Bienvenue dans la Base de Données des livres !
Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !
Livres
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Le narrateur rêve, à moins qu’il ne s’agisse d’une vision, d’un très lointain avenir, où les hommes respirent à l’aide de tablettes d’oxygène solidifiée :
« Depuis longtemps, en effet, tout l’oxygène, ou presque tout l’oxygène de l’air avait disparu. Nous nous plaignons que dans nos villes on mesure l’air et l’espace, et qu’il faille payer pour respirer, comme pour manger. Mais ici ce n’était pas un paradoxe ; on achetait l’air, rigoureusement. Il me fut impossible de savoir si cette suppression de l’oxygène avait pour cause le vouloir de l’homme ou un phénomène naturel. »
L’on achetait donc ces tablettes en fonction de sa richesse propre, prolongeant l’inégalité économique et sociale qui existait déjà en nos jours :
« Le prix de l’air variait selon le cours. S’il s’élevait trop, le peuple se révoltait. Et des hommes larges, à figures rougeaudes, respiraient insolemment, à plein nez et à pleine bouche, de belles tablettes bleues, tandis que de pauvres diables s’épuisaient sur quelque débris d’air sale et poussiéreux, qu’ils avaient ramassé au coin d’une borne. Ou bien ils s’arrêtaient auprès des passants et, timidement, demandaient l’aumône. Certains n’avaient pas respiré depuis trois jours. »
Grâce à une couche de gaz neutre remplaçant l’atmosphère de jadis, les hommes, s’adjoignant des ailes, purent voler sur des milliers de kilomètres, sans effort. Ces ailes, prises d’abord à des oiseaux d’une sorte particulière, devinrent progressivement membre naturel du corps de l’homme. Cette conquête de l’espace aérien n’alla pas sans bruit ni fureur :
« La conquête de l’espace n’avait pas été sans difficultés. On me dit les terribles guerres auxquelles cette rivalité donna lieu. Mais notre espèce, une fois de plus, avait triomphé des autres. A mesure que disparaissait l’air respirable, des cadavres emplumés couvrirent plus nombreux le sol. Tant qu’il ne resta plus rien des tourterelles et des vautours, ni des formes jamais vues qu’on vit descendre successivement des hauteurs plus ou moins lointaines où leurs poumons éclataient.Des monstres apocalyptiques tombèrent en tournoyant au pied des foules épouvantées. Et un jour il n’y eut plus que la seule race gardée par l’usage de ses ailes, et que des formes robustes avaient désignée à ce choix.»
Un conte bref, angoissant, fantastique et surréaliste en son essence. Gabriel de Lautrec, appartenant au groupe du «Chat Noir », et vraisemblablement inspiré par le « Fragment d’une histoire future » de Gabriel Tarde, esquisse une fin de l’espèce humaine onirique et poétique.
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" Il pleuvait depuis si longtemps que l’on ne savait plus si cela durait depuis quarante jours, quarante fois quarante jours, ou peut-être quarante ans ! Toutes les contrées de la terre achevaient de disparaître sous les eaux. (…) Seules les montagnes d’une taille considérable émergeaient encore dans l’immensité des océans en train de se réunir, et l’eau commençait à soulever la quille de l’arche que Noé avait construite au sommet d’un large plateau rocheux. "
Monsieur Noé avec sa petite famille prévoit toute l’organisation de l’arche, embarquant minutieusement les couples d’animaux prescrits par le Seigneur. Madame Japhet est une ronchonneuse qui n’hésite pas à se débarrasser des puces qui l’incommodent en jetant leur petite cage à la mer, au grand déplaisir de M. Noé. Puis, ce serait au tour du lion, jugé trop dangereux. Heureusement le mari de Mme Japhet veille. Aidés par la petite Zirba et Azib, ses enfants, ainsi que de toute la famille Sem, ils récupèrent les cages. Madame Japhet est vertement réprimandée.
Le déluge perdure. Il faut s’occuper des animaux, cela fait toujours passer le temps. Sortir l’ours, le tigre, le lion de leurs cages en évitant qu’ils ne s’agressent, se servir de l’éléphant pour promener les lourdes charges, donner à manger à tous les animaux (du foin essentiellement), voici le lot quotidien des navigateurs. Le repas constitue une agréable diversion. La famille Noé n’hésite pas à subtiliser leurs œufs aux poules et autres oiseaux pour battre une bonne omelette.
Les très grosses bêtes posent problème : comment s’occuper des mammouths, ptérodactyles, atlantosaures, zanglodons ? Tâche difficile s’il en est, qui sera résolue lorsque, lors de disette alimentaire, le choix se portera précisément sur ces grandes bestioles qui passeront à la casserole. Voilà pourquoi, aujourd’hui, ils ont disparu du globe. M. Noé entretient soigneusement son livre de bord et note toutes les variations du temps, y compris les moments de grosse tempête lors desquelles l’arche manque d’être engloutie. Les singes, toujours turbulents, provoquent une révolution à bord en s’échappant de leurs cages. Ils mettent à sac l’arche, se livrant à toutes sortes de pitreries qui fâchent beaucoup le patriarche. Heureusement , les autres animaux, soucieux d’ordre, aident à mater la révolte. Manquant à nouveau de couler par la faute des singes, ils seront sauvés en se reposant sur un banc compact de harengs le temps de se livrer au calfatage indispensable.
Par une belle matinée, ils aperçoivent enfin la terre. En débarquant, ils sont assaillis par des sauvages qui mettent M. Japhet à la broche. Des cannibales ! Délivré in - extremis -, remonté dans l’arche, Japhet, avec Noé et Cie, se rendent compte que celle-ci a dérivé en abordant le continent américain. Comme le disent si bien Cham et Japhet :
" Nous devons retourner vers nos montagnes de Judée, retrouver notre pays pour recommencer le monde… Il faut nous dépêcher de lever l’ancre et mettre à la voile rapidement ! "
Mais comment regagner le Moyen - Orient ? Comment remettre l’arche à flots ? Questions angoissantes résolues avec brio. Tirée par l’âne, le cheval et de nombreux autres animaux, poussée par l’éléphant, les chameaux, les tigres, etc., l’arche munie de roues en bois cahote vers la mer. Cette fois - ci, ils repartent dans la bonne direction. Peu après avoir mis le cap à l’Est se dessine une nouvelle terre. Miracle ! C’est le mont Ararat, destination finale de la famille Noé où de vastes projets attendent nos amis. Mais, chut ! il ne faut pas déflorer une suite aussi palpitante…
Robida, avec sa verve habituelle, livre une version romancée du mythe à l’usage des enfants. Version biblique avec laquelle il prend quelques libertés, mais c’est pour la bonne cause.
