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Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !

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Livres

  1. Type: livre Thème: menaces idéologiques Auteur: Albert BESSIERES Parution: 1929
    Curieux récit que "l’Agonie de Cosmopolis". Il s’agit bien de la fin d’un monde, mais d’un monde à part, celui de l’entre-deux guerres et de la Démocratie chrétienne avec la prise de pouvoir en France par un gouvernement communiste. Cosmopolis, c’est Marseille et l’Etang de Berre, région totalement industrialisée dans un futur hypothétique proche. Le lecteur y fait la connaissance d’affameurs ploutocrates, Godseels et Bassano, des fourreurs multimillionnaires. Sans scrupules et sans respect pour la vie humaine, ils exploitent les ouvriers harassés et malades:
    «Je m’affirme partisan du plus fort, là où je ne puis l’être moi-même... La dernière faute, la plus récente fut de permettre au monde ouvrier de s’organiser. Le mal une fois fait, nous avons essayé de museler l’ogre, en ne tolérant que les groupements qui se moquaient de l’ordre social. Ne pouvant vaincre de force, nous avons manoeuvré, cassant les reins aux faibles , aux syndicats des curés et des pasteurs protestants... opportunisme louable , mais dangereux. Nous comptions sans les mâchoires de l’ogre fortifiées par nous. Le voici qui rompt sa muselière ; le grabuge commence, gare à la casse, Godseels... la peau humaine est fragile..."
    Heureusement, Lucile, la femme de Godseels, et sa fille Ida, sont différentes. En véritables "anges de la miséricorde", elles s’emploient à soigner les victimes aux visages rongés par le cancer dû au travail prolongé près des cuves d’acide :
    «Ils pénétrèrent dans le taudis... Sur un sol boueux de terre battue, un grabat où une forme cadavérique râlait, expectorant ses poumons. Un gamin de six ans à moitié nu, allait du grabat à un berceau où se lamentaient deux enfants, distribuant les tisanes préparées, le matin, par le père.» « (...)
    Au lit voisin, c’est une jeune arabe emmaillotée de toile , de la tête aux pieds, voilée, invisible. La bête lui a dévoré les seins, puis le visage. A travers le suaire, un sifflement douloureux monte, descend comme le vent méchant d’une houle.... un peu plus loin, une vieille italienne pleure à sanglots convulsifs; elle n’a plus de jambes et le monstre tenace lui ronge le bassin... Elle joint, tord ses mains nouées, rabotées par les acides où, depuis des années, elle plongeait peaux de lapins, de taupes , de zibelines et de chats sauvages , dans les ateliers homicides de Godseels.»
    Elles sont  rejointes dans leur vocation par Christian, le médecin des pauvres , que la jeune Ida aimerait bien aimer si cela ne la détournait pas de sa bonne inclination. A côté de ces héros, taillés à l’emporte-pièce, et de quelques "bons ouvriers", tout dégoulinant de bons sentiments, se dressent les "bandits", tous pervertis par les idées sinistres et anti-cléricales d’Anatole France. Il s’agit d’une part des capitaines d’industrie dont l’argent est le seul dieu , anti-chrétiens, cela va de soi, et de l’autre des "métèques", les Noirs, les Chinois et les Arabes, représentant des forces du mal, communistes et anarchistes.
    Si-Hassen, l’Arabe, qui a fait ses études en France, devient le chef incontesté des révolutionnaires. En compagnie du Juif Michely et du Grec Wolf, il fomente la révolte qui  aboutira à la chute de Cosmopolis. Il tue, assoiffé de haine, en compagnie de Doucèn, la jeune maîtresse arabe qu’il a arrachée à Godseels, tous ceux qui tombent sous sa main, en une mise en scène théâtrale et abominable :
    «Soudain , les hauts-parleurs installés à tous les carrefours, reliés à l’acropole de Notre-Dame de Miséricorde , où Si-Hassen , chef du Conseil du peuple et de la tchéka , tient son quartier général, assisté de Doucèn, apportent le communiqué quotidien: "Aujourd’hui, à dix-huit heures, exécution , sur la colline, de cent cinquante contre-révolutionnaires.  Le service d’ordre sera assuré par deux cents Annamites , deux cents Sénégalais de la première centurie rouge et la deuxième escadrille rouge , commandée par Tchang-Kai-Chek. La liste des condamnés sera affichée, une heure avant l’exécution, au quartier général... On filmera l’exécution.»
    Mais il se trompe de cible. Au lieu de s’en prendre aux vrais capitalistes et autres "vipères lubriques", il assassine les prêtres, les gentils ouvriers, les bons ingénieurs, les vrais chrétiens qui acquièrent de ce fait le statut de martyrs.  Après avoir mis Cosmopolis à feu et à sang en compagnie du chinois I-Chang, Si-Hassen sera à son tour puni de ses idées impies et immolé sur l’autel de la révolution anarchiste. Quant à Wolf et Michely, ils périront brûlés vifs dans l’incendie qui ravage la cité de Marseille, véritable Nuit de Walpurgis, entraîné par leur soif inextinguible d’argent :
    «Des millions de tonnes d’essence, de pétrole, roulent vers l’Etang de Bolmon, l’Etang de Berre, vers Marseille par le canal du Rove, vers Port-de-Bouc, et la pleine mer par le défilé de Caronte. L’immense nappe de feu avance, dans des tourbillons de fumée noire et rouge, submergeant tout .  La précieuse conque, où dort la mer intérieure, n’est plus qu’un cratère hurlant, plein de flammes jusqu’aux bords.
    Les vaisseaux ancrés dans les ports, les flottilles de pêche flambent, éclatent, mêlent leurs détonations à celles des usines, docks et poudrières gorgés de matière inflammables et d’explosifs. Une pluie de pierres, de cendres, de liquides corrosifs tombe du ciel, mêlée à des blocs de cuivre, d’acier, de fonte, arrachée aux vaisseaux et aux réservoirs dynamités".
    Apuré par cette fin du monde communiste, le christianisme triomphera: «(Le prêtre) songe à Lucien Belin, à ce groupe de jeunes ouvriers catholiques, qui seront là , demain ; qui réchaufferont sa vieillesse prématurée à la flamme de leurs jeunes enthousiasmes... Le froment de mille vies , ils le portent dans leur coeur. Un goéland monte de l’Etang de Berre, le frôle de son aile ... Et il sent, en son âme, une grande aile palpiter, l’emporter , lui aussi, vers les cités renaissantes de l’Etang; une large joie vivante monte dans son coeur rajeuni , renouvelée tous les matins : l’invincible optimisme, l’indestructible espérance qui, depuis vingt siècles , à travers toutes les calamités , toutes les agonies , garde l’Eglise toujours jeune. "
    L’Agonie de Cosmopolis est un ouvrage apologétique, un brûlot contre les athées et incroyants de toute sorte installés dans les idées anti-cléricales d’Anatole France (L’auteur lui en veut beaucoup!) Il dresse dos à dos communistes et métèques, le parti de l’étranger qui sape les fondations de la France, fille aînée de l’Eglise. En un style d’une grande férocité, en un délire paroxystique, l’auteur charrie toutes les idées haineuses, racistes et xénophobes qui traînent dans la mentalité de l’époque. Continuateur de Lamennais et du christianisme social, Bessières lutte pour l’instauration d’une société ouvrière menée paternellement par des chrétiens riches et éclairés. Un roman singulier qui détonne par sa virulence dans l’ensemble des oeuvres-catastrophe de l’entre-deux guerres.

  2. Type: Livre Thème: épidémies Auteur: Arnould GALOPIN Parution: 1928
    Procas est un homme bleu. Non pas un Targui, mais un authentique malade congénital. Souffrant d’insuffisance artérielle chronique à cause d’un coeur rétréci, la moindre contrariété accentue chez lui la propension à la couleur bleue de la peau.  Or, des contrariétés, il en a beaucoup. Comme savant bactériologiste, sa seule ambition est de servir l’humanité. Il fait des communications magistrales à l’Académie des Sciences. Il est reconnu, adulé, poursuivi par les femmes. Sa maladie se fait toute discrète. En épousant Meg, une de ses plus ferventes "groupies", la déception n’en est que plus vive, quand il apprend, quelque temps après, qu’elle le trompe. Il en conçoit un choc si terrible que, de la tête au pied, la couleur bleue gagne, le coeur se rétrécissant. De crise d’épilepsie en crise d’épilepsie, atteint par un froid cadavérique, il devient objet de répulsion pour le reste de la société.
