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Livres

  1. Type: livre Thème: guerres futures 1 Auteur: le lieutenant-colonel R. de D. Parution: 1913
    Le « Partage de l’Allemagne » est une réponse au « Partage de la France », paru un an auparavant. Prédisant comment l’Etat français sera aboli, le pays dépecé et intégré au «Gross Deutschland ».  Le lieutenant – colonel R. de D., dont le sang ne fit qu’un tour  à cette lecture, s’est senti une âme vengeresse. « Finis Germaniae » sera son mot d’ordre. A travers une approche rigoureuse – dit-il - , il montre à son tour le processus de mise à mort de l’Allemagne par une guerre rapide, joyeuse et enthousiaste.
    Son récit ne comporte aucune scène de carnage, ni manœuvres politiques, ni croc-en-jambe diplomatiques,  ni revers bleu - horizon.  C’est par une alliance franche et cordiale entre les membres européens (en gros toutes les nations sauf celles de la Triple Entente) que, par la « Furia Francese », à l’aide de généraux remarquables s’appuyant sur des soldats prêts à mourir pour la patrie dans la joie, que les victoires s’accumulent sur terre et sur mer, conduisant tout droit vers Berlin. Partout des peuples heureux d’être débarrassés des Prussiens, en tous lieux des soulèvements populaires contre les oppresseurs teutons, partout des accueils chaleureux pour les libérateurs –même dans certaines régions autrichiennes. Des faits ?
    L’organisation déficiente de l’ennemi ajoutée à son orgueil qui, attaquant le long des frontières de l’Est sans préparation, sûr de remporter une victoire aisée sur des Français en décadence, rate d’emblée son entrée en guerre. A cette illusion répond notre appareil militaire, parfaitement ordonné, parfaitement réglé, qui achemine dans l’ordre nos soldats sur le front, avec des armes nouvelles :
    « Ces petites flèches étaient en fil d’acier écroui, d’une longueur de dix centimètres, d’une épaisseur de 1millimètre, très pointues d’un bout, aplaties de l’autre pour former deux petites ailettes hélicoïdales qui, en tombant, devaient faire tourner la flèche afin d’orienter sa pointe vers la terre. Les essais avaient démontré qu’une  de ces flèches, parfaitement droite, bien pointue, bien écrouie, tombant d’une hauteur de 800 mètres, était capable de traverser un homme de part en part. Enfin le poids de l’unité était de 1 gramme. Un avion de puissance moyenne pouvait donc emporter 150 000 de ces fléchettes dont le poids total était de 150 kilogs (sic). Quant au procédé de jet, il consistait à les laisser tomber régulièrement à l’aide d’un semoir tenu à la main. »
    Pendant que deux régiments français se font tailler en pièces pour contenir la ruée de l’ennemi, le reste de l’armée s’enfonce comme un coin en Lorraine et en Alsace, aidés par les sabotages des autochtones, qui n’ont jamais digéré la défaite de 1871 :
    « Ce fut pendant deux jours,  une lutte épique, où tous, depuis le chef placé au plus haut degré de la hiérarchie jusqu’au dernier troupier, se défendirent sans compter et firent preuve de l’abnégation la plus pure et de l’esprit de sacrifice le plus complet. (…)  Résolus à mourir plutôt que de manquer à la mission qui leur avait été confiée : donner au reste de l’armée le temps d’arriver, ils ne cédaient le terrain que sous l’effort des baïonnettes infiniment plus nombreuses et après avoir infligé à leurs ennemis des pertes qui leur faisaient chèrement payer les succès partiels obtenus. »
    Les Français culbutent l’ennemi et le poursuivent au-delà du Rhin, cavaliers et fantassins se montrant d’une redoutable efficacité.Les autres pays participent à l’assaut. La Russie, qui guigne vers Berlin, en espérant augmenter son glacis protecteur. L’Angleterre, dont le sens de l’équilibre est bien connu, qui pense développer sa domination économique en Atlantique. L’Espagne qui lorgne vers les colonies d’outre-mer. Les pays baltes qui ont maintes fois soufferts des exactions prussiennes et autrichiennes. Dans le Sud, l’Italie, qui n’arrive pas à se forcer un passage dans les Alpes, et dont la flotte, immédiatement anéantie, ne pourra acheminer les renforts de ses colonies d’Afrique du Nord. L’Autriche elle-même, embarrassée par la Hongrie, et dont les intérêts sont divergents de ceux de la Prusse :
    « Au bout de ce délai de 30 jours, non seulement les Allemands étaient battus à l’ouest ; mais sur la frontière de l’Est le danger devenait pressant, car trois armées russes étaient sur le point de déboucher de la région de Varsovie. Et ce n’était pas l’Autriche qui pouvait être d’un grand secours à la Prusse. Dès le début de la guerre, elle avait eu les plus graves désordres à réprimer dans l’intérieur. Tous les peuples divers qui la composent, toujours en bouillonnement, toujours bataillant pour la conquête de leur autonomie, avaient cru enfin l’heure venue, de la liberté.
    La Bohême s’était proclamée indépendante. Le drapeau tchèque avait été arboré à Prague. A Trieste, le préfet autrichien avait été massacré. Partout, dans les nations de races slaves : Ruthènes, Tchèques, Slovènes, Croates, on acclamait le nom de la Russie ; il n’est pas jusqu’à la Hongrie qui ne témoignât d’une tiédeur inquiétante… »
    La lenteur de la mobilisation russe qui aurait pu apparaître comme un avantage pour l’Allemagne, se retourne contre elle lorsque, harcelée d’un côté par les rapides troupes françaises, elles tombent dans la nasse russe enfin tendue du côté de Berlin.
    Si, sur terre, les victoires s’accumulent, sur mer, la confrontation tourne très vite en faveur de l’Alliance. Les Anglais, déjà maîtres en Atlantique, se faufilent en mer du Nord et en Baltique, pilonnent les villes hanséatiques. En Méditerranée, la partie est jouée : les Italiens, à genoux,  leur laissent toute la mer à courir :
    « Certes les adversaires s’étaient bien défendus ! Ce fut, durant des heures, une vision d’enfer dont nul peintre, plus tard, ne pourra rendre l’effroyable et tragique beauté. Ceux qui y assistèrent conserveront toute leur vie, la vision de ce spectacle fabuleux: des énormes tourelles crachant, vomissant le feu ; des canons énormes de 370 et de 420 dont les détonations étaient si monstrueuses qu’elles secouaient la mer et faisaient trembler les masses des navires ; des projectiles énormes arrivant en trombes dévastatrices et éventrant les cuirasses les plus épaisses ;Des gerbes d’eau fusant jusqu’à des hauteurs insensées et retombant en tornades parmi les marins excités. Puis, au milieu de tout cela, de ce cataclysme, des sous-marins surgissaient des gouffres, apparitions fantastiques et soudaines, pour replonger plus loin. Il en fut qui ne reparurent jamais ! »
    D’ailleurs la France, fille aînée de l’Eglise, sera aidée par la providence. Au début de la guerre, lors d’une audacieuse action aérienne, une bombe, lâchée au-dessus de la demeure du Kronprinz, tuera celui-ci, démoralisant  les Allemands dès l’ouverture des hostilités. Finalement, lorsque les belligérants entrent dans la capitale du Reich, il n’y plus d’armée, plus de chefs, plus d’Allemagne. Par le nouveau traité de Berlin, le pays sera démembré. Ne subsistera que la Thuringe en tant que pays autonome. Le Bade-Wurtemberg ira à la France, l’Angleterre s’octroie les anciennes colonies allemandes de l’Est Africain, le Danemark récupère le Schleswig-Holstein, la Belgique étend son territoire jusqu’au Rhin, l’Espagne acquiert l’Ouest africain, enfin les frontières de la Russie passeront au-delà de Berlin et de l’Elbe moyen.
    L’Italie sera bridée, avec interdiction de construire une flotte de guerre comportant plus de dix cuirassés. Les états balkaniques, pour leur aide précieuse, se partagent Bosnie, Herzégovine, Slovénie et Croatie. L’Autriche, réduite de moitié, portera en germe, grâce à la diplomatie française, de futures dissensions avec ce qui reste de l’empire déchu, qui empêchera à jamais une nouvelle union avec la Prusse.
    Ce texte constitue un témoignage intéressant, à travers une guerre conjecturée, de l’inconscient collectif français. Ce que la France aurait souhaité met davantage en relief la tragique distorsion d’avec la réalité de la guerre de 14-18, celle qui enverra mourir des millions de jeunes dans les culs de basse fosse que forment les tranchées de Verdun et d’ailleurs, sous le commandement d’incapables somptueux, tels que les Gamelin, purs produits d’une nomenklatura militaire « fin de race » semblables, dans leur criminelle insouciance,  aux officiers prussiens bouffis de morgue, dans leurs bottes et sous leur casque à pointe.

