Aller au contenu

bdd_livre.png.38ca27d0c9044ccbdbae2e058729c401.jpg

Bienvenue dans la Base de Données des livres !

Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !

Accédez au flux RSS :

Livres

  1. Type: livre Thème: menaces idéologiques, guerres futures 1 Auteur: Henri SUQUET Parution: 1935
    Sarnain, garçon franc et rieur, intelligent aussi, en 1ère  au lycée Ronsard à Paris, vit une curieuse aventure avec ses amis Raget, Bigounas et cie. Ayant l’amitié du professeur Philippot, il survient dans le laboratoire de celui-ci et le trouve à l’article de la mort.  Le professeur, un grand savant, essaye de lui faire comprendre qu’il lui faut détruire les documents cachés de son invention, car convoités par une puissance étrangère, dans l’intention de faire sauter la ville de Paris.
    Le soir venu, à l’insu des autorités du lycée, Sarnain et sa bande se glissent à nouveau dans la laboratoire, fouillent et découvrent les papiers à détruire d’urgence. Mais, à leur grande épouvante, l’ennemi est déjà dans la place, en la personne d’un lourd espion allemand du nom de Bachkorft, qui leur reprend les papiers et disparaît. Alors que le petit Thécret s’empoisonne  en passant devant un appareil à rayons X surpuissants, Sarnain, sur la piste de Bachkorft, est kidnappé par ce dernier. Thécret, de son lit d’infirmerie, découvre un fil de cuivre qui sort d’une maison proche du lycée : c’est l’antenne reliant Bachkorft à l’Allemagne lui servant à communiquer sa trouvaille :
    « Hoch ! Wie schwer, du heiliger Gott !!! Cela est lourd tant de saucisses coulantes… Schöne Restauration… Bon Restaurant – Sakrament – s’il savait qu’il a l’honneur de nourrir Herr Professor Bachkorft, de la section spéciale du Führer. – Heil !- Quelle gloire ! Hoch ! Je vais envoyer la dépêche, enfin ! Et sous les yeux de ce sale petit Français, Schweinhund ! Et dans huit jours, avec la grâce du Führer – Heil !- Paris kaput ! France kaput ! Europe kaput ! Hoch ! Hoch ! Kolossal !!! Et tout cela, tout cela à cause du Herr Professor Bachkorft. Heil ! Heil ! »
    Avertie par Thécret, la bande passe à l’action, neutralise l’espion en expérimentant sur sa personne leurs connaissances théoriques en électricité: au moment même où Bachkorft s’apprête à émettre, il est électrocuté. Tous ses amis au complet, Sarnain en tête, révèlent la vérité au censeur du lycée Ronsard qui les félicite chaudement pour leur patriotisme.
    Une courte nouvelle qui fleure bon la vieille France franchouillarde et la tartine beurrée d’un temps scolaire irrémédiablement révolu. Le style de Suquet, lisible et amusant, rachète quelque peu celui de « la Guerre des forces».

  2. Type: livre Thème: guerres futures 1, péril jaune et guerres des races Auteur: Henri KISTEMAECKERS Parution: 1909
    Aéropolis représente la société du futur de l’auteur (1908) où l’aéroplane a triomphé dans les modes de déplacement. La conjecture, avec humour et ironie, extrapole à partir de concepts tels que ceux de « taxi aérien », « d’embouteillage du ciel », résoud des problèmes d’ordre technique,  discute de la pertinence des termes "aviateurs " ou "aéromanes",  envisage  «un ciel tellement encombré qu’il occulte le soleil».
    C’est à partir du chapitre 44 et jusqu’à la fin du roman que tout se complique. Un matin notre " sporstman " surpris est réveillé par un Japonais très très poli, le commandant  Fidé-Yosi-Ten-Woo. Il lui annonce que l’invasion jaune tant redoutée par les Occidentaux s’est faite durant la nuit, que les aéroplanes du Pays Levant se sont abattus sur l’Europe comme un vol de sauterelles. Tout résistance ayant été annihilée, le seul choix laissé aux Blancs est de "se suicider " ou "d’être suicidé " car les Japonais sont si nombreux et ils une telle envie d’espace vital! Malgré l’insistance du commandant notre sporstman ne s’en laisse pas compter. Il applique à l’exécuteur venu le suicider un vigoureux "uppercut" qui le laisse "knock-out". Derechef, il suscite l’admiration du commandant jaune à cause de sa technique de combat. Non seulement on l’épargnera, non seulement il sera chargé d’inculquer le noble art à des guerriers jaunes désireux de s’instruire, non seulement il ceindra la tenue de samouraï,  mais encore, soumis à un  strict programme d’eugénisme, ses gènes devront fertiliser la race conquérante par un mariage imposé.
    " Car selon les dispositions de notre ministre de l’Avenir et du Travail (…) nous devons faire quartier à quelques spécimens exceptionnels de la race blanche lorsqu’ils se seront signalés à notre attention par un témoignage remarquable de vigueur physique et de santé. De même que nous allons emprunter à votre civilisation ce qu’elle a d’utilement applicable à la nôtre, de même entendons-nous réserver quelques étalons occidentaux pour opérer des greffes sur notre arbre généalogique. "
    Le héros se plie aux exigences du vainqueur, surtout que sa future épouse étant sotte comme toutes les Japonaises, ne le dérangera pas puisqu’elle est juste capable de s’occuper de futilités de l’avis même de Fidé-Yosi-Ten-Wou :
    "- Elle a l’air très intelligent, n’est ce pas ? me dit Fidé-Yosi. - Elle est exquise ! dis-je - Eh bien ! que cela ne vous effraie pas -, reprend le commandant qui suit son idée. Elle a l’air très intelligente, mais elle est stupide. "
    Finalement le héros blanc s’accommode assez bien de la dictature jaune, y trouvant même quelques plaisirs lorsqu’il aura admis que toute velléité de conspiration s’avère inutile.
    Une charge appuyée et parfois lourde contre la menace du péril jaune, crainte récurrente au début du XXème siècle. Texte rejoignant cette catégorie si abondamment illustrée par le Commandant Danrit (l’Invasion jaune) ou Jules Lermina (la Bataille de Strasbourg)

