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Livres
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La Theorie Des Dominos - Par BenF
Une famille : Andy Sutherland, Leona, sa fille, Jenny, sa femme, en instance de séparation. Chacun affronte l’horreur en trois lieux différents : l’Irak pour Andy, l’Angleterre pour Jenny et la ville de Londres pour Leona.
Tout commence de manière banale. Andy, ingénieur pétrolier, auteur d’un essai magistral sur les effets létaux du manque soudain d’approvisionnement en pétrole, poursuit sa carrière en Irak, en tant que conseiller. Il y a dix ans, son essai avait déjà été apprécié par trois mystérieux individus lesquels exigeaient d’Andy, contre une énorme rémunération, le secret absolu concernant sa spécialité. Or, la petite Leona, ayant par hasard ouvert la porte de la chambre d’hôtel où se poursuivaient les tractations, avait aperçu le visage des trois hommes.
Dix ans plus tard, dans le monde entier, d’une façon tellement soudaine qu’elle semble concertée, éclatent, en divers pays dont l’Irak, des attentats ou des catastrophes bloquant l’acheminement normal du pétrole. Tout se passe comme si les prévisions d’Andy s’étaient réalisées à la lettre.
« Après réflexion et ces bribes d’information, Andy était désormais certain que son rapport, rédigé huit ans plus tôt, avait mené à tout cela. Il s’était attaché à décrire onze nœuds dans le réseau mondial de distribution de pétrole : des points charnières rendus vulnérables aux attaques furtives qu’affectionnaient les groupes terroristes. Il avait compris que sept de ces nœuds avaient déjà été touchés. Ce simple élément était suspect, mais le fait qu’ils aient été pris pour cibles au cours des dernières vingt-quatre heures… cet élément lui avait mis la puce à l’oreille. Car c’était un des arguments qui figuraient vers la fin de son rapport…
Si ces onze plaques tournantes à haut risque venaient à être touchées dans un laps de temps de vingt-quatre heures, la distribution mondiale du pétrole serait complètement interrompue. Au souvenir des mots exacts, il frissonna. Quelqu’un était en train de mettre son putain de rapport en pratique ! »
C’était le cas, bien entendu, puisque le lecteur apprendra qu’une mystérieuse organisation, celle des « Douze », est à l’origine du désastre. Or la petite Leona, devenue adolescente entre-temps, se rappelait de l’identité de trois d’entre eux. Elle devait donc disparaître. Voilà pourquoi ils mettent sur sa piste un tueur racé surnommé Ash, efficace et silencieux et qui opère uniquement au couteau
Lorsque les troubles et les émeutes gagnent du terrain en Irak, Andy sait qu’il doit revenir de toute urgence en Angleterre pour y retrouver sa famille. Cela s’avèrera difficile car partout se déchaîne la haine à l’encontre des Occidentaux supposés avoir détruit la Kaaba :
« Ca a commencé avec les attaques à la Mecque, Médine et Riyad ce matin. Quelqu’un a fait sauter la Kaaba ou, du moins, a déclenché une explosion dans les environs. S’ils voulaient provoquer une guerre civile, ils ne pouvaient pas trouver mieux. Ca s’est répandu comme une traînée de poudre à travers l’Arabie Saoudite, un conflit civil à grande échelle : wahhabites, sunnites et chiites. Et ça se répand aussi vite que la grippe aviaire. Il y a déjà des émeutes au Koweït, en Oman et dans les Emirats. »
Se joignant à un groupe de soldats britanniques mus par une même volonté, courant mille dangers en compagnie de son ami Mike l’Américain, Andy, progressivement s’endurcit et s’affirme. Il sait aussi que quelqu’un a appliqué son plan prévisionnel. Il en connaît donc les moindres conséquences qui suivront, en l’espace d’une semaine par la désorganisation complète des sociétés humaines. L’arrêt total de l’approvisionnement en pétrole étant équivalent à une embolie cérébrale pour l’individu :
« On arrive à l’épuisement, vous savez ? Il y a bien moins de pétrole que l’on croit…Oui, bien moins que les quantités annoncées au public. Ils ont décrété que nous étions trop nombreux à vouloir des produits de luxe, trop nombreux à vouloir de grosses voitures, de grandes maisons, du pétrole et de l’énergie en quantité infinie. Ca ne pouvait pas durer éternellement. Ils l’avaient su bien avant tout le monde. Et ils savaient aussi qu’il y aurait des guerres, des guerres affreuses, et quelques bombes nucléaires balancées ici et là…afin de mettre la main sur les minuscules réserves de pétrole restantes. (…) Ils savaient que nos besoins économiques, notre soif de pétrole nous pousseraient à l’autodestruction. (…) Alors, au cours d’une réunion en 1999, ils sont pris cette décision. Cette décision de percer l’abcès, si vous me permettez une expression aussi grossière. Ils ont décidé d’effectuer une sélection au sein de l’humanité avant que nous n’allions trop loin. »
De toutes leurs forces, Andy, Mike et ses amis assiégés dans Baïji, forcent le blocus, se dirigeant vers un point de ralliement situé hors de la ville où les attendraient des forces militaires régulières, des hélicoptère, qui les achemineraient vers une position sûre.
Hélas ! Ils n’y parviendront pas à temps, et c’est en véhicule blindé terrestre , puis en camion, qu’ils se dirigeront vers le nord de l’Irak, traversant la Turquie au prix de mille dangers.
Leona , de son côté, attend son papa et s’occupe de Jack, son petit frère. Alertée par téléphone qu’elle aura impérativement à se cacher chez Jill, une voisine de la famille située à Shepherd’s Busch Road, après avoir fait le plein de provisions afin de ne pas mourir de faim. En appliquant ces décisions majeures comme une grande, elle cherche Jack à son école, dévalise le supermarché du coin avec l’aide de son petit ami Dan, puis se met en route vers la maison de Jill, qu’elle trouve vide de tout occupant. En deux ou trois jours, tout s’est défait à Londres. La police bloque les grandes artères et les autoroutes selon le plan suggéré par les « Douze » qui tiennent les politiques sous leur coupe.
Les citadins sont abandonnés à leur sort. La ville devient dangereuse lorsque surgit la loi de la force. Les rues sont envahies la nuit par des bandes errantes de jeunes qui tuent, se tuent, où cherchent à manger. Leona en fait l’amère expérience lorsque exposée avec Jack à ce danger mortel, elle sera sauvée in extremis par l’arrivée sur le terrain d’une seconde bande, hostile à la première. Jack et elle seront saufs mais traumatisés, planqués dans un réduit. Ils ont dû, pour survivre, tuer l’un des jeunes à l’aide d’une arme improvisée, une latte sertie de clous. Un souvenir qui ne s’effacera plus !
Enfin, rôde toujours l’autre menace, celle d’Ash, qui se rapproche de son gibier, semant derrière lui les cadavres exsangues de ses infortunés informateurs (Katie, la tante de Leona, sa colocataire, etc.)Entre Manchester et Birmingham, Jenny, elle aussi, est folle d’angoisse. Elle n’a qu’une seule idée en tête : regagner Londres au plus vite pour protéger ses enfants. C’est cependant un long trajet lorsque toute la circulation est interrompue et que le pays où l’on vit se transforme en jungle :
« Pendant la matinée, ils avaient procédé à la fermeture des autoroutes principales. Chaque barrage était justifié soit par un accident majeur, soit par un camion perdant son chargement sur les quatre voies en simultané. Une fois encore, cela ne leur laissait que quelques heures. Ou, avec un peu de chance, jusqu’au lendemain matin. La plupart des dépôts d’essence étaient surveillés par l’armée. Le pétrole qui circulait encore dans la chaîne de distribution –sur les navires et dans les stations plus importantes – devait être réquisitionné mais ce serait une démarche trop évidente et ne pourrait être mise en place qu’au dernier moment. L’astuce consistait à ne pas effrayer la population. »
Avec Paul, compagnon de hasard et ancien homme d’affaires, en ajoutant leurs forces, ils se dirigent vers leur destination, se gardant cachés la plupart du temps pour éviter les mauvaises rencontres. Dormant dans des endroits désaffectés ou trouvant parfois un asile fragile, comme en ce supermarché de Beaufort tenu par l’un des vigiles de l’établissement qui a pris sous sa protection des anciens clients, devenus ses sujets terrorisés :
« Ils roulèrent sur la bretelle jusqu’à un parking vide devant l’hôtel. Partout, de petits détails indiquaient que l’endroit avait subi les mêmes attaques que la sation-service de Beauford : le parking était jonché de débris divers, des fenêtres du hall d’entrée étaient brisées, mais rien de plus. Le restaurant adjacent, en revanche, avait été exploré de façon plus méthodique. Toutes les vitres étaient cassées et une traînée de détritus et de nourriture piétinée en maculait le seuil. »
En cours de route elle devient enfin consciente du fait qu’elle a eu tort de quitter Andy. Ses sentiments à l’égard de son mari se transforment et elle se promet une nouvelle vie si d’aventure sa famille était sauve. L’arrivée dans Londres désaffectée est catastrophique. Jenny y rentre seule, ayant semé Paul en cours de route, lequel devenait trop entreprenant. Elle s’engage dans des rues, véritables succursales de l’enfer. C’est là que, soudain, le miracle s’accomplit : elle retrouve ses enfants qui précisément cherchaient au-dehors de quoi subsister.. Andy, acheminé lui aussi dans la capitale anglaise, quitte ses amis, dont Mike, qui n’est pas seulement le soldat ami, mais l’un des membres d’une section secrète du FBI, sur la trace des « Douze ». Mike connaît l’histoire d’Andy et la menace qui plane sur Leona. Il révèle tout au père de famille et le met au courant de l’existence d’Ash.
Les retrouvailles au sein de la famille seront merveilleuses. Ensemble, ils seront plus forts pour survivre durant les années de ce moyen âge post-moderne ; du moins le croient-ils, car Ash a retrouvé leurs traces. Sans pitié, il élimine Mike et deux de ses compagnons. Bien qu’affaibli par un coup de feu tiré par Jenny et qui l’a blessé grièvement, il se bat avec Andy provoquant avec la sienne, la mort de son adversaire. Après la mort d’Andy, Jenny et ses deux enfants intègrent une communauté agricole qui vient d’éclore, maintenant que le monde, bouleversé au-delà de la prévision des « Douze », présente un nouveau paysage social :
«Evidemment. Le pétrole pourrait très bien couler à nouveau d’ici la semaine prochaine, mais d’où viendra notre nourriture ? Le fermier brésilien qui fait pousser le café, le fermier ukrainien qui fait pousser les patates, le fermier espagnol qui fait pousser les pommes… réfléchissez un moment. Ces fermiers-là, est-ce que leurs exploitations tournent encore ? Est-ce qu’ils sont encore vivants ou bien blessés, ou malades ? Ou mieux… est-ce que leurs récoltes n’ont pas pourri sur place, faute d’essence pour faire marcher le tracteur ou la moissonneuse ? Et tous les acheteurs, les usines de traitement, de transformation, les distributeurs… tous les maillons de la chaîne qui permet d’acheminer la nourriture depuis la terre jusqu’au supermarché du coin ? Est-ce que les entreprises fonctionnent encore ? Est-ce qu’elles existent encore, ou bien leurs locaux ont-ils été pillés et brûlés ? Et qu’en est-il de leur main-d’œuvre ? Les employés sont-ils encore vivants? Ou bien sont-ils chez eux à vomir leurs tripes parce qu’ils ont bu l’eau dans laquelle ils chient ? »
La « théorie des Dominos » joue avec l’idée très actuelle de « pic pétrolier ». Que se passerait-il si, soudainement le monde était privé de pétrole alors qu’il n’existe actuellement aucune énergie de remplacement digne de ce nom ? La thèse de la décomposition complète des sociétés humaines semblerait difficile à soutenir si l’auteur n’y mêlait celle du complot mondialiste en y faisant intervenir les mystérieux «Douze», des banques, des brasseurs d’affaires, des capitalistes de haut vol qui souhaitent ramasser la donne en réduisant l’humanité à la portion congrue.
Le traitement du thème est sans surprise mais efficace, avec des personnages en nombre réduit, tendus vers un seul objectif, chacun sous une menace spécifique, et une action ramassée, dans un montage alterné en plans-séquences cinématographiques, le tout en un temps limité. Se situant dans la thématique de la « disette d’éléments », « la Théorie des dominos » traduit une angoisse des plus actuelles.
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Les trois officiers Nicolas Barsof, Wladimir Tourmanos et Boris Kachmensky, de l’armée slavanienne, à bord du navire de guerre Norskoi Shorokhod, discutent de la réalité d’un immense serpent de mer appelé « Loung » qui a la mauvaise idée d’intervenir dans les zones de combat, la nuit, terrorisant la marine slavanienne. Ils sont chargés par le haut commandement de traquer la bête et de l’anéantir. La nuit venue, Loung fait une brève apparition près de leur navire, tuant un matelot, engloutissant Nicolas, pour disparaître sous le flots. L’examen de débris flottants révèle que Loung est un leurre grossier, l’imitation d’un gigantesque serpent destiné à épouvanter leurs hommes, en réalité c’est le maquillage d’un sous-marin ennemi de la flotte de l’armée du Kitaï (c’est à dire de la Chine) en guerre contre la Slavanie (c’est-à-dire la Russie soviétique).
Dorénavant, les jours de Loung sont comptés. A sa suivante apparition, le décor de carton-pâte est incendié et le sous-marin des Kitaky fait prisonnier avec son équipage. A la tête de celui-ci, le général Poo-Son-Ling préfère se suicider plutôt que de tomber entre les mains de ses ennemis. Nicolas, sauvé, participera finalement au bal de fiançailles de l’un de ses deux amis.
Un épisode d’une guerre dont les termes imaginaires cachent mal les menées d’un combat sino-soviétique du futur.
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Temps Futurs - Par BenF
Lou Lublin et le narrateur prennent connaissance d’un scénario de film destiné au pilon. Celui-ci, intitulé, " Temps Futurs ", écrit par un certain W. Tallis, conte, sous la forme d’une tragédie grecque, l’avenir supposé d’une société survivant à la Troisième Guerre mondiale nucléaire et bactériologique:
" LE RECITANT.
La Morve, mes amis, la Morve, - maladie des chevaux, peu commune chez les humains. Mais, n’ayez crainte, la Science peut aisément la rendre universelle. Et en voici les symptômes. Des douleurs violentes dans toutes les articulations. Des pustules sur tout le corps. Sous la peau, des tumeurs dures, qui finissent par crever et se changer en ulcères squameux. Cependant, la muqueuse nasale s’enflamme et dégage une décharge abondante de pus nauséabond.
Il se forme rapidement des ulcères à l’intérieur des narines, lesquels rongent l’os et le cartilage environnant. L’infection passe du nez dans les yeux, la bouche, la gorge et les ouvertures bronchiales. Dans un délai de trois semaines, la plupart des malades sont morts. S’assurer que tous mourront, telle a été la tâche de quelques-uns de ces brillants docteurs ès-sciences actuellement au service de votre gouvernement... "
Les structures sociales d’avant la " Chose " se sont entièrement effondrées. C’est l’ère de Bélial puisque Dieu n’a pas été capable de proposer une évolution positive pour l’homme. Les survivants barbares vivent de rapines et de l’exploitation du contenu des tombes:
" La plus jeune et la plus mince des deux jeunes femmes se baisse et tâte le veston croisé noir du cadavre. " Jolie étoffe", dit-elle. " Et pas de taches. Il n’a pas coulé, ni rien? -Je vais les essayer ", dit le Chef. Non sans difficulté, ils débarrassent le cadavre de son pantalon, de son veston et de sa chemise, puis ils le rejettent dans la tombe et lancent à coups de pelle la terre pour recouvrir le sous-vêtement d’une pièce dont il est enveloppé. Cependant, le Chef prend les vêtements, les flaire d’un air connaisseur, puis enlève le veston gris perle qui a jadis appartenu au Directeur de la Production de la Western-Shakespeare Pictures Incorporated et enfile ses bras dans les manches du vêtement plus sobre qui convient aux liqueurs maltées et à la Règle d’or. "
Arrive une expédition scientifique en provenance de Nouvelle-Zélande, région épargnée par le fléau de par sa situation excentrée. Elle a pour objet d’étudier les effets d’un possible renouveau. Le Pr. Poole, biologiste, est enlevé par les barbares pilleurs de tombe. Ayant eu la vie sauve de justesse parce qu’ils croient qu’il peut leur être utile, il découvre peu à peu, à travers sa mentalité de protestant puritain, les différents aspects de la " nouvelle société ".:
" Un des boulangers ouvre la porte d’un foyer et se met à pelleter les livres dans les flammes. Tout l’homme cultivé qui est au coeur du Pr. Poole, tout le bibliophile est révolté par ce spectacle. " mais c’est épouvantable! " proteste-t-il. Le Chef se contente de rire. " On enfourne la "Phénoménologie de l’Esprit ", on défourne du pain. Et il est diantrement bon, le pain. "
Elle est régie par une théocratie inversée qui adore les divers aspects du diable, avec ses cardinaux et archimandrites tout puissants. Les hommes et les femmes arrachent aux tombes des richesses, vêtements ou bijoux, qu’ils ne savent plus produire. On les soumet à une stricte abstinence sexuelle parce que les femmes, appelées " vases d’impiété " selon l’expression de la bible, mettent le plus souvent au monde des enfants mutants et dégénérés:
" Il y eut un silence; puis le Pr. Poole réplique à son tour par une question. " Naît-il beaucoup de bébés difformes, ici? " Elle fait un signe de tête affirmatif. Depuis la Chose, -depuis qu’Il a pris le commandement. " Elle fait le signe des cornes. " Il paraît qu’avant cela il n’y en avait pas. - Quelqu’un vous a-t-il jamais parlé de l’effet des rayons gamma? - Des rayons gamma? Qu’est-ce que c’est qu’un rayon gamma? - C’est la raison pour laquelle il y a tous ces enfants difformes. - Vous n’essayez pas d’insinuer que ce n’est pas Bélial, hein? Le ton de sa voix est celui du soupçon indigné; elle le regarde de l’air dont saint Dominique aurait dévisagé un hérétique albigeois. " Non, non, bien sûr que non ", se hâte de lui assurer le Pr. Poole. " Il est, Lui, la cause première, -cela va sans dire. " D’une façon gauche et inexperte, il fait le signe des cornes. " Je mentionnais simplement la nature des causes secondes, -des moyens dont Il se sert pour exécuter Son... Son dessein providentiel, si vous voyez ce que je veux dire."
Pour accentuer le désespoir de l’espèce et pour plaire à Bélial, ces enfants seront mis à mort lors d’une cérémonie atroce en compagnie de femmes rendues coupables de la situation et punies à coup de fouet :
" Le Patriarche tend sa pierre à aiguiser à l’un des Archimandrites qui l’accompagnent, de sa main gauche, il prend l’enfant malformé par le cou et l’empale sur son couteau. Le bébé émet deux ou trois cris bêlants, puis se tait. Le patriarche se retourne, laisse couler un quart de litre de sang sur l’autel, puis lance le cadavre minuscule dans les ténèbres extérieures. La mélopée s’élève en un crescendo sauvage. " Sang, sang, le sang, sang, sang, le sang... "
La caste des prêtres est uniquement composée d’eunuques volontaires afin de n’être plus tenté par la procréation. Celle-ci est autorisée pour le reste du corps social durant deux semaines seulement, lors d’une copulation collective, et à l’expresse condition que les sentiments ne s’y mêlent pas. Ce qui ne fait pas l’affaire du Dr Poole et de la jeune Loola qui s’éprennent l’un de l’autre. Ni l’un, obligé de vaincre ses inhibitions puritaines, ni l’autre, mise en demeure de renier sa foi, ne comprend ce qui lui arrive. Il leur reste une seule solution s’ils veulent rester en vie : rejoindre un autre groupe social, celui des " Chauds ", installés plus au Nord de la Californie et qui accepteraient une vie de couple.