  2. Type: livre Thème: menaces climatiques Auteur: Garret B. SERVISS Parution: 1912
    Cosmo Versal, savant infatigable et riche, est convaincu de l’imminence d’un second déluge qui noierait la terre sous plus de six mille mètres d’eau, ne laissant dépasser que les monts les plus élevés des Andes et de l’Himalaya. Catastrophe programmée pour un avenir proche puisque la Terre devra traverser le cœur de la nébuleuse aqueuse de Lord Rosse, responsable du désastre. Avec son fidèle ami Joseph Smith, la décision sera prise de construire l’arche du salut en vélium, un métal léger et résistant qui n’emportera dans ses flancs que mille personnes soigneusement choisies et des animaux appariés, utiles à l’homme. Sa philanthropie le pousse à tout faire pour mettre en garde le monde du danger qu’il court. Quolibets, mépris et ironie seront les réponses à son souci, en provenance de la part de ses collègues, surtout du plus acerbe d’entre eux, le professeur Pludder, doyen des sociétés scientifiques.
    Les premiers signes des tempêtes à venir changent les comportements et certains sollicitent leur entrée dans l’arche. Dans son choix, Cosmo privilégie les professions plutôt que les statuts, et l’honnêteté plutôt que la richesse ou l’appartenance à la race blanche. Les scientifiques, les artistes, les enseignants seront représentés ainsi que des familles avec des enfants (deux au maximum). Les prémisses de la catastrophe se font sentir:
    « La tempête de neige qui éclata aussi soudainement à Washington ne fut pas un phénomène local. Elle se manifesta par toute la terre, coupant les lignes télégraphiques et empêchant toute communication. Seul le téléphone sous-marin demeura intact et transmit les plus surprenantes nouvelles. A Londres, la tour Victoria s’était en partie effondrée ; à Moscou, il ne restait que quelques pierres de la merveilleuse église de Saint-Basile. La tour penchée de Pise s’était écroulée. Le dôme de Saint-Pierre à Rome s’était pendant un service religieux entr’ouvert, et refermé sur les fidèles terrifiés. »
    Devant le péril, l’arche est prise d’assaut. Cosmo Versal n’est plus méprisé ou moqué mais haï par tous ceux qui n’ont su prévoir. Connaissant le misérable comportement humain, Versal a fait entourer son arche d’une clôture électrique empêchant ainsi son accès à quiconque. D’ailleurs la montée rapide des eaux règlera définitivement le problème. Toutes les grandes métropoles étant déjà sous les eaux, l’arche se met à flotter :
    « Le flot submergea tous les quartiers de New York situés à moins de vingt pieds d’altitude : destruction incalculable ! Les vaisseaux qui ne sombrèrent pas vinrent se fracasser contre les monuments. San Francisco disparut ainsi que Los Angeles, Portland, Tacoma, Seattle. Sur la côte Ouest de l’Amérique du Sud, les vagues se frayèrent un passage jusqu’à la Cordillière des Andes. Les deux plus grands océans du monde semblaient vouloir ne plus former qu’un seul lit.»
    Quelques autres tentatives isolées de sauvetage auront aussi lieu. Ainsi Pludder embarquera sur un aéronef de sa conception « l’aéro-réflex » en compagnie du roi d’Angleterre. La solution la plus originale sera adoptée par un Français, De Beauchamps, commandant le sous-marin «le Jules Verne ». Celui-ci, faisant la connaissance de Cosmo Versal, naviguera de conserve avec l’arche, le long des côtes européennes et au-dessus de Paris englouti :
    « Et nous voilà dans Paris. On distinguait encore l’emplacement des quais à la hauteur du Point du Jour. Le  Champ de Mars était la seule étendue navigable. L’Arc de Triomphe se dressait comme autrefois avec ses groupes héroïques. Il est triste de penser que toutes ces merveilles, que tous ces chefs-d’œuvre de l’architecture, que tous ces lieux de plaisir servent aujourd’hui de refuge à la faune marine. Le Panthéon se dresse encore sur sa colline : mais le dôme s’est effondré ; Notre-Dame n’a plus que ses deux tours ; et au palais du Louvre, à travers les murs éventrés on aperçoit des toiles déteintes et des statues mutilées. »
    La pluie dure, comme dans la Bible, quarante jours et quarante nuits, jusqu’à la sortie de la dépression causée par la nébuleuse. Dans l’arche, l’on ne s’ennuie pas. Parfois même, l’on s’imagine être en croisière et les artistes y donnent des pièces de théâtre, Shakespeare notamment, ou des pièces de musique symphonique.Les rescapés flottant sur un océan devenu planétaire, mettent le cap en direction de l’Himalaya, en un trajet les menant au-dessus des Alpes, de la Mer Rouge, des côtes de l’océan indien , des hauts plateaux du Tibet, navigant au-dessus des cités détruites et d’anciennes capitales du monde :
    « Le Rhin  gonflé par cette fonte déborda, submergeant tout sur son passage ; Strasbourg disparut sous les eaux : seule la flèche de sa Cathédrale pointa, tel un doigt, vers le ciel. La mer de glace à Chamonix, et tous les autres glaciers du Mont-Blanc se liquéfièrent, noyant les plaines du Dauphiné, du Piémont et de la Lombardie, emportant Genève, Turin, Milan, dans leur torrent. Les mers, les lacs et les fleuves se réunirent pour ne plus former qu’un vaste océan qui se précipita dans le désert du Sahara, et les malheureux indigènes qui, depuis tant de siècles luttaient contre la sécheresse afin d’apporter dans le désert l’eau nécessaire à la culture, éperdus, n’essayèrent même pas de se sauver. »
    A bord, la vie paisible fut toutefois perturbée par une mutinerie que Cosmo réprimera avec la dernière sévérité et par l’arrivée de rares survivants, tels que le banquier fou Adams ou celle de Pludder avec son ami le roi, dont l’aéro-réflex s’était abîmé dans les flots. Beau joueur, ce dernier  reconnut enfin son erreur vis-à-vis de Versal.
    Ayant quitté les sommets himalayens de Gaurisankar, disparus sous les flots, Cosmo Versal eut une surprise de taille en abordant les monts du Colorado. Non seulement il y trouva une terre émergée, un haut plateau, mais encore de nombreux rescapés qui vinrent à sa rencontre en barque. Le monde entier n’avait donc pas été noyé. Comment était-ce possible ?
    Sa théorie était qu’un « batholite » (une espèce de plateau continental) avait vu le jour, par un exhaussement de terrain,  suite à la pression que l’eau exerçait sur les failles terrestres, mettant définitivement à l’abri du déluge les gens qui vivaient là. Ainsi furent sauvés plus de trois millions de personnes qui, s’ajoutant à l’élite apportée par l’arche, permirent le renouveau de l’espèce humaine.
    Le Second déluge, « novella » restée à l’état de préoriginale en France, reprend la version biblique, remplaçant Noé par Cosmo Versal. Le thème de la submersion généralisée permit de belles pages à l’auteur dans le but d’émouvoir le lecteur. Ceci dit, l’intrigue est mince, les péripéties prévisibles et les lieux communs nombreux.

  3. Type: livre Thème: fins du monde, fins de l'humanité, l'entropie progresse... Auteur: J.H. ROSNY AÎNE Parution: 1912
    Targ et Arva font partie du dernier noyau humain résidant sur terre. Des éons se sont écoulés depuis l’ère radioactive. Aujourd’hui, partout, s’étale le règne du minéral. La terre qui se transforme rend impossible la survie de l’espèce humaine. L’eau des océans, des lacs, des fleuves disparaît:
    « Depuis cinq cents siècles, les hommes n’occupaient plus, sur la planète, que des îlots dérisoires. L’ombre de la déchéance avait de loin précédé les catastrophes. A des époques fort lointaines, aux premiers siècles de l’ère radioactive, on signale déjà la décroissance des eaux : maints savants prédisent que l’Humanité périra par la sécheresse ».
    Les derniers clans, ceux des Terres-Rouges, des Hautes Sources, de la Dévastation, se regroupent autour des rares oasis qui subsistent. Utilisant encore les prodigieux artefacts d’un passé révolu, tels que le Grand Planétaire ou l’Ondofère, il leur est pourtant impossible de combattre l’avancée de la nuit du monde, ainsi que la progression d’un nouveau règne vivant qui leur est hostile : les Ferromagnéteux, créatures minérales incompréhensibles qui vivent du magnétisme en absorbant le fer contenu dans les globules sanguins des humains.
