: « On eût dit que le feu du ciel l’avait ravagée. Un amas de terre bitumineuse s’élevait devant la porte comme un flot de lave refroidie. Elle était remplie de décombres. »
Mada reste le dernier homme sur une terre vide et cette pensée le terrifie : « La pensée qu ‘il n’y avait pas d’autre être vivant sous les cieux égarait sa raison. Il n’osait se sentir vivre, se remuer, se palper sans tomber dans une sorte de terreur superstitieuse.»D’autant plus que les conditions climatiques empirent :
« Un soir qu’il sortait du pavillon, il fut surpris du changement subit de l’atmosphère. De glacée, elle était devenue tiède. Depuis un instant, le soleil n’éclairait plus la terre. Les ombres régnaient partout. »
Enfin, Mada se sait perdu lorsque le manoir, son unique refuge, devient la proie des flammes:
« Un mugissement sourd se fait entendre et aussitôt une épouvantable explosion a lieu. Le sol tremble, le ciel se remplit d’une vapeur rougeâtre, et, en tombant, une pluie de feu embrase le vieil édifice. Renversé par une violente secousse de l’air, Mada eut à peine le temps de se relever et de rentrer au pavillon. Le météore disparu, il ne restait plus de la maison d’Elisée que des ruines fumantes. »
Avec la fièvre, s’impose à lui une dernière vision du jugement: « L’astre dominateur était devenu un corps opaque. Sur presque tout son extérieur régnaient les ténèbres. Seulement à ses extrémités, de rares points brillaient d’un reste de flamme vomie de ses dernières profondeurs. »
En mourant, il se demande si sa disparition signe vraiment la défaite absolue de l’espèce humaine ou si Dieu, dans sa sagesse, n’a pas prévu un remplaçant à l’homme disparu :
« Peut-être l’intelligence humaine y sera-t-elle servie par de plus purs, de plus sûrs organes. Les aptitudes y seront plus variées, les instincts plus larges, l’âme plus aspirante ! Pour dompter cette nature extraordinaire, pour être maître de cet espace, il faudra aux hommes qui l’habiteront des moyens inconnus aux autres sphères !. »
« Mada ou le dernier homme » fut, de l’aveu même de l’auteur, écrit dans une période troublée. Prenant parti ouvertement contre les Communards (« la France troublée par de vains essais de communisme ») et en faveur de la religion, d’Aiguy relate son pessimisme politique par une narration à thématique cataclysmique.
Le décalage curieux d’un texte post-romantique et réactionnaire en pleine période réaliste, voire naturaliste, explique en partie le désintérêt de la postérité pour un récit aujourd’hui quasi-introuvable. Pourtant ni le style, ni les réflexions, ni la peinture des mœurs ou du décor n’y sont ridicules, même s’ils mettent à mal la patience du lecteur moderne habitué à des brouets plus épicés.
La trajectoire spirituelle de Mada se renforce parallèlement à la nature qui meurt. L’apologétique chrétienne, les réflexions et dissertations sur la prééminence de la religion consolatrice ne font pas oublier les descriptions nourries par la rigueur d’une pensée scientifique, même si le cadre général de l’œuvre s’inscrit dans la schéma canonique de l’Apocalypse de St Jean : le soleil se refroidit, les taches solaires en sont à la fois la cause et la preuve, les bouleversements géologiques et climatiques s’en déduisant rationnellement. La thématique elle-même de « Mada » est déjà fortement référencée : poésie des ruines et pensées touchantes.
« Le Dernier homme » de Cousin de Grainville et surtout «Omégar » d’Elise Gagne ne sont pas loin. Enfin, le décor suisse semble être emprunté au « Dernier Homme » de Mary Shelley, région propice par ailleurs à la rêverie romantique de l’homme bon, non corrompu par la société selon les prêches de Rousseau. Le récit s’achève sur une suite poétique intitulée « Visions » dont l’auteur reste anonyme. S’agit-il de « Caro », l’ami à qui d’Aiguy dédicace l’ouvrage?. Cette suite, en trois parties, épouse les inflexions du roman dont elle reprend le tracé, en le dépouillant de tout le superflu, pour ne garder en l’amplifiant, que la vision cataclysmique des phénomènes de la nature, expressivement renforcée. « Mada ou le dernier homme » est encore l’un de ces romans du 19 ème siècle, traitant du thème de la finitude, jalon important - et méconnu - du genre cataclysmique.