" Temps Futurs " est la suite du " Meilleur des mondes ", comme une dystopie répond à l’utopie. La science et la technologie ont réduit le monde à néant. L’homme redevient le babouin d’une espèce, puisqu’elle s’est immolée, destinée logiquement à suivre la voie du Mal. Les armes de l’Apocalypse ont été lâchées, la radioactivité et la peste infernale sont des produits de Bélial. Renouant avec le conte voltairien, à travers une composition de type tragique (Récitant avec Choeur), Huxley dénonce avec rigueur et une grande violence l’abominable lâcheté de l’homme dans l’utilisation de la technologie, la responsabilité des scientifiques en ce domaine, la main-mise des religieux sur les foules, et l’exploitation de la misère. Une pièce maîtresse du genre cataclysmique par un auteur de réputation mondiale.
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La Guerre Infernale - Par BenF
Vol.01 : la Planète en feu, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
En résidence à l’hôtel de « l’Entente Universelle » à La Haye, le narrateur, journaliste en chef de « l’An 2000 », en compagnie de ses collègues Malaval et Pigeon, est réveillé brusquement au petit jour par son domestique chinois Wang qui lui annonce que la ville brûle. La guerre a éclaté dans la nuit entre l’Angleterre et l’Allemagne pour une question de préséance dans la distribution des sorbets au dîner de gala. Par le jeu des alliances, elle serait devenue universelle. Sommé par son patron de regagner Paris au plus vite dans son « aérocar » personnel, le narrateur s’adjoint miss Ada, la fille des Vandercuyp, les propriétaires de l’hôtel. Cette jeune personne s’est remise de son émotion lorsqu’elle a su que son fiancé anglais Tom Davis, était l’un des seuls rescapés de l’aérocar où avait pris place cette nuit même l’ambassadeur anglais. Ayant pu regagner Paris, il y attendrait miss Ada.
Le voyage en aérocar, d’habitude magnifique, n’a pas été de tout repos car la guerre avait gagné la campagne française. Mitraillés d’en bas par des soldats français qui le prirent pour un ennemi et d’en haut par des vaisseaux germaniques, ils durent faire halte à la station de réparation de Dijon, abandonnant à la mort le pauvre Wang, touché à la tête et tombé de l’aérocar.Ayant laissé là miss Ada qui poursuivra son voyage par route, ils repartirent en mission, en direction de Chamonix, afin de tenir informés les lecteurs de « l’An 2000 » de l’efficacité du grandiose arsenal aérien français commandé par le général Rapeau.
Grâce à Tom Davis retrouvé à Dijon lui aussi et avec l’autorisation personnelle du général, en compagnie de Pigeon, le narrateur prend place dans l’auto blindée du chef de la flotte. Direction : l’arsenal du Mont Blanc. En chemin, il put se rendre compte , aux longues files d’autos blindées parcourant les voies menant à la frontière, à quel point ses compatriotes étaient mobilisés.
Vol.02 : les Armées de l’air, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida
La visite des arsenaux aériens fut inoubliable, l’«aéroamiral» leur facilitant l’accès à tous les secteurs. Après la visite des « Léviathan » que forment les cent cinquante aérocars d’attaque dans leur niche rocheuse, ils passèrent en revue le régiment des « Voleurs » ou infanterie aérienne. L’équipe, composé du pilote et de son mitrailleur, prend place à bord d’un engin volant de la taille d’une bicyclette, extrêmement maniable, pour appuyer l’engagement des Léviathan. Les missions sont parfois périlleuses :
« Un monte-en-l’air mort à son poste est devenu un danger pour la manœuvre : on le balance par-dessus bord. Un blessé n’est pas moins encombrant : on l’achève.
-Comment ! m’écriai-je avec indignation.
-Que voulez-vous ? C’est la guerre d’aujourd’hui. Elle a ses exigences comme l’ancienne. Elles sont différentes, voilà tout. Dès qu’un homme du bord, dit notre théorie, frappé de manière à ne plus pouvoir servir d’aucune façon à la manœuvre ou au combat, devient un danger pour l’équipage, le commandant a le devoir de lui ôter la vie par le moyen le plus rapide et le plus humain… Nos chimistes ont découvert pour cet objet des petites bouteilles extraordinaires. Il suffira qu’on nous les tienne une seconde sous le nez. Nous n’aurons que l’embarras du choix. »
Au cours de la visite, l’œil exercé du journaliste put démasquer un anarchiste infiltré, qui, se voyant découvert, se fit sauter, causant quelques dégâts. Au même moment, un vaisseau volant germanique lança une fusée qui tomba sur la section chimie où six cents spécialistes mettaient au point bombes et gaz délétères. La boucherie fit plus de cent cinquante morts :
« Nous entrâmes dans l’hôpital tout proche. Les chirurgiens secondés des infirmiers actifs y coupaient déjà bras et jambes comme les bouchers écartèlent le bétail. Du sang giclait sous nos pas. Les lits en étaient teints. Par des plaies béantes s’échappaient des flots rouges qui faisaient peine à voir. »
Mais il y eut mieux : les officiers français faillirent s’étouffer d’indignation lorsqu’ils apprirent que la cité de Belfort venait d’être soufflée par une titanesque explosion causée par les Teutons qui, avec patience, avaient accumulé une énorme charge d’explosifs en forant un gigantesque tunnel à partir des contreforts de la Forêt Noire. L’Armée aérienne prit donc son envol dans un but de destruction et de vengeance. Les deux journalistes furent conviés au voyage.
Vol.03 : les Semeurs d’épouvante, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
Le journaliste a pris place à côté de Rapeau sur le «Montgolfier ». En direction de l’Allemagne, par-dessus les Alpes, l’escadre reste en liaison avec chacune de ses unités, par des signaux de fumée. Le narrateur, tout en visitant le navire-amiral, écoute, atterré, l’intention de Rapeau de bombarder Munich :
« Aujourd’hui nous ne connaissons qu’un moyen d’agir, l’épouvante, c’est bien simple. A qui terrifiera le plus vite l’adversaire. Voilà, ce me semble, un moyen d’activer les guerres et d’en abréger la durée. (…) A la guerre, comme à la guerre, voilà la vérité. Et l’on fait la guerre comme on peut, du mieux qu’on peut, avec les armes qu’on a, fussent-elles les plus terribles du monde. (…)
Je le regardai. Il était effrayant à voir. Sa figure se contractait ; sa bouche grimaçait un rire qui escomptait le triomphe. Il avait les yeux vissés à sa lorgnette, attendant les premiers résultats. »
Lorsque ce fut l’heure, Pigeon et Tom Davis, qui, sur le «Santos-Dumont » assistent eux aussi aux bombardements des trains venus au secours de la ville-martyre en feu, assurent le contact avec le Montgolfier :
« Chacun se félicitait d’avoir assisté au premier « feu » allumé par une force aérienne solidement constituée. Sûrement ma mentalité n’était pas, ou n’était plus au niveau des autres car ce haut fait ne m’inspirait qu’un profond chagrin. Je songeais au nombre de pauvres gens qu’on avait ainsi chassés de leurs maisons en flammes, à ceux qui n’avaient pu se sauver, bien qu’on eût opéré en plein jour ; car il y avait partout des impotents, des affolés et des infirmes. Où était le mérite militaire de cette expédition ? On avait incendié une ville sans défense. Après ?... »
La flotte aérienne allemande étant toujours aussi invisible, l’on continua vers Francfort. En cours de navigation, certains dirigeables s’étant dégonflés, il fut nécessaire de refaire le plein d’hydrogène en territoire ennemi.
Rapeau fit descendre la flotte au-dessus des installations techniques d’Augsburg, promettant de détruire la ville entière au moindre signe d’agressivité que donneraient les Allemands. Les autorités municipales médusées et les forces allemandes présentes capitulent : elles accepteront les conditions des forces françaises aériennes. L’escadre met pied à terre. Rapeau exige les clefs de la ville d’Augsburg, d’être mis au courant par gazette, après ravitaillement, de la situation militaire générale, impose le couvre-feu et demande une rançon en argent. Déambulant en vainqueur sous les yeux furibonds de Von der Pfaltz, le chef de la place militaire et de sa « Landsturm », il semble vouloir s’attarder en ville.
Mais un coup de vent se précise : il faut repartir d’urgence. Alors que la manœuvre est délicate lors de cette tempête d’équinoxe, ils apprennent l’existence d’un dirigeable sombre, totalement atypique, extrêmement maniable, à la grande puissance de feu, qui semble n’être inféodé à aucun pays, et que l’on surnomme le « Corsaire Noir ».Au moment où d’autres trains blindés, en provenance d’Ulm, sont torpillés, le Santos-Dumont est mystérieusement foudroyé par un navire volant sombre, apparu soudainement dans le ciel, comme un rapace.Le narrateur, en attente d’embarquement, encore à terre, se sentit d’un coup transporté dans l’espace, tel un lièvre, pris dans un filet. Le Corsaire Noir l’a capturé à son bord…
Vol.04 : Prisonnier dans les nuages, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
Après un moment d’affolement, le journaliste se réveille sur un plancher de métal, transi de froid. Il se trouve au sein du fameux Corsaire Noir, navire soi-disant fantôme, dirigeable blindé en forme de soucoupe à deux ponts, d’une grande puissance de feu, d’une capacité de vitesse extraordinaire, d’une aisance d’évolution remarquable, à la technicité largement au-delà de celle des dirigeables de Rapeau .Ce navire volant est sorti du cerveau et des mains de Jim Keog, américain hors normes, brigand apatride, assoiffé de haine et de vengeance, qui, avec ses deux affidés noirs, veut le peau de Rapeau. C’est lui qui a fait sauter l’arsenal du Mont Blanc. C’est lui qui a attaqué « l’Austral ». C’est lui qui a fait exploser le « Santos-Dumont ».
Jadis, Keog avait voulu vendre son invention à la France, ce que les responsables politiques et militaires, Rapeau en tête, n’ont pas apprécié. Il était inconcevable qu’un individu, étranger de surcroît, puisse se montrer plus performant que la remarquable élite militaire française! Ils ont donc repoussé cette offre avec dédain. Depuis ce jour, Keog poursuit de sa colère l’aéroamiral et cèderait son invention à qui la désire pour une somme - modeste - de vingt millions de francs-or. La présence à son bord du journaliste, recueilli par hasard, lui plaît. Peut-être, grâce à lui, pourra-t-il enfin convaincre le gouvernement français.Quant au narrateur, bien que la personnalité même de Keog lui répugne, il considère surtout l’excellence de son invention, propre à assurer la victoire à la France, tout en raccourcissant la guerre. D’autre part, par ce coup d’éclat, il donnerait aussi la suprématie médiatique à son journal, l’An 2000. Un pacte est passé avec Keog qui emmène l’attaché de presse à toute vitesse vers Paris.
Vol.05 : Paris bouleversé, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
A Paris, la situation a changé. Et si l’apparition du narrateur étonne ses amis Pigeon et Malaval, lorsqu’il met les pieds à l’An 2000, c’est lui qui est le plus surpris par la nouvelle mode des Parisiens. Portant bouclier en fer et protection métallique sur le dos dans la crainte d’un bombardement imminent de la flotte germanique invisible, ils vont et viennent le long de rues où disparaissent les monuments sous des carapaces blindées.
Son patron, M. Martin Du Bois, dit encore « Napoléon », aussitôt prévenu de son retour écoute avec attention le récit de son employé et la proposition de Keog. M. Martin Du Bois, est un « chevalier d’entreprise », immensément riche, à la vision professionnelle sûre et aux appuis politiques nombreux. Il épouse sans restriction la cause du narrateur. Dès lors, il prend sur lui de convaincre les autorités françaises d’acheter l’invention de Keog afin d’assurer à son pays une victoire sûre et rapide.Mais le rival jaloux de l’An 2000, le journal « l’An 3000 » veille et tente de déstabiliser le journaliste, de le faire passer pour fou et de faire croire au coup monté.
Alors que Rapeau ne donne plus aucune nouvelle de sa personne, que la force germanique reste introuvable, que les Parisiens attendent anxieux d’être bombardés, la Grande-Bretagne reste maîtresse sur les eaux et frappe l’Allemagne en l’inondant de faux marks, destinés à couler l’économie de cette dernière. A Paris, cependant, la cinquième colonne, composée d’anarchistes et «d’étrangers», les ennemis de l’extérieur, s’introduisant par le sous-sol, sapent le Palais-Bourbon et le font sauter, tuant du même coup quelques députés (ils n’y sont jamais très nombreux aux assemblées !).
Un « meeting d’indignation » a été monté par l’ « An 3000», qui veut porter le coup de grâce à son concurrent. Plus de cinquante mille personnes sont prévues sur l’esplanade des Invalides. Apprenant la nouvelle, notre envoyé n’hésite pas. Il payera de sa personne en s’invitant de lui-même comme orateur, afin de défendre son point de vue. Le coup réussit mieux que prévu. Il parvient, à la grande satisfaction de Martin Du Bois, à retourner les consciences, la vox populi exigeant à présent l’appareil de Keog lequel fait une apparition opportune au-dessus de la foule.Le président de la République recevra le patron de presse mais comme, en France, toute décision doit être approuvée par de multiples corps constitués, la décision traîne en longueur pendant que de nombreux soldats se font tuer tous les jours sur les lignes de frontière.
Vol.06 : les Chevaliers de l’abîme, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
Le journaliste abandonne pour quelques jours l’affaire Keog. Lors d’un dîner donné par Martin Du Bois, il fait la connaissance de Marcel Duchemin, le gendre de son patron et l’animateur d’une nouvelle force d’intervention, ultra secrète, composée d’une centaine d’hommes, appelés les «hommes-crabes » ou les « sous-l’eau » (avec jeu de mots), dont la tâche imminente est de faire exploser cinq des plus grands cuirassés germaniques, radeaux porteurs de la force d’invasion pour l’Angleterre, mouillant dans l’estuaire de l’Elbe, en déposant sous leurs quilles des charges explosives.
Grâce à des scaphandres semi-rigides et autonomes, une nouveauté pour l’époque, les hardis soldats, pendants exacts des « Voleurs » aériens, se dirigeront en sous-marin vers l’estuaire, se faufilant entre les câbles tendus, les diverses lumières et autres pièges disposés à leur intention. Puis, sortant du « Chercheur » (c’est le nom dudit sous-marin), à pieds sur le fond du fleuve, encordés et communiquant à l’aide d’un code convenu, ils se dirigeront sur leurs cibles. Quoiqu’il s’agisse là d’une mission à haut risque, notre narrateur veut y prendre part. D’ailleurs c’est également le vœu de son patron qui flaire dans cette opération une vente exceptionnelle de journaux. Lors de son embarquement, le journaliste remarque les manœuvres ambigus d’un des hommes de l’équipage surnommé « le Petit » avec un individu louche travaillant à l’ An 3000. Cette méfiance sera payante puisqu’au cours de l’action elle lui évitera d’être assassiné par le Petit, qui agit pour le compte du journal concurrent de l’An 2000.
Vol.07 : Tragédies sous la mer, Albert Méricant éd., 1908, 1 fasci-cule broché, in-quarto, 32pp couverture illustrée par Robida.
Les charges posées, les explosions, déclenchées les unes après les autres, créent une onde de choc qui désorganise le bataillon. Le retour vers le Chercheur s’avère donc plus difficile que prévue et une dizaine d’hommes-crabes y laisseront leur peau, le corps déchiré par des mines dormantes. Notre journaliste a de la chance. Sauvé des griffes de Le Petit grâce à Marcel Duchemin, il regagnera son havre de paix.
Le sous-marin, se glissant entre la fourmilière des bateaux allemands qui recherchent les auteurs de l’attentat en surface, sera réceptionné au large, comme prévu, par une escadre anglaise. L’Angleterre avait été en effet associée à l’opération dès le début. D’abord, elle a guidé le Chercheur vers son but, en communiquant avec lui par un câble reliant le sous-marin à un ballon captif en surface, tâche confiée à un Anglais que nous connaissons bien… le lieutenant Tom Davis, lequel était sorti indemne de l’explosion du Santos-Dumont, contrairement aux prévisions.
Rattachée à une enveloppe encore gonflée, il a pu dériver dans les airs jusqu’à la Norvège. Le narrateur a l’immense joie de retrouver sur le chemin du retour son ami et s’empresse de lui faire part de toute la ferveur de miss Ada à son égard.
A son retour à Paris, porté en triomphe jusqu’à l’An 2000, il n’a guère le temps de se reposer car l’affaire Keog n’est pas encore réglée. Il s’agit de mettre les bouchées doubles pour vaincre l’extraordinaire inertie de l’administration française.
L’inventeur félon leur a fixé une date butoir pour les tractations. Il exige d’être payé dans les deux jours, à Berne, en Suisse, à midi. La vente, passé ce délai, ne se fera pas avec la France.
Martin Du Bois et son employé entreprennent immédiatement un marathon pour forcer tous les obstacles, se rendre en Suisse en temps voulu, malgré les grèves, (cela n’a guère changé depuis), les retards, les formalités à remplir. Ils y arriveront trop tard, pour constater que le bandit a offert son invention au Reich allemand. Avec l’amertume et la haine indicibles qu’ils éprouvent à l’égard de l’Américain, ils prennent le chemin du retour pour annoncer leur échec à la nation française.
Vol.08 : le Siège de Londres, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
En revenant vers Paris, Martin Du Bois et le journaliste apprennent que Londres est menacée par l’invasion allemande. La nouvelle de l’échec de la transaction en Suisse a soulevé une émeute populaire en France. De partout, les Parisiens convergent vers l’Elysée, pensant que le gouvernement a trahi le pays. Malgré une charge policière avec des motocyclettes à mitrailleuse, la foule grossit sans cesse et acclame les deux héros de l’An 2000.
A bord de la voiture de son patron, en compagnie du préfet, le narrateur remonte la longue file des émeutiers, se demandant comment faire pour briser leur élan, sur la demande expresse et angoissée du préfet de Paris. Le président Dupont est d’ailleurs prêt à lui faire donner la Légion d’Honneur si notre héros prête son concours au rétablissement de l’ordre. Prenant la parole, s’adressant à la cantonade à la foule, il réussit à la détourner de son objectif en lui promettant de traquer personnellement Keog, où qu’il se trouve, et lui faire payer sa forfaiture au grand soulagement du président Dupont.