    En dépit de leur lenteur, ils constituent une menace terrible pour les derniers survivants de la terre, que l’instinct de vie a déjà quitté. Une résignation faite de tristesse confuse et de fatalité leur fait choisir, quand la pression de mort est trop forte, l’euthanasie douce. Des tremblements de terre permanents finissent aussi par tarir les derniers points d’eaux:
    « D’ailleurs les phénomène sismiques continuaient à remanier les terres et détruire les villes. Après trente mille ans de lutte, nos ancêtres comprirent que le minéral, vaincu pendant des millions d’années par la plante et la bête, prenait une revanche définitive. Il y eut une période de désespoir qui ramena la population à trois cents millions d’hommes, tandis que les mers se réduisaient au dixième de la surface terrestre. »
    Targ est différent des autres : il sent encore couler dans ses veines un peu de l’impétuosité de la jeunesse. Arrachant des griffes des Ferromagnéteux  Eré, celle qui deviendra plus tard sa femme, il s’aventure dans des failles profondes à la recherche d’une source souterraine. Son entreprise réussit et augmente pour un temps la longévité du clan des Terres-Rouges alors que tous les autres, désespérés et sans eau, se donnent la mort :
    « L’euthanasie était d’une extrême douceur. Dès que les condamnés avaient absorbé les merveilleux poisons, toute crainte s’abolissait. Leurs veilles étaient une extase permanente, leurs sommeils profonds, comme la mort. L’idée du néant les ravissait, leur joie croissait jusqu’à la torpeur finale. »
    Targ sait cependant que pour survivre il lui faut gagner la zone équatoriale avec Avra, Eré et les enfants. Ils s’y établissent mais pour peu de temps car, de retour d’une expédition en planeur, Targ trouve Eré mourante et sa famille engloutie dans une faille. Tandis que ceux du clan des Terres Rouges se sont depuis longtemps euthanasiés, Targ reste véritablement le dernier humain sur terre. Constatant enfin l’inutilité de ses efforts, il livre sa vie aux Ferromagnéteux qui grouillent sur les ruines :
    « La nuit venait. Le firmament montra ces feux charmants qu’avaient connus les yeux de millions d’hommes. Il ne restait que deux yeux pour les contempler !… Targ dénombra ceux qu’il avait préférés aux autres, puis il vit encore se lever l’astre ruineux, l’astre troué, argentin et légendaire, vers lequel il leva ses mains tristes… Il eut un dernier sanglot ; la mort entra dans son cœur et, se refusant l’euthanasie, il sortit des ruines, il alla s’étendre dans l’oasis, parmi les Ferromagnéteux. Ensuite, humblement, quelques parcelles de la dernière vie humaine entrèrent dans la Vie Nouvelle. »
    « La Mort de la terre » se présente comme une nouvelle originale et envoûtante, autant par le style que le thème. La vision minérale d’un monde à l’agonie, l’improbable existence d’êtres radicalement différents, l’étrange comportement de désespoir tranquille manifesté par des hommes, l’ensemble de cette thématique, pillée à maintes reprises par les épigones de l’auteur, constitue une innovation majeure dans le genre.
    Ajoutée à « la Force mystérieuse » et aux « Navigateurs de l’infini », ces rares récits suffisent à faire de Rosny Aîné l’un des maîtres de la science-fiction française.

  4. Type: livre Thème: menaces animales, guerres futures 1, savants fous et maîtres du monde Auteur: Paul D'IVOI Parution: 1912
    Max Trelam, reporter célèbre au Times de Londres, retrouve sa mystérieuse Tanagra, sœur du non moins célèbre X323, l’espion au mille visages, terreur des ennemis de la France. En mission à Boulogne, il doit également résoudre l’énigme de la disparition de Miss Elen d’un pensionnat de jeunes filles,  et qui ressemble à la sœur jumelle de Tanagra (ce qu’elle est.) Entre temps, plusieurs personnalités européennes ont été retrouvées inexplicablement mortes avec, figé sur leurs lèvres, un horrible rictus, environnés d’une poussière de cristal :
    « Un spectacle terrifiant attendait les personnes qui se précipitèrent dans la chambre. Le député était mort, assis devant sa table, ses notes éparpillées sous sa main. Et, détail stupéfiant, la mort avait figé sur ses traits un rire formidable, convulsif. »
    Sur le ferry qui l’emmène en France, Trelam est persécuté par Aghatas Block, un soi-disant confrère, qui n’est autre que le sinistre comte Strezzi, ennemi juré de X323 et responsable des morts subites européennes. Avec l’aide de Tanagra déguisée, Trelam déjoue la surveillance de Strezzi. Par un long périple qui les conduit en Bavière via Bruxelles, le couple – répertorié dans les hôtels comme mari et femme au grand plaisir de Trelam, amoureux de Tanagra-  sera rattrapé par Strezzi et capturé.
    Pourquoi le comte montre-t-il un tel acharnement à leur encontre ? Par le biais de Trelam, il espère capturer X323 seul capable de le contrer dans ses sinistres projets de déstabilisation de l’Europe. Strezzi est aussi le ravisseur d’Elen, comptant se servir de ses proies pour faire sortir de l’ombre le mystérieux espion X323, qui a suivi toute l’affaire de près. Ce dernier apparaît donc à Strezzi  sous un déguisement. Nos héros seront embarqués de force dans le dirigeable du comte d’où celui-ci, de façon très précise, choisit de nouvelles cibles qui seront bombardées avec des boules de cristal remplies de miasmes mortels, tirées par le «canon du sommeil » :
    «Il paraît que dans quelques minutes, nous arriverons au-dessus d’un village, occupé par des troupes de Serbie… Là, se trouve le quartier général d’un commandant de corps d’armée, dont la compétence militaire exalte les espérances des patriotes serbes… Si cet homme vit, la guerre est presque inévitable contre l’Autriche ; des milliers de jeunes soldats périront. Alors, au-dessus du logis de cet homme dangereux, M. le comte Strezzi m’accorde l’insigne honneur d’actionner la manette du Canon du sommeil… Le général meurt de rire, et une charmante petite épidémie de choléra asiatique donnera satisfaction à ces Serbes remuants, qui ne rêvent que morts et batailles. »
    Tous ceux qui sont touchés par les projectiles meurent de maladies épidémiques: choléra, peste, etc. Strezzi - décidément très odieux – recourt au simulacre d’un mariage avec Tanagra pour tenir en laisse X323. Le dirigeable flotte vers la forteresse de Gremnitz  qui servira de prison aux infortunés, sous la paternelle et obèse surveillance des époux Logrest.
    Alors que Strezzi disparaît dans son usine à fabriquer des miasmes dont l’emplacement est tenu secret, nos amis s’étiolent à Gremnitz jusqu’à ce que X323, se prétendant malade, arrive à détourner l’attention des Logrest et à s’évader. Strezzi, prévenu, écume de rage. Immédiatement, il conduit ses prisonniers à son usine, prêts à les faire mourir par une injection du bacille de Hansen si X323 ne se manifeste pas. Cette usine, située au bord du lac Weisen, représente le centre malfaisant de la corruption allemande d’où Strezzi , en compagnie de son âme damnée le docteur Morisky, un savant fou de la pire espèce, compte bouter le feu à l’Europe :
    « Tout un côté de la pièce est occupé par une vaste étuve, où mijotent des liquides dont la seule vue donne le frisson. Quelles épidémies grouillent dans ces marmites véritablement infernales, quels bacilles virulents, bâtonnets, virgules, chapelets, microcoques ou streptocoques ? Ah ! le professeur Morisky, cet insensé sinistre, a eu raison de s’intituler l’Attila des microorganismes.(…)
    Ce savant (car il l’est au plus haut degré) avait trouvé le moyen de préparer un projectile dont la combinaison est telle qu’en cas d’explosion, il se fragmente en impalpable poussière, ne permettant pas de connaître sa nature. Mais le génial de sa découverte consistait dans la charge de ce projectile. Du protoxyde d’azote liquide, qui par sa soudaine expansion pour redevenir gazeux, produisait à la fois un froid intense congelant instantanément tout dans un rayon déterminé et figeant, sur les traits des défunts, cette contraction joyeuse (…) Le docteur Morisky avait réussi à ensemencer ses projectiles des bacilles ou microbes de diverses maladies contagieuses, et à assurer la vie de ces atomes dangereux dans le gaz comprimé jusqu’à la liquéfaction.  Le projectile explose : les assistants meurent de rire ; ceux qui pénètrent plus tard dans la salle, emportent avec eux les germes de maladies terribles, germes qui ont conservé toute leur virulence. »
    Surviennent plusieurs événements imprévus qui entravent ses abominables projets. X323, qui a suivi incognito le criminel en son antre souterrain, a fait exploser le dirigeable pour provoquer une diversion. Trelam, Tanagra, Miss Elen s’apprêtent déjà à mourir en d’atroces souffrances, rongés par la lèpre, lorsque X323 , ayant pris l’apparence de Goertz, un garde-chiourme, se fait reconnaître par eux et les délivre, élimine Strezzi, fait sauter l’usine infernale.