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Le Deluge A Paris - Par BenF
L’auteur envisage avec ironie les conséquences d’un nouveau déluge à Paris en 4859.
Avant, " tous les vices ont soudain disparu, toutes les bonnes qualités sont à l’ordre du jour. " Tout le monde devient franc, honnête, vertueux (même les Académiciens).
Pendant, tandis que des escouades de ballons survolent la ville, les " flots vengeurs " déferlent. Une baleine entre dans le Panthéon, une huître " baîlle d’ennui " devant l’Institut.
Après (trois mille ans après), les eaux ont reflué et les archéologues du futur se livrent aux exhumations, en apportant la preuve de l’existence d’une ancienne civilisation par la découverte d’un jupon-carcasse qu’ils prennent pour un squelette métallique, et de l’obélisque "qui fut l’épine dorsale d’un poisson échoué ".
La conclusion, elle, est toute entière inscrite dans la morale : " dans tous les déluges et tous les cataclysmes, une seule chose surnagera toujours sans le secours d’aucune Arche de Noé, et cette chose, c’est le ridicule. "
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Un chasseur rencontre l’étrange héros de l’histoire, abandonné, blessé sur un rocher au bord de mer. C’est l’illustre journaliste Daghestan qui lui demande de l’emmener à Caucasipol, la capitale, pour qu’il puisse remettre en mains propres son manuscrit au rédacteur en chef de la « Gazette de Caucasipol ». C’est ce manuscrit, reproduit sous forme de feuilleton qui forme le corps de l’ouvrage : « l’An 5865 »
Daghestan y révèle que, pris de passion pour l’archéologie, il s’est mis en tête de retrouver le territoire de l’ancienne France, pays remplacé par l’actuelle Caucasie, et surtout sa capitale, Paris, situé d’après lui en un lieu sauvage et barbare nommé Figuig, hanté par des tribus moyenâgeuses. Citoyen célèbre de la Caucasie, Daghestan est soudain plongé au cœur de l’aventure par la lettre d’un défunt Père Franco l’avertissant qu’un livre très ancien l’attend à Lining, dans l’actuel royaume du Danemark, dont il serait l’héritier légitime.
A l’enterrement du Père Franco, Daghestan fait la connaissance de Nhoëlle 1ère , la dernière de la dynastie des Blanquet, issue de l’ancienne France. Elle l’incite à garder ce livre écrit en français – donc illisible pour Daghestan - et à continuer sa quête de Paris. Nhoëlle, dont le journaliste tombe éperdument amoureux, est protégé par un homme sauvage et très fort, Schahpothink, qui deviendra l’ennemi juré de Daghestan. Il se renseigne aussi sur l’origine de la Caucasie qui remonte à un ancien poème épique relatant les exploits d’un certain Caucasus devenu général en chef de l’armée française. Après avoir démantelé la Russie , Caucasus unifiera le Danemark, la Suède et la Turquie en une fédération d’Etats, préfiguration de l’actuelle Caucasie, avec Lining pour capitale.
Nhoëlle le presse de la retrouver à Figuig. Mais le trajet sera long pour Daghestan qui visitera au préalable de nombreux pays. Tout d’abord le Soudan. Attiré par le roi philosophe Fittri comme jadis Voltaire par Frédéric II, Daghestan admire ce pays à la pointe du progrès social. Liberté de la justice, suppression de la peine de mort, nouvelles technologies dans le domaine des transmissions, mise en place de la sécurité sociale garantie par les corporations, développement de l’éducation et de la médecine, formation permanente, règlements des conflits du travail par une chambre prud’hommale, toutes ces innovations représentent une vision de l’utopie socialiste du XIXème siècle.
Quittant le Soudan pour Tombouctou, il est accueilli par des gens simples et bienveillants. Dans ses promenades, il trouve des preuves de l’existence d’une ancienne civilisation française : fragments d’une statue immergée, temple englouti, découverte d’une plaque émaillée partiellement effacée. Il y fait aussi connaissance, dans un îlot volcanique des « Androgènes », êtres mystérieux, semi-aquatiques, qui lui fourniront le prétexte d’une discussion relative à l’origine des espèces.
