Aller au contenu

bdd_livre.png.38ca27d0c9044ccbdbae2e058729c401.jpg

Bienvenue dans la Base de Données des livres !

Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !

Accédez au flux RSS :

Livres

  1. Type: livre Thème: la cité foudroyée, savants fous et maîtres du monde Auteur: Charles M. PIERRE-PAIN Parution: 1936
    Hector Gansen, savant atomiste, rencontre un ancien camarade de classe Mignot, devenu clochard. Pris de pitié en face de l’infortune, il lui offre à manger et imprudemment lui dévoile les secrets qu’il a arrachés à l’atome, c’est-à-dire la possibilité de transmuter les éléments, de les rendre plus lourds ou plus légers, de les faire exploser en une déflagration  inimaginable. Mignot, qui est une franche crapule, assassine Gansen et lui vole ses inventions. Quelque temps après, Paris est menacé par un chantage: des tonnes d’or devront être livrées sinon la ville sera détruite quartier par quartier et, pour montrer qu’il ne s’agit pas d’une plaisanterie, le quartier de l’Opéra saute, entraînant ruines et destructions:
    " Un homme se jeta contre la voiture, bosselant le capot de ses poings, hurlant des paroles insensées. Une femme filait, les yeux exorbités, muette, serrant entre ses bras le cadavre d’un enfant sans tête. (...) Un gros camion poudré de ciment grondait, patinant dans une mare de sang, n’arrivant pas à démarrer avec son chargement de cadavres. (...) Parfois, de grands pans de murailles perdaient un équilibre que l’horrible secousse avait fait instable et s’effondraient unissant dans le même écrasement les blessés à l’agonie et ceux qui venaient leur apporter le secours de leur courage et de leurs mains. "
    Roland, le fils de Gansen, est décidé à tirer l’affaire au clair. Il poursuit le  " fusoïde ", une sorte de dirigeable, qui vient chercher l’or entreposé sur une piste de l’aérodrome du Bourget, en vain, car il perd la trace des ennemis de l’humanité. Entre temps, Berlin, Londres puis Moscou ont été frappées à leur tour. Une bonne nouvelle arrive aux oreilles de Roland et de Jackie, sa petite femme adorée: on aurait retrouvé la trace des bandits en Afrique, à St Louis du Sénégal, puis à Abidjan.
    Aussitôt dit, aussitôt fait, Roland et Jackie, officiellement chargés de l’affaire, se rendent en Afrique. Lors d’une rixe dans une boîte de nuit, Roland est enlevé par ses ennemis. Jackie, avec le capitaine Lagrange, et en compagnie d’une troupe de tirailleurs sénégalais, s’engagent à leurs trousses à travers l’impraticable forêt vierge.
    Bien que les Noirs soient " tous (des) coquins couleur de cirage (qui) se réclament hautement de la qualité de citoyens français et empoisonnent notre administration de réclamations et de plats quémandages. ",  ils ont l’avantage de tous se faire tuer pour la France lorsque le groupe est attaqué par des Yacoubas féroces et anthropophages, à la solde des assassins. Seule Jackie survivra pour finir par rejoindre Roland retenu captif dans une grotte, repaire de Mignot et de ses acolytes.Réussissant à s’emparer de l’appareil à " alourdir " les métaux, Roland finira par avoir le dessus en faisant s’effondrer sur les infâmes brigands les tonnes d’or subtilisées et " alourdies ".
    Enfin, grâce au "fusoïde", ils rejoindront la civilisation. Convaincus que le redoutable appareil ne pourra qu’ "assassiner les peuples ", ils décident de le faire disparaître à jamais, en le coulant. Enfin un bon geste!
    Un récit dans la veine de la littérature populaire, au style vif, jouant avec les poncifs du "savant fou", tels qu’ils apparaissent dans les aventures de "Flash Gordon". On y relève aussi de la xénophobie, du racisme et de la haine. Un roman qui, bien qu’emblématique du genre, ne mérite aucune résurrection littéraire.

  2. Type: livre Thème: menaces idéologiques Auteur: F. CELVAL (aucune référence) Parution: 1935
    L’ingénieur Claude Cardan et son fidèle meccano Zanzi désirent faire apprécier au ministre de l’Air leurs nouvelles inventions « le rayon de la Mort » et mieux encore, le «Radiardant», capable d’incendier tous les moteurs électriques.  Malheureusement pour eux, ils se découvrent un ennemi en la personne de « Fulgur », un puissant industriel vendeur d’armes, créateur de la « Fulgurite », un explosif extraordinaire, et commanditaire d’une puissance étrangère souhaitant déclarer la guerre à la France. Heureusement, ils ont des alliés en les personnes de Lucienne Morand, secrétaire de  Fulgur et de son frère Robert, spécialiste en maquillages dans un cabinet de cire.
    Ecoeurée par les agissements de l’odieux Fulgur, Lucienne sauve Claude qui manque d’être assassiné par noyade. Déguisés tous deux par Robert sous les noms de Greta (pour Lucienne) et de Boris Horlevitz (pour Claude), ils seront engagés par Fulgur qui croit pouvoir s’approprier les secrets de Cardan.  Le jeune couple veille également à ce que Zanzi travaille avec eux. Fulgur est impatient d’observer le fonctionnement des armes nouvelles. Il programme un vol d’essai avec pour pilotes Claude et Zanzi. L’un des avions sera muni du Rayon de la Mort, l’autre du Radiardant. Zanzi et Claude qui dévoilent leur véritable identité à un Fulgur vert de rage éliminent les avions lancés à leur poursuite et font exploser le dépôt de Fulgurite dans le bruit et la fureur :
    « Un cratère s’ouvrait sous ses pas. Une détonation dépassant en puissance les plus formidables explosions, secouait le sol. Un torrent furieux de flammes jaillit jusqu’aux nuages, entraînant avec lui les rocs calcinés et les charpentes de fer rougi des ateliers. Toutes les usines, désarçonnées par la secousse, semblaient s’écrouler une par une dans le cratère formidable. Puis une pluie de décombres commença à tomber interminablement. Il ne resta plus sur le plateau aride et désert que des ruines informes pour attester l’emplacement où se trouvait, deux heures avant ces événements, la plus grande usine de guerre du monde. »
    Comme il se doit dans un si beau conte de fées, Fulgur meurt et Claude épouse Lucienne sur le conseil du ministre de l’Air. Quelle est belle la France de 1935 !

