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Livres
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Le Nuage Pourpre - Par BenF
Adam Jefferson revient d’un voyage au pôle où il été épargné par la mort qui a frappé l’humanité entière sous la forme d’un immense nuage d’acide hydrocyanique en provenance d’une éruption volcanique (le livre a été édité en 1901 et le désastre du Krakatoa est encore présent dans les mémoires). Il redescend vers le sud en un long périple où la description des cadavres en petits paquets ou en masse attire le romancier par un voyeurisme teinté de sadisme, sur plus de cent cinquante pages:
" Dans les chambres et les escaliers de toutes les maisons, les morts étaient empilés les uns sur les autres et je ne pouvais pas faire trois pas dans les rues sans être obligé d’enjamber des cadavres. J’allai à la prison du Comté. D’après ce que j’avais lu on avait relâché les prisonniers. Pourtant j’y trouvai autant de cadavres que partout ailleurs. Chaque cellule était occupée par au moins dix personnes; les corridors étaient jonchés de visages exsangues et de guenilles venues d’on ne sait quelle foire aux puces.
Dans la cour centrale, c’était un entassement innommable, de chairs éclatées et de chiffons barbouillés de sang. C’était sans doute le résultat de l’explosion d’une chaudière. Près de la fabrique de biscuits, je vis un jeune aveugle enchaîné à un chien que l’ouragan avait projeté contre un mur et laissé là, dans une étrange posture, le bras bizarrement tendu au-dessus de l’animal, comme s’il avait voulu m’en faire cadeau. D’une façon générale, la plupart des cadavres que je rencontrai avaient été malmenés, déshabillés et défigurés par la tempête, comme si la Terre avait tenté, mais en vain, de nettoyer les rues.(...) J’arrivai sous la verrière de la gare. Le silence de la nuit était total. Pas de lune, pas d’étoiles. Il était environ 11 heures. Je vis alors, que pour avancer, les trains avaient dû repousser des milliers de corps qui s’entassaient sur le ballast, mais ils avaient passé, tandis que moi je ne pouvais marcher sans piétiner les morts. Il y en avait partout, sur les toits des wagons, entre les wagons, sur les quais, écrasés contre les piliers, empilés dans des chariots.
Dehors, il n’y avait pas un espace libre entre les milliers de véhicules. Les morts tapissaient littéralement le pavé de ce quartier de Londres. Et, là encore, l’odeur de pêcher qui - sauf sur un bateau - charnier - ne cessait d’embaumer le monde, se faisait sentir mais elle était maintenant dominée par une autre. Si l’âme des hommes, me disais-je, avait vomi au ciel cette odeur de chair que je ne connaissais que trop, rien d’étonnant que les choses soient dans cet état.
(...) Je sortis de la gare en larmes, m’attendant presque à retrouver la rumeur de la rue, moi qui étais maintenant habitué à ce grand vide silencieux. Qu’allais-je faire? Mes anciennes terreurs m’envahirent . C’est dans un état d’esprit pitoyable que je reconnus la longue rue lugubre, sans lumières et sans son animation habituelle, telle une Babylone dévastée.
Au lieu de l’ancienne rumeur, je n’entendais qu’un silence étourdissant qui montai jusqu’au ciel pour se mêler au silence des éternels luminaires qui brillent là-haut. Toutes le voitures que je voyais étaient inutilisables, tant elles étaient agglutinées les unes contre les autres, comme soudées en un seul bloc. Toutefois, près du Park, que j’atteignis en me glissant entre les roues et en avançant avec d’infinies précautions, je finis par trouver un coupé dont le réservoir était plein.. J’enlevai, non sans dégoût, les quatre corps qui l’occupaient, je m’installai au volant et mis le moteur en marche. En pétaradant à travers les rues dont je brisai le silence sépulcral, je poursuivis ma route vers l’est de la ville en écrasant une foule de cadavres. "
En face de la ruine universelle, Adam Jefferson se pose le problème de sa propre survie. Certainement désigné par le destin (mais lequel?), lui seul demeurerait sur la terre (mais pourquoi?). En proie à un désespoir sans bornes, sa seule réaction sera destructrice. Afin d’imprimer "sa" marque à "son" monde, il voyage de continents en continents pour brûler, selon son bon plaisir, les villes encore debout:
" Je revins à Vaucaire qu’un mois plus tard, laissant derrière moi des villes en ruine et des forêts en flammes. J’avais incendié Bordeaux, Livourne, Bergerac ".