    " Qu’était cet être douloureux? D’où venait-il? Pourquoi, à son approche, détournait-on brusquement les yeux? Il fallait donc qu’il eût quelque chose d’effrayant, d’épouvantable ?... Oui... Il était laid, atrocement laid, d’une laideur qui dépassait tout ce que l’on peut imaginer, non point que sa figure fût ravagée de quelque lupus, labourée par un chancre répugnant ou couturée de plaies immondes...
    Elle n’avait subi aucune déformation, nul accident n’en avait bouleversé les lignes, mais ce qui la rendait ignoble, monstrueuse, c’était sa seule couleur... Elle était bleue, entièrement bleue, non point d’un bleu apoplectique tirant sur le violet lie-de-vin, mais de ce bleu cru, violent, presque éclatant, qui tient le lieu entre le bleu de Prusse et l’outremer. "
    Il lui faut dire adieu à sa vie scientifique, à renoncer à sa femme, à renoncer au monde, en déménageant dans un autre quartier de Paris, pour ne pas être reconnu. Son seul ami, le professeur Viardot meurt trop vite, le laissant seul sur terre.  Ses sorties nocturnes, à visage serré et recouvert pour s’approvisionner, éveillent l’animosité de la foule contre lui. Au départ on le conspue à cause de son apparence. Puis, un crime s’étant commis dans le quartier, l’hostilité se transforme en haine, attisée par trois sombres imbéciles qui jouent aux justiciers: Bézombes, Nestor le Boucher et Barouillet le politicien au petit pied.
    Sa vie est infernale. Constamment suivi, dénoncé -en dépit du fait que la police ne trouve rien chez lui-, il doit se procurer des vivres de plus en plus loin ou rester des journées entières cloîtré dans sa maison en proie à des crises à répétition. Il songe à se suicider. Mais, pour l’amour de la science, il continue ses travaux avec le modeste appareillage qu’il a pu sauver du désastre.  Il accueille un chien errant, le seul être qui lui fait confiance. Las, celui-ci est tué par le gros Nestor. Un soir,  en rentrant chez lui, il aperçoit son chien gisant dans le ruisseau, le crâne défoncé. C’en est trop pour cet être persécuté. Il en conçoit une haine terrible pour l’humanité et concocte par égard pour son ami canin une vengeance post-mortem.
    Grâce à la moelle du chien qui servira de support nourricier, il recherche le Bacillus murinus, le bacille du rat, qu’il avait déjà réussi à isoler dans ses recherches antérieures. Ce microbe, rare à l’état naturel, provoque la mort foudroyante du rat. Pourquoi pas des humains ? Il se met à la recherche de rats, en trouve, les utilise comme cobayes, isole le bacille et, par transvasement de cultures, en fait un engin de mort terrifiant qui délivre la mort en trois heures:
    " Quelle ne fut pas la joie de Procas lorsqu’il reconnut sur les rats qu’il venait de trouver morts, des lésions tout à fait semblables à celles qu’il avait observées dans l’Inde. Il fit sur ces bêtes divers prélèvements de sang, et, vingt-quatre heures après, il pouvait observer sur la gélose une strie blanchâtre avec des ramifications latérales très caractéristiques. Le doute n’était plus possible : il tenait enfin son Bacillus murinus ! Alors il prit une lamelle de verre, y déposa une goutte de culture, l’étala avec l’extrémité d’une pipette, colora la préparation avec une substance préparée par lui, et l’examina ensuite au microscope. Sur le champ de l’appareil il constata la présence de bacilles minces et courts... "
    Il prépare ainsi trois litres de ce bouillon mortel qu’il est décidé à verser dans le réservoir d’eau de Montsouris, déclenchant une épidémie sur l’ensemble de Paris :  
    " Procas attendait toujours. Il ne se souciait plus de la foule qui grondait sur son passage. Une idée l’obsédait: ce bacille sur lequel il avait compté, dont la nocivité lui avait paru évidente, aurait-il perdu de ses propriétés quand il s’était trouvé en contact avec une immense étendue d’eau? Le réservoir, il le savait, contenait, avec sa réserve, environ deux cent mille mètres cubes. Est-ce que cette masse ne renfermait pas un élément qu’il n’avait point prévu?
    Non, pourtant, son bacille devait anéantir tous les autres, car les expériences qu’il avaient faites sur cinq ou dix litres d’eau lui avaient suffisamment prouvé la virulence et la combativité de ses "colonies". Elles devaient être en train de se développer, mais n’étaient pas encore parvenues dans les canalisations. "
    Mais, ironie du sort, à peine eût-il lâché ses vilaines bêtes que le gros Nestor et Barouillet, ainsi que les habitants du quartier vinrent faire amende honorable en s’excusant pour s’être trompés: l’assassin du petit Claude vient d’être arrêté! Le savant ne put en entendre plus: il s’effondrera, terrassé, à leurs pieds tandis que des sirènes d’ambulance retentissaient un peu partout dans Paris.
    Un récit à intrigue linéaire, à trame plate, écrit en un  style qui se lit facilement, l’outrance étant dans le personnage et non dans la forme. Un personnage intéressant par ailleurs, entre le monstre de Frankenstein et Elephant Man. Les notations scientifiques précises de la préparation du Bacille déterminent l’effet de vraisemblance. Un humour s’y reflète constamment en filigrane: les coupables seront épargnés, les innocents frappés. Il est curieux de constater, au-delà des années et des pays, à quel point l’ouvrage de Galopin ressemble à celui de Frank Herbert avec "la Mort blanche": même haine de l’humanité, même démarche de persécuté, même résultat final. Un roman oublié qui ne le mérite pas.

  3. Type: livre Thème: savants fous et maîtres du monde Auteur: le colonel ROYET Parution: 1928
    Le professeur Paul Lefort accompagne son ami le richissime et jeune savant  Roger Livry, dit « l’Homme de l’apocalypse», dans son odyssée infernale. En ami intime de ce dernier, le narrateur se demande comment empêcher Roger de sombrer dans la folie destructrice. Réel schizophrène, le savant oscille sans cesse entre l’amour et la destruction du monde. Il donne la première preuve de sa puissance à Paul en sa propriété de Fontenoy. Grâce à sa découverte de «l’acide Oméga» auquel il ajoute des particules de radium, la mixture, convenablement disposée à l’air libre, possède la propriété d’abaisser rapidement la température de l‘atmosphère terrestre vers le zéro absolu en quelques mois, vouant à la mort certaine toute forme de vie :
    « Etant donné les surfaces d’acide radifère que j’emploierai, six mois suffiront pour abaisser la température du globe à 150 degrés au-dessous de zéro. J’estime qu’aucun organisme vivant ne pourra résister à un pareil climat. D’autre part, la surprise aura été trop brusque pour qu’on arrive à s’organiser contre un froid semblable. Tout calorique, toute protection fournis par les habitations actuelle deviennent illusoires. D’ailleurs comment mangerait-on ? Plus d’animaux de boucherie, plus de végétaux comestibles, plus d’eaux courantes. Tout mouvement impossible ! »
    Roger, bien que n’étant pas foncièrement mauvais, est ce que l’on appellerait aujourd’hui un être « borderline ». Timide et amoureux transi, il attend un signe de la part de la jeune Hélène de Thiérard-Leroy, fille d’un astronome célèbre. Il suit les déplacement de son aimée à la trace, avec son ami sur ses talons, sans jamais oser se déclarer à elle.Bientôt il apprendra que son ancien employé, un dénommé Jobert, lui a dérobé de sa mixture et surtout du radium, exigeant d’utiliser l’invention de Roger pour son propre compte. Le voyou exerce un chantage odieux sur ce dernier et, pour prouver toute sa noirceur, provoque un tremblement de terre en Algérie, en utilisant une autre propriété de l’acide Oméga.
    L’astronome Thiérard-Leroy emmène sa fille à Biskra, en Algérie, pour faire profiter cette plante gracile d’un bon soleil, car la pauvrette est malade des poumons. Roger et Paul les suivent, feront enfin connaissance avec Hélène. Roger sera accepté par elle. Fou de joie, il ne pense plus à détruire le monde. De fait son génie se fait à nouveau sentir positivement puisqu’il donne un sérieux coup de main à l’intrépide aviateur Guy Mayrol pour l’aider à stabiliser son «alérion» (planeur).
    Le destin (et l’auteur) décide de couper court au bonheur du savant : Hélène meurt précocement, foudroyée par la tuberculose. Roger, tellement affecté qu’il en devient définitivement fou, bascule du côté obscur de la force. Non seulement il reprend contact avec Jobert pour en faire son associé, mais il s’acoquine aussi avec un sinistre milliardaire américain, à tête de mort, amoureux d’oiseaux exotiques détestant l’humanité, le sieur Barnett, alcoolique, qui le soutiendra de toute sa fortune. A eux trois, ils espèrent éradiquer toute vie sur terre, au grand désespoir de Paul, témoin muet et navré.
