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Livres

  1. Type: livre Thème: menaces cosmiques Auteur: Joachim RENEZ Parution: 1931
    Jean Novalic personnifie le Christ en croix dans le cadre d’une représentation théâtrale à laquelle assiste son frère astronome Martial Novalic, Geneviève de Murcie et son père, astronome également, ainsi que Schomburg, un banquier peu scrupuleux, et sa maîtresse Isabelle. Jean Novalic a la tête de l’emploi : pénétré des misères humaines il avait écrit un ouvrage prophétique, que peu de ses contemporains ont lu, « le Royaume de la terre », dans lequel il pointait l’amour universel comme moteur de l’évolution humaine. Attitude philanthropique que méprise Schomburg, véritable Satan incarné, qui convoite Geneviève:
    « Schomburg avançait lentement, mais sûrement. Le poison versé grossièrement par Isabelle, il le versait, lui, goutte à goutte, et cette distillation du venin agissait sur Geneviève, qu’il prenait peu à peu par le rire. Elle riait follement des propos malsains qu’il murmurait à son oreille, le regardant, elle le comparait à ces belzebuths de pierre que les sculpteurs du moyen âge mettaient en gargouilles sur le toit des églises. Il était vraiment satanique, et Geneviève trouvait une volupté malsaine à se voir désirer.»
    Le père de Murcie, s’apercevant du manège, jaloux de la réputation de Martial Novalic qui a eu le prix Nobel, propose Geneviève à Schomburg. Elle, qui n’a d’yeux que pour Jean, hésite devant l’hommage du banquier qu’elle sait intéressé.
    Pourtant, la situation internationale ne prête pas à rire. Partout des bruits de bottes confirment l’horreur d’une guerre mondiale future dans laquelle les Chinois seraient principalement impliqués comme agresseurs :
    « Les quatre cavaliers de l’Apocalypse cavalcadaient, farouches, et derrière eux, des milliers de cadavres échappés du néant suivaient, agitant leurs suaires ou se démenant dans des uniformes en lambeaux et leurs figures spectrales grimaçaient hideusement ; cette marée funèbre, grandissant peu à peu, envahissait l’inscription terrible et fugitive annonçant la révolte de neuf cent millions d’hommes prêts à la course à la mort. »
    Schomburg est aux anges. Avec Wester, un autre banquier douteux, il prend des options sur une vente importante d’armes, les deux complices étant assurés de s’enrichir énormément :
    « Les deux banquiers échangèrent un sourire. Cela marchait fort bien ; la tourmente allait s’abattre sur le monde, les cadavres s’entasseraient et, pour arriver à ce charnier, il fallait des munitions. La banque allait retrouver les heureuses heures de jadis ; on allait jongler avec les vies humaines pour entasser des flots d’or. Crève l’humanité, pourvu que les coffres-forts engouffrent l’or ! La Banque est internationale, elle est sans patrie, car le capital est universel, et c’est à cette preuve qu’il appartient de droit. »
    Alors que Jean survit misérablement dans une soupente, trahi par ceux auxquels il a fait du bien, y compris par Geneviève, qui, fascinée, s’acoquine avec Schomburg, survient un événement imprévu et dramatique qui va modifier les situations. Martial Novalic détecte l’arrivée d’une énorme comète :
    « Le noyau opaque de cette comète me paraît être sept fois celui de la Terre ; la longueur de sa chevelure, de trois cent millions de kilomètres. L’analyse spectrale me l’a montrée baignant dans le protoxyde d’azote et l’oxyde de carbone. Elle sera distincte à l’œil nu dans un mois et heurtera la Terre dans cent quatorze jours, sept heures, vingt deux minutes et sept secondes. »
    Ses calculs – dont tout le monde savant se gausse en les prétendant faux- sont sans appel : l’évenement dramatique aura lieu et il ne reste que cent jours pour en tirer toutes les conséquences. Schomburg est furieux. L’annonce de la fin du monde fait passer au second plan les guerre dont il espérait tirer profit. Après avoir violé Geneviève, il se dresse contre Martial pour le discréditer. Ce dernier, en rendant visite à Jean, s’aperçoit de l’extrême misère de son frère et lui donne une forte somme d’argent que le prophète utilise pour répandre ses visions d’amour sur tous les supports médiatiques possibles :
    « Si tu as besoin de mes écrits, puise dans ces manuscrits qui sont les gardiens fidèles de ma pensée. Si tu as besoin de ma présence vivante et de ma parole, l’industrie moderne t’en donnera les moyens. L’argent que tu m’as envoyé m’a été précieux pour mon œuvre. Voici des disques de phonographe, le verbe ; voici des films impressionnés, la présence vivante. Même, moi disparu, mon action peut s’exercer sur l’humanité. »
    Devant les attaques de Schomburg, Martial réagit. Il convainc Wester, l’ancien allié du banquier, de l’imminence de la fin des faibles et de la survie des forts. Il lui demande de mettre son argent à la disposition du Bien et, incidemment, de ruiner Schomburg. Ensemble, ils construiront une organisation mondiale dans laquelle une dizaine de relais autour de la planète seront chargés de propager les idées généreuses et fraternelles de Jean Novalic. La tour Eiffel leur servira de relais de communication principale jusqu’à l’arrivée de la comète.
    Bientôt, l’agitation gagne le monde entier :la comète devient visible à l’oeil nu :
    « Les gens campaient dans les rues. La visibilité de la comète se faisait de jour en jour, elle était devenue des trois quarts de la grosseur du soleil et présentait une teinte verdâtre. Un grondement sourd, continu, bruit étrange, jamais entendu, accentuait l’anxiété générale. Des orages magnétiques commençaient, des nuages noirs passaient devant la comète et l’éclipsaient par instants. (…) Le règne végétal commençait à être frappé (…) le feuillage se rétractait comme crispé par l’épouvante et tombait. Les arbustes se tordaient et mouraient. »
    Schomburg – toujours avec l’aide du père de Geneviève- déclenche une vaste campagne de calomnie envers Martial, mettant les policiers de son côté. Il désire éliminer physiquement Wester et Martial dans leur quartier général de la tour Eiffel. Quant à Jean, son rôle prophétique prend fin. Vaincu par trop de passion, sa raison s’altérant, il sera transporté dans un asile d’aliénés.
    Les jours passent et la comète, énorme maintenant, provoque un ensemble de bouleversements telluriques, météorologiques, atmosphériques qui créent la panique pour des millions d’êtres humains :
    « Une pluie lumineuse semblait s’abattre sur la terre ; des aérolithes tombaient, écrasant des maisons, apportant la terreur et si quelques-uns parmi les humains se terraient, fous de peur, d’autres, extatiques, écoutaient toujours les paroles salvatrices inspirées par Jean Novalic.
    La bourse en chute libre, le travail arrêté, les comportements les plus aberrants se font jour, soit de jouissance effrénée, soit d’agressivité incoercible. Geneviève, prise de remords, avertit Martial de l’attaque de Schomburg. Le banquier satanique mourra écrasé par la chute de la cabine d’ascenseur de la tour. Pendant ce temps, les émissaires de Martial, qui ont travaillé les populations en profondeur, rassemblent les hommes de bonne volonté, les « forts », ceux qui survivront au péril. La proximité de la comète modifie à tel point les conditions terrestres habituelles qu’une étrange sensation s’empare des survivants :
    « Chose curieuse, à la fébrilité des êtres succédait une sorte d’extase, leur figure rayonnait comme s’ils avaient la vision de quelque miracle. Une fluidité inconnue traversait les choses, tous les corps, comme si l’univers baignait dans de l’air liquide. (…) Martial, qui se débattait dans la torpeur qui vient de s’abattre sur tous, balbutia aux savants qui l’entouraient : -Courage : l’oxyde de carbone en rencontrant l’oxygène, forme le protoxyde d’azote. Nous baignons dans les gaz hilarants.(…) Tout devenait d’une diaphanité de rêve, plus d’ombre, et le triomphe de la lenteur dans une atmosphère irisée et splendide s’affirme. La Terre devient comme une sorte d’ectoplasme de la comète. »
    Sans perdre de temps, Martial et Wester avec De Murcie et Geneviève repentante, jettent dans les heures qui précèdent le cataclysme, les bases d’une république universelle fondée sur l’altruisme et la fraternité, proclamant la guerre hors-la-loi :
    « Un grand cri vint rompre le silence humain et domine l’effroyable sifflement de l’atmosphère incendiée.
    -La Terre brûle ! la Terre brûle ! hurlent des torches vivantes qui viennent d’un point touché par un aérolithe, qui courent et s’effondrent. Le bruit étrange redouble, on entend la plainte, le gémissement de la terre. Martial parle :
    -Article III : les Etats fédérés des deux Amériques sont constitués.
    Les Américains, sous une pluie de feu, agonisent, en acclamant ces mots. Et article par article, le Maître des forts proclame la fédération asiatique, africaine. Les noirs, fraternellement, embrassent les blancs. Qu’importe le cataclysme, puisque doit en sortir l’union des peuples. »
    Dans le monde entier l’on projette les images enregistrées de Jean Novalic où il explique ses idées novatrices à ceux qui survivront à la catastrophe :
    « En gros plan, sur l’écran, à genoux, suppliant les hommes, Jean, les mains tendus, avait une telle expression, que toute la foule, d’un seul élan, se leva et se découvrit comme devant l’apparition d’un saint. La voix de Jean se faisait encore plus persuasive.
    -Aimez la plante, l’oiseau, le vent, l’eau et les pierres mêmes. Aimez-vous ! Aimez-vous ! Aimez-vous ! »
    Enfin la comète, ayant rebondi sur l’atmosphère terrestre, se perdra à nouveau dans le cosmos, laissant une terre meurtrie et dévastée mais une société d’hommes nouveaux, lavés de tout mal et tournés vers l’avenir.