  3. Type: livre Thème: menaces technologiques Auteur: Harry HARISSON Parution: 1964
    Grand’père, sollicité par son petit-fils friand d’histoires horribles, lui raconte à nouveau comment l’espèce humaine a perdu sa suprématie sur cette terre.  A cause d’Alexander Partagas Scobie, un savant irresponsable, inventeur du robot opportuniste. Sa machine, exclusivement programmée pour se dupliquer de n’importe quelle manière et en empruntant n’importe quel matériau, a résisté à toutes les tentatives humaines dans le but d’enrayer sa progression.
    Ces robots, aptes à se reconstituer à partir d’autres robots, utilisant les artefacts des décharges technologiques, se créant même à l’occasion un corps en bois, ont envahi la totalité de la sphère économique, réduisant les ouvriers au chômage et empêchant tout échange purement humain. Instaurant son propre ordre du fait même de son existence, la machine agissante, sans animosité aucune envers l’homme, a triomphé de l’espèce humaine qui sera condamnée désormais à vivre de ses reliquats :
    « -Nous sommes encore en retard pour le dîner, je parie, », dit le petit garçon, avec un sentiment soudain de culpabilité. Il monta rapidement les marches qui étaient faites avec des carcasses de robot solidement soudées ensemble, et agrippa la poignée de la porte. C’était une ancienne main de robot ; on n’avait qu’à la serrer comme pour donner une poignée de mains, puis la tourner pour ouvrir la porte.
    L’enfant disparut à l’intérieur. »
    Une nouvelle courte et inventive s’appropriant un thème usé jusqu’à la corde pour en extraire le meilleur.

  4. Type: livre Thème: sociétés post-cataclysmiques 1, Adam et Eve revisités Auteur: Harold REIN Parution: 1957
    Divers personnages se retrouvent brutalement coincés sous terre à New-York, dans une station de métro. La rame n’arrivera jamais à destination car une catastrophe inexplicable (et inexpliquée) a eu lieu en surface bouchant toutes les issues possibles. Arthur, le clochard philosophe,  prend la direction d’un petit groupe constitué par Carl, gros bourgeois atteint d’une maladie cardiaque, de Thomas, jeune militaire falot et lâche, et de  Cassie, une jeune femme au passé trouble.
    Sur l’impulsion d’Arthur, le premier moment d’affolement passé, ils gagnent les niveaux supérieurs. La tentative échoue: les escaliers resteront hors d’atteinte. Ils  continueront leur trajet le long de la voie du métro espérant atteindre une station de Downtown d’où la sortie sera plus accessible :
    " Prudemment il fraya son chemin sur le quai, au milieu du brouillard qui peu à peu retombait; trébuchant contre des blocs de béton, contre des pointes menaçantes d’acier tordu, il atteignit l’escalier suivant. Celui-ci encore était obstrué. Il continua vers l’extrémité nord du quai, pour reconnaître les trois escaliers qui restaient. Deux d’entre eux étaient bloqués de la même façon et le troisième s’était complètement effondré, ménageant au faîte un énorme cratère par où s’était déversée une montagne de gravats. Autant qu’il pouvait en juger du fond du cratère, il parut à Arthur que là-haut les destructions étaient encore plus considérables qu’au niveau du métro et il pensa que les explosions, du moins cette sorte de cataclysme, avaient eu lieu en surface. "
    En se nourrissant chichement des confiseries accessibles dans les distributeurs automatiques, ils mettent d’avantage de temps que prévu pour progresser, tout en souffrant horriblement de la soif. Durant les moments de repos, ils se livrent à des introspections douloureuses pour se rappeler un passé qu’ils pressentent révolu:
    " ...Et maintenant qu’ils campaient pour la nuit dans la station de la 86ème rue, c’est avec soulagement qu’ils entendaient l’un des leurs prendre la parole. Le son des mots plaisait à leurs oreilles, en dehors de toute signification, simplement parce que le lien du langage de nouveau les unissait. "
    Leurs rapports mutuels se compliquent, surtout lorsqu’ils opèrent la jonction avec un second groupe de naufragés. Parmi eux, le révérend Garnet qui cherche des cadavres sous les décombres mais qui a perdu sa foi, ou Hirsch, le chauffeur de taxi , raciste et xénophobe , et qui le fait sentir au juif Carl.
    De plus en plus sûrement, tous ces personnages supposent l’existence d’une catastrophe d’une ampleur inouïe qui a dû balayer la ville au-dessus de leurs têtes.  Ils poursuivent avec acharnement leur périple. Les stations défilent sans qu’aucune sortie ne se révèle. Les preuves s’accumulent que d’autres survivants les ont précédés en ces lieux.
    Arrivés vers la 54ème rue, ils opèrent la jonction avec tous ceux qui ont survécu dans les tunnels. Ils rencontrent un groupe nombreux et déjà fortement organisé maintenu par la poigne de fer d’un chef surnommé le " Coordonnateur ", aidé par ses adjoints. Ce maître tout puissant commande au groupe de survivants et les fait déblayer les gravats. Arthur et les siens seront immédiatement embrigadés. Le Coordonnateur a établi la règle suivante: celui qui ne travaille pas ne mange pas. Avec ses adjoints, il fait régner la terreur en exécutant les vieillards considérés comme des  bouches inutiles.
    Ce n’est pas ainsi qu’Arthur s’imaginait la nouvelle société qui devait surgir du cataclysme. Il devint donc l’homme par qui le scandale arrive, en essayant de promouvoir la désobéissance civile, prêt à mourir pour que ses compagnons puissent se libérer du tyran.
    Fomentant une grève, il est arrêté et jugé par une parodie de tribunal, condamné à être exécuté par le supplice de la lapidation. La sentence est appliquée. Tout proche de sa fin, Arthur aperçoit avec satisfaction que son sacrifice n’aura pas été inutile: les hommes sont enfin prêts à se libérer de leurs chaînes et attaquent leurs tortionnaires:
    " Une autre pierre le frappa à l’épaule.
    -Allez-y tous! continuait de crier le Coordonnateur. Allez-y tous!
    Maintenant Arthur regardait le sol. Il ne supplierait plus. (...) Enfin la pluie de pierres s’arrêta... Arthur leva les yeux; il aperçut la foule qui progressait lentement et s’enfonçait comme un coin en direction de l’estrade. Chuck, Garnet, Hirsch, Cassie, ils marchaient tous en tête. Il n’y avait plus cette terreur dans leurs yeux.
    -Reculez! cria le Coordonnateur. Reculez! Etes-vous devenus fous?
    Mais ils continuaient d’avancer. Ils se penchaient pour ramasser des éclats de béton. "
    Premier roman d’un auteur peu connu,   dont la thématique catastrophiste structure une réflexion sur les rapports humains. C’est surtout l’écriture qui donne au récit une tonalité surréaliste, en entretenant l’impression de la présence indicible d’une catastrophe épouvantable, jamais clairement exprimée, qui conditionne toute la vie future des personnages.