    Ils disparaissent dans la nature pour mettre leur projet à exécution. Tandis que la température fraîchit singulièrement en ces mois d’été, Paul, secondé par Etienne Tourte, un sympathique petit apprenti, alerté, par l’entremise de Thiérard-Leroy, le ministre de l’intérieur français, M. Luissant. Celui-ci, convaincu, fait donner la police et l’armée pour rechercher le savant fou. Les indices le signalent dans la région pyrénéenne, plus précisément dans la Tour de l’Osset, un château vertigineux, forteresse imprenable située au sommet d’une aiguille rocheuse :
    « Aux époques éruptives, ce jet granitique avait traversé les sédiments calcaires déjà formés, et crevé à l’extérieur pour constituer le sommet du mont. C’était sur cette aiguille de roche dure que les fransiscains avaient construit les bâtiments de leur monastère, prélévant les matériaux sur le granit lui-même, en gens pour lesquels le temps et la peine ne comptent pas. Le couvent avait donc été conçu comme une forteresse : il était destiné d‘ailleurs à briser l’assaut des Sarrasins. Il formait un ensemble de constructions massives, entourées d’un mur épais de quinze pieds. Des portes en chêne bordées de fer, des grilles énormes commandaient l’entrée des quartiers divers ménagés entre les cours intérieures. Pour être maître de l’ensemble, des assiégeants étaient donc tenus d’enlever successivement ces véritables réduits. »
    A l’aide de l’acide Oméga les criminels ont coupé toutes les voies d’accès à leur repaire et aplani le terrain autour du nid d’aigle.Toute action semble donc être vouée à l’échec, même le déplacement de troupes déployées par le général Hochtheim alentour. Les aéroplanes aussi, chargés de lancer des bombes sur l’objectif, explosent avant qu’ils ne puissent atteindre leur cible, ainsi que toutes les réserves de munition stockées au sol : encore un effet inattendu de l’acide Oméga!
    Pourtant le danger devient pressant, la température de plus en plus basse, a déjà provoqué quelques morts par le froid en France :
    «L’action de l’acide Oméga s’exerce de proche en proche sur les molécules de vapeur d’eau. Très vite, l’évaporation des océans sera annihilée. Chaque jour, s’élargira donc la faille par où s’échappera la vie du Monde ! D’abord les eaux se congèleront puis, les montagnes de glace formées par les mers se déverseront sur les continents. Mais bien avant, tout mouvement se trouvera suspendu ; les maisons, les stocks de combustibles seront très vite impuissants à défendre les hommes contre la morsure du gel. Les animaux périront les premiers, puis les plantes. Plus d’eau potable, plus de vivres ! le sol durci par la gelée se refusera même à recevoir les corps de ceux qui succomberont d’abord. Les autres suivront de très près ! »
    Paul a une dernière idée : pourquoi ne pas se servir de l’alérion piloté par Guy Mayrol pour le déposer, lui, dans la cour du château ? Il saurait bien faire plier son ancien ami Roger ! Un vol de reconnaissance de Mayrol, qui a accepté la dangereuse mission, montre que seul quelqu’un d’un poids minime pourra réussir à se laisser tomber dans la tanière des monstres :
    «Eclairé par la lumière blafarde des projecteurs électriques, le sommet de granit se découpe sur le ciel, immense tour noire au couronnement bizarre, formé par le roc qui avance en pointe et par la silhouette des toits, des clochetons et de tourelles du couvent des Franciscains. (…) En bas, tout autour, des lueurs glauques, inquiétantes, se montrent à fleur de sol, comme pour défendre l’approche de ce lieu d’épouvante et de mystère : ce sont les eaux gelées des bas-fonds dont la surface s’irise sous la caresse des rayons lunaires.»
    Aussitôt Etienne Tourte se présente se disant prêt à convaincre les bandits. Paul accepte mais le voit partir avec effroi. Lui et le général Hochtheim observent, effondrés, les conséquences de l’intervention : des coups de feu suivis par la chute de Paul Livry du haut de son château. Une lettre posthume du savant fou explique comment, secoué par la mort d’Etienne, abattu froidement par Jobert,  il s’est débarrassé de ses deux complices, neutralisant les cuves d’Acide pour se donner la mort en se jetant dans le vide.
    Le colonel Royet, dont nous connaissons la prédilection pour les ouvrages de guerre conjecturale  (voir la « Guerre est déclarée »), signe ici un authentique récit de savant fou où les personnages d’une pièce, représentatifs d’un récit à caractère populaire, manifestent des émotions paroxystiques. Les retournements de situation, les comportements immoraux ou cyniques dressent un tableau caricatural ou édifiant de la nature humaine, selon le cas. Enfin, la fin du monde par le froid scientifiquement provoquée est une trouvaille dans le cadre de la conjecture rationnelle du début de siècle.

  4. Type: livre Thème: sociétés post-cataclysmiques 2 Auteur: Jean-Bernard POUY Parution: 1928
    Vol.01 : Spinoza encule Hegel, Gallimard éd., 2003, coll. « Folio policier », N°127, 1 vol. broché, in-12 ème , 141 pp. couverture avec photo par Stone Images. roman d’expression française
    1 ère  parution : 1996
    La décomposition urbaine a fait émerger des bandes adverses de situationnistes, d’anarchistes, de révolutionnaires ou de conservateurs. Se rapportant à leur idole philosophique particulière, elles portent toutes des noms pittoresques comme les Hégéliens, les Spinozistes, le groupe de Jdanov, celui de Carlo Ponti ou de Thorez, et sont en lutte incessante les unes contre les autres, luttes ponctuées par des flash-backs et relatées en écho par la «Radio Cinquième Internationale » :
    « Quelques groupes de femmes avaient fait leur apparition, mais ne se mêlaient pas à nos petits jeux phallocrates. Certains hommes s’étaient frottés à ces féminités responsables et avaient vite compris que le néo-féminisme était armé jusqu’aux dents. Ces groupes avaient des noms bien aussi ridicules que les nôtres : Lesbos Rouge, Utérus d’Acier, 28 , les Deux Moitiés du Ciel, Tampax Aeternam. »
    Le jeune héros Julius Puech, leader des Spinozistes, déteste les Hégéliens, leur vouant une haine mortelle. Avec ses amis Momo, Riton et Nanar, tous sur leurs puissantes motos lourdement armés, ils se dirigent vers le sud de la France pour anéantir définitivement le groupe adverse, selon un rituel gestuel et langagier précis, à travers un code de comportement apparenté à celui du théâtre Nô.Délaissant leur raffinerie de la région parisienne, ils roulent vers Salon de Provence, considérant la mort comme l’un des Beaux Arts :
    « Ce soir, nous roulons vers Salon, dans l’air tiédasse, vers notre campement provisoire installé dans un casse de voitures. Là, protégés par les entrelacs de ferraille, les carcasses démentes et imbriquées, nous sommes tranquilles: ce labyrinthe de fer engloutirait nos attaquants éventuels.»