    L’Europe (notamment l’Angleterre et la France) devront une fière chandelle au patriotique espion et le reconnaîtront en anoblissant X323 tandis que Trelam aura pour royale récompense la main de Miss Elen (au fond c’est comme s’il épousait Tanagra elle-même), avant de repartir vers de nouvelles et merveilleuses aventures.
    « Le Canon du Sommeil » constitue la suite de « X323, l’homme sans visage ». Le style, résolument teinté d’anglicismes et souvent amphigourique, s’allie à la thématique du savant fou et de la menace bactériologique, ainsi qu’à l’antigermanisme début de siècle. Le roman, quoique vieillot et parfois lourd à digérer, se lirait encore n’était sa rareté sur les rayons des bouquinistes.

  5. Type: livre Thème: menaces idéologiques, la cité foudroyée, épidémies, guerres futures 1 Auteur: François LEONARD Parution: 1912
    Scrells et Villiers, deux biologistes, dont l’un spécialisé dans l’étude du " microbe de la  mort ", se dirigent vers Londres à bord du paquebot «l’Alexandria». La vision de la cité en ce 22ème siècle est terrifiante. D’abord apparaît:
    "L’ulcère de son agglomération. Partout, le carbone, le phosphore, l’acide sulfurique, vomis par ses cheminées, tuaient le rire enfantin des fleurs, couvraient les feuilles de poussières malades, de déchets corrosifs, et empoisonnaient, en un mot, l’âme divine du printemps."
    Puis, l’industrie humaine et la pollution:
    "Partout, la mécanique, la vapeur, l’électricité, les Forces se bousculaient; partout, on entendait gronder les meules, rouler le tonnerre des bielles, siffler les courroies, exploser la matière sous le choc sourd des lourds marteaux-pilons; partout, s’écrasant les unes contre les autres, les usines, comme d’horribles monstres accroupis, pendaient leur visage sinistre vers le bonheur fuyant de l’eau."
    Les quartiers riches établissent enfin un tel contraste avec les docks que le Londres de ce siècle futur ressemble comme deux gouttes d’eau à son frère de l’ère victorienne. Les mêmes crispations sociales se font jour, comme l’existence d’une masse prolétarienne écrasée sous le poids des trusts, notamment celui de Perkins,  roi du radium:
    "Ah! Combien significative de l’écrasement physique et moral subi, depuis des siècles, sous l’entassement prodigieux, magnifiques et cependant homicide des grandes forces sociales! Combien tragiquement révélatrice de l’exigence des trusts, mangeurs de chair humaine! Tout ce qui grouillait là, dans les repaires du vice et du crime, avait autrefois travaillé sur la rive droite, dans l’enfer des usines, s’y était usé, déformé, lassé, perverti."
    Pourtant le cours de l’histoire a plutôt été favorable à l’Angleterre. Une nouvelle guerre contre l’Allemagne est en passe de se terminer à l’avantage des Britanniques, grâce à des engins de mort hautement techniques:
    "Sous l’attaque des flottilles d’aéronefs armés de fantastiques projecteurs d’énergie, les centres industriels de l’Allemagne, un à un étaient incendiés, broyés en l’étau des forces émises par le vainqueur, ou déchiquetés à distance par l’infernale téléaction des appareils Wing."
    L’armée, démobilisée a pu prendre ses quartiers de repos à Gillingham, ville voisine et adversaire économique malheureuse de la grande capitale anglaise. La présence de soldats en ce lieu va s’avérer être une pièce essentielle dans les conflits sociaux émergeants. Entraînée par les leaders syndicaux, Samfery et Graven, soutenue par la CGT internationale, la foule des prolétaires , à l’occasion des élections proches, réclame une chambre plus libérale . Le message, ponctué par quelques défilés, n’a pas été entendu par le Président Dickinson, à la solde du magnat Perkins.  
    Lorsqu’échouent des tractations devant desserrer le carcan de la répression sociale, les défilés se font émeutes, les émeutes, révolution. Les hordes, sous la conduite de Samfery, envahissent les lieux d’argent. La grève est générale, les banques pillées, la Bourse mise à sac. Plusieurs charges de cavalerie se brisent sur la détermination des pauvres de WhiteChapel:
    "L’armée requise, impuissante à arrêter sans effusion de sang la marée montante de ces hordes, les regardait passer, apparemment paisibles, de rue en rue, de carrefour en carrefour, comme des masses d’encre et de boue, comme des alluvions gonflées de futurs cataclysmes, comme de sombres et tragiques caravanes rampant sous le poids formidable de leur destin. De tous côtés, les halls rougeoyants des fabriques, encore embués des brouillards malsains du travail, déversaient en silence leurs avalanches d’hommes."
    La bourgeoisie, sentant tourner le vent de l’histoire, coopère en un premier temps avec les prolétaires pour tirer son épingle du jeu. Le président Dickinson, avec  d’autres magnats, désertent la capitale pour se réfugier à Gillingham. Perkins, homme dur et sans scrupule, avait envisagé de faire tirer sur la foule au canon avec l’aide du croiseur formidable "Algoria". Ce plan échoua, les marins de l’Algoria fraternisant avec la foule (prémonition de l’auteur qui anticipe sur la véritable histoire du " Potemkine " ?) Devant cet échec, il parvient à canaliser une partie des émeutiers dans un quartier bas de la ville et, faisant ouvrir les vannes, les y noya comme des rats. La rage des prolétaires ne connut plus de limite, la révolution fédérant toutes les énergies - surtout à l’annonce de la mort de Samfery - ils renversèrent le gouvernement capitaliste pour y établir un Comité de Salut Public: Londres venait de tomber aux mains des insurgés:
    " Kensington, Bayswater et Camden-Town avaient été pillés et dévastés. Puis le feu avait été mis au Parlement. En ce moment même, au coeur de la Cité, la bourgeoisie, d’accord avec la plèbe, pillait les banques particulières et incendiait les locaux des journaux conservateurs "
    Parallèlement aux émeutes, se déroule une autre tragédie: celle des épidémies. Le laboratoire de Villiers, où il se livrait à l’étude du " microbe de la mort ", sorte de cocktail bactérien éminemment dangereux, a été la proie des flammes lors des émeutes. Les bactéries ne périrent pas dans le feu et se répandirent dans la population. De nature endémique au départ, l’épidémie n’inquiéta que Scrells et Villiers, les autres savants et médecins étant occupés par les émeutes. Mais avec les désordres et la malnutrition, elle devint explosive:
    "Déjà la nourriture se faisait rare; et autour des maigres victuailles arrachées à prix d’or à l’égoïsme des terriens, la férocité des appétits criminels se déchaînait. A Uxbridge, les Chinois armés de stylets avaient poignardé, la nuit une partie de la population indigène. Les habitants qui avaient pu échapper au massacre s’étaient sauvés vers les villages voisins et cachés dans les bois, en attendant l’arrivée des secours promis de Northampton."