Poursuivant sa route en ballon, il survole un village entièrement bâti avec des matériaux antiques, ce qui l’incite à penser qu’il se trouve au-dessus de Figuig. En atterrissant, il est capturé et emprisonné par les autochtones qui le nourrissent avec un aliment prodigieux, la pomme de terre, laquelle, si elle était connue en Caucasie, éradiquerait toute famine.
Il sera libéré par Ouchda, la fille du roi Rhaman X – qu’il retrouvera plus tard. Daghestan apprend de sa bouche que ce pays barbare est bien l’ancienne France, que Rhaman X est le frère du roi Belt de Trévig, qu’elle fait partie, comme son père, de l’ethnie dominante du pays, c’est-à-dire des Marocains. L’autre ethnie, celle des dominés dont Nhoëlle est la reine, est formée des descendants barbares des anciens Français de souche.
Fuyant en aérostat, il aboutit à Bornéo où il se lie d’amitié avec Arach, le « Licencié en Droit » qui lui offre l’hospitalité. En philosophe amer et cynique, Arach lui explique la structure sociale de ce royaume où les impôts pèsent sur le peuple, où la bureaucratie est toute-puissante, où la médisance et le mépris passent pour des vertus. Lui-même, ayant recueilli en toute innocence une jeune orpheline, Tarnawalis, a été accusé d’inceste à un point tel qu’aujourd’hui Tarnawalis se prostitue dans les bas-fonds de Bornéo.
La famille d’Arach est décédée. Il l’a donc conservée, immortelle et embaumée, telle que l’exige la coutume, en un émouvant tableau vivant, lui consacrant une pièce entière de sa maison. Avant de repartir pour Lining au Séeland, Daghestan se fait offrir des bombes en cadeau, seule invention moderne de Bornéo.
Planant au-dessus de Lining, il assiste à une révolte populaire où les méchants – les bureaucrates - s’apprêtent à exécuter le roi Belt et Falster son cousin. Grâce à ses bombes, il leur sauve la vie. Tous trois embarqués dans l’aérostat cherchent refuge auprès du frère de Belt, Rhaman X. Donc, à nouveau, cap sur Figuig.
Comme le trajet est long, le roi Belt explique à Daghestan le « Livre des Prophéties », un ouvrage sacré décrivant la chute de l’ancien Paris liée à la corruption des temps et la liberté des mœurs. A destination, Rhaman X les accueille, les cajole, les protège et met une demeure à leur disposition. Daghestan, fou de joie, peut enfin se livrer à ses explorations archéologiques et prouver la véracité de l’existence d’une ancienne capitale française de haute culture :
« Il n’était point difficile de reconnaître les soins d’une femme en cet endroit, et je soupçonnai que ces ruines étaient probablement la solitude où venait rêver Ouchda, dont le palais était proche. Il y avait là, comme dans les dépendances de chaque palais qui servent à la promenade, des sièges luxueux, formés par des statues mutilées, couchées à terre et artistement revêtues de mousses et de gazons. ( …) Tout indiquait cependant que là avait dû exister un monument national, bien que la construction ne nous offrît point de luxe. Eh bien, là, comme partout ailleurs, nous fûmes obligés de baisser la tête en reconnaissant que nous ne découvrions rien. »
Il est également confronté à des mœurs étranges pour lui. Mœurs alimentaires, d’abord. Avec des repas diététiques, sans vin, mais avec une liqueur divine, le café ! Mœurs sociales, où la chasse constitue le sport favori. Rhaman X est le représentant du conquérant rude qui opprime la tribu patriarcale aux mœurs douces des Français de souche, dont la reine Nhoëlle – qui s’entend avec la jeune Ouchda - est la prêtresse honorée et écoutée. Nhoëlle Merlukhek (c’est son nom réel) montre à Daghestan la difficulté des siens en son pays, désirant par-dessus tout qu’il épouse leur juste cause de secouer le joug des Marocains. Afin de le convaincre, elle favorise ses explorations, le guidant dans les ruines malgré Schahpothink, toujours vigilant :
« Une habitation plus belle et plus grandiose s’élevait au milieu des autres avec quelque prétention de luxe. Elle était entourée de cours et de jardins. Son aspect était bizarre, mais ne manquait pas d’élégance au milieu de l’âpre rusticité de cette sorte de village. Ses abords étaient protégés par une grille de fer, qui n’avait certes pas été fabriquée par les habitants du lieu. Elle devait venir de loin, si mes souvenirs ne me trompent pas, car elle ressemble de tout point à une grille unique que nous possédons au musée de Caucasipol, et que notre gouvernement a achetée à grand prix d’argent, comme un spécimen des travaux de la plus haute antiquité. (…) Au-dessus de la porte d’entrée de l’habitation était clouée une petite plaque de métal, sur laquelle je pus lire, à l’aide de la science que m’avait donnée le livre du père Franco, mais sans comprendre toutefois le français : Boulevard du Maine. »
Daghestan a déjà pu visiter « le Palais de l’Intendance », appelé aussi « Palais de l’Ile », barricadé et situé au milieu d’un marais qui l’entoure des deux côtés. On y accède par un pont ouvragé où veillent des débris de statues équestres.