Le roman n’en est pas moins amusant et léger. Est-il cataclysmique ? A vous d’en juger. Pourtant, le déluge, rappelez-vous…
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Adam Pearson (Dam) , le fils du roi de la viande, en cette veille de l’an 2000, tient compte du mystérieux avertissement d’un mage de sa connaissance, Nadir, annonçant pour bientôt des événements catastrophiques d’après les signaux électromagnétiques du soleil. De nature mélancolique, le jeune homme avait déjà perdu des êtres chers :
" Deux chères images du passé apparurent devant ses yeux : celle de sa mère, celle de cette adorable miss Lili Atkins, sa fiancée. Toutes deux, il les avait aimées tendrement. Elles étaient parties, victimes de la surcivilisation régnante, de ces réfrigérants subtils, de ces radiateurs réglables à moins d’un dixième de degré, toutes inventions merveilleuses destinées à dompter la nature, à maîtriser les éléments ; par l’excès même de leur perfection, elles avaient rendu les organismes humains plus délicats encore, plus susceptibles aux maux foudroyants. "
Désireux de fêter la nouvelle année dans la solitude, il s’élève dans les airs à bord de son ballon à vol libre. C’est de là qu’il assiste, en spectateur privilégié, à la vague énorme qui non seulement engloutit la ville d’Atlantic-City en y effaçant tous ceux qu’il aimait, mais encore, rythmiquement, parcourt la terre pour y détruire toute vie :
" Ainsi, ce soir-là, le ciel avait pris un aspect extra-terrestre: la teinte livide de paysage et de la mer se transformait en sable jaune sale et en rouge sombre à mesure que l’œil s’élevait vers le zénith. Dam ne put s’empêcher de tressaillir en constatant que l’aiguille aimantée de la boussole tournait en tous sens, affolée comme lors des grandes perturbations magnétiques. (…)
En même temps, du fond de l’horizon, un mugissement montait, avec un crescendo de plus en plus intense. De l’Océan, il voyait venir avec une vitesse foudroyante, une montagne noirâtre. En un gigantesque raz de marée, la mer déferlait vers la côte, vers la ville, masse d’eau d’une hauteur qui devait dépasser trois cents mètres. "
Le ballon est entraîné par des vents impétueux à plus de 12 000 mètres d’altitude. La température extérieure se modifie. Des débris de toutes sortes flottent dans l’air. Avec surprise mais détermination, il sauve de la mort une jeune Française, Eve Dampierre, qui dérivait à côté du ballon, accrochée à un parasol ( ! ). Celle-ci lui narre son aventure depuis le départ de Chine où l’usine de son père avait été détruite par les grévistes jaunes jusqu’à son séjour sur un immense paquebot-ville où la main-d’œuvre chinoise s’avèrera bien utile :
" L’afflux de cette main d’oeuvre jaune était nécessité par les travaux indispensables aux pays civilisés et que ne voulaient plus faire les artisans des races affinées : terrassements, mines, chemins de fer, routes. Une garnison de police de 1500 soldats était nécessaire pour donner toute sécurité aux passagers ordinaires. Sur un pont supérieur, établi à 15 mètres au-dessus des logements de coolies, des cottages entourés de jardin et de pelouses donnaient à ces voyageurs de marque plutôt l’impression d’une villégiature au bord de la mer que d’une traversée réelle. "
Le bateau a été brisé par la tempête comme un fétu de paille. Le vent qui entraîne les jeunes gens à grande vitesse autour du globe, les oblige à stabiliser leur ballon au-dessus de l’ancienne vallée du Nil, près de constructions de type égyptien remises au jour par le cataclysme universel. Après l’atterrissage, ils explorent le " Pharaon Hôtel " où , à côté de quelques cadavres, ils trouvent de la nourriture. Mais des êtres étranges, cancrelats gigantesques et vers suceurs énormes ont surgi du sol et les attaquent :
" De couleur gris sale, l’être n’avait pas de tête : une sorte de trompe aux contours dentelés semblait constituer la "bouche " par laquelle ce protozoaire subvenait à son entretien. Tour à tour, la bouche s’évasait et se rétrécissait, comme pour happer ce qui se trouvait à sa portée (…) Dans les affouillements creusés par le vent avaient dû être entraînés des dépouilles d’animaux, d’hommes sans doute aussi. Et ces bêtes annelées, vestiges d’une époque accomplie de l’histoire du globe, vivaient dans ces profondeurs inaccessibles, se nourrissaient des détritus des premiers âges. Brusquement, le cataclysme les avait exhumés. A la lumière, gauches, lourds, terribles quand même, ils s’adaptaient, l’intérêt aidant, à la vie nouvelle qui se résumait pour eux à la recherche d’une proie. "
Se réfugiant dans la plus haute tour, ils y découvrent un émetteur de radio ainsi qu’un avion prêt à l’usage. A tout hasard, ils appellent au secours sur les ondes. Une voix leur répond : c’est celle du grand-père d’Eve qui s’était réfugié auprès du sage Nadir (qu’il connaissait lui aussi), dans sa retraite himalayenne. Guidés par radio, ils échappent aux monstres gluants et fluorescents pour se retrouver quatre heures après à côté des leurs qui les accueillent à bras ouverts. Finalement tous les ingrédients seront réunis pour un nouveau départ : Adam et Eve, avec la bénédiction de leur grand-père et la sanctification de l’église (un prêtre fait partie des sauvés), copuleront dans la décence pour assurer l’avenir du genre humain :
" Vous vous aimez, n’est-il pas vrai ? Les deux jeunes gens s’étaient levés, au comble de l’émotion. Grand-père Philippe prit la main de la Française et la mit dans celle de l’Américain. - Adam Pearson, prononça-t-il, je vous donne en mariage ma petite-fille, Eve Dampierre. Et, il ajouta, en une boutade presque joyeuse : - Ne suis-je pas le maire de la dernière commune terrestre ? Et maintenant, venez. Allons retrouver le père Luc dans son oratoire, où il prie, pour la pauvre humanité défunte. A son tour, il vous unira, selon les rites des aïeux, devant l’Infini. Mais, auparavant, petite Eve, je veux te remettre ta dot. Il tendit son sac. Oh, ce n’est pas de l’or, combien inutile. Ce sont des grains de blé ! "
Une nouvelle inédite qui vaut par la naïveté de sa mise en œuvre dans le champ de la littérature populaire : bons sentiments, monstres gluants, méchants grévistes et maudits Chinois, permanence de la religion. Un petit texte réactionnaire à l’état brut !
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Les Allemands ont gagné la guerre de 14-18. Ils envahissent l’Europe, installent leurs valeurs et leur culture dans tous les pays, surtout en France :
«Le parti essaya de discuter, il éleva la voix, il en appela aux socialistes allemands, aux membres de la sozial-demokratie, à tous ceux-là qui faisaient partie de l’ancienne Internationale… O illusionnés ! Qu’attendaient-ils ? Qui sait même si ces camarades d’antan : les Wendel, les Noske, les Haase, les Kautsky, les Sudekum, les Fischer, les Barth, les Dittmann n’avaient pas poussé à ce régime, sachant précisément comment on fait marcher l’ouvrier ? – Mais nous sommes tous frères ! clamaient les hommes de la S.F.I.O. – Ja wohl, ja wohl ! Deutschland über alles ! répondaient les autres. »
Leur main-mise sur toutes les richesses, leurs manières de germaniser le pays pour l’assouplir et l’intégrer au grand Reich allemand sont décrites à travers les yeux de la famille Ferrat. Le père, Mathieu Ferrat, capitaine de vaisseau en retraite, vit avec ses deux filles Gabrielle et Emma en regrettant l’absence de son fils Lionel dont il n’a plus aucune nouvelle. Ecoeuré par la situation sociale, il envisage d’abandonner son lieu de naissance en Touraine pour terminer sa vie à Sainte-Maxence, dans le Sud, dans une «réserve» française que les Prussiens ont laissé subsister pour « l’exemple » :
« Quatre parties seulement du territoire, parce qu’elles se trouvaient en dehors de la ligne des grands fleuves, ne devaient connaître la germanisation qu’en dernier lieu, tout en étant aussi Deutschland que le reste. Ces quatre parties : la Bretagne – tout le pays entre Loire et Garonne – la Gascogne au sud de la Garonne – et la contrée à l’est du Rhône, constituaient les réserves.»
