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Livres

  1. Type: livre Thème: l’apocalypse réalisée Auteur: Pierre Paul PARADIS Parution: 1895
    Le poète désire faire partager sa vision de l’apocalypse qui se présente sous les traits communs de l’eschatologie chrétienne. Son tableau est traversé par des images romantiques et modernistes. Comme si cette vision était trop horrible pour être appréciée de près, il est enlevé sur la planète Vénus :
    « La distance à Vénus est incommensurable.
    Jamais je n’eusse pu voir l’étoile admirable
    Sans l’électricité.
    Parvenue sur la nue un courant électrique
    Donna de tels élans au tourbillon magique
    Qu’en l’astre il m’a porté. »
    A l’instar de la Terre, Vénus possède des villes, des arbres, des palais mais apparaît déjà condamnée :
    « Le temps allait finir sa course séculaire.
    La sombre éternité, s’avançait sans mystère, (…)
    Déjà la fin des temps, ce spectre au front livide,
    S’abattait sur Vénus comme une hyène avide. »
    Des guerres sanglantes, des malheurs de toutes sortes se font jour :
    « Le soleil obscurci n’éclairait la nature
    Que par des jets sanglants rougissant la verdure ;
    Des tonnerres affreux, d’horribles tremblements
    Faisaient sécher d’effroi tous les êtres vivants. »
    Elles contrastent avec les périodes heureuses d’avant où la planète était féconde, où
    « Rien ne venait voiler l’éclatant horizon.
    Les plaisirs les plus doux doraient chaque saison ;
    Tout respirait l’amour sur cette étoile blonde. »
    Avec l’apparition du prophète de la mort, l’Antéchrist, qui fascine les foules :
    « Son règne s’étendit comme un nuage noir
    Quand un sombre ouragan éclate sur le soir
    Et déchaîne les vents et l’éclair et la foudre. »
    D’autres désastres suivront comme les blés qui se dessèchent, le soleil qui s’obscurcit, la famine, les désordres sociaux et les crimes, la guerre de tous contre tous. Les éléments naturels ajoutent à ce tableau sinistre : cyclones, ouragans, ciels ensanglantés, grondement des mers :
    « Sur le funèbre lit, tombeau des nations
    On eût dit le réveil des générations.
    Tout annonçait, hélas ! les derniers jours du monde.
    Les peuples cependant sur ce volcan qui gronde
    Bâtissaient des cités et des chemins de fer,
    Essayant de jouir encore en cet enfer.»
    Aussi, lorsque les hommes (tiens ! ne sommes-nous donc pas sur Vénus ?) s’obstinent à vivre comme ils le peuvent, le poète, témoin à un mariage digne d’un enterrement, voit venir un messager de la mort, annonciateur de la fin :
    « Chacun vers son foyer avec effroi s’élance;
    L’écho devient sonore ; un silence imposant
    Règne alors dans les airs pendant quelque moment ;
    Un poids lourd pèse aussi sur tout ce qui respire ;
    Tout se tait, nulle brise au-dehors ne soupire,
    Et la nuit est profonde ; une intense chaleur
    Se fait sentir et jette une morne stupeur. »
    Les signes se multiplient dans le ciel, les bêtes sauvages cherchent un refuge auprès des hommes, des églises et des temples volent en éclats, des cratères bouillonnants s’ouvrent sous les pieds. Au dernier moment, le poète, menacé dans sa chair, est enlevé par un ange et ramené sur notre planète. Depuis, sa vision le hante.
    Peu de science-fiction dans ce long poème à but apologétique mais une description de la fin du monde tellement précise et circonstanciée que nous l’avons pensée digne d’être inscrite à notre répertoire.

  2. Type: livre Thème: guerres futures 1, péril jaune et guerres des races Auteur: Maurice SPRONCK Parution: 1894
    En 2105 de l’Ere chrétienne, la commune d’Orléans fêta «l’Ere de la Raison et du Socialisme». Les réjouissances publiques servirent de témoignages à l’entrée de l’Europe au sein de l’âge d’or. On honora la science et la culture. Grâce au savant Claude Mouillaud, le père de l’alimentation artificielle, plus personne ne meurt plus de faim. Les femmes ont accédé à un haut niveau de responsabilité.  La citoyenne Paule Bonnin, première magistrate de la ville, préside aux jeux dont le thème est la reconstitution réaliste des siècles barbares. Grâce à l’électricité, chacun peut se déplacer à sa guise en tricycle, car seule compte en ces temps merveilleux le culte de l’esprit. C’est pourquoi Paule Bonnin est une femme énorme, obèse, incapable de de marcher sur ses propres pieds :
    «Comme la plupart des ses contemporains ou contemporaines, la fâcheuse obésité l’avait frappée fort jeune, et elle n’avait pas tardé à atteindre une amplitude qui, dans une civilisation moins parfaite, lui eût rendu l’existence impossible. Un système de corsetage savant la cuirassait des genoux jusqu’aux épaules, comprimant les cuisses, refoulant le ventre, étayant la taille, ramenant la poitrine, soutenant les bras (…) Les yeux et le front seuls avaient une beauté puissante, pour ainsi dire spirituelle. »
    Déshabitués de l’exercice physique, tous les citoyens ont une grosse tête sur un corps débile ou contrefait. L’Etat, disparu au profit des Communes  grâce aux avancées difficiles vers un progrès que ponctuent la Révolution française et la République, a répandu l’instruction obligatoire et rendu la guerre hors-la-loi.  Pourtant, quelques soubresauts historiques, comme le règlement du problème de «l’Alsace-Lorraine», ont quand même provoqué quatre millions de morts. Le « Mécanisme » appuyé sur l’énergie électrique produit donc une surabondance de richesses qui amène, après l’instauration de la journée de deux heures, la fin du travail :
    « Devant l’abondance et la surabondance des richesses, la journée de huit heures, par la force seule des choses, ne tarda pas à se réduire à six, à quatre, puis à deux heures ; bientôt même la moindre assiduité quotidienne devint superflue (…) A la fin, on jugea plus simple pour ces corvées, d’entretenir collectivement un certain nombre d’ouvriers chinois ; et, comme il était à craindre que la présence de ces étrangers constituât un péril, chaque commune se composa par prudence une milice de mercenaires musulmans ».