En arrivant au siège du journal, le narrateur prend connaissance, grâce aux articles de Pigeon, des faits survenus dans le monde depuis son absence. Il voit aussi miss Ada qui lui apporte des nouvelles de son fiancé Tom Davis, recueilli en Norvège et acheminé vers l’Angleterre. Puis il rencontre le nouvel officier de l’ « aérotactique », venu le saluer, avec son équipe de « Voleurs », des Japonais présents pour parfaire leurs connaissances aériennes, puisqu’un traité d’amitié lie le Japon à la France. Menés par le comte Mourata, les Japonais se montrent exceptionnellement doués dans ce domaine et prêts à tous les sacrifices. Car les dernières nouvelles sont mauvaises : partout éclate la guerre, partout, sur tous les fronts, des hommes meurent en masse.
Mais le plus grave est la menace qui pèse sur Londres qui a déjà subi deux attaques de la part du « Sirius », le vaisseau de Keog, qui a surtout décapité – ô rage et désespoir pour les Anglais!- la statue de Nelson, à Trafalgar-Square. Des travaux souterrains gigantesques ont été entrepris dans la capitale anglaise, des sortes de catacombes prolongeant les lignes du métro pour mettre les Londoniens à l’abri d’un coup de force aérien.
Enfin, l’An 3000 annonçant de façon perfide l’invasion imminente en Angleterre, la décision fut prise de partir pour l’Angleterre à bord de « l’Austral », le dirigeable de l’An 2000, qui sera actionné de main de maître par les Japonais. Dès le départ, ceux-ci découvrent un espion à bord. Il s’agit de Pezonnaz, âme damnée de l’An 3000, qui a déjà failli causer la mort du narrateur à plusieurs reprises, entre autres, sous la mer. Mais cette fois-ci, ficelé comme un saucisson, il servira d’intermédiaire, suspendu dans le vide, entre un radeau de naufragés, sur lequel se trouve Marcel Duchemin, dont le bateau avait été torpillé, et l’Austral, qui le guide à bon port. L’arrivée au-dessus de l’Angleterre se fait dans une purée de pois opaque. Précédent de peu la grande «aéroflotte » française venue prêter main forte à l’Angleterre, les navigateurs de l’Austral sont accueillis en héros par le Lord-maire et la foule londonienne.
Vol.09 : Moletown, la ville des taupes, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
En compagnie de Pigeon, le narrateur et patron de l’Austral, demande à M. de Troarec, le nouveau commandant militaire de la flotte française, que son aéronef soit considéré comme engin de guerre, et serve à côté des autres dirigeables pour la défense du sol Anglais. Les dépêches signalent par ailleurs une recrudescence d’activité du côté des Allemands mais le brouillard, toujours opaque, évite tout danger imminent.En attendant, les deux hommes visitent la ville « underground » de Londres, appelée « Moletown. »
Les Anglais, toujours organisés, ont creusé en un temps record une multitude de galeries sous la Tamise, l’argile du sous-sol britannique convenant parfaitement à cet usage. Le plan de la ville souterraine, toujours en construction, est calqué sur celui de Londres. Les citoyens y ont leur «home», les déplacements se font à pied ou à cheval, et, dans de longs tubes adjacents, des chambres ont été creusées.
Stupéfaits par la vitalité de ce peuple, nos deux amis vont de découverte en découverte, et en profitent pour faire connaissance avec la famille de Tom Davis qui a déjà aménagé sous terre. Mais la visite est soudainement interrompue. Dénoncés comme étant de dangereux espions par Pezonnaz, le traître, qu’ils ont pourtant laissé vivre lors de leur épopée maritime, et qui les avait suivis en Angleterre, ils sont arrêtés et placés en détention sous la Tour de Londres, en un cachot humide et obscur.
Là, par chance, ils surprennent un dialogue en provenance d’une geôle voisine. De vrais espions allemands évoquent une action inquiétante et proche : le Sirius de Keog, avisé par un signal lumineux opportunément placé à Blackfriars, une entrée vers Moletown, bombardera cette dernière de telle manière que l’eau de la Tamise inonde l’ensemble du réseau de tunnels, pour y noyer des milliers d’occupants.
Le narrateur sera délivré par l’ambassadeur même du Japon, alerté par Wami, l’un des coéquipiers de l’Austral qui les suivait, ayant repéré Pezonnaz et flairé le pot aux roses.Tom Davis, alerté d’urgence, signale la menace au « War Office», tandis que les deux hommes se rendent au domicile souterrain du militaire pour mettre sa famille en sécurité. Déjà il est trop tard pour des milliers d’Anglais : le Sirius a lâché ses bombes, l’eau s’engouffre dans les tunnels et noie tous ceux qui s’y trouvent. Nos amis assistent, la rage au cœur, au crime commis, se promettant de le venger.
Vol.10 : la Bataille aérienne, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
A Sydenheim, l’Austral se prépare à appareiller pour une mission de surveillance préconisée par Le Troarec, le nouvel aéroamiral. Jusqu’à 20 km au Sud de Londres, l’aéronef a pour mission de repérer l’arrivée des Prussiens et d’en avertir immédiatement la flotte alliée. Nulle trace de dirigeables aériens.
Par contre, planant en dessous du brouillard, ils découvrent de nombreux radeaux abordant les plages du sud de l’Angleterre, y déversant des soldats allemands.
Ayant signalé le danger au War Office, ils prennent position au nord de l’agglomération londonienne, débarrassée de son brouillard par des canons à « acétylène » dévolus à cet effet.
C’est par cette trouée, et sans aucun doute possible, qu’ils voient approcher au-dessus de la capitale les vaisseaux germaniques, de taille et de formes diverses. A l’écart de la bataille, les membres de l’Austral pourront contempler son déroulement et en faire part au PC anglais.
Les Prussiens, malgré le feu nourri des batteries terrestres, négligeant la flotte française qui fond sur eux du haut des cieux, se jettent dans le vide, planant sans se faire mal grâce à un « parachute total », une nouvelle invention, sorte de voile attachée sur leur dos, qu’ils arrivent à guider à l’aide de leurs bras. Ayant visé le centre de Londres, ils prennent position dans Hyde Park, s’évertuant le plus rapidement possible à établir une tête de pont solide, en attendant leurs bataillons débarqués au sud.
Alors qu’au sol le combat fait rage, les dirigeables ennemis, traînant derrière eux des ballons captifs, déversent de l’essence sur Buckingham Palace, obligeant le Roi et le corps politique à une retraite précipitée. Malgré le sacrifice héroïque des « Voleurs » alliés, l’ennemi progresse, raffermissant sa position autour de Regent Street.Les Anglais semblent débordés, surtout lorsque du ciel tombe le Sirius de Keog, qui, à la vitesse de l’éclair, canonne le défense anglaise.L’Austral, avec à son bord le narrateur et Marcel Duchemin, ainsi que des Japonais fous de rage et de frustration, constatent la débâcle anglaise.
Vol.11 : le sang des Samouraïs, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
Au dessous d’eux, ils aperçoivent l’armée d’invasion qui se porte vers les faubourgs de Londres. A son encontre se dirigent des bataillons anglais de force équivalente, ce qui laisse supposer, avec l’appui de batteries terrestres stratégiquement disposées, une issue heureuse en faveur des Anglais.
Mais c’était sans compter avec le Sirius. Celui-ci, réapparaissant brusquement, élimine sans pitié, l’un après l’autre, les gros dirigeables français et notamment, «l’Amiral Meusnier », le vaisseau directeur avec Le Troarec à bord, lequel, son enveloppe déchirée, vide sur le sol sa cargaison de braves nautes.C’en est trop pour les Français qui prennent en chasse le pirate, allégeant les carcasses de toile pour arriver à le survoler. Hélas! trop lourds et peu maniables, leurs dirigeables plafonnent à 3500 mètres alors que le Sirius n’est plus qu’un point au-delà des nuages.
L’Austral est d’une autre trempe : léger, maniable, bien servi par des Japonais efficaces et en colère, alimenté par la haine du journaliste de l’An 2000 qui s’est fait un point d’honneur d’arrêter le bandit, un duel à mort s’engage entre les deux vaisseaux. L’Austral, se délestant peu à peu et actionnant savamment le navigateur qui leur permet de gagner de précieux mètres en hauteur, monte jusqu’à 5500 mètres et se rapproche du Sirius. Celui-ci réagit. Ayant atteint sa limite, il se déleste encore, en jetant dans le vide l’un des coéquipiers (le Noir), suivi peu après par un autre (le bandit aux cheveux roux). Etant à chaque fois persuadé d’avoir le dessus et d’être à même de grenader le Sirius, les occupants de l’Austral se débarrassent aussi de tout matériel inutile ou encombrant pour faire gagner de la hauteur à leur appareil.
Tout ceci n’est pas suffisant. Alors le capitaine Mouroto, en japonais héroïque qui méprise la mort, ordonne aux siens, l’un après l’autre selon la nécessité, de sauter dans le vide en se sacrifiant pour l’empereur. Ce qui fut fait. Au grand effroi de Duchemin et du narrateur, Sikawa et Narabo disparurent dans le vide, plongeant vers le sol comme s’ils allaient à la promenade. Ces sacrifices firent pencher la balance, bien que le manque d’oxygène ait induit chez les hardis navigateurs de graves troubles psychiques.
Légèrement situé au-dessus du Sirius, l’Austral est enfin en position de faire sauter l’infâme Keog, qui se bat d’ailleurs avec son mécanicien. Une grenade atteint la bouche d’air située au sommet du vaisseau ennemi, infligeant des dégâts irréparables. Le vaisseau de Keog plonge et se désagrège, non sans tirer une ultime rafale qui étend Duchemin et détruit tout le système moteur de l’Austral, qui descend beaucoup trop rapidement. Wami et le narrateur, constatant qu’il leur est impossible de relâcher la pression à temps pour éviter l’explosion de l’enveloppe, jettent tout ce qui reste encore par-dessus bord, afin de regagner de la hauteur. L’appareil dérive vers l’Océan atlantique…
Vol.12 : Perdus dans l’Atlantique, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
Entraînés au-dessus de la mer, les naufragés se recroquevillent dans les couvertures pour se tenir au chaud. D’après les calculs approximatifs de Marcel Duchemin, l’aérostat en perdition se dirigerait vers le nord. Bientôt apparaissent les premiers flocons ; en dessous d’eux, un sol blanc, brisé par des séracs, parcourus par des ours blancs.
Nos héros se savant perdus et s’apprêtent à mourir. Une longue nuit passe lorsque l’épave, suffisamment près du sol, leur laisse entrevoir un bout de mer libre. Le vent ayant tourné, ils seront à nouveau entraînés vers le sud, en direction de l’Atlantique. Pourtant, cela importe peu, puisque, au lieu de mourir gelés, ils mourront noyés. Après un temps assez long, ils aperçoivent, sur une mer calme, un voilier qui semble se diriger cers eux : c’est l’occasion de la dernière chance ! Unissant leurs forces, les trois naufragés parviennent enfin à déchirer l’enveloppe du dirigeable, permettant la décompression brutale, l’épave s’abattant tout à proximité du bateau, leur permettant d’y prendre pied.
Sauvés ! Du moins le croient-ils. Ils se rendent vite compte que là encore, ils ont abordé une épave, un « derelict », une « fortune de mer », un bateau en perdition, débarrassé de son équipage, virant aux quatre vents, sans lumières, sans moteur, aux voiles battantes.
Rien n’entame pourtant leur optimisme puisqu’ils ont troqué leurs vêtements mouillés avec des effets secs trouvés dans la cabine du capitaine, et même des cigares. Ayant eu la présence d’esprit de se saisir de leur caisse de pilules alimentaires, ils ne mourront pas de faim. Enfin, un jour, le vent les entraînera bien vers la terre ferme. Pour le moment, avec un vent fort, ils se retrouvent dans la mer des Sargasses jusqu’à ce que, dans la nuit noire, ils se fassent saborder et couper en deux par un immense navire de guerre américain, « l’Oklahoma », patrouillant dans ces parages.
Wami, le japonais, le narrateur et l’enseigne Duchemin, se réveillent, allongés sur des matelas, recueillis et prisonniers à bord d’un vaisseau de guerre ennemi. S’entendant à mi-voix entre eux, ils se mettent d’accord pour simuler la folie, crédible à cause de tous les chocs subits, ce qui leur permettrait d’éviter l’incarcération en terre américaine.
Vol.13 : la Cohue des fous, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
L’interrogatoire, mené par le commandant, n’a rien donné, les naufragés simulant la folie à la perfection. Dans l’expectative, jusqu’à leur débarquement à Charleston, en Caroline du Sud, ils resteront sous surveillance. Rapidement, cependant, leur identité est percée à jour, et reconnus dangereux pour l’Amérique comme étant ceux qui ont mis Keog à terre.
A Charleston, après un second interrogatoire, ils seront conduits dans un « Asile de guerre », un immense bâtiment abritant plus d’un milliers de soldats, tous souffrant de traumatismes de guerre. Car les Japonais de Californie, préparant de longue date l’invasion de l’Amérique, appuyés par des troupes fraîchement débarquées en provenance du Japon, ont percé, lors d’un combat décisif, les lignes américaines à Black River. Ce combat gigantesque, perdu par les troupes régulières, a fait des milliers de morts. Les conditions mêmes de la bataille étaient si terribles que les survivants devinrent tous fous, chacun avec son propre vécu, chacun refaisant un combat fantasmé, soit en stimulant des morts virtuels ou en grimpant aux arbres pour éviter des grenades irréelles. Une telle situation explique également la haine de tous contre le pauvre Wami, obligé de se cacher pour ne pas être mis en morceaux.
Incarcérés dans un tel univers, interrogés par l’habile et bienveillant médecin-chef, le docteur Champart, d’ascendance française et originaire de Fécamp, ils rétabliront des rapports normaux avec leurs interlocuteurs. Le docteur, avec beaucoup de mansuétude, leur permettra de séjourner dans cet asile aussi longtemps qu’ils le souhaiteront, pour retarder le moment où l’autorité militaire pourrait faire main basse sur leurs personnes. Ils paraîtront finalement devant le colonel commandant les forces de Charleston, dont la sévérité avait été adoucie par l’intervention de Champart. Un arrangement sera trouvé : ils pourront séjourner à Charleston, dans une villa louée, s’y promener à leur guise, à condition de ne pas chercher à s’enfuir. Les Américains, toujours pragmatiques, leur avancent même de l’argent , puisqu’ils seront bientôt payés par l’An 2000, leurs aventures ayant pu parvenir au siège du bureau parisien.
Néanmoins, miss Taylor, détective attachée à leurs pas, se méfie d’eux comme la peste, et les fait surveiller par des factionnaires. Quelques jours après, l’apparition d’un négrillon surprenant –qui est Wami déguisé- précipite les événements. Il se propose de les faire s’évader, immédiatement. Les deux hommes sont d’accord, sans connaître le plan prévu. Le départ de la villa se fait sans difficultés autres que la mort d’un factionnaire, mordu à la gorge par Wami, qui révèle à nouveau sa nature sauvage.
Vol.14 : la Croisière du « Krakatoa », Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
Wami entraîne ses amis vers la voie ferrée où les attendent deux Noirs qui ne sont autres que –ô surprise ! –Pigeon et Coquet, déguisés. Ils prennent tous place dans une automobile à la ligne surprenante et prennent rapidement la direction du Sud, vers Orangeburg et Shavannah, le long de la côte. Comme la voie ferrée s’étend parallèlement à la route, ils constatent qu’un train les poursuit : miss Taylor, déjà mystérieusement avertie, leur donne la chasse. Mais elle ne s’attend pas à la suite. A la stupéfaction de nos amis, l’automobile plonge sans hésiter dans l’eau et prend le large, flottant d’une façon impeccable puisque c’est une voiture amphibie du dernier cri, et de fabrication française. Plus tard, une voile est montée, ce qui laisse le temps aux sauveteurs comment l’opération avait été mise au point dans tous ses détails.
Grâce à M. Vandercuyp, à Martin Dubois et à Miss Ada, un yacht fut affrété pour libérer les otages. Après s’être procuré à Paris cette voiture amphibie, profitant de la neutralité des Hollandais, le « Krakatoa » mis le cap sur Charleston. Pigeon et Coquet, déguisés en noirs, grâce aux informations de Wami échappé miraculeusement de sa prison, ont su comment faire évader les prisonniers sans aucune anicroche, si ce n’est l’attaque sauvage à l’encontre du garde, non prévue dans le plan.
Les retrouvailles sur le Krakatoa furent à la hauteur du plaisir partagé par les protagonistes, terni cependant par la présence à bord de deux ennemis maintenant bien connus, Pezonnaz et Le Petit, qui s’étaient faits embaucher parmi les membres de l’équipage. Aussitôt reconnus, ils furent appréhendés et mis aux fers, non sans qu’ils aient pu, préalablement alerter les autorités américaines, ce qui expliqua l’acharnement de miss Taylor ainsi que la surprise, pour M. Vandercuyp, de voir le Krakatoa arraisonné par un croiseur , « l’Oklahoma », dans le but de procéder à une fouille approfondie. Affolement à bord. En toute hâte, nos amis trouvèrent une cachette au sein d’une fausse cheminée aménagée, ce qui leur permit de suivre l’ensemble des événements.
Les militaires américains s’attendaient à trouver deux fugitifs à bord. On leur livra le Petit et Pezonnaz qui, ignorant l’anglais, ne se doutaient pas de leur sort lorsqu’on les transféra sur l’Oklahoma, en attendant leur détention dans une geôle américaine. Celle-ci n’eut d’ailleurs jamais lieu, puisque, peu de temps après, l’Oklahoma sauta sur une mine flottante. Coupé en deux par une gigantesque explosion, il sombra en quelques minutes, envoyant au fond de l’eau tous les marins en dépit du bon cœur de miss Ada qui prétendait les sauver, déclenchant par là même une mutinerie à bord du Krakatoa.Celle-là fut arrêtée net par un coup de poignard de Wami qui étendit le quartier-maître, le meneur, pour le compte. C’est dans ces conditions difficiles que le yacht se rendit aux Bahamas, à Nassau, perdu au milieu des îles proches de la Floride
Vol.15 : la mer qui brûle, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
A Nassau, d’heureuses surprises les attendent. D’abord, un chèque de 38 000F, de la part de martin Dubois, avec ses félicitations pour la relation rigoureuse des événements militaires inédits, ce qui allait procurer une bonne longueur d’avance à l’an 2000 sur ses concurrents.Ensuite, miss Ada qui fut enchantée de retrouver –ô miracle !- son fiancé anglais, Tom Davis. Celui-ci, de par son comportement énigmatique, apparut bien vite aux yeux des protagonistes, comme étant chargé d’une mystérieuse mission auprès des Américains.
Sept croiseurs anglais de fort tonnage y attendaient aussi la flotte japonaise de l’amiral Muroto, partie du Japon pour prendre part à la conquête de la Floride, appuyant, dans un déploiement parallèle, l’avancée de leurs compatriotes en Californie du Nord. Pourtant le commandant anglais Knollys, qui devait escorter les Japonais, montrait de la mauvaise humeur et une certaine réticence à cette idée, d’autant plus que, dès son arrivée à Nassau, Muroto exigea le départ immédiat de tout bateau neutre, y compris le Krakatoa, au grand déplaisir de miss Ada. Laissant derrière eux, Pigeon, Coquet, Tom Davis et le narrateur, afin de couvrir l’événement, le bateau de M. Vandercuyp prit la direction de la Hollande.