Sa fille Gabrielle l’y suivra. Emma, elle, volera de ses propres ailes. Fille intelligente, elle avait fait la connaissance d’Otto Mayer, un professeur d’université bavarois qui, sensible à sa beauté, l’encourage de s’installer à Paris d’où elle pourra continuer à suivre ses cours puisque, lui aussi, y a été nommé (par favoritisme). Car l’une des actions principales des Prussiens aura été d’interdire l’usage et la pratique de la langue française sur tout le territoire national (sauf dans les réserves). Tout manquement au règlement provoquait la mise en détention ou le bannissement du contrevenant dans une forteresse prussienne. Une dictature militaire s’était donc installée en France :
« C’est nous, les Français, qui inventons et ce sont les autres qui appliquent. Et cette invention ?… - Elle consiste à fournir le courant électrique sans qu’il soit besoin de câbles ni de fils. (…) - C’est tout bonnement merveilleux (…) Je sais ce que vous allez dire. Un progrès, n’est ce pas ? La fin de la houille, plus de mineurs, plus de ces pénibles travaux souterrains… Seulement, voilà, les Allemands sont venus. Alors, savez-vous ce qu’ils ont imaginé ? De ce servir de cette invention pour ajouter à leurs moyens de répression. Aussitôt l’installation terminée, tout autre mode d’éclairage ou de chauffage sera supprimé : gaz, pétrole, huile, alcool, bougie ; obligation d’utiliser le sans fil. Et dès lors, quand ils voudront nous courber sous tel arrêté nouveau, nous obliger à payer des contributions supplémentaires, nous contraindre à quoi que ce soit ou supprimer un mouvement d’indépendance, crac ! Ils tourneront un bouton : la ville sera privée de lumière et tous nous devrons manger nos repas froids. C’est beau le progrès… le progrès au service de la force. »
Comme un nuage de sauterelles qui s’abat et ravage tout un pays, les Allemands, portant leurs préférences sur Paris et l’Ile de France, verrouillent les postes administratifs, contrôlent tout déplacement sans visa, interdisent tout rassemblement en groupe, pratiquent la délation, encouragent la collaboration. Ils écrasent les Français avec un poing de fer, germanisent les monuments et les noms de lieux, rêvent de transformer le plus rapidement possible la France en une succursale de l’Allemagne. Emma, malgré ces difficultés, s’installera chez son amie Rose Déjean, à Paris :
« Quelque étrange que puisse paraître l’aspect des rues de Paris étiquetés en caractères gothiques, cela ne la surprenait pas trop : Tours lui avait offert le même spectacle. En approchant du centre, toutefois, des enseignes d’hôtels aux dénominations teutonnes, des réclames voyantes de maisons germaines, des affiches aux images coloriées commencèrent à l’intéresser. Mais ce fut à la place de l’Opéra, à l’intersection des grands boulevards, qu’elle ouvrit des yeux étonnés. A cet endroit s’élevait le premier monument dressé dans Paris à la gloire de la Germania. C’était, sur un soubassement en granit rose du Rhin, une colonne de marbre, sans ornements, mais lourde et massive, portant à son sommet, toutes ailes déployées, l’aigle des Hohenzollern. Aux pieds de l’aigle, sur la frise, quatre mots, la nouvelle devise de Wilhelm, I.R., Das habe Ich gewolt (J’ai voulu cela) »
Lorsqu’elle prit contact avec se nouvelle famille, Mme Déjean lui fit part du malheur qui la frappait. Son fils Victor, francophile convaincu et bon ouvrier linotypiste, venait d’être emprisonné pour des peccadilles et risquait de longues années de détention. Emma se rappelle l’existence d’Otto Mayer, elle court lui demander de l’aide. Troublé par la beauté de la jeune fille, le professeur lui promet d’agir en faveur de Victor à condition toutefois qu’une telle démarche ne soit pas défavorable à sa carrière. Victor libéré, à la grande joie de sa mère, Emma chercha un travail. Rose lui présenta Georges Dorman, imprimeur de son état, qui avait non seulement besoin d’un ouvrier typographe mais aussi d’une bonne secrétaire et correctrice pratiquant parfaitement la langue allemande. C’est ainsi que Victor et Emma furent embauchés. La pression germanique n’empêchait cependant pas la parution de nombreux journaux et feuillets contestataires, dont « la France Libre » qui occupait une place importante dans les cœurs et les esprits.
De multiples perquisitions imposant un coup d’arrêt qui aurait pu être fatal au journal, Georges Dorman fut pressenti, de le prendre en charge. En toute discrétion il installa une petite presse non répertoriée dans le grenier des Déjean et, avec Victor, se chargea de « la France Libre ». Emma, bien qu’elle fût au courant de ces actions d’opposition, avait d’autres soucis : elle venait d’avoir des nouvelles de Lionel, emprisonné à vie dans une forteresse en Germanie. Elle pensa donc, grâce à sa connaissance de la langue, se faire passer pour allemande, éviter le visa obligatoire pour voyager, et rendre une visite à Lionel.
Elle partit pour Bruxelles au moment où une perquisition s’opérait chez les Dorman et les Déjean. Trahie par Otto Mayer qui s’étonnait des fréquentations d’Emma, la jeune fille fut arrêtée par la police, tout comme ses amis. Son cas, dissocié des autres, fut considéré comme gravissime par les maîtres prussiens qui voulaient voir en elle une espionne :
« Elle entra dans la salle d’audience et prit place sur le siège réservé aux accusés. En face d’elle vinrent s’asseoir les juges, des officiers revêtus de brillants uniformes, à l’air rogue, rigides, compassés, bombant leur torse sur lequel s’étalaient de multiples décorations à commencer par la croix de Fer – le fer, symbole de la race. Autour d’elle, rien que des militaires et son défenseur d’office, un oberleutnant. Aux quatre angles de la salle, des drapeaux ; sur le mur du milieu, derrière les juges, l’oiseau de proie, l’aigle noir de la Prusse.»
Après une parodie de procès, Emma fut fusillée dans la cour d’une caserne.
Ce roman, apparenté clairement au genre de l’uchronie n’est donc, à priori, pas susceptible de figurer dans notre répertoire. Néanmoins nous avons considéré que la description quotidienne de la vie française sous la botte des allemands, les conséquences idéologiques et sociologiques d’une occupation de longue durée, la mise à mort proclamée d’une nation européenne par consomption et assimilation, l’usage de la délation et de la science en un but d’oppression, puissent être assimilés à une catastrophe. Nulle part, il nous a été donné de lire un ouvrage aussi fouillé, un réquisitoire aussi terrible contre l’Allemagne du Kaiser où, grossissant par la charge et la caricature les traits des traîtres « boches », la haine et l’esprit de vengeance jaillissent à chaque page de l’ouvrage
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La Guerre De Demain - Par BenF
Du 3 août au 4 août 1925, après un meeting aérien durant lequel le narrateur déplore que l’aviation n’intéresse personne en France, de petits groupes d’avions gris, d’origine inconnue, au fuselage blindé, bombardent des dépôts de munition, des locomotives françaises ou des hangars à zeppelin. De partout arrivent des nouvelles angoissantes :
« Partout, les lignes téléphoniques sont brisées, mais cependant la nouvelle des catastrophes qui s’abattent sur le pays se répand comme une traînée de poudre : rares sont d’ailleurs les localités quelque peu importantes qui n’ont reçu au moins une ou deux bombes, éventrant les maisons, tuant femmes, enfants, vieillards. Presque tous les trains en marche ont été attaqués et détruits : leurs débris rendent inutilisables notre réseau ferré. Les principaux ponts ont sauté dans le pays entier presque à la même seconde. Les dépôts, arsenaux, champs d’aviation, beaucoup de casernes, attaqués par les infernaux avions gris, sont devenus la proie des flammes. »
C’est l’atterrissage forcé d’un de ces engins dans un champ qui révèle leur provenance et leur but :
« A l’heure qu’il est, les colonnes d’autos chargés de fantassins, armés uniquement de fusils-mitrailleurs, ont déjà traversé les frontières. Elles s’avancent sous la protection d’un avion éclaireur avec lequel elles sont en liaison constante. Ce soir elles auront occupé la Belgique entière et la France au moins jusqu’à Paris. Toute résistance est impossible. Nous avons la maîtrise de l’air et toutes vos armes, même si vous en parvenez à en faire usage, seront impuissantes à nous l’enlever ! Deutschland über Alles ! »
Un très court chapitre prospectif et romancé dans un ouvrage analysant les forces allemandes et la menace qu’elles font peser sur l’Europe de demain, dans lequel l’auteur pointe l’arrogance d’une Allemagne revancharde, hostile, guerrière, qui sollicite son aviation pour procéder à la victoire finale sur une France insouciante.