    Le sentiment de la Patrie avait disparu. En ces temps idylliques subsistaient encore quelques ombres au tableau. Le suicide sera considéré comme une forme normale de mort. Les femmes refusent de subir des grossesses. Les campagnes se dépeuplent au profit des villes, les faibles survivent en fragilisant la société. L’emploi des excitants artificiels (opium, alcool) est légitime. Bien que les criminels gardent toujours une propension au crime, la société les fait vivre dans le confort dans le but de les rééduquer.
    C’est alors que l’Islam bouge et s’étend à toute l’Afrique, l’Asie et l’Inde. Un Islam ignorant, pauvre, fanatique et barbare. En face d’une Europe pacifiste, les prêches en faveur du Jihad se multiplient,  ainsi que les actes de piraterie en Méditerranée. En 2092, les Maures entreprennent, pour un prétexte futile, la reconquista de l’Andalousie. Les Espagnols terrifiés entament des pourparlers, tout en appelant le reste de l’Europe à leur secours. Mais, les citoyens étant libres, l’enrôlement des volontaires eut peu de succès. Ainsi, la prise de l’Espagne ne fut même pas une guerre, seulement une prise de possession. Cadix, qui tenta de résister, sera rayée de la carte par l’émir Ali-El-Hadji, et les survivants mis en esclavage. Les Arabes, dans un élan magnanime, épargneront  ceux qui embrasseront la religion musulmane. Comme la crise perdure, l’Europe inquiète, après bien des parlottes, créa les «Missions Modernes», sortes de délégués philanthropes censés venir en aides aux Communes menacées. Parade illusoire puisque le sultan les éradique en faisant décapiter les meneurs.
    En 302 de la nouvelle ère, le successeur Ibrahim-El-Kébir, reprend les projets d’invasion. Taciturne, d’une intelligence moyenne, mais ardemment mystique, il fédère les Musulmans du monde autour de lui, se proclamant le descendant du prophète. L’Europe croit encore au Droit alors que les Arabes ne connaissent que la violence. Ils débarquent en Italie puis dans le sud de la France. Conjointement, du côté asiatique, les Balkans et la Russie sont investis. L’Asie et l’Afrique déferlent sur l’Europe, faisant plier les Municipalités. Les anciennes milices musulmanes, chargées de défendre les Communes, fraternisent avec les envahisseurs. Une armée européenne, mise difficilement sur pieds, cède dès les premiers engagements , près de Lyon, hantée par la cruauté supposée des arabes. Mise en déroute, elle laissera la voie libre aux barbares dont les massacres provoquent de nouvelles épidémies :
    « Pour comble, des épidémies disparues depuis des siècles, le typhus, la variole, la peste, arrivèrent à la suite des hordes asiatiques. Brusquement tirées des réceptacles lointains où ils sommeillaient éternellement (…) Les horribles fléaux parcoururent en moins d’un mois l’étendue de l’immense champ de bataille. (…) Les cadavres pourrissaient en plein air, sur les routes ou dans les maisons abandonnées, créant ainsi sans cesse des foyers d’infection contagieuse. Mais, tandis que, chez les envahisseurs, les vides se comblaient continuellement par de afflux d’immigrants nouveaux, certaines régions envahies, ou près de l’être, se dépeuplèrent en quelques jours, sans que nul, dans le désarroi universel, songeât à secourir les sinistrés. »
    Les Communes cèdent les unes après les autres, le suicide  en commun d’Européens devient la norme et le cannibalisme se répand. Lorsque les Arabes atteignent la Commune d’Orléans, celle-ci n’est plus qu’un monceau de décombres fumants. Finalement, Ibrahim touche les rivages de la mer du Nord :
    « Dieu est au-dessus de nous ; et il m’a conduit pas la main, moi Ibrahim, jusqu’aux confins de l’espace, pour exterminer les Infidèles qui méprisent la parole sainte, et qui s’adonnent aux vaines sciences puisées dans les livres, à la mollesse et à l’oisiveté. Au nom de la foi unique et vénérable, j’abolirai les derniers vestiges de leur infamie et de leur corruption ; j’abaisserai dans la poussière cette race de chétifs et d’énervés, et je partagerai les riches royaumes qu’ils détenaient entre les forts et les braves ; je réduirai à l’oubli l’enseignement pervers dont ils se faisaient gloire ; je détruirai les monuments de leur luxe ; et je bâtirai à la place des milliers de sanctuaires éternels, d’où la prière montera vers les cieux. »
    L’Europe n’existe plus :
    «Heureux et fiers de leur force, inconscients de leur servitude, de leur ignorance et de leur misère , inaptes aux merveilleuses subtilités de l’esprit moderne qu’ils dédaignent faute de le comprendre, ils se vantent d’avoir anéanti l’Europe ; ils s’y installent, s’y organisent et s’y multiplient avec la fécondité des races inférieures. Et le plus intelligent d’entre eux serait incapable de citer les minéraux dont se compose Sirius… Les barbares ont reconquis le monde. La civilisation est morte. »
    « L’An 330 » se présente comme une nouvelle intelligente, terrible et cruelle de lucidité , relative au destin futur d’une hypothétique société européenne.  Avec le temps, nous pouvons estimer à quel point ce qui apparaissait comme pure spéculation de Spronck, devient d’une grande actualité aujourd’hui. La faillite des valeurs républicaines, le morcellement social, l’égoïsme individuel, l’écroulement des idéologies, la résurgence d’un Islam conquérant, conduisent naturellement à une vision guerrière où des Musulmans règnent en maîtres absolus sur une Europe dévastée, préoccupation reprise surtout par des écrivains d’extrême-droite tels que Philippe Randa (Poitiers Demain)  ou René Sédillot (La France de Babel-Welche)

  3. Type: livre Thème: épidémies Auteur: Charles EPHEYRE Parution: 1892
    Le professeur Bakermann, savant passionné par les microbes, les collectionne, les étiquète, les bichonne, les élève. Ses ambitions – hormis le fait de boire des bocks avec ses amis  Rodolphe Muller, César Pück et Valérian Grossgold -  est de créer une race de microbes résistants et invulnérables. Après d’acharnées recherches, il atteint son but en transformant le microbe du beurre rance en un petit monstre. Il le baptise du nom de " Morti-fulgurans ". Lui-même est immunisé, mithridatisé, résistant à tous les microbes connus et inconnus, y compris le Morti-fulgurans.