    Au passage, ils déferont le groupe Thorez Rouge, des cypto-staliniens, dont le viol, l’achat des armes, l’assassinat, le sexe, la musique et la drogue forment des valeurs appréciées par Julius. Mais avant de partir, ils détruisent aussi les symboles de la société de consommation, se cachant d’abord dans des entrepôts du BHV, puis mettant le feu à la Chambre des Députés dans une capitale en perdition sillonnée par des groupes violents et dissidents. Près du jardin des Plantes, Julius gagnera son trophée, emprunté au dernier survivant du groupe « Fourier Rose », une paire de bottes en peau de lézard mauve. Elles deviendront son symbole personnel et ne le quitteront jamais plus :
    « La seule chose qui me fit rougir l’œil, cette nuit-là, ce furent les bottes en lézard mauve, extrêmement neuves, que portait un des membres de Fourier Rose, le poète du gang, Ginsberg attardé aux Folies irradiés. La vision de cette tranche de beauté pure me speeda toute la nuit, et le sommeil ne vint pas. L’obscurité était de croco. »
    Se livrant encore à quelques facéties comme arroser de rose le Sacré-Cœur, Julius apprend à l’assemblée générale des dissidents que Hegel les attend sur le pont du Gard.Durant l’attaque, Momo, éblouissant de vertu guerrière, est frappé à mort sur sa moto, comme Jaja, le petit ami de Julius, qui s’éteint dans une mare de sang :
    « Nous avons attaché Momo sur sa moto, pantin grisâtre, car sa vie le quittait, personnage puissamment évocateur, car il voyait la mort et vivait avec elle. Une fois sanglé, il devenait également érotique, dans une sorte d’attirail sado-maso, prêt à l’acte, dans son aura de pulsion de mort. Prêt pour le grand éclatement. Un peu de sang coulait sur la selle et, avec sa main, négligemment, Momo en tartinait son réservoir. Le sang caillait sous la chaleur, et les résidus poisseux d’essence se mélangeaient au plasma en fusion. Ballard revenait en force, et ce n’était au fond que justice. »
    Spinoza n’oubliera pas ses héros même si la fraction armée spinoziste est provisoirement défaite. Repartant à Marseille avec son amant/ami François, Julius y aperçoit le traître, « le Niais » qui a passé à l’ennemi, et était responsable de l’anéantissement des Spinozistes. Il lancera les miliciens fascistes de Marseille à sa trousse, assistera à la mise à mort de Carlo Ponti où le Niais avait trouvé refuge, et lui règlera son compte, définitivement.Julius sait que « les temps anciens ne sont plus ». Alors il prépare sa Guzzi pour l’ultime affrontement avec Hegel pendant que, tout autour de lui, la société se normalise, la politique et la police reprenant force et vigueur. Pour finir, Julius, en partance de ce monde cruel, tombe entre les mains des femmes féministes qui lui font subir un esclavage humiliant dans le but de triompher de sa mâle résistance :
    « Enfermé et sous bonne garde, je repris des forces, et redevins, en moi-même, disponible et dangereux. Je me permis de rigoler, mais seulement des yeux. Quand mon infirmière ou bien l’une de ses sœurs me pansait et inspectait ma blessure que j’avais en haut de la cuisse, elle regardait obligatoirement mon sexe, et le touchait évasivement, en me remettant les pansements.Un jour, je fus ému pendant leur visite. Inexplicablement. Leur présence n’était pas érotique. Contre mon gré. Mais ce fut irrépressible. Je me pris un seau d’eau glacé et plusieurs coups de fouet. Maintenant je ne rigole plus. Je travaille. »
    François ayant disparu dans la lutte, Julius patiente dans la déréliction, prêt à tout pour sillonner à nouveau, sur sa flamboyante moto, une France déliquescente.
    « Spinoza encule Hegel », au titre intensément provocateur, est un récit original aussi bien au plan de la forme qu’à celui du fond. A la frontière entre la violence et la dérision, c’est le récit fantasmé d’une jeunesse à la dérive, qui dénonce les postures de la consommation et de l’idéologie. Hors de «l’esthétisme douceâtre » évoqué par Léo Ferré, c’est une œuvre originale, qui s’enferme difficilement entre les limites d’un genre, une sorte d’immense délire relatif aux excès idéologiques de mai 68.
    Vol. 02 : A sec (Spinoza encule Hegel, le retour), Gallimard éd., 2002, coll. « Folio Policier » N°149, 1 vol. broché, in-12 ème , 149pp. couverture illustrée (photo William Lesch). roman d’expression française
    1 ère  parution :1998
    Julius Puech reprend du service. A Bombay, où il s’était réfugié, il voit venir à lui deux spinozistes, Léonard et Iris, qui espèrent faire renaître l’Ethique. En effet, Hegel est de retour en France, intervenant autour des stades de football, soutenant la cause des  «fouteux ». Quand Julius se voit offrir une Guzzi toute neuve, il n’hésite plus, et, avec ses deux compagnons, il ressuscite le groupe Spinoza.
    La situation en France s’est encore dégradée.La démocratie déliquescente a fait place libre aux forces anarchistes ou fascisantes qui s’en donnent à cœur joie dans les tribunes, réunies dans une franche et haineuse inimitié, réactivée à chaque match de foot :
    « Et tout à coup, parce qu’un pékin un peu chanceux vient sans doute de pousser du pied la baballe dans un filet, une immense clameur éclate derrière les grands murs de béton. Les Verts venaient d’en marquer un. Trente mille gosiers kro-formatés hurlent la joie imbécile du supporter qui viole la ville d’en face. (…) Dans la nuit on voit luire les longs couteaux et l’acier nickelé des fusils à pompe. En face, la rage resserre les rangs des petits-beurres d’Ultra-Lu, le kop nantais réputé pour sa grande sauvagerie et une victoire historique sur le Koppa corse en huitième de Koupe de France.Les flics n’ont aucune réaction. Seuls quelques sourires luisent sous les visières, tant que les empaffés se bousillent entre eux, les oies étaient bien gardées et pouvaient voir les matches tranquille, sans se faire aplatir ce qui leur restait de cortex. Quelques coups de feu. Des étincelles dans le noir profond. Un corps qui tombe, le raclement de l’acier sur l’asphalte. Des ombres qui courent dans tous les sens, cherchant protection ou trahison. »
    Julius concocte un  plan pour se débarrasser de Hegel II, tête bicéphale puisque composée par deux jumeaux. Remontant du sud de la France vers Paris, traversant la région lyonnaise dévastée, il recrute quelques partenaires de premier plan. Notamment Luna, une jeune et efficace femme pilote d’hélicoptère, en passe d’être violée par une bande de «supporters ». Tout en distillant sa haine incommensurable à l’égard des hommes, Luna met son hélicoptère, son armement et sa science du pilotage à la disposition de Spinoza, embrassant la cause de Julius. Direction l’île Saint-Louis, camp retranché de Hegel et des « fouteux » :
    « De là où j’étais, tout cela semblait imprenable. Les ponts, absents, écroulés, tranchés à la dynamite, blessures pierreuses. Saint-Louis faisait désormais du bateau à voile. Au bout de l’île, du côté de l’ancien pont de Sully, une passerelle branlante, genre pont de singe, reliait les restes éboulés d’une ancienne arche au repaire flottant d’Hegel. »
    Julius appâte leur sentinelle avec la fausse prédiction d’un soi-disant retour charismatique de Spinoza, information suffisante pour déclencher l’envie chez ses opposants de le liquider définitivement.Pour ce faire, GWFH2 , l’un des deux chefs de Hegel, prend immédiatement langue avec les « Hell’s Angels », qu’il méprise, mais auxquels il propose une alliance objective. Du côté de Spinoza, ils seront six dont Ray, un homosexuel improbable mais dangereux, nouvel ami de Julius, prêt à en découdre.
    L’hélicoptère s’apprête à l’assaut. Les hégéliens investissent l’immeuble qui servira de zone de combat, lieu d’une explication définitive, se réservant le toit pour les snipers , les Angels occupant les envions immédiats.Déjà, ignorants tout de l’hélicoptère et de la stratégie de Julius, les hégéliens se croient vainqueurs. Lorsque les Angels sautent dans l’explosion de la voiture garée près d’eux, et lorsque Luna en quelques passes rapides et meurtrières mitraille le toit en le débarrassant de tous les hégéliens,  dont notamment GWFH2, le deuxième jumeau éclate de rage :
    « Une vague chaude de napalm lécha le toit de la base et des hégéliens sautèrent en feu dans le bassin. Le carton total. Rouge. GWFH2, planqué derrière la rambarde de la casemate, regardait toujours Julius de l’autre côté, immobile comme un épouvantail. Il vit aussi, du coin de l’œil, son frangin Hégueldeux péter les plombs, courir à découvert, hurlant des imprécations dialectiques, une kalache à la main, et tirer en direction de l’hélico. A bord, Luna repéra les cheveux rouges, manoeuvra l’appareil, fit un signe discret à Iris qui mit une charge dans le bazooka. Elle appuya sur le bouton de commande, une traînée blanche, une flamme jaune et Hégueldeux s’éparpilla, plus bas, en dahlia rouge sombre. »
    Voyant devant lui la Guzzi de Julius, il se l’approprie, persuadé qu’avec la disparition de ce symbole le royaume de Julius cessera d’exister.  La moto explose, l’envoyant lui aussi au royaume des fouteux éthérés.Julius, définitivement trop vieux pour continuer à incarner l’idéal éthique poursuivra sa destinée, pacifié, avec Luna, devenue sa compagne.
    « A sec » représente le deuxième volet des aventures de Julius Puech. Par cet ouvrage de commande, lié au succès du précédent, l’auteur s’en tire honorablement, avec toujours autant de verve, fascinant le lecteur par la structure étrange du récit, même si la surprise provoquée par le premier épisode s’est quelque peu ternie, et que certains procédés stylistiques ont une allure de déjà-vu.