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Vol. 01 : Le Prix du sang, Presses de la Cité éd., 1986, coll. " Ranger " N°1, 1 vol. broché, in-12 ème , 184 pp. couverture illustrée. roman d’expression anglaise (USA)
1 ère parution : 1984 titre original : First, you fight
thème : société post-cataclysmique
" Le voyageur solitaire savait qu’il se trouvait dans le sud-ouest des Etats-Unis, mais, après l’hécatombe nucléaire, le paysage était pratiquement le même partout : un désert de particules jaune soufre et un horizon plat, cassé ici et là par des blocs de rochers ou l’arrondi d’une colline pelée. Par endroits, les cataclysmes consécutifs aux déflagrations massives avaient nivelé des montagnes entières. (…) Quelques villes partiellement épargnées se protégeaient des hordes sanguinaires derrière de solides remparts. Quelques cours d’eau, aussi, avaient échappé à la contamination ou retrouvé un taux de radioactivité acceptable. Défoncée, crevassée, encombrée de vestiges divers, la chaussée conservait un tracé à peu près rectiligne et Ranger filait droit devant lui en évitant toute halte inutile. Car les immenses déserts du monde post-nucléaire étaient peuplés de pillards, de dégénérés, de mutants, de cannibales, de bêtes féroces "
Celui qui se fait appeler " Ranger " a survécu à l’apocalypse nucléaire qui a dévasté le monde. Dans une Amérique exsangue, il est à la recherche de ses trois compagnons qui, comme lui, ont été engagés au Hiagura et qui peuvent avoir survécu. Victime d’un gaz neurotoxique, il lui est resté une hypersensibilité aux êtres et aux choses ainsi qu’une sorte de prescience, bien utile dans cette société de tous les dangers. Capable de se défendre et spécialiste en survie comme son petit camarade " le Survivant ", il nettoie une bourgade en faisant se battre entre eux les méchants. A savoir, Moon, l’adjoint au maire, traître à Franklin Milland, l’un des chefs présumés, Zeke Aikers, le capitaine psychopathe, l’autre chef présumé, qui guettent l’arrivée d’un convoi d’armes acheminées par les " Glory Boys ", soldats défroqués, cruels et sans pitié, et qui sont à leur tour guettés par les " Krabs ", sortes de monstres mutants et dégénérés. Tout en couchant avec Bess, la tenancière du bistrot, Ranger donne rendez-vous à tout ce beau monde en même temps au même lieu sous le prétexte fallacieux que chacun veut tromper l’autre.
Pendant qu’ils s’éliminent naturellement, Ranger, avec Bess et quelques hommes décidés, délivre la population tenue jusque-là en esclavage. Celle-ci, libérée et armée, décime les Glory Boys. Ranger, avec le sentiment du devoir accompli, continue ailleurs sa quête.
Une série calquée sur celle du " Survivant " qui ne fera pas long feu ( 5 volumes seulement). L’ambiance y est à la violence et au sexe et, de tous les personnages rencontrés, on en trouve bien peu de positifs.
Vol. 02 : Soleil de cendres, Presses de la Cité éd.,1986, collection " Ranger " N°1, 1 vol. broché, in-12 ème , 188 pp. couverture illustrée.
1 ère parution : 1984 titre original : First you fight
Ranger, en déplacement à l’intérieur de son " tapecul " dans la région dévastée de Kansas City, prend fait et cause en faveur d’un petit groupe d’hommes attaqué par les Krabs. Il s’agit d’une délégation destinée à unir la princesse Sandy de Wichita au Comte de Kansas City afin de sceller une paix définitive mais féodale entre les deux cités. Frayling, l’ancien président cacochyme d’un ancien pays ruiné espère cependant toujours rétablir son pouvoir sur les hommes et les choses. Il se sert de Vallone, l’ennemi juré de Ranger, et d’un mutant démuni d’émotions, le Cavalier Noir, pour faire échouer la négociation, à l’aide des Krabs. Grâce à Ranger, la petite princesse se sort du péril, les Krabs sont vaincus et la démocratie réinstaurée à Kansas City. Quant au Cavalier Noir,… il n’est que blessé. Un ennemi de plus pour Ranger !
Vol. 03 : les Ombres de la mort , Presses de la Cité éd.,1986, coll. " Ranger " N°1, 1 vol. broché, in-12 ème , 184 pp. couverture illustrée.
1 ère parution : 1984 titre original : The Stalker
Ranger, parcourant le désert nucléaire, est abordé par des "Survivalists " qui se sont donnés pour tâche d’éradiquer les monstruosités environnantes, les " Freaks ", sortes de gnomes cannibales. Ne suffisant pas à la tâche, ils envisagent d’engager le mercenaire, qui accepte.
Très vite, Ranger se rend compte que ses nouveaux employeurs lui mentent et lorsque son " Tapecul " est volé, il n’a plus aucun doute à ce sujet. Son voleur est une voleuse, une jeune indienne, Patwilli, (Pat) qui deviendra ultérieurement sa maîtresse et qui l’éclaire sur ses douteux patrons. Elle lui apprend que son frère est emprisonné à Drift par Vallone qui compte répandre le neurotoxique NT77 sur toute la région. Le combat de Patwilli devient ipso facto celui de Ranger. D’autre part, son deuxième ennemi, le Cavalier Noir, ne désarme pas. Il envoie vers Ranger une bombe humaine en la personne de son ancien ami de El Hiagura, Garcia, subjugué par hypnotisme. Son coup rate lamentablement.
Garcia, remis sur pieds, se joint à Ranger contre Vallone qui est assailli à coups de grenades fournies par les Indiens. Le frère de la belle est délivré, Vallone mis en fuite (encore !) ainsi que le cavalier Noir. Ranger, quant à lui compte se refaire une santé en séjournant quelque temps dans l’hospitalière tribu de l’hospitalière Patwilli. Mais, au fait, que deviennent les Survivalists ?…
Vol. 04 : Le Guerrier de l’apocalypse, Presses de la Cité éd., 1987, coll. " Ranger " N°4, 1987, 1 vol. broché, in-12 ème , 185 pp, couverture illustrée.
1 ère parution : 1984 titre original : To kill a shadow
Vallone, en compagnie de Crumpet , un scientifique dégénéré, a investi "Underground Lab ", une base secrète d’avant la catastrophe où il se livrent, mis à part les turpitudes commises sur ses esclaves femelles, à la mise au point de chiens tueurs (les " Bulls ") capables d’anéantir les ressortissants des deux campements qui le narguent : celui de Joe , l’ami noir de Ranger, et celui des " Frères Combattants", communauté spirituelle fondée sur la puissance d’un mage-enfant. C’est le Cavalier Noir , avec ses Krabs, qui les provisionne en esclaves fraîches. Ranger sauve la vie d’Ilana, l’une des combattantes du mage. Il est attendu dans ce camp comme le " guerrier de l’apocalypse " qui, selon la prophétie du Saint Livre - en réalité un roman de kiosque de gare intitulé…. " Le guerrier de l’apocalypse"! - les délivrera des méchants. Comme Pat, son amie indienne est aux mains des Krabs et prête à subir les avances du Cavalier Noir, cela lui donne un prétexte supplémentaire pour, avec son ami Joe, diriger la guérilla.
En un premier temps, il tombe dans une embuscade frôlant la mort de très près. Remis sur pied, il organise la défense des campements. Et, lorsque Vallone attaque, il réduit ses troupes à néant, blesse le Cavalier Noir, pénètre dans le labo souterrain, met fin aux expériences inhumaines de Crumpet et – vengeance suprême- tue Vallone. Après toute cette activité il a bien mérité un peu de repos en compagnie de Pat en son campement indien.
Vol. 05 : la Guerre de la route, Presses de la Cité éd., 1986, coll. " Ranger " N°5, 1 vol. broché, in-12 ème , 184 pp. couverture illustrée
1 ère parution : 1985 titre original : Traveler-Road War
Ranger a repris la route en compagnie du Noir Joe Orwell. Dans le village de Drift, ils croisent la piste de Manta, une jeune chef de bande d’une beauté vénéneuse, ennemie de Ranger et alliée du Cavalier Noir. Leur destin se précise le jour où Mac, un vieux chercheur d’or proche de la mort, fait un cadeau empoisonné à tout le monde. Il a découvert l’ancienne réserve d’or d’Howard Hugues, dans une montagne. Il en fera cadeau à tous en divulguant le chemin d’accès, un parcours truffé de pièges de son invention avec, en finale, un or mortel parce que irradié. Qu’importe ! Tous se précipitent vers le trésor, y compris Ranger et Joé qui espèrent, avec cet or, aider la communauté du Noir. Les embuscades se succèdent, accumulant les morts horribles de Krabs ou de cannibales dégénérés.