    « la Fin du monde » de Joachim Renez est une adaptation scrupuleuse du scénario filmique d’Abel Gance, lui-même inspiré par le roman de Camille Flammarion. Certaines idées peuvent sembler naïves mais le récit ne manque pas de grandeur. D'ailleurs, une rédition récente en DVD vous permettra de vous en faire une idée de visu.

  2. Type: livre Thème: guerres futures 2 Auteur: Oberleutnant Michel T.... Parution: 1931
    L’Oberleutnant T… raconte, comme l’un de ceux qui ont été acteurs sur le terrain, la nouvelle guerre de revanche préparée par l’Allemagne contre la France. T…, bien que francophile, est aussi militaire dans la grande armée allemande et convaincu par sa puissance, son organisation et par la beauté esthétique des manœuvres de la Oberste Heeresleitung (le Haut-Commandement).
    Abandonnant avec regret sa petite amie Erna – ce qui lui donnera l’occasion d’avoir des nouvelles de « l’intérieur », lorsqu’il se trouvera au front – , T… participe aux préparatifs d’invasion. Rassemblés en rangs épais, les guerriers teutons seront entassés dans des trains à bestiaux qui les ramènent près de la frontière lorraine, à Trèves, dans le plus grand secret :
    « Peu à peu sa vitesse s’accélère, aux croisements des voies, des heurts nous rejettent les uns sur les autres, des fusils appuyés contre la paroi s’écroulent sur les casques d’acier avec un bruit de ferraille, puis le roulement qui devient plus monotone nous plonge dans un vague engourdissement. Mais il fait si chaud dans cette boîte sans air, que nous en sommes incommodés (…)Donnerwetter ! C’est trop fort. On nous a calfeutrés comme des bagnards, dans cette roulotte infecte. »
    L’heure H provoquera dans tout le pays une immense surprise et sera censée agir de même sur un ennemi qui, selon les dires du Heeres Kommando, sera incapable de résister à la furia germanique :
    « Toute cette colossale affaire a été étudiée dans ses plus petits détails, suivant la véritable méthode allemande. Sans entrer dans de trop longues explications, voici en quelques mots le schéma de notre attaque brusquée (…)
    Vous en saisirez encore mieux le mécanisme quand je vous aurai dit que chez les Français règne un esprit résolument défensif, que leurs formations actives sont peu instruites, à cause de leur service à court terme. L’instruction d’ensemble de leur armée est inexistante et chez eux la protection contre les gaz n’est pas assurée. Respectueux des conventions de Genève, ces idiots-là s’en remettent à des chiffons de papier pour se défendre. »
    Engagé sur le terrain, en attente dans des fossés, avant de monter à l’assaut, que l’artillerie allemande ait suffisamment «amollie» les défenses adverses de la ligne Maginot, son incursion sur le champ de bataille sera considérée avec optimisme par T… , comme une promenade de santé. Il lui faudra vite déchanter. Et ce ne sont pas les injures allemandes de « Schweinhunde » (saloperies !) et «Arschloch » (trou de c...!) employées constamment par les gradés, qui changeront quoi que ce soit à l’issue de la bataille.
    La progression des troupes allemandes est bloquée net par un épouvantable tir de barrage qui créera des vides importants autour du narrateur et forcera les adeptes de Wotan à une retraite précipitée où, incrustés dans des trous d’hommes creusés à la hâte, ils attendront dans l’angoisse la fin du déluge de fer :
    « On entend des cris, des appels déchirants : A boire ! – Au secours ! – Maman, maman ! Tout à coup, un corps couché devant une maison basse se redresse : on dirait une vision de l’enfer. Le malheureux n’a plus figure humaine, son visage n’est qu’une bouillie sanglante, un hideux moignon rouge d’où le nez est arraché, les lèvres coupées, un œil pend hors de son orbite. Ce fantôme épouvantable tend un bras dans le vide, d’un geste vengeur qu’il paraît diriger vers moi : - Salauds ! crie-t-il d’une voix rauque et comme inhumaine, criminels ! Puissiez-vous crever tous !… »
    C’est de là qu’il assistera à l’utilisation d’une arme secrète, mise au point par le génie allemand, des ondes magnétiques capables d’arrêter les moteurs français. Ainsi, de nombreux avions venus à la rescousse contre des dirigeables allemands porteurs de bombes, exploseront-ils en plein vol,  non sans avoir, au préalable, par le sacrifice héroïque des aviateurs, anéantis les engins menaçant la frontière française.
    Les troupes allemandes progressant trop lentement, le Génie chimique, en vue d’accélérer le processus, envoie des gaz toxiques vers la frontière et au-delà, à l’aide de ballonnets auto-guidés. Ce fut un horrible assassinat. Avec son groupe, T… progresse dans un territoire pavé de cadavres de soldats, de civils ou d’animaux. Des villes comme Thionville ou Metz sont dépeuplées :
    « Dans les abris que nous franchissons et dépassons, ce n’est que cadavres couchés, entassés les uns sur les autres, sans blessure apparente, mais déjà en décomposition. Des escouades entières sont étendues, les traits horriblement défigurés : la plupart de ces malheureux qui étouffaient sous leurs masque, l’avaient enlevé et avaient déboutonné leur capote, offrant ainsi une plus sûre proie aux gaz. Ailleurs, ce sont les bombes « Elektron » qui ont travaillé (…)
    Les soldats, chassés au-dehors par les flammes, avaient été aussitôt victimes des gaz, dont la plus terrible est sans contredit la fameuse « lèpre galopante » », dix fois plus active et plus dangereuse que l’ypérite.
    Ce mélange (…) a pour propriété de provoquer instantanément des abcès purulents, il pénètre partout, à travers les murs, comme à travers les vêtements et exerce très rapidement son action corrosive. En quelques heures, celui qu’il atteint n’est plus qu’une plaie gangréneuse et la mort ne tarde pas à survenir par nécrose osseuse.»
    En face de ce crime horrible, son optimisme du début a fondu. T.. comprend enfin que les Allemands sont dirigés par une bande de criminels ayant à leur tête Von Sekt et Hitler, et qu’ils mourront tous, laissant une Allemagne exsangue et dépouillée. A ce pessimisme répondent les lettres de plus en plus sinistres d’Erna. La région de l’Est de la France semblant maintenant libre d’accès (et pour cause !) les troupes d’infanterie manoeuvrent pour pénétrer plus avant dans le pays :
    « Ca et là, des bûchers fument… La Lorraine est devenue une immense nécropole et ce n’est qu’au-delà de Metz, à Pagny-sur-Moselle, durant un arrêt dans la gare, que j’aperçois enfin des habitants du pays, sous les espèces de quelques femmes, le visage caché par un masque, qui balayent les quais sous la surveillance de deux feldgrauen, masqués eux aussi. »
    Tout à coup, une escarmouche survenue dans les bois de Kattenho (Catenom) révèle une action française de grande envergure. Le bois est si consciencieusement pilonné par l’artillerie que les divisions germaniques se dissolvent littéralement. Autour de T… s’accumulent les cadavres déchiquetés. Lorsqu’il reprend conscience c’est sur un lit d’hôpital de l’armée française. Découvert avec deux balles dans le poumon, il avait été dirigé – en dépit du fait qu’il fût allemand - dans un lazaret du Sud de la France, par des médecins français fidèles aux valeurs de l’humanisme universel.
    Emerveillé, T… revit, enchanté par la nature magnifique qu’il découvre autour de lui et par la bienveillance de cet ennemi qu’il avait à tort si longtemps méprisé. Il était sûr que pour lui la guerre était finie.  Elle l’était en effet, mais pas de la manière qu’il l’entendait, puisqu’il mourut le matin même sous des bombardements allemands lesquels, prétendait-on en Allemagne, avait détruit une fabrique de munitions françaises cachée sous les oripeaux d’un hôpital militaire. L’Allemagne, s’étant mis au ban des pays civilisés, perdit la guerre et sa souveraineté.
    « La Surprise (Überraschng) » est un roman digne d’intérêt. Truffé d’expressions en allemand (traduites), le récit évoque la lourdeur du mécanisme militaire germanique, sa haine viscérale de la France, son manque de sens moral, le cynisme de ces chefs prussiens remplis de morgue et de certitudes. En un style dépouillé, volontairement cru et provocateur, il décrit les horreurs guerrières comme Malaparte ou Barbusse, n’entrevoyant pourtant pas un seul instant le changement de perspective que devait apporter sur le théâtre des opérations la nouvelle guerre de mouvement.

  3. Type: livre Thème: péril jaune et guerre des races, guerres futures 1, l’apocalypse réalisée Auteur: Jehan SYLVIUS Pierre de RUYNES Parution: 1931
    Envoi :
    " Nous écrivons ce livre à la lueur des Trois Lunes, réjouis par la vision des futurs cataclysmes. La Fin du Monde approche et malheur à qui s’efforce de la nier au nom d’une prétendue Raison, misérable palliatif à son impotence mentale. Le galop des chevaux tartares s’impose à nos oreilles, et nous percevons, par delà les âges, le bruit des hordes en marche vers l’Orient. "
    L’Archimagesse, Elle,  l’Egale des Dieux, la Papesse du diable mandée par les ombres du Grand Androgyne, l’Archange Noir,  instaure son royaume sur cette terre. Partie d’Asie où des hordes mongoles lui sont toutes dévouées, elle conquiert l’Europe, qu’elle met à feu et à sang :
    " En cet hiver de l’an 19… , Paris présentait un aspect lamentable. Depuis un mois, l’immense armée asiatique, couvrant l’Europe, bloquait les capitales de l’Occident. La cavalerie mongole patrouillait dans les forêts de l’île de France et dans les bois de la banlieue parisienne où les débris de l’armée occidentale, écrasée, anéantie, s’étaient clairsemés en petits groupes, soldats affamés, livides, infirmes, malades, que seule une terreur justifiée par ce que les derniers journaux racontèrent du sort des prisonniers, empêchaient de se rendre aux vainqueurs.