  5. Type: livre Thème: disette d’éléments Auteur: Luigi MOTTA Parution: 1928
    Ralph Raleigh, jeune milliardaire américain, se trouve à la tête d’une vaste entreprise regroupant de nombreux ploutocrates. Avec l’appui de l’ingénieur Smiles, il propose de faire barrage au flux des eaux du Gulf-Stream, au niveau de la Floride, là où le courant marin acquiert sa plus grande vitesse, en faisant creuser un tunnel sous-marin :
    « Archimède a dit, continuait la voix : « Donnez-moi un point d’appui, et je soulèverai le monde » Moi je vous dis:»Prêtez-moi cinq millions, et en moins d’une année je déplacerai une des grandes artères du monde, le Gulf-Stream, qui sera pour nous dans un jour peu lointain, la source d’incalculables richesses » (…) Qu’importe à nous autres Américains, les plus forts et les plus riches de la terre, si l’Angleterre et l’Europe occidentale considèrent d’un mauvais œil notre audace ? Qu ‘importe si elles s’en inquiètent ou en prennent ombrage ? Ce n’est certes pas à elles que nous demanderons secours pour le domaine et l’empire du Pacifique ! Ce n’est pas à elles que nous nous adresserons pour avoir la richesse et l’empire. »
    "L’eau tournoyante" résidera plus longtemps près des côtes américaines, y amenant un printemps perpétuel et une prospérité agricole inégalée. A l’inverse, l’absence de ce flux plongera les pays d’Europe dans le froid et la récession, au grand plaisir de ces financiers. Mais l’Angleterre, soutenue par l’ensemble des pays sous la menace, dépêche à New-York  "Mister Gilbert Willy", agent secret, espion et gentleman, pour faire capoter le diabolique projet. Avec ses deux fidèles hommes de main, Wilson et Thompson, Gilbert se tient au courant des activités de Raleigh le long de la côte de Floride, des travaux sous-marin qu’il faut arrêter à tout prix :
    «L’ingénieur Smiles démontra qu’il était nécessaire d’ouvrir un canal sous-marin en Floride entre New-Smyrna et Crystal River. C’est le point où le Gulf-Stream atteint son maximum. Il faudrait des machines hydrauliques puissantes et surtout un modèle de turbine géante. La société devait acquérir par la force de l’eau tournoyante une puissance électrique suffisante pour alimenter toute l’Amérique. Voici ce que les Américains avaient pensé dans leur profond égoïsme ; mais aucun n’avait songé à l’immense dommage que ces transformations causeraient à l’Europe. De minutieux et longs calculs avaient démontré que les côtes occidentales de la vieille Europe ressentiraient aussitôt après l’opération un grand contre- coup. »
    Avec le « Crésus », le sous-marin du commandant Patner, dépêché d’Angleterre, il se rend sur les lieux, à la poursuite du « Narval », l’engin de Raleigh. La situation est d’autant plus compliquée qu’une rivalité personnelle oppose les deux hommes, amoureux tout deux de miss Ellen, la sœur de George Morisson, l’un des compagnons de Raleigh. Ellen a déjà fait son choix : elle renseigne Gilbert sur les intentions de Ralph, non sans éveiller les soupçons du magnat.
    Après que le Crésus se soit approché des lieux des travaux, non sans avoir affronté moult dangers sous-marins tels que poisson-scie gigantesque, serpent de mer et autre barrière de corail, l’Europe envisage sérieusement de mener une action armée contre le gouvernement de Washington qui favorise cette infernale forfaiture :
    « Après avoir abordé plusieurs sujets différents, Warendorf dit enfin : « Pour mon compte, donnez-moi vingt-quatre heures et je ferai de New-York un amas de ruines, et la ville ne sera plus qu’un souvenir. » Cette seule pensée fit frissonner Gilbert. Il se représentait avec effroi la ville bombardée, les obus traversant les toits, les hautes maisons s’écroulant avec fracas dans les rues trop étroites, écrasant sous les décombres les populations affolées. Il se représenta la fuite éperdue des habitants bloqués entre leurs demeures écroulées et en flammes, les cris des enfants et des femmes, les blessés, les vivants ensevelis, puis étouffés sous les murs écroulés, toute une foule de visions hideuses, d’épouvantables catastrophes, telles que le monde n’en aurait encore jamais vues. »
    Les travailleurs de Smiles sont pris au dépourvus lorsqu’ils percent le réservoir d’une immense nappe de pétrole qui surgit à la surface les obligeant, à leur grand dam, à interrompre la construction du tunnel sous-marin pour juguler d’abord le danger immédiat. Ce qui laisse du temps libre à nos amoureux respectifs pour chercher à se confondre mutuellement. Ralph et Gilbert, dans les marais de la Louisiane feront la connaissance de la pétulante créole Mariquita, successivement jalouse puis amie d’Ellen. Gilbert, sauvé par Mariquita, apprendra à Ralph que Smiles, qui avait disparu entre temps et que l’on croyait mort, est en réalité un escroc qui s’est emparé du pactole de l’entreprise, pendant que Wilson et Thompson, infiltrés parmi les ouvriers, poussent à cesser définitivement le travail. George est ébranlé, surtout lorsqu’il entend que Washington, effrayé à l’idée d’une possible guerre, a cessé de soutenir Raleigh. Mais ce dernier ne désarme pas.
    Il hait Gilbert qui lui a pris Ellen et désire le tuer. Comme toujours, la justice immanente veille : fou de rage, Raleigh met malencontreusement le feu à la nappe de pétrole suintante et mourra carbonisée. Enfin, George, conquis par le fair-play de Gilbert, consent à bénir l’union de ce dernier avec sa sœur.
    Un roman maritime de l’italien Luigi Motta, dans la pure tradition populaire, qui en présente les caractéristiques, avec ses tics de langage, son style d’une simplicité rustique, ses stéréotypes, ses liaisons amoureuses compliquées, ses coups de théâtre, etc. L’argument développé nous le fait cependant classer dans notre domaine, le détournement des eaux du Gulf-Stream, étant l’un des thèmes importants de l’anticipation ancienne.

  6. Type: livre Thème: sociétés post-cataclysmiques 1 Auteur: Didier CONVARD Parution: 1928
    Vol. 01 : Le Sang des Innocents, Glénat éd., 2010 , 1 vol. cartonné, in-quarto, 56 pl. couleurs.
    1 ère parution : 2010
    Les villes et toutes les zones urbaines sont couvertes par une neige dure et glacée, noyant les immeubles en ruines. La chute des villes est à mettre en rapport avec l’épidémie du virus d’Orion qui a fait se désagréger l’espèce humaine. Subsistent encore des micro-sociétés, chasseurs et nomades,  ainsi que des enclaves préservées où, à l’abri de leurs murs , des clans survivent en utilisant la technologie du passé. Vol-de-l’Est, un clan de chasseurs, se dirigent vers une zone sûre où la tribu espère être accueillie, troquant leur compétence et les produits de leur chasse contre la sécurité. La situation est d’autant plus sérieuse que deux de leurs femmes sont prêtes à accoucher. En suivant le tracé de l’autoroute déserte et enneigée, ils pénètrent dans un territoire urbain, hanté par les « bouffe-tripes », des êtres humains régressifs qui s’adonnent au cannibalisme.
    Après une brève attaque, dont ils sortent vainqueurs, ils frappent à la porte de l’Hospitalerie », un lieu de vie et de protection dans lequel ils ne seront pas accueillis car ils sont trop nombreux. Alors ils se dirigent vers le refuge des «stadiers », un clan plus fraternel. Il est plus que temps de trouver un refuge,  car le soir tombe et les «croquemitaines», appelés encore « vampires » hantent ces zones glacées.
    Quelques personnalités se détachent dans le clan des Vol-de-l’Est,  comme Boris, par exemple, un chasseur émérite et futur père angoissé, ainsi que sa femme qui accouchera d’un merveilleux garçon promis à un destin sanglant, hélas ! Du côté des Stadiers, la Capitaine, une forte femme, au propre comme au figuré, experte en maniement d’armes, et sans pitié.