Ranger, dans son Tapecul, sauvera deux individus de la catastrophe, Linda, une douce jeune fille qui l’honorera de ses faveurs et lui révèlera le piège mortel de l’or empoisonné, et l’odieux Jamaica Jack, le mulâtre aux dreadlocks qui finira découpé en tranches par Manta après qu’il ait trahis ses amis. Ranger, capturé par Manta, ouvrira le chemin de la montagne pour elle, déjouant au fur et à mesure les divers pièges, tels que chute de rochers, trou rempli d’acide sulfurique, arc se déclenchant automatiquement, etc.
Linda, capturée elle aussi, mise à mort par un énorme Krab lieutenant de Manta, sera vengée lorsque Ranger enfermera la diablesse dans le coffre de la salle au trésor où elle accumulera les rems dévastateurs. Grâce à Linda, avec l’aide de deux autres de leurs amis miraculeusement retrouvés, Hill et Margolin, en utilisant le matériel de décontamination pris aux Glory Boys, Ranger et Joe traiteront les tonnes d’or qui serviront aux développement des populations souffrantes, avant de revenir au camp indien où Pat attend son héros.
Avec ce volume se clôt une série qui, semble-t-il n’a pas eu le succès escompté, le N°6 « Enfer Indien » ayant pourtant été annoncé
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A La Haye, les états européens à l’instigation de la Russie, décidèrent d’une paix commune et prolongée entre eux. Les difficultés demeuraient nombreuses, dues surtout à l’arrogance de l’Allemagne, plus impérialiste et militariste que jamais. Les négociations semblaient donc prêtes à échouer lorsque se produisit un coup de théâtre. Le professeur Zorn, délégué allemand intransigeant, fut remplacé par le Dr. Friede, selon la volonté même du roi de Prusse. Tout en rondeurs et aménités, le Dr. Friede se déclara en tous points d’accord avec le protocole, l’Allemagne étant prête désormais à jouer le jeu de la transparence et de l’harmonie, à condition, toutefois, que l’on ne touchât pas à sa marine de guerre, seule force légitime qui devrait servir à défendre sa nation si celle-ci se trouvait d’aventure menacée.
D’abord incrédules, les autres pays européens mirent du temps à admettre la sincérité de l’Allemagne. Enfin convaincus – sauf la France qui limita difficilement son armement-, ils virent avec étonnement l’ère de paix qui s’ouvrait devant eux :
« Par contre, c’était surtout des Allemands qui inspectaient nos manufactures d’armes, nos fonderies de canons, nos ateliers de précision, nos cartoucheries, et les établissements du Creusot, du Havre, de Fourchambault- Commentry. Ils ne pouvaient pas ne pas constater qu’il en sortait des engins de guerre en quantité considérable, dont certains, à la vérité, étaient déclarés rebutés pour malfaçon, mais sans que la malfaçon rédhibitoire apparût en toute évidence. Au surplus, ils auraient été en droit d’exiger la destruction des exemplaires marqués du signe de rebut. »
L’Allemagne, avec douceur, rendit l’Alsace-Lorraine à la France. Cette détente fit que de nombreux Allemands purent s’installer dans les pays riverains pour y faire du commerce, y vivre ou établir des industries de paix : machines agricoles, voitures de caractère, mais ni armes ou autres engins militaires. L’industrie allemande déploya des trésors d’ingéniosité et d’invention pour découvrir ou mettre au point de nouveaux produits chimiques destinés à l’amélioration du rendement agricole. Le tourisme allemand prospéra et de nombreuses colonies teutonnes et pacifiques se fondèrent en terre de France :
« Le développement de l’Allemagne pacifique dépasse toutes nos prévisions. Les préventions qui flottaient autour de nous se dissipent. Nous nous sentons vivre dans une atmosphère de sympathie où nous respirons à l’aise. Ce nous est un grand soulagement. On nous accueille partout ; on nous aide, au lieu de nous rester hostile ; on nous sourit, au lieu de nous bouder. Et nous travaillons au milieu d’une allégresse que nous n’avons jamais connue. »
La vigilance militaire française ne put prendre en défaut son voisin : l’Allemagne respectait scrupuleusement les décrets de La Haye. L’harmonie fut telle qu’au mois d’août 1914, le Kaiser fit part de sa décision de visiter Paris :
« La saison, certes, n’est pas très favorable aux grandes cérémonies : les vacances vident Paris de ses habitants, et elles y ramènent des étrangers. Peut-être, après tout, était-ce justement ce qui avait motivé la détermination prise par l’Empereur. Qu’elle qu’en fut la cause, d’ailleurs, cette détermination provoqua une émotion extrême non seulement en France, non seulement en Europe, mais même dans le Nouveau-Monde. On câbla de New York et de San-Francisco pour le jour de l’arrivée du souverain.
De leur côté, les Allemands redoutèrent sans doute qu’il arrivât malheur à celui-ci, car ils affluèrent en France, et se ruèrent sur les hôtels. Depuis l’Exposition du Centenaire, Paris n’avait pas été aussi surpeuplé. Jamais autant d’automobiles n’y étaient venues, de toutes les directions : du Nord, en particulier. L’occasion, en effet, était tentante de visiter la Hollande et la Belgique en se rendant chez nous. »
Bien que de nombreux Français fussent en vacances à ce moment-là, rien ne s’opposait à cette visite. Le lendemain de sa venue, rien ne fut plus comme avant. L’armée française se trouva paralysée en ses casernes, endormie par des gaz soporifiques, alias « produits chimiques agricoles » répandus judicieusement par une cinquième colonne germanique motivée. Elle se réveilla prisonnière et sans armes, à quelques exceptions près.
Une lettre du Chancelier de l’Empire expliqua les faits, notamment qu’en une nuit, grâce à l’infiltration « pacifique» allemande en Europe et la transformation instantanée de tous les engins agricoles en engins militaires, du Danemark jusqu’à Paris, à l’heure dite, les « touristes » allemands, disposés suivant un plan rigoureux, s’étaient emparés de toutes les armes, neutralisant tous les régiments, et assignant les quelques unités résistantes en cours de justice à La Haye pour entrave à la paix et usage d’armements militaires !
Elle expliqua qu’il était tout naturel pour l’Allemagne d’avoir à procéder de la sorte, étant donnée son exigence «d’expansion vitale» et «territoriale», celles-ci ayant toujours été une nécessité absolue, ce qui justifiait la ruse dont elle avait fait preuve et que devaient comprendre les Etats voisins. Enfin, tous les chefs d’états des pays soumis récemment seront convoqués à l’investiture à Paris de Sa Majesté qui a décidé de prendre le titre «d’Empereur d’Occident » :
« Quoi qu’il en soit, la situation qui nous est faite nous crée des obligations nouvelles. Sa Majesté a décidé de prendre le titre d’Empereur d’Occident. Elle avait songé à se donner l’investiture à Aix-la-Chapelle, mais il a été décidé finalement que la cérémonie aurait lieu dans la Galerie des Glaces de Versailles, le 15 août, date anniversaire de la naissance de l’Empereur Napoléon. Vous comprendrez sans peine les motifs qui ont déterminé le choix de ce jour et de ce lieu. Vous remettrez au chef de l’Etat auprès duquel vous êtes accrédité la lettre autographe qui le convoque pour la solennité. »
Une nouvelle féroce et ironique mettant à jour la duplicité prussienne, la noirceur de ses objectifs, son mépris du droit des peuples. Un brûlot à verser au gigantesque dossier des guerres conjecturales.