    L’Europe était battue après cinq ans de lutte formidable. Malgré l’armement perfectionné, les moyens de défense chimique, l’armée aérienne, les hordes défilant en ouragan avaient balayé d’abord la Russie, qui n’avait offert qu’une faible résistance… "
    En compagnie de sa secrétaire-esclave Diana, jeune Russe experte en plaisirs lesbiens, Elle,  l’Egale des Dieux,  n’a d’autre but que de réduire la papauté et d’instaurer le règne noir de la jouissance universelle.
    Paris, conquise, lui tient lieu de capitale. De là, elle lance des expéditions punitives contre les Chrétiens d’Europe qu’il faut éradiquer. Le pape Pie XIII est finalement capturé, torturé et mis à mort au sommet de la tour Eiffel.
    Rien ne semble plus contrecarrer l’Archimagesse et son règne obscur. Pourtant, Feng-Nohr, le sculpteur émérite qu’elle a ramené d’Asie, s’appelle Monseigneur Tsen Ho Lin , le nouvel archevêque de Canton,   prêt à reprendre le flambeau tombé des mains de Pie XIII, en consacrant un nouveau pape, Benoît XVIII.  
    Tel le phénix, la religion chrétienne renaît de ses cendres et des messes sont régulièrement dites dans les ruines du Vatican. L’Archimagesse mettra du temps à démasquer le traître dont elle tombera par ailleurs éperdument amoureuse.
    Amour partagé,  puisque Tsen Ho Lin, pour un baiser d’elle, se damne, se parjure et livre le reste des croyants à la vindicte jaune. L’Ange Noir, le Grand Pan, l’Ombre maléfique, le patron de l’Archimagesse, lassé sans doute de régner sur un peuple d’esclaves, abandonne la terre à son triste sort.
    Ainsi s’accomplissent les prédictions : deux lunes mortelles apparaissent dans le ciel terrestre ; invinciblement attirées l’une vers l’autre, elles provoquent, en se désintégrant, une situation cataclysmique sur notre globe, faisant se réveiller les volcans d’Auvergne, engloutir l’Amérique, s’écrouler toutes les cités. Paris ne fera pas exception à la règle.
    L’Archimagesse, ayant refusé de s’enfuir dans son engin volant avec l’astronome de Chaldée Lysiclès qui seul a prévu la catastrophe, meurt dans les ruines de son palais en compagnie de Tsen Ho Lin, dans la convulsion d’un coït généralisé :
    " Le monde en était aux derniers sursauts de l’agonie. L’Amérique entière s’était écroulée sus les eaux, l’ancien Continent se disloquait sous le bombardement des météores.
    Entouré de charniers, Paris, aux maisons effondrées, brillait des milliers d’incendies allumés par les bolides. Dans les abris souterrains, les gens s’écrasaient et périssaient d’une horrible asphyxie. (…)
    Partout des pleurs, des râles, des écroulements de tableaux et d’objets culturels, des crispements de soie.  Des chiens venus d’on ne sait où, couvraient les femmes en haletant. Un adolescent, les bras en croix, gémissait lentement, à demi - étouffé sous quatre femmes. Trois hommes dans un coin s’étreignaient en miaulant comme des chats. Des jeunes filles entrelacées se tordaient sur un divan. "
    Lysiclès, lui non plus, n’échappera pas à son destin et sera broyé dans la même étreinte cosmique qui réduit la terre en poussière, tué par son ancien maître Ashivérus.
    Une œuvre marginale  du courant surréaliste, hautement symbolique et significative des rapports qu’entretient ce mouvement esthétique avec l’inconscient, le sexe et la mort : " la beauté sera convulsive ou ne sera pas ", selon les propres mots d’André Breton. Avec un habile entrelacement des thèmes plastiques, poétiques, littéraires et de science-fiction, le récit mérite une place de choix dans notre thème.

  4. Type: livre Thème: guerres futures 1 Auteur: René de PLANHOL Parution: 1930
    "Ce cahier donne les leçons professées en 2045, à la Faculté des lettres françaises de Québec, par l'illustre Joseph Dyvetot, dont le cours d'histoire philosophique étudiera "l'Europe après 1930 et la Revanche de l'Allemagne".
    Après cet avertissement qui permet à l'auteur de prendre le point de vue de Sirius, ce dernier se livre à une analyse critique et pertinente, sans complaisance, des causes d'une probable future guerre européenne. D'abord, il convoque les hommes politiques français de tous bords principaux responsables, selon lui, du désastre, de par leur pacifisme, surtout celui des socialistes Blum et Driant,  relayé par les journaux de l'époque, leur hypocrisie, et leur seule préoccupation qui était de profiter au maximum du pouvoir pour s'approcher en premiers de la "mangeoire":
    "Les factions politiques uniquement occupées de leurs manigances électorales et de leurs combinaisons parlementaires, ne semblaient même pas se douter que le sort de la patrie fût en jeu. Il ne s'agissait entre elles que d'une querelles de ventres, autour du râtelier bien garni que leur offrait le pouvoir. (Ils) se contentaient de jouir de leur fortune, de s'octroyer à leur tour les prébendes et de distribuer les fonds secrets en n'ayant nul souci de la France".
    En nouant des alliances objectives entre partenaires aux idées pourtant inconciliables, ils s'entendent à merveille pour manipuler une population lâche et veule , dont les classes privilégiées , des immigrés de fraîche date, s'offrent une vie facile par les douteux plaisirs du sexe et de la bonne chère:
    "Attirée par  l'appât, une nuée de parasites se jetait sur la province et la campagne françaises. Ils accouraient de tous les points du globe, - d'Orient, de Russie, d'Allemagne, de Chicago, de Bombay, pour prendre leur part des dépouilles de ce vieux pays. Juifs, Levantins, Hindous, ils composaient la tourbe cosmopolite qui s'engraisse de la misère commune."
    Dans le domaine économique, l'on minimise la crise de 1929, la bourgeoisie prétendant qu'après un nécessaire assainissement, le capitalisme, épuré,  redeviendra l'outil merveilleux propre à enrichir encore davantage les nantis. La position du Vatican n'est d'ailleurs pas oubliée qui, au nom d'un oecuménisme religieux protège ses intérêts en minimisant le péril germanique. Le déni en face d'une Allemagne agressive et revancharde est donc universel. Rien d'étonnant donc que, de reculades en reculades, le traité de Versailles soit déchiré et que, sans que personne ne lève un sourcil, l'Allemagne puisse fortement se réarmer, occuper des territoires qui lui sont étrangers, comme la Pologne, ou refuser de payer ses dettes de guerre en réclamant un moratoire.
    Après avoir exploré les causes de la guerre, l'auteur passe à l'avenir des relations internationales en Europe avec, au centre de celles-ci, la dangereuse Germanie, prête à engloutir la France. Il fait parler le général von Seekt livrant son coeur dans un mémoire (fictif) adressé à son secrétaire. Il lui montre en toute franchise la duplicité, l'immense orgueil et la soif d'une Allemagne malmenée. Menée par des Hohenzollern , avec l'appui d'un certain Hitler, une armée de soldats aguerris sont prêts à se vouer corps et âmes à leur patrie:
    "Les événements ne se répètent jamais tels quels, et la guerre prochaine réalisera sous une forme inédite la concentration des forces et la surprise qui sont les moyens éternels de la victoire. (...) La guerre prochaine ne sera plus une guerre interminable de tranchées. Nos bataillons uniront à la puissance des armements la vitesse et la mobilité. Leur attaque subite, jetant autour d'elle le feu et les gaz, bouleversera la mobilisation de l'ennemi. Et nous disposons d'engins, d'explosifs, de fumées, de poisons que nos laboratoires ne cesseront d'améliorer et qui révèleront au monde les bienfaits de la science allemande."
    En face d'une Angleterre frileuse, d'une France endormie et décadente, d'une Russie entravée par des traités commerciaux, l'Allemagne a désormais le champ libre pour se tailler un empire sur mesure. La Pologne déjà occupée, l'Autriche s'étant toute entière jetée dans les bras de la Germanie, von Seekt explique que tout naturellement les régions à forte implantation tudesque devront appartenir à la nation-mère. Il réclame l'Alsace et la Lorraine et les fera occuper militairement pour y "garantir" les droits d'un référendum juste pour ses habitants.
    La France outré et acculée réagira enfin. Avec le général Weygand à sa tête, elle prendra les armes non sans avoir, préalablement, nettoyé les nids de la collaboration. Quelques hommes politiques parmi les plus en vue seront pendus, mais beaucoup réussirent à s'enfuir, surtout parmi les socialistes. Hélas! il est déjà trop tard. Car la guerre aura changé de nature, elle sera rapide, impitoyable et  des armes horribles seront utilisées:
    "Attaquée sur deux fronts, écrasée par la supériorité des effectifs et du matériel ennemis, l'armée française ne pouvait que succomber. (...) Des explosions se produisaient dans les arsenaux et les usines sous l'influence de courants mystérieux, des nappes de gaz mortels se déployaient sur le pays, des vagues d'avions criblaient les villes de bombes incendiaires(...) La ville souveraine de l'univers n'était plus qu'un labyrinthe de ruines en flammes. Aux batailles de la Somme et de la Seine, l'armée française fut à demi détruite pendant que les Italiens continuaient à s'avancer presque dans le vide. (...) la bataille tournait au massacre, et la France n'avait plus d'armée."