A Constantinople, l’incroyable se produisit : il rencontra une jeune fille épargnée par le fléau. Allait-il être le nouvel Adam et elle la nouvelle Eve? Hélas!, non. Jefferson est misogyne et jaloux de sa solitude ce qui n’est pas le meilleur départ pour une nombreuse descendance:
" Quand je la quittais ce soir-là, elle essaya encore une fois de me suivre. Je cassai une branche de sassafras et je la cravachai à trois reprises jusqu’à ce qu’elle déguerpisse en pleurant. "
Plutôt expéditif, Jefferson ne connaît pas les affres du désir. Cependant, les choses s’arrangeront d’elles-mêmes. L’auteur et son héros reviendront à de meilleurs sentiments et la femme, "une protégée" selon l’expression du romancier , aura malgré tout la possibilité de s’unir à Jefferson. Le monde sera sauvé!
Le roman de Shiel est significatif des débuts du genre. C’est l’un des tous premiers romans concernant l’empoisonnement de l’atmosphère. Ce thème aura une féconde pérennité, relancée par Camille Flammarion dans " la fin du monde " où c’est l’approche d’une comète (celle de Halley en 1902) qui déterminera l’empoisonnement du globe. Il sera suivi par la "Ceinture empoisonnée" de Conan Doyle, et d’autres récits comme "le Nuage vert" de Neil. Le romancier insiste sur l’ivresse immédiate du dernier homme livré à ses fantasmes, motif récurrent du genre. Chez lui la description monomaniaque des cadavres et de la décomposition, les sentiments misogynes forcenés prennent une ampleur rarement rencontrée dans d’autres récits. Quoique contestable philosophiquement, Shiel fait oeuvre de précurseur et à ce titre mérite une place particulière dans l’histoire du roman cataclysmique.
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En dix quatrains, l’humoriste évoque la venue des angelots qui soufflent dans leur trompette, donnant un concert gratuit et stupéfiant pour annoncer la fin du monde :
« Mais , inutile de m’étendre,
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Une lettre d’un (vrai) Breton qui en veut à tel point aux Anglais , parce qu’ils sont « unfrench », qu’il suggère deux manœuvres pour les embêter : d’abord le détournement préalable du Gulf-Stream, ce qui refroidirait leurs côtes, puis l’invasion de ladite Angleterre par un corps d’armée français galopant sur la Manche gelée.
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En l’an 4257, à Tchad-Ville, l’Europe ayant depuis longtemps été désertifiée, le savant renommé Négou-Dar, en possession des six photos ayant miraculeusement échappé au désastre, administre à ses concitoyens la preuve que la ville de Londres, engloutie en 1890, fut «détruite par un soudain affaissement du terrain volcanique sur lequel elle repose ".
Les photos en témoignaient de façon manifeste, notamment l’une d’entre elles qui représentait :
"des eaux montantes (dont) émergeait une longue ligne d’édifices sombres. La noirceur des maisons, l’ombre crépusculaire, l’étendue de la nappe d’eau, tout indiquait l’envahissement des choses par la mort. "
Mais son concurrent, Nédar-Gou, archéologue lui aussi, prétend que toute cette thèse est fausse et que les fameuses photos n’étaient jamais que des clichés manqués sur lesquels avait coulé la gélatine. Personne cependant ne voulut le croire et l’on éleva une statue triomphale à Negou-Dar.
Une très courte nouvelle, l’un des premières en date, qui donne dans l’anglophobie, thème présent dès le début du siècle.