    Ce n’est pas le cas de Mme Joséphine Bakermann épouse aigre, mégère non apprivoisée et jalouse de surcroît. Soupçonnant M. Bakermann de quelque liaison avec une ancienne servante, elle fouille son laboratoire pour y découvrir des preuves de sa trahison sans se douter qu’elle s’infecte avec le nouveau microbe pendant que M. Bakermann vide des bocks. Elle meurt au bout de trois heures des résultats d’une contamination foudroyante.
    M. Bakermann, atterré, y reconnaît l’activité du Morti- fulgurans. Par acquis de conscience il fait appeler le Dr.Rothbein qui prétend que la mort est causée par l’influence pernicieuse d’un microbe du Dahomey, le "koussmi-koussmi ".
    " Il examina quelques instants la malade et secoua la tête d’un air navré. -  Eh bien ? —Ah ! mon pauvre ami, du courage, du courage ! - Mais quelle est cette affreuse maladie ?  osa dire Bakermann. Rothbein réfléchit un instant ; puis, après un nouvel examen minutieux : Ca, dit-il, c’est une maladie extrêmement rare, qui ne se voit presque jamais en Europe : c’est le koussmi-koussmi du Dahomey. -Vraiment ! " dit Bakermann. "
    L’infection se répand comme une traînée de poudre,  d’abord dans la bonne ville de Brunnwald, puis de proche en proche, jusqu’à Berlin, Munich, et de là à travers le monde :
    «La rapidité avec laquelle se développait ce microbe maudit empêchait toute mesure préventive. Point de quarantaine possible. Plus d’entraves aux frontières. En douze heures, avec les chemins de fer à vapeur surchauffée, on va de Cadix à Saint-Pétersbourg. Ce n’est plus comme au XIXème siècle où l’on faisait péniblement 60 kilomètres à l’heure. Aussi en une nuit, l’Europe entière fut-elle empoisonnée. La ville de Brunnwald, à moitié anéantie, Berlin, Vienne et Munich comptant déjà quelques cas de mort et probablement infectées en tous les points ; Paris, Londres, Rome, Saint-Pétersbourg envahis, sans qu’on puisse arrêter l’invasion, et en quarante-huit heures l’humanité anéantie, tel était le bilan de l’heure présente. (…)  
    La désolation régnait. Chacun se répétait que la fin du monde vivant était venue. Un grand nombre d’individus, préférant une mort rapide aux angoisses d’une douloureuse et invincible maladie, s’étaient tués pour échapper à la mort. Toutes les affaires étaient suspendues. Plus de chemin de fer, plus de bateaux, plus de police, plus d’administration. Quelques crimes furent constatés. C’étaient des gens, ordinairement pacifiques, qui, affolés, reçurent à coups de revolver des fournisseurs qui essayaient de pénétrer chez eux. La sauvagerie humaine, latente en nous tous, avait repris le dessus. Le monde civilisé, si fier de sa civilisation, était redevenu barbare comme aux premiers temps de l’humanité. On reculait à l’époque de la pierre polie, même au delà. "
    Le professeur Bakermann se sent responsable du désastre. Ira–t-il se dénoncer ? A quoi cela servirait-il, surtout s’il reste le dernier être humain vivant sur terre ? Etant le seul à être immunisé contre son microbe, il se met au travail pour trouver une parade. Et il la trouve. Il suffisait de mettre le corps infecté en contact avec de "l’énergie électrique positive" pour que Morti- fulgurans (alias koussmi-koussmi) soit tué. En expérimentant son procédé sur ses amis buveurs et menacés, il prouve au monde son éclatante réussite. L’humanité reconnaissante lui élève des statues. Bakermann comblé, riche et libéré de son épouse savoure de nouvelles bières et sa victoire sans nuages.
    Une petite nouvelle injustement oubliée  pleine d’ironie et d’un humour noir qui n’est pas sans entretenir quelques rapports avec celui des dadaïstes.