    Vaincu, notre pays sera démembré, découpé en diverses régions soumises au vainqueur, ses richesses drainées. La langue française elle-même, outil de l'unité, sera éradiquée:
    "Comme la fureur germanique voulait extirper jusqu'au souvenir de la nationalité française et comme c'est autour de son langage que se rassemble toujours un peuple déchiré, l'enseignement et l'usage officiel de la langue française furent partout prohibés. La Bretagne adoptait pour idiome le gaëlique, et l'Aquitaine le Gascon. Si l'Italie tolérait en Gaule narbonnaise le provençal, l'Allemagne imposait le tudesque au nord de la Seine. Et, dans la Biturie, la langue du gouvernement, des écoles, de la presse, devenait l'esperanto, toute publication en langue française étant interdite."
    L'Angleterre, désormais inquiète, se retrouve  en première ligne en maudissant son pacifisme. Les Américains continueront, comme par le passé, à commercer un pays devenu puissant et riche. La Russie (Soviétie) multipliera les approches "positives" envers un pays devenu son premier partenaire énergétique.
    Ce texte, assez court, appartient donc aussi bien au domaine du pamphlet politique, qu'à celui de l'histoire alternative ou de la guerre future. L'on est frappé par la justesse d'ensemble du propos de Planhol dont la vue prospective coïncide avec la réalité historique. Il ne se trompera que sur des points annexes (comme de minimiser l'action de Hitler) ou lorsqu'il est aveuglé par ses préjugés ( il pense que la judéo-maçonnerie aidera l'empire militaire allemand). D'autre part, la comparaison de l'état du pays dans les années trente est tout à fait pertinente avec celui montré par les temps actuels (2013). A souhaiter que les mêmes  causes ne produisent pas les mêmes effets! Enfin, il limite aussi la guerre à venir à l'Europe sans comprendre qu'elle affectera l'ensemble des pays du monde de par sa nature unique et le jeu de ses alliances. Mais il a saisi le caractère impitoyable de l'agression lié à la haine de l'ennemi, l'utilisation d'armes nouvelles, la rapidité des déplacements sur le terrain , alors que de nombreux chefs militaires de l'époque prophétisent une guerre de position comme en 1914. Si la France, dans sa réalité historique, a été coupée en deux zones, pour de Planhol, elle sera totalement mise en pièces et ne renaîtra plus de ses cendres. Un petit texte par la taille mais grand par ses idées, à la limite du conjectural,et avec des accents tels, que sans hésiter, nous l'avons intégré à notre domaine.
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  5. Type: livre Thème: disette d'éléments Auteur: Théo VARLET Parution: 1930
    Aurore Lescure, première jeune Américaine à voler dans l’espace, prend son essor et, après un temps passé en orbite, atterrit en France, en Provence. Elle est découverte par Gaston Delvart, peintre,  et par son ami le docteur Alburtin , médecin, qui la ramènent dans leur propriété, afin de l’examiner, l’atterrissage ayant été quelque peu mouvementé. Le peintre, à sa vue, tombe éperdument amoureux d’Aurore, ce qui nous vaut la sempiternelle romance sentimentale de rigueur dans les récits du genre. La jeune femme a rapporté sur terre de la poussière météoritique contenant des germes  d’un lichen qui ne tardera pas à proliférer intensément dans l’atmosphère terrestre.
    Aurore est ramenée à Paris par son ami Gaston.  Le tendre sentiment de celui-ci est déjà contrarié par l’infect Américain Lendor J. Cheyne qui, sponsorisant l’aventure, a pris une option sur la jeune astronaute. Aurore s’évertuera sur plus d’une centaine de pages à fuir les journalistes qu’elle abomine. Arrivée à Paris avec Gaston elle soumet un échantillon de lichen au grand et désagréable savant Nathan pour analyse.
    Le lichen continue son développement en se nourrissant des flux magnétiques générés par les conducteurs électriques. Il se fixe sur tout ce qui produit de l’électricité, sur les ampoules, les fils, les compteurs, les moteurs. La dispersion des spores dans l’air produit aussi des démangeaisons insoutenables. Selon la vitesse de propagation du fléau, le lichen primitif se diversifie en variétés plus ou moins dangereuses.
    L’une de ces variétés est même comestible avec un goût de confiture de framboise et l’on verra apparaître aux coins des rues des marchands de «Xénobie», nom donné à  ce lichen. L’on  suivra la propagation du lichen à la trace,  du cabinet médical du  Dr Alburtin, en passant par l’oncle de Gaston, à l’hôtel où Aurore a élu domicile et le laboratoire de Nathan. La menace devient de plus en plus grande, et de simple désagrément, le lichen se met à désorganiser la structure de la société en empêchant la vie nocturne et les transports:
    " Dès le portillon d’entrée sur le quai, une odeur suffocante de fleurs en putréfaction remplaça le phénol des couloirs qui attestait un essai de désinfection. Sous la voûte de la station grondait une sourde rumeur, non humaine. On eut dit, mêlé à des crépitations, le bruit d’une forêt dont les branches craquent sous le givre, en hiver. Les lampes " malades " pour la plupart, enrobées d’un réseau de végétations, rougeoyaient. Tassés au bord du quai, les voyageurs ouvraient de grands yeux et se grattaient en silence.
    La Xénobie avait envahi les voies. Mais ce n’était plus comme le matin à " Villers ", une offensive timide; une véhémente poussée de la création extraterrestre développait sur les rails un lichen aux bataillons agressifs, un revêtement d’un rouge violacé, hérissé de pointes, comme une cristallisation géante. "
    Rien ne semble pouvoir l’arrêter, sauf à couper toute électricité partout pour le priver de nourriture. Entre temps, le père d’Aurore, en compagnie de l’homme d’affaires américain, arrive en France. Gaston, qui accueille les deux hommes,  présente son amie Luce, américanophile et fascinée par les dollars,  à son rival Cheyne. Coup de foudre réciproque. Cela laissera le champ libre au peintre pour déclarer sa flamme à Aurore. Le fléau s’étendant, la France prend des mesures radicales: coupure d’électricité et abandon des moteurs à explosion en faveur de la traction animale.
    " Avec la suppression de l’électricité, tout s’arrête dans Paris. Les moyens de transport: métro, tramways, chemins de fer électrifiés, sont déjà virtuellement abolis. Si les véhicules automobiles ont pu circuler jusqu’à ce matin, c’est parce que l’intensité de leurs sources d’électricité, batteries d’accumulateurs, magnétos, dynamos, est assez faible pour n’engendrer que des variétés de lichen peu exubérantes et relativement bénignes. Mais ces variétés, comme les autres , produisent des spores, dont la descendance risque d’être calamiteuse. "
    La régression sociale, le chômage et des grèves s’installent durablement. La France mise en quarantaine par les pays voisins et l’Amérique, Aurore ne pourra plus rentrer chez elle, ce qui arrange bien les affaires de Delvart. Les ouvriers communistes ne respectent pas le décret et remettent en marche la centrale de Saint Denis malgré l’interdiction gouvernementale. Alors l’impensable se produisit: la centrale,  desservant tout Paris , sera infectée par la Xénobie, et c’est " la Grande Panne ".  Une variété extrêmement dangereuse de lichen,  appelé le " lichen ardent " fait son apparition. Son effet est redoutable et provoque la terreur:
    " Un point lumineux au fond de l’avenue mal éclairée, s’avançait avec de petits bondissements souples... tiens, comme un ballon de football qui eût roulé tout seul sans personne pour le pousser. Il grossissait et se rapprochait, suivant l’axe de l’entrevoie des tramways, et, derrière ce premier ballon, il y en avait encore, un, deux, trois, dix... Toute une ribambelle à la queue leue leu... de grosses boules de lumière verte... comme des globes de pharmaciens... Mais ces boules avaient un mètre ou deux de diamètre.
    (...) Feu à volonté! Les lebels claquèrent, la mitrailleuse pétarada. De la première boule verte, des flammèches s’arrachèrent sous les balles; elle parut agitée de violentes palpitations, se déforma, comme si quelqu’un caché à l’intérieur se fût débattu, lançant coups de pieds et de poing qui faisaient saillir l’enveloppe du ballon....Mais elle avançait toujours droit sur l’auto blindée, qui finit par me la cacher. Je ne vis pas l’abordage, mais soudain une grande flamme sortit de l’auto, qui s’enveloppa de fumée. "
    Les pays voisins sont touchés à leur tour. Que faire contre la " Terreur électrique " ?  Dans le laboratoire du Dr Nathan, qui a engagé Aurore et son père, se prépare la découverte capitale: il suffit d’attendre l’hiver, la baisse de température fera périr le lichen récalcitrant. Or, quelle coïncidence !, le froid arrive sous la forme d’une bonne gelée. Il ne reste plus qu’à attendre et le monde sera sauvé.   
    Comme un bonheur n’arrive jamais seul, le papa d’Aurore se fait sauter dans son laboratoire après avoir découvert le secret de la scission atomique grâce au lichen,  secret dont il lègue la formule  à sa fille, devenue sa légatrice universelle. La voie est ouverte pour Gaston qui aura tout le prochain roman , sous le titre de " Aurore Lescure, pilote d’astronef ",  pour roucouler à son aise avec sa dulcinée.
    " La Grande panne ", malgré certaines naïvetés dans la description des situations, quelques faiblesses de style, des conventions répétées à satiété dans les intrigues, n’en demeure pas moins intéressant. Hors du guimauve des bons sentiments, il subsiste, ça et là, des descriptions de la catastrophe qui ne dépareraient pas un roman plus moderne. Le thème de la disette énergétique, variété du thème "disette d’éléments", sera largement exploité par la suite, à commencer par Barjavel dans "Ravage" jusqu’aux romanciers populaires comme Jimmy Guieu,  en passant par "la Mort du fer " de Held.