Nhoëlle lui procure également un ensemble de documents écrits en français que Daghestan, fou de joie, n’aura cependant pas le temps de déchiffrer. Guidé par Schahpothink, aux ordres de la reine, il se retrouve au sein d’une conspiration, dans d’anciens souterrains où sont entassés une quantité impressionnante d’armes rouillées. Nhoëlle compte sur le journaliste pour l’aider à faire marcher ces armes, clefs d’une future victoire. Enfin, pour le persuader définitivement de la supériorité des Français, elle le met en transe hypnotique et lui fait visiter le passé de son peuple, de la gloire à la décadence :
« La France ! son berceau historique… des forêts, des sauvages à demi-nus, des huttes encore ; mais des héros, des géants… Quels combats ! toujours des combats … Puis des envahissements de barbares, des envahissements d’hommes civilisés… Puis… puis des fleuves de sang pour secouer le joug de l’esclavage… Puis encore des fleuves de sang plus tard… Oh ! quelle histoire ! Pauvre France ! Pauvre peuple! Des grands hommes pourtant… Et puis… Oh ! mon Dieu ! des guerres civiles… l’abrutissement, la dégradation… Des tremblements de terre, des éruptions de volcans partout ; partout des inondations, des ravages : les envahissements de la mer jusqu’ici… des villes ruinées, englouties ; des montagnes qui s’affaissent, des vallées qui deviennent des montagnes… Puis, enfin, des sauvages qui font irruption de toutes part, qui achèvent de tout détruire. »
Daghestan, toujours amoureux de la reine, est convaincu par ses propos mais, en bon philosophe, hésite à s’engager plus avant. D’ailleurs, où trouver de la poudre ? Il suggère à Nhoëlle que son peuple n’a pas besoin de ces armes pour vaincre ; son dynamisme naturel , sa fierté, le rappel de son glorieux passé, devraient suffire.
Ouchda complique la situation. Pour mieux sceller l’union entre les deux ethnies, son père l’a promise au détestable Schahpothink. Elle est prête à tout, même à suivre Daghestan, pour échapper à ce sort funeste. C’en est trop pour Schahpothink qui se livre à des tentatives d’assassinat sur la personne de Daghestan . Falster, méfiant, conjure le journaliste de fuir ce pays devant l’imminence d’une révolution.
Entre-temps, Nhoëlle, en une ultime sortie, montre à Daghestan le « Petit Paris », aux environs de la ville où vivent les Français selon le modèle d’idéal utopique et communautaire du Père Enfantin: gouvernement municipal dirigé par un Conseil des Sages, les femmes, nues, saines et hâlées qui se livrent aux travaux des champs, les enfants éduqués dans une crèche municipale, les maisons ouvertes parce que le vol y est inconnu, le mariage libre, les biens mis en commun. Au contraire, plus loin, aux limites extrêmes de la Nouvelle-Cosaquie, à Sebou, ville-frontière, vit un peuple misérable et sauvage, celui des Cosaques, Cosaques, complices des Marocains. La décision de Nhoëlle est donc sans appel : les Français sont les seuls et légitimes héritiers de cette terre par droit naturel. Rhaman X et sa caste doivent être éliminés. Une dernière méditation sur les tombes ruinées des anciens rois de France lui montre la qualité éphémère des choses :
« Il y avait là une petite plate-forme qui n’avait point été souillée par l’ineptie des Cosaques ( …) Quelques débris de statues de marbre étaient entassés dans un coin où ils servaient de point d’appui à des poutres de bois, qui soutenaient quelques pierres en train de tomber. Ces débris étaient fort beaux encore, et surtout fort visibles. Auprès d’eux étaient de nombreux tombeaux évidemment, car les petits monuments qui étaient là en avaient la forme, telle que nous la raconte l’histoire ancienne.. Des portions d’inscriptions funéraires se voyaient encore sur la pierre. Comme ils étaient assez bien conservés, les Cosaques avaient trouvé très commode d’y encaisser des grains de leur récolte. »
Sur le chemin du retour l’attendent de graves nouvelles. Rhaman X, ayant eu vent de ce qui se prépare, s’apprête à intervenir. Le départ en aérostat s’avère urgent au grand dépit de Daghestan qui avait encore tant de choses à voir. Juste avant de prendre l’air, il est blessé par Schahpothink, d’un coup de fusil. Et c’est ainsi que le retrouve notre chasseur , sur les rochers près de Caucasipol.