  4. Type: livre Thème: menaces idéologiques Auteur: Marcel SCHWOB Parution: 1891
    Description d’une révolution menée par des fanatiques, à l’aide de machines, dans une époque future. L’aspect farouche des révolutionnaires, leur mentalité les mettant à l’écart du reste des humains, impitoyables et zélés missionnaires le jour, assassins la nuit, les transforme en monstres mythologiques. Quand la nuit survient, la Révolution se met en marche :
    « Les grands édifices tremblèrent, brisés par en-dessous ; un roulement jamais entendu franchit la terre d’une seule onde; les flammes montèrent comme des fourches saignantes le long des murs immédiatement noircis avec de furieuses projections de poutres, de pignons, d’ardoises, de cheminées, de T en fer, de moellons ; les vitres volèrent, multicolores, dans une gerbe d’artifices ; des jets de vapeur crevèrent des tuyaux, fusant au ras des étages ; les balcons sautèrent, tordus ; les laines des matelas rougirent capricieusement comme des braises qui s’éteignent, aux fenêtres distendues ; tout fut plein d’horrible lumière, de traînées d’étincelles, de fumée noire et de clameurs. »
    La cité en flammes n’épargne pas les lieux de culte et des hordes pitoyables poursuivies par les masses sans âme des insurgés, fuient devant les machines à tuer:
    «Ces machines galopantes s’arrêtaient de porte en porte ; des formes vagues s’en détachaient et entraient dans les maisons. Elles sortaient, chargées deux à deux de paquets liés et gémissants. Les hommes du brasier enfournaient régulièrement, méthodiquement, dans l’âme d’acier les longs ballots humains ; pour une seconde on voyait, projetée à l’avant, saillissant jusqu’au ressaut des épaules, une face décolorée et convulsée ; puis l’échancrure du disque excentrique tournoyant rejetait une tête dans sa révolution ; la plaque d’acier restait immuablement polie, lançant par la rapidité de son mouvement un cercle de sang qui marquait les murs vacillants de figures géométriques. Un corps s’abattait sur le pavé, entre les hautes roues de la machine ; les liens se brisaient dans la chute, et, les coudes étayés sur le grès dans un mouvement réflexe, le cadavre encore vivant éjaculait un jet rouge. »
    Seuls deux visages d’enfants innocents, survivants de l’horreur, visibles dans les ruines, seront capables d’insuffler une once de pitié dans l’esprit farouche des assassins :
    « le sourire des enfants s’élargit, et fut une révélation ; la pitié descendit en eux. Et, les mains sur les yeux, pour ne pas voir tous les yeux terrifiés des morts, tous les yeux qui n’étaient pas encore couverts de paupières, ils descendirent en chancelant du rempart d’hommes égorgés qui devait entourer la Cité nouvelle, et s’enfuirent éperdument, dans les ténèbres rouges, parmi le fracas des machines qui galopaient. »
    Un texte d’orfèvre du style intimiste qui, à travers les touches impressionnistes où dominent les éléments visuels, extrait l’essence même de l’horreur du crime cachée au cœur des grands bouleversements sociaux.

  5. Type: livre Thème: guerres futures 1 Auteur: Adrien PERRET Parution: 1891
    La bataille navale qui décida du sort de l’Allemagne se déroula près de Héligoland et dura deux nuits sans que la victoire ne fût acquise. L’approche de l’escadre française provoqua l’affolement dans les villes portuaires du nord de l’Allemagne et des conséquences telles que durant toute la nuit les cuirassés français furent torpillés dans un déluge de fer et de feu :
    « Partout, les eaux sont sillonnées des noirs engins de guerre : les torpilleurs français croisent les torpilleurs allemands ; la lumière électrique –en jets irradiants et capricieux- fraye le chemin. La mêlée est sinistre. Des cris d’agonie montent des navires qui tournoient, engloutis par l’abîme. »
    Au matin, l’escadre française passa à l’action, bloquant le port allemand de Jade qu’elle arrosa copieusement :
    « Un pâle soleil, apparu dans le ciel livide, illumine le Jade. Les navires désemparés gisent sur la grève, avec des corps d’hommes confondus, sanglants, mutilés. Des épaves s’en vont sur la surface souillée des eaux. Les Français ravitaillent leur flotte, ensevelissent leurs morts dans l’insondable tombeau des flots, réparent leurs avaries et prennent les dernières dispositions pour l’attaque. »
    Malgré une résistance allemande désespérée, le port de Wilhelmshafen eut aussi à subir d’intenses  bombardements.
    Dans l’épouvantement de la pluie de feu, des incendies, de la population qui s’enfuit, les Français arrachèrent une victoire à la Pyrrhus. L’affrontement décisif eut lieu au-delà du détroit de Skagerat, vers le Sund et Copenhague, où les Français seront accueillis avec enthousiasme. La sanglante bataille navale près de l’île de Langenland, suivi d’un projet de débarquement à Kiel, ébranla l’Allemagne pour longtemps et décida de la victoire finale.
    Une courte et réaliste nouvelle centrée sur la marine allemande considérée comme la plus forte d’Europe avant 1914.