    C’est cette nuit-là que choisirent les Vampire, en réalité des guerriers aguerris, provenant d’une autre zone technologique, à la recherche de sang fais. En effet, dans sa forteresse, située près d’un barrage, le comte Cruom, chef de cette bande, est atteint du virus  qui a décimé le monde et qui corrompt son sang. Il a donc un besoin incessant de transfusion sanguine pour contrer l’action mortifère dudit virus. Envoyant ses sujets dans le monde glacé, il organise des rafles d’enfants pour, en véritable vampire, pomper leur «sang pur». La naissance de jeunes êtres est une opportunité pour lui qu’il ne laissera pas passer. Les Stadiers auront fort à faire pour parer le coup  et n’empêcheront par le rapt des enfants et des nourrissons, au grand désespoir de Boris, qui réagit en premier. Se camouflant sous des oripeaux de bêtes, il suivra la trace des ravisseurs, découvrira leur repaire au haut d’un immense barrage et, de retour, organisera avec les Stadiers l’expédition vengeresse. Le barrage sera miné et sautera. La forteresse investie, le comte Cruom tué de la main de Boris, les enfants-cobayes, plus morts que vifs, délivrés. Mais quelqu’un veille dans l’ombre. C’est «l’Echarneur », le bras droit et le mignon de Cruom, qui n’a pas encore dit son dernier mot…
    Vol. 02 : l'Echarneur, Glénat éd., 2011, 1 vol. cartonné, in-quarto, 56 pl. couleurs.
    1 ère parution : 2011.
    A l'Hospitalerie, l'inquiétude grandit: le vaccin permettant de combattre le mal d'Orion se dégrade. Un groupe d'hommes dirigé par Lenton, se rendra dans la Zone-Paris , zone urbaine et glacée, pour rencontrer Howard, le biologiste découvreur du vaccin. Le déplacement sera dangereux car à l'insu de tous un traître veut s'emparer du stock des vaccins et de la nouvelle formule. Il a introduit un espion dans le groupe, l'Echarneur, pour suivre les opérations.
    Le groupe, en parcourant des zones glacées et hostiles, a sauvé la vie d'un guerrier menacé qui dit s'appeler MarcheDroit. Celui-ci, en s'intégrant se révèlera d'une grande utilité ... et constituera aussi un grand danger. Il leur permettra notamment de progresser par le tunnel du métro désaffecté et hanté par les "Gaspards", des formes mutantes et carnivores. Arrivé à la gare Parnasse, Lenton contacte le Prévost de la cité qui habite à l'église Notre-Dame. Surprise! Lenton est le fils du Prévost et Howard son frère, une dissension familiales à propos du virus les ayant séparés jadis. Avec réticence, le Prévost donne à Lenton l'adresse d'Howard qui réside à l'Hôtel-Dieu. Mais déjà, il est trop tard: le biologiste est infecté, le virus sur lequel il travaillait ayant muté. Pour éviter la propagation de la maladie, Howard s'immole par le feu ayant pu indiquer à Lenton où il pourra trouver la nouvelle formule salvatrice, soit à la Bibliothèque Nationale, auprès du Bibliothécaire Arnaud qui veille jalousement sur le trésor des livres.
    L'Echarneur ne perd pas une miette de tout cela et attend le moment propice pour entrer en action. C'est au bivouac, sur le chemin du retour, qu'il enlève le fils de Boris en une première tentative maladroite. MarcheDroit délivre le jeune homme en neutralisant l'Echarneur. Arrivé enfin à l'Hospitalerie, le traître se montre à visage découvert. C'est MarcheDroit,  qui prend en otage et le jeune homme et sa fiancé dans la serre de l'Hospitalerie, réclamant en échange la formule du vaccin rénové. Fous de rage, Boris et Lenton disposent des snipers sur les toits avant   d'engager le combat, ce qui ne dissuade pas MarcheDroit de poignarder l'adolescent avant de vouloir régler son compte à Boris. La mini-bombe qu'il lui destinait lui éclate au visage projetant des jets d'acide corrosifs. La face rongée, grièvement blessé, MarcheDroit bascule dans l'eau glacée de la Seine. II sera récupéré et remis en état par des gueux menés par Crache-Venin, leur chef, qui espère tirer profit de sa mansuétude à l'égard du traître. Mais MarcheDroit est d'une autre trempe. Munie d'une jambe artificielle, revêtus d'habits sacerdotaux, il élimine crache-Venin pour prendre lui-même la tête des gueux, motivé par la vengeance. Pendant ce temps, le fils de Boris s'éteint à l'Hospitalerie et le mal d'Orion continue sa progression

  7. Type: livre Thème: archéologie du futur, péril jaune et guerre des races Auteur: Raoul LE JEUNE Parution: 1928
    Le Vespérin Théo Gerem revient à Retokos, la grande cité de Vesper, située dans une île au milieu de l’Atlantique, car le monde a radicalement changé en ces temps-là. A la suite d’une guerre mondiale déclenchée par les peuplades jaunes, l’ensemble de l’humanité a disparu. Mieux, la géographie elle-même s’est modifiée, une grande île surgissant de l’Atlantique médian. Si une flottille d ‘exploration d’origine vénusienne (les Vespérins) n’était arrivée peu après, la Terre fût demeurée vide. Mais les Vespérins, n’ayant pu repartir, ont fait souche et prospérés, développant une société proche de celle de l’Antiquité avec son Académie des Savants, sa Démocratie et son … ignorance ! Jamais il ne serait venu à l’idée d’Oretus, le chef de la cité de Retokos, qu’au-delà de la mer, subsisteraient des vestiges de l’ancienne humanité.
    C’est le jeune explorateur Théo Gerem qui vint annoncer à ses compagnons savants, Mondus et Géométrix, Galla et Lunax –dont les noms transparents désignent la fonction -, qu’un continent lointain montraient, de par ses ruines, la réalité d’une ancienne guerre dévastatrice. Faits corroborés par les extraits du journal antique, rapporté par Gerem et traduits par Ralcit, le linguiste :« Ralcit, de sa voix monotone, lut : Par fil spécial. – Varsovie, le 10 juin.
    La horde jaune, telle une marée effrayante, avance, submergeant tout, ne laissant derrière elle aucune trace de vie. Seuls, les monuments sont épargnés. La Russie n’est plus qu’un désert blanc, peuplé de cadavres, sur lesquels s’abattent des milliers de vautours. La race asiatique, si malheureusement la race blanche ne peut, dans une suprême bataille, arrêter ces terribles barbares, aura d’ici peu anéanti tous les Européens. L’armée formidable, fidèle à sa tactique, se fait précéder par des machines infernales qui vomissent des gaz mortels dont l’effet est terrifiant et la rapidité foudroyante. »
    Exaltés, les avants académiciens désirent d’autres preuves et enjoignent à Théo Gerem de se préparer pour une nouvelle exploration. Celui-ci y consent et, des ruines de la cité antique de Best, rapporte nombre d’objets archéologiques, des reliques si vieilles qu’elles mettent les avants dans un grand état d’exaltation. La plupart d’entre eux, sauf Lunax le grincheux, désirent repartir sur le champ avec Gerem pour participer en personne aux fouilles.  Ils devront patienter quelque peu car Théo Gerem convolera d’abord en justes noces avec la douce Colomette Jaros, la fille du plus riche armateur de l’île. Un bon choix, mais exigeant, puisque Colomette, sitôt mariée, s’imposera à l’expédition.
    Dans un vaisseau aérien, un « avioteromer »,  plus vaste et plus rapide que le précédent, s’opère la troisième traversée au-dessus de l’océan, partie pour redécouvrir les côtes de France. Remontant vers le nord, elle fait une relâche à Brest où des carcasses de navires éventrées les font tressaillir d’exaltation, puisque, bien qu’habitants une île, ils ne savent pas ce que sont des « bateaux » ! En communication permanente avec Retokos, ils reprennent leur chemin vers une nouvelle ville s’appelant jadis « Paris » et posent l’Hyménius –c’est le nom de leur engin- au milieu de l’Avenue du Bois de Boulogne. Aussitôt, les avants s’élancent, qui vers le Louvre, qui vers la Bibliothèque nationale, appréciant au passage les vestiges de divers monuments :
    « Remis de mon émotion, je continuai ma promenade macabre. Après avoir déambulé dans de nombreuses rues, toutes très étroites, j’arrivai sur une place. Je m’arrêtai, saisi d’étonnement Devant moi, se dressait un monument d’une hauteur prodigieuse, offrant trois grandes portes. Je remarquai que presque toutes les pierres de l’édifice étaient sculptées. »
    Colomette est restée comme garde à bord de l’Hyménius. Coupefile, le journaliste agrée du « Petit Retokosien » accumule les notes afin de faire parvenir ces nouvelles sensationnelles à ses lecteurs. Ralcit, absorbé par les monceaux de manuscrits et d’incunables de la Bibliothèque nationale ne voit pas le temps passer. Le temps file aussi vite pour Galla, subjugué par les trésors du Louvre. De retour vers le vaisseau, nos compagnons ont la désagréable surprise de trouver l’endroit désert : l’Hyménius a disparu ! Il se trouve que nos savants ne sont pas les seuls êtres vivants et intelligents sur le territoire français. Quelques siècles plus tôt, au moment de la terrible guerre d’extermination, les marins d’un navire, commandé par le capitaine Lucien Théaul, se dirigeant vers le nord, trouvèrent refuge au Groenland. S’unissant à des femmes lapones, ils firent souche. Leurs descendants, nostalgiques de la France, lors d’un voyage retour, s’installèrent à nouveau à Paris en ruines.