  6. Type: livre Thème: disette d’éléments, savants fous et maîtres du monde Auteur: Jean D'AGRAIVES Parution: 1930
    Georges Darboy, compositeur émérite mais amoureux déçu, se refait une santé dans les îles des mers du Sud. Devenu capitaine d’un voilier, il fait la connaissance de Thimothée Floche, une personne extraordinaire de drôlerie et qui se dit journaliste. Floche s’était fait expédier à la mer par le patron chinois d’une goélette et recueillir par Darboy qui devient son ami. En réalité, Floche est détective privé. Il suit la piste du savant hongrois Jazierski qui aurait découvert un virus (le Virus 34) destiné à détruire toute culture de blé dans le monde :
    «Il était en bonne voie sur la piste d’un procédé qui eût détruit en quelques heures, tout le blé de la nation assez folle pour rompre la paix. Mais il avait tout récemment conçu des doutes sur les motifs qui faisaient agir les vrais chefs de cette confrérie scientifique. Il avait eu l’impression nette, à la suite de recoupements, que leur pacifisme déclaré n’était qu’un masque, et qu’ils servaient, en fait, les projets de revanche d’une caste militaire de proie.»
    Par une coïncidence inouïe, Jazierski est aussi le mari de Germaine Parent, la cantatrice responsable des déboires sentimentaux de Darboy. Nos héros poursuivent la goélette du chinois. Ils perdent sa trace dans la brume mais abordent une île de Papouasie qui - autre coïncidence- est précisément celle où Jazierski poursuit ses expériences. Darboy  y retrouve Germaine qui craint pour sa vie. Alors Floche et son ami montent un stratagème en vue de démasquer le malfaiteur. Darboy prendra la place d’un émissaire envoyé vers le savant pour l’aider. Jazierski trompé sur son apparence lui demande de transvaser le virus 34 dans des fioles prêtes à être exportées dans le monde entier et lui fait l’aveu de sa haine :
    " L’humanité, je la méprise parce qu’elle est lâche, et je la hais. C’est pour ça que je me suis mis au service de la caste qui rêve encore d’imposer sur le monde une hégémonie germanique ! (…) Elle sera balayée, elle aussi, par cette anarchie formidable que déclenchera chez les hommes la perte de leur pain quotidien. Ce seront des convulsions folles, la tourmente la plus fantastique qu’aura jamais connue l’histoire "
    Saisi d’un doute, il s’apprête à se débarrasser de Darboy ce qui serait fait sans l’intervention inopinée de Floche. Nos deux amis poursuivront Jazierski qui a pris place sur la goélette du Chinois. Finalement, c’est le canon d’un navire militaire anglais croisant dans les parages qui mettra un point final à l’épopée du savant fou. Darboy convolera en justes noces avec Germaine sortie toute frémissante des griffes du monstre. Une récompense bien méritée !
    Beaucoup de termes techniques de marine, une anglomanie linguistique constante, de l’aventure, l’embrun des vagues et des personnages hors du commun font de ce roman une œuvre honorable dans le champ de la littérature populaire.

  7. Type: livre Thème: guerres futures 1 Auteur: Victor MERIC Parution: 1930
    La "Der des der" c’est vraiment la dernière, celle où l’humanité entière s’étripe. En un style puissant et argotique, Victor Méric, le pacifiste , nous fait part de son indignation, de son horreur , de sa douleur face à la guerre totale, celle de 1938. Ouvrage écrit en 1930, il ne se trompe que d’un an quant au déclenchement de la deuxième guerre mondiale.
    Pour Méric, la " der des der " ressemble étrangement à celle de 14-18, avec ses tranchées, ses planqués, ses obus au gaz, ses " grouillots " parisiens, personnages de soldats hauts en couleur. Par une subversion totale et beaucoup de logique, il entrevoit l’usage généralisé des gaz, toutes sortes de gaz ,  dont l’effet est décrit scientifiquement, ainsi que le concept moderne de villes-otages, la guerre, la vraie, se déroulant à l’arrière. Les civils étant tous " mobilisés ", le front devient une zone tranquille pour les planqués de tous grades. La notion de "dissuasion", celle qui fait les beaux jours du monde d’aujourd’hui, montre déjà ses limites. D’un point de vue littéraire, le héros de Méric, soldat lui-même,  se contente de décrire en mode subjectif les hallucinantes actions militaires et laisse à "l’Apôtre" son ami pacifiste et anarchiste, le soin de tirer la leçon de tout cela. Le récit est divisé en deux grandes parties.
    D’abord la vue du front, la vie quotidienne des " malabars ", leurs vagues interrogations, leur plaisir de sentir que la bataille, essentiellement aérienne, se déroule au-dessus des villes. Ensuite, la vue de l’arrière bombardé avec les gaz qui traînent au ras du sol, où les abris se construisent sur les toits, où les gens meurent par millions. Puis, le temps passant, la guerre change de nature: les gradés des deux camps se sont arrangés une vie confortable au front. Celui-ci devient une vraie ville linéaire où rien ne manque, les militaires espérant avec cynisme qu’après la destruction des civils, ils pourraient enfin refaire la paix. Mais les civils ne veulent plus mourir et, devenus fous furieux, en une apothéose de boucherie, attaquent la ville du front et ses militaires. Exit tout le monde, place aux rats et aux corbeaux:
    " Une fusée verte s’élance comme un jet d’eau . Ils sont signalés. Ils arrivent. Ils montent silencieusement, en troupeaux serrés, hâves, déguenillés, monstrueux, tels des bêtes malfaisantes, à l’assaut des tranchées... Et soudain, à ma droite, un crépitement rapide. Des ordres aboyés dans la nuit. Nous sommes tous sur le parapet, à plat ventre, le fusil dans les mains. Devant nous, un grouillement d’ombres. Et le canon brutal. L’artillerie se réveille. Elle va s’en donner à coeur joie après des années de silence. Un déluge de marmites passe au-dessus de nous, et l’ouragan éclate à nos pieds. Mais les bandes hurlantes, épileptiques, se précipitent à travers l’orage de fer et de feu. Rien ne paraît pouvoir les arrêter. Les fusées qui se succèdent nous découvrent des masses qui s’avancent comme des murs vivants. La mitraille fait rage contre ces tas de fourmis inépuisables. Les obus creusent de larges trous aussitôt comblés. Et ils avancent. Ils sont à cin mètres du parapet. Feu! Feu! Des cris, des imprécations, des hurlements de fureur couvrent le fracas des explosions. Par instants la masse semble reculer ou hésiter, puis, comme un flot impétueux, elle reprend sa course à la mort. Feu! Les mitrailleuses chantent. Dans le ciel, quelques avions ronronnent - les derniers, les survivants, et ils laissent pleuvoir des grappes de bombes.
    Alerte! Sur notre gauche, des forcenés sont accrochés au parapet. Les soldats, debout, piquent dans le tas, de leurs baïonnettes. Il y a de tout, dans ce troupeau d’enragés, qui ne sentent plus la douleur et qui se jettent au cou de la mort, comme en extase; de tout, des femmes demi - nues, des vieillards décharnés, dont la barbe crasseuse flotte au vent, des êtres farouches aux mâchoires serrées, armés de bâtons de sabres, de couteaux. C’est une ruée de Mardi-Gras divagante. Et un cri formidable ,  un cri qui s’exhale de toutes ces poitrines parmi les râles et les appels, au-dessus du charivari des balles et des obus un cri qui domine tous les cris  - la Paix!... la Paix!...Ils veulent la paix; ils la demandent avec de l’écume à la bouche et du feu dans les yeux. La Paix! La Paix! Et ils ont bien compris que pour avoir la paix, il leur fallait nettoyer le front, nettoyer les embusqués, nettoyer les militaires -La Paix!... La Paix!...
    Ils montent toujours. Leurs ongles s’accrochent au talus, leurs doigts craquent. Ils grimpent les uns sur les autres, s’écrasent, tombent, se relèvent, bondissent. Les voici sur nous. Ce ne sont plus des hommes. Ce sont des bêtes puantes, venimeuses, qui ne rêvent que de mordre, déchirer, broyer... L’un d’eux a saisi ma baïonnette avec ses dents. Je pousse : Floc! L’homme tombe. Un autre surgit. Je ne sais quelle frénésie s’empare de moi. Je pique, sans arrêt, presque avec joie. Tue! tue! Enfin, la voilà la guerre, la vraie, la bonne, la sainte guerre!
    Des heures, des heures de ce combat furieux dans le noir! Nous sommes harassés, éclaboussés de sang, en proie au vertige. Et plus nous tuons, plus ils reviennent nombreux. C’est à croire que ce sont toujours les mêmes, qu’ils ne tombent que pour se relever j’ai l’impression que nous nous battons contre des fantômes. On vient de nous expédier du renfort. On nous donne l’ordre de nous retirer en arrière vers les deuxièmes lignes. Mais nous voulons voir, entendre, savourer ce massacre  Nous tremblons de rage et de fatigue. Est-ce qu’on ne va pas se décider à les anéantir d’un seul coup, à les enfumer, les empoisonner, les asphyxier comme de la vermine abjecte?