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M. Synthèse, en hibernation dans les glaces du pôle, s’éveille dix mille ans plus tard, en 11898. Des êtres au corps filiforme et à la tête démesurément enflée, au faciès chinois et négroïde à la fois, se trouvent à son chevet. Après plusieurs tentatives infructueuses, ils parviennent à communiquer avec lui en vieux chinois.
M. Synthèse apprend qu’en dix mille ans la terre a changé. L’Europe n’existe plus, broyée sous les glaces. Nos descendants de race caucasienne, vaincus par les Jaunes dans leur expansion à travers le monde, sont ravalés aux rangs d’êtres inférieurs à leur service. Par suite d’une série de cataclysmes et de tremblements de terre, des ponts conjonctifs relient désormais l’Asie à l’Afrique en une sorte de ceinture équatoriale ininterrompue où la vie est seul possible. La Méditerranée et l’océan Atlantique ont disparu.
Par métissage avec les Noirs d’Afrique, les descendants des Jaunes se sont transformés en êtres surhumains, aux pouvoirs psychiques quasi-infinis, qui leur permettent de voler à travers les airs, sans aucun effort. C’est par cette même force qu’ils ont pu réveiller M. Synthèse. Très courtois, bien que légèrement condescendants devant cet ancêtre, ils lui proposent de visiter la terre par la voie des airs, piloté et soutenu par leurs esprits.
M. Synthèse s’aperçoit que partout, comme la betterave qui pousse en monoculture, s’est installée la même civilisation de « fourmis jaunes », à la pensée unique et sclérosée. Tous les grands problèmes auront été résolus par la force, et cette merveilleuse utopie lui apparaît comme un leurre quand il voit à quel point les races blanches sont assujetties ou lorsqu’il écoute son cicérone s’exprimer sur le sort de leurs femmes :
« La femme est en tout et pour tout notre égale. Elle jouit de tous nos droits, de toutes nos prérogatives et partage, le cas échéant, toutes nos responsabilités. Je dois vous confesser cependant que cette unification ne s’est pas opérée sans luttes. L’histoire nous apprend que jadis, au temps où, sous l’influence des causes multiples qui ont modifiée notre race, nos cerveaux commençaient à prédominer, les femmes, plus nerveuses, moins équilibrées, moins raisonnables – excusez la banalité du mot – mirent l’humanité en péril. Non contentes d’aspirer à devenir nos égales, elles prétendaient à la maîtrise complète, à la domination absolue. Chaque famille devenait un enfer… la vie intime était en général atroce.
Soit que les éléments cérébraux manquassent de coordination, soit que le système nerveux exaspéré fût hors de proportion avec l’organisme féminin, soit pour tout autre motif que nos ancêtres n’ont pu approfondir, les hommes eurent à passer une période terrible. C’est au point que les législateurs, à bout d’arguments et de pénalités, décrétèrent que, dès le bas âge, on tenterait d’empêcher, au moyen d’une compression méthodique de la boîte crânienne, l’accroissement de la masse cérébrale chez tous les enfants du sexe féminin.
- Vous alliez faire de toutes vos femmes des microcéphales, des idiotes.
- Mieux valait encore des idiotes que les monstres qui tyrannisaient nos pères au point de les faire tomber dans la folie furieuse. »
Démoralisé et se rendant compte qu’il « était de trop dans un monde trop vieux », M. Synthèse demande à ses guides de le mener à l’endroit où il avait été découvert, à fin d’y mourir, pour de bon, cette fois-ci.
« 10.000 ans dans un bloc de glace » est l’épilogue détachée du gros roman de Boussenard « les Secrets de monsieur Synthèse » dans lequel apparaît le savant. Cette conclusion prouve le pessimisme de l’auteur en face d’un futur peu souhaitable, et son aversion – partagée par bien d’autres auteurs de l’époque – envers le « péril jaune ».