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L'âge De Plomb - Par BenF
Une épidémie très curieuse semble affecter les animaux du Gabon , des oiseaux qui se déplument, des chiens et des chats qui perdent leurs poils, etc. C’est ce que constate le Lieutenant-gouverneur Parmesif. Ce phénomène hélas ! ne s’arrête pas à l’anecdotique. Bientôt, le gens perdent leurs cheveux tout en développant des lésions cutanées dans de nombreux pays du globe.
Née en Afrique, la vague pandémique gagne le Nord. Parmesif, inquiet, se déplace à Paris où l’un de ses vagues cousins, astrophysicien de son état, aurait découvert la cause du phénomène. Galfo – c’est son nom - a établi par spectroscopie la preuve irréfutable que les radiations solaires sont perturbées et qu’elles affecteraient la terre entière condamnant à mort les différents règnes, végétal, animal et humain. Si l’homme ne parvient pas à se protéger du rayonnement néfaste, ce sera la fin de son aventure.
Heureusement, le plomb est imperméable aux radiations. En vertu de quoi, le savant préconise de développer des protections en plomb ! Un capitaliste américain, accompagné de sa fille (qui tombera amoureuse de Galfo) arrachera au physicien son secret, et prendra une avance considérable sur ses concurrents en rachetant avant eux toutes les sources d’approvisionnement en plomb. Peu de temps après, dans les pays bourgeois, triomphe l’ingéniosité humaine : les gens pauvres se calfeutrent chez eux. Quant aux autres, ils s’équipent , qui d’un « pararais » (variété de parapluie anti-rayons en plomb), qui de vêtements tissés en fils de plomb, d’une lourdeur épouvantable :
« Ils (= les vêtements) représentaient un tel poids que la marche et même tout mouvement devenaient extrêmement pénibles : le chapeau pesait environ trois kilogs (sic !), c’était un véritable casque ; les chaussures, du poids de sept kilogs, clouaient les pieds au trottoir. (…) On traîna les enfants dès l’âge de six ans, dans des voiturettes couvertes d’une bâche plombée, et on les maintint au logis sous de petits toits de plomb en feuilles avec défense de bouger. Cette interdiction, qui entraînait celle de se livrer à leurs jeux coutumiers, entraîna une épidémie inconnue jusqu’à ce jour de mélancolie infantile. »
Les maisons seront couvertes de toiture en lames de plomb. Les animaux familiers mêmes, chiens, chats, chevaux sortent équipés ainsi. Le mode de vie des populations se modifie car toutes ces protections, très lourdes, condamnent les gens à une démarche d’escargot. Ceci sera à l’origine d’une nouvelle mode « plombée » :
« Dans les rues, l’aspect général des passants, qui avait d’abord été celui de pachydermes, devint, grâce à l’ingéniosité des tailleurs et des couturiers, celui de gigantesques insectes : les manteaux de toutes sortes, très amples, aux couleurs de métal sombre, semblaient les élytres d’énormes coléoptères, surtout chez les femmes qui accusaient encore la ressemblance par leurs chapeaux à aigrettes, pareilles à des antennes, et par leurs jambes fines semblables à des pattes de scarabées. »
Quant à la végétation, elle est condamnée à disparaître :
« la destruction des végétaux constituait le pire désastre. Car sans plantes, plus d’animaux, et sans animaux, plus d’hommes. La conception qui sembla la plus pratique fut d’élever, sur de larges étendues, des charpentes que l’on toitura de verre plombeux, et l’on rassembla le cheptel sous ces « abris à pâturages ». Sous le verre au plomb la prairie vécut ; partout ailleurs elle végéta, puis inclina vers la mort. Quant aux arbres, nul remède. Ainsi l’été naissait à peine et déjà se mourait un paysage d’automne, ou, plutôt un paysage d’aspect rude, morne et brûlé, tel qu’aux approches des grands déserts. Il semblait qu’une lèpre, issue des abîmes, rongeât lentement la chair terrestre jusqu’aux pierres qui sont les os. Et, dans les pays sauvages, les peuplades décimées s’entre’égorgeaient sans merci, chacune attribuant le fléau à la malice de ses voisines. »
Parmesif, prévenu à temps par Galfo, et Blackhurst , le banquier américain devenu entre-temps le beau-père de ce dernier, apprennent de sa bouche une deuxième stupéfiante nouvelle: aussi soudainement qu’il s’était produit, le phénomène va s’arrêter, ce qui leur permettra de s’adapter une seconde fois à la nouvelle situation et de conserver leur richesse.
Une petite nouvelle exécutée avec ironie et finesse axée sur un thème innovant pour l’époque, l’influence des radiations nocives sur l’être humain, qui sera appelé à un grand succès dans le genre.
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L'ingenieur Von Satanas - Par BenF
Deux prologues ouvrent le récit. Dans le premier, le diable, empruntant la personnalité du moine Schwartz, présente à l’abbé Gotlieb dans l’abbaye de Fribourg, sa dernière invention (diabolique) : la poudre à canon. Nous sommes en l’an 12…
Dans le deuxième, c’est l’ingénieur Von Satanas qui vient tenter les parlementaires de la paix réunis à La Haye. La science et le progrès allaient enfin établir la paix universelle, lorsque juste avant le banquet de clôture et après la signature du traité, comme l’on allait boire à l’amitié éternelle entre les peuples, les plans du nouveau moteur d’aéroplane et la composition chimique ou microbienne de nouveaux obus présentés par von Satanas séduisirent énormément. Cet ingénieur ressemblait étonnamment au moine Schwartz…
Au moment où s’ouvre le roman, le narrateur, Jacquemin, est en train de dériver sur un débris, entraîné par les courants, vers la côte hollandaise. Ayant fait partie de l’expédition Hutchinstone pour l’exploration du pôle Nord, en 1914, il était de retour en 1929 quand le bateau sur lequel il regagnait l’Europe, fit naufrage.
Il ne resta d’ailleurs pas longtemps seul sur son épave, rejoint par un autre survivant, le jeune et sympathique Marcel Blondeau, de retour d’une île du Pacifique, et qui lui aussi eut le malheur de sauter sur une mine. Unissant leurs efforts, ils s’interrogent sur l’origine de ces engins meurtriers responsables de leur malheur, sur l’absence de phares le long des côtes, sur la désertification des routes marines.
Alors que leurs vivres diminuent, ils accostent enfin sur une plage sablonneuse, truffés d’objets ressemblant à s’y méprendre à des bombes ayant fait long feu et parsemées de ruines, ce qui témoignerait d’une incontestable violence. Soudain ils furent abordés par une petite troupe de gens au visage couvert d’un masque à gaz qui les entraînèrent vers un abri souterrain. Sans qu’ils le sachent encore, l’on venait de leur sauver la vie. Bien que surpris par l’aspect grotesque et les habits en lambeaux de leurs sauveteurs, ils prirent le temps d’écouter le chef du groupe, un certain Danois, le Dr. Christiansen, leur indiquer la cause de leur affreuse situation :
" La gueuse de Science, l’horrible gueuse ! répète le Danois.
-Mais, permettez, fis-je abasourdi, permettez… pourquoi ce blasphème ?
-Eh ! vous devez bien vous en douter !
Sans elle serions-nous terrés dans ces ruines, en péril de mort par asphyxie, avec d’autres dangers nous guettant de tous les côtés : écrabouillements par mines, torpilles, explosions…,
Ecrabouillements venant du ciel par avions… diffusions de maladies épidémiques par boîtes à miasmes, ou grenades à microbes de haute virulence…etc., etc., que sais-je !… "
Et les responsables en sont les Allemands, les " Boches " :
" -Vous avez dit gaz boche, que signifie Boche ? C’est un terme scientifique nouveau ?