  6. Type: livre Thème: guerres futures 1 Auteur: Pierre FERREOL Parution: 1891
    Vol. 01. Coq et léopard
    L’affrontement entre la France et l’Angleterre débuta au Sahara. La mise en place d’une voie ferrée vers le Soudan, initiée par la France en la personne du jeune ingénieur Henri Léopold, inquiète l’Angleterre qui craint pour sa suprématie dans la région. Elle délègue un espion performant, Sir John Castlead, pour y mettre fin. Les sabotages répétés de l’Anglais retardent les travaux. Mais grâce à la nouvelle invention de Henri qui permettra de poser les rails de façon ininterrompue, et la volonté du directeur Pierre Corroy,  la voie de chemin de fer progresse malgré tout dans les monts du Hoggar :
    « C’était le train d’avancement, c’est à dire celui qui devait servir à la construction et marcher toujours en tête. Le bataillon de sapeurs qui allait être chargé de poser la voie, avec l’aide de travailleurs nègres ou arabes, n’avait pas d’autre logis. Par précaution contre une attaque de nomades, la locomotive, blindée par des plaques de tôle qui défiaient les balles, était placée au milieu du train. En avant et en arrière se trouvaient les wagons des officiers et de la troupe, installés pour servir de dortoirs, de salles à manger et de cuisines. Chaque wagon avait une grande longueur et était porté sur deux trucs (sic) à quatre roues, - ce que les Américains appellent des boggies. – Les troupes trouvaient là, en définitive, une véritable caserne ambulante, toujours à proximité du chantier. »
    L’étape prochaine sera la bourgade d’Asioulet où déjà notre espion, rejoint par son compatriote Will Murray, prépare une contre-offensive. Subvertissant les Touaregs, les deux hommes les lancent à l’assaut des Français pendant qu’à Asioulet, Castlead met le feu aux puits de pétrole :
    « L’établissement du chemin de fer avait, en effet, tout d’abord été contrecarré par les nomades, qui ne voyaient pas sans crainte cette invasion. Mais la Compagnie avait formé une milice solide qui s’était mise à battre l’estrade autour de la ligne. Après avoir été complètement défaits en plusieurs circonstances, les Hoggars jugèrent qu’il y a avait plus de profits à tirer de notre amitié que d’une lutte plus longue et cessèrent dès lors toute hostilité. »
    L’énorme incendie qui s’ensuivra procurera le délai nécessaire aux deux Anglais pour revendiquer comme possessions de la reine le parcours à venir où obligatoirement devront passer les rails. La vaillance du jeune lieutenant Solignon qui accompagne Corroy assainira la situation. Il pénétrera lestement dans les terrains de sa Majesté et capturera Castlead et Murray.
    Les travaux ferroviaires débouchant près du lac Tchad, les deux espions qui ont repris leur liberté, complotent encore auprès des tribus nègres, en les poussant à s’opposer aux Français. L’énergie de Corroy qui s’appuie sur la légitimité des rois nègres, éliminera les derniers obstacles. La Transaharienne a vu le jour, à l’avantage des Français. Jamais pourtant l’Angleterre ne pardonnera l’invasion des territoires annexés par Castlead, ce qui sera à l’origine de la guerre entre les deux Etats pour la « prise de Londres. »

  7. Type: livre Thème: archéologie du futur Auteur: John Ames MITCHELL Parution: 1889
    A bord du Zlothub, l’équipage persan du Prince Khan-Li, accompagné des deux archéologues Grip-Til-Lah et Nofuhl, jette l’ancre dans la baie de Nhu-Yok, en cette journée de l’an 2951. Chargés d’explorer l’habitat mythique des Méhrikans, ils se trouvent au bord des vestiges d’une ville sans fin où se dresse, en avant-poste, la statue d’une femme abîmée, portant un flambeau :
    « Moins d’une heure plus tard, nous avions débarqué et foulions une antique avenue, dont les trottoirs étaient couverts de mauvaises herbes et de fleurs , sauvagement mêlés dans un total désordre. Des arbres, énormes et d’une grande antiquité, passaient leurs membres au travers des fenêtres et des toits procurant une impression déprimante. Ils procuraient cependant une ombre bienvenue, car nous subissions à terre une insupportable fournaise. Les curieuses constructions qui nous entouraient de part et d’autre étaient merveilleusement préservées, et dans nombre d’entre elles subsistaient encore des plaques de verre dans les encadrements de fenêtres métalliques. »
    En pénétrant dans les ruines,  de grands bâtiments de commerce les incitent à une réflexion profonde sur les causes de la disparition des Méhrikans, qu’ils savent avoir été une race de marchands avisés et évolués technologiquement:
    « Leur honneur commercial était une plaisanterie. Ils étaient plus âpres au gain que les Turcs. La prospérité était leur dieu, avec la ruse et l’invention pour prophètes. Leur activité frénétique, aucun Persan ne peut la comprendre. Cet immense pays était grouillant de bruyantes industries et de Méhrikans agités filant tels des flèches d’une ville à l’autre avec une rapidité inconcevable, en utilisant un système de locomotion que nous pouvons à peine imaginer. Il existait des routes recouvertes avec des barres de fer sur lesquelles de petites maisons posées sur des roues étaient tirées à une telle vitesse qu’un voyage d’une longue journée était accompli en une heure. D’énormes bateaux sans voiles, conduits par une force mystérieuse, transportaient des centaines de gens à la fois jusque dans les lieux les plus reculés de la Terre.»
    L’exploration de maisons particulières leur fait comprendre à quel point la libération des mœurs féminines aurait eu un rôle à jouer dans cette catastrophe, allant de pair avec les disparités sociales :
    « Ô Terre de Délices ! Car beaucoup d’argent réjouit le cœur ! Pourtant le vieil homme secoua la tête. -Très vrai, Ô Prince ; sauf que l’effet en était affligeant. Ces énormes fortunes dominèrent bientôt toutes choses, y compris le siège du gouvernement et les palais de justice. Les magouilles financières rapportèrent des gains fabuleux. Le jeunesse en fut démoralisée. Quant à l’austère et vertueuse industrie avec ses profits modérés, elle devint méprisée.