  3. Type: livre Thème: menaces cosmiques, menaces telluriques Auteur: Jacques SPITZ Parution: 1935
    Des pluies continuelles tombent sur l’Europe. Surviennent les tremblements de terre, les glissements de terrain, les tempêtes sans que l’on puisse imputer ces désordres météorologiques à une cause quelconque:
    " la situation devenait entièrement anormale. L’opinion publique, sans être précisément alarmée, se montrait nerveuse et inquiète. Les nouvelles les plus invraisemblables circulaient. On disait que le Japon, qui ne donnait plus signe de vie, avait été englouti par les flots; on disait que l’Angleterre, devenue île flottante, était partie à la dérive sur l’Atlantique; on disait encore que la mer allait disparaître. Que ne disait-on pas ? "
    Les tempêtes se déchaînent à un point tel que la Méditerranée n’est plus navigable. D’ailleurs la mer reste barrée par un brouillard gris épais. Il semblerait que le niveau de l’eau ait baissé puisqu’un nouveau tracé de côtes apparaît. D’autre part, l’on est sans nouvelles de l’Amérique alors que les savants  détectent une intensité volcanique majeure de la ceinture bordant le pacifique. Tout laisse supposer des événements telluriques d’une gravité exceptionnelle. Le doute est levé lorsque des secousses d’une ampleur inouïe qui détruisent les grands centres urbains sont ressenties par l’Europe entière:
    " Paris était découronné. La chute de la Tour Eiffel avait été suivie par celle du Sacré-Coeur de Montmartre et du dôme des Invalides. Les tours de Notre-Dame n’avaient pas mieux résisté. Elles dressaient leurs deux tronçons ébréchés derrière lesquels apparaissait curieusement intacte, la petite flèche de l’abside qui, plus fine, avait plié sans céder, comme le roseau de la fable. Les voûtes des églises, en s’effondrant, avaient fait une bouillie des fidèles qui s’étaient, - contrairement à toutes les lois de la prudence humaine, mais conformément au besoin du divin que faisaient naître les circonstances, - rassemblés dans les sanctuaires. Les âmes purent s’envoler librement par les trous béants, ouverts entre les colonnes de pierre. "
    Paris semble donc condamnée et toute la société désorganisée. Puis les éléments se calment. Issus des différents pays touchés (la Russie, l’Allemagne, la France, notamment), les commentaires à propos de l’événement n’apportent aucune lumière complémentaire. L’on constate que la Méditerranée se vide lentement de son eau et l’on est sans nouvelles du Nouveau Monde. Un avion de reconnaissance envoyé vers l’Ouest, revint avec d’effarantes informations: l’Amérique est introuvable, la Terre semble s’être scindée en deux suivant une ligne méridienne. Deux blocs terrestres coexisteraient, l’un constitué par l’Europe, l’Asie, l’Afrique et l’autre par les deux Amériques. Quant à la faille, elle ne serait plus visible puisque recouverte par une mer peu profonde et plane. Les deux moitiés du monde seront difficilement franchies par voie aérienne car il fallait planer en quelque sorte pour que les avions pussent s’arracher à l’attraction de la première moitié (l’Ancien Monde) afin d’aboutir à l’autre (le Nouveau Monde).
    Les contacts entre les deux parties seront rétablis laborieusement et la première des tâches envisagées est de stabiliser les flux d’émigrants de l’une vers l’autre. La distance entre les deux blocs ne dépassant pas 56 kilomètres de large, les transports du fret aérien s’adaptèrent. La mer séparatrice fut baptisée le Grand Canal. Tout déplacement restait périlleux et le nombre de traversées strictement limité à cause d’un vent violent s’engouffrant dans la fissure. Au-dessus des rares bateaux osant s’aventurer sur cette mer nouvelle, profonde de 200 mètres, une mer symétrique remplaçait dorénavant le ciel bleu:
    " Ils purent s’engager dans cette sorte de crevasse dont les deux parois étaient revêtues par la mer maintenue de chaque côté par l’attraction de la moitié du globe qui la portait. Ils observèrent que lorsque le soleil s’engageait vers midi, heure locale, dans la fissure de la terre, de même qu’il s’engage dans la fissure d’une falaise pour l’éclairer jusqu’en son tréfonds, on voyait alors au-dessus de sa tête un ciel étonnamment bleu qui n’était autre que la mer recouvrant la face de la fissure opposée. "
    Quelques îles (plutôt des pics) apparues en même temps que le Grand Canal furent l’objet des convoitises des deux Mondes. C’est ainsi que les Britanniques accaparèrent l’île Georges, au grand déplaisir des Américains.
    Comme les deux hémisphères ne se trouvaient pas en équilibre parfait autour du centre de gravité commun, ils se séparaient lentement l’un de l’autre. La largeur du Grand canal allait s’accentuant de manière géométrique. Les conséquences physiques et humaines de ce nouveau péril furent nombreuses : la gravité diminuait en proportion, l’eau ne bouillait plus à 100°, le feu s’allumait plus spontanément. Et surtout, le franchissement de ce qui représentait maintenant un abîme devenait de plus en plus hasardeux, les avions tombant dans le vide interplanétaire.
    Malgré des communiqués officiels rassurants, ce fut un second choc: tout contact avec le Nouveau Monde (du point de vue de l’Ancien) deviendra bientôt impossible, l’Amérique évoluant comme une planète étrangère au-dessus des têtes… A l’aide de fortes jumelles, les Européens pouvaient détailler les lumières des villes américaines et suivre les activités journalières de leurs habitants.  Le temps passant, et malgré les déclarations mutuelles de fraternité, malgré la position du Vatican qui permit l’instauration d’un second pape en Amérique, toute relation entre les deux mondes cessa définitivement. La distance qui les séparait était maintenant de 1000 kilomètres et augmentait de seconde en seconde. l’Europe se replia sur elle-même, s’occupant de ses affaires, tout en s’étonnant de  l’aspect de la deuxième lune qui croisait dans son ciel:
    " A mesure que l’obscurité se fit, la plage d’argent qui occupait la moitié du ciel ressortit avec plus d’éclat. Elle commença à se dorer légèrement, et bientôt ce fut une lune monstrueuse qui se trouva suspendue sur les têtes. Invraisemblable spectacle qui donnait involontairement le frisson! Qu’était ce monstre, surgi du fond du ciel, et tournant vers la terre comme pour l’engloutir, une gueule éclatante et silencieuse? Hélas! ce monstre n’était autre que la terre enfuie! "
    De jour en jour les conditions physiques empiraient. L’air plus léger, la gravité moindre multipliaient les accidents de toute nature. L’ascension des pics devint bientôt impossible et les cités d’altitude durent être évacuées. La mer, plus facilement houleuse, présentait des tempêtes énormes. Mais le pire était à venir. Les deux moitiés de la terre, en s’éloignant l’une de l’autre, allaient fatalement croiser l’orbite lunaire qu’elles menaçaient de collision: qui, de l’Europe ou de l’Amérique allait périr? En Europe, la collision fut jugée imminente par les savants. Tout le monde se prépara à la mort définitive de la terre. Les autorités mirent en place un Comité de salut Public dont le seul but était d’encenser la grandeur humaine, bientôt réduite à néant. Chaque être humain réagissait devant le danger en fonction de sa nature propre, qui en hédoniste, qui en moralisateur, qui par la religion. Mais la fin du monde n’eut pas lieu, du moins pour l’Ancien Monde: la Lune rata cette moitié de la terre.
    Après des explosions de joie, des congratulations mutuelles, les Européens surent avec certitude que le Nouveau Monde se trouvait désormais sur le trajet lunaire: l’Amérique allait donc périr. Alors, Ils s’installèrent pour assister au spectacle, non sans tristesse:
    " la vieille lune, que la mort semblait avoir rendu plus coriace, pénétra dans la terre comme dans un ventre mou. On vit l’écorce terrestre se déchirer, voler en éclats, la lune s’embraser, et un immense globe de lumière, lançant des jets de matière ignée dans toutes les directions, enveloppa le lieu du cataclysme. Durant un instant, ce fut un vrai soleil qui s’alluma dans la nuit. L’espace en devint bleu pâle; on put croire au retour du jour; et si grande fut l’intensité lumineuse, si brusque le jaillissement, que maints observateurs terrestres qui n’arrachèrent pas assez tôt leurs yeux de la lunette en devinrent aveugles. L’éclair, la boule de foudre, où s’étaient consumées 600 millions de vies humaines, s’éteignit. "
    Un roman-catastrophe étonnant dont l’hypothèse farfelue est cependant soutenue avec rigueur ce qui fait que, insensiblement, le lecteur se prend au jeu. Encore une fois, l’angoisse de la Seconde guerre mondiale se traduit par une catastrophe d’ordre cosmique permettant à l’auteur des coups de griffes à l’encontre des régimes politiques du moment.  Récit bien documenté, " l’Agonie du Globe " reste parfaitement lisible aujourd’hui et demeure un témoin important de la vitalité française du genre durant l’entre-deux guerres.