-Non ! Boche, l’horrible Boche, le Boche anthropomorphe des tribus germaniques prussifiées, les Boches de la barbarie scientifique, enfin !… les nouveaux Huns, dirais-je, si je n ‘étais certain, ce disant, de calomnier Attila, qui n’avait pas la férocité hypocrite et savante, lui… "
L’abri souterrain où ils se terrent en attendant que se dissipent les "gaz boches" au-dessus de leurs têtes, appartient à un certain monsieur Vandermolen, un pacifique et jadis riche cultivateur de tulipes. C’est là, à Harlem en Hollande, à proximité de La Haye, tout proche du Palais de la Paix, devenu forteresse des " Boches ", qu’ils subissent les attaques répétées de Prussiens utilisant tous les artefacts de la technologie moderne, bombes chimiques et bactériologiques, gaz asphyxiants et paralysants, lancés par aéroplanes ou par canons à longue portée. Par manque de prudence de la part des autres nations, les Boches ont envahi, écrasé, désertifié l’Europe :
" Au lieu de couper radicalement les griffes du monstre et de lui casser soigneusement les dents, on se contenta de les rogner légèrement, avec douceur et délicatesse… Faute capitale ! Funeste mansuétude, dont l’Univers tout entier subit aujourd’hui les conséquences effroyables !… L’Allemagne refaisait avec une hâte fébrile son matériel de guerre, le décuplait en le perfectionnant. "
Aujourd’hui vainqueurs mais réduits en nombre, ils en sont à leur dernière extrémité belliqueuse gardant jusqu’à la fin qui est sans doute proche, leur faculté de nuisance :
" -Horreur des horreurs !
-Gesta diaboli per Germanos ! dit Jollimay (…) Ah ! cette Allemagne que nous admirions naïvement et bêtement, nous laissant prendre à sa fausse façade, camouflée avec tant d’art . Hélas ! (…) la docte Allemagne ! Gretchen aux blonds cheveux effeuillant la marguerite de la Science ! Pour nous, à part les Hohenzollern, au fond de la Prusse, à part un clan de hobereaux et de militaires bismarckiens, il n’y avait que la docte Allemagne, la douce, familiale et scientifique Allemagne ! Et nous ne l’apercevions pas, chargeant ses canons derrière un rideau protecteur de poètes suaves et de braves savants à lunettes, préparant son arsenal satanique, accumulant ses moyens d’agression, de meurtre et de pillage. "
Les seuls endroits sûrs qui permettent d’échapper aux bombes de toutes sortes sont les abris, les " terriers " qui ont vu naître une nouvelle civilisation préhistorique :
" Eh bien, est-ce que tout ne vous semble pas préhistorique ici ? Est-ce que nous ne vivons pas dans des espèces de cavernes comme les hommes des premiers âges ? (…) Ah ! comme la comparaison tournerait à l’avantage des premiers hommes ! Ah ! Comme ils y perdraient de vivre avec nous, les braves gens des cavernes préhistoriques, qui n’avaient à craindre que l’ours ou quelqu’autre honnête bétail dépourvu de malice, quasi-inoffensif à côté du bipède scientifique et "kulturé " d’aujourd’hui !… (…)
Les populations qui dans les premières années de la guerre générale ont échappé aux écrabouillements par explosifs, aux intoxications par les nappes de gaz, par les couvercles de vapeurs mortelles, aux infernales projections de flammes, d’acides ou de miasmes, se sont enfoncées dans le sol. On vit sous terre, on creuse la glèbe aussi profondément qu’on le peut, la bonne vieille terre nourricière de jadis, on fouille l’argile, la pierre ou le roc. "
L’abri qui les a accueilli regroupe des ressortissants du monde entier. Christiansen présente à Jacquemin et Blondeau, quelques-uns de ses compagnons d’infortune : Miraud, l’aviateur français, à qui il manque le bras gauche, Bustamente, lieutenant d’infanterie péruvienne et Felton le grenadier néo-Zélandais, Mohamed Bamoko le tirailleur sénégalais, un géant avec une main en crochet et son ami Kuomang, le fils d’un mandarin de Hué, Gibson, ancien milliardaire américain et Démétrius Manoli le Roumain ; enfin et surtout Mme Vitalis, une Parisienne à la jambe de bois et sa fille Jeannne, une délicieuse demoiselle qui n’a jamais connu que la vie des terriers. Autant dire que le Boche est l’ennemi du genre humain :
L’Europe !… Rappelez-vous les photographies de la Lune qui nous montraient un astre en démolition, au sol criblé de trous, de cratères écornés et effrités… Eh bien, s’il y a des astronomes dans la lune, c’est exactement ce qu’ils doivent voir chez nous maintenant ! Sans doute la lune a passé par les mêmes horreurs que nous, il s’y sera trouvé quelque race de proie, des Boches lunatiques, pour tout dévaster et saccager jusqu’à extinction complète et définitive !… Dans notre Europe bouleversée, il n’y a plus que des tranchées. Ces tranchées, qui zigzaguent à travers tous les pays, qui sillonnent, coupent, découpent et recoupent plaines et montagnes, c’est depuis longtemps déjà la seule manière de labourer la pauvre terre que connaisse l’Européen !… Les fronts, je ne dirai pas des armées, il n’y a plus d’armées, mais des peuples tout entier en armes, les fronts se pénètrent et s’enchevêtrent, amis et ennemis pêle-mêle les uns dans les autres. (…)
Ces révélations provoquent l’effondrement moral de Jacquemin, frappé d’horreur devant l’effrayant cataclysme. A cause des Allemands, le monde entier a régressé. A cause d’eux, à cause de leur science traîtresse, la civilisation humaine à été réduite à néant :
" Au pilori, la science ! Certes, la guerre de tout temps fut quelque chose de triste et d’horrible, mais notre science est venue, et elle a centuplé…que dis-je, " centimilluplé " les horreurs et les terreurs de la guerre, elle a développé, multiplié, généralisé les possibilités et les facilités de massacre, à toute distance et aux plus longues portées…
Elle a tellement changé et aggravé les conditions des luttes de nations, si affreusement gâté la guerre, enlaidi, sali hideusement l’horreur, que les guerres d’autrefois ne semblent plus que de simples bousculades un peu vives , la bataille d’autrefois un geste d’héroïsme brutal…. "
Habillés avec des lambeaux de peaux, armés de massues ou d’arcs, mangeant des rats ou les lapins des dunes, n’enlevant leurs masque à gaz qu’à de rares occasions, les troglodytes s’obstinent à survivre malgré tout. Ils ont tous été dupés par l’Allemagne, par son sentimentalisme, par ses " Gretchen ", alors qu’elle ne songeait qu’à utiliser la science en un but de mort, en s’aidant des microbes :
" Quel travail !… Préparation des cultures infectieuses, étude des ferments et des virus, élevage et trituration en grand nombre de tous les microbes, de tous les bacilles susceptibles de transmettre les pires maladies et de faire éclater les épidémies, dosage des produits de nos bouillons de culture arrivés à point, pour les charger en torpilles miasmatiques, en bombes, boîtes, fioles, tubes, pastilles, etc."
La vie dans les terriers est bien organisée. Alors que Jeanne et sa mère s’occupent de faire pousser de rares salades, les hommes partent, quand cela est possible, en expédition. Dans l’environnement en ruines, tous les monuments sont à terre, les bois dévastés, les dunes bouleversées. On y court à la chasse aux rats ou au ramassage des rares escargots. Et lorsque une rencontre s’établit avec d’autres survivants c’est pour s’échanger de pauvres médicaments, des tisanes ou des décoctions contre le typhus ou le choléra.
Avec le temps, les terriers ont été arrangés du mieux possible et Jeanne possède même des fragments de miroirs pour ménager sa féminité. Tous regrettent le temps d’avant, celui de l’abondance et des chefs-d’œuvre.Aujourd’hui, de tous les chefs-d’œuvre détruits, seul un fragment de la toile de Franz Hals " Banquet de la garde civique " subsiste, restauré par M. Vandermolen, fièrement accrochée dans les ruines.