    Les révolutionnaires, vainqueurs sur le terrain, eurent un tout autre ennemi à combattre, insidieux et terriblement présent, décimant les rangs des prolétaires, ce que n’avait réussi à faire les capitalistes. La Cité présente un visage sinistre:
    " Décembre vint... Dans les palais, parmi la gloire éteinte des siècles disparus, les fantômes de la douleur erraient comme des apparitions de légende. A Hyde Park, des corps squelettiques, pâles et grelottants, tordus en des spasmes hideux, s’écroulaient, tels des troupeaux de forces vaincues, dans la fraîcheur de l’herbe. Puis ce fut la neige... A gros flocons, elle recouvrit tout de son linceul.... Dans les rues, les cortèges de la mort se suivaient comme de longs chapelets noirs sur son blanc tapis silencieux. "
    Une aide internationale s’organise, impuissante à enrayer le fléau. Scrells, Villiers, Perkins ont été tués. De loin, Dickinson envisage, la mort dans l’âme, de cautériser les deux plaies - sociale et physiologique - à l’aide de l’armée basée à Dillingham, ce qui, entre autres avantages, permettra à la cité concurrente de Londres de rejouer un rôle de premier plan dans l’histoire de l’Angleterre. Il fut décidé d’éradiquer par le fer et le feu toute la racaille révolutionnaire:
    " Exactement sous eux, et à cinquante mètres à peine du sol, fuyait le vol ondulé des yarsques triangulaires, armées de glouses métalliques qui se soulevaient et s’abaissaient tout à tour d’un mouvement rythmique, et ressemblaient, vues ainsi, à d’affreuses pattes d’insectes géants. Derrière la flottille des yarsques, venaient, en groupe, les sphères Pooks, lourdes et lentement tournoyantes, avec leurs yeux superposés de lentilles violettes, les fuses à radium, verdâtres, anguleuses, allongées, telles des phasmes; les gyroscopes et les barques sinéliennes avec leurs projecteurs; les aéroplanes Wing et la foule sautillante, déjà toute hérissée d’étincelles bleues, des spirigraphes. "
    Le massacre s’arrêta lorsque Londres ressembla  à un champ de ruines abrasé sur lequel ne souffla désormais plus que le vent :
    " Au nord, du côté de Woodham Ferris, tout un campement de réfugiés, d’environ 50000 personnes, avait été à la fois brûlé et englouti en une crevasse de la terre; les cuirassés aériens, au moyen de leurs téléprojecteurs, y avaient utilisé une force telle que, en moins d’une minute, le sol avait fait place à l’abîme, et qu’en ce cataclysme, la vie humaine, telle une poussière insignifiante tourbillonnant en un incendie gigantesque, avait disparu à jamais. "
    Un récit étonnant où le pire côtoie le meilleur.  Le pire, un style qui se veut " épique " et qui souvent n’est qu’amphigourique, une volonté de démontrer que le bien ne peut sortir d’une justice populaire même si, par ailleurs, elle est justifiée. D’ailleurs, Dieu ne s’y trompe pas, qui envoie ses anges exterminateurs pour achever ce que les gens de bien n’ont pas réussi à accomplir. Le meilleur, la description de cette Londres du futur, impressionnante de puissance avec une imagination qui nous rend concrètes toutes les armes diaboliques et pas très éloignées de celles qui existent réellement, enfin cette prescience d’une révolution urbaine à venir qui part du désir de justice sociale jusqu’aux exactions ouvrières, telles qu’elles se développeront dans la véritable Russie tsariste de 1917.

  6. Type: livre Thème: guerres futures 1 Auteur: Commandant DE CIVRIEUX Parution: 1911
    Le commandant de Civrieux s’exerce au passionnant jeu du "kriegspiel", supputant à l’avance comment l’armée du kaiser pourrait être anéantie. Toutes les procédures des engagements sur le terrain y sont décrites, depuis les alliances française, belge et anglaise jusqu’à la mise en place des "troupeaux"  (sic !) d’hommes sur le champ de bataille :
    " Dans la guerre qui s’ouvrait, munies soit de mitrailleuses perfectionnées, soit de tubes de lancement pour explosifs (récemment inventés et demeurés secrets), montés par les plus hardis pilotes que le monde ait encore vus, les esquifs de l’air devaient jouer un rôle inespéré et magnifique. Et, par-dessus ces préparatifs matériels (…) un souffle passait, le souffle de la confiance. Il soulevait les âmes ; légères, il les portait à la frontière sacrée, vers les chères provinces. Certes, combien de ces âmes abandonneraient bientôt leurs corps éphémères ; mais elles revivraient à jamais dans la mémoire reconnaissante de la patrie. "
    C’est par la Belgique, forcément, qu’attaqueront les Prussiens. Mais cette fois-ci, ils trouveront à qui parler : une masse énorme d’hommes appuyée par un matériel technique du dernier cri. Les différentes phases de l’engagement commencent avec l’attaque d’Apremont (le 17 août 191…) où les Allemands connaissent leur première défaite. Sous le commandement du général Bordeaux qui aligne les armées (de Lorraine, des Ardennes, d’Alsace) avec en ligne plus de 800000 hommes et 3000 pièces d’artillerie, se déroulera l’effroyable Bataille de l’Ourthe qui amènera les Français aux portes d’Aix la Chapelle.
    "Les aéroplanes et les dirigeables étaient répartis entre les armées, les divisions, les places fortes, et, d’une manière générale, tout au long des secteurs de la frontière. Cependant, un millier d’entre les premiers, munis secrètement des appareils de lancement nouveaux, attendaient sur les plateaux à l’ouest de Mézières, sous des abris improvisés, l’emploi que comptait en faire le généralissime. (…) Le soir du troisième jour, 800000 cadavres jonchaient les guérets, les pentes des plateaux, les lisières des bois, les creux des ravins "
    Les Allemands, regroupés autour du Kaiser, se résignent à  la confrontation finale sur le sol même de leur mère patrie, au lieu dit "le Champ du Bouleaux". Sur une éminence, au centre de la plaine de Westphalie, Wilhelm surveille les opérations militaires de la dernière chance, pour contrer la "furia francese". Il ne survivra pas à la fatidique journée,  mourant écrasé sous les bombes lancées sur son abri alors que croulera son empire comme annoncé par les Prophéties de Strasbourg :
    "Tandis que les troupes allemandes, en désordre, cherchaient en vain à rétablir un équilibre déjà rompu, au fond de la plaine, une longue ligne noire raya la coupole du ciel. Cette ligne marchait à toute vitesse. Deux cents aéroplanes la formaient, et, dans un ronronnement tragique, elle dévorait l’atmosphère(…) et soudain, de tous les esquifs aériens, une grêle d’obus explosifs, de balles sifflantes s’abattit vers la terre, en un déchirement d’acier. Puis, par essaims, les aéroplanes fuirent en demi-cercle pour retourner en arrière et renouveler leur cargaison de mort. (…) Sous un orage d’artillerie, 50 000 Africains, dédaigneux de la mort, laissant derrière eux une chaussée de corps humains, étaient lancés tels des damnés poussant des cris sauvages. Tout pliait devant eux, et souvent des bataillons s’ouvrirent, terrifiés, pour laisser passage à ces démons de la guerre. "
    La Bataille du Champ des Bouleaux est l’un de ces innombrables opuscules qui anticipent la guerre de 14-18 et qui décrètent sur le mode de l’incantation la défaite de l’Allemagne, en faisant fi des centaines de milliers de morts dont le sang arrose le sol. Ecrite sous la houlette du Commandant  Driant (Capitaine Danrit), député de Nancy et grand pourfendeur devant l’Eternel (voir la " Guerre de Demain "), cette guerre conjecturale tente d’exorciser par le langage la crainte d’une nation.

  7. Type: livre Thème: menaces cosmiques Auteur: Arthur TOGAB Parution: 1911
    Un jeune couple, dans une maison qui respire le bonheur, située près de Fos sur mer, dans le sud de la France. Elle, avec amour et tendresse, élève ses deux petites filles jumelles , et un nourrisson. Lui, investi de son devoir paternel, veille jalousement sur leur bien-être Or, ce soir-là, et bien que l’on soit proche du printemps, un froid terrible, intense, les réveille. Les enfants pleurent de froid.