  4. Type: livre Thème: la nouvelle glaciation Auteur: A. VALERIE Parution: 1935
    Une société humaine blottie au sein d’une cité, elle-même calfeutrée sous terre et réchauffée par le volcanisme interne. Une cité régie avec toute la rigueur d’une science toute-puissante et omniprésente, soumise à l’appréciation d’un conseil des Sages. Un peuple dont le comportement est calqué sur celui des fourmis ou des abeilles. Unique moyen de faire perdurer les dernières traces de civilisation humaine largement décimée par les effets d’une nouvelle glaciation mondiale.
    Hégyr, jeune homme sensible et plus curieux que la moyenne des jeunes gens de cette société lymphatique, se voit chargé d’une mission de la plus haute importance par les Sages: celle de sortir de la cité et de vérifier si les glaciers reculent comme certains signes tendent à le prouver. Il quitte Aniéla, sa promise, s’avançant vers un sort redoutable muni de tous les perfectionnements techniques qui lui rendront la survie possible hors de la cité: casque de protection, trousse médicale, liaison radio constante:
    "A chaque découverte, il avait éprouvé des joies d’enfant. La vue de la première chaîne de montagnes avait fait battre son coeur.  En elles, c’était enfin la terre, la vraie terre, qu’il voyait, la substance du monde, sa chair nue, débarrassée de son manteau d’emprunt, qui n’avait pu partout s’y accrocher. D’énormes glaciers serpentaient à la base des pics, mais de place en place, la muraille de roches se dressait, apportant pour le plaisir des yeux, la diversité de ses teintes parmi l’immensité blanche."
    Il découvre que les glaciers ont fait place à une forêt qui abrite des humains primitifs, descendant des hommes restés à l’air libre au moment de la construction de la Cité. Grâce à sa science,  il sauvera la vie d’un jeune chef, Yagh, qui deviendra son ami. D’autre part, un sentiment tendre s’éveille en lui à la vue d’Eve, jeune fille primitive promise à Yagh. C’est tout un monde de sensations et d’émotions neuves, de sentiments nouveaux liés à la beauté brutale d’une nature vierge,  qui affecteront Hégyr en le transformant. Participant à une chasse à l’ours, blessé puis soigné par les sorciers, unissant son sang à celui de Yagh en signe de fraternité, Hégyr prend conscience de ce que la primitivité a de force et d’authenticité, ce qu’il oppose à la vie stérile et cloisonnée de la ruche.
    Comme émissaire de la Cité, il est tenu de rendre compte de la situation. Les Sages ne peuvent tolérer l’existence dans l’indépendance d’une tribu d’humains rétrogrades et antiscientifiques. Ils demandent à Hégyr d’obtenir leur allégeance à un mode de vie scientifique en les plaçant sous la domination de la Cité. Hégyr ne peut s’y résoudre. Il fait une tentative pour convaincre Yagh et le reste des chefs de se soumettre à la loi bienfaisante de la cité. Ceux-ci refuseront et ce sera la guerre.
    La Cité envoie pour les réduire,  d’énormes machines-robots. Yagh est fait prisonnier par l’une d’entre elles et emmené au sein de la Cité. Hégyr les suit. Il libère Yagh, se met derechef hors-la-loi, est capturé et attend sa sanction. Appelé par le Grand Sage mourant, il apprend avec stupeur de sa bouche que la Cité a fait son temps, qu’il a été désigné comme intermédiaire entre les primitifs et la Cité et que c’est grâce à lui que les habitants souterrains s’ouvriront à la nature libre puisque les temps ont changé :
    "Nous le savons déjà! dit,  avec dépit, l’un des Maîtres. L’existence de ce peuple inconnu peut être considérée comme un affront à l’orgueil de notre science. Les siècles de recherche, de calculs et de déductions subtiles ont conduit nos ancêtres, et nous ont conduit à conclure que la planète toute entière n’était qu’un astre mort, aussi mort que le monde lunaire... Nous vivons sur cette conviction depuis des milliers d’années. Et, depuis des milliers d’années, la vie a continué de s’épanouir à la surface, narguant tous nos systèmes et toutes nos théories!"
    Mais cette adaptation prendra du temps, beaucoup de temps. Le Grand Sage lui demande de résider dans la Cité afin d’assumer une nécessaire période de transition. Hégyr, fidèle à lui-même, dit adieu à Yagh, retrouve Aniéla et referme définitivement les portes sur lui et les siens.
    Roman sensible, composé avec une opposition très nette entre deux aspects du monde: celle des technocrates et celle des primitifs. Vision de ce que cette vie, dite "primitive" peut apporter de potentielle vitalité à une humanité défaillante. Description fouillée d’un thème qui sera souvent repris, celui de la vie en vase clos (voir à ce sujet" la Cité et les Astres" de Clarke ou "Captifs de la cité de glace" de  Gary Kilworth). Ce roman a été magistralement adapté par Pellos en bande dessinée sous le titre de " Futuropolis ".