  5. Type: livre Thème: guerres futures 1 Auteur: H.G. WELLS Parution: 1914
    Debout sur une hauteur avec vue sur les tranchées adverses, le journaliste, narrateur et observateur des événements, attendait l’assaut imminent. Dans cette guerre de position les deux armées se font face, en une succession de tranchées imprenables, aussi incapables l’une que l’autre de remporter la victoire sur le terrain. Cette immobilité fut soudain rompue, à la grande surprise de l’observateur, par l’apparition des « cuirassés de terre », énormes engins blindés et meurtriers, à roues et pistons multiples qui, comme des insectes caparaçonnés à pattes multiples, s’accrochaient au terrain, débordant les différentes tranchées avec une grande sûreté :
    « Sous la pâleur tremblotante des rayons de lumière, l’insolite engin donnait l’impression d’un insecte de la taille d’un croiseur cuirassé, qui s’avançait en rampant obliquement vers la première ligne des tranchées, et envoyait des bordées par les sabords pratiqués dans sa carapace. Et, sur sa carcasse, les balles crépitaient avec un acharnement et un vacarme pires que ceux de la grêle sur un toit de zinc. »
    Semant la mort autour d’eux avec des mitrailleuses dotées d’une visée infaillible, servis par des soldats techniciens mais sans imagination, dont la mort des autres ne représentait qu’un aspect de leur travail, se moquant des obus qui s’écrasaient sur le lourd blindage, les cuirassés, en petit nombre, se voulaient les instruments de la victoire. Le journaliste s’étant retiré loin des monstres vit à quel point la mécanique sans âme cassa la dernière charge d’une cavalerie à cheval, courageuse, fière mais fragile :
    « Un mois auparavant, il avait assisté au départ de ce régiment dans toute sa gloire, on lui avait raconté ses terribles prouesses, comment il pouvait charger de front, chaque homme couché sur sa selle et tirant, et comment il balayait devant lui tout ce qui se présentait pour lui faire obstacle, infanterie et cavalerie, sous toutes leurs formations. Et ces centaures avaient eu à combattre quelques vingtaines de jeunes gens embusqués dans des machines odieusement inattaquables. – L’humanité contre la mécanique, - pensa le correspondant. »
    Ainsi sonnait le glas de la guerre traditionnelle qui basculait dans « la guerre de demain », celle qui verra s’affronter plus tard drones et avions furtifs.
    Une nouvelle visionnaire de Wells qui, comme Robida, détaille les engins de mort qui seront utilisés sur les nouveaux champ de bataille de 14-18.