    Avec un violent effort sur lui-même, le père sort de son lit et constate de signes inquiétants : le thermomètre – qui descend normalement à moins trente degrés- a volé en éclats, l’eau, dans les verres, s’est transformée en bloc de glace. Le froid est si intense que le père se résigne à sortir de la maison pour rapporter quelques bûches. En poussant les persiennes, le métal des fenêtres est si glacé que sa peau y reste accrochée. Dehors, c’est toujours la nuit noire, mortelle. Il ne reconnaît pas les constellations familières du ciel. Au contraire, des constellations nouvelles, étrangères, luisent d’une manière sinistre :
    « Sous une dense grappe d’astres auquel nul n’eût été capable d’attribuer un nom, planait un météore composé de six petits disques symétriques, piqués à égale distance d’un globe dont le cercle d’illumination paraissait égaler l’orbe que naguère nous désignions poétiquement sous le nom de Séléné. Ce foyer central épandait des ondes lumineuses changeantes, tantôt pourpres, tantôt opalines. Sa zone équatoriale était rayée d’un anneau présentant quelque analogie avec celui de saturne captif au réticule d’un puissant cristal. Des petits disques qui lui servaient en quelque sorte de pignons, les uns étaient verdâtres et marbrés de facules blanches, les autres roses. A vue d’œil le diamètre de ces satellites étaient inférieur d’un quart à celui du corps dont ils recevaient l’impulsion(…) Au zénith resplendissait, clef de voûte fascinatrice, une constellation hélicoïdale dont chaque unité – j’en comptais seize- dépassait en éclat Sirius. Dans la portion du firmament d’où, jusqu’à ce jour émanait la vie, persistaient des ténèbres de caverne(…)« des six disques que j’étais certain d’avoir comptés, quelques minutes avant, quatre avaient tout à coup volé en morceaux, de telle sorte que le globe, pistil de cette extraordinaire fleur astrale, entraînait maintenant, en guise d’étamines, une multitude de corpuscules. La coloration des satellites rompus s’était également modifiée et, du vert et du rose, avait passé au rouge, - pas le rouge aveuglant des métaux prêts à fuir dans un moule, mais celui plus sobre, comme pailleté d’or, des jeunes feuilles de nénuphar lorsque, avril jasant, elles essaiment sous l’instable miroir de l’eau. Les deux astéroïdes subsistants n’avaient rien perdu de leur aspect primitif ; mais tout portait à croire que, sous peu, ils allaient subir une dissociation analogue à celle de leurs congénères. En effet, le phénomène se produisit avec accompagnement d’auréoles orange, une dispersion d’éventails paraboliques argentés. »
    Il ne s’attarde pas au-dehors car il sait qu’il ne peut résister au froid. La flambée épuisée, le jour tarde à se lever. Le froid ne diminuant pas, à l’intérieur de la maison, il faut se préparer à subsister. C’est pourquoi, pour que Julienne son épouse, Marguerite et Renée, les deux jumelles, puissent être mises hors de danger et chaudement vêtu, le père se décide à ressortir pour aller au centre du village. Partout règne la même sinistre ambiance, comme si quelque cataclysme cosmique s’était déclenché. Tout semble paralysé et ce ne sont pas les paroles de M. Mamert, le receveur des postes, qui le calmeront. Celui-ci prétend que, quelque part, les pôles de la terre ont dû se déplacer :
    «Les rares télégrammes que j’ai reçus de Paris, à l’ouverture, et qui tous avaient trait à cette perturbation effroyable, signalaient des points les plus divers de la planète, des résultats identiques : « Déconcertantes dépressions du baromètre…, affolement de l’aiguille aimantée ; l’orient reste inactif. » Chacun se perd au champ sans bornes des conjectures ; les célébrités astronomiques sont à quin. C’est par milliers que l’on compte les cas de décès subits attribuables à ce maudit abaissement de température. A la suite d’une secousse comme jamais encore n’en a enregistré mémoire d’homme, le globe terrestre a dû subir un formidable déplacement…Déplacement des pôles…
    -Erreur, cher monsieur Mamert. Dans ce cas, en effet, nous continuerions à bénéficier, de près ou de loin, à l’influence souveraine du soleil. Tout porte à croire qu’il s’est plutôt produit une soudaine déroute dans le sens de notre orbite. »
    Heureusement, le jour pointe, avec la lumière et la chaleur, faisant craquer la glace de la rivière gelée. Mais là encore, c’est un faux espoir. En lieu et place d’un chaud soleil, une nappe de feu se lève à l’horizon. L’éclat en est intolérable et la petite famille sait maintenant que la terre, proche d’un soleil inconnu, s’achemine vers sa totale destruction :
    « Le limbe de l’astre venait d’émerger des imprécises vagues du brouillard. Il n’avait pas sa douceur habituelle , le premier rayon matinal ; tel un jet de lave épandu d’une secousse, il térébrait pour ainsi dire, chacun des corps sur lesquels bondissait sa lumière aveuglante ; il n’était plus nourricier, mais consomptif ; plus accompagné d’ombres lavées d’or et de lapis, mais d’un extraordinaire flux de couleur analogue à celle que prend l’onde sous le brusque écrasement des myriades de murex (…) Machinalement j’avais ramené l’une des persiennes pour mettre, entre cet astre horrible et nous, une sorte de bouclier. Lui, surgissait avec une implacable furie, aspirant la mer, faisant crépiter l’herbe et la pierre, fendant le sol, accueilli, de tous côtés, par des hurlements.(…) La chaleur devenait insoutenable. Devant nous, les persiennes, comme sous la fièvre de mille cisailles, éclataient. La maison se transformait en fournaise. Au-dehors, le cataclysme se déchaînait dans toute son horreur.
    « Julienne, oh ! que tu dois souffrir ! »
    Pas de réponse, mais ses yeux, toujours ouverts sur les miens, avaient pris une fixité terrifiante. Les plaintes des fillettes avaient cessé. »
    Une nouvelle d’un auteur parfaitement inconnu, à l’inventivité formelle extraordinaire, desservie par une volonté systématique de « faire du littéraire ». Gageons que le style amphigourique et précieux, un vocabulaire incompréhensible pour le lecteur d’aujourd’hui (quelques exemples:muges–adamantin-banne-honde-margolins-falourdes-jonchots–estagnon  de luciline – guillochis-zinzoline…) ne rendront pas cette œuvre pérenne..



  8. Type: livre Thème: guerres futures 2 Auteur: Roy NORTON Parution: 1911
    Les menées expansionnistes du Japon rendent la guerre avec les Etats-Unis imminente :
    «Depuis plusieurs années déjà, de graves sujets de dissensions existaient entre le Japon et la grande République américaine. Des troubles, provoqués d’abord par des causes purement ethniques, avaient éclaté à diverses reprises. La côte du Pacifique, fatalement vouée par sa position géographique à se voir envahie par l’armée des travailleurs jaunes – ces maigres petits hommes que l’Extrême Orient vomit par millions pour venir prendre le pain dans la bouche des autres prolétaires – la côte du Pacifique refusait nettement d’accueillir ces visiteurs encombrants.»
    Guy Hiller, secrétaire de la légation britannique à Washington, tombe amoureux de Norma Roberts, fille du «Père Roberts », un savant réputé et grognon. Cependant, Norma semble distante, préoccupée par d’autres projets. L’invasion des Philippines par les Japonais anéantira les projets de Guy. Norma et son père disparaissent pendant qu’il est demandé en Angleterre, alliée des Japonais, et sommé d’expliquer la passivité des troupes américaines en face du péril. Alors que les Japonais continuent leur avance en direction  d’Hawaï sans tirer un seul coup de canon, les journaux s’émeuvent de la situation , stigmatisant l’inaction du gouvernement. En vue de leur donner satisfaction, les Etats-Unis décrètent une mobilisation générale des troupes…en direction de la frontière canadienne qu’elles devront rendre hermétique :
    « Personne ne devait plus franchir la frontière ; les fils télégraphiques qui reliaient les deux pays en temps de paix furent coupés et arrachés de leur poteaux, par ordre supérieur, comme si l’on renonçait à jamais à communiquer avec la contrée voisine. Bien plus : à tous les points d’atterrissage d’un câble, sur cette immense étendue de côtes, un poste de soldats fut placé : les stations de télégraphie sans fil se trouvèrent brusquement fermées, l’air même placé sous le ban. Des proclamations annoncèrent qu’on tirerait sur n’importe quel ballon ou aérostat qui tenterait de communiquer de l’extérieur ou qui se risquerait au dehors ; tout aéronaute qui enfreindrait ces ordres encourrait la peine de mort. »
    De même, tous les ports américains seront bloqués, provoquant l’isolement total du pays. Guy Hiller, renvoyé aux USA pour y découvrir ce qui s’y trame, l’apprendra à ses dépens : il ne franchira pas la frontière du nord malgré de nombreuses tentatives de sa part. Un autre personnage, le comte Seigo, espion nippon infiltré de longue date aux Etats-Unis, en fera aussi les frais. Ayant découvert en Floride l’incroyable secret de la défense américaine, il ne le communiquera pourtant pas à ses concitoyens, étant abattu par les soldats alors qu’il tentait de prendre la mer.
    Le Japon, encouragé par l’apparente passivité de son ennemi, progresse ainsi jusque devant les côtes orientales des USA. Soudain, toute sa flotte, qui croise au large de Seattle, disparaît brutalement. L’Angleterre, inquiète pour ses alliés, leur envoie sa propre flotte qui se volatilise dans les mêmes conditions :
    «Plus que tout autre, la Grande-Bretagne demeurait consternée. Bientôt il fut hors de doute que le puisant cuirassé Dreadnought avait disparu, emporté par quelque mystérieux cataclysme. Des milliers de braves marins, de sujets britanniques, avaient péri – et personne ne doutait que ce ne fût par l’acte de la terrible république d’outre-mer. Dans tous les cœurs s’éveilla un furieux désir de représailles. »
    Le monde entier est en transes et Hiller soupçonne le Père Roberts d’être à l’origine de cette affaire. Aucune explication cohérente ne fut avancée par une Amérique soumise à un feu brûlant de questions. La configuration géopolitique donnera illico des idées au kaiser qui déclare la guerre à une Angleterre affaiblie. Puis, le chef prussien disparaît brutalement.
    On découvrit qu’il était parti, apparemment consentant, dans la voiture de l’ambassadeur des Etats-Unis. Le roi d’Angleterre, lui aussi, lors d’une soirée au théâtre, disparut de la même manière, en accompagnant l’amiral Robert Bevins, envoyé spécial des USA. Enfin, l’effroi fut à son comble, lorsque l’on retrouva le «Dreadnought», l’un des vaisseaux de la flotte de sa Gracieuse Majesté, barbotant dans la Tamise.Que s’était-il passé ?