  5. Type: livre Thème: menaces idéologiques, guerres futures 1 Auteur: Henri SUQUET Parution: 1935
    Sarnain, garçon franc et rieur, intelligent aussi, en 1ère  au lycée Ronsard à Paris, vit une curieuse aventure avec ses amis Raget, Bigounas et cie. Ayant l’amitié du professeur Philippot, il survient dans le laboratoire de celui-ci et le trouve à l’article de la mort.  Le professeur, un grand savant, essaye de lui faire comprendre qu’il lui faut détruire les documents cachés de son invention, car convoités par une puissance étrangère, dans l’intention de faire sauter la ville de Paris.
    Le soir venu, à l’insu des autorités du lycée, Sarnain et sa bande se glissent à nouveau dans la laboratoire, fouillent et découvrent les papiers à détruire d’urgence. Mais, à leur grande épouvante, l’ennemi est déjà dans la place, en la personne d’un lourd espion allemand du nom de Bachkorft, qui leur reprend les papiers et disparaît. Alors que le petit Thécret s’empoisonne  en passant devant un appareil à rayons X surpuissants, Sarnain, sur la piste de Bachkorft, est kidnappé par ce dernier. Thécret, de son lit d’infirmerie, découvre un fil de cuivre qui sort d’une maison proche du lycée : c’est l’antenne reliant Bachkorft à l’Allemagne lui servant à communiquer sa trouvaille :
    « Hoch ! Wie schwer, du heiliger Gott !!! Cela est lourd tant de saucisses coulantes… Schöne Restauration… Bon Restaurant – Sakrament – s’il savait qu’il a l’honneur de nourrir Herr Professor Bachkorft, de la section spéciale du Führer. – Heil !- Quelle gloire ! Hoch ! Je vais envoyer la dépêche, enfin ! Et sous les yeux de ce sale petit Français, Schweinhund ! Et dans huit jours, avec la grâce du Führer – Heil !- Paris kaput ! France kaput ! Europe kaput ! Hoch ! Hoch ! Kolossal !!! Et tout cela, tout cela à cause du Herr Professor Bachkorft. Heil ! Heil ! »
    Avertie par Thécret, la bande passe à l’action, neutralise l’espion en expérimentant sur sa personne leurs connaissances théoriques en électricité: au moment même où Bachkorft s’apprête à émettre, il est électrocuté. Tous ses amis au complet, Sarnain en tête, révèlent la vérité au censeur du lycée Ronsard qui les félicite chaudement pour leur patriotisme.
    Une courte nouvelle qui fleure bon la vieille France franchouillarde et la tartine beurrée d’un temps scolaire irrémédiablement révolu. Le style de Suquet, lisible et amusant, rachète quelque peu celui de « la Guerre des forces».