La gazette nous apprend enfin la mort de Schahpothink, assassiné, la réussite d’une révolution en la Nouvelle-Cosaquie qui a repris le nom de France, la décision de la nouvelle reine du pays, Nhoëlle Merlukhek, de moderniser cette région à l’exemple du Soudan, et enfin la mort de Daghestan qui n’aura su survivre à sa blessure. Son corps, conservé avec le procédé d’embaumement du Licencié Arach, aurait disparu au moment même où l’on apprenait l’abdication de la nouvelle reine au profit d’un Conseil des Sages et la résurrection de la ville de Paris.
Magie et métapsychique, critique de la justice et de la morale politique, innovations technologiques tels que le cheval mécanique, l’aérostat, la télégraphie sans fil, les câbles sous-marins, ethnologie, histoire fictive, archéologie futuriste, poésie des ruines, barbarie de l’Europe face à la prospérité du continent noir, « l’an 5865 » touche à tous les domaines. Difficile à se procurer, difficile à lire dans un texte redondant et désuet, l’ouvrage, en dépit de ses incohérences structurelles, contient pourtant de précieuses pépites à extraire lentement, en prenant tout son temps.
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Le Docteur invite le narrateur à rendre visite en sa compagnie à la marquise de C…, frappée par une curieuse forme de catalepsie et capable, selon lui, par moments, d’être en contact métapsychique avec des vérités «magnétiques » qui évoqueraient le futur de l’humanité. Lors de leur arrivée, l’un des domestiques leur annonce que la marquise est en pleine crise. Tandis que le médecin essaye de pallier les atteintes du mal, le narrateur transcrit fidèlement les propos de la marquise.
A travers une poignante vision de l’avenir s’ouvrent les destinées du genre humain : le globe a été remodelé par une immense subduction des océans. Le Danemark a disparu ainsi que la Hollande mais l’œuvre de l’homme n’en continue pas moins. L’Europe se déverse sur l’Afrique et comme les terres sont rares, de vastes radeaux, des cités flottantes accueillent des foules innombrables. L’Inde et la Chine dominent le monde asiatique. La Science a imposé une paix universelle, la médecine, le confort en tous domaines, la domestication de la géothermie, la navigation par aérostats, l’emploi généralisé de l’électricité. L’espèce humaine est encore la triomphatrice du monde. Mais plus loin dans le temps, d’autres menaces se profilent : des cités ont disparu (dont la ville de Paris), les eaux gagnent à nouveau, imposant une émigration des masses humaines vers le Sud ou vers les points élevés du globe, les guerres se rallument pour la possession de sites privilégiés :
« Une clameur immense court sur les monts : la débâcle polaire !!!…Les dernières masses océaniques se précipitent sur l’Europe !… Aucun langage humain ne peut exprimer l’horrible majesté du cataclysme… Sur les versants méridionaux des Alpes, la violence des eaux est sans bornes… Lutte formidable entre l’océan et le géant de granit… les masses aqueuses, gonflées par la résistance, s’élancent dans les vallées avec une fureur nouvelle… Des quartiers de montagnes s’écroulent et leurs débris granitiques sont roulés et broyés par les eaux, avec le bruit effroyable que produiraient cent tonnerres souterrains !!… Depuis les temps bibliques, rien de pareil n’a frappé l’oreille humaine… »
Nous sommes en 7860 de l’ère chrétienne.