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Le jeune savant et chimiste Julien Préval se livre dans son appartement de Neuilly à des expériences sur l’ozone, gaz miraculeux, désinfectant et régénérateur, incolore et inodore.Ni Félicie, sa cuisinière, ni François son domestique ne répondent à ses appels. Il les trouve immobiles, debout, comme arrêtés en plein mouvement. Que s’est-il passé ? Pour en avoir le cœur net, il sort et se promène dans Paris. Partout se présente le même tableau digne du conte de la Belle au Bois dormant :
« Le monde n’était qu’endormi ! Il regardait ; à droite et à gauche des gens arrêtés, presque tous debout… très peu allongés par terre ; des voitures arrêtées, avec des chevaux immobiles, la jambe en l’air. Quelque chose comme ces photographies instantanées de gens en marche, qui vous représentent cloués d’un pied au sol, l’autre lancé en avant.»
Peut-être une comète, peut-être une trombe asphyxiante a-t-elle eu raison des Parisiens ? Empruntant une bicyclette, il croise un tramway rue de la grande Armée qui vient de heurter une automobile :
« Je renonce à décrire le spectacle, toujours semblable, que Julien rencontrait à chaque pas. Le silence n’était troublé que par des chocs bruyants d’automobiles qui, elles, allaient devant elles et iraient encore tant qu’elles auraient leurs accumulateurs chargés ou leur réservoir plein de pétrole. Sans direction, elles montaient sur les trottoirs, se cognaient aux arbres, entraient dans les vitrines des magasins. »
Au Bois, un amoncellement de cyclistes tombés raide lui rappelle que la rigidité post-mortem survient plus rapidement chez des gens agités, comme les Parisiens. Laissant la bicyclette, car il ne craint plus les voleurs, il se sustente dans une pâtisserie sans payer. Le sentiment d’exaltation et de toute-puissance se transforme lentement en inquiétude : qui éteindra les incendies lorsqu’ils se déclareront ? Qui renouvellera la nourriture ?
Il lui faut absolument trouver un autre homme vivant, bien que l’appel télégraphique à destination de l’Amérique ne donne aucun résultat. Du côté de la gare Saint-Lazare il lui vient l’idée d’emprunter un train malgré l’enchevêtrement ferroviaire :
« l’ingénieur ne vit même pas l’amoncellement de locomotives, de wagons écrasés qui étaient venus, sans direction, se heurter aux murs en passant par-dessus les butoirs. Il avait dû y avoir là d’incommensurables accidents. Les trains qui devaient entrer en gare, sans aiguilles, sans disques, sans signaux, avaient dû arriver pêle-mêle et se téléscoper mutuellement… Julien avait vu un quai de départ, un train prêt à partir…. De la locomotive s’échappaient des flots de fumée noire. »
Il part en direction d’Asnières. Partout, la traversée des gares offre le même aspect désolé de la mort et de l’immobilité. Soudain, vient à sa rencontre un autre train. Le choc le réveille au grand soulagement de Félicie et du docteur qu’elle avait appelé à son chevet. Toute l’aventure n’était donc qu’un cauchemar dû à l’inhalation d’ozone…
Une petite nouvelle sans prétentions et restée inédite qui explore courageusement la thématique du dernier homme : liberté sans limites, richesses inouïes, misère de l’homme seul
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Au Soleil De L'avenir - Par BenF
Ceci est une narration documentée de la journée d’un «militaire fonctionnaire» lors d’une guerre civile au vingtième siècle. Après avoir touché son uniforme et son arme, sa « journée de travail étant terminée », il rend visite à Séraphine, son « associée corporelle ».