  6. Type: livre Thème: épidémies, savants fous et maîtres du monde Auteur: Bob SLAVY Parution: 1935
    Le docteur Athanase Tigraphos rencontre le jeune ingénieur Hugues Debent pour lui faire une mystérieuse révélation : dans quelques jours, pour différentes raisons, l’humanité entière sera réduite à néant par lui, Tigraphos :
    " Nous ne voulons retenir aujourd’hui que les (= causes) deux principales : Ce sont la surpopulation de l’Europe centrale et le partage défectueux des masses humaines sur la terre, car ce n’est pas la place qui manque sur notre globe, mais surtout l’esprit d’équité pour assigner à chacun la place et la possibilité de vivre confortablement. Le poison nationaliste, régnant en maître dans tous les Etats soi-disant civilisés, mettant obstacle au bon vouloir de ceux qui voudraient remédier à cette injustice, j’ai résolu, moi, d’opposer à ce même poison un contre-poison purificateur."
    Il confie à Hugues, jugé sur sa bonne mine et ses compétences, un antidote puissant qui devrait le prévenir, lui et les siens, contre le mal qui va s’abattre sur la terre. Bien que ne connaissant pas Tigraphos mais subjugué par son charisme, voire hypnotisé par le savant, Hugues accepte le médicament.
    Il n’est pas le seul à être sauvé puisque Tigraphos, dans un  souci de " purification " prévoit la survie d’une nouvelle société constituée par des êtres neufs choisis par lui et son contremaître, Haller, pour en faire le noyau d’une nouvelle civilisation dont il deviendrait le maître absolu.
    Le cataclysme a lieu : les êtres humains meurent en quelques heures,  frappés par une espèce de peste foudroyante qui a la délicatesse de réduire les cadavres en  poussière :
    " Et le fléau franchit les mers, s’infiltra dans les recoins les plus éloignés de la terre et sur toutes les îles, n’épargnant ni âge ni couleur de peau. Les immunisés virent, avec épouvante d’abord, avec tristesse ensuite leurs concitoyens tomber comme des mouches. Les corps, à peine tombés, se réduisaient rapidement à l’état de poussière, ce qui évitait aux survivants la peine de les inhumer (…)
    Les vêtements devenaient flasques, et, après une heure tout au plus, ne contenaient plus qu’une poussière fine et jaunâtre. Selon les constatations des médecins, en suite d’autopsie, la mort survenait par décomposition du sang, c’est-à-dire par étouffement intérieur, ainsi que cela a lieu dans les empoisonnements par oxyde de carbone. Aucune des victimes ne se doutait de sa fin imminente –le poison agissait trop vite. – Quant à la décomposition rapide des cadavres, on ne pouvait en expliquer la cause. "
    Hugues, par l’entremise de Haller, est chargé d’organiser la société survivante N°1, celle d’Algarve, au Portugal. Avec ses parents et sa fiancée, il s’attelle à la tâche. Incidemment, il apprend qu’un autre groupe s’est installé près de Los Angeles, en Californie et que le Maître a fondé sa capitale à Oahoa, dans les îles polynésiennes. Au bout d’un certain temps, Hugues est mandé par Tigraphos.
    Il se rend à Oahoa par le moyen d’un avion remis en exploitation. Il atterrit dans une île paradisiaque, aux bâtiments magnifiques, constructions réalisées autant en style byzantin que romain. L’influence musulmane et orientale s’y fait sentir puisque pièces d’eau, jardins intérieurs, puits de lumière, parcs ordonnés et piscines y abondent :
    " L’ensemble formait un amalgame de tous les styles régnant dans les pays maintenant déserts. L’entrée unique et monumentale, située sur le côté ouest, était accessible par un large pont de marbre blanc à balustrades finement sculptées. Elle était flanquée de deux minarets en pierre blanche reliés entre eux par une coupole de " Kouba " arabe, sous laquelle passait le chemin débouchant du pont.
    L’un des minarets devait abriter un corps de garde à son rez-de-chaussée, l’autre le logement du concierge. La porte d’entrée était constituée par une forte grille en fer forgé et sculpté. En franchissant cette porte on débouchait sur une grande esplanade carrée au fond de laquelle se dressait un bâtiment de style florentin, -le futur hôpital et laboratoire modèle.
    A gauche de l’entrée s’allongeaient les édifices d’un "Gymnase ", de style grec antique, avec ses dépendances pour la natation aboutissant au lac nord. A droite et séparé de l’esplanade par le canal transversal, s’élevait l’édifice massif du " Harem ", auquel on accédait par un pont semblable à celui de l’entrée. "
    Après une troublante entrevue avec le Maître, ancien médecin, celui-ci révèle à Hugues le caractère hermaphrodite de celui-ci: Hugues est en réalité une fille mal formée! Une petite opération corrigera cette bizarrerie de la nature. Hugues accepte de la subir. L’opération réussie, " Huguette " prendra place dans le harem océanien du Maître, composé de :
    " filles fort jolies, de bonne maison et, en partie même, de haute lignée. Il y avait là des demoiselles bien élevées provenant des familles de riches industriels et de financiers, des vedettes de l’écran et du théâtre, des "girls" de profession et des acrobates de renom. Choisies avec un soin méticuleux parmi les plus saines et les plus robustes, toutes étaient parfaites de corps et de visages et certaines avaient des charmes tout particulier. "
    Soumise à un rituel compliqué de type sado-masochiste, Huguette subit les assauts de la baguette de la " Kadine " Adidjé :
    " Sur un signe de la Kadine, les servantes, deux robustes femmes dayacks, saisirent la jeune fille et, malgré sa vive résistance, l’étendirent sur le socle à lavages, en lui fourrant une pile d’oreillers sous le ventre. Puis, tandis que l’une lui maintenait les bras et l’autre les jambes écartées, Adidjé, prenant une souple cravache de cuir pendant à sa ceinture, signe extérieur de son autorité, se mit à fouetter ses fesses saillantes et rebondies. "
    Elle l’initie à des cours de danse compliqués et pervers qui dévoilent tout de son intimité, aux sports équestres à cru sur le cheval, à la gymnastique dépouillée et vigoureuse des anciennes spartiates. Rien ne lui est épargné, ni les coups de brosse sur ses fesses nues, les coups de verge sur le sexe et la poitrine (remodelée artificiellement), ni les entraves compliquées qui crucifient encore davantage un corps déjà supplicié. Elle s’adonne aux joies du saphisme et de la pédophilie à la grande satisfaction du Maître qui célèbre en ce harem la création de son nouveau monde " purifié " :
    " Comme beaucoup de Turcs et pas mal de Grecs, Tigraphos était un adepte passionné des pratiques homosexuelles. On ne s’étonnera donc point qu’il eût entrepris de se faire dresser un certain nombre de " Sian Kon ", ainsi que les nomment les Chinois. Ce sont des jeunes gens qui, depuis leur âge tendre, sont soumis à certaines opérations et certaines pratiques qui les rendent aptes, plus tard, à jouer le rôle de femmes auprès de leurs adorateurs. "
    Les jours se succèdent en chants et danses érotiques, tout confits en sucreries et plaisirs raffinés avec, parfois, la joie de pouvoir servir le Maître plus concrètement.
    Huguette,  amoureuse de Tigraphos enchanté par de si louables dispositions,  devient la " première épouse " avec rang de commandement sur les quarante autres, ainsi que sur tous les esclaves, eunuques, femmes chinoises, éthiopiennes, océaniennes, arabes, etc. qui servent la race blanche " élue ".
    Le maître s’enferme dans ses jeux érotiques jusqu’à couper les ponts avec les autres groupes américains et portugais.
    Le père Debent, ancien colonel, resté en Algarve et mécontent d’avoir vu disparaître son fils en Océanie, sans nouvelles de lui et mis au courant de l’existence du harem, entreprend une expédition afin de libérer les " malheureuses esclaves " et d’établir la vraie démocratie. Mal lui en prend. Arrivé à bon port, se présentant devant Tigraphos, le colonel doit admettre sa défaite. Bien peu de jeunes femmes acceptent de le suivre et surtout pas Huguette, enchantée par sa nouvelle vie. Ce qui amènera sur les lèvres du Maître cette expression désabusée :
    " Voilà bien l’ingratitude humaine. Je les débarrasse de leur vermine et eux ils viennent m‘escamoter mes femmes. "
    Un roman-catastrophe alibi dont le seul but est de nourrir les fantasmes sado-masochistes de l’auteur (et du lecteur), charriant à l’arrière-plan l’idéologie habituelle à ce genre d’ouvrage : réactionnaire, raciste et xénophobe. La domination radicale du mâle sur la femme, la dénégation de la raison humaine, la dictature d’un tyran d’opérette, d’autant plus insensible à ses sujets qu’il prend plaisir à les torturer, rend ce livre pénible à lire. Celui-ci n’appartient au genre que par accident.