  6. Type: livre Thème: épidémies, la cité foudroyée Auteur: Gwyneth CRAVENS John S. MARR Parution: 1977
    Unité de temps, de lieu, d’action comme dans une tragédie classique, en trois phases.
    Phase 1 : la jeune fille riche, Sarah Dobbs revient de Californie porteuse de la peste pneumonique récoltée sur son écureuil apprivoisée et préférée. Elle est contaminée mais ne le sait pas. Durant son trajet, par effet ping-pong, elle contamine une soixantaine de personnes et meurt deux jours plus tard au Metropolitan Hospital :
    « Ils firent basculer le lit de façon qu’elle soit presque assise, Bergman la pencha en avant et écarta la chemise de nuit de l’hôpital, mouillée par la transpiration, pour mettre à nu son dos. « regardez ça ! » s’écria-t-il. Ca et là, sous la surface lisse de la peau, fleurissaient des taches bleues et rouges. « Super bizarre ! »
    Le docteur Hart, directeur du centre de prévention de New York, et son supérieur, sont alertés. L’autopsie de la malheureuse conforte la crainte des médecins : une forme extrêmement contagieuse de peste en est à ses débuts. Il est vital de l’éradiquer au plus vite. Alors que certains de ceux mis en contact avec Dobbs meurent à leur tour (notamment les médecins et infirmières qui ont soigné la jeune fille), Hart, avec Dolorès, son assistante (plus tard sa maîtresse) se livre à une course contre la montre. En essayant de convaincre les autorités de Manhattan de décréter l’état d’urgence, ce qui n’est guère facile devant la crainte des administrateurs de déclencher une panique, il se livre à une enquête policière pour identifier les porteurs secondaires dangereux, à qui il injecte la tétracycline salvatrice.
    Phase 2 : un contaminé passe entre les mailles du filet. Celui-ci meurt de la peste, incognito, en en profitant pour contaminer sa compagne, une Portoricaine des bas quartiers. Celle-ci répand le fléau en phase explosive à travers la ville. Les hôpitaux sont débordés. Quatre jours après le déclenchement de la maladie, le maire de New York fait appel au pouvoir fédéral.
    Phase 3 : Le général Cosgrove et Marks, du cabinet du Président, sont très inquiets. Mis au courant de la situation, ils soupçonnent une attaque bactériologique d’un pays ennemi (en l’occurrence Cuba), étant donné que de nombreux Portoricains touchés se trouvaient être des indicateurs locaux du FBI. Ils préconisent l’envoi de troupes armées pour boucler l’île de Manhattan.
    Pendant que Hart, à cause de son imprévoyance, est touché à son tour, dans les deux jours suivants, la situation se dégrade totalement, la ville se décomposant aussi vite qu’un cadavre. Les rats font leur apparition. Les morts se comptent par centaines de milliers. Les zones de pouvoirs se sont effondrées. La rue est livrée à l’anarchie. Hart, à son réveil dans un hôpital bourré de morts, n’a qu’une seule idée : celle de retrouver Dolorès :
    « Il arriva devant une porte sur laquelle il put lire : SOINS ; il l’ouvrit. Un nuage de mouches lui bourdonna au visage. La pièce sentait la putréfaction. Il vit trois cadavres. L’un était vraisemblablement mort sur la table d’examen. Un homme portant un vêtement blanc éclaboussé de sang s’était effondré sur une chaise dans une attitude bizarre et le troisième gisait à même le sol. Lui aussi portait le pyjama vert de l’hôpital. Le rictus de la mort lui donnait l’air de sourire. »
    Il traversera la ville du nord en sud en échappant aux rats, aux snipers, aux déments malades, aux pilleurs, et en trébuchant sur les cadavres :
    « Les gens s’étaient noyés dans leur propre sang. Certains parmi ces corps ressemblaient aux sacs d’ordures disséminés un peu partout. Hart vit plusieurs corps ballonnés au point que leur ventre gonflé rappelait les caricatures grotesques des obèses. Le soleil et la chaleur en étaient responsables. Ils activaient la décomposition particulièrement dans les intestins. L’estomac d’un mort avait fait sauter les boutons de sa chemise blanche, toujours attachée à la taille. D’autres cadavres avaient explosé. »
    Retrouvant son amie qui a survécu elle aussi, ils tentent de rejoindre un centre de médecine préventive mis en place à Central Park mais tombent entre les mains de jeunes Portoricains issus de gangs. En réalité, c’est une chance, car ceux-ci représentent la seule force organisée mise en place par Katz, un ami de Hart. Entre temps Cosgrove et Marks suggèrent de cautériser la plaie en noyant la ville sous un aérosol innervant qui provoquera la mort de tout être vivant susceptible de propager l’épidémie.
    Le président se rend à leurs arguments. Le groupe d’autorité new yorkais, apprenant fortuitement la décision fédérale, organise son plan de survie : en distribuant de l’atropine aux centaines de milliers de personnes encore saines, ils espèrent atteindre à temps le Queens par un tunnel routier en construction. L’évacuation s’organise dans l’ordre tandis que les premiers hélicoptères apparaissent, arrosant la ville avec les capsules de gaz :
    « A l’horizon, une longue ligne en pointillé : des hélicoptères. Leur vrombissement rappelait le bourdonnement des mouches.  Une volée de mouettes s’éleva au-dessus du réservoir, dont elle mit en éclats la surface ridée. Un coup de vent secoua les branches des arbres. Le bruit des hélicoptères emplissait maintenant le ciel, il emplissait toutes choses. Se déplaçant sous la ligne des hélicoptères, arrivaient des rangées inégales de lames blanches, tournoyant sur elles-mêmes, qui commencèrent à s’abattre entre les immeubles. Le bruit retentit dans la poitrine. « Prenez l’atropine, MAINTENANT ! »
    L’épidémie se terminera aussi brutalement qu’elle aura commencé un demi-million de cadavres plus tard,  et dans une mégapole ruinée.
    Les deux auteurs, journalistes et spécialistes en leur domaine, signent un roman d’une redoutable efficacité où la rapidité du fléau à se transformer en pandémie donne froid dans le dos. Une machinerie efficace.