La nuit « on entendait bien au loin quelques coups de feu, quelques tapages de bombe, mais de pareils bruits étaient trop habituels à cette époque pour (qu’ils en fussent) incommodés »
Le matin, les coups de feu qui pénètrent dans l’appartement ne semblent pas gêner Séraphine. D’ailleurs, alors qu’ils étaient en train de boire leur café (fait avec de « l’eau de l’Etat ») sur le balcon d’en face, ils virent un insurgé « à la maigre figure de Celte rageur, au gilet de lame brune et au chapeau melon »
Une balle traverse le képi du narrateur qui aide courtoisement » l’agresseur à venir les rejoindre car « il serait trop ridicule, lorsqu’on a vécu au vingtième siècle, d’en vouloir à celui qui, essayant de vous tuer, n’a pas réussi. »
L’insurgé leur parle de la dureté de son métier d’ouvrier, à fournir des pièces d’habillement aux grands de ce monde, un commerce en quasi-faillite. Légitimement, il a brandi l’étendard de la révolte, tirant sur tout ce qui porte l’uniforme, sauf qu’à l’instant même il avait vu son adversaire sans képi, il a su qu’il s’était trompé à son sujet. Séraphine lui apprend que le conflit perdure dans certains cantons d’Asie orientale, ce qui le remplit de joie, puisqu’il a encore « du pain sur la planche pour ses (cinq) enfants ».
Un récit étonnant dont l’impression surréaliste se dégage d’une description présentant la guerre civile comme une formalité à remplir dans le cadre d’une relation habituelle et codifiée par l’administration.
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La société future, après bien des hostilités, s’installe au royaume d’utopie de la morale bourgeoise. Progressivement, la lutte contre les maladies, l’unification des langues, la prééminence universelle de l’électricité fonde un état planétaire qui se réfugie dans son passé. Il ressuscite la splendeur de Babylone, mais toute initiative qui tendrait à briser cet équilibre est bannie. Le citoyen vit heureux, mais dans l’ennui, le conformisme esthétique et la laideur bourgeoise, se confondant en une «nauséabonde insipidité» Pour lui, l’homme d’Etat n’est que
« la médiocrité élevé à la plus haute puissance. Le meilleur gouvernement est celui qui s’attache à être si parfaitement bourgeois, correct, neutre et châtré, que personne ne se puisse plus passionner ni pour ni contre. » Tel était ce dernier successeur de Semiramis. Sur l’emplacement retrouvé des jardins suspendus, il avait fait dresser, aux frais de l’Etat, une statue de Louis-Philippe en aluminium battu, au milieu d’un jardin public planté de lauriers-sauces et de choux-fleurs. »
En ce monde parfait, statique et prévisible s’installe la frayeur. En 2489 le soleil donne des signes d’épuisement. Les savants concluent à l’arrivée d’une nouvelle glaciation, qui gagne du terrain:
« En même temps les désastres se succèdent. Toute la population de la Norvège, de la Russie du Nord, de Sibérie, périt congelée en une nuit : la zone tempérée est décimée, et ce qui reste de ses habitants, fuyant l’amoncellement des neiges et des glaces, émigre par centaines de millions vers les tropiques, encombrant les trains qui s’essoufflent, et dont plusieurs, rencontrés par des ouragans de neige, disparaissent à jamais. »
Le Sud lui-même ne sera pas épargné et le Sahara, le pays le plus peuplé du monde, sera touché à son tour :
«Le soleil devient violacé, le blé congelé cesse d’être mangeable, le froid se fait si fort que les murs des maisons, en se contractant, se lézardent et donnent passage à des courants d’air qui tuent net leurs habitants. Un physicien affirme avoir vu des cristaux d’azote et d’oxygène solidifié tomber du ciel, ce qui donne à craindre qu’avant peu l’atmosphère ne se décompose. Les mers sont déjà solides. »
L’extinction de l’espèce par refroidissement semble donc acquise quand apparaît sur la scène politique Miltiade, un ancien chef de guerre, atypique de par son comportement, agressif, décidé et dynamique :