  7. Type: livre Thème: menaces telluriques, la nouvelle glaciation Auteur: Fernand HENDRICK (aucune référence) Parution: 1934
    Deux intérêts narratifs se partagent le récit. Le premier concerne l’amour qu’Henri Dartan, astronome âgé, éprouve envers sa filleule Adrienne qui veut épouser Jean Dantinne, un jeune homme plein de fougue et héros de l’histoire. Cette intrigue recoupe la deuxième, qui est l’évocation de la catastrophe frappant la terre et la description sociologique de ses conséquences. Pour une cause inconnue, la rotation de la terre diminue régulièrement , le freinage va en augmentant jusqu’à l’arrêt. La Terre présenterait alors constamment la même face tournée vers le soleil et l’autre plongée éternellement dans une obscurité profonde:
    " La lune comme vous le savez nous montre toujours la même face: fixité relative. Mais ce qui donne le plus de poids à ma conviction, c’est l’exemple des planètes intérieures Mercure et Vénus. Schiaparelli a démontré que ces deux astres, dans leur mouvement de translation, présentaient inlassablement la même face au soleil. Il est permis de supposer que cette fixité relative a succédé à un mouvement de rotation pareil à celui de la terre et des planètes supérieures. Et alors, en bonne logique, il y a lieu de penser que la cause mystérieuse qui va enrayer la giration terrestre, après avoir fixé Mercure et Vénus, agira successivement sur les autres planètes dans leur ordre distinct d’éloignement du soleil. Reste à déterminer quelle est cette cause. Jusqu’à présent je dois avouer qu’aucun indice ne nous permet de l’entrevoir. "
    Le grand problème est de prévoir quel hémisphère sera plongé dans les ténèbres et lequel sera tourné vers le soleil. Que deviendront les masses humaines stagnant dans l’obscurité et le froid? Finalement seules les deux Amériques resteront face au soleil, ce qui est normal pour l’auteur puisque l’Amérique est  "la lumière illuminant le monde ". Très vite, les campagnes deviennent inhabitables et vers tous les ports européens converge un monstrueux flot humain. Des chutes de neige se produisent sans arrêt, le gel  s’étale en couches épaisses dans les villes. Dartan, qui se sacrifie en restant en France, se promène dans un Paris moribond:
    " En traversant la place de la Concorde toute blanche sous la lumière crue des projecteurs, une impression soudaine d’indicible détresse m’a saisi à la gorge. Je me trouvais seul au milieu d’un désert glacé. Nulle vie, nul mouvement. Une bise aigre soufflait. Au-dessus de mon gros paletot d’hiver, j’avais endossé ma pelisse de loutre et je marchais d’un pas rapide, frappant le sol de mes bottes fourrées. Néanmoins, j’étais gelé, transi. Sous ces stalactites de glaçons, irisées par la lueur des lampes, le Carrousel semblait le portique irréel d’une fantasmagorique cité. Comme fond de tableau, la masse sombre du Louvre, gigantesque monstre accroupi dans l’ombre, me barrait la route."
    En attendant, les Américains débattent de l’opportunité d’accueillir des survivants. Ils ont beau être libéraux, les faits sont là:  tout le monde ne pourra trouver place au paradis. Quels vont être les critères de sélection? L’on tirera au sort les heureux élus en excluant les désaxés, les fous, les hommes au-dessus de dix-huit ans, les impotents et les autres (s’il en reste!). Les races américaines étant des races "saines", il est normal, comme le dit un Sénateur, que les Noirs soient exclus de la terre promise:
    " la race noire est restée , même en Amérique, une race mineure. Que dire alors des nègres d’Afrique, que soixante-dix années de contact avec les Blancs n’ont su tirer d’une demi - sauvagerie, que le christianisme même n’a pu élever bien haut sur l’échelle des valeurs morales et sociales. "(…) " C’est la préservation de la race blanche, la conservation des caractères ethniques de cette race qui fait la grandeur du genre humain ". Et, selon ce même Sénateur: "Allez-vous permettre l’altération des formes physiques, l’adultération du sang et enfin le ternissement de cette blancheur chaude et nacrée qui fait la beauté de nos femmes, le charme de nos enfants, l’orgueil de nos races? "
    Quant à la dernière catégorie d’exclus: " Numériquement, elle est de loin la plus faible. Du point de vue social, elle est la plus dangereuse. Je veux parler de ces semeurs de troubles, de ces fauteurs de désordre, de ces agitateurs, de ces fanatiques dont l’Europe et l’Asie n’ont que trop souffert: séparatistes, bolchévistes, anarchistes, extrémistes de droite et de gauche, illuminés et faux-prophètes de toute espèce et de tous acabits "
    Leur introduction en Amérique provoquerait la "démoralisation des classes inférieures, la rébellion contre l’autorité, la ruine de l’ordre social et de la civilisation ".  De la même manière, l’auteur vitupère " l’art décadent ", la mode féminine et le comportement laxiste des jeunes.
    " L’Agonie dans les ténèbres ", par son outrance rhétorique est caractéristique d’un courant idéologique ultra-nationaliste, empruntant la voie romanesque, plus particulièrement le genre utopique, pour évoquer l’émergence d’un ordre nouveau prêt à balayer la décadence. Une telle attitude n’est pas isolée. Les fantasmes d’ordre se retrouvent aussi ailleurs, comme par exemple dans " le Duc Rollon " de Léon de Tinseau. La fin du monde est prétexte à un renouvellement social selon les vœux de leurs auteurs.