Pour participer davantage à l’action, Coquet et le narrateur prirent place sur le vaisseau-amiral anglais, laissant Pigeon à Nassau comme relais télégraphique avec la France et Martin Dubois.Les Japonais comptaient emprunter le canal maritime entre Cuba et la Floride, au large de Key Largo et de ses chapelets d’îles, quoique le danger fût grand. Les Américains avait truffé ces parages de pièges électriques inédits, inventés par le génial Erikcson dans sa retraite de Key West.
Muroto, toujours prêt au kamikaze et à l’heure dite, engouffra ses vaisseaux dans le chenal, les vaisseaux anglais assurant prudemment ses arrières. Apercevant la flotte américaine qui se dérobait devant lui, il la poursuivit jusqu’à ce qu’une manifestation extraordinaire brouilla le magnétisme des boussoles, qui indiquèrent une fausse direction, les amenant à proximité des terres américaines à partir desquelles les Japonais auraient pu être bombardés. Mais le plus grave, une fois l’erreur redressée, fut que, derrière la flotte japonaise, la mer si mit à brûler d’un coup, élevant une barrière de feu pour empêcher les japonais de reculer, alors que, dans le même temps, les croiseurs ennemis faisaient demi-tour pour se propulser à l’assaut. Le mystère fut résolu par un scaphandrier : les Américains, en un travail titanesque, avaient noyé au fond de la mer une tuyauterie continue, percée de trous réguliers d’où s’échappaient des filets de pétrole vers la surface. Enflammés, ils avaient pour but d’emprisonner la flotte nippone dans une immense cage de feu.Muroto, devant cette menace, força le blocus ardent, non sans perdre sa superbe et quelques-uns de ses vaisseaux. A son grand déplaisir, les Anglais se contentèrent d’observer sa manœuvre.
Entre temps, Tom Davis, dévoilant en partie sa mission à ses deux amis, leur présenta un personnage important, malgré son apparent anonymat : Dick Jarrett. Ils s’embarquèrent tous dans un sous-marin de poche pour gagner Key West afin d’y rencontrer Nat Goffrey, un ingénieur de l’Electrical Department ». Tom Davis s’entendrait-il avec les Américains ?
Vol.16 : la Mer qui gèle, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
Tom Davis et le narrateur se rendent dans une mystérieuse auberge, à peine débarqués à Key West. Là, en compagnie de Jarrett, ils rencontrent ceux qui espionnent les jaunes dans le monde entier, au profit de l’Angleterre. Les nouvelles ne sont pas rassurantes. Partout, d’Australie au Canada en passant par l’Afrique, les Japonais fomentent troubles et émeutes, entraînant dans leur sillage les Chinois, multiplient les plans d’invasion dans divers pays. Il importe donc de se défendre et surtout de s’entendre entre Blancs, quitte à abandonner les anciennes alliances. Voilà pourquoi le président américain Gardiner se montre favorable à une nouvelle alliance avec l’Angleterre, l’ennemi d’hier :
« C’est simple à comprendre : les Japonais, les Chinois, les Hindous, tous les Jaunes, Mongols ou Malais, que le Mikado mobilise contre le monde blanc, sont prolifiques. Leurs familles sont nombreuses et le chiffre de leur population s’accroît sans cesse, en dépit de l’infanticide traditionnel dans le Céleste Empire. Nous au contraire, nous les Blancs, nous dépérissons ; nous naissons, si j’ose dire, en moins grande quantité, d’année en année. C’est dire que nous serons absorbés en peu de temps par la marée jaune si nous ne prenons pas les devants. Absorbons-la nous-mêmes ! Qu’il n’en reste que des peuples secondaires, impuissants, désarmés, désargentés surtout, car seuls les peuples riches sont à craindre. Ruinons le commerce, brisons la force militaire de ces Japs, tandis qu’il est temps encore ! L’Europe entière s’y mettra joyeusement, j’en jurerais. Les dépêches signalent sa lassitude. C’est que la cause de la guerre qui nous désole tous est navrante en soi, humiliante pour des pays comme la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, les Etats-Unis (…) Blancs, cessons de nous entre-tuer pour des niaiseries ! Unissons nous et faisons tête aux Jaunes pour les ramener au point où nous les avons jadis connus. Le salut de notre race est à ce prix ! L’Europe et l’Amérique en avant ! L’Asie en tutelle, comme l’Afrique!»
Dès le lendemain, nos amis ont pris rendez-vous auprès d’Erikcson, « l’Homme des câbles », le maître de la foudre et de la défense électrique de l’Amérique, maréchal de surcroît. A l’Electrical Department, son domaine, l’on est prêt. Son fils étant mort, tué par les Japonais, Erickson rêve d’une vengeance qui sera terrible. Son piège se situe dans la rade de Charleston que l’escadre japonaise de Muromoto doit investir dans les deux jours.
Ce qu’ignore le commandant de la flotte ennemie, c’est qu’Erickson a disposé au fond de la passe, formant une sorte de lac, un treillis de câbles électriques lesquels, réfrigérant soudainement l’eau par extraction et détente brusque de l’oxygène, provoquera une brusque baisse de la température, bloquant l’escadre dans la glace et faisant périr par myriades les marins japonais. Muromoto, qui ne se doutera de rien, passera ainsi, et sans coup férir, instantanément de vie à trépas, suivi par plus de dix mille Japonais, congelés sur pied. Les cadavres, ramassés sur les bateaux par des noirs américains, n’encombreront pas longtemps les environs. Mis en tas immenses, arrosés d’essence, ils brûleront sans discontinuer, empuantissant l’atmosphère.Erickson est satisfait et envisage sereinement la suite des opérations
Vol.17 : la Tuerie scientifique, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
L’invasion japonaise se poursuivant à partir de la Californie, il faut arrêter la horde jaune, forte de plus de deux cent mille hommes, qui s’avance à marche forcée. Erickson et ses amis partent donc pour Tuckson, en Arizona, au lieu dit « Lead Mountain », la Montagne de Plomb, où sont établis les dispositifs électriques propres à enrayer la ruée dévastatrice.
Durant la traversée du désert de l’Arizona, deux aéronefs ennemis prendront pour cible les voyageurs. Aussitôt abattus, ils ont pourtant eu le temps de mitrailler le groupe, provoquant un grave désastre : la mort de Jarrett et surtout la blessure gravissime infligée à Erickson. Parmi les trois Japonais survivants à la chute, l’on retrouve le maintenant bien connu Wami. Les deux premiers proprement exécutés, gardant le dernier captif, les Américains atteignent Lead Mountain qui comporte douze mille hommes de garnison.
Le sol alentour est piégé par d’innombrables fils électriques. On laisse tout d’abord les jaunes s’avancer sous d’énormes toiles flottantes qui ont pour fonction de dissocier, à partir des ondes hertziennes, l’oxygène de l’air, produisant de cette manière du peroxyde d’azote : une pluie dense d’acide sulfurique tombera sur les Jaunes, lesquels meurent comme des mouches. Affolés, les ennemis s’entremêlent dans les fils disposés autour de la colline. L’électricité est alors envoyée dans le sol, dérivée à la masse, électrocutant les assaillants par grappes entières, paralysés par les impulsions.
Mais les pertes, quoique significatives, ne sont pas suffisantes. La ruée continue, les Japonais ayant eu la prudence de mettre à l’avant des cavaliers chinois bien entraînés et inspirant la crainte.
Au petit matin, l’on découvre Erickson mort, un poignard fiché dans la poitrine, assassiné par Wami qui a pris la fuite. Comme un malheur n’arrive jamais seul, les turbines, fournissant l’électricité nécessaire au combat, se sont arrêtées : elles ont été sabotées. Lead Mountain est désormais sans défense. Le narrateur et son collège Pigeon, transportant le corps d’Erickson pour l’amener à une sépulture convenable, observent de haut, à bord d’un dirigeable, les hordes barbares. Pas longtemps, puisqu’ils sont mis à terre et ne doivent leur salut qu’aux chevaux, dont ils parviennent à s’emparer, et au fait que leurs poursuivants sont arrêtés par les rouleaux de fil électrique encombrant le sol. Ils s’apprêtent à défendre chèrement leur vie.
Vol.18 : Jap contre Sam, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
Entourés par les cavaliers chinois, ils se résignèrent à défendre chèrement leur vie, lorsqu’un aéroplane japonais, intervenant brusquement, les sauva, en tuant leurs ennemis alentour. Immédiatement saisis, emmenés dans les airs comme prisonniers,le narrateur et son collègue Pigeon, reconnurent Wami en la personne de leur sauveur, qui leur réservait un sort connu de lui seul pour le moment. Traînés devant le général en chef Mosimoto, ils seront ensuite conduits par train à travers la Californie occupée par les Japonais, pour atteindre Horouko (San - Francisco), afin d’y être jugés. Ils virent en cours de route les nombreux mouvements de troupe et surent qu’ils étaient perdus.
Arrivés à destination, au lieu d’être conduits directement au supplice, ils furent traînés et exhibés à travers la ville, notamment dans le bas quartier de Chinatown où résidait une humanité chinoise et misérable :
« De chaque côté des rues en pente qui zigzaguent au travers de la cité pestilentielle, j’apercevais un spectacle qui me rappelait des voyages antérieurs aux pays jaunes : les échoppes des marchands de victuaille putréfiés, basses, dans le sous-sol des baraques en papier aux toits retroussés ; les mâts plantés devant les cases avec des oriflammes et des banderoles décolorées depuis la dernière fête qui les vit arborer ; les écrivains publics accroupis sur leur tâche, avec le pinceau et l’encrier, au milieu d’un troupeau de brutes ignares, désireuses de faire dire au papier quelques mensonges utiles à leurs intérêts ; les rôtisseurs de viande pourrie ; les barbiers ambulants qui, sur le sol même de la rue, rasent du soir au matin les Célestes devant leur porte ; les charrons et les maréchaux qui ferrent voitures et chevaux au milieu de la voie publique. Et des théories de femmes hideuses, d’enfants accoutrés comme des singes, font la foule à côté des magots hébétés qui sont sortis de ces tanières pour nous voir… »
Puis, enfermés dans une cage au volume à peine suffisant pour tenir debout, vêtus à la chinoise, ils furent condamnés à mort par un tribunal auquel ils ne comprirent rien, si ce n’est la longue intervention et l’animosité de Wami, enfin reconduits, chacun séparément, dans une nouvelle geôle.
Le narrateur, désespéré, remarqua cependant à côté de lui la présence d’un vieux Chinois, prisonnier comme lui, qui lui remit une lettre écrite par Martin Dubois. Lui indiquant comment il pourrait être sauvé, enlevé par un groupe de Chinois soudoyés par le patron de l’An 2000, à condition de simuler la mort à l’aide d’une potion paralysante. Le prisonnier se résolut à adopter ce plan. Mais au moment où les Chinois, ayant neutralisé les gardes, s’apprêtaient à enlever le corps inerte du journaliste, disposé à l’intérieur d’un vieux fût, Wami intervint à nouveau, tuant les ravisseurs et récupérant son prisonnier.Il lui expliqua que l’occidental resterait trois mois à sa disposition afin que ce dernier voie de ses propres yeux les prodiges de l’armée japonaise, puis qu’il serait mis à mort.Avec anxiété, le journaliste se demanda ce qu’il était advenu de Pigeon.
Vol.19 : le Hibou de l’Océan, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
Le narrateur, reconduit par Wami, sous bonne escorte, retrouve Pigeon, prisonnier comme lui. Toujours inquiet sur son sort, les yeux bandés, (Wami ne va-t-il pas le tuer ?), il est rapidement rassuré par Pigeon qui est en possession de nouvelles fraîches de la part de Martin Dubois. Une dizaine d’aéroplanes du type « Sirius », menés par Will Keog, le frère du précédent, mais qui lui a basculé du bon côté de la force, sont à leur recherche. Will Keog, surnommé le «Hibou de l’océan » prépare une action d’éclat pour enlever au nez et à la barbe des Japs les deux prisonniers au sein de la forteresse de San Francisco.
Wami, lui aussi au courant de ce qui se prépare, décide de faire front et de démontrer à ses adversaires l’excellence de l’armée japonaise. Pour ce faire, il leur montre les « canons à remous circulaires » destinés à créer des typhons qui broieront les engins volants dans leurs remous circulaires. Malgré la riposte, Will Keog réussira à arracher les deux prisonniers des griffes de leurs tortionnaires, à les embarquer à bord de son vaisseau volant et à prendre la fuite au-dessus de la mer. Il y sera poursuivi par deux sortes d’engins japonais aussi performants : les « hydroplanes » et les «hydrovolants », qui glissent rapidement au-dessus de l’eau. Ils seront arrêtés et repris avec, en sus, Will Keog, et remis dans une nouvelle cage. Enfin, menés à bord du vaisseau japonais le « Saïtama », ils prennent la direction du canal de Panama, à travers le Pacifique., pour être utilisés lors d’une mission.
Les Japonais, Wami en tête, désirent déposer dans un village d’Amérique centrale proche du canal, des caisses d’explosifs. Pour ce faire, ils ont besoin des trois hommes qui sont censés tromper les Panaméens en jouant aux maîtres blancs menant une cohorte de Jaunes. Le passage par la jungle sera éprouvant. Obligés de se tailler leur chemin à coups de machette, ils n’éviteront pas la faune dangereuse, surtout les araignées, décidés à les mordre, et les crocodiles, prêts à les croquer. Arrivés dans le village de Jiayo, une minable bourgade perdue dans la jungle, ils feront la connaissance d’un tenancier de bar, Pedro Blas, avant que celui-ci ne soit tué par Wami qui le considère comme un traître en puissance. L’humanité primitive autour d’eux n’est pas prête à les secourir :
« C’étaient des noirs, des rouges, des demi-rouges, des demi-jaunes. Toute une exposition des races inférieures, dit Pigeon : enfants d’esclaves marrons, nègres, croisement d’Indiens et de mulâtres, métis de Blancs, d’Hindous, de ces Chinois mêmes qui étaient venus chaque année travailler au canal et pourrir sur la place, pioche en mains. (…) Une vraie collection de bonshommes en biscuit, n’est-ce pas ? Il y a bien peu de sang bleu dans tout cela, mais il y en a encore. Voyez-vous ceux-ci avec leurs cheveux lisses et fins? Ce sont des Cholos, des aristocrates : aux racines de leur arbre généalogique il y a des Blancs, ou des Blanches. Voici maintenant la monnaie courante du pays : messieurs les Zambos, fils des Colorados ou Pardos, que nous appellerons tout simplement des nègres, entre nous, parce que si nous qualifions ainsi ces citoyens, ça les fâche »
Que vont-ils devenir ?
Vol.20 : l’Invincible Armada, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
Le petit groupe de porteurs quitte Jioyo, se taillant un chemin vers la zone du canal à travers la forêt vierge. La première étape se fera à « l’Etang du Diable », que les Zambos craignent. Après des tractations et une augmentation des primes, ils consentent à avancer en longeant la lagune infestée de moustiques. Ils arriveront dans un village dont le cacique Adolfito Lélégoulou leur offre l’hospitalité où ils profiteront d’un repos assombri par des chauve-souris vampires.
Au petit jour, ils repartent vers Alhajuela, proche de la route fluviale conduisant au bief de Chagres, par une ancienne route mal pavée et informe. Avançant avec difficultés, ils seront amenés à camper en pleine zone de jungle où un jaguar, profitant de l’occasion croquera l’un des porteurs. Wami, en colère, rend le guetteur responsable de l’incident et le fouettera, ce qui n’est pas du goût des autres qui demandent réparation. Après un conciliabule entre les Japonais, Wami consent à se faire appliquer trente coups de bâton sur la plante des pieds, au vif plaisir des captifs.
Arrivés à Treboul, ils font la connaissance d’un nouveau cacique, un Breton de France échoué là par hasard, qui se fait nommer lui-même « le Glaive » et qui comprend les mauvais plans des Japonais. Il désire accompagner le groupe pour venir en aide aux Français. Entre temps, Wami tombe gravement malade. Les Blancs, n’écoutant que leur bon cœur –leur morale n’est pas celle des Jaunes !- le guérissent.
Lors de leur dernier campement à la Rojas, le Japonais passent à l’action. Après être entrés en communication avec leur flotte stationnée dans la rade, ils déchargent les caisses, préparent leurs explosifs et participent au montage d’une petite torpille habitable dans laquelle l’un d’entre eux (le plus petit) prendra place pour une mission suicide. Il dirigera l’engin, bourré d’explosifs, vers la base du barrage de Chagres pour le faire céder. Il sera aidé par des bombes flottantes en surface. Les Blancs, attachés sur les radeaux dériveront avec le courant et mourront dans l’explosion des bombes situées juste au-dessous d’eux, démantelant ainsi complètement le barrage.
Seuls nos deux amis, le narrateur et Pigeon, auront la vie sauve puisqu’ils seront recueillis par une patrouille américaine surveillant (mal !) le canal.De là, ils assisteront à l’inimaginable catastrophe provoquée par les Japonais : des centaines de navires de guerre européens, en route vers la Chine, bloqués dans le canal de Panama, se talonnant, définitivement hors de combat, laissant la voie libre aux jaunes dans leur plan d’invasion de l’Europe :
« Ah ! répondis-je, je vois d’ici les images que les Japs vont répandre à profusion chez eux et en Chine sur la défaite des Européens ! Cette catastrophe-là ?... C’est le succès indiscutable qui va décider la Chine à se lever tout entière en armes, vous verrez ce que je vous dis, Pigeon… Elle a déjà fourni au Japon des subsides et des combattants ; nous en savons quelque chose ! Mais je vois comme je vous vois, mon cher ami, s’organiser sur tout le territoire du Céleste-Empire une levée en masse de hordes jaunes qui vont se répandre, ce coup-ci vers leurs frontières de l’Occident avec la même aisance que l’eau s’éparpille dans les écluses de ce canal. Malheureuse Europe ! Malheureux Blancs ! Et ils se déchirent entre eux au lieu de s’unir ! (…)
Prises au traquenard, la vieille Europe et l’effervescente Amérique ! Quel avertissement brutal ! Que de cruels lendemains leur vaudraient à toutes les deux le dédain qu’elles avaient affecté pour l’Asie et un demi-siècle d’imprévoyance ! »
Vol.21 : la Muraille blanche, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
Nos amis sont enfin de retour à Paris. Retour provisoire puisqu’ils doivent convaincre la population parisienne de la nécessité de venir en aide aux Russes afin d’arrêter l’invasion chinoise en créant une « muraille blanche » sur les monts de l’Oural capable de stopper les Jaunes. En attendant, ils sont fêtés comme il se doit. Durant les festivités, les acclamations de la foule, les remises de médaille, toutes plus honorifiques les unes que les autres, le déjeuner somptueux pris dans les locaux de l’An 2000 , donné par Martin Dubois, les dépêches qui s’accumulent en provenance de la Russie font état d’une situation catastrophique : les armées du Tsar sont débordées, puis décimées. Dans les steppes de Sibérie, le général Gripinsky a été anéanti. Les Chinois sont parvenus jusqu’à Irkoutsk qu’ils ont mise à sac. Le Tsar appelle l’Europe blanche à son secours.