    Lorsqu’en plein conseil de guerre le président des Etats-Unis eut la visite du savant Roberts, il ne savait pas encore que ce dernier venait de mettre au point , avec sa fille Norma, une arme révolutionnaire qui rendrait toute guerre future impossible. Son principe, supprimant la force de la gravité, permettait à des masses métalliques immenses de se mouvoir à des vitesses énormes :
    « Un cri simultané s’échappa de toutes les poitrines. Le bloc solide, immobile, demeurait suspendu dans les airs, sans support, sans aucun étai visible ; point n’était ici question de prestidigitation ou de spiritisme.(…) Une masse de métal que tous leurs efforts combinés n’eussent pas réussi à remuer d’un pouce une heure plus tôt planait maintenant libre et seule au-dessus de leurs têtes, tel un cerf-volant gigantesque… »
    Décision fut prise de construire le plus vite possible et dans le secret absolu, des engins volants de cette nature, en Floride, et d’isoler totalement l’Amérique du reste du monde. Dans le même temps, pour respecter le plus de vies humaines, ordre fut donné à la marine américaine de fuir la confrontation avec les Japonais. Bien que Norma souffrît de l’absence de Guy, liée par son serment,  et sous la direction de l’amiral Brokton, elle s’attela avec son père à la construction de ces formidables engins, baptisés «radioplanes ». Après quelques ajustements, l’expérience fut concluante et les essais réussis :
    « Ils avaient ressenti un choc au moment où la puissante machine avait quitté la terre, et maintenant, loin au-dessous d’eux, ils voyaient se dessiner les mille lumières de la capitale. Déjà ils en étaient éloignés de plus d’un mille et ils montaient avec une rapidité foudroyante, l’horizon s’élargissant autour d’eux comme une cuvette gigantesque. La mer s’étendit soudain dans leur champ visuel ; quelques navires, sur sa surface, semblaient des jouets d’enfant ; plus loin, les lumières d’un train en marche paraissaient le sillage d’un vers luisant. On eût dit que la terre s’enfonçait, s’écroulait dans l’espace, les laissant seuls maîtres de l’immensité. Autour d’eux brillaient d’autres lumières, les étoiles vers lesquelles ils semblaient monter. »
    En peu de temps, la flotte de radioplanes prit le départ en direction de la flotte nipponne. Le combat fut rapidement expédié et la capitulation des Japonais totale lorsqu’ils virent ces immenses engins d’un type inconnu fondre sur eux à la vitesse de l’éclair, s’emparer de leurs bâtiments à l’aide de grappins magnétiques,  pour les parquer dans un lac, près de Seattle :
    « Tout alentour, sur la houle lente dont la teinte sombre prenait peu à peu un gris de plomb, les autres navires de l’escadre japonaise assistaient muets et impuissants au plus stupéfiant des spectacles. Ils avaient vu ce corps monstrueux s’abattre sur le vaisseau amiral, en briser les mâts impuissants comme autant d’allumettes, puis revenir à la charge, s’acharner comme un être vivant, briser, démolir les cheminées, et soudain s’élever d’un vol surnaturel, emportant après soi, suspendue à ses serres d’acier, cette formidable masse de métal, ce colosse de fer, le cuirassé Ito, orgueil et force de leur marine, arraché à l’océan, emporté à travers les airs avec une rapidité foudroyante (…) Bientôt la masse formidable ne fut plus qu’un point, une tache flottante dans l’azur du ciel… Puis tout s’effaça ; l’immensité redevint vide… »
    La flotte anglaise subit le même sort – sans qu’un seul soldat ne soit tué. Enfin, pour désamorcer la guerre annoncée entre la Prusse et l’Angleterre, le radioplane «Norma », le premier construit et piloté par la jeune fille, enleva les deux chefs d’état pour leur faire entendre raison. Ils réapparurent, prêts à signer un traité de paix universel sous l’égide des Etats-Unis, les Américains étant ravis de mettre leur invention à la disposition du monde entier - ce qui, entre nous, n’est peut-être pas la meilleure idée !- le mariage de Norma et de Guy concluant cette belle histoire :
    « Déjà le monstre inconnu était assez rapproché du sol pour qu’on pût distinguer les bannières qu’il portait : le pavillon étoilé des Etats-Unis, le drapeau de la Grande-Bretagne et l’étendard immaculé de la paix. La surprise des assistants fut à son comble quand le radioplane ayant atterri, ses portes d’acier s’ouvrirent, et on vit paraître le roi d’Angleterre, souriant, suivi par son premier ministre et par le premier lord de l’amirauté.»
    Le roman présente une vision utopique de la paix universelle rendue possible par l’avancée scientifique et la sagesse des politiques. La composition du texte, des plus intéressantes, présente en deux parties distinctes, selon un vécu  extérieur ou intérieur, une même réalité. L’invention des radioplanes, sortes d’immenses soucoupes volantes, est une trouvaille qui surpasse largement les fantaisies des années cinquante en ce domaine.

  9. Type: livre Thème: la nouvelle glaciation, archéologie du futur Auteur: Octave BELIARD Parution: 1911
    "L'aéronef planait dans la nuit polaire. On était, le lecteur l’a compris, au dernier âge du monde. La terre était envahie par le froid. (…)La double calotte blanche qui couvre les pôles de la terre était descendue lentement, avec les siècles, vers les contrées tempérées, et maintenant sa frange atteignait presque les tropiques. "
    Trois intrépides explorateurs, Tulléar, Fandriana et Atanibé, en provenance de Tananarive et amoureux de Victor Hugo, comptent vérifier l’existence des ruines de Paris, englouties sous les glaces. Par un heureux coup du destin, ils atterrissent avec leur avion là où des monuments encore reconnaissables signalent la présence de la cité détruite. Cachant l’aéroplane dans ce qui reste du Panthéon, ils vont de merveilles en merveilles reconnaissant les tours de Notre-Dame qui se dressent dans une île de la Cité environnée de séracs, ainsi que la Tour Eiffel. Ces lieux funèbres et noirs sont hantés par divers animaux :
    " Les vieilles tours se dressaient, formidables, vivantes, animées. Un peuple entier en occupait toutes les anfractuosités, courait sur leurs galeries, agitant des bras noirs, bombant des ventres en tuniques blanches, poussant des clameurs discordantes. L’usure du temps avait rongé les pierres, creusé partout des escaliers, transformé en rocher l’œuvre des hommes, et par ces escaliers, par ces crevasses, montaient de terre des défilés bizarres, archaïques, jamais vus. Tout à coup Atanibé poussa un grand éclat de rire. " Ce sont des pingouins " fit-il.
    Quand ils aperçoivent des rennes qui fouillent le champ de ruines du Louvre, ils n’hésitent pas à faire un carton sur ceux-ci et, à l’instar des hommes préhistoriques, ils les font basculer dans les ravins qui s’ouvrent au-delà des blocs pierreux. Puis, ce sont les chiens sauvages qui se mettent de la partie. Efflanqués, affamés, ils pourchassent nos amis.
    Tulléar, Fandirana et Atanibé n’entendent pas leur servir de plat principal. Ils leur échappent en se calfeutrant en un lieu souterrain et découvrent – ô merveille ! – la Vénus de Milo encore entière (si l’on peut dire) parmi d’autres trésors artistiques éparpillés dans les salles souterraines du Louvre.
    Tout en admirant ces découvertes, ils entrent en contact avec un Parisien primitif et dégénéré vivant dans les ruines. Celui–ci rameute ses congénères pour une poursuite impitoyable dans les tunnels et couloirs désaffectés du métropolitain de l’ancienne capitale. De justesse, ils échappent aux primitifs en émergeant près du Panthéon, regagnent leur aéroplane, décollent en hachant menu les quelques acharnés qui s’étaient accrochés à l’engin. Mettant cap au sud, ils regagnent leur douillet pays tropical pendant qu’un printemps tardif caresse le champ de ruines parisien :
    " La ville se dévêtait lentement de ses robes d’hiver qui glissaient avec un frou-frou soyeux le long des murs pleurants. Quelques jours les grands cadavres des édifices furent mis à nu, puis l’herbe, les mousses les recouvrirent d’un duvet nouveau. Les bouleaux et quelques autres arbres allongeaient avec précaution leurs feuilles hors des bourgeons, comme de petits doigts timides. Et les rennes, par troupes, reniflant l’air, menèrent leurs faons nouveau-nés boire au fleuve, animèrent de leurs galopades folles les plaines herbues des Tuileries et du Luxembourg. "
    Une petite nouvelle imprégnée de romantisme. Octave Béliard n’en est pas à son coup d’essai dans le domaine de la conjecture et son récit a l’avantage d’être l’un des premiers à envisager le thème sous cet angle,  à la manière de Marie Shelley et en souvenir de Victor Hugo. De troublantes ressemblances y apparaissent avec le " Paris en l’an 3000 " de Henriot.