    -En vérité, voilà qui irait de soi ! déclarai-je. Mais sur une terre où tous étaient riches, qui trouvait-on pour cuisiner et nettoyer à fond, aller faire les courses ou nettoyer les sols ? Car nul ne creuse la terre quand ses poches sont bourrées d’or.
    -Tous n’étaient pas riches. Et quand le pauvre devint lui aussi avide se formèrent deux camps ennemis. Ainsi commencèrent les bouleversements sociaux avec leurs cortèges de carnage et de ravage. »
    Ces observations, consignées au jour le jour, formeront la trame de leur récit. En poussant au-delà de la jungle de Central Park vers Uptown, ils ont une vue grandiose sur l’étendue des ruines mangées par la végétation :
    « L’étendue de la ville était surprenante. A plusieurs miles de distance, loin sur la rivière, on distingue le Zlotuhb, simple tache blanche sur l’eau. Tout autour de nous, aussi loin que la vue puisse porter, et dans quelque direction que l’on tourne son regard, ce ne sont que ruines : des ruines, et encore des ruines. Jamais il n’a existé de visions plus désespérantes. Le ciel bleu, le soleil radieux, l’air empli du parfum des fleurs aux couleurs vives, le chant des oiseaux : tous rendent ce spectacle encore plus triste et déprimant, tant ils semblent s’en gausser. »
    Leur périple ne se limite pas à Nu-Yok. Ils appareillent aussi pour Washington, une autre grande cité, où, à leur arrivée dans la baie, de nombreux vaisseaux engloutis témoignent d’une gigantesque bataille navale. Cheminant vers le «Grand temple de la Démocratie », ils y trouvent - ô miracle ! – le dernier Méhrikan vivant avec sa femme, un homme primitif, vêtu de peaux de bêtes, barbu et têtu. Aussi lorsque Ja-Khaz s’approcha de trop près de la femme – pour l’étudier sans doute- le dernier Méhrikan lui fracassa-t-il le crâne. Immédiatement abattu par les membres de l’équipage, le Méhrikan livrera son crâne apprêté au musée de Téhéran comme fleuron de cette expédition :
    « Sommes de nouveau en mer. Voguons cette fois pour la Perse, ramenant nos blessés et les cendres de nos morts. Celles des habitants du pays reposent au-dessous du Grand Temple. Je présenterai le crâne du dernier Méhrikan au musée de Téhéran. »
    « Le Dernier Américain » propose, à l’instar des romans européens, une méditation sur les ruines et sur la disparition de l’empire américain par le procédé de la distanciation dans le futur (les personnages viennent d’un futur très lointain) et dans l’espace (ils viennent de très loin).
    Nouvelle remarquable, teintée d’ironie et de pessimisme, il est curieux qu’elle n’ait fait l’objet d’aucune autre traduction en France que celle-ci, récente, et par une toute petite maison d’édition.

  8. Type: livre Thème: menaces végétales, disette d’éléments Auteur: SULLY PRUD'HOMME Parution: 1888
    L’homme, de par son activité, dédaigne le règne végétal ou l’utilise en un but mercantile. Plus particulièrement, il méprise la rose, fleur splendide dont il ne fait qu’un artifice de commande. Blasé et brutal il déshonore la nature. La rose, mortifiée, convainc ses sœurs et au-delà d’elle, le reste de la nature florale, d’arrêter de fleurir :
    Retirons-lui, dons inutiles,
    Nos parfums et nos coloris,
    Que des choses qu’il dit futiles
    Il apprenne à sentir le prix ! »
    La révolte est déclenchée, faisant que, au printemps suivant, les prairies et les arbres restèrent sans fleurs, ce qui désarçonna les insectes. Sans effet, les vents s’efforcèrent d’émouvoir les arbres fruitiers, les suppliant de revenir à leur nature première. Mais la situation perdura. Le printemps d’après, il n’y eut pas de changement :
    Au mois de mai suivant, les plantes obstinées
    verdirent sans parure, et pendant trois années,
    En dépit des savants qui ne comprenaient pas,
    Et de main esprit fort qui s’alarmait tout bas
    Et la campagne resta lugubre et monotone.
    Et le morne printemps semblait un autre automne.(…)
    Le regret des fleurs devint vif pour la race humaine «Aux durs labeurs condamnée. » Ce regret, avec le temps, se changea en besoin obsédant. Comme les rêveries de la jeune fille qui se sont évanouies, l’ennui gagne les êtres humains qui soupirent, nostalgiques, en se rappelant les beautés passées. Car sans fleurs, plus de fêtes :
    « La démence fut telle à la cinquième année,
    Que la foule vaguait stupide ou forcenée.
    Les uns, à deux genoux, subitement dévôts,
    Imploraient du soleil les anciens renouveaux ;
    Les autres blasphémaient, péroraient sur les places,
    Et soufflaient sans motif, l’émeute aux populaces
    « Des fleurs ! des fleurs ! criait la foule aveuglément.
    Puis cette fièvre éteinte, un vaste accablement
    Fit taire la révolte et l’espérance même,
    Et sur l’humanité le spleen muet et blême
    Comme un linceul immense étendit son brouillard. »
    Ce fut un vieillard poète, qui sut convaincre la rose d’arrêter son projet fou et néfaste, «Et voici qu’un Rosier s’attendrit à sa voix » La merveille de la renaissance aura lieu. Partout, la nature foisonne, les boutons éclatent à profusion, rendant à l’humanité sa joie de vivre. La foule en liesse se rue dans les champs faisant vibrer l’amour en un élan fraternel. Partout, avec les bouquets que l’on cueille avidement, éclate la joie de vivre, et les hommes« tisse(nt) des arcs triomphaux, à festons de verdure ».