Immédiatement le gouvernement français convoque les deux Chambres d’urgence. Tous les alliés européens participent à la délibération et fournissent leurs contingents de soldats dont l’ensemble atteindra deux millions, prêts à être acheminés sur le front russe. Mais qui sera le général en chef? Ce point fera tant débat que des chamailleries pourraient faire éclater en morceaux la belle union. Heureusement Sir Tom Davis (il a été ennobli récemment) propose le généralissime en chef Prialmont, un Belge, nomination qui fera l’unanimité. Dans la foulée, l’on instaurera une « Yellow tax » , un appel de fonds supplémentaires à fin de conjurer le péril jaune.
Avant de partir en direction de Moscou, le narrateur est encore provoqué en duel par Gaudichon, le directeur de l’An 3000, le concurrent de Martin Dubois, qui ne voit que cette manière pour se débarrasser du journaliste encombrant, les autres entreprises ayant toutes échouées. Martin Dubois est ravi : il fera de ce duel un spectacle à la hauteur de l’événement. Dans le stade de Montrouge envahi par la foule, Gaudichon donne toute la mesure de sa traîtrise, tirant à la carabine avant le décompte final et blessant son adversaire à l’index, ce qui arrête le combat. Ce dernier, chouchouté et soigné attend donc sereinement son départ pour Moscou, alors que son rival, bousculé et honni par la foule, disparaît sous les lazzis. Cependant, un événement inattendu vint encore perturber les préparations : à St Pétersbourg, l’on vient d’assassiner le Tsar Nicolas II. !
Vol.22 : Nitchevo !, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
Le départ pour Moscou s’est enfin précisé. Mais dans quelles conditions ! Le tsarisme est contesté par les «Poscarié» (Emeutiers), qui réclament un nouveau gouvernement et une nouvelle constitution, ce qui vient alourdir les conditions déjà difficiles de la mise en place d’une défense.
D’ailleurs cette émeute (ou révolution ?) semble faire l’unanimité chez les Russes. Les armées étrangères tombent ainsi au plus mauvais moment ; elles sont prises à parti à cause du soutien qu’elles accordent au gouvernement légitime. L’invasion chinoise semble être le moindre des soucis pour les Russes qui n’ont que ce mot à la bouche : Nitchévo ! (c’est-à-dire, «cela ne fait rien», «cela n’a pas d’importance»).
A St Petersbourg, en présence de tous les officiers des armées étrangères, a lieu la difficile passation de pouvoir : le petit tsarevitch Nicolas Serge est reconnu comme souverain légitime. Prenant leurs quartiers d’hiver sous une neige abondante, nos amis attendent qu’un train puisse les emmener vers l’Oural, vers la ligne de défense. En ville, les émeutes succèdent aux émeutes, gagnant même certains bataillons russes. Rien n’est disponible à cause de la grève générale et les trains ne fonctionnent plus. Des manifestations sont réprimées dans le sang. Dans la rue Petrovska, la situation devient critique surtout lorsque des aéronefs d’origine douteuse larguent sur la ville des bombes incendiaires qui embrasent plusieurs quartiers.
Enfin Pigeon et le narrateur entendent les mâles accents de la Marseillaise : un bataillon français, composé de « Voleurs» et de soldats d’infanterie, commandés par le général Lamidey, vient d’entrer en ville. Ils se joignent à eux pour gagner le front de l’Oural, vers la « Muraille blanche ».
Ce n’est pas une promenade de santé : D’abord soixante kilomètres dans le froid intense, le vent et la neige incessante, comme jadis les grognards de Napoléon, avant d’arriver à Toula où les attend un train pour l’Oural. Pigeon et notre journaliste se trouveront deux ordonnances françaises, deux débrouillards gouailleurs, Rigoullot et Robinet, qui s’occuperont de leurs chevaux et de leurs affaires.
Cette marche pénible est heureusement interrompue par un épisode inédit. Au-dessus d’eux, un dirigeable en perdition plane jusqu’au sol. Les deux dragons (des «Loung») peints sur leurs flancs ne laissent pas place au doute : il s’agit bien de Chinois en avant-poste. Ceux qui sont encore en vie sont capturés, quant aux autres, ils se sont déjà suicidés avant d’arriver au sol. Parmi les survivants, ô surprise ! un individu bien connu : le Japonais Wami ! Interrogé par nos deux amis sans qu’ils arrivent à lui arracher un mot, les espions japonais sont destinés à être fusillés dès le lendemain. La chose faite, le narrateur se penchant sur le cadavre de Wami, ne peut cacher son étonnement : il ne s’agit pas du même homme! Le vrai Wami, opérant une substitution de personne, est parvenu à s’éclipser, endossant un uniforme français.
Vol.23 : les Fourmis jaunes, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida
L’arrivée dans la zone asiatique de la Russie est l’occasion, pour le narrateur, de s’esbaudir devant l’exotisme des peuples croisés, où chameaux à longs poils et costumes bigarrés se mêlent en un kaléidoscope géant. Ici au moins les ressortissants commencent à s’inquiéter des Kitaïski (Chinois) qui déjà ont envahi la ville de Samara.
Enfin le terminus s’annonce, en gare d’Orenbourg et les Français seront accueillis par le général Lamouroux et par l’état major russe.
Une missive de Martin Dubois, qui doit les rejoindre plus tard, leur demande de créer un journal de liaison entre soldats, « l’Echo de l’Oural » qui, bien que distribué gratuitement, aidera beaucoup au renom de l’An 2000. Les journalistes se mettent en quête des outils, des hommes et des matériaux pour que ce journal puisse voir le jour le plus tôt possible. L’opération réussit au-delà de leurs espérances.
L’Echo de l’Oural informera les lecteurs de l’emplacement des diverses troupes européennes, du rôle de liaison imparti aux Cosaques et, plus généralement, de tous les événements récents se produisant à l’instant.
Nous sommes au début du mois de Mars. Le froid cède peu à peu du terrain. Les norias de trains se succèdent, apportant canons et munitions vers la ligne de front, dont il sera fait un usage immodéré. Un jour, apparaissent une masse d’hommes, de femmes, d’enfants, en approche de la Muraille Blanche. Ce sont des peuplades kirghizes, les Yolounes, attaqués par les Chinois, spoliés de leurs terre, dépouillés de leurs chevaux, et qui demandent asile. Cela leur sera refusé par la haut commandement : on ne franchit pas la ligne de front ! Désespérés, mettant en œuvre leur code d’honneur, des milliers de Kirghizes se suicident sous l’œil froid des Blancs, plutôt que de retomber entre les mains des Jaunes :
"Chacun, dans la tribu, a travaillé à détruire son semblable. Les pères ont égorgé d’abord leurs femmes et leurs enfants, en exceptant les aînés. Les aînés ont alors pris les couteaux, les fusils, et tué leurs pères. Après quoi, ils se sont suicidés sur les cadavres de leur famille. Moi seul j’ai tenu à vivre quelques heures de plus pour m’assurer que les choses se passeraient suivant les règles de notre honneur, à nous, qui n’est pas le même que le vôtre. Vous ne valez pas mieux que les Chinois. On a tué votre tsar, on a bien fait. Vous êtes de vilains diables. Brûlez-nous honnêtement, c’est tout ce que je vous demande avant de mourir à mon tour."
Et sur ce monceau de cadavres, d’un coup de yatagan, le vieux chef de la tribu des Yolounes se trancha la gorge, affreusement. »
Les cadavres s’entassent sur la plaine blanche, mis en tas et aussitôt brûlés comme de vulgaires fagots.
Après cet épisode dramatique, nos héros font l’essai d’un traîneau automoteur qui les emmène au-delà d’Orenbourg dans le confort et la vitesse mais qui, au retour, met en danger leurs vies, car poursuivis par des meutes de loups qui manquent de peu de les déchiqueter. A l’annonce de l’arrivée certaine des hordes chinoises, Lamouroux demande à certains aéronefs de survoler la future zone de combat pour évaluer la progression des Jaunes grâce à un nouveau procédé technologique, le « télécinématographe » qui expédiera directement des images du terrain vers le centre de commandement. Après quelques heures d’attente, le «Montblanc », dans lequel ont pris place Pigeon et le narrateur, survole des masses infinies d’hommes jaunes en marche, des Chinois, à pieds, à cheval, des groupes, brandissant des têtes coupées au bout de lances, habillés à la moderne et munis d’armes perfectionnées, certainement fournies par les Japonais. La mission des audacieux «Voleurs» est remplie et nul ne songe à s’attarder au-dessus de cette mer mouvante et hostile, lorsque le « Donon », suite à une avarie, s’abîme à terre, immédiatement attaqué par les Jaunes, sous l’œil horrifié de leurs amis.
Vol.24 : le choc de deux races, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida
Bien que certains aéronautes se soient déjà suicidés, d’autres tombent aux mains de leurs ennemis. Impuissants, du haut des airs, leurs amis assistent aux cruels événements. Finalement, décision est prise de nettoyer le terrain, puisque les survivants n’ont, de toute façon, aucune chance d’en réchapper. Les grenades pleuvent au sol, éparpillant hommes et animaux. Le retour est morne et il faut la nouvelle de la mise en place de l’artillerie sur la rive gauche de l’Oural, qui constitue un goulet d’étranglement, pour que les défenseurs européens reprennent courage.
Puis, c’est la ruée chinoise au passage de l’Irtely. 300.000 Jaunes tombent, fauchés par la mitraille. Bien que l’hécatombe soit totale, les vides sont aussitôt comblés par de nouveaux envahisseurs. La supériorité technologique et militaire des Occidentaux se trouve largement dépassée par la supériorité numérique des Jaunes qui peuvent sacrifier des millions d’hommes à leur entreprise de conquête. Le massacre est tel que les Blancs ne peuvent sauver tous leurs blessés qui seront achevés par les Chinois en d’horribles souffrances :
« Mieux vaut mourir d’une balle dans la tête que d’être emmené par les barbares en captivité pour servir de jouet macabre à des populations féroces, qui se repaîtront de nos supplices. Car le Chinois, ne l’oubliez pas, ne fait pas de quartier aux prisonniers ! Il les martyrise par des tortures graduées. Vous ne voulez pas qu’on vous mette en croix, n’est-ce pas, ni qu’on vous découpe en dix mille morceaux la peau de tout votre être, ce qui demande plusieurs jours, le plus possible, naturellement ?... Vous ne tenez pas à ce qu’on vous crève les yeux, les joues, les seins, la gorge, les oreilles ; à ce qu’on vous coupe le nez, la langue, les paupières ; à ce qu’on vous arrache les dents, les cheveux, les ongles, à ce qu’on vous passe des fers rouges sous les bras et les jambes, à ce qu’on vous introduise sous la peau des rats qui chemineront à travers votre corps et mettront trois ou quatre jours à vous dévorer… ? »
A l’arrière, les fantassins français piaffent d’impatience : pourvu que l’artillerie leur laisse encore des adversaires sur pied ! Les munitions utilisées lors de ces massacres, sont spécialisées et spécifiques et l’on en consomme excessivement, à tel point que l’approvisionnement, en provenance de l’arrière et par trains, doit se faire de manière ininterrompue.
Les Turcs seront les premiers à souffrir d’un manque de munitions. Ceci est dû à l’action des Poscarié qui, faisant sauter les rails, privent la ligne de feu de projectiles. A terme, cela conduira à une catastrophe pouvant même mettre en cause la victoire des Blancs sur le terrain. Car sans munitions, les défenseurs seront obligés de battre en retraite vers Orenbourg pour s’y retrancher en attendant que les balles, obus et projectiles leur parviennent à nouveau.
Martin Dubois et nos amis se trouvent au cœur de l’engagement et menacés de toutes parts. Une charge de lanciers en leur faveur libère quelque peu la pression. Mais lorsque la barrière turque cède, c’est le sauve-qui-peut général, en dépit des aéronefs qui sillonnent le ciel et qui font de leur mieux. Les engagements se font maintenant à la baïonnette dans le froid, la nuit, le brouillard, le gel.Avec la neige qui se met à tomber, nos amis sont pris en tenaille, puis libérés à nouveau par une charge de cavalerie. Mais Martin Dubois, criblé d’éclats d’obus, tombe, blessé à mort. Pour ne pas être torturé par les Chinois, il supplie son journaliste de l’achever. Celui-ci obtempère, la mort dans l’âme.
Dans Orenbourg règne la confusion la plus totale, les blessés encombrent les rues par milliers et l’église Saint-Wladimir est transformée en lazaret improvisé. Le général Lamouroux ne décolère pas d’être ainsi trahi par les siens. Afin de ralentir la progression chinoise, l’on casse la glace du fleuve Oural. Pourtant la retraite vers Rostov s’imposera à court terme, la ville étant pilonnée sans cesse. Peu de temps avant cette prise de décision, une personnalité curieuse, un savant, le Dr. Essipof demande à voir le généralissime des troupes occidentales.
Vol.25 : A nous le choléra !, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
A leur grande satisfaction, le Dr. Essipof, si pacifiste d’allure, propose aux chefs de l’armée de cultiver et de répandre, en quelques jours, à partir d’un laboratoire improvisé et sans beaucoup de matériel, le germe du choléra parmi les Chinois, garantissant ainsi l’extinction de l’armée jaune. Il lui faudra trois jours pour cela.Avec l’approbation du général Lamouroux, et sans que Paris ne soit informé de la décision - pour éviter que les bureaucrates ne ralentissent l’action ! - Essipof, en compagnie de quelques autres médecins et de nos amis, au nord d’Orenbourg, dans une cahute d’apparence inoffensive, prépare sa mixture épidémique et la fait verser dans la source en connexion avec la nappe phréatique de la plaine.
Parallèlement, défense est faite aux soldats occidentaux de boire de cette eau : ils devront se contenter en un premier temps de neige fondue puis, plus tard, de l’eau de Choucha, en provenance de poches thermales des monts de l’Oural. Les résultats ne se font pas attendre ; vomissements, diarrhées et crampes couchent les Chinois au sol, qui sont incapables d’utiliser leur artillerie. Le « Montblanc », en surveillance, rapporte des images d’horreur , pourtant joyeuses pour les Blancs :
« Il y avait des morts à présent, par milliers. On les voyait étendus sur le sol, sans soins, tombés les uns à côté des autres, parfois en un tas désordonné. Ce n’était pas des alignements de cadavres que nous apercevions d’en haut ; c’étaient des grappes, de véritables grappes funèbres. A la distance où nous étions, entre neuf cents et mille mètres d’altitude, on ne pouvait percevoir un son. Mais les contorsions, les convulsions des moribonds suffisaient à nous montrer que les redoutables bactéries confiées aux eaux brunâtres de l’Oural s’étaient furieusement acquittées de leur mission sauvage. »
Bientôt, cependant, se produisent des événements bizarres. Des Français, buvant l’eau de Choucha, tombent malades à leur tour. Quelqu’un a dû répandre les germes du choléra dans cette eau, peut-être des Poscarié. L’enquête révèlera qu’un intendant russe s’est fait acheter par des Chinois et l’on sent derrière cette manœuvre la main de Wami. La réalité est plus effrayante, car c’est Essipof le responsable. Dans un souci d’équilibre morbide, il a voulu rester fidèle à son idéologie de « Niedoloviste » (Mécontent), qui demande une réorganisation totale de l’ordre mondial, mais qui ne pourra être jugé, puisqu’il s’est suicidé en se lançant du haut de la nacelle du Montblanc.
En attendant, l’infection se répand aussi chez les Blancs, affectant de plus en plus de monde. Tom Davis annonce qu’un train sanitaire, dirigé par miss Ada, est en route vers Orenbourg pour procéder à l’évacuation des moins atteints. Il y aura également à bord – divine surprise !- des munitions que M. Vandercuyp a fait acheminer par un navire affrété dans le port de Rostov.
La pression des Chinois, malgré l’épidémie, se fait insoutenable. Déjà, ils traversent le fleuve sur des radeaux improvisés. Miss Ada, avec ses infirmières, saluée comme il se doit par nos amis, ne restera pas longtemps à Orenbourg : il faut repartir au plus vite, après avoir fait le plein de malades, pour Rostov.
Vol.26 : le Train sanitaire, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
Le train étant apprêté pour le transport des cholériques vers Rostov, le départ fut donné. Miss Ada, ainsi qu’une vingtaine d’accompagnatrices, veillait au grain sous la direction de Brondeix, le médecin-chef. Des obus spéciaux de type soporifique, ayant endormis des milliers de Chinois, l’on se demandait quoi faire de tous ces ennemis à leur réveil. Les cosaques mirent en œuvre une solution simple, élégante et horrible : ils les égorgèrent !
En attendant, trois armés chinoises, l’une au Nord, l’autre au Sud, la troisième au centre, respectivement commandées par les généraux Vou, Dou et Tsou, convergeaient vers Orenbourg. D’après un jeune capitaine ennemi parlant français, ses compatriotes investiraient Moscou dans moins d’un mois.Le voyage vers Rostov, distant de 700 kilomètres d’Orenbourg, et malgré la sollicitude des jolies infirmières, vit le décès des malades les plus gravement atteints.
Peu de temps après le départ, se fit un arrêt en pleine campagne, sans cause apparente. Très vite, à l’horizon, les voyageurs virent apparaître une foule de moujiks en colère, menés par des prêtres orthodoxes, et ils entendirent de plus en plus distinctement un seul mot d’ordre : « Pas de cholériques à Rostov ! »Cette foule d’émeutiers, prêts à faire un mauvais parti aux Français s’ils persistaient dans leur désir d’aller de l’avant, ne put être tempérée que par l’arrivée d’un groupe de cosaques jouant le rôle d’intermédiaires.
Pourtant, eux aussi, avaient eu l’ordre le plus impérieux d’empêcher le train d’avancer. Malgré la protection de l’aéronef le «Montblanc », qui mitraillait les belligérants, le train dut reprendre le chemin inverse, en direction d’Orenbourg, les conditions de survie des malades devenant de plus en plus problématiques.
La mort du général Lamouroux et la menace qui planait sur miss Ada rendaient Tom Davis très pessimiste. Ce pessimisme devint du désespoir quand il apprit que sa jeune sœur Nelly était elle aussi atteinte du choléra, et devait décéder rapidement. De retour au point de départ, la situation ne s’était pas améliorée, au contraire. Les plaines étaient jonchées de cadavres infectés et les Chinois pesaient sur le dispositif de l’armée turque, de plus en plus défaillante. Pour couronner le tout, Tom Davis, atteint à son tour par le choléra, mourut de façon fulgurante, dans une cabane, à Perm, à peu de distance d’Orenbourg
Vol.27 : Désespoirs et vengeance, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
Le corps de Tom Davis fut brûlé à Niojnine le 7 avril 1938, au grand désespoir de Miss Ada, effondrée, malgré le soutien moral que lui prodiguait Pigeon. Dans le lointain, ils entendent des fusillades et voient venir vers eux une troupe de jeune soldats turcs qui leur apprennent que leur armée s’est fait soudoyer par les Chinois, achetée pour 500 piastres par tête, qu’elle a tourné casaque, se dressant dorénavant contre les Occidentaux, et qu’eux seuls, ne partageant pas cette trahison, leur sont restés fidèles. D’ailleurs, ils ont fait un prisonnier jaune qui semble impliqué dans la manœuvre. Avec stupéfaction, nos amis s’aperçoivent qu’il s’agit de Wami. Ce dernier, déversant un torrent d’injures sur leurs têtes, montrant sa haine à l’égard des Blancs, se coupant la langue plutôt que de continuer à leur parler, est tué par le général Lamidey, d’un coup de pistolet, son corps, dépecé par les Turcs et sa tête promené au bout d’une pique.