    Ce sont eux, curieux, qui ont abordé Colomette et ce fut l’un d’eux, ignorant et sans intention de nuire qui, tripotant les commandes, s’envola à son grand dam et s’écrasa à une centaine de kilomètres de l’ancienne capitale. Quoique accueillis chaleureusement, les savants vespérins ne pouvaient plus regagner leur patrie. Heureusement Oretius, inquiet de leur silence, vint à leur rencontre avec un troisième Hyménius. S’étant d’abord égaré dans les brumes de Londres, il parvint à retrouver ses compatriotes. Soudain, un message alarmiste en provenance de Retokos parvint aux exilés : un bolide –signalé par Lunax- doit s’écraser sur Vesper. Restera-t-il des survivants lorsqu’ils reviendront ? Sans tarder, laissant les savants en France, Géo et Colomette, reprenant l’Hyménius, font route vers Vesper. Hélas ! Au-dessus de l’Atlantique, le moteur faillit. Un récif les accueillit. Seront-ils recueillis un jour ?:
    « Soudain, le moteur actionnant les hélices, éclata, blessant Gerem et Colomettte. Privé de son mécanicien, l’Hyménius tomba sur un récif. Terre minuscule que les Vespérins n’avaient pas encore découverte. Les malheureux ne purent se tenir longtemps sur les flots. Quand l’aube naquit, la mer calme ondulait ses vagues. Seuls sur la carapace d’un des petits aviteromers, Colomette et son mari, évanouis, glissaient au gré des flots.  Que se passera-t-il en l’an 2125?»
    Le récit s’arrête sur ce suspense, qui, à notre connaissance, n’a pu être résolu jusqu’à aujourd’hui.
    « En l’an 2125 », bien que souffrant d’un manque de cohérence interne et accumulant quantité de situations qui, à elles seules,  auraient mérité d’être plus développées, représente cependant une tentative sympathique et originale d’introduire de l’anticipation dans une collection populaire entièrement dévolue aux sentiments, dont se délectent les midinettes.  Le texte, tranchant avec ceux  dont les lectrices avaient l’habitude, n’a pas dû recevoir le succès escompté.  Ceci expliquant cela. Les idées suggérés dans ce roman inachevé sont ceux de l’époque : menace jaune, péril des guerres, archéologie trompeuse… Un texte difficile à dénicher.


  8. Type: livre Thème: fins du monde, fins de l’humanité Auteur: Renée DUNAN Parution: 1927
    En un proche futur survint la fin d’un monde qui balaya les sociétés humaines et ses valeurs, effaçant de la surface de la terre la quasi-totalité de l’humanité. Une faille de l’écorce terrestre, appelée « la Grande Faille »  apparue entre l’Alaska et la Terre de Feu, s’ouvrit, plaie béante de 3000 km de long, laissant s’échapper un gaz mortel baptisé le «Nécron » contre lequel il n’existait aucune parade :
    « La fureur des éléments se manifestait cependant avec une ampleur cosmique. Des pics plus hauts que le mont Everest apparurent et se résorbèrent soudain. L’océan Pacifique subit des dénivellations effarantes et fut la proie d’une tempête comme le monde n’en avait jamais connu. Tous les navires y coulèrent à la fois. La Péninsule Gangétique descendit sous la mer avec trois cent millions d’humains. »
    Les déplacements des populations restantes générèrent des guerres. La Sibérie, relativement épargnée, devint un Eden désiré. L’Europe se désagrégea, pourrie par « la sueur de sang » :
    « Les « Sueurs de sang » parurent dans l’ancien monde. On les vit d’abord en Espagne, puis en Algérie. Peu après, l’Est méditerranéen était en proie à l’atroce mal. Les Balkans furent dépeuplés en quelques mois. Dès novembre, la Hollande et l’Angleterre se trouvaient touchées et on apprit que le Plateau central commençait à mourir aussi. »
    A terme, l’atmosphère terrestre, destinée à devenir irrespirable, provoquerait la mort de toutes les espèces vivantes. Pour lutter contre le fléau, à Paris, un groupement de savants mit en application la découverte d’un chimiste, Jacques Landève, qui trouva la formule salvatrice. Ils décidèrent, pour annihiler le Nécron, de fabriquer l’antidote à grande échelle, regroupant autour d’eux tous les hommes encore valides, qui acceptèrent de travailler sans se plaindre jusqu’à la mort :
    « On évida le sous-sol qui fut bientôt autour de Paris creux comme une éponge. On y découvrit fer, charbon et cuivre. La sixième année, on trouva une énorme nappe de pétrole. Des usines vertigineuses furent crées. La seconde année, six millions d’humains travaillaient. La quatrième, la totalité de l’humanité vivante appartenait aux usines de Broun. »
    C’est ainsi que se forgea le noyau d’une impitoyable dictature. Et lorsque le Nécron fut vaincu, quelques dizaines d’années plus tard, les « Mille » - ainsi appelait-on les successeurs de Jacques Landève et leurs familles -, sous la conduite du plus ancien d’entre eux, Tadée Broun, dirigeaient de leur cité parisienne transformée en blockhaus, les usines souterraines où un peuple d’esclaves extrayait le «Bion », l’antidote salvateur.
    La société des Mille s’appuyait sur une police redoutable dont le chef, Paulin Vialy, ne reculait devant aucun assassinat de masse pour assurer la tranquillité des siens. Un glacis gigantesque séparait la Cité des Mille des usines et des foyers ouvriers, un réseau téléphonique dense, des espions et des indicateurs omniprésents, des mises à mort immédiates, étouffèrent durant longtemps toute velléité de révolte. Ainsi Vialy arrivait-il à contenir la douleur, la jalousie, la haine de millions de travailleurs. Quinze révoltes avaient déjà été noyées dans le sang.
    Mais Vialy n’était pas dupe. Il connaissait la fragilité de sa classe sociale, amollie et sybaritique, s’adonnant, maintenant que le Nécron était vaincu, aux plaisirs anciens : Tadée Broun et ses familles se servaient largement d’esclaves féminins puisés dans la couche populaire, dont ils firent des citoyens de seconde zone, comme les artisans dont ils dépendaient, et les collaborateurs dont Vialy dressait la liste.
    Leurs désirs étant instantanément comblés, ils pouvaient se livrer à tous les plaisirs, baignant dans des orgies alors que la haine des travailleurs, alimenté par le fanatisme religieux de Diavide, le chef des révoltés, grandissait démesurément. Au-delà de la zone parisienne vivaient aussi quelques «réfractaires », des individus qui avaient réussi à s’évader des usines, résolus à affronter le Nécron encore résiduel en certains lieux.