  10. Type: livre Thème: menaces idéologiques, guerres futures 2 Auteur: Robert Hugh BENSON Parution: 1910
    La Grande-Bretagne vers la fin du deuxième millénaire. Le socialisme " utopique ",  suivi par un socialisme "scientifique " a triomphé en Europe. La technologie est à son niveau le plus haut. Des " aériens " (dirigeables) abolissent les distances et transportent confortablement les voyageurs d’une capitale à l’autre. Les angoisses existentielles ont été supprimées. L’ère de l’athéisme est instaurée et les citoyens, quand ils l’ont décidé (ou qui ne peuvent plus se décider) sont euthanasiés en douceur et en musique. Le temps de l’Etre Suprême a débuté sous la férule bienveillante des valeurs judéo-maçonniques :
    " Ce soir-là, au dîner des prêtres, il y eut un grand entretien sur l’expansion extraordinaire de la franc-maçonnerie. Cette expansion durait déjà depuis bien des années, et les catholiques avaient toujours parfaitement reconnu ses dangers. C’avait été, d’abord, au début du vingtième siècle, l’assaut organisé par les francs-maçons contre l’Eglise de France; et ce que l’on avait soupçonné était devenu une certitude, lorsque, en 1918, le P. Jérôme, ex-franc-maçon devenu moine dominicain, avait fait ses révélations sur les secrets de la maçonnerie. "
    La Franc-Maçonnerie humaniste et libertaire s’est emparée des esprits et partout  exorcise les fausses croyances, pacifie les coeurs, supprime les menaces de conflits encore existants de par le monde, surtout celles de l’Orient vis-à-vis de l’Occident.
    Olivier Brand, jeune élu socialiste, est heureux en ce monde confit en douceurs. Habitant confortablement un cottage près de Westminster, en compagnie de sa jeune femme Mabel, de sa vieille mère, de son secrétaire Phillips, son étoile brille de plus en plus fort dans le ciel politique du pays. Remarquable orateur, il est distingué par Felsenburgh, l’étoile flamboyante, le leader spirituel, le Franc-Maçon essentiel, le mystérieux Président à vie de l’Occident,  qui impulse la paix dans cette société. Lors de sa consécration dans la cathédrale de Westminster :
    " L’enthousiasme de la foule avait cessé de se contenir. Un véritable océan de têtes et de bras s’était soulevé dans toute l’Abbaye, l’air s’était rempli d’une clameur énorme, et les voûtes et les colonnes avaient tremblé,  secouées par une frénésie pieuse. Et ainsi, parmi la lumière surnaturelle, sous un fracas de tambours, entremêlés au tonnerre de l’orgue, dix mille voix affolées avaient proclamé Felsenburgh leur Seigneur et leur Dieu. "
    A l’autre extrémité, se trouve Percy Franklin. D’abord simple curé, puis Cardinal-Protecteur anglais, Percy maintient le flambeau d’un christianisme agonisant dans un monde athée et hostile. Les Catholiques sont persécutés, chassés de toutes les institutions, éradiqués.
    Le pape s’est retranché, pour survivre, dans la ville de Rome qui lui appartient encore, avec ses derniers fidèles. Cette ville est non seulement dévote mais aussi anti-technocratique. Les Catholiques n’admettent pas la main-mise des Francs-Maçons sur les affaires du monde. De plus en plus menacés, ils sont condamnés à disparaître car de nombreuses défections se font jour dans leurs rangs. Ainsi en est-il du père Francis, ancien ami de Percy, qui propose à Felsenburgh l’adoption d’un rituel " laïc " calqué sur la liturgie chrétienne.
    Les camps socialistes connaissent aussi leurs misères. De temps en temps des frémissements d’inquiétude mystique traversent les âmes, notamment celle de la maman d’Olivier qui réclame un prêtre à son chevet lors de son agonie. Mabel, quant à elle, est troublée par les attentats anti-catholiques qu’elle considère comme autant de mises à mort, prouvant que le socialisme n’a pas encore éradiqué la bête en l’homme :
    " Devant Mabel passait un grand brancard supportant une figure humaine, dont un bras pendait, avec les mains traversées comme de clous. Puis venait le corps nu d’un enfant, empalé sur une pique de fer, la tête tombant sur la poitrine, les bras dansant à chaque pas des porteurs. Et puis, c’était la figure d’un prêtre, encore vêtu d’une soutane noire avec une aube blanche ; et sa tête, sous une calotte noire, s’agitait, sautait avec la corde qui le soutenait. "
    Alarmé par les tensions idéologiques continuelles, le pape rappelle le cardinal Percy pour consultation à Rome. Celui-ci lui suggère, devant la gravité de la situation, de modifier totalement la hiérarchie catholique qui devra dorénavant s’abstenir de tout ornement et s’intituler "l’Ordre du Christ Crucifié " en adoptant une structure militaire.
    Le pape, vieux et usé, proche de la mort, se rend aux arguments de Percy et, avant de mourir, le désigne comme son successeur. Percy devient le nouveau pape sous le nom de Sylvestre. Un complot anti-étatique ayant été découvert durant cette période en Angleterre,  dans lequel auraient trempé certains Catholiques, en guise de représailles, Felsenburgh décide l’éradication totale de l’église en bombardant Rome :
    " Les journaux du lendemain apportèrent les détails de la catastrophe. Ils disaient comment, par une chance merveilleuse presque toute la hiérarchie de l’univers chrétien s’était trouvée rassemblée au Vatican, qui avait été le premier endroit attaqué. A présent, pas un seul édifice, à Rome, ne restait debout. La Cité léonine, le Transtévère, les faubourgs, tout avait été anéanti ; car les aériens s’étaient soigneusement partagés, la ville étendue au-dessous d’eux, avant de commencer à lancer les explosifs ; et, cinq minutes après le premier choc et le premier éclat de fumée, l’entreprise de purification était terminée. Alors, les aériens s’étaient dispersés dans toutes les directions, poursuivant les automobiles et autres voitures qui emmenaient des fuyards ; et l’on supposait que plus de trente mille de ces fuyards aient été ainsi réduits à néant. "
    Au même moment Sylvestre, accompagné par certains de ses cardinaux, échappe au massacre. La tête de l’église chrétienne s’implantera discrètement en Palestine, près de Nazareth, et Sylvestre restera en communication radiophonique avec quelques-uns de ses vicaires chargés d’une mission œcuménique de par le monde.
    L’action abominable décidée par le " Leader Maximus " et approuvée par son propre mari,  a écoeuré Mabel à un point tel qu’elle décide de mettre fin à ses jours en se rendant volontairement dans une maison d’euthanasie, à l’insu d’Olivier. Peu de temps après, la retraite de Sylvestre est éventée de par la traîtrise d’un cardinal d’origine russe (!), nouveau Judas. Le lutte finale a sonné pour le Catholicisme. Le bombardement de Nazareth, et par extension, de l’ensemble de la Palestine,  est décidé d’un commun accord entre les diverses sommités socialistes des Etats Européens. Alors que l’armée des " aériens " s’approche de la retraite de Sylvestre, celui-ci, ayant rappelé à lui tout ce que le monde comporte de dignitaires ecclésiastiques , se prépare à mourir en un ultime sacrifice, lors d’une dernière messe solennelle :
    " Dans une lumière éclatante, il voyait devant lui, s’offrant à son choix, les deux cités de saint Augustin. L’une était celle d’un monde né de soi-même, s’organisant soi-même, et se suffisant à soi-même, d’un monde interprété par des forces socialistes, matérialistes, hédonistes et se résumant enfin dans Felsenburgh. Et quant à l’autre monde, Percy le voyait déployé devant ses yeux, lui parlant d’un Créateur, d’une création,  d‘un but divin, d’une rédemption, d’une réalité transcendante et éternelle, dont tout avait jailli et où tout aboutissait. "
    Quand les bombes tombent et écrasent définitivement toute étincelle spirituelle dans ce monde, le climat lui-même se modifie. Des nuages courent dans le ciel, des orages grondent et des tremblements de terre ponctuent le crime qui vient de s’accomplir.
    Ce roman, avec un thème difficile et facilement caricatural à travers son manichéisme, aurait pu sombrer dans le pathos d’une bouillie littéraire innommable. Il n’en est rien, car soutenu par la puissance du style et la large vision de Robert - Hug Benson. Jamais ridicule, atteignant par moments au sublime, l’auteur pousse à l’excès, sous les oripeaux d’une fiction littéraire, les craintes de son époque livrée aux luttes anti-cléricales. Prenant clairement parti, il démontre que le combat entre Dieu et les hommes ne se situe pas au même plan et n’utilise pas les mêmes armes. Ce faisant, il nous livre l’un des meilleurs ouvrages du genre.