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Archeopolis - Par BenF
Le narrateur se réveille sur la colline de Montmartre considérant Paris en ruines à ses pieds. Descendant la pente, il rencontre des gens affairés, coiffés d’un turban qui parlent un « français neuf » :
« Après avoir erré à travers un dédale de ruines informes et de voies désertes, bossuées, envahies par les ronces, je reconnus l’emplacement du jardin des Tuileries, où jadis, se réunissait sous des quinconces de marronniers, l’élite des élégances parisiennes, avec leurs fils pétulants, à la précoce intelligence. »
Ce sont des savants, débarqués d’un aéronef, à la recherche de témoignages archéologiques concernant la cité parisienne, tels que des médailles de bronze datant de l’ère des « Kouktmans », envahisseurs du 49 ème siècle :
« le 9 juillet, après une marche pénible à travers une plaine inculte, encombrée de pierres moussues et parsemée de débris de vitres, d’ardoises, de marbres de diverses couleurs, nous nous arrêtâmes au bord de la Synn (la Seine des anciennes chroniques) » Dans une fondrière pleine de broussailles, où sifflait un serpent d’une espèce fort dangereuse, nous trouvâmes une tête de cheval en marbre blanc, assez fruste, qui a été déposée dans la salle N° 729 de notre musée national.
Ce fragment fut recueilli à une petite distance d’une antique voie fort large conduisant à une ville dite « Vaersall » ou «Versaëlles . ( …) Cette tête chevalière (…) faisait partie d’un monument élevé au Connétable de Bonaparth. »
La disposition des piliers de l’église de la Madeleine et des Invalides (pris à tort pour un lazaret destiné aux infirmes) amena entre eux une vive polémique, sténographiée par un secrétaire qui porte ainsi à la connaissance du narrateur le jour de sa rédaction, soit le 7 juillet 9957.
Ces savants, originaires de la ville d’Archéopolis située en Afrique du Sud, proposent au narrateur de l’emmener avec eux.Arrivés à destination, ils visitent la ville et notamment l’Académie des « Bosselés » destinée à des professeurs entretenus par l’Etat.
Le Docteur Fissbeck de Hardeynach, dont l’énorme bosse est le symbole de l’intelligence selon le système du Dr. Gall, lui explique le passé. L’écliptique de la terre s’étant déplacée avec pour conséquences l’existence d’une zone tempérée en Afrique, les climats se sont régularisés. Les maladies ont disparu. S’étonnant de l’ignorance dont fait montre le narrateur, il fait annôner par son élève, le « petit Robinet », les grandes caractéristiques des siècles passées, issues des « Annales de la France »
Tandis qu’au XXIème siècle les machines avaient supprimé l’usage de la force humaine, que les pauvres se procuraient le nécessaire, les climats furent à nouveau bouleversés. Des maladies inconnues, le volcanisme généralisé, l’approche d’une comète qui asphyxia le peuple d’Amérique, apportèrent du malheur. Par manque de travail manuel, la foi religieuse sombra.
L’oisiveté engendra nombre de suicides et de luttes. L’impuissance des gouvernements à faire face aux périls, des « démocraties monarchiques » aux « monarchies démocratiques », suscita des jours de fureur : disparition des dernières ressources alimentaires, incendie des châteaux et des fermes, apparition de la « folie épidémique » et de la peste vers 2050. Seules quelques familles subsisteront en Afrique, qui reconstruiront le tissu social.
Après ce discours, il assista à une séance archéologique de l’an 9957 durant laquelle deux étudiants joutèrent entre eux, dans le cours « d’intégrité française », quant à l’origine et la connaissance des débris rapportés par l’expédition, avec, pour corollaire habituel en ce type de débat, le concept de la fausse reconstitution historique.Un nouveau témoin du passé souleva derechef la curiosité du narrateur :
« L’orateur passa immédiatement à un autre exercice. Il fit circuler dans la salle un tube de bronze très oxydé, sur lequel on déchiffrait cette inscription « Gaspard, breveté SGDG. Je compris sur le champ d’où provenait ce cylindre et ce que signifiaient ces quatre initiales ».
Mais déjà, il est trop tard pour intervenir puisqu’il se réveille à la voix de son domestique l’appelant à visiter les ruines de Rome.