  7. Type: livre Thème: sociétés post-cataclysmiques 1, menaces climatiques Auteur: Guy THUILLIER Parution: 1999
    Arthur Taillandier, cybernéticien, habitant la périphérie de Paris en 2099, est le héros manipulé du récit.Avec ses amis, Seb, Marie, Thétys, il s’abandonne aux délices frelatés d’un futur urbain abominable. L’Europe unie et fasciste du président Linhardt dans laquelle le seuil de pollution impose le port constant d’un masque, la « Zone », qui recueille les «drop-out » avec leur langage codé et leur violence, l’ensemble d’une technologie high-tech et l’usage constant des drogues forment le cadre de l’univers d’Arthur :
    « De son point de vue, il découvrait toute la vallée de la Seine entre Mantes-la-Jolie et les Mureaux, construite sans interruption. Les coumarous alternaient avec les Zones Industrielles et Commerciales, les Pôles d’Activité et les Cités, chaque ensemble retranché derrière ses barbelés, ses murs, ses miradors. Sur le fleuve brun sombre, les cargos, et les péniches, à la queue leue leu, remontaient vers le port autonome de Paris. A l’ouest, tout proche, se détachait le mirador du compound d’Aubergenville, avec son vigile devant la mitrailleuse lourde. Au loin, le soleil embrasait les tours de Mantes-la-Jolie, une des Cités les plus chaudes du Far West francilien. Des nuées de pigeons nichaient dans les étages supérieurs, à l’abandon, tournoyaient autour des gratte-ciel en un ballet permanent, comme des vautours au-dessus d’un charnier. Le grondement sourd qui montait des dix voies de l’autoroute servait de bande-son à ce paysage banlieusard. »
    Professionnellement, il est attelé au projet « Cogito » avec son patron Nelson Westley et ses amis, projet qui doit, en s’articulant sur les souvenirs du cerveau humain, créer des univers de jeux (C-Univers) de plus en plus réalistes et évolutifs. Car la réalité virtuelle constitue la grande distraction de cette société hiérarchisée en huit cercles progressifs, suivant le degré de dangerosité ou de réalisme des jeux, qui permettent de s’extraire d’une réalité morne et misérable.
    Arthur fréquente souvent le huitième cercle, celui de la pornographie. Mais il aspire à autre chose, surtout lorsque des indices inquiétants de paranoïa se révèlent à lui : son appartement qui se transforme, des portes qui aboutissent à des impasses, etc.D’autre part, l’existence de la RV, un organisme de « hackers », bras armé de « l’Apple », groupement révolutionnaire, le fascine. Enfin, il apprend l’existence d ‘un neuvième cercle, celui d’un C-Univers tellement perfectionné que l’illusion vécue apparaît comme réalité totale puisqu’on y perd son identité même. Seule une mort (virtuelle mais vécue dans la douleur) permet à Arthur de réintégrer son appartement d’Aubergenville.
    La souffrance, la cruauté infligée et le goût du sang restent pour lui des expériences indépassables. Dans l’univers de Dunyah, une sorte de moyen orient virtuel, Arthur devient tour à tour Eno, puis Issar, bras armé du prophète qui appelle à la réalisation d’une autre vie, en un « jardin », au-delà du «sanctuaire » et des « Cinq portes », après que le monde ancien ait été dévasté par un déluge purificateur.
    Eno/Arthur vit à Dunyah l’expérience de plusieurs vies se montrant le zélateur le plus proche du prophète, taillant son royaume à grands coups d’épée. Le retour à la vraie vie se fait de plus en plus difficilement et les rapports avec ses amis se dégradent. Dunyha est un C-Univers inconnu et donc illicite au sein de Cybéria, ensemble des réalités virtuelles. C’est pourquoi Arthur est traqué par le cyber-flic Borovitch  aussi bien dans sa réalité quotidienne qu’à travers diverses phases du jeu.
    La dépression psychologique d’Arthur s’accentue, surtout après la disparition de Nelson dans ses bureaux de la firme Virtual opposée à Macrosoft dans le cadre du projet Cogito. Arthur sera finalement contacté par RV qui le charge de l’assassinat de Linhardt lors de la réélection de celui-ci. Bien que se sachant manipulé, Arthur accepte, car le monde réel lui est odieux. Après l’attentat réussi, Arthur sera capturé par Borovitch et torturé jusqu’à la survenue d’une pluie diluvienne transformant la région parisienne en mer intérieure :
    « Paris avait entièrement disparu, remplacé par une mer infinie, ridée de vaguelettes. Pareilles aux piles d’une plate-forme de forage en construction, les deux tours de la cathédrale engloutie émergeaient encore. A travers le rideau de pluie, Arthur distinguait aussi, plantés au milieu de l’océan, les restes de la tour Montparnasse, de la tour de la Sécu, à Bercy, et le cône au sommet renflé du troisième étage de la tour Eiffel, comme une énorme balise marine. Au nord, Belleville-Ménilmontant et la butte Montmartre évoquaient un double îlot volcanique surmonté d’un temple à stûpas – le Sacré-Cœur. »
    Finalement, il se réveille dans un souterrain, engoncé dans une capsule cryogénique comme deux mille de ses compatriotes.Car tout ceci était faux. En réalité, en 2099, un conflit nucléaire a fait fondre les calottes glaciaires, provoquant une subduction mondiale et la ruine de l’espèce humaine. Dans les souterrains de Massy où travaillaient Macrosoft et Virtual, la décision avait été prise de survivre à la catastrophe en mettant tout le monde en hibernation durant un an. Or, aujourd’hui, la date qui apparaît est 2499. Voilà plus de quatre cents ans que Borovitch le cybernéticien et son complice Carter, utilisant le programme «Cogito» ont branché l’ensemble des endormis sur l’univers « Gaia 1099 » qui donne l’illusion parfaite de la réalité à travers une reconstitution du monde puisée dans l’inconscient même des dormeurs. Chaque année les compteurs étaient remis à zéro. Par certaines altérations (les « bugs »), Nelson a peu à peu pris conscience de cette illusion. Il a neutralisé le cycle fatal, Borovitch et ses jeux de pouvoir, en créant un contre-univers, Dunyah, pour que la réalité puisse, grâce à Arthur, émerger : c’était le Dixième cercle.
    Un jeu troublant entre le virtuel et le réel sur fond de dégradation sociale et de catastrophe écologique. Un style maîtrisé, un suspense permanent font de cette première œuvre une réussite.