  8. Type: livre Thème: l’apocalypse réalisée Auteur: Thomas MURECAY Parution: 1934
    Une pièce en trois actes et quatre tableaux qui met en scène le Seigneur, fatigué de l’impertinence et de la cruauté des humains. Durant le jugement de Jeantilou, un condamné à mort décapité à tort, défendu par l’ange Patifol, Grégoire, ex-souverain Pontife, et le Suicidé, ex-professeur de philosophie, attendent leur tour, ce  qui met le comble à l'irritationde Dieu :

  9. Type: livre Thème: l’entropie progresse... Auteur: John W. CAMPBELL Parution: 1934
    Jim Bendell a pris à son bord le narrateur qui lui racontera son histoire. Venu d’un futur lointain de sept millions d’années, il appartient à l’année 3059. Une erreur d’appréciation lors de son retour l’a fait revenir à notre époque. En ces temps lointains, il a observé une terre quasi-morte, gouvernée par des machines vivantes, auto-entretenues, auto-régulées :
    "  L’univers change lentement. Seule la vie est instable et de peu de durée. Pour la Terre, ces huit pauvres millions d’années n’étaient pas plus que huit jours dans la vie d’un homme…Mais c’était assez pour que l’espèce humaine eût le temps d’agoniser. Oh ! Certes, elle avait laissé derrière elle un héritage de machines. Mais les machines aussi mourraient forcément un jour, et elles ne s’en rendaient même pas compte. "
    Les rares cités étaient abandonnées depuis des temps immémoriaux, livrées aux machines mais prêtes à ressusciter pour tout être humain arrivé en leurs murs :
    " Il faisait nuit. Je pouvais apercevoir la cité toute proche baignant dans le clair de lune. Toute la scène avait un aspect étrange. En sept millions d’années, les hommes avaient fortement changé les positions respectives des planètes à force de faire circuler leurs astronefs, de disperser les agglomérats d’astéroïdes, que sais-je ?… Sept millions d’années constituent un laps de temps suffisant pour que la nature elle-même change d’aspect. La lune devait probablement se trouver plus éloignée de la terre de 80.000 kilomètres et elle tournait maintenant sur son axe. J’observai le ciel un bon moment  et remarquai que les étoiles elles-mêmes avaient changé ; "
    Il put aussi prendre un astronef à destination de Mars où régnait  une désolation sans bornes.
    De retour dans l’immense cité de Yohk, il y rencontra un groupe d’humains de ces temps étranges. Profondément transformés au physique, présentant une grosse tête et un corps débile, ils l’étaient aussi au moral. D’un abord convivial , très intelligents, prêts à aider le voyageur à réintégrer son époque, il leur manquait cependant la curiosité ainsi que la volonté qui sont le propre de l’homme contemporain :
    " Et maintenant les derniers représentants d’une espèce humaine qui s’amenuisait peu à peu n’avaient plus auprès d’eux d’autres êtres vivants dont ils pussent faire leurs successeurs. Antérieurement, chaque fois qu’une civilisation s’était écroulée, une autre avait poussé sur les décombres de la précédente, mais maintenant il n’existait plus qu’une seule civilisation. L’homme et certains végétaux exceptés, toute forme de vie avait disparu. "
    Leur art essentiel consistait en un chant, " le Chant des Regrets ", d’une nostalgie absolue :
    " (Le chant) était comme la quintessence d’une ultime défaite. Qui n’aurait pitié d’un homme perdant une partie décisive après avoir tout fait pour la gagner ? En entendant ce chant, on revivait le gigantesque effort de toute l’humanité – un effort aboutissant à une déroute. Déroute irrémédiable, car jamais l’humanité ne trouverait l’occasion d’une revanche. "
    Sous la direction du narrateur, ils réussirent à rassembler les éléments manquants de sa machine, ce qui lui permit de revenir vers aujourd’hui, un temps présent certes dangereux mais où subsiste encore l’espoir.
    " Crépuscule " fait partie du recueil de nouvelles " le Ciel est mort ", dans lequel Campbell explore le futur insondable de l’espèce humaine. Désespoir et désolation caractérisent le récit, apportant une tonalité sombre dans le champ triomphaliste de la SF des années trente aux USA.