    B 309 – les esclaves portaient un numéro- est une femme splendide et dévouée à Tadée Broun, en réalité une espionne de Diavide. Grâce à elle, les futurs insurgés purent prendre connaissance des pièges et chausse-trappes mis en place par le chef de la police.La révolte finale se déclancha au cours d’une fête des Mille, au moment où Vialy avait envoyé son amie de cœur, Mannya, s’assurer de la sécurité des souterrains. Elle ne revint pas. Alors il partit à sa recherche au moment même où, un peu partout à Paris, les misérables sortaient de leurs huttes pour faire exploser l’une après l’autre les entrées souterraines et les usines de Bion :
    « A dix heures du matin, l’assaut commença. De l’angle de Paris le plus rapproché de la Cité des Mille, jaillit, soudain une foule énorme, prodigieuse, agile, qui se rua vers le glacis en hurlant. Ce ruisseau humain s’élargit, devint un fleuve géant, puis un océan. On vit des centaines d’hommes culbuter et rester allongés, électrocutés net, mais des électriciens couraient dans la masse. Ils coupaient les fils, et toujours inépuisablement, sortait une cohue dense et furieuse qui s’étendait partout, courante et fébrile, en poussant des cris de mort. »
    Vialy ayant pu rejoindre Mannya, les deux amants se trouvèrent isolés dans une foule survoltée qui ne les reconnut pas. Ils entendirent aussi Diavide, le meneur qui se prenait pour Dieu, annoncer aux foules hallucinées la victoire ou la mort, car B309 avait pu lui transmettre les plans d’accès aux dépôts d’explosifs d’une puissance énorme, la « klazzite », dont il promettait de se servir en cas d’échec : soit la foule vaincrait et anéantirait ses maîtres, soit il ferait sauter Paris et toute sa région !Ils prirent du repos dans un Louvre désaffecté :
    « Ils trouvèrent un autre petit escalier secret, raide comme une échelle, qui perçait un mur d’aspect compact. Bientôt, ils furent dans un grenier encombré et puant la moisissure. Comme jadis, des toiles roulées, des cadres et des caisses, des statues, des débris de bois vermoulus et des toiles d’emballage régnaient en ce capharnaüm. Personne n’y était venu non seulement depuis trente ans, mais peut-être depuis l’ancien régime. »
    Puis Vialy prit la décision de se sauver avec son amie en se dirigeant vers la campagne, persuadé que Diavide déclencherait l’apocalypse finale. La sortie d’une ville ruinée, baignant dans le sang, parcourues par des masses en furie avec ses massacres au gaz, l’explosion de bombes à Nécron, ses rafales de mitrailleuses, fut un calvaire. Au prix d’un effort inouï le couple atteignit la base d’une colline où ils s’estimèrent en sécurité, Vialy  étant prêt à contempler la mort en direct :
    « Vialy regarda, béant d’horreur, s’effacer au lointain ce qui avait été le reliquat de l’humanité. Un raz de marée, fait de terre et de cailloux, s’agita soudain dans une furie démente, venant du lieu où le cataclysme était déchaîné. Devant lui les collines étaient rasées et des vallées s’ouvraient, d’où sortait un ouragan de cendres. Peu à peu le soleil s’éteignit, tandis que, sous Vialy, le sol, eût-on dit, s’enfonçait comme un vaisseau qui sombre. La nuit descendante était zébrée de fulgurations chimiques, de fureurs incendiaires, d’éclairs monstrueux qu’aggravait la balistique explosive de la klazzite, dans une rage de combinaisons oxydantes. »
    Qu’allaient-ils devenir ? Un nouvel Adam et Eve ou les prochaines victimes du Nécron ? L’auteur laissera la question ouverte.
    Manifestement inspirée par « Métropolis », Renée Dunan allie avec conviction un style apuré aux visions les plus sombres portées sur l’espèce humaine, sur ses mobiles, sur ses valeurs, sur sa morale. Avec un texte fortement charpenté dont le couple Vialy/Mannya forme l’épine dorsale, « la Dernière Jouissance » est un roman étonnant et vigoureux mis au service du genre cataclysmique.

  9. Type: livre Thème: menaces telluriques Auteur: Claude FARRERE Parution: 1927
    Le 6 juin 1937 se produisit un événement singulier: l’exhaussement du sol, par un expansion de lave, entre la France et l’Angleterre:
    " Car, fatalement, le premier résultat, et le plus considérable du tremblement de terre de l’an 1937 fut la disparition de cette ancienne mer que les Anglais nommaient Channel, et les Français, la Manche. Asséchée quant aux sept dixièmes de sa précédente étendue, il n’en reste, à l’ouest, que les deux golfes de Normandie et de Bretagne, séparés l’un de l’autre par la presqu’île anglo-normande que dominent les trois sommets de Jersey, de Guernesey, et d’Aurigny; et rien du tout à l’est, le nouveau delta de la Somme s’avançant en mer du Nord jusqu’à soixante bons kilomètres au-delà de ce qui fut jadis le Pas de Calais. "
    Ce pont conjonctif, tout en détruisant une vingtaine de villes côtières, permit à la Somme de jouer le rôle de frontière naturelle entre les deux pays. La catastrophe fut vécue douloureusement et avec inquiétude par les Anglais, dont la bourse s’effondra en deux jours avec leur concept de "supériorité nationale ". Voilà pourquoi, le premier choc passé, l’alliance entre la France et l’Angleterre  devint inévitable à l’encontre de toutes les envies prussiennes.
    Et surtout, le Secrétaire de l’ambassade de France, Jacques Thorigny,  put enfin obtenir la main tant désirée de miss Graham de la part de son futur beau-père , l’homme du tunnel sous la Manche, que le krach , en le ruinant, avait rendu civilisé. Quand le malheur des uns fait le bonheur des autres!...
    Une nouvelle toute en souplesse et ironie, sous forme de bijou ciselé. Rien de commun avec la lourdeur du roman de Maurice Leblanc " le Formidable Evénement " qui s’inspire (de très près! ) du même thème, tout en l’affadissant.

  10. Type: livre Thème: menaces cosmiques Auteur: Jean KEROUAN Parution: 1927
    " Or, çà, mon ami, moi je m’appelle Khan Zagan. Je suis le roi de toute la terre. Les Blancs m’obéissent comme les Jaunes, parce que j’ai le moyen de détruire, s’il me plaît, toute cette création que tu admires. Ton Boudha s’est réincarné. Boudha, c’est moi en personne. Tu n’as pas à chercher bien loin. "
    Khan Zagan, le grand empereur jaune du Kara-Koroum, menace l’humanité. Si la terre ne se soumet pas à son pouvoir, il la dévastera à l’aide de sa comète téléguidée, la comète de Swanley. De son vrai nom Swen Tzuren, ancien préparateur du Dr. Granger, il a volé à celui-ci les plans de l’émetteur des rayons radio, capables de guider ou de repousser ladite comète, transformée ainsi en " piège à astres".
    Plongeant Granger dans un sommeil hypnotique à l’aide d’une drogue, la tricaïne, Khan Zagan enlève Pandita Fatil, une prêtresse de Boudha dont il est amoureux. Par ailleurs, il se sert de l’argent du milliardaire américain Griggson en vue de construire son appareil émetteur. Par l’entremise du cosaque Strigine, traître-né, l’armée privée mise sur pied par Griggson, passera en son pouvoir:
    " Il fallait se hâter. Le passage de la comète ayant lieu au printemps de 1928. Mais les subsides de M. Griggson aplanirent toutes les difficultés. Strigine, fourbe et traître de naissance, obtenait du milliardaire l’envoi d’une multitude d’appareils électriques, soi-disant pour parfaire l’équipement de la grande armée... En réalité, tout ce matériel constitua l’étrange usine du Kara-Koroum. Si bien que M. Griggson avait sans le savoir un droit de propriété sur le " Piège aux astres. "
    Devant l’imminence du danger, un groupe de jeunes gens, les frères Lacassagne, le détective Roger Dutreil, le pilote René Brion, ainsi que les filles de Granger et de Griggson, n’hésitent pas à s’investir dans la capture de Khan Zagan et dans le démantèlement de l’appareil émetteur.  Ceci se fera après moult et moult péripéties et avec l’aide d’un personnage hors du commun, le grand prêtre boudhiste Wang-Tsao, maître hypnotiseur, qui les tirera de plus d’un mauvais pas et qui subjuguera finalement Khan Zagan.
    La comète  percutera la Lune en la fertilisant et frôlera la terre sans lui causer de grands dommages (hormis quelques chutes de pierres sur la chaîne du Kara-Koroum et une grosse tempête en Atlantique):
    " La petite troupe n’était pas à une verste de la Sphère, quand arriva le cataclysme sidéral si remarquable à voir de Kara-Koroum. Sur la montagne, au-dessus de la brume, les observateurs auraient pu noter le rapprochement de la comète et de l’arc lunaire. Puis une brève occultation de l’astéroïde aux deux panaches. Enfin eut lieu cet événement unique dans l’histoire du système solaire, la chute d’un bolide monstrueux sur notre satellite. (...) Une pluie d’énormes pierres incandescentes rayait le ciel. Toute une avalanche de météores s’abattait sur les villes, dans les océans. Tandis que la lune semblait dévorée d’un incendie gigantesque. "
    Strigine disparaîtra, emporté dans l’espace avec l’ensemble des installations maléfiques. Le milliardaire américain, lui, fera toujours de bonnes affaires, et les frères Lacassagne finiront par déclarer leur flamme auprès des demoiselles Granger et Griggson.
    Un récit dans la veine de la littérature populaire, préalablement paru sous forme de fascicules ce qui explique, en partie, les nombreuses péripéties et les continuels retournements de situation. Le rythme est soutenu et le style parfois pauvre. La xénophobie et le racisme anti-jaune constants dénoncent le " péril jaune " comme la soif de domination du " savant fou ", là aussi dans l’esprit de l’époque. Le thème-catastrophe n’est manifestement qu’un prétexte, une sorte de motif narratif, qui permet de relancer l’intrigue. Un roman obsolète.