  8. Type: livre Thème: invasions extraterrestres Auteur: Guy CHARMASSON Parution: 1992
    Vol.01 : la Vengeance, Fleuve Noir éd., 1988, coll. "Anticipation "N°1634, 1 vol. broché, in-12 ème , 188 pp. couverture illustrée. roman d’expression française
    1ère  parution : 1988
    Raff al Raff est le nom d’un gigantesque vaisseau extraterrestre qui croise au-dessus de notre planète. C’est de là que sont originaires les Raffs, des êtres tenant à la fois du félin et de l’ours, à la civilisation avancée, au code d’honneur intangible et pratiquant l’eugénisme dans un souci constant d’amélioration de leur race. Daniel Ivols est le nom de l’un des derniers terriens ayant participé à la bataille d’Elmendorf où les humains ont failli battre les Raffs. Aujourd’hui, habitant caché dans la Zone, sorte de no man’s land canadien où se retrouvent tous les marginaux agressifs et désaxés, Ivols, toujours efficace, la quitte pour venger la mort de sa femme et de sa fille, carbonisées par des Raffs chasseurs.
    Au-delà de la Zone, c’est le monde normal, celui de la société humaine qui collabore et qui est soumise aux Raffs lesquels dominent l’humanité par l’intermédiaire des "Chiens", sortes de cyborgs humains dans le cerveau desquels est implantée toute une électronique incitant à l’obéissance. Quant aux autres, le niveau de civilisation que leur ont laissé les extraterrestres, les incite à la mollesse et la vie facile. Ivols, l’un des derniers tueurs d’Elmendorf, prend contact avec le M.O.R.T., une organisation secrète de résistance, peu efficace par ailleurs. L’organisation a besoin d’Ivols pour relever son prestige en lui proposant de tuer Jill Tarr le Raff, ministre de la Culture interraciale et incidemment meurtrier de la famille du héros.
    Vol.02: la Mission, Fleuve Noir éd., 1988, coll. "Anticipation " N°1639, 1 vol. broché, in-12 ème , 187 pp. couverture illustrée.
    1 ère  parution : 1988
    Nanook le Zonard, tueur d’ours et de Chiens, alias Ivols, le dernier des tueurs d’Elmendorf, s’apprête à liquider Jill Tarr, le chef des Raffs envahisseurs, sur l’instigation de Felice, l’un des dirigeants de M.O.R.T., mouvement de résistance à Raff Al Raff, le vaisseau des extraterrestres. Un doute lui fait épargner la vie du Raff. Bien lui en prend. Caché par Joanna Guanwista dans son appartement, Ivols apprend avec stupeur, et en un renversement absolu, l’incroyable vérité de la bouche même de celui qu’il a failli tuer. Felice est l’un des responsables des "Trois", les supérieurs des Chiens. La bataille d’Elmendorf a été gagnée par la Terre mais, dans le vaisseau des envahisseurs, les Trois, désireux de faire perdurer la pression exercée sur la société terrestre, ont obligé les Raffs à assumer leur rôle d’oppresseurs, eux, qui n’avaient qu’un désir, celui de repartir dans l’espace avec leur engin enfin réparé !
    En désespoir de cause, et pour sauver l’honneur de sa Maison lors de la cérémonie du Kriss ou automutilation rituelle, Jill Tarr partage son secret avec Ivols : c’est lui, le chef Raff qui a subverti le M.O.R.T., c’est lui qui a travaillé dans l’ombre pendant plus d’une vingtaine d’années pour détourner la colère des Terriens sur les Chiens et non plus sur les Raffs, c’est lui enfin qui a surveillé et protégé Ivols pour le conduire vers la Zone d’où pourront sortir les nouveaux libérateurs de la Terre  afin que les Raffs puissent enfin s’en retourner dans l’espace.
    Un récit intelligent, structuré, original qui vaut par la crédibilité que l’on  accorde à ces félins extraterrestres à travers la description de leurs rites sociaux et psychologiques. Un bon roman noyé malheureusement dans une gigantesque collection proposant une marée d’ouvrages illisibles.

  9. Type: livre Thème: guerres futures 1, menaces et guerres nucléaires Auteur: Guy BEART Parution: 1977
    «Alphabet» ou l’analyse minutieuse de l’automaticité des événements qui enchaînent la Grande Catastrophe. Tout est déclenché par le doigt appuyant sur le bouton «A». Mécaniquement, se joue la valse des protons, de lettres en lettres, de points en points, d’Etats en Etats, de vengeances en vengeances, d’irresponsabilités en irresponsabilités : bombardements, «sanglants hachis» en «I» où «la Chaleur fut elle
    Qu’elle gagna le point L »,
    Virus et microbes que dissémine la guerre bactériologique :
    « Toute la faute est en T
    Dont les virus disparus
    S’étaient égarés sur U »,
    Jeu mortel des alliances :
    « La panique a émigré
    Dans l’Etat qu’on nomme Y
    Qui chétif cherche des aides
    Pour assommer le grand Z »,
    qui rythme le cycle d’une violence éternellement recommencée,  lorsque le point
    « Z, à son tour ne rata
    ne rata pas le point A ».
    Une chanson douce-amère susurrée par une voix sucrée en un leitmotiv ou complainte du désespoir. Guy Béart – contrairement à l’opinion qu’en a Pierre Versins- s’adonne au grand art.