« La naissance et la dévolution du pouvoir, qui ont tant agité l’humanité d’autrefois, s’opèrent en nous le plus naturellement du monde. Il y a toujours, dans la foule de nos génies, un génie supérieur qui est salué tel par l’acclamation presque unanime de ses élèves d’abord, de ses camarades ensuite. On est jugé, en effet, par ses pairs et d’après ses œuvres, non par des incompétents et d’après ses prouesses électorales (…) C’est le caractère propre de notre République « géniocratique », de reposer sur l’admiration, non sur l’envie – sur la sympathie, non sur la haine – sur l’intelligence, non sur l’illusion. »
Comme première solution, il propose la construction de «chauffoirs d’état», en attendant que soient creusés les puits, les galeries, les cavernes qui accueilleront les survivants. L’homme devra se réfugier sous terre en se nourrissant d’animaux congelés :
« Le froid rigoureux de ces régions, à peine tempéré par les millions de lampes électriques, qui se réfléchissent dans ces stalactites d’un vert émeraude aux nuances veloutées, rend inhabitable leur séjour permanent. Il empêcherait même de les traverser si, par bonheur, les premiers pionniers n’y avaient découvert des multitudes de phoques, surpris vivants encore, par la congélation des eaux, où ils sont restés emprisonnés. »
Le « troglodytisme» amène l’espèce humaine à se dépasser : il devient un nouvel art de vivre en tirant l’homme du conformisme et de la béatitude d’antan. Car ce qui anime l’espèce, selon Tarde, ce sont, d’un côté, les efforts, et de l’autre, la loi de l’imitation.Ainsi, seront continuellement creusées de nouvelles galeries, énormes, qui répondront à des usages différents. La vie sera ressentie comme meilleure sous terre que jadis, à la surface.
Il n’existe plus de microbes ni d’animaux nuisibles, les sources d’énergie, liées à l’exploitation de la différence de potentiel entre le froid du haut et le chaud du bas, s’avèrent illimitées. Comme les salles à percer sont en nombre illimité elles aussi, la civilisation souterraine en arrivera même à augmenter en nombre et à se diversifier. Deux conceptions du rôle de l’Etat se feront jour : celle de la « Cité fédéraliste» et celle de la « Cité centraliste », qui s’affronteront. Miltiade périra dans une de ces luttes.
De l’an 1 à l’an 596 du narrateur, les traits de la société souterraine ont largement évolué. Les hommes vont nus, les vêtements, liés à l’habitat se révélant inessentiels, et les besoins artificiels disparaissent progressivement. Les cités se regroupent par groupes de compétence ; celle des «Excavateurs » (les architectes) est la plus prisée. L’on recherche la perfection dans l’esthétique. Au plan psychologique, le sentiment de l’amour même a subi une mutation. Ainsi, à la nostalgie du dehors (vision des animaux pris dans la glace, audition de vieilles bandes enregistrées) se substitue un « romantisme du dedans ». Les mathématiques deviennent les sciences les plus élevées puisqu’il n’est plus besoin de voir pour prouver ; la crainte même de la mort disparaît petit à petit. Seule, dans cet ensemble harmonieux, la cité des Chinois joue des accords dissonants :
« Un hardi perforateur (…) pénétra soudain dans un vide étrange, tout bourdonnant de voix humaines, tout fourmillant de visages humains ; mais quelles voix criardes ! quels teints jaunes ! Quelle langue impossible sans nul rapport avec notre grec ! C’était, à n’en pas douter, une véritable Amérique souterraine, fort vaste aussi et plus curieuse encore. Elle provenait d’une petite tribu de Chinois fouisseurs, qui, ayant eu, pense-t-on, quelques années plus tôt, la même idée que notre Miltiade, mais beaucoup plus pratiques que lui, s’étaient blottis sous terre, à la hâte, sans s’y encombrer de musées et de bibliothèques, et y auraient pullulé à l’infini.