Enfin, le train repart, accompagné par le groupe de soldats fidèles, pour s’arrêter presque aussitôt : une rivière en crue a noyé les rails ; il est donc impossible de franchir l’obstacle. Mais impossible n’est pas turc ! Ceux-ci se mettent en deux files parallèles, pénètrent dans l’eau, et, au signal du commandant, soulèvent, en un effort prodigieux les rails, permettant aux Européens de franchir l’obstacle, avec la locomotive et ses voitures. Cet effort stupéfait le narrateur. Tout le monde réembarque. L’arrivée très lente, au-dessus d’eux d’un aéronef français, les met en joie. Ils sont sauvés ! D’ailleurs une voix venue du haut, leur demande de se préparer à monter à bord. Les Turcs, cependant, flairent un piège et dès que le dirigeable leur est accessible, ils le mitraillent à bout portant. C’étaient effectivement des Japonais qui, ayant pris le contrôle de l’engin, singeant les Occidentaux, s’apprêtaient à les enlever dans les airs.
Le train est très vite confronté à un nouvel arrêt, définitif celui-là : les rails et le ballast ont sauté comme résultat d’un sabotage opéré par les Poscariés, soutenu par les Japonais. D’un repli de terrain, les adversaires jaillissent soudainement.Talonnés par le gros de l’armée turque, assaillis par les saboteurs, harcelés par les Jaunes, les Blancs se sentent perdus. Mme Louvet, miss Ada, le Dr. Brondeix, Pigeon, le narrateur se trouvent aux mains de leurs ennemis, la tête mise dans une cangue, attendant la venue des trois maréchaux chinois qui décideront de leur mise à mort, certainement après d’atroces tortures.
Vol.28 : les Chinois à Moscou, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp couverture illustrée par Robida.
Les prisonniers avancent avec l’armée chinoise dont ils peuvent apercevoir l’ordonnancement. A l’arrivée des maréchaux, les troupes se rangent par bataillons. Au son d’une musique militaire cacophonique, les Occidentaux sont traînés devant les chefs. Dou leur explique qu’ils seront mis à mort lors de l’entrée des siens dans Moscou mais, qu’en attendant, ils seront gardés en vie pour s’imprégner de l’excellence des armées jaunes.
Pourtant, histoire de les mettre en appétit, trois des Turcs capturés avec eux seront suppliciés avant leur exécution immédiate : nez, oreilles et langue coupée font partie d’un programme qui se clôt sur une décapitation.Quant au Dr. Brondeix coupable, selon eux, d’avoir participé à la dispersion du microbe cholérique, il subira le supplice dit de « la promenade du rat », sous l’œil horrifié de ses amis et celui, ravi, de la plèbe jaune. Immédiatement marqué au fer rouge, on lui introduit un rat vivant dans ses blessures gonflées, lequel poursuivra tranquillement son chemin en grignotant les chairs du bon docteur :
« Alors le tortionnaire en chef entra en scène. Après avoir fait à Dou-y-Kou un salut obséquieux, il entr’ouvrit adroitement sa cage, de manière à laisser le rat s’échapper dans la première poche de chair qui se présentait.
Après toutes sortes de précaution la bête fut mise en contact avec la peau, dans laquelle l’aide venait de découper brusquement une ouverture, à la pointe d’un sabre. Le rat quittait aussitôt son panier et entrait en fonctions, car on vit le corps de notre malheureux compagnon sursauter et se tortiller dans une succession d’épouvantables douleurs. Le bourreau, fier d’avoir réussi son coup, lançait bientôt la cage en l’air, et d’un geste indiquait au maréchal que l’animal était à l’œuvre. Immondes Chinois ! Bêtes féroces indignes de porter le nom d’hommes, décidément ! Comment s’appelait donc le fou qui voulait démontrer dans je ne sais quel ouvrage, voilà des années déjà, la parfaite égalité des races humaines ? Il n’y a pas de races, disait-il, avec je ne sais quelles déclamations en guise de preuves à l’appui, il n’y a que des hommes !
Je crois que s’il eût été crucifié sur un chevalet, comme notre malheureux docteur Brondeix, nu sous le soleil d’avril, avec un rat vivant sous la peau, ce philanthrope paradoxal n’eût pas raisonné de la même manière. »
Ceci enchante les Chinois qui augurent qu’il mettra longtemps à mourir, trois jours dans le meilleur des cas !
De Volsk, au bord de la Volga, l’armée reprend sa route vers la capitale de la Russie. Wang-Tchao, parlant parfaitement le français, leur est spécialement attaché et les met en contact avec Takorikara, le principal interlocuteur qui rassemble des journalistes de Kobé, Pékin, Bangkok ou Ceylan.
Fasciné, le narrateur assiste, dans cette plaine sans aucune élévation, à un chef-d’œuvre de la stratégie chinoise, c’est-à-dire à la mise en place d’une colline artificielle formée par les corps de centaines de soldats, entassés les uns sur les autres, servant de marchepieds aux généraux désireux d’examiner les environs.
Pour fêter leur arrivée, les maréchaux permettent une représentation théâtrale dans laquelle se tortillent de nombreuses geishas au son d’une musique horrible aux oreilles des captifs. Suprême avanie : miss Ada et ses compagnes déguisées en chinoises aux petits pieds, sont traînées sur scène et moquées par la foule, aux accents d’une marseillaise caricaturale.
Wang-Tchao qui est tombé amoureux de la blanche miss Ada, propose un marché au journaliste à qui il est demandé de la convaincre en échange de la vie de cette dernière. Miss Ada refuse, car elle reste fidèle au souvenir de tom Davis. Enchaînés comme du vulgaire bétail, ils arrivent à Moscou, appelée Kitaïgorod, terme final de leurs souffrances.
Devant le Kremlin, sur la Place Rouge, les Chinois préparent la grande fête du lendemain où trois cents de leurs ennemis seront mis à mort dans les tortures les plus longues, les souffrances les plus atroces, sur des échafauds aussi variés que prometteurs. En guise de hors-d’œuvre, et pour s’ouvrir l’appétit, ils soumettent sans désemparer Mme Louvet au supplice de « la chemise de fer ». Sur le buste de la malheureuse est enfilée une sorte de cotte de mailles, aux multiples petits trous, extrêmement serrée, d’où s’échappent quantité de petits bourrelets de chair. La règle du jeu est simple : le bourreau tranche ces bourrelets, laissant Miss Louvet agoniser le plus longtemps possible, perdant son sang.
Vol.29 : Dans l’avenue des supplices, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida.
Miss Ada et ses compagnons seront forcés de voir ce triste spectacle. Il se poursuivra avec des décapitations rythmées par les sons des cloches du Kremlin. Wang-Tchao tente à nouveau de sauver miss Ada en la substituant à une autre jeune femme. Refus de la première. L’après-midi est agrémenté par le supplice des « serpents d’eau ». Ligotées, la peau nue, des femmes blanches se voient appliquer, étroitement serrés autour d’elles, des tuyaux d’arrosage remplis d’eau bouillante et dont l’effet est garanti pour guérir définitivement des rhumatismes, le tout sous les injures et les lazzis des Jaunes. La nuit, s’élèvent des chants de triomphe autour des gibets. Miss Ada, en proie à une ultime tentative d’enlèvement (ou de sauvetage) de la part de Wang-Tchao, n’en supporte pas plus. S’emparant d’un poignard, elle se le plonge dans la poitrine.
Pas assez profondément, hélas ! car elle n’en meurt pas. Frustrant les maréchaux de leur vengeance, elle sera immédiatement suppliciée, tant qu’elle est encore en vie. Pendant que de jeune Chinois lui enfoncent des clous rougis au feu dans les talons –histoire de la faire réagir !-, on allume tout autour d’elle des fagots pour une bonne flambée. Elle mourra en quasi-sainte, devant le maréchal Dou, à l’instar de Jeanne d’Arc à Rouen.
Vient le tour du supplice de Pigeon. Lui, ainsi que le narrateur, munis de mors crasseux qui les empêchent de s’exprimer, sont sommés de creuser leur propre tombe. Le journaliste, dont la mise à mort est prévue en dernier, assiste à l’agonie de Pigeon dont on découpe le dos et le ventre en fines lanière de peau et de viande que l’on donne à manger à des chiens. Finalement, la tête de ce dernier sautera sous le coupe-coupe terriblement aiguisé d’un bourreau fier de son œuvre. Le tout sera disposé dans la tombe, dans le plus parfait désordre :
« Avec un « han ! » de bûcheron le tortionnaire enfonce l’arme terrible dans le cou de l’écorché.
–Hao to ! crie encore le populaire.
Mais ce n’est pas fini. La tête a roulé en bas du tréteau. L’un des galopins l’a ramassée et renvoyée comme une balle ensanglantée au bourreau, qui la fait sauter plusieurs fois dans ses mains avant de l’envoyer à son destinataire, le maréchal Dou. Le hideux guerrier la prend, la considère, ricane, lui adresse des insultes que répètent Tsou et Vou. Après quoi le maréchal jette la tête dans la tombe ; les aides y portent le corps qu’ils laissent tomber pesamment. »
En ce qui concerne notre héros, avant qu’il ne soit décapité, et étant donné qu’il a été jugé coupable d’avoir répandu pendant si longtemps de si mauvaises nouvelles pour le peuple jaune, des tortures préalables et inventives ont été mises en place.
D’abord, on le pend, à cinq reprises, le relâchant au bord de l’asphyxie, ce qui lui permet d’apprécier la difficulté du passage dans l’autre monde. Puis, on lui enfourne de grosses allumettes enflammées dans les narines, ce qui l’asphyxie également, le fait éternuer, lui monte au cerveau, lui fait un mal de chien, etc. etc.
Ensuite, on l’enterre, la tête à fleur de sol. Alors qu’il croit être arrivé au bout de son martyre, il s’aperçoit (encore) qu’il n’en est rien. En effet, le bourreau lui fait sur une autre, une démonstration du dernier délice qui l’attend : avec une petite cuillère, on lui fera sauter proprement l’œil (les deux !) hors de leur orbite. Aveuglé, réduit à rien, le condamné attend le coup de grâce.
Vol.30 : la Fin d’un cauchemar, Albert Méricant éd., 1908, 1 fascicule broché, in-quarto, 32pp. couverture illustrée par Robida
C’est à ce moment précis que le narrateur se réveille. Angoissé, avachi, reprenant lentement le contrôle de lui-même, secoué par son domestique chinois qui ne comprend pas ce qui lui arrive, il doit se rendre à l’évidence: il a été la victime d’un atroce cauchemar. Ayant beaucoup de mal à se réadapter à la réalité, il se rappelle enfin qu’il est attendu au mariage de Miss Vandercuyp (Miss Ada) avec le sergent Tom Davis, en présence de nombreuses autres personnalités, comme son patron Martin Dubois, et qu’il se trouve à La Haye en cette occasion. D’ailleurs, son collaborateur Pigeon, trouvant qu’il est bien long à s’habiller, tambourine à la porte, ce qui achève de le réveiller.
Aussitôt après, ils se dirigent ensemble vers l’église, puis, après la cérémonie, vers la sortie, où les jeunes mariés défilent sous la voûte d’acier. De là, ils se rendent dans le hall de restauration où doit se dérouler le repas de noces, ce qui laisse le temps au narrateur de conter longuement à son ami Pigeon les détails, les caractéristiques et modalités diverses de son affreux rêve. Pigeon lui fait remarquer, qu’en effet, ils ne sont pas en 1937 mais en 1907, que « l’An 2000 » n’existe pas, contrairement au « Figaro » ou au «Petit Parisien », que l’invasion jaune n’a pas eu lieu (du moins pas encore!) ainsi que la guerre du sorbet qui a dressé la France et l’Angleterre contre la Prusse, même si cette dernière est menaçante, et que la conférence de La Haye recèle bien des dangers.
Les personnages qu’il a rencontrés dans son odyssée cauchemardesque avaient revêtus les oripeaux de la réalité. Ainsi Wami ressemblait étrangement au délégué japonais M. Tsoukouba et Jim Keog au commodore américain Clayton. De même, le « War insane Asylum » était le titre d’un tableau fixé au mur. Lors de la promenade digestive faite en compagnie de Pigeon, les deux amis se rendent compte que le matériau de ce rêve est si riche qu’il pourrait fournir le sujet d’une œuvre romanesque. Aussitôt dit, aussitôt fait. Ils prennent le temps, dans une auberge de hasard, de coucher sur le papier l’intrigue et les événements oniriques qui constitueront le corps d’un roman-feuilleton « la Guerre Infernale », destiné à être publié dans les journaux, formant ainsi le tableau d’une vision prémonitoire de l’avenir :
« Dans mon cas, je vois déjà se dresser en un faisceau toutes les invraisemblances du rêve, et pourtant au milieu de ces invraisemblances un fil conducteur apparaît…
-L’idée de la guerre future.
-C’est clair. Qu’avions-nous fait à La Haye depuis un mois? Enregistré les dires de plénipotentiaires qui ne parlent que de la paix. Il est tout naturel que notre esprit, tendu depuis un mois sur l’idée de paix, soit accueillant à l’idée de guerre.
-Absolument (…) A La Haye, si l’on n’a parlé que de paix, on n’a pensé qu’à la guerre. Le point de départ de votre cauchemar est logique. Les excellents vins du banquet vous avaient incité à rêver. Vos préoccupations de chaque jour ont déterminé le leit motiv du rêve. C’était la guerre, et la guerre infernale que les Conférences de La Haye cherchent à rendre moins cruelle –sinon impossible-, la guerre que nous ne verrons pas, j’espère, mais qu’on verrait dans quelques années, si quelques fous s’avisaient de la déchaîner sur le monde. »
conclusion:
La « Guerre infernale », écrite par Giffard, illustrée par Robida, sans que l’on sache exactement la part de l’un et de l’autre, (l’on se rappelle que Robida est aussi l’auteur du «Vingtième siècle » et de « la Guerre au Vingtième siècle), est l’archétype même du genre « guerres futures ». Débité en livraisons hebdomadaires, durant trente épisodes, le roman-feuilleton, qui va atteindre une taille respectable, développe l’ensemble des thèmes que l’on retrouvera ultérieurement dans ce type d’écrit.
Autant dire qu’il est exemplaire. Ecrit avec une indéniable qualité dans le style, le roman évoque les conséquences d’une guerre à venir, d’abord européenne, puis mondiale. Dans les premières années du vingtième siècle, avec les développements de la technologie militaire, la menace, de plus en plus pesante, que constituait la Prusse, se cristallisent les inquiétudes de 14-18 en littérature, comme l’a magistralement démontré I.F Clarke avec son ouvrage (non traduit) « Voices prophesying war, future wars (19763-3749)»
En ce sens, la « Guerre infernale » porte les traces et les stigmates des idéaux, des préjugés et des valeurs qui furent ceux de nos arrières grands-parents, ceux d’une société occidentale encore en plein essor colonial, et que les deux guerres qui suivront n’avaient pas encore mise à genoux.Le discours y est donc triomphant, dominateur, xénophobe et raciste. D’abord la « guerre des sorbets », appelée ainsi en raison du motif futile qui l’a initiée, et qui rassemble les protagonistes de deux camps : les Prussiens et leurs alliés, les Italiens d’un côté, la France, l’Angleterre et la Russie, de l’autre. Tous les coups seront permis. Cette guerre sauvage et monstrueuse entre Blancs, s’appuyant sur l’arrogance des Prussiens, affaiblit le rayonnement européen. Elle n’est pourtant qu’un hors-d’œuvre, une sorte de mise en bouche, puisque le corps de l’ouvrage décrit un conflit entre les Européens et les Japonais, entendez entre les Blancs et les Jaunes. A cette occasion, même les Américains, qui avaient fait cause commune avec les Prussiens, retournent leur veste en reconnaissent leur erreur et rejoignent l’entente blanche.
D’ailleurs, leur territoire est envahi dès le début par les infiltrés de la cinquième colonne, ces immigrants jaunes de Californie. Le véritable nœud du conflit est ailleurs : c’est celui du « Péril Jaune», quand les masses énormes de Chinois s’ébranlent en direction de l’Occident et, épaulées par la technologie japonaise, désirent envahir nos pays. La mort n’est rien pour eux, semble-t-il. Un inépuisable réservoir d’hommes, riche de plus de quarante millions d’individus, déferle en hordes serrées, à travers les steppes mongoles et sibériennes, à l’assaut de la Russie blanche. Les Jaunes y sont décrits en fonction de l’image qu’ils dessinent dans la fantasmatique blanche : fourbes, cruels, inhumains, au réflexe de fourmis, se délectant des tortures, capables de se suicider et de mourir sur commande.
Le thème du « Péril Jaune » ne cesse de parcourir la littérature conjecturale du siècle. Tous les romans, apparentés à notre domaine l’évoquent, roman ou roman-feuilleton, rendu palpable dans les écrits des Pouvourville, Kistenmaekers ou autre Lermina. Les Européens y ont naturellement le beau rôle : ils sont intelligents, humains, sensibles et munis des dernières inventions technologiques, canons démesurés, aéronefs hyper-rapides, bactéries nocives, cultivées avec soin en vue d’éradiquer industriellement l’ennemi.
Sans discussion, ils représentent le Bien. Le racisme et la xénophonie, dont ils administrent la preuve à chaque instant, apparaissent comme des évidences, tellement les «nègres » les « métis » et les autres « sang-mêlés » leur sont naturellement inférieurs, comme si la couleur de leur peau signait irrévocablement leur demi-humanité. On sait aujourd’hui les conséquences qu’a produites cette attitude dominante en notre début du XXIème siècle.
La guerre, aussi. La barbarie y est dépeinte, difficilement soutenable parfois, sans concession, crue ou brutale, mais si nécessaire ! « L’ingénieur von Satanas » n’est pas loin. Blessés, traumatisés, charniers, explosions, membres épars, suicides, tortures, s’accumulent au fil des pages, jusqu’à la nausée. Il n’est guère que le capitaine Danrit qui les dépasse dans la description de l’horreur avec sa somme indigeste qui évoque la «Guerre de demain ».
Politiquement, l’œuvre est conservatrice. Faisant leur la pensée de Goethe pour qui « l’injustice est préférable au désordre », les auteurs abreuvent d’injures les "Poscariés", ou révolutionnaires russes, prêts à mettre à bas leur pays pour réclamer une nouvelle constitution. Non seulement ils perpètrent un crime inouï en assassinant le tsar Nicolas II, non seulement ils paralysent leur gigantesque pays avec une grève générale, mais surtout ils empêchent la victoire de l’Occident sur les hordes jaunes en faisant sauter tous les ponts ferroviaires censés acheminer munitions et canons pour les vaillants défenseurs de la « Muraille blanche », dans les contreforts des monts de l’Oural. Ingrats, bêtes à mourir avec leur volonté de nuire, honnis et à mettre au ban de la société, voilà comment sont vus les « Poscariés », dont le traitement devrait être équivalent à celui des Jaunes.
Enfin, ceux qui ont le beau rôle dans cette épopée guerrière, sont les journalistes et, d’une façon plus générale, la Presse, seul « média »comme l’on dirait aujourd’hui, capable de transmettre rapidement les informations en provenance du front, informations non censurées, bien sûr. Le héros du récit est l’un de ces journalistes –dont on ne saura jamais le nom comme si cela n’avait aucune importance – qui, avec son collaborateur Pigeon et avec son excellent patron, M. Martin Dubois, relate sans désemparer les événements de l’héroïsme occidental.