  10. Type: livre Thème: Adam et Eve revisités, le dernier homme Auteur: Régis MESSAC Parution: 1934
    Ceci est un roman épouvantable. C’est l’histoire triste, traitée  avec une ironie désespérée par le narrateur, du dernier groupe d’enfants survivants à la surface du globe.  Tout commença ce jour où, après de nombreux pas de deux, le conflit mondial éclata enfin, coup de tonnerre dans un ciel  serein. Gérard Dumaurier, futur dernier survivant adulte était en train de faire visiter les grottes de Lozère à un groupe d’enfants tuberculeux,  lorsque les gaz des belligérants produisirent une réaction en chaîne dans l’atmosphère qu’ils polluèrent complètement et que de grands tremblements, des cyclones et autres joyeusetés ébranlèrent le monde.
    Eux seuls -Ils n’auront aucun moyen de le vérifier- seront sauvés en se réfugiant sous terre.  Après une pénible période d’adaptation à la situation, Gérard Dumaurier devint le témoin privilégié de l’involution des enfants. L’auteur étudie, à la manière des "physiologies" du XIXème siècle, le langage, les rites, la philosophie des derniers petits d’hommes livrés à eux-mêmes.
    Ils sont neuf. Les voici: Tchaon, Manibal, TsiTroèn, Pantin, Bidovin, Lanroubin, Bredindin, Embrion, Sanlatin, Ilayne. Une seule fille. Le narrateur ne les aime pas beaucoup : "Ecorché, boueux et sanglant, j’étais d’assez mauvaise humeur. La petite fille était au premier rang et hurlait sur un mode plus aigu que les autres. Je lui décochai une paire de claques qui la fit reculer, et éloignai les autres à coups de pied. (...) Le tour de la fille venu, elle s’accotait en geignant à la paroi rocheuse, se tenant la joue. J’avais tapé de toutes mes forces. Je lui tendis sans mot dire le gobelet plein. Elle fit un signe négatif. Sans hésiter, je vidai moi-même la timbale. Le temps n’était plus aux douceurs. La fille resta jusqu’au soir à geindre avant de daigner accepter à boire. Quelle sale race de femelles sortira de ce ventre-là! "
    Sceptique voltairien, le narrateur, comme en un leitmotiv, répète:" je m’en fous! ".  Il " s’en fout " des enfants, de leurs tâtonnements, de leurs méprises, mais note avec une férocité joyeuse qui se veut lucide, leur dégradation. Les enfants créent donc un semblant d’organisation sociale, tout en régressant. Ils ne se lavent plus, leur langage est fait d’un sabir entièrement nasalisé. Le raisonnement mathématique a totalement disparu, et la causalité redevient magique. A cet égard, ils ont inventé " Quinzinzinzili ", la cause universelle, le "Grand Tout", déformation de "Qui est in Coeli", une ancienne prière.
    «Les enfants se suffisent à eux-mêmes, depuis longtemps. llayne entretient le feu dans la grotte. Ils ont élaboré un système à eux pour le faire couver et rallumer. Un système idiot. Il s’agit de mettre des bâtons d’une certaine longueur dans un certain ordre, suivant certaines figures géométriques, et de les combiner avec des braises.  Ils sont persuadés que s’ils omet un seul de leurs rites absurdes, le feu ne se rallumerait pas. Ainsi, ils ont trouvé un champ de fèves, je ne sais où. Mais comme ils s’en sont donnés une indigestion, ils ont décrété que les fèves était un poison. Mais ils n’appellent pas ça poison. Les fèves, toutes les fèves, appartiennent à Quinzinzinzili, et il se venge en vous donnant la colique Si on lui vole sa nourriture.  Dieu qu’ils sont bêtes! Effroyablement bêtes! Désespérément abrutis! Que sortira-t-il d’eux? Vaudrait-il pas mieux qu’une nouvelle catastrophe arrive et balaye cette insignifiante vermine?»
    De temps en temps le narrateur détaille la psychologie particulière d’un enfant. Par exemple, Lanroubin, qu’il trouve le plus fin, et sa rivalité avec Manibal, le plus costaud. Les deux s’affrontent. Lanroubin vaincu, réinvente le coup de poing américain, en assommant Manibal avec un fragment de cristal de roche détaché de la paroi.  Il ne nous cache rien non plus de la sensualité naissante des enfants. Ilayne est la seule femme. Elle domine le groupe et réinvente le matriarcat. Mais elle est laide:
    " Le teint rouge brique avec un nez en bouton de porte, tout rond au bout, avec ça, des fesses saillantes qui lui ballottent sur les cuisses quand elle marche, et elle marche avec une grâce de canard boiteux, sur des jambes courtes et arquées, sur des pieds plats qui s’étalent longuement sur le sol, les orteils écartés en éventail.  Et puis, un ventre saillant, tout rond avec le nombril au milieu comme un oeil au fond d’un vase. Et sa poitrine déjà plus que basse à quatre ans... Qu’est ce que ce sera plus tard! Et voilà Vénus! Quelle immense rigolade! "
    Qu’importe, telle qu’elle est, elle plaît à Tchaon, le fragile tuberculeux avec lequel elle fait l’amour, en méprisant Manibal, le baraqué. Alors ce qui devait arriver, arriva. En un tournemain, Manibal étrangle Tchaon. Ilayne, aussitôt,   laisse tomber un gros bloc sur la tête de Manibal et le tue. C’est donc Lanroubin qui profitera des largesses d’Ilayne et puis, plus tard, tous les autres, unis dans un grand amour communautaire. Tout ceci laisse le narrateur rêveur:
    " Je suis un survivant des époques préhistoriques, littéralement un fossile vivant. Cette llayne que je trouve affreuse, odieuse, hideuse, cette llayne qui n’est pas belle, est en train de créer sous mes yeux, devant moi, et malgré moi, un nouvel idéal de beauté. Ses fesses molles, ses tétines basses et son ventre en chaudron seront désormais les modèles de la beauté future. Je prévois que dans l’avenir, des poètes inspirés et des amants élégiaques rêveront sans fin aux vastes dimensions de ses pieds plats et à la rougeur éclatante de son visage. "
    Bien qu’Ilayne soit enceinte des oeuvres de tous (Quinzinzinzili!), il n’y a plus d’avenir. Ils n’enterrent même pas les cadavres qu’ils se contentent de jeter dans un ravin.  Cependant l’eau du lac (de l’océan?) qui les entoure  se met à baisser et les débris d’une civilisation morte apparaissent, tels que des allumettes par exemple, que le narrateur s’empresse d’allumer. Il observe Lanroubin qui essaye d’en faire autant:
    " Un léger bruit pourtant me fait retourner. Lanroubin a pris la boîte de métal dans sa main gauche et frotte une allumette sur la surface rugueuse. Mais il s’y prend drôlement. Il tient l’allumette comme il tiendrait un bout de crayon. On dirait plutôt qu’il dessine quelque chose. En effet, oui, il écrit, ou plutôt il dessine. Car, si j’ai fait du feu, moi, c’est parce que j’ai tracé une figure magique avec l’allumette sur le côté de la boîte. Il s’agit de savoir laquelle. Est-ce un carré, un octogone ou une étoile à cinq branches? Dommage seulement qu’il trace ses figures avec le bout non soufré. "
    Les enfants se décident enfin à quitter leur abri et remontent dans l’arrière-pays, en direction de la ville disparue de Lyon.  Le narrateur, de plus en plus malade, est proche de la mort. Mais il  "s’en fout". Il a encore le temps d’assister à la naissance de l’enfant d’Ilayne qu’il baptise "Eskato", le "dernier". Puis, c’est la fin :
    " Quand je songe à l’avenir, je vois un nouveau calvaire collectif, une nouvelle ascension pénible et douloureuse vers un paradis illusoire, une longue suite de souffrances. Ah! si j’avais le choix, je n’hésiterai pas. Je les tuerai tous et je ferais éclater le faible crâne de cet enfançon sur les parois de la caverne, comme une noisette. Je ne sais plus.  Je ne sais plus qui je suis. Ni si je suis. Oh, et puis... Qu’est ce que ça peut me faire? M’en fous. Quinzinzinzili! Quinzin zinzili!"
    Quinzinzinzili est une oeuvre majeure de la SF française. Régis Messac, mort en camp de concentration, livre tout son désespoir, son écoeurement en face d’une humanité symbolisée par ces enfants, humanité qu’il hait puisqu’elle ne sait se conduire avec dignité.  Prenant le contre-pied de Rousseau dans son " Emile ", il raconte comment la disparition de la culture humaniste façonne la sauvagerie d’une nouvelle morale de l’espèce. Le tout est observé expérimentalement sur un échantillon  in vivo. A comparer avec le "Seigneur des mouches" de William Golding.