Au lieu de se borner comme nous à l’exploitation des mines de cadavres d’animaux, ils se livraient sans la moindre vergogne, à l’anthropophagie atavique, ce qui, vu les milliards de Chinois détruits et ensevelis sous la neige leur permettait de donner carrière à leur salacité prolifique. »
Leur agressivité et leur xénophobie seront inadmissibles pour les autres cités qui réduiront la puissance des Jaunes. Et l’existence souterraine des hommes se continuera dans l’harmonie…
Tarde fait œuvre de sociologue. La fable littéraire et les clichés du refroidissement lui permettent, d’une manière commode et ludique, de développer ses idées qui tiennent essentiellement à la supériorité de l’individu sur la société, au dynamisme personnel opposé au conformisme social, lui-même basé sur la loi de l’imitation dans le développement des sociétés. Son court récit, où se bousculent cependant de nombreuses innovations narratives rend plus concret ses concepts. Un classique.
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Nous ne ferons pas l’injure au lecteur de résumer ce roman de Wells devenu un classique de la littérature de science-fiction. Dans le dernier chapitre, l’explorateur du temps, pressé de fuir les Morlocks, s’engage dans un futur incroyablement lointain proche de la fin des temps :
" Je m’arrêtai tout doucement, et, restant assis sur la Machine, je promenai mes regards autour de moi. Le ciel n’était plus bleu. Vers le nord-est, il était d’un noir d’encre, et dans ces ténèbres brillaient vivement et continûment de pâles étoiles.
Au-dessus de moi, le ciel était sans astres et d’un ocre rouge profond ; vers le Sud-Est, il devenait brillant jusqu’à l’écarlate vif où, coupé par l’horizon, était le disque du soleil rouge et immobile. Les rochers autour de moi, étaient d’une âpre couleur rougeâtre, et tout ce que je pus d’abord voir de vestiges de vie fut la végétation d’un vert intense qui recouvrait chaque flanc de rocher du côté du Sud-Est. C’était ce vert opulent qu’ont quelquefois les mousses des forêts ou les lichens dans les caves, et les plantes qui, comme celles-là, croissent dans un perpétuel crépuscule. "
Le soleil rouge énorme, la mer étale, le ciel noir, sont les preuves que le Soleil est en expansion, que la composition de l’atmosphère s’est modifiée et que les marées sont mortes. Mis à part des sortes de lichen, aucun être évolué ne se profile dans le paysage. Encore plus avant dans le temps, s’installent le froid et les ténèbres tandis que le seul indice de vie est une sorte de ballon protoplasmique incompréhensible. Le monde est entré en agonie :
" L’obscurité croissait rapidement. Un vent froid commença à souffler de l’Est par rafales fraîchissantes et le vol de flocons blancs s’épaissit. Du lointain de la mer s’approcha une ride légère et un murmure. Hors ces sons inanimés, le monde était plein de silence. De silence ? Il est bien difficile d’exprimer ce calme qui pesait sur lui.
Tous les bruits de l’humanité, le bêlement des troupeaux, les chants des oiseaux, le bourdonnement des insectes, toute l’agitation qui fait l’arrière-plan de nos vies, tout cela n’existait plus. Comme les ténèbres s’épaississaient, les flocons tourbillonnant et dansant devant mes yeux, devinrent plus abondants et le froid de l’air devint plus intense. A la fin, un par un, les sommets blancs des collines lointaines d’évanouirent dans l’obscurité. La brise se changea en un vent gémissant.
Je vis l’ombre centrale de l’éclipse s’étendre sur moi. En un autre instant, seules les pâles étoiles furent visibles. Tout le reste fut plongé dans la plus grande obscurité. Le ciel devint absolument noir. "
Ce tableau désespérant à la grandeur émouvante est à comparer au traitement de ce même thème par Hodgson dans " la Maison au bord du monde " et surtout à la nouvelle de Campbell Jr. " Crépuscule ".