La recherche de nourriture demeure leur occupation principale. Quelquefois, des prises d’exception améliorent l’ordinaire, comme celle du jour où Bamoko revint avec un cheval errant capturé dans les dunes. En étant nourri il fournira dans quelques temps des réserves importantes de nourriture.Pour cela, il faut aller au fourrage. Un groupe, parti en ce but, tombe sur une horde à l’apparence préhistorique menée par un véritable géant. Pas de panique ! Ce sont de braves pêcheurs de Noorderick commandés par leur bourgmestre qui leur indique la direction de Leyde.
Se faufilant entre les cratères de bombe et les marmites enterrées, ils se reposent un instant dans un village où ils feront la connaissance de Yamoto, aviateur japonais reconverti dans le tir à l’arc qui les accompagnera dans leur entreprise. Le soir tombant, ils devront chercher un abri pour y passer la nuit. Une monstrueuse forteresse roulante hors d’usage dans laquelle vit un Bulgare (allié des Allemands) dégoûté par la guerre, servira en ce but :
" Dans le petit brouillard mouillé du matin, notre ruine de forteresse roulante se dessinait de façon impressionnante et dramatique, dominant un vaste et sinistre paysage de dévastation, où tout était ravage et ruine, le sol crevassé, éboulé, rempli d’aspérités, de trous et de cicatrices, avec des traces blanches ou rouges de fermes ou de villages évaporés, disparus à jamais, les eaux répandus par flaques, les ruisseaux au cours changé, stagnant ça et là dans des trous, les arbres décapités, invalides amputés et disloqués, qui s’obstinaient à vivre tout de même, poussaient de nouvelles branches et garnissaient de feuillage leurs misérables moignons déchiquetés. "
Une bande de loups sentant la chair fraîche les traquera toute la nuit. Yamoto et ses compagnons en tueront un grand nombre mais au petit matin on ne trouve plus trace des cadavres : les loups tués auront été dévorés par leurs congénères.
De retour avec le fourrage, ils découvrent que Blondeau – qui ne les avait pas suivis – avait réinventé le flirt à l’âge des terriers, poétisant auprès de Melle Vitalis qui, d’un naturel gai et optimiste malgré la situation, avait non seulement gagné son cœur mais aussi celui de Miraud, établissant entre eux deux une saine émulation à son sujet.
Les nouvelles fraîches sont très difficiles à obtenir en ce temps de " guerre totale " , selon le concept de Luddendorf :
" La Guerre scientifique à longue distance, à l’aveuglette, ne peut plus faire de distinction entre civils et belligérants, tout le monde vit en plein dans les mêmes dangers, partout et toujours, dans la fournaise infernale commune, et je distingue chez tous la soumission à l’inéluctable, le fatalisme résigné, cette forme nouvelle et si triste du courage. "
Pourtant à la Haye, le Palais de la Paix qui résistait encore semble être à bout de forces : les Boches brûlent leurs dernières cartouches ! Mystérieusement avertis par l’instinct, les survivants des terriers se regroupent, se préparent à l’assaut final avec leurs arcs et leurs flèches, leurs massues et leurs casse-tête. Pour que la bataille suprême ne soit pas trop sanglante, il faudrait faire taire définitivement les canons. Pour cette dernière fois, le Dr. Christiansen consentira à utiliser la science par la mise au point d’une invention jalousement sauvegardée jusque là, les " Rayons Herziens " qui, en faisant exploser la poudre noire, délivreront définitivement les hommes de l’emprise de l’ingénieur von Satanas. Le roman se conclura avec Miraud, entonnant " la Marseillaise " légèrement modifiée :
" Voici tous les obus toxiques
les suffocants, les asphyxiants,
Torpilles et bombes chimiques,
L’Enfer lâché sur les vaillants !
(bis)
Et sentez-vous dans nos campagnes,
Les nappes de gaz empoisonnés
Venant jusque sous notre nez,
Asphyxier nos fils et nos compagnes !
Aux armes, citoyens,
Assurez vos baîllons… "
" L’Ingénieur von Satanas " paru en 1919 est le plus rare des ouvrages d’Albert Robida. Et le plus sinistre. Ses visions pessimistes du futur, développées dans " le Vingtième Siècle" mais surtout dans " la Guerre au Vingtième Siècle " et, avec Giffard, dans " la Guerre infernale ", intuitions géniales, trouveront ici leur réalisation. La science, source de progrès infini chez Jules Verne, toujours regardée avec méfiance par Robida, devient dans ce roman " cette gueuse de science ", le rêve d’une société mécanisée et d’une vie facile ayant été brisé par la mystérieuse adéquation (qui ne peut être que d’essence satanique) entre la science et la dévorante ambition des Prussiens (les Boches ) rendus seuls responsables du carnage :
" Voyez tous à l’œuvre la hideuse Allemagne,
Hideuse dans son âme, hideuse en ses forfaits,
Son Kaiser qu’on dirait vomi par quelque bagne,
Ses princes procrées par l’Enfer tout exprès (…)
Appétits monstrueux de quelques brutes féroces, d’une caste de féodaux en fringale de richesses et d’avantages, de théoriciens du massacre productif, de hauts seigneurs de la grande industrie et de la finance affamés de milliards et de puissance… A table pour le festin ! à table ! "
La description de la vie dans les " terriers " est calquée sur celle des tranchées. La lutte pour la survie des individus s’enracine dans un décor minutieusement reconstitué. Aucun détail de la vie quotidienne ne sera laissé de côté : agencement des lieux, difficulté de subsister, de s’habiller, les blessures du corps, les atteintes épidémiques, la crasse, la pauvreté, la misère, la mort, lot quotidien des défenseurs de Verdun. L’agressivité et le désespoir véhiculés dans le récit est à mettre en parallèle avec ceux de Méric dans " la Der des ders " et ceux d’autres romans – non conjecturaux- de Malaparte et de Dorgelès. " L’Ingénieur von Satanas " entonne le chant du cygne d’une Europe défunte et de sa future éclipse de la scène de l’histoire. Un livre prémonitoire composé par un utopiste d’une valeur inégalée.
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Le Fer Qui Meurt - Par BenF
Le lieutenant Jacques, dans sa tranchée, entrevoit, en tant que scientifique, une solution radicale pour mettre l’Allemagne à genoux. Il s’en ouvre aux seuls Président du Conseil et au Généralissime du commandement des forces françaises. Au jour dit, le plan préconisé fut appliqué : une mystérieuse épidémie d’origine électrique infecta le fer qui devint mou, puis tomba en poussière :
" Il s’arrêta devant un train chargé de munitions et contempla de gros obus qui gisaient pêle-mêle. Du bout de sa canne, il frappa l’un d’eux et s’arrêta stupide. " Voyons ! il rêvait, ce n’était pas possible ! ". Et il renouvela l’expérience : sa canne était entrée dans l’obus ; sous le faible choc, le magnifique acier des usines allemandes s’était éparpillé, laissant voir à nu l’explosif redoutable. Machinalement il recommença et chaque fois son bâton désagrégea un de ces obus dont il était si fier.
Comme sous l’effet d’une hallucination, il frappa alors à coups redoublés, espérant enfin entendre le son métallique que rendaient d’ordinaire ces gros bijoux de mort que seule l’Allemagne avait su préparer d’avance ; mais il ne rencontrait que des corps mous, que des enveloppes friables qui s’émiettaient et laissaient voir à nu leur hideuse âme jaune ! Alors, pris de vertige, il s’enfuit mais il n’alla pas bien loin ! "
A partir du front, l’épidémie emprunta les voies du chemin de fer en paralysant totalement la circulation des ennemis de la France. Puis, elle gagna l’arrière, où rien ni personne ne fut épargné. Les canalisations de gaz, les usines d’armements, le matériel maritime, l’industrie, tout subit la "pourriture du fer ", provoquant de gigantesques incendies dans toutes les villes allemandes. En quelques jours, l’Allemagne à genoux, implora grâce. Le lieutenant Jacques aurait pu être légitimement fier de son " virus électrique " si cela n’avait été un… rêve !
Une nouvelle à comparer avec " la Mort du fer " de Held. Elle rappellera également le traitement réservé par Franquin au fer par les bombes de " Métomol " dans " Z comme Zorglub ", de la série des " Spirou et Fantasio ".
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