    Un poème cataclysmique inattendu promouvant la beauté et la grâce d’une nature saine, exempte de pollution. Sonnant comme un avertissement écologique avant l’heure en ces temps d’industrialisme naissant, la longue poésie de Sully Prud’homme interpelle encore aujourd’hui  le lecteur (rare!), avec ses accents sombres ou prophétiques d’une évidente actualité.

  9. Type: livre Thème: guerres futures 2 Auteur: Spiridon GOPCEVIC Parution: 1888
    Ce texte représente l’un des nombreuses suites de la «Bataille de Dorking ». Spiridion Gopcévic démontre, avec une rigueur amusante, le rôle joué par la marine française dans cette conquête qui rend enfin à raison la suprématie britannique en ce domaine. Tout commence par la prise de l’Egypte par l’Angleterre. C’en est trop pour la France qui ne peut admettre qu’on la dépouille de son protectorat (et incidemment du canal de Suez). S’appuyant sur l’Irlande, folle de joie à l’idée de regagner sa liberté, s’étant assuré de la neutralité des autres pays européens, elle arme ses deux flottes, l’une partant de Brest, l’autre de Toulon.
    Les Anglais, mis au courant, veulent prévenir l’attaque en la personne de l’amiral Clark fort de ses cinquante-cinq cuirassés qui aussitôt firent route vers la Méditerranée pour bloquer l’escadre française dans son port de Toulon :
    « Le Rodney et le Conqueror, qui avaient déjà canonné le Richelieu, lors de son passage à contre-bord, s’attaquèrent plus spécialement au Caïman, et, concentrant sur lui le feu de leur artillerie, pendant qu’il mettait à l’eau ses torpilleurs vedettes, réussirent à le couler ; les deux petits torpilleurs ne tardèrent pas à venger la perte de leur navire-mère. A la faveur de la fumée épaisse qui couvrait la plaine liquide, ils parvinrent à lancer en bonne direction, deux torpilles Whitehead, qui firent sauter à la fois le Rodney et le Conqueror. »
    Averti à temps de la décision anglaise par l’aviso-torpilleur «la Dague» en embuscade avancée, l’amiral  français Borny pris la mer à partir de Brest pour voler au secours de la flotte toulonnaise :
    « Le soleil levant du 1 er août 1888 vint éclairer un imposant spectacle. Une flotte formidable appareillait de Brest : 280 vapeurs de tous les types remorquant des navires à voiles, 8 cuirassés, 20 torpilleurs et 22 croiseurs ; au total 330 bâtiments quittaient ce grand port au milieu des hourras enthousiastes de plus de  200 000 voix et prenaient leur course vers Land’s End. Les avisos et les torpilleurs ne tardèrent pas à se placer de tous côtés en éclaireurs, tandis que les bâtiments de ligne restaient plus près, autour du convoi, pour le protéger. Dix heures plus tard, le même soleil assistait à Cherbourg à un mouvement de navires aussi considérable. 8 cuirassés, 20 torpilleurs, 22 avisos et 270 transports ; -en tout 320 bâtiments quittaient les côtes de Normandie, et faisaient route à l’Ouest. »
    La bataille de Corrobedo demeura incertaine quant à la victoire française, les forces en présence s’équilibrant, les deux armadas se coulant respectivement leurs cuirassés à l’aide de leurs petits navires rapides, les torpilleur, qui firent merveille. L’arrivée imprévue, pour les Anglais, des secours français de Borny inclina la décision finale en faveur de la France.
    Malgré de lourdes pertes, l’Angleterre put se dégager du piège.  Les Anglais enragèrent et ne cédèrent pas. Peu de temps après, ils mirent en commun toutes leurs forces, constituant une nouvelle escadre dans la Manche dont ils confièrent la destinée à l’amiral Harlington pour une vigoureuse contre-attaque  dans le but de dégager définitivement les côtes anglaises.
    L’engagement eu lieu au large de la Corogne, au désavantage des Anglais dont les cuirassés sombraient les uns après les autres, attaqués de tous les côtés par les torpilleurs français. C’en était bientôt terminé de l’orgueilleuse flotte britannique. Les Irlandais jubilèrent. La France, confiante en sa toute nouvelle force, prépara son débarquement sur les côtes du pays ennemi, près de Portsmouth et de la Cornouaille.  L’amiral Drach, appareillant le 1 er août avec sa formidable flotte, établissant plusieurs brèches dans la défenses désespérée des Anglais, établit la tête de pont, débarquant à terre une armée de plus de 100 000 hommes. La jonction de toutes ces forces devait s’établir à Exeter et, de là, prendre la direction de Londres.
    « Le commandant en chef décida de la retraite le 17 août ; mais il était trop tard, un corps de l’armée française avait opéré son mouvement tournant et attaquait ses derrières. Il était enveloppé de toutes parts. Il tenta de faire une trouée à travers l’ennemi, mais cette attaque désespérée demeura sans succès, par suite du manque d’entrain de la milice et des volontaires.
    Enfin, dans la matinée du 18 août 1888, l’armée anglaise fut réduite à capituler ; et le 23, les armées françaises faisaient leur entrée dans Londres. Pendant ce temps, les transports avaient fait retour en France et y avaient embarqué 100 000 nouveaux hommes. La moitié de ceux-ci furent mis à terre en Irlande où la population se souleva et les accueillit à bras ouverts ; l’autre vint renforcer l’armée d’occupation. »
    Malgré une défense héroïque, les journées d’août 1888 furent désastreuses, qui virent la destruction complète de la flotte anglaise. La mer étant libre, maintenant, de partout dans le monde, dans l’océan Indien, en mer de Chine, au large de l’Australie, près de l’Amérique du Nord, au large de Sainte-Hélène (lieu ô combien symbolique !), des petites escadres françaises fortes de leurs avisos et de leurs torpilleurs coulent les navires de commerce britanniques, portant le coup de grâce à l’Empire.