    C’est toute la France, notre belle France qui est là, la France des villes et des campagnes une houle de haine sauvage! La France, les nôtres, nos frères, des hommes et des femmes de  chez nous. Cela a duré jusqu’au matin. Mais à l’aube, dans  un dernier sursaut, ils ont réussi à se hisser sur le parapet. Le combat s’est poursuivi dans des corps à corps répugnants. Il n’y a pas que des cadavres de civils sur le parapet et dans la tranchée. Des soldats gisent sur le sol à côté des autres, dans un pêle-mêle fraternel. On les a tout de même repoussés. Avec la clarté du matin, la peur est venue les abattre. Ils ont couru pris de panique, poursuivis par les dernières décharges, bondissant au-dessus des obus... Ils ont fui, mais sur des kilomètres; en largeur, en profondeur, on ne voit plus que des débris d’os et de chair, des cadavres recroquevillés, pliés en deux, entassés les uns sur les autres. On a tué, tué. Une odeur suffocante monte de ce charnier. "
    Dans cette oeuvre puissante et méconnue, l’horreur des descriptions, au long de ses deux cent trente pages, équivaut à celle de Dorgelès ou de Malaparte. La justification de la guerre est niée, son abomination  débusquée avec un désespoir tenace. Il n’y a pas d’histoire d’amour dans ce roman, seule la mise en évidence de la fraternité obligée des combattants condamnés d’avance. A rééditer.

  8. Type: livre Thème: invasions extraterrestres, la cité foudroyée, savants fous et maîtres du monde Auteur: Léon GROC Parution: 1930
    Jean Brissot, astronome-adjoint à l’observatoire de Paris, contemple avec Edwige Frandt, laborantine, une éclipse de soleil, lorsqu’un petit météorite tomba à ses pieds. Il le ramasse pour l’étudier ultérieurement. Plus tard, chez lui, il constatera une brûlure sur sa peau à l’endroit  où il avait glissé la pierre. Il la déposera finalement dans un tiroir. Robert Persan, journaliste, également présent sur les lieux, enquêtera sur la disparition de Melle Frandt.  
    Celle-ci a disparu pendant que d’autres faits non moins mystérieux se déroulent conjointement. A  savoir : un nommé Lisbourdin est trouvé assassiné chez lui. Son secrétaire, Rosario, s’est volatilisé. Les traces de mademoiselle Frandt, qui est aussi en relations étroites avec Lisbourdin, s’arrêtent chez la vieille Hilda, tenancière de la pension de famille Jembut. Ramire, le policier, Persan et Brissot cherchent,  L’un mû par son zèle policier, l’autre par son zèle journalistique, le troisième par son zèle amoureux.
    Peu de temps après, la pension Jembut s’écroule après que les murs se soient lézardés, entraînant la vieille Hilde dans la mort. Celle-ci n’est pas si innocente que cela finalement, puisqu’elle a appris à Persan la culpabilité probable d’Edwige dans le crime de Lisbourdin.
    Le journaliste reconnaît qu’au cœur du problème se situeraient certainement les " trois pierres de lune " tombées du ciel. La première se trouve chez Brissot, la deuxième aurait été volée à Lisbourdin par Melle Frandt, la troisième serait en possession de Rosario qui, lui aussi, a disparu.
    Ces pierres donnent, à elles trois,  un " Sélénite ", c’est à dire un minéral vivant dont la radioactivité naturelle perturbe le fonctionnement de la vie terrestre. Les cirques présents en abondance sur la Lune ne seraient que les images de " cités de Sélénites " qui auraient détruit toute vie autour d’eux. Les Sélénites seraient donc  capables, à condition d’être plus nombreux, d’éradiquer toute vie sur Terre.
    Quant aux trois tiers de Sélénites (les pierres ramassées) tombées sur le sol terrien, leur seule présence cause déjà des dommages irréversibles. Toutes les trois réunies, elles seraient invincibles. C’est le but que poursuit Rosario qui souhaite imposer un nouvel ordre moral à la terre. Sachant que Persan, Brissot et Ramire sont des ennemis irréductibles, il les poursuit de sa haine. Avec le Sélénite, il fait s’écrouler les immeubles à Paris et perturbe gravement la géographie de la cité. Les Parisiens, inquiets, quittent la capitale :
    " Paris tout entier fut étreint par l’épouvante. Tous ceux de ses habitants qui purent s’enfuir le firent aussitôt. Les trains furent envahis comme à l’époque des grandes vacances. Les portes de la ville virent passer d’innombrables autos, des bicyclettes, des attelages même, et jusqu’à d’antiques véhicules – tapissières et chars à bancs – que l’on eut dit échappés d’un musée rétrospectif. "
    Rosario fuit vers son repaire, un nid d’aigle aménagé au sommet des Alpes. Il envisage de faire s’écrouler les Alpes autour de lui, d’assécher la terre comme l’a été jadis la Lune, à l’aide de nombreux Sélénites dont il attend incessamment une pluie.
    Mais le plan échoue. D’abord, parce que nos héros mettent la main sur Rosario, ensuite, parce que Melle Frandt, définitivement passée dans le camp des méchants, ne pardonne pas à Rosario d’avoir voulu tuer Persan. Brissot, lui, est guéri de son amour envers Melle Frandt, grâce à Yvette une de ses anciennes élèves, qu’il rencontre dans la région alpestre. Habituée à l’alpinisme, c’est elle qui guidera Brissot vers le repaire de Rosario.
    Devenue subitement folle, Melle Frandt sera éliminée par Rosario qui, se sentant perdu, se suicidera. Pour pallier la menace représentée par le Sélénite, Brissot le scellera dans du plomb et l’immergera dans un lac de montagne. Puisque la menace de l’invasion de Sélénites a enfin disparu, Brissot épouse Yvette, Persan rentre dans les Ordres, et Ramire enquêtera sur d’autres crânes défoncés.
    Un ouvrage daté, plus proche de l’enquête policière que de la science-fiction, dont la logique interne laisse à désirer. Avec des personnages typifiés, Groc semble avancer dans le récit en inventant au fur et à mesure les péripéties, ce qui donne un aspect décousu à l’intrigue

  9. Type: livre Thème: la cité foudroyée, menaces idéologiques, épidémies Auteur: Bruno JASIENSKI Parution: 1929
    Dans le monde ouvrier impitoyable de l’entre-deux guerres, Pierre se fait licencier sans espoir de retrouver du travail. Partageant la vie des sans-abris, il aperçoit les lumières de la ville comme un rêve perdu, et surtout Catherine, sa fiancée, sa promise, sortant d’un bouge, aux bras d’un gros richard. Fou de douleur, il en conçoit une haine terrible envers l’humanité qu’un ancien ami, venu juste à propos, lui permettra de réaliser. Prenant pitié de sa situation, Bernard, qui travaille à l’Institut, lui montre toutes sortes de  préparations biologiques mortifères dont le dosage minimum n’a d’égal que la capacité de nuisance :
    " Ici, dans ce verre qui ne paie pas de mine, nous avons un jardin d’acclimatation unique en son genre : toutes les épidémies terrestres. Dans cette éprouvette, à gauche, la scarlatine ; dans celle-ci, le tétanos ; à côté la fièvre typhoïde ; dans la suivante, le choléra. Hein, c’est pas mal comme collection ? Tu vois là, à droite, ces deux éprouvettes à liquide blanchâtre et trouble ? C’est la préférée de notre assistant – la peste (…) Les bacilles sont forts comme des éléphants ; (…) Représente-toi ça, si on lâchait toute cette horde pour une petite promenade en ville ! Il n’en resterait pas lourd, hein, de notre Paris !
    Profitant d’un moment d’inattention de Bernard, Pierre s’empare des tubes pestifères qu’il videra dans l’un des réservoirs d’eau potable de la ville de Paris :
    " Alors Pierre retira de sa poche deux petites éprouvettes. Il les examina attentivement. Un liquide blanchâtre et trouble les remplissait. Pierre les secoua légèrement devant la lampe. Ensuite, les éprouvettes dans une main, il s’approcha de la grande pompe centrifuge actionnée par un moteur Diesel. (…) Alors, avec la grosse clef, il se mit à ouvrir le robinet de l’entonnoir de la pompe. (…) Les deux éprouvettes débouchées, il versa lentement leur contenu dans la gorge de l’entonnoir, qui haletait lourdement. "
    Quelques heures plus tard, l’on emmène le premier pestiféré moribond à l’hôpital,  puis, la ville, prise de frénésie, constate une augmentation exponentielle du nombre de ses morts :
    " Des  milliers de robinets, comme des veines ouvertes de Paris, coulait avec bruit l’eau glacée et limpide et la ville, sans force, pâlissait de chaleur et de faiblesse. La première ambulance fut aperçue à dix heures du soir sur la place de l’Hôtel-de-Ville. (…) Le jour se leva suffocant et blafard : les magasins restaient fermés. Sur la chaussée, comme dispersées par la panique, des chaises traînaient. Les lampions se balançaient dans les rues désertes, comme des bulles gazeuses sur un marécage stagnant. La plupart des journaux ne parurent pas. Radio-Paris annonçait qu’à midi on avait enregistré 160.000 cas mortels. "
    En quelques jours, l’univers parisien se modifie profondément avec des services administratifs et policiers  totalement désorganisés.