  10. Type: livre Thème: après la Bombe... Auteur: Gudrun PAUSEWANG Parution: 1983
    La famille Bennewitz composée du jeune narrateur (13 ans), de sa soeur Judith (15 ans), de sa petite soeur Kersten (5ans), de papa et de maman, partent en vacances chez leurs grands-parents, à Schewenborn, un charmant village, proche de la forêt du Fleyenhang, non loin de la ville et de la rivière Fulda, proche de la frontière de la RDA. Ils n'arriveront jamais à destination comme ils l'ont imaginé. Une bombe nucléaire explose sur  Fulda et sa région et leur univers bascule immédiatement dans l'indicible. Après le flash lumineux, auquel ils échappent, la tempête soudaine les bascule dans le fossé comme les arbres autour d'eux. Choqués, ils reprennent leur route à pieds jusqu'à Schewenborn,  dont la majorité des maisons brûle. Les grands-parents qui avaient fait un saut un Fulda ce jour-là, ne reviendront plus. La famille s'installe donc dans leur maison encore intacte, quoique branlante, et regardent avec horreur les gens brûlés qui titubent dans les rues:
    "Je suis montée sur une colline qui domine Fulda. il n'y avait plus qu'un vaste espace noir, ondulé. Plus un arbre, plus une maison, seulement de place en place comme des traces de socles en béton, brisés. (...) J'ai rencontré des gens de Kämmerzell. Ils étaient dans un état effroyable: brûlés, mutilés, aveugles. Ils descendent la vallée de la Fulda. Ils cherchent des médecins et des endroits où ils pourraient faire panser leurs plaies, se procurer de la nourriture et des abris. Ils se traînent le long des rives de la Fulda, car les villages de la vallée, mais aussi les forêts, brûlent. les routes sont barrées par des arbres renversés, par des lampadaires; elles sont rendues impraticables par des amas de décombres (...) Beaucoup d'entre eux étaient nus. "Ca" leur a brûlé les habits directement sur le corps. Les prairies, sur les rives de la Fulda, sont couvertes de cadavres: dans les buissons qui bordent la rivière, dans les roseaux, sur les prés,  des cadavres sans peau, des cadavres calcinés. Et sur les prés, partout, des cadavres de vaches."
    Attendant des secours qui jamais n'arriveront, ils s'organisent. Alors que le père calfeutre la maison et la consolide, attentif aux retombées radioactives, la mère, obsédée, n'a qu'un unique désir, celui de renter chez elle à Bonames, un quartier de Francfort, bien que tout semble avoir été soufflé, là aussi. Il faut qu'ils survivent pourtant, de n'importe quelle façon. A côté des morts, des disparus, des pilleurs désespérés et en provenance du voisinage, avec une hygiène douteuse et des vivres en baisse, le jeune narrateur visite l'hôpital du village, devenu une succursale de l'enfer:
    "Je franchis la porte d'entrée. Ce que je vis était horrible et pourtant je ne pus détourner les yeux. je vis une femme au visage brûlé et complètement enflé; ses cheveux étaient grillés; une de ses oreilles n'était plus qu'un minuscule bout de chair rouge.(...) A côté de cette victime, il y avait une fille, à peu près de l'âge de Judith. Elle avait déjà un peu de poitrine. Elle n'avait plus sur elle, que son jean, rien d'autre; et il était brûlé et troué en plusieurs endroits. Ses jambes étaient écorchées, le pantalon collait à cette chair à vif. A un endroit, on apercevait l'os."
    Là, débordés, l'unique médecin et quelques infirmières improvisées, essaient de soulager une population condamnée qui présente tous les signes de l'empoisonnement radioactif: vomissements, brûlures profondes, anémie, taches corporelles... II les aidera en apportant de l'eau aux malades et en participant aux enfouissements des cadavres. La mort a déjà pris une dimension coutumière. Avec l'hiver qui s'approche, il est impératif de faire des provisions de bois et de nourriture, malgré les pillards de plus en plus nombreux. Le père et le fils marchent du matin au soir, rapportant surtout des sacs de charbon encore disponibles sur un ancien site industriel.
    A l'hôpital, le narrateur a rencontré deux enfants, Silke et Jens, son jeune fère. Il les adopte, ce qui permet à sa mère de trouver un dérivatif à la misère ambiante. Hélas! la jeune Silke meurt très vite et Jens restera au sein de la famille. Mais voilà que Judith tombe malade à son tour. Ses cheveux s'arrachent par poignées, elle se sait condamnée:
    "Le soir où ma mère se leva pour la première fois, Judith, elle, se coucha. Elle avait une forte fièvre. Son blue-jean tenait à peine à ses hanches. Elle ne voulut plus rien manger, seulement boire. Mais, de jour en jour,elle eut de plus en plus de mal à avaler. Une fois, le foulard glissa de sa tête: en la voyant ainsi, je poussai un cri: elle n'avait plus un seul cheveu (...) Son corps changea de teinte, se couvrit de taches; puis elle mourut, sans bruit, sans une plainte. Elle s'en alla, tout simplement."
    Deux semaines après la Bombe apparaissent les premiers signes d'une épidémie de typhus:
    "Ceux qui étaient restés en ville n'osaient plus sortir de chez eux, par peur de la contagion. Chaque poignée de porte, chaque balustrade pouvait porter des germes. Toute personne que l'on rencontrait pouvait représenter un terrible danger. Pendant des jours, la ville fut comme morte, bien qu'il y eût alors deux fois plus de monde qu'avant l'explosion"
    La contagion fait le vide autour d'eux. Ne pouvant s'en préserver totalement, ils évitent au moins de se contaminer, en buvant l'eau chlorée de la piscine. Mais la famine se fait sentir davantage et hormis quelques pommes grappillées sur les arbres voisins, le butin est bien maigre:
    "Les fermes s'étaient effondrées ou avaient brûlé. Les granges et la hangars avaient été comme soufflés. Et partout, encore, régnait une odeur de cendres. On ne voyait pratiquement personne. Les survivants qui n'étaient pas partis s'étaient installés dans les ruines. Les prés étaient jonchés de cadavres d'animaux, dont certains n'étaient déjà plus que des squelettes; aucun corbeau dans le ciel, pourtant. Sur les flancs des collines alors boisées, l'onde de choc avait brisé les pins comme des allumettes. un peu partout, des arbres s'étaient abattus sur les routes et celles-ci n'avaient pas encore été dégagées."
    Le narrateur est frappé à son tour par la maladie mais résiste en recouvrant la santé alors que sa petite soeur Kersten en meurt. Sa mère, à moitié folle, se rabat sur Jens. Les gens changent profondément. Chacun préoccupé par sa propre survie ferme sa porte aux autres. Le père et le fils, sillonnant toute la région pour trouver à manger font l'expérience de l'égoïsme et s'aperçoivent que les réalités politiques, tellement importantes jadis, ne sont plus que du vent. A plusieurs reprises, il leur arrive de franchir sans le savoir la ligne de démarcation séparant la RDA de l'Allemagne de l'Ouest. Or, les conditions sont identiques d'un côté comme de l'autre et aucun militaire ne leur en interdit plus le passage.