    Fin août, après la bataille définitive de Labuan, l’Angleterre était à genoux. Elle fut sommée de verser trente huit milliards de francs-or au titre des dettes de guerre. Le reste de sa marine fut démantelée. Elle perdit toutes ses possessions lointaines (à l’exception de l’Australie), qui se déclarèrent républiques indépendantes. Le reste de ses territoires fut partagé entre les vainqueurs français et les voisins européens. Finis Britanniae !
    L’auteur, d’une manière qui se veut exemplaire, comptant et recomptant inlassablement les forces maritimes en présence comme les boutons de guêtre d’un uniforme de soldat, veut ainsi démontrer :
    1.que les Français sont d’habiles tacticiens maritimes
    2.que la souillure de la défaite de Trafalgar devait impérativement être lavée.
    3.que la perte des cuirassés anglais était en grande partie due à l’usage novateur des torpilleurs, plus rapides, plus légers, plus maniables, et partant plus dangereux.
    Dans la lignée des « Batailles Imaginaires » établie par Garçon Augustin et l’éditeur Lavauzelle , le récit de Gopcévic Spiridion a le mérite d’être court, enlevé, précis, démonstratif, traçant ainsi dans l’imaginaire ce que jamais la France ne put accomplir au réel.

  10. Type: livre Thème: guerres futures 2 Auteur: Albert ROBIDA Parution: 1887
    Fabius Molinas, rentier et patriote, n’hésita pas à s’engager lorsque son pays, en proie à une attaque traîtresse, se trouva menacé. Il rejoignit rapidement l’aéronef «l’Epervier» comme canonnier de 2 ème  classe, ce qui lui valut de participer à l’assaut d’une série de blokhaus roulants, immobilisés dans le brouillard artificiel répandu par les «brouillardiers ». Prenant dans la foulée le commandement d’un de ces blokhaus, il bombarda la place-forte ennemie en démantelant les brigades territoriales féminines chargées de la protéger. Investissant la ville, il dut son salut au fait qu’il était allé se reposer en une cave profonde.
    En effet, la contre-offensive s’avéra terrible. Les chimistes ennemis, bombardant la ville avec des gaz, tous les habitants de la cité seront asphyxiés, sauf Fabius Molinas. Finalement, La ville délivrée par des «torpédistes» amis, Molinas se trouva projeté dans un fleuve :
    « Les torpilleurs embusqués dans les cirrus et nimbus à 3000 mètres de hauteur, laissèrent les premières ombres du soir descendre sur la ville, puis actionnant leurs propulseurs, ils se précipitèrent des hauteurs du ciel et, parvenus à bonne distance, lancèrent leurs terribles torpilles. Subitement la ville arrachée de ses fondations se boursoufla, craqua et sauta en l’air. »
    S’immisçant chez l’ennemi, Il sème la terreur dans le camp des chimistes en faisant exploser un container rempli de miasmes :
    « Tout s’est écroulé dans la salle du conseil, généraux, médecins, soldats, tous sont tombés subitement et se tordent sur le sol, en proie à toutes les maladies déchaînées par l’action de Molinas. Des épidémies s’abattent sur l’armée ennemie et portent leurs ravages en trois minutes dans un rayon de quinze lieues. Grâce au tampon de son casque de chimiste, Fabius, qui avait fait le sacrifice de  sa vie, en est quitte pour une formidable rage de dents. (…)
    Disons tout de suite que les hôpitaux ennemis eurent à soigner 179 549 malades civils et militaires, et que, du mélange de tous les miasmes, naquit une maladie remarquable et absolument nouvelle. Cultivée par les médecins de l’Europe entière, elle est aujourd’hui connue sous le nom de fièvre molineuse, du nom de son inventeur, et l’endroit où elle prit naissance est resté fort insalubre. »
    Avec les félicitations du général et une promotion à la clé, il reprend du service comme mitrailleur-pompiste, participant de très près au carnage sur le champ de bataille principal; grâce à lui, les médiums ennemis,  qui suggéraient télépathiquement aux soldats  la reddition sans conditions des forts du front, sont rendus à l’impuissance.
    Voilà que la flotte sous-marine se prépare à ravager nos côtes. Molinas, détaché à la marine comme ingénieur-torpilleur sur le «Cyanure de Potassium», provoque la destruction de quantités de mines ennemies. Attaqué par les «Ravageurs», des cuirassés à grande vitesse, Molinas, avec ses amis scaphandriers, abandonne le torpilleur, remonte à pied le fleuve et surgit en pleine bataille.
    Là, il se rendra encore utile en détruisant les liaisons téléphoniques entre camps ennemis. La guerre se terminera pour lui après qu’il eut participé à une grande bataille aérienne au-dessus de la Méditerranée,  puis l’Atlantique, enfin sur le sol d’une de nos colonies africaines. Pour finir en beauté, il épousera Melle Dolorès, une charmante Mexicaine de Mexico, lieu où, malencontreusement, s’échoua son torpilleur.
    Un court récit, amusant et picaresque, provocateur et ironique dans son évocation d’une guerre future. Robida reste le grand maître de l’anticipation sociale du XIXème siècle. Ce récit fait écho aux éléments guerriers distillés dans le « XXème siècle » « la Vie électrique » et la «Guerre infernale», dont la lecture est hautement conseillée.