    Le moment est venu pour le jeune Chinois P’an Tsiang Koueï d’imposer une nouvelle loi. Ayant vécu une enfance misérable de coolie à Pékin, il a pu acquérir un niveau de connaissances qui lui a permis de connaître le sens du mot "exploitation. ". Devenu leader ouvrier reconnu dans son pays, la peste le surprend pendant qu’il étudie à Paris. Ayant déjà tissé ses réseaux et devant la faiblesse de la ville, il décrète que le Quartier latin deviendrait zone chinoise d’où serait exclue les Blancs sous peine de mort :
    " le 30 juillet, Radio-Paris diffusa une nouvelle stupéfiante : dans la nuit du 29 au 30, les jaunes du Quartier Latin avaient fait un véritable coup d’Etat. Ils avaient chassé tous les blancs sur la rive droite et proclamé une république autonome des jaunes. (…) Le gouvernement provisoire déclarait, au nom de tous les jaunes, que sur le territoire de la nouvelle république, dans le but de lutter contre l‘épidémie des Européens, aucun blanc ne serait toléré et serait passé par les armes dès sa capture. (…)
    Suivait un court appel aux jaunes, dans lequel le gouvernement leur confiait les bibliothèques et les musées, trésors inestimables de la culture européenne que l’on devait conserver intact pour les générations futures. Les proclamations étaient signées au nom du gouvernement provisoire par P’an Tsiang-koueï. "
    Suivi aussitôt par le rabbin Eel-Zéar ben Tsui qui y voit l’opportunité pour lui et ses concitoyens juifs de se faire une place au soleil. Ainsi la zone de l’Hôtel de Ville devint zone juive dont l’entrée était sévèrement contrôlée. M. David Lingslay, le grand capitaliste américain en déplacement d’affaires s’était bêtement fait piéger au moment où la ville fut déclarée en quarantaine. Comme il lui était impossible de partir, il en profita pour rendre des visites régulières à sa maîtresse parisienne qui, au bout du compte, l’infectera, l’obligeant à réviser ses valeurs de vie.
    L’occasion fut splendide pour les Russes exilés à Paris, en la personne de Solomine, un ancien chauffeur de taxi, de prendre le pouvoir sous le sobriquet de "Capitaine Solomine." Avec les siens, il tiendra une autre partie de la capitale, exigeant des royalistes de la rue de Grenelle qui ont décrété le royaume de France retrouvé, la remise de leurs prisonniers soviétiques aux Russes installés dans un édifice du Faubourg St Germain. Mais c’est autour des Buttes-Chaumont que la peste fit surgir les camarades prolétaires de la République de Belleville menée de main de maître par les camarades Laval et Lecoq :
    " le 4 août, les ouvriers des quartiers de Belleville et de Ménilmontant, poussés par la nécessité impérieuse de s’emparer de la totalité des biens indispensables à leur vie, glissant entre leurs doigts, déclarèrent leur territoire république autonome soviétique. Les soldats passèrent de leur côté. En réponse, en signe de protestation, dans la même journée les camelots du roi avec l’aide de la population catholique du faubourg Saint-Germain prirent le pouvoir sur la rive gauche, des Invalides au Champ-de-Mars, en proclamant le rétablissement de la monarchie."
    Quoique bien structurés, les prolétaires meurent de faim, enfermés dans leur quartier. Le camarade Lecoq suggère un audacieux coup de main pour s’emparer des stocks de farine situés en aval de la Seine. Avec deux péniches,  il s’approche, rompant la quarantaine, des moulins du village de Tansorel. L’aller fut un jeu d’enfants, le retour un cauchemar, sous les bombardements et les tirs russes.
    Paris continuant de mourir, le destin de chacun fut bientôt écrit. T’san Tian, qui faisait fusiller à tour de bras les ennemis de la révolution chinoise fut contaminé intentionnellement par un étudiant dont la femme n’avait pas trouvé grâce aux yeux du tyran. Les Juifs, ayant eu vent de la présence de David Lindslay, établirent avec lui un compromis : ils l’emmèneraient  avec eux aux USA à condition qu’il établisse les contacts nécessaires leur permettant d’arriver à bon port. Il accepta mais, pris de remords et pour ne pas contaminer à son tour les Etats-Unis, il trahit les Juifs en donnant aux autorités américaines toutes les indications qui leur permirent d’envoyer le navire des immigrants par le fond.
    Solomine  fut tué dans une rixe. La peste poursuivit son œuvre de désertification dans Paris, puis s’arrêta faute de combustible. Elle avait épargné les prisonniers, les malfrats, les bagnards au fond de leurs geôles. Rendus à la rue, ils constatèrent leur bonheur. Avec des mots simples, empreints de bon sens, ils décidèrent tous de garder Paris isolé du reste du monde et d’y fonder la première Commune Libre du Premier Gouvernement mondial. Ils prospérèrent, veillant scrupuleusement à maintenir le silence radio, se nourrissant avec simplicité des produits agricoles cultivés dans la ville même. Paris devint la parfaite société utopique et égalitaire rêvée par les philosophes du XIXème siècle :
    " Là où auparavant s’étendait la nappe lisse de l’asphalte, de la Chambre des députés à la Madeleine, et des Champs-Elysées aux Tuileries, au souffle léger de la brise, se balançaient les épis d’un champ de blé. Des hommes aux larges épaules, hâlés, vêtus de blanc, moissonnaient. Des hommes et des femmes, aussi légèrement vêtus, glanaient et chargeaient des camions de gerbes d’or. A l’extrémité du champ des femmes allaitaient des enfants. (…) Là où auparavant s’étendait le Luxembourg, des carrés de choux-fleurs blanchissaient au soleil, et un jardin potager immense étalait ses quadrilatères. "
    Le pot aux roses fut découvert par un avion étranger qui survola la capitale par hasard. Mais il était déjà trop tard. Le puissant appel révolutionnaire issu de Paris, courant de ville en ville, fit rapidement des émules en Europe où s’instaurèrent de nouvelles formes de gouvernement basés sur le respect de la personne humaine..
    " Je brûle Paris " est une fable utopique dans laquelle un  temps de purification  précède nécessairement la mise en place d’une société nouvelle. Un style métaphorique, des destinées individuelles qui se fondent dans l’aventure collective, rendent ce roman encore lisible de nos jours. La preuve en est qu’il a été récemment réédité.

  10. Type: livre Thème: l’apocalypse réalisée Auteur: Jef SCHEIRS Parution: 1929
    En cette ère mondiale nouvelle et heureuse, entièrement régie par le collectivisme et le matérialisme, Jean Malfaict, journaliste à "la Fraternité Mondiale", s'entretient avec son patron, Morbihan, au sujet d'une conférence sur le monde spirituel ou "subtil" donnée par un certain Dr. Nox. Depuis quelques temps d'ailleurs, alimentée par ce savant et d'autres événements curieux, la foule se préoccupe davantage du monde spirituel. Il semblerait que l'on ait découvert les preuves de l'existence d'un monde invisible, et que des ponts puissent être établis entre celui-ci et le monde des vivants:
    "Le docteur Abiran, professeur émérite de l’Université d’Alexandrie, découvrit la matière originelle de la vie et calcula que dans un centième de milligramme d’air, vit un monde de quatre-vingt quinze milliards d’atomes Anima. Il réussit à en isoler quelques-uns qu’il cultiva, soigna et en vint au résultat surprenant de voir ces atomes invisibles se transformer. Ils se développèrent d’abord en un insecte, puis en une espèce de grenouille, pour terminer leur évolution en un poisson ressemblant fortement au brochet. Le docteur Abiran déclara dès lors qu’il devait exister une force spéciale qui faisait pénétrer partout la matière originelle de la vie ; il prétendit également qu’il existait des quantités formidables de ces atomes dans le cerveau humain."
    Malfaict, parfait libre penseur, sceptique et épicurien, est l'un de ces esprits forts qui ne croit pas à tout cela. Néanmoins, il accompagne Morbihan à la séance de Nox où il fait la connaissance d'un collègue, un être singulier, du nom de Nathanaïel Assur, journaliste vedette de "la Thau", organe de presse universellement connu. Assur portant lui-même sur son front une Thau rouge, est juif et franc-maçon, grand maître de la loge maçonnique de Sion. Dès la première de leurs nombreuses rencontres il affirme être plus qu'un homme, une sorte d'élu dont le règne arrivera bientôt. Il faut dire que les événements curieux se multiplient et s'amplifient partout dans le monde; des tremblements de terre, des cataclysmes vont jusqu'à faire décaler légèrement l'axe du monde, des ténèbres de noirceur et de sang se répandent dans l'atmosphère, des prophéties, de plus en plus nombreuses, annoncent pour bientôt l'apocalypse de ce monde matérialiste et jouisseur.
    Nous sommes par ailleurs à un moment privilégié où "l'Union Européenne" fêtera à l'hôtel "Universo" à Rome les éclatantes festivités qui célèbrent la naissance du collectivisme mondial. Jean Malfaict y est envoyé pour, avec tous ses confrères, couvrir l'événement. En cours de route, il a appris le suicide par "impatience" de son supérieur, Morbihan, pressé d'abandonner son corps matériel pour converser avec les esprits. Ce cas n'est pas isolé. La jeune femme, assise en face de lui dans l'avion qui l'amène à Rome, en témoignera également, puisqu'elle sautera de l'avion au-dessus de Milan, prétendant faire voler son corps subtil dans l'atmosphère éthérée. Malfaict en déduit que le nombre des psychopathes est en nette augmentation.
    Arrivé à Rome, il en profitera pour dénicher une interview inédite. Celle d'"Ultimo Pietro", le pape déchu de la secte chrétienne, un vieillard cacochyme, habitant dans un immeuble populaire, sans aucun pouvoir ni gloriole:
    "Il lut tout en bas de la dernière page, à la dernière ligne : «Ultimo Pietro, rue de la Tombe, n° 33, surnommé Saint Père et Pape. Chef des croyants. Reçoit beaucoup. Fait du spiritisme, de l’exorcisme, dit la bonne aventure et des formules magiques. »  -Tiens ! serait-ce le type à interviewer, dont le Président m’a parlé ?... L’après-midi est belle, une promenade me fera du bien et une interview avec cet homme sera un début original pour ma tâche de journaliste à Rome."
    Il aura du mal à le rencontrer car ce dernier, ayant troublé l'ordre public en annonçant des temps nouveaux, sera mis en prison et aussitôt mystérieusement libéré par un être singulier habillé d'un manteau bleu qui dit s'appeler Elie le Thesbite.