Un petit texte introuvable qui a le grand mérite –en dépit de sa fin convenue- d’aborder de nombreux motifs liés à notre thème avec, pour axe central de la narration, la redécouverte des ruines conjecturales de la ville de Paris, thème qui deviendra familier au XIXème avec Alfred Franklin, Octave Béliard ou Henriot, et souché sur la nouveauté induite en littérature par les campagnes égyptiennes de Bonaparte
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Armalite 16 - Par BenF
Vol.01 : Marseil, Humanoïdes associés éd., 1983, 1 vol. broché, in-quarto, 72 pl. couleurs, BD d’expression française
1 ère parution : 1979
Le premier chapitre, séparé de son contexte, conte les retrouvailles d’Algues avec Thomas, son père, dans la joie des veillées où l’on se rappelle le temps d’autrefois :
« Tu chantais la chanson du passé
Qui parle d’autoroutes
Et de voitures automobiles
Tu chantais la chanson du passé
Alors j’ai eu envie
De pleurer. »
Dans « Marseil », « Seule » vit avec Joël dans la gare désaffectée de St Rambert, près du Rhône, se méfiant des "Volants" (avions à réaction) de la base voisine. Elle rencontre le déserteur Serge et s’inquiète pour Joël, parti visiter l’un de ces engins abîmés au sol. A juste titre d’ailleurs, puisque Joël, repéré par des cavaliers, est abattu dans une tentative de fuite. Elle se promet de le venger en rejoignant les rangs de la résistance.
A Marseil, devenue cité indépendante, dans le chaos des rues, les résistants doivent rencontrer en toute discrétion le Gouverneur pour un arrangement. Tandis que Serge et Milou approchent de l‘Opéra Municipal transformé en palais, Hélène prend position sur les toits pour les couvrir. C’est Chloé, la propre fille du Gouverneur qui les mène à son père. La Sécurité militaire, ayant eu vent de la tractation, surveille les abords et repère les résistants. Ceux-ci s’enfuient non sans avoir compris que le Gouverneur, qui sollicitait une trêve avec les montagnards, ne pourra rien pour eux, prisonnier lui aussi de la Sécurité Militaire menée par Reboul. Le piège se referme sur un pont au-dessus de la Durance où, toujours couvert par Hélène, Serge et Milou tentent d’intercepter un convoi d’armes qui seraient utiles à ceux des « Terres Extérieures ». Reboul ferme le piège. Milou, ainsi que Hélène, seront tués. « Seule », arrivée en retard profitera d’un moment de faiblesse du militaire, qui la laissera rejoindre sa montagne.
Vol. 02 : Armalite 16, Humanoïdes associés, 1980, 1 vol. cartonné, 54 pl. couleurs, BD d’expression française
1 ère parution : 1980
«Seule» est une jeune femme farouche, vivant isolée, comme son nom l’indique, dans une ferme de haute montagne., près de son village natal. Oublieuse d’un passé de guerre qui a transformé le monde, notamment Marseille (orthographié « Marseil ») et son arrière région, Seule s’est réfugiée dans le silence d’une nature renaissante. Mais le monde revient à elle sous la forme d’un déserteur, Serge Garnier. Fuyant ceux de la milice dont il faisait partie, blessé au pied, il se réfugie dans la montagne et sera témoin de la tentative de viol endurée par Seule.
Elle aussi, revenue pour un jour au village où habite encore sa mère, la jeune femme, bien que de taille à se défendre, est en proie aux moqueries haineuses de trois jeunes gens, qu’elle connaît bien, mais qui ne lui pardonnent pas d’être née de père inconnu. Sur le retour, l’un d’eux, Nathan, tente de la violer avec la complicité des deux autres. Mal lui en prend puisqu’il sera grièvement blessé par Serge. Plus tard, Seule aperçoit des traces sanglantes laissées par son sauveur. Alors que la première neige se manifeste, elle part à sa recherche...
Vol. 03 : Lune blanche, Humanoïdes associés, 1981, 1 vol. broché, 62 pl. couleurs, BD d’expression française
1 ère parution : 1981
L’hiver s’est installé dans la montagne. Au village, les «hommes en vert » recherchent sans relâche mais sans succès le déserteur Serge Garnier. Ils envisagent de se replier sur « Grenob » malgré les chutes de neige abondantes bloquant les cols. Hélène recherche elle aussi le déserteur. S’entretenant dans la neige avec Jean et Pierre venus s’excuser de leur conduite, elle retrouve Serge, toujours blessé et l’emmène chez elle pour le soigner.