Si l’intrigue est soutenue, et souvent relancée selon la manière propre au roman-feuilleton, les personnages principaux hors du commun, comme ce Wami, tortionnaire japonais de nos héros, la critique des « vieilles badernes » de l’armée présente mais discrète, la « lenteur » des bureaucrates et autres politiques quelquefois dénoncée, il n’en reste pas moins que la fin est décevante, car irréelle : toute cette aventure n’était qu’un rêve ! Un cauchemar, plutôt, dont s’éveille le narrateur après un repas trop bien arrosé. Une telle chute, souvent utilisée dans la procédure romanesque – une manière de fuir la difficulté structurelle d’une « fin » appropriée-, représente le maillon faible d’un récit qui, malgré sa longueur, présente aussi d’indéniables qualités littéraires, le rendant encore lisible aujourd’hui.
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La Fin Des Livres - Par BenF
Un petit groupe de gentlemen, après avoir assisté à une conférence du savantissime William Thompson à la Royale Institution de Londres où celui-ci évoqua le sort futur et funeste de notre globe, se retrouva pour un dernier verre au Junior Atheneum Club. Chaque participant y alla de sa propre vision du futur, utopique ou pessimiste, selon le cas. Le narrateur, sommé de s’exécuter lui aussi pour ce qu’il pensait de l’avenir du livre et des écrivains, jeta un pavé dans la mare en annonçant leur fin prochaine :
« Si par livres vous entendez parler de nos innombrables cahiers de papier imprimé, ployé, cousu, broché sous une couverture annonçant le titre de l’ouvrage, je vous avouerai franchement que je ne crois point (…) que l’invention de Gutenberg puisse ne pas tomber plus ou moins prochainement en désuétude comme interprète de nos productions intellectuelles. »
Basé sur l’égoïsme et la paresse du lecteur, la mutation se fera de l’œil à l’oreille, de l’écrit à l’auditif, grâce à la technique :
« Je me base sur cette constatation indéniable que l’homme de loisir repousse chaque jour davantage la fatigue et qu’il recherche ce qu’il appelle avidement le confortable. (…) Je crois donc au succès de tout ce qui flattera et entretiendra la paresse et l’égoïsme de l’homme ; l’ascenseur a tué les ascensions dans les maisons, le phonographe détruira probablement l’imprimerie. »
Toute oeuvre sera désormais gravée sur cylindre et déclamée:
« Il y aura des cylindres inscripteurs légers comme des porte-plumes en celluloïd qui contiendront cinq ou six cents mots et qui fonctionneront sur des axes très tenus qui tiendront dans la poche ; toutes les vibrations de la voix y seront reproduites ; on obtiendra la perfection des appareils comme on obtient la précision des montres les plus bijoux. »
L’écrivain deviendra un narrateur, l’éditeur sera un «storygraphe », le bibliophile un « phonographophile » et les bibliothèques des « phonographothèques ». Les œuvres enregistrées les plus recherchées seront celles où l’auteur lui-même déclame avec sensibilité et émotion. Et cette révolution concernera tout et tous. Le monde savant, mais aussi le peuple, la multitude à qui il sera donné d’écouter et de se procurer les enregistrements , à petit prix, à tous les carrefours de la ville, dans les gares, les salles d’attente, et les transporter dans leurs poches, grâce aux miracles de la miniaturisation :
« Il se fabriquera des phono-opéra graphes de poche utiles pendant l’excursion dans les montagnes des Alpes ou à travers les canyons du Colorado. »
Quant aux illustrations et images imprimées elles seront remplacées par les merveilles du « kinétographe », dérivé de l’invention d’Edison, où « des tranches de vie », fictives ou réelles, satisferont le goût de tous. Enfin les nouvelles du jour et de la presse pourront être avantageusement consultées par un consommateur délicieusement allongé dans son lit, et qui n’aura plus à tourner fastidieusement de grandes pages froissées. Et le narrateur de conclure qu’il s’agit là d’une évolution inéluctable et proche et que nul ne regrettera la disparition totale et absolue du livre imprimé :
« Il faut que les livres disparaissent ou qu’ils nous engloutissent ; j’ai calculé qu’il paraît dans le monde entier quatre-vingt à cent mille ouvrages par an, qui tirés à mille en moyenne, font plus de cent millions d’exemplaires, dont la plupart ne contiennent que les plus grandes extravagances et les plus folles chimères et ne propagent que préjugés et erreurs. Par notre état social nous sommes obligés d’entendre tous les jours bien des sottises ; un peu plus, un peu moins, ce ne sera pas dans la suite un bien gros excédent de souffrance, mais quel bonheur de n’avoir plus à en lire et de pouvoir enfin fermer ses yeux sur le néant des imprimés ! »
Une autre petite échappée sur le futur de la part de l’écrivain et romancier de génie, Albert Robida. L’on ne sait ce que l’on admirera de plus ici, de la justesse de sa vision, où de son ironie en face d’une situation de disette culturelle à venir. L’éradication du livre qu’il entrevoit – crainte encore partagée il y peu par bon nombre de nos savants contemporains- si elle ne semble pas exister dans la réalité est pourtant bien un état de fait lorsque l’on sait, qu’en France par exemple, 90% des lecteurs se contentent de déchiffrer des étiquettes des boîtes de conserve.
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Un Chalet Dans Les Airs - Par BenF
Le «Chalet dans les Airs» présente un épisode cataclysmique dans ses chapitres douze et treize.
M. Cabrol, en voyage autour du monde en aéro-chalet avec ses deux neveux, en profite pour faire une halte sur l’île d’Astra, au milieu de l’océan. En réalité un bout de terre appelé le Sixième continent, situé en plein Pacifique, reste d’un morceau de planète qui, jadis, avait heurté la terre.
M. Cabrol évoque l’événement :
« Et lorsque le bolide, éclairé d’une flamme sinistre, commençait à monter au-dessus de l’horizon, un grand cri s’élevait au-dessus des foules, qui, dressées brusquement, se mettaient à fuir de tous côtés pour chercher des refuges illusoires, n’importe où, au fond des bois, derrière une taupinière quelconque ou même dans les caves des maisons.(…) Le monstrueux bolide tournait toujours plus près, plus près ; on distinguait des détails à sa surface, des hérissements de montagnes et des creux où sinuaient des filets brillants qui devaient être des fleuves ou des ruisseaux. Il arrivait dans un grondement effrayant d’ouragans et d’orages qui roulaient sans arrêt depuis des semaines….
Et tout à coup, ce fut la fin. Un matin, je me rappelle, le soleil ne se leva pas, ou plutôt ne put percer l’épaisse couche de nuages noirs qui couvrait toute la nature ! (…) Pendant des heures, frémissements du sol, roulements, grondements des orages sans fin, zigzags aveuglants des éclairs »
Il s’ensuivit un séisme gigantesque, des raz-de-marée énormes, le délitement des régions côtières du continent américain :
(…) des raz-de-marée terrifiants ravagèrent les côtes américaines du Nord et du Sud ; les eaux achevèrent de rompre sur tous les points faibles l’isthme de Panama, du Yucatan à Costarica, dévastèrent des régions, firent éclater toutes les chaudières volcaniques de la côte et ruinèrent des centaines de villes, des côtes asiatiques sur l’autre rive, en Chine et au japon, jusque dans les mers glaciales du Nord, où le Kamtchatka souffrit particulièrement ; il en était de même également pour les côtes australiennes ou les passages du pôle Sud. »
La chute du bolide réchauffa même les océans, ce qui fit périr les bêtes en grand nombre :
« Tout le fond des océans bouleversé par la chute d’Astra, les mers chaudes jetées sur les côtes, réveillant les volcans, établissant des courants fous qui, débordant les vieux chemins habituels, s’en allaient assaillir les barrières glacées du Pôle, vers le Kamtchatka , où de douzaines de volcans flambèrent et sautèrent à leur tour, ou bien, par les brèches de panama, gagnaient les rivages d’Europe et s’en allaient s’attaquer aux banquises du Spitzberg.(…) C’est ainsi qu’un mois ou deux après l’événement, tant de cadavres de bêtes inconnues à nos pays s’en vinrent échouer sur nos côtes. »
Le cataclysme passé, le monde put s’enorgueillir d’une terre nouvelle, en plein milieu du Pacifique, ce qui n’alla pas sans susciter de nombreuses convoitises.
Ce petit épisode cataclysmique enchâssé dans un merveilleux conte pour enfants, dévolu aux merveilles de la technologie (l’aéro-chalet, le téléphonoscope, le remodelage des terres de la vieille Europe malmenée par la pollution, les repas –et les vins- en pilule, etc…) prouve que Robida , l’anti-Jules Verne, ne peut s’empêcher d’exprimer ses craintes habituelles à l’égard du futur (voir à ce sujet « La guerre au Vingtième Siècle »)
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Fabius Molinas, rentier et patriote, n’hésita pas à s’engager lorsque son pays, en proie à une attaque traîtresse, se trouva menacé. Il rejoignit rapidement l’aéronef «l’Epervier» comme canonnier de 2 ème classe, ce qui lui valut de participer à l’assaut d’une série de blokhaus roulants, immobilisés dans le brouillard artificiel répandu par les «brouillardiers ». Prenant dans la foulée le commandement d’un de ces blokhaus, il bombarda la place-forte ennemie en démantelant les brigades territoriales féminines chargées de la protéger. Investissant la ville, il dut son salut au fait qu’il était allé se reposer en une cave profonde.
En effet, la contre-offensive s’avéra terrible. Les chimistes ennemis, bombardant la ville avec des gaz, tous les habitants de la cité seront asphyxiés, sauf Fabius Molinas. Finalement, La ville délivrée par des «torpédistes» amis, Molinas se trouva projeté dans un fleuve :
« Les torpilleurs embusqués dans les cirrus et nimbus à 3000 mètres de hauteur, laissèrent les premières ombres du soir descendre sur la ville, puis actionnant leurs propulseurs, ils se précipitèrent des hauteurs du ciel et, parvenus à bonne distance, lancèrent leurs terribles torpilles. Subitement la ville arrachée de ses fondations se boursoufla, craqua et sauta en l’air. »
S’immisçant chez l’ennemi, Il sème la terreur dans le camp des chimistes en faisant exploser un container rempli de miasmes :
« Tout s’est écroulé dans la salle du conseil, généraux, médecins, soldats, tous sont tombés subitement et se tordent sur le sol, en proie à toutes les maladies déchaînées par l’action de Molinas. Des épidémies s’abattent sur l’armée ennemie et portent leurs ravages en trois minutes dans un rayon de quinze lieues. Grâce au tampon de son casque de chimiste, Fabius, qui avait fait le sacrifice de sa vie, en est quitte pour une formidable rage de dents. (…)
Disons tout de suite que les hôpitaux ennemis eurent à soigner 179 549 malades civils et militaires, et que, du mélange de tous les miasmes, naquit une maladie remarquable et absolument nouvelle. Cultivée par les médecins de l’Europe entière, elle est aujourd’hui connue sous le nom de fièvre molineuse, du nom de son inventeur, et l’endroit où elle prit naissance est resté fort insalubre. »
Avec les félicitations du général et une promotion à la clé, il reprend du service comme mitrailleur-pompiste, participant de très près au carnage sur le champ de bataille principal; grâce à lui, les médiums ennemis, qui suggéraient télépathiquement aux soldats la reddition sans conditions des forts du front, sont rendus à l’impuissance.
Voilà que la flotte sous-marine se prépare à ravager nos côtes. Molinas, détaché à la marine comme ingénieur-torpilleur sur le «Cyanure de Potassium», provoque la destruction de quantités de mines ennemies. Attaqué par les «Ravageurs», des cuirassés à grande vitesse, Molinas, avec ses amis scaphandriers, abandonne le torpilleur, remonte à pied le fleuve et surgit en pleine bataille.
Là, il se rendra encore utile en détruisant les liaisons téléphoniques entre camps ennemis. La guerre se terminera pour lui après qu’il eut participé à une grande bataille aérienne au-dessus de la Méditerranée, puis l’Atlantique, enfin sur le sol d’une de nos colonies africaines. Pour finir en beauté, il épousera Melle Dolorès, une charmante Mexicaine de Mexico, lieu où, malencontreusement, s’échoua son torpilleur.
Un court récit, amusant et picaresque, provocateur et ironique dans son évocation d’une guerre future. Robida reste le grand maître de l’anticipation sociale du XIXème siècle. Ce récit fait écho aux éléments guerriers distillés dans le « XXème siècle » « la Vie électrique » et la «Guerre infernale», dont la lecture est hautement conseillée.
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La nature même des Anglais purs produits du sol et de la géographie les conduisit à leur perte :
« La création de l’île d’Angleterre fut décidée par le Créateur pour séparer les Anglais des autres nations.»
Isolationnistes et colonialistes à la fois, « ils construisirent des navires cuirassés et inventèrent les canons Amstrong à longue portée. » En 1890 leur puissance est à son maximum, ayant colonisé le monde entier, ils avaient mis sous tutelle le Canal de Suez, apporté leur aide à la Chine grâce à une consommation forcée de l’opium, envahi l’Afrique et l’Océanie avec deux inconvénients majeurs, le premier étant que
« par suite de cet amour invétéré de la race pour la navigation, peu à peu, les extrémités inférieures des dames anglaises s’allongèrent jusqu’à prendre des formes et des proportions de petites chaloupes » , et le deuxième que
« le seul inconvénient était de mettre la nation anglaise sur les dents. Il n’y avait presque plus d’Anglais en Angleterre.»
Quatre colonisés, ayant fait leurs armes sous de faux noms en Angleterre, jurèrent sa perte totale. Ils y avait : Nana-Sahib, Maadi l’Evanqui, Arabi l’Egyptien, Cettywayo le Zulu et ils se servirent pour cela de la faiblesse de Gladstone qui avait confié la garde du pays à des troupes étrangères douteuses. Tout commença par le massacre de Portsmouth où sautèrent des cuirassés, suivi par des attentats au Caire, à Calcutta, au Cap et de l’insurrection des populations du Congo. Lorsque des vaisseaux ennemis apparurent dans le port de Douvres, Gladstone fit appel aux réservistes. Ils ne purent cependant contenir la révolte des troupes coloniales basées sur le territoire anglais.
A Portsmouth, en accord avec les Asiatiques, fut organisée l’armée d’invasion devant remonter jusqu’à Londres. Les voies ferrées furent occupées. De Guildford partirent des hordes de cavaliers afghans résolus à se venger. Avec les débarquement des 10 000 Egyptiens qui laissent Douvres en feu derrière eux, les navires cuirassés d’Arabi remontèrent la Tamise en bombardant les avant-postes anglais.Attaqués de partout, les Anglais seront aussi traqués dans leurs colonies :
« Des myriades de petits torpilleurs sortis des ports de l’Amérique et montés par des Irlandais ou des coolies chinois harcelaient ses grands navires cuirassés. »
Lourds et lents en face de leurs rapides ennemis, les navires de guerre anglais sautent les uns après les autres tandis qu’est attaquée la station navale de Gibraltar. Avec des armes nouvelles, des « obus à dynamite perforants », le canal de Suez fut rendu libre à la navigation et le rocher de Gibraltar rasé.
L’inde entière se soulève, réduisant les poches de résistance anglaise et nomme un gouvernement autonome. En Afrique, Maadi libère la région des Grands lacs. Au cap, l’attaque par les Boers et les Hottentots coïncide avec la bataille de Wimbleton et la prise de Londres. La capitale anglaise doit faire face à l’armée de Nana-Sahib, des troupes montées sur dromadaires croisant à l’arrière des lignes, grâce à leur parfaite connaissance du terrain et au brouillard. Les cipayes, appuyés par les cuirassés de la Tamise, pénètrent dans le parc de Richmond. Les Zulus montent à l’assaut, aidés par les Néo-Zélandais, tandis que l’armée anglaise se trouve scindée en deux par l’action savante des radjpoutes. Avec la destruction du Palais de Cristal, dès midi, tout est perdu. Sydenham est prise, ce qui sonne la retraite dans les faubourgs londoniens. Les ponts sautent un à un ainsi que des quartiers de maisons.
Alors qu’une furieuse attaque se déroule sur le pont de Westminster, des batteries sont mises en place dans Oxford et Regent Street. Dans la Chambre des Lords dont les barricades ont cédées, attaquée conjointement par les africo-océano-asiatiques, se déroulent des scènes d’une grande atrocité :« Le mobilier parlementaire, les bancs, les tables formèrent un immense brasier devant lequel on fit cuire les lords les plus dodus. Telle fut la fin du coupable mais infortuné Gladstone. »
Lorsque les Asiatiques bombardent la cité, trouant Saint-Paul et la Mansion-House avec des obus à la dynamite, à six heures du soir, lorsque tout Londres flambe, la puissance anglaise a vécue. Cela devait sonner comme un avertissement pour la vieille Europe. La force des Asiatiques et des Africains sera sans faille puisque la science européenne est passée en eux.L’Angleterre, avec Londres réorganisée aux mains du Lord-Maire Cettywayo, deviendra la première colonie africo-asiatique :« Tout indique hélas ! qu’avant peu nous aurons à défendre le sol européen contre les hordes sorties des flancs féconds de la vieille mère Asie.» Enfin, le sort de S.M. la reine Victoria fut semblable à celui de Napoléon. Assiégée à Windsor, elle fut transférée à Jersey avec le musée Tussaud, la dernière terre anglaise du globe.
Une vision hallucinée, une charge féroce et des prémonitions étonnantes, rendent ce court texte de Robida exemplaire de la haine qu’inspira l’Angleterre à la France au début du XXème siècle.
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" Il pleuvait depuis si longtemps que l’on ne savait plus si cela durait depuis quarante jours, quarante fois quarante jours, ou peut-être quarante ans ! Toutes les contrées de la terre achevaient de disparaître sous les eaux. (…) Seules les montagnes d’une taille considérable émergeaient encore dans l’immensité des océans en train de se réunir, et l’eau commençait à soulever la quille de l’arche que Noé avait construite au sommet d’un large plateau rocheux. "
Monsieur Noé avec sa petite famille prévoit toute l’organisation de l’arche, embarquant minutieusement les couples d’animaux prescrits par le Seigneur. Madame Japhet est une ronchonneuse qui n’hésite pas à se débarrasser des puces qui l’incommodent en jetant leur petite cage à la mer, au grand déplaisir de M. Noé. Puis, ce serait au tour du lion, jugé trop dangereux. Heureusement le mari de Mme Japhet veille. Aidés par la petite Zirba et Azib, ses enfants, ainsi que de toute la famille Sem, ils récupèrent les cages. Madame Japhet est vertement réprimandée.
Le déluge perdure. Il faut s’occuper des animaux, cela fait toujours passer le temps. Sortir l’ours, le tigre, le lion de leurs cages en évitant qu’ils ne s’agressent, se servir de l’éléphant pour promener les lourdes charges, donner à manger à tous les animaux (du foin essentiellement), voici le lot quotidien des navigateurs. Le repas constitue une agréable diversion. La famille Noé n’hésite pas à subtiliser leurs œufs aux poules et autres oiseaux pour battre une bonne omelette.