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La Fin Des Livres - Par BenF
Un petit groupe de gentlemen, après avoir assisté à une conférence du savantissime William Thompson à la Royale Institution de Londres où celui-ci évoqua le sort futur et funeste de notre globe, se retrouva pour un dernier verre au Junior Atheneum Club. Chaque participant y alla de sa propre vision du futur, utopique ou pessimiste, selon le cas. Le narrateur, sommé de s’exécuter lui aussi pour ce qu’il pensait de l’avenir du livre et des écrivains, jeta un pavé dans la mare en annonçant leur fin prochaine :
« Si par livres vous entendez parler de nos innombrables cahiers de papier imprimé, ployé, cousu, broché sous une couverture annonçant le titre de l’ouvrage, je vous avouerai franchement que je ne crois point (…) que l’invention de Gutenberg puisse ne pas tomber plus ou moins prochainement en désuétude comme interprète de nos productions intellectuelles. »
Basé sur l’égoïsme et la paresse du lecteur, la mutation se fera de l’œil à l’oreille, de l’écrit à l’auditif, grâce à la technique :
« Je me base sur cette constatation indéniable que l’homme de loisir repousse chaque jour davantage la fatigue et qu’il recherche ce qu’il appelle avidement le confortable. (…) Je crois donc au succès de tout ce qui flattera et entretiendra la paresse et l’égoïsme de l’homme ; l’ascenseur a tué les ascensions dans les maisons, le phonographe détruira probablement l’imprimerie. »
Toute oeuvre sera désormais gravée sur cylindre et déclamée:
« Il y aura des cylindres inscripteurs légers comme des porte-plumes en celluloïd qui contiendront cinq ou six cents mots et qui fonctionneront sur des axes très tenus qui tiendront dans la poche ; toutes les vibrations de la voix y seront reproduites ; on obtiendra la perfection des appareils comme on obtient la précision des montres les plus bijoux. »
L’écrivain deviendra un narrateur, l’éditeur sera un «storygraphe », le bibliophile un « phonographophile » et les bibliothèques des « phonographothèques ». Les œuvres enregistrées les plus recherchées seront celles où l’auteur lui-même déclame avec sensibilité et émotion. Et cette révolution concernera tout et tous. Le monde savant, mais aussi le peuple, la multitude à qui il sera donné d’écouter et de se procurer les enregistrements , à petit prix, à tous les carrefours de la ville, dans les gares, les salles d’attente, et les transporter dans leurs poches, grâce aux miracles de la miniaturisation :
« Il se fabriquera des phono-opéra graphes de poche utiles pendant l’excursion dans les montagnes des Alpes ou à travers les canyons du Colorado. »
Quant aux illustrations et images imprimées elles seront remplacées par les merveilles du « kinétographe », dérivé de l’invention d’Edison, où « des tranches de vie », fictives ou réelles, satisferont le goût de tous. Enfin les nouvelles du jour et de la presse pourront être avantageusement consultées par un consommateur délicieusement allongé dans son lit, et qui n’aura plus à tourner fastidieusement de grandes pages froissées. Et le narrateur de conclure qu’il s’agit là d’une évolution inéluctable et proche et que nul ne regrettera la disparition totale et absolue du livre imprimé :
« Il faut que les livres disparaissent ou qu’ils nous engloutissent ; j’ai calculé qu’il paraît dans le monde entier quatre-vingt à cent mille ouvrages par an, qui tirés à mille en moyenne, font plus de cent millions d’exemplaires, dont la plupart ne contiennent que les plus grandes extravagances et les plus folles chimères et ne propagent que préjugés et erreurs. Par notre état social nous sommes obligés d’entendre tous les jours bien des sottises ; un peu plus, un peu moins, ce ne sera pas dans la suite un bien gros excédent de souffrance, mais quel bonheur de n’avoir plus à en lire et de pouvoir enfin fermer ses yeux sur le néant des imprimés ! »
Une autre petite échappée sur le futur de la part de l’écrivain et romancier de génie, Albert Robida. L’on ne sait ce que l’on admirera de plus ici, de la justesse de sa vision, où de son ironie en face d’une situation de disette culturelle à venir. L’éradication du livre qu’il entrevoit – crainte encore partagée il y peu par bon nombre de nos savants contemporains- si elle ne semble pas exister dans la réalité est pourtant bien un état de fait lorsque l’on sait, qu’en France par exemple, 90% des lecteurs se contentent de déchiffrer des étiquettes des boîtes de conserve.
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