Au col, le bruit des moteurs déclenche une avalanche qui entraîne les camions militaires dans le ravin. Seuls s’en sortent le lieutenant Grimaud et le soldat Reboul. Ils reviennent au village prendre leurs assises auprès de Fauque le rebouteux qui, ayant soigné Nathan, est cependant prêt à le trahir.
Dans la montagne, Serge coule des jours heureux avec Hélène. Mais le soir où Thomas le violoneux vint jouer au village, Reboul surprend les paroles de Pierre et de Jean qui se proposent d’avertir Hélène du danger qu’elle court. Il en réfère au lieutenant Grimaud qui se met aussitôt en chasse. Grimaud sera tué par Hélène lors de sa rencontre décisive avec Garnier. Le matin, la « Mère », qui a donné l’hospitalité à Pierre et à Jean, aperçoit de loin, la ferme d’Hélène en feu. Elle sait que sa fille a pris le maquis avec Serge.
Vol. 04 : Dorianne, Humanoïdes associés éd, 1980, 1 vol. broché, 63 pl. couleurs, BD d’expression française
1 ère parution : 1985
Jean se retrouve avec Serge et Hélène dans la montagne, toujours décidés à se joindre aux forces rebelles qui luttent contre « les hommes en vert » et, dans ce but, redescendre dans la vallée pour prendre contact avec Dorianne dans son auberge.
A l’auberge, Dorianne leur révèle le nom de leur correspondant, un certain Hug, lorsque se fait entendre la moto du lieutenant Gomez. Celui-ci entre dans la salle, interpelle Serge qui a perdu sa plaque d’identité militaire. Dans la confusion, Dorianne s’enfuit tandis que Serge et Jean sont embarqués dans un véhicule militaire à destination de « Grenob ».
Dorianne, revenant prendre son arc et ses flèches à l’auberge dévastée, rejoint Hélène. Les deux femmes suivent à la trace les prisonniers par des raccourcis de montagne, attendant le moment favorable pour les délivrer. Celui-ci se présente lorsque la troupe mécanisée ralentit pour franchir un passage rocheux particulièrement étroit. Dorianne, avec ses flèches, blesse Gomez et tue de nombreux soldats, mais les fuyards sont repris. Alors qu’à Grenob, Reboul est chargé d’infiltrer le maquis dans le Vercors, Hélène et Dorianne se sont intégrées au groupe du vieux Thomas dans sa lutte contre les soldats pillards du Haut Devoluy.
Vol. 05 : Infernets, Humanoïdes associés, 1987, 1 vol. cartonné, in-quarto, npag. noir et blanc et couleurs, BD d’expression française
1 ère parution : 1987
Au refuge des Infernets, ils se retrouvent tous, Thomas et sa fille Algues, Dorianne, Hélène et les autres.Même Reboul sous le nom d’Agnel y est présent, prêt à apprendre toujours plus sur ces rebelles écologistes. Les journées s’y déroulent dans la paix et dans la beauté de la nature. Les soirées calmes se font en compagnie de Casi et Hugot, montés depuis la vallée, et qui en pincent pour Hélène.
Pourtant le 23 septembre est une date particulière. Ce jour-là, Agnel, soupçonné par Thomas, disparaît de la communauté pour faire son rapport en haut lieu. Ce jour-là, le soldat Serge Garnier s’évade du camp de prisonniers de Lyon-Granbase, qui appartient aux « Forces Internationalistes », grâce à l’aide du soldat Gomez repentant, pour se réfugier dans les montagnes.
« Armalite 16 » est une série irritante et embrouillée. «Marseil », paru en premier, déclenchera en l’auteur l’envie d’approfondir les relations entre ses personnages et de raconter leur vécu d’avant cet épisode. Le contexte post-cataclysmique est plus ou moins effacé par le message écologiste mettant en scène une société de pasteurs montagnards. Le scénario, souvent elliptique comme le dessin, brouille les pistes. Au lecteur de remplir les pointillés!
En conclusion, un récit énigmatique servi par un coup de crayon magnifique et des couleurs splendides exaltant une nature sauvage et somptueuse. « Lune blanche » est, à cet égard, l’épisode le plus abouti.
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