Les très grosses bêtes posent problème : comment s’occuper des mammouths, ptérodactyles, atlantosaures, zanglodons ? Tâche difficile s’il en est, qui sera résolue lorsque, lors de disette alimentaire, le choix se portera précisément sur ces grandes bestioles qui passeront à la casserole. Voilà pourquoi, aujourd’hui, ils ont disparu du globe. M. Noé entretient soigneusement son livre de bord et note toutes les variations du temps, y compris les moments de grosse tempête lors desquelles l’arche manque d’être engloutie. Les singes, toujours turbulents, provoquent une révolution à bord en s’échappant de leurs cages. Ils mettent à sac l’arche, se livrant à toutes sortes de pitreries qui fâchent beaucoup le patriarche. Heureusement , les autres animaux, soucieux d’ordre, aident à mater la révolte. Manquant à nouveau de couler par la faute des singes, ils seront sauvés en se reposant sur un banc compact de harengs le temps de se livrer au calfatage indispensable.
Par une belle matinée, ils aperçoivent enfin la terre. En débarquant, ils sont assaillis par des sauvages qui mettent M. Japhet à la broche. Des cannibales ! Délivré in - extremis -, remonté dans l’arche, Japhet, avec Noé et Cie, se rendent compte que celle-ci a dérivé en abordant le continent américain. Comme le disent si bien Cham et Japhet :
" Nous devons retourner vers nos montagnes de Judée, retrouver notre pays pour recommencer le monde… Il faut nous dépêcher de lever l’ancre et mettre à la voile rapidement ! "
Mais comment regagner le Moyen - Orient ? Comment remettre l’arche à flots ? Questions angoissantes résolues avec brio. Tirée par l’âne, le cheval et de nombreux autres animaux, poussée par l’éléphant, les chameaux, les tigres, etc., l’arche munie de roues en bois cahote vers la mer. Cette fois - ci, ils repartent dans la bonne direction. Peu après avoir mis le cap à l’Est se dessine une nouvelle terre. Miracle ! C’est le mont Ararat, destination finale de la famille Noé où de vastes projets attendent nos amis. Mais, chut ! il ne faut pas déflorer une suite aussi palpitante…
Robida, avec sa verve habituelle, livre une version romancée du mythe à l’usage des enfants. Version biblique avec laquelle il prend quelques libertés, mais c’est pour la bonne cause.
Le roman n’en est pas moins amusant et léger. Est-il cataclysmique ? A vous d’en juger. Pourtant, le déluge, rappelez-vous…
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L'ingenieur Von Satanas - Par BenF
Deux prologues ouvrent le récit. Dans le premier, le diable, empruntant la personnalité du moine Schwartz, présente à l’abbé Gotlieb dans l’abbaye de Fribourg, sa dernière invention (diabolique) : la poudre à canon. Nous sommes en l’an 12…
Dans le deuxième, c’est l’ingénieur Von Satanas qui vient tenter les parlementaires de la paix réunis à La Haye. La science et le progrès allaient enfin établir la paix universelle, lorsque juste avant le banquet de clôture et après la signature du traité, comme l’on allait boire à l’amitié éternelle entre les peuples, les plans du nouveau moteur d’aéroplane et la composition chimique ou microbienne de nouveaux obus présentés par von Satanas séduisirent énormément. Cet ingénieur ressemblait étonnamment au moine Schwartz…
Au moment où s’ouvre le roman, le narrateur, Jacquemin, est en train de dériver sur un débris, entraîné par les courants, vers la côte hollandaise. Ayant fait partie de l’expédition Hutchinstone pour l’exploration du pôle Nord, en 1914, il était de retour en 1929 quand le bateau sur lequel il regagnait l’Europe, fit naufrage.
Il ne resta d’ailleurs pas longtemps seul sur son épave, rejoint par un autre survivant, le jeune et sympathique Marcel Blondeau, de retour d’une île du Pacifique, et qui lui aussi eut le malheur de sauter sur une mine. Unissant leurs efforts, ils s’interrogent sur l’origine de ces engins meurtriers responsables de leur malheur, sur l’absence de phares le long des côtes, sur la désertification des routes marines.
Alors que leurs vivres diminuent, ils accostent enfin sur une plage sablonneuse, truffés d’objets ressemblant à s’y méprendre à des bombes ayant fait long feu et parsemées de ruines, ce qui témoignerait d’une incontestable violence. Soudain ils furent abordés par une petite troupe de gens au visage couvert d’un masque à gaz qui les entraînèrent vers un abri souterrain. Sans qu’ils le sachent encore, l’on venait de leur sauver la vie. Bien que surpris par l’aspect grotesque et les habits en lambeaux de leurs sauveteurs, ils prirent le temps d’écouter le chef du groupe, un certain Danois, le Dr. Christiansen, leur indiquer la cause de leur affreuse situation :
" La gueuse de Science, l’horrible gueuse ! répète le Danois.
-Mais, permettez, fis-je abasourdi, permettez… pourquoi ce blasphème ?
-Eh ! vous devez bien vous en douter !
Sans elle serions-nous terrés dans ces ruines, en péril de mort par asphyxie, avec d’autres dangers nous guettant de tous les côtés : écrabouillements par mines, torpilles, explosions…,
Ecrabouillements venant du ciel par avions… diffusions de maladies épidémiques par boîtes à miasmes, ou grenades à microbes de haute virulence…etc., etc., que sais-je !… "
Et les responsables en sont les Allemands, les " Boches " :
" -Vous avez dit gaz boche, que signifie Boche ? C’est un terme scientifique nouveau ?
-Non ! Boche, l’horrible Boche, le Boche anthropomorphe des tribus germaniques prussifiées, les Boches de la barbarie scientifique, enfin !… les nouveaux Huns, dirais-je, si je n ‘étais certain, ce disant, de calomnier Attila, qui n’avait pas la férocité hypocrite et savante, lui… "
L’abri souterrain où ils se terrent en attendant que se dissipent les "gaz boches" au-dessus de leurs têtes, appartient à un certain monsieur Vandermolen, un pacifique et jadis riche cultivateur de tulipes. C’est là, à Harlem en Hollande, à proximité de La Haye, tout proche du Palais de la Paix, devenu forteresse des " Boches ", qu’ils subissent les attaques répétées de Prussiens utilisant tous les artefacts de la technologie moderne, bombes chimiques et bactériologiques, gaz asphyxiants et paralysants, lancés par aéroplanes ou par canons à longue portée. Par manque de prudence de la part des autres nations, les Boches ont envahi, écrasé, désertifié l’Europe :
" Au lieu de couper radicalement les griffes du monstre et de lui casser soigneusement les dents, on se contenta de les rogner légèrement, avec douceur et délicatesse… Faute capitale ! Funeste mansuétude, dont l’Univers tout entier subit aujourd’hui les conséquences effroyables !… L’Allemagne refaisait avec une hâte fébrile son matériel de guerre, le décuplait en le perfectionnant. "
Aujourd’hui vainqueurs mais réduits en nombre, ils en sont à leur dernière extrémité belliqueuse gardant jusqu’à la fin qui est sans doute proche, leur faculté de nuisance :
" -Horreur des horreurs !
-Gesta diaboli per Germanos ! dit Jollimay (…) Ah ! cette Allemagne que nous admirions naïvement et bêtement, nous laissant prendre à sa fausse façade, camouflée avec tant d’art . Hélas ! (…) la docte Allemagne ! Gretchen aux blonds cheveux effeuillant la marguerite de la Science ! Pour nous, à part les Hohenzollern, au fond de la Prusse, à part un clan de hobereaux et de militaires bismarckiens, il n’y avait que la docte Allemagne, la douce, familiale et scientifique Allemagne ! Et nous ne l’apercevions pas, chargeant ses canons derrière un rideau protecteur de poètes suaves et de braves savants à lunettes, préparant son arsenal satanique, accumulant ses moyens d’agression, de meurtre et de pillage. "
Les seuls endroits sûrs qui permettent d’échapper aux bombes de toutes sortes sont les abris, les " terriers " qui ont vu naître une nouvelle civilisation préhistorique :
" Eh bien, est-ce que tout ne vous semble pas préhistorique ici ? Est-ce que nous ne vivons pas dans des espèces de cavernes comme les hommes des premiers âges ? (…) Ah ! comme la comparaison tournerait à l’avantage des premiers hommes ! Ah ! Comme ils y perdraient de vivre avec nous, les braves gens des cavernes préhistoriques, qui n’avaient à craindre que l’ours ou quelqu’autre honnête bétail dépourvu de malice, quasi-inoffensif à côté du bipède scientifique et "kulturé " d’aujourd’hui !… (…)
Les populations qui dans les premières années de la guerre générale ont échappé aux écrabouillements par explosifs, aux intoxications par les nappes de gaz, par les couvercles de vapeurs mortelles, aux infernales projections de flammes, d’acides ou de miasmes, se sont enfoncées dans le sol. On vit sous terre, on creuse la glèbe aussi profondément qu’on le peut, la bonne vieille terre nourricière de jadis, on fouille l’argile, la pierre ou le roc. "
L’abri qui les a accueilli regroupe des ressortissants du monde entier. Christiansen présente à Jacquemin et Blondeau, quelques-uns de ses compagnons d’infortune : Miraud, l’aviateur français, à qui il manque le bras gauche, Bustamente, lieutenant d’infanterie péruvienne et Felton le grenadier néo-Zélandais, Mohamed Bamoko le tirailleur sénégalais, un géant avec une main en crochet et son ami Kuomang, le fils d’un mandarin de Hué, Gibson, ancien milliardaire américain et Démétrius Manoli le Roumain ; enfin et surtout Mme Vitalis, une Parisienne à la jambe de bois et sa fille Jeannne, une délicieuse demoiselle qui n’a jamais connu que la vie des terriers. Autant dire que le Boche est l’ennemi du genre humain :
L’Europe !… Rappelez-vous les photographies de la Lune qui nous montraient un astre en démolition, au sol criblé de trous, de cratères écornés et effrités… Eh bien, s’il y a des astronomes dans la lune, c’est exactement ce qu’ils doivent voir chez nous maintenant ! Sans doute la lune a passé par les mêmes horreurs que nous, il s’y sera trouvé quelque race de proie, des Boches lunatiques, pour tout dévaster et saccager jusqu’à extinction complète et définitive !… Dans notre Europe bouleversée, il n’y a plus que des tranchées. Ces tranchées, qui zigzaguent à travers tous les pays, qui sillonnent, coupent, découpent et recoupent plaines et montagnes, c’est depuis longtemps déjà la seule manière de labourer la pauvre terre que connaisse l’Européen !… Les fronts, je ne dirai pas des armées, il n’y a plus d’armées, mais des peuples tout entier en armes, les fronts se pénètrent et s’enchevêtrent, amis et ennemis pêle-mêle les uns dans les autres. (…)
Ces révélations provoquent l’effondrement moral de Jacquemin, frappé d’horreur devant l’effrayant cataclysme. A cause des Allemands, le monde entier a régressé. A cause d’eux, à cause de leur science traîtresse, la civilisation humaine à été réduite à néant :
" Au pilori, la science ! Certes, la guerre de tout temps fut quelque chose de triste et d’horrible, mais notre science est venue, et elle a centuplé…que dis-je, " centimilluplé " les horreurs et les terreurs de la guerre, elle a développé, multiplié, généralisé les possibilités et les facilités de massacre, à toute distance et aux plus longues portées…
Elle a tellement changé et aggravé les conditions des luttes de nations, si affreusement gâté la guerre, enlaidi, sali hideusement l’horreur, que les guerres d’autrefois ne semblent plus que de simples bousculades un peu vives , la bataille d’autrefois un geste d’héroïsme brutal…. "
Habillés avec des lambeaux de peaux, armés de massues ou d’arcs, mangeant des rats ou les lapins des dunes, n’enlevant leurs masque à gaz qu’à de rares occasions, les troglodytes s’obstinent à survivre malgré tout. Ils ont tous été dupés par l’Allemagne, par son sentimentalisme, par ses " Gretchen ", alors qu’elle ne songeait qu’à utiliser la science en un but de mort, en s’aidant des microbes :
" Quel travail !… Préparation des cultures infectieuses, étude des ferments et des virus, élevage et trituration en grand nombre de tous les microbes, de tous les bacilles susceptibles de transmettre les pires maladies et de faire éclater les épidémies, dosage des produits de nos bouillons de culture arrivés à point, pour les charger en torpilles miasmatiques, en bombes, boîtes, fioles, tubes, pastilles, etc."
La vie dans les terriers est bien organisée. Alors que Jeanne et sa mère s’occupent de faire pousser de rares salades, les hommes partent, quand cela est possible, en expédition. Dans l’environnement en ruines, tous les monuments sont à terre, les bois dévastés, les dunes bouleversées. On y court à la chasse aux rats ou au ramassage des rares escargots. Et lorsque une rencontre s’établit avec d’autres survivants c’est pour s’échanger de pauvres médicaments, des tisanes ou des décoctions contre le typhus ou le choléra.
Avec le temps, les terriers ont été arrangés du mieux possible et Jeanne possède même des fragments de miroirs pour ménager sa féminité. Tous regrettent le temps d’avant, celui de l’abondance et des chefs-d’œuvre.Aujourd’hui, de tous les chefs-d’œuvre détruits, seul un fragment de la toile de Franz Hals " Banquet de la garde civique " subsiste, restauré par M. Vandermolen, fièrement accrochée dans les ruines.
La recherche de nourriture demeure leur occupation principale. Quelquefois, des prises d’exception améliorent l’ordinaire, comme celle du jour où Bamoko revint avec un cheval errant capturé dans les dunes. En étant nourri il fournira dans quelques temps des réserves importantes de nourriture.Pour cela, il faut aller au fourrage. Un groupe, parti en ce but, tombe sur une horde à l’apparence préhistorique menée par un véritable géant. Pas de panique ! Ce sont de braves pêcheurs de Noorderick commandés par leur bourgmestre qui leur indique la direction de Leyde.
Se faufilant entre les cratères de bombe et les marmites enterrées, ils se reposent un instant dans un village où ils feront la connaissance de Yamoto, aviateur japonais reconverti dans le tir à l’arc qui les accompagnera dans leur entreprise. Le soir tombant, ils devront chercher un abri pour y passer la nuit. Une monstrueuse forteresse roulante hors d’usage dans laquelle vit un Bulgare (allié des Allemands) dégoûté par la guerre, servira en ce but :
" Dans le petit brouillard mouillé du matin, notre ruine de forteresse roulante se dessinait de façon impressionnante et dramatique, dominant un vaste et sinistre paysage de dévastation, où tout était ravage et ruine, le sol crevassé, éboulé, rempli d’aspérités, de trous et de cicatrices, avec des traces blanches ou rouges de fermes ou de villages évaporés, disparus à jamais, les eaux répandus par flaques, les ruisseaux au cours changé, stagnant ça et là dans des trous, les arbres décapités, invalides amputés et disloqués, qui s’obstinaient à vivre tout de même, poussaient de nouvelles branches et garnissaient de feuillage leurs misérables moignons déchiquetés. "
Une bande de loups sentant la chair fraîche les traquera toute la nuit. Yamoto et ses compagnons en tueront un grand nombre mais au petit matin on ne trouve plus trace des cadavres : les loups tués auront été dévorés par leurs congénères.
De retour avec le fourrage, ils découvrent que Blondeau – qui ne les avait pas suivis – avait réinventé le flirt à l’âge des terriers, poétisant auprès de Melle Vitalis qui, d’un naturel gai et optimiste malgré la situation, avait non seulement gagné son cœur mais aussi celui de Miraud, établissant entre eux deux une saine émulation à son sujet.
Les nouvelles fraîches sont très difficiles à obtenir en ce temps de " guerre totale " , selon le concept de Luddendorf :
" La Guerre scientifique à longue distance, à l’aveuglette, ne peut plus faire de distinction entre civils et belligérants, tout le monde vit en plein dans les mêmes dangers, partout et toujours, dans la fournaise infernale commune, et je distingue chez tous la soumission à l’inéluctable, le fatalisme résigné, cette forme nouvelle et si triste du courage. "
Pourtant à la Haye, le Palais de la Paix qui résistait encore semble être à bout de forces : les Boches brûlent leurs dernières cartouches ! Mystérieusement avertis par l’instinct, les survivants des terriers se regroupent, se préparent à l’assaut final avec leurs arcs et leurs flèches, leurs massues et leurs casse-tête. Pour que la bataille suprême ne soit pas trop sanglante, il faudrait faire taire définitivement les canons. Pour cette dernière fois, le Dr. Christiansen consentira à utiliser la science par la mise au point d’une invention jalousement sauvegardée jusque là, les " Rayons Herziens " qui, en faisant exploser la poudre noire, délivreront définitivement les hommes de l’emprise de l’ingénieur von Satanas. Le roman se conclura avec Miraud, entonnant " la Marseillaise " légèrement modifiée :
" Voici tous les obus toxiques
les suffocants, les asphyxiants,
Torpilles et bombes chimiques,
L’Enfer lâché sur les vaillants !
(bis)
Et sentez-vous dans nos campagnes,
Les nappes de gaz empoisonnés
Venant jusque sous notre nez,
Asphyxier nos fils et nos compagnes !
Aux armes, citoyens,
Assurez vos baîllons… "
" L’Ingénieur von Satanas " paru en 1919 est le plus rare des ouvrages d’Albert Robida. Et le plus sinistre. Ses visions pessimistes du futur, développées dans " le Vingtième Siècle" mais surtout dans " la Guerre au Vingtième Siècle " et, avec Giffard, dans " la Guerre infernale ", intuitions géniales, trouveront ici leur réalisation. La science, source de progrès infini chez Jules Verne, toujours regardée avec méfiance par Robida, devient dans ce roman " cette gueuse de science ", le rêve d’une société mécanisée et d’une vie facile ayant été brisé par la mystérieuse adéquation (qui ne peut être que d’essence satanique) entre la science et la dévorante ambition des Prussiens (les Boches ) rendus seuls responsables du carnage :
" Voyez tous à l’œuvre la hideuse Allemagne,
Hideuse dans son âme, hideuse en ses forfaits,
Son Kaiser qu’on dirait vomi par quelque bagne,
Ses princes procrées par l’Enfer tout exprès (…)
Appétits monstrueux de quelques brutes féroces, d’une caste de féodaux en fringale de richesses et d’avantages, de théoriciens du massacre productif, de hauts seigneurs de la grande industrie et de la finance affamés de milliards et de puissance… A table pour le festin ! à table ! "
La description de la vie dans les " terriers " est calquée sur celle des tranchées. La lutte pour la survie des individus s’enracine dans un décor minutieusement reconstitué. Aucun détail de la vie quotidienne ne sera laissé de côté : agencement des lieux, difficulté de subsister, de s’habiller, les blessures du corps, les atteintes épidémiques, la crasse, la pauvreté, la misère, la mort, lot quotidien des défenseurs de Verdun. L’agressivité et le désespoir véhiculés dans le récit est à mettre en parallèle avec ceux de Méric dans " la Der des ders " et ceux d’autres romans – non conjecturaux- de Malaparte et de Dorgelès. " L’Ingénieur von Satanas " entonne le chant du cygne d’une Europe défunte et de sa future éclipse de la scène de l’histoire. Un livre prémonitoire composé par un utopiste d’une valeur inégalée.
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