    Avec l'hiver qui approche, les vols se font de plus en plus nombreux. Bien que la saison ne soit pas trop rigoureuse, les gens, affaiblis, tombent comme des mouches, laissant des enfants orphelins, marqués, mendiants, qui survivent comme ils le peuvent, en chapardant de ci de là. L'assassinat d'une adolescente meneuse par un "nanti" déclenche l'hostilité générale contre les adultes. Des inscriptions telles que "Salauds de parents" fleurissent sur les murs:
    "Fumiers! lui cria le garçon qui n'avait plus de jambes. C'est à cause de vous que la bombe est tombée! Vous vous en fichiez de ce qui risquait d'arriver à vos enfants. La seule chose qui vous intéressait, c'était votre petit confort. Maintenant, ça y est, hein! vous êtes contents? Mais nous, nous payons les pots cassés. J'espère que vous allez tous crever!"
    Andréas, un jeune mutilé, affamé, désespéré demande au narrateur de l'aider à se suicider. Celui-ci accepte et enterre son corps dans une ravine, la terre gelée lui interdisant de creuser. En janvier, la famine est telle que les gens perdent la raison. La mère, qui se découvre enceinte, veut absolument rentrer à Francfort. Elle entraîne son mari, Jens et son jeune fils dans l'aventure:
    "Mon père avait attaché les deux valises et nos sacs de couchage sur la remorque de la bicyclette et, sur le porte-bagages, il avait fixé un sac de voyage plein à craquer. Nous portâmes, lui et moi, des sacs à dos remplis de pommes de terre, de pommes, de champignons, de carottes et de navets. Je poussai le vélo; lui, la voiture d'enfant dans laquelle Jens était assis. Celui-ci ne tarda pas à geindre, car on avait posé, en plus, en travers de ses jambes, une petite valise emplie de layettes."
    Lorsqu'elle aura constaté de ses propres yeux que Bonames n'est plus que cendres, le retour vers Schewenborn constituera un calvaire pour toute la famille. La neige freine chaque pas, les poux et les puces les assaillent dans les  étables, Jens, pris de fièvre, meurt brutalement durant le trajet. De retour au village, ils seront jetés hors de leur maison, occupée maintenant par une voisine, Mme Kammer, et des inconnus. La mère accouchera difficilement, au milieu des ordures, dans une des caves du château, démunie de tout. Elle donnera naissance à une petite fille mal formée que le père sera obligé d'euthanasier:
    "Je restai pétrifié. je ne pus même pas crier. Je demeurai paralysé. Ma petite soeur Jessica-Marthe n'avait pas d'yeux. Là où ils auraient dû être, il n'y avait que de la peau, simplement de la peau. Il y avait seulement un nez et une bouche qui explorait ma poitrine en cherchant à téter. L'horreur me glaça, au point que je ne pus même pas remettre le coussin correctement, quand le bébé se dénuda en gigotant. Elle était couchée là, contre moi, nue et couverte de sang; je vis alors qu'elle n'avait que deux moignons à la place des bras."
    La mère, folle de douleur, meurt à son tour. Seuls, traversant la tourmente, subsistent le père et son fils.
    Quatre ans après l'événement, ils ont récupéré leur maison, car les gens continuent de mourir peu à peu. La vie sociale a régressé vers un curieux moyen âge. L'argent n'a plus cours. Seul le troc permet des échanges laborieux. Le froid, la faim, la multiplication des insectes, la dénutrition font que les survivants s'accommodent d'un état de pauvreté insigne, semblable à celui d'un pays du Tiers Monde:
    "La plupart des Schewenbornois qui avaient survécu au jour de la bombe, décédèrent au cours des deux premiers hivers qui suivirent la catastrophe. C'est surtout le deuxième qui fit le plus grand nombre de victimes. Ce fut une saison particulièrement éprouvante. Les gens moururent de froid et de faim. Celui qui, en été, n'avait pas amassé assez de bois dans les forêts, celui qui ne possédait plus assez de vêtements chauds, celui qui tombait malade et n'avait personne pour surveiller nuit et jour son feu, celui-là mourait de froid. Celui qui n'avait pas constitué des réserves de nourriture mourait de faim (...) La nature, le paysage, ne se couvrit pas d'un manteau vert, mais d'une végétation chétive, d'un jaune sulfureux. le sapins perdirent leurs aiguilles; de nombreux arbres n'eurent pas de feuilles. Seules les mauvaises herbes les plus tenaces résistèrent."
    Fidèles à leurs valeurs, le père et le fils ont ouvert une école pour combattre l'analphabétisme mais sans illusion: tous les jours les rangs des enfants se creusent et les rats, qui se développent, les empêchent de travailler:
    "Il n'y a que les rats qui nous posent vraiment des problèmes. Il y en a des milliers dans le château. Ils courent entre les jambes des élèves. A Schewenborn, tout le monde se plaint de cette invasion; il est vrai qu'il n'y a plus de chats. Dans les rues, on les voit courir dans tous les sens. Il y en a de plus en plus et ils sont de plus en plus gras, de moins en moins craintifs. Ils ont même survécu à la famine du deuxième hiver, quand les Schewenbornois se mirent à en manger pour survivre. C'est dans ces conditions qu'il faut essayer de faire la classe: les enfants lèvent sans cesse les jambes, de peur d'être mordus,  depuis qu'une petite fille de sept ans  l'a été à un orteil."
    De plus en plus, ils surprennent les regards de haine que leur lancent les enfants qui les rendent responsables de leur misère, les derniers enfants de Schewenborn.
    Gudrun Pausewang a signé un récit sans concessions. Excluant délibérément les causes de la guerre, les implications géopolitiques de la Bombe, elle s'est exclusivement concentrée sur les effets individuels et sociaux de la guerre nucléaire, accentuant l'horreur en prenant comme personnages principaux de son récit des enfants. L'inscrivant dans un réalisme effrayant, elle espère, à travers une pédagogie de la douleur, éduquer  son jeune public à la détestation de la guerre et le gagner au sentiment écologique. Le réalisme dans la description , qui n'est pourtant que la stricte application des conséquences du mal radioactif, n'a pas plu à tout le monde. Ainsi a-t-elle été prise à partie par des responsables politiques qui n'aiment pas que l'on connaisse l'évidence, comme l'a été , en sont temps le film de Peter Watkins, "la Bombe", censuré en France pour les mêmes raisons. "Les derniers enfants de Schewenborn" est donc encore, à ce jour, un récit conjectural dont la lecture est hautement recommandée pour qui désire connaître les désastreuses conséquences d'un mauvais usage de l'atome.