    En attendant, les fêtes se préparent en vue d'exalter les vertus de la société collectiviste qui a fait disparaître en chacun l'angoisse existentielle. Tout a été réduit au corps et à la finance. Les femmes sont achetées et vendues comme esclaves. Cela semble d'ailleurs leur plaire. Ainsi en est-il de la merveilleuse Dolorès, la compagne achetée par Malfaict, dont il est éperdument amoureux. La jouissance est la seule occupation de chacun et quand rien ne va plus, le suicide est autorisé, encouragé. Mourir n'est plus qu'une formalité administrative que remplissent , sans aucune émotion, les individus fatigués de la vie:
    "(...) l’inhumation des corps, comme on le faisait anciennement, accompagnée de rites religieux ou officiels, n’existait plus ; les moments ou les cérémonies de la mort et de l’enterrement étaient réduits à leur expression la plus simple et se faisaient le plus rapidement possible. Le service mortuaire de la ville de Rome, bien organisé, disposait de nombreux camions-corbillards, d’ailleurs indispensables pour la province romaine, très étendue. Celui qui décédait chez lui ou mourait sur la route n’encombrait pas longtemps les vivants ; il suffisait d’indiquer l’endroit, la rue et le numéro, et, quelques instants après, le corbillard chargeait le cadavre, le transportait au four crématoire où, en un clin d’œil, tout était pulvérisé. Cela se passait ainsi aussi bien pour le haut fonctionnaire de la ville que pour l’homme de la rue ; il n’y avait que les tarifs qui différaient. Un autre département du service mortuaire était l’exploitation du suicide. Comme quatre-vingt dix sur cent des humains mouraient d’une mort volontaire, ces institutions étaient généralement très prospères et constituaient une source de revenus appréciables. Tout était arrangé pour que cela se passât facilement et agréablement. Contre paiement d’un supplément, on provoquait une atmosphère spéciale, d’après l’espèce de mort que le client désirait. L’institution occupait un vaste terrain et comptait une série de bâtiments magnifiques, très en vogue auprès du public et s’adaptant parfaitement à l’opinion générale de la collectivité. Tel l’homme, telle la mort !"
    Quant aux enfants, ils sont élevés, vendus et achetés dans des fermes d'Etat pour la plus grande joie du capitalisme.:
    . -Les garçonnets quittent à l’âge de sept ans, docteur ? -A huit ans, Monsieur Malfaict. A cet âge, ils deviennent la propriété de la collectivité. Alors nous sommes obligés de les céder au prix convenu ; on les incorpore dans tel ou tel métier, d’après leurs aptitudes ou leur goût et on les spécialise. Les fillettes, par contre, restent la propriété de la firme ou des particuliers jusqu’à l’âge de dix-huit ans ; elles ne deviennent complètement libres qu’à partir de ce moment. Nous devons les instruire jusqu’à douze ans. -A quel âge les vendez-vous le mieux, docteur ? -De quinze à seize ans. -La firme fait-elle de bonnes affaires ? -Votre question est plutôt indiscrète, Monsieur Malfaict, mais je puis vous répondre affirmativement ; ce n’est pas étonnant, d’ailleurs, car nous ne nous occupons que d’une marchandise d’élite. Tout enfant normal est soigneusement examiné  à la naissance et tout ce qui est jugé être de seconde qualité va directement aux fours crématoires. Les bons produits, par contre, sont soignés méticuleusement et bien enseignés. La demande surpasse toujours l’offre. -Alors, vous n’avez que peu ou pas de réserves, docteur ? -Non, il y a chaque année un petit restant que nous exploitons nous-mêmes ; les lois de l’Union nous autorisent à en disposer jusqu’à l’âge de dix-huit ans ; après leur seizième année, il n’y a plus aucun moyen d’en obtenir de hauts prix".
    Il est étonnant, dans un tel monde, que la viande de boucherie d'origine humaine ne soit pas encore disponible sur les étals! Tout le monde profite donc au maximum de la vie (femmes, sexe, cigares, nourritures fines, etc.) Pourtant, ce monde semble condamné. Elie le Thesbite réapparaît en plusieurs lieues pour annoncer la venue du Christ selon les canons définis par l'Apocalypse de Jean. Assur - en réalité Satan- jubile en attendant le jour où il règnera définitivement sur la Terre. Il est convaincu, à juste titre d'ailleurs, que la totalité de l'humanité lui appartiendra. Son unique enjeu est d'arriver à convaincre le libre-penseur Malfaict et le gagner à sa cause. Jean deviendra ainsi, à son corps défendant, le dernier homme libre et celui qui, par sa décision, rédimera ses frères humains.
    En attendant, dans les fermes d'Etat, naissent des monstres. Les tremblements de terre, de plus en plus forts, de plus en plus fréquents, rythment le jour des festivités lorsqu'un rassemblement inouï de personnes à la gloire de Satan défilent devant les yeux de Malfaict:
    "Trente chevaux noirs ailés étaient attelés devant un char en or de dimensions gigantesques. Leurs pieds ne touchaient pas le sol, mais se mouvaient fièrement quelques mètres au-dessus du pavement ; leurs ailes, larges et fortes, battaient en cadence ; leurs bouches et leurs narines exhalaient du feu ; les roues tournaient également au-dessus du sol ; la grande masse glissait sur l’air. Le char était en forme d’un escalier, haut de cinquante mètres, dont les marches étaient en or et en pierres précieuses ; de magnifiques anges d’enfer étaient agenouillés sur les marches, la tête inclinée en adoration, les mains jointes ; sur leur svelte dos rose pendaient leurs ailes noires repliées; au-dessus de l’escalier se dressait une lourde T dont les poutres étaient en métal précieux…contre l’étendard de l’enfer s’appuyait Nathanaiël Assur, grandiose et triomphant ! -Salut à la Thau ! Gloire à la Thau !
    C’était le cri triomphal des millions d’hommes devant lesquels le char défilait. Jean et Dolorès regardaient le cortège par une fenêtre ouverte de l’hôtel Universo"
    En effet, Assur a réussi à convaincre les hommes, par la voie des médias et sa propre force de persuasion spirituelle, qu'il s'engagerait à côté de l'humanité pour combattre le Dieu si injuste qui a décidé de leur mort. Son succès est immense et le signe rouge de la Thau brille sur tous les fronts, comme le sera dans le futur au bras l'emblème nazi de la Svastika. Déjà, Jérusalem n'est plus. A sa place, à l'endroit exact de l'ancien Golgotha, s'est élevé un gigantesque volcan:
    "Une terrible secousse fit trembler la colonne ardente ; pendant quelques minutes elles flamboya avec une nouvelle ardeur et puis s’éteignit brusquement sous un hurlement infernal. Plus blanche que la neige apparut alors la Colline des Crânes, baignée par la lumière d’un soleil invisible, près de laquelle la lumière solaire de la terre n’était qu’une ombre ; brillants et étincelants se trouvaient là, contre les flancs de la colline, des milliers de squelettes ; sur le sommet, une croix qui jeta des rayons aveuglants et qui scintilla comme le diamant…puis, la Colline se détacha de la terre, de la terre maternelle brûlée et monta tout droit vers le ciel où elle disparut comme une comète lumineuse dans les hauteurs incommensurables de l’Espace. A l’endroit où se dressa autrefois le Golgotha, il ne restait plus que le triste plancher vide et noir de la terre brûlée."
    Malfaict, accompagné par Dolorès, gagnée  à la grâce divine et sûre de la venue de l'apocalypse, se rend sur les lieux. Il contemplera comme témoin final l'immense armée des morts qui se succèdent devant la Jérusalem céleste. Assur apparaît maintenant dans toute sa gloire et triomphe. Il pense dominer le Temps, le Monde, la Mort, le Mouvement et surtout Dieu. mais Malfaict, le dernier homme, gagné enfin à la vérité spirituelle, les yeux dessillés,  mettra sa confiance dans le Christ juste avant que la terre ne disparaisse dans le chaos final:
    "Jean Malfaict et la Mort moururent dans les bras l’un de l’autre. Les mondes entrèrent en collision dans l’Espace ; la terre se crevassa, vola en éclats, qui, incandescents, se heurtèrent contre d’autres mondes… Tout brûla, bouillonna, trépida, hurla et tonna un instant dans l’espace et il ne resta plus rien des soixante-dix centaines de fois les soixante-dix centaines de milliers de mondes ! Le Mouvement fut écrasé dans le dernier heurt des mondes et le temps se mourut dans l’Eternité. Le vain néant plana de nouveau dans l’Espace… et dans le Néant retentit le son des trompettes des anges qui nous appelleront vous et moi à comparaître au dernier jugement."
    Avec Les Derniers jours de la Terre de Jef Scheirs on est devant une oeuvre troublante. Incontestablement une oeuvre eschatologique, un brûlot stigmatisant les incroyants, une oeuvre d'édification morale mais aussi un roman de science-fiction. la description de cette société utopique et matérialiste est extraordinaire de vérité du même niveau que peut l'être le "Meilleur des mondes" de Huxley. L'intrigue, qui se déroule le plus souvent sous la forme de dialogues, met en présence deux personnages hors du commun, Assur et Malfaict. Le personnage du "Maudit" se situe bien dans la vision d'un catholicisme début de siècle qui associait le satanisme aux Juifs et à la franc-maçonnerie (Léo Taxil n'est pas loin). Les interventions constantes des prophètes, parfois lourdes, sont heureusement rachetées par la destruction jubilatoire d'une Terre condamnée. Au final, nous sommes devant une oeuvre rarissime et curieuse qui, malgré son atmosphère symboliste et spiritualiste, méritait de figurer dans notre bibliographie.