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Bienvenue dans la Base de Données des livres !

Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !

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Livres

  1. Type: livre Thème: menaces et guerres nucléaires, menaces telluriques Auteur: Robert HEINLEIN Parution: 1964
    Potiphar Breen est un statisticien émérite. Il n’est pas étonné lorsque, à l’arrêt d’un bus, il aperçoit Meade, une jeune fille, en train de se déshabiller. Elle est l’une de celles qui se livrent sans raison apparente à cette activité. Et, comme telle, elle s’inscrit dans ses prévisions mathématiques. Tout en la prenant sous sa protection, puis en lui témoignant son affection, il lui explique la puissance des mathématiques matricielles.
    Selon lui, toutes les courbes concordent : les événements les plus divers, les plus imprévus, se réunissent en faisceaux pour tendre vers la même direction ; elles convergent en un point ultime, vers une date précise où se produira le "grand fiasco", c’est à dire un événement mondial d’une grande gravité. Les variables de toute nature, tremblements de terre, émeutes, guerres civiles, menaces de toutes sortes et même des événements insignifiants ou aberrants, comme ce qui est arrivé à la jeune Meade,  prennent place dans le prévisionnel de Breen.
    Potiphar, en compagnie de Meade qu’il a réussi à convaincre, liquide ses avoirs, prépare sa voiture et quitte une ville qu’il sait menacée. Il a même déterminé son itinéraire en fonction des courbes d’encombrement des routes. Ils arrivent juste à temps assez loin pour ne pas ressentir les effets de la première bombe thermonucléaire qui éclate sur la ville de San-Fransisco :
    "Ils allaient remonter en voiture quand quelque chose comme un lever de soleil s’annonça soudain vers le sud. Une lumière rosée se diffusa presqu’instantanément, elle emplit le ciel puis disparut. A l’endroit où elle était apparue montait un nuage en forme de colonne, d’un rouge violacé, qui s’étalait en un champignon au sommet. Breen le regardait comme hypnotisé, puis il jeta un coup d’oeil à sa montre et dit d’une voix rauque: " En voiture ". -Potty c’est... c’est...
    - C’est... c’était Los Angeles. En voiture ".
    Ils s’établissent dans un petit refuge, en pleine montagne. Hélas!, les prévisions ne s’arrêtent pas là. Les courbes grimpent encore et traduisent cette fois-ci un déséquilibre cosmique. Meade et Potiphar se rendent compte que l’activité solaire est instable. Les taches solaires augmentent, visibles à l’oeil nu. Il ne leur reste plus qu’à s’installer confortablement pour assister à la fin du monde:
    " - Assieds-toi et nous le regarderons." Elle s’assit à côté de lui et il lui prit la main. "Tu vois cette tache sur le soleil? Tu peux la voir à l’oeil nu ? " Elle ouvrit de grands yeux. " Ca, une tache solaire? On dirait que quelqu’un a mordu dedans. Il plissa les yeux pour l’observer à nouveau. Bonté divine, il avait bien l’impression qu’elle avait grossi... Meade eut un frisson. " J’ai froid. Mets ton bras sur mes épaules. "
    Il obéit et lui reprit la main . Oui, elle était nettement plus grosse. Il la voyait grossir. Qu’y avait-il de bon dans la race humaine? Des singes, pensa-t-il, avec leur petit coin de poésie au coeur, qui s’agglutinent sur une planète de deuxième grandeur dont ils gaspillent les ressources, près d’une étoile de troisième grandeur.
    Elle se blottit contre lui. " Réchauffe-moi ". - Il fera bientôt beaucoup plus chaud. Je veux dire, je vais te réchauffer.
    -Cher Potty! " Elle leva les yeux. " Potty, ce coucher de soleil est soudain très bizarre " -Non, chérie, c’est le soleil lui-même -J’ai peur. -Je suis là , mon petit "
    Il jeta un coup d’oeil à la revue qui était encore ouverte à côté de lui. Inutile d’additionner deux chiffres et de diviser par deux pour connaître le résultat. Alors, il lui serra passionnément la main, car il savait bien, avec un chagrin soudain et écrasant que c’était la...FIN "
    Une nouvelle classique, non tant par le traitement des conditions par lesquelles se traduit la fin du monde (bombe thermonucléaire, instabilité solaire...) que par le style enjoué et ludique qui conditionne ce traitement.
    L’idée originale, qui apparaît comme un aboutissement à la théorie du chaos, est que la fin du monde peut se prévoir grâce à l’outil statistique. Les courbes des événements les plus insignifiants, à condition qu’ils traduisent la totalité de la vie, dégagent un sens nouveau plus important que la somme de leurs parties.

  2. Type: livre Thème: menaces climatiques, sociétés post-cataclysmiques 1 Auteur: Michel PAGEL Parution: 2004
    Vol. 01:l’Ange du désert, Fleuve Noir éd., 1986, coll. "Anticipation " N°1456, 1 vol. broché, in-12 ème , 186 pp. couverture illustrée, roman d’expression française
    1 ère  parution : 1986
    Ange le motard sillonne le désert d’un monde néo-barbare en compagnie de Cobra, le chef de la bande, pour s’approvisionner dans des stations qui, bien qu’à l’état de ruines,  délivrent encore de l’essence, inexplicablement. Comme occupations, ils chassent le « Sédentaire »  et le
    « Pillard ». Une suggestion s’empare de l’esprit d’Ange : aller en direction du Sud vers la fameuse ville de Lankor où vivrait, dit-on, le dieu Gelnar. En compagnie de Krina, une jeune femme rencontrée lors d’un coup de main, ils franchissent la rivière Styx et réussissent les épreuves qui leur permettent d’entrer dans l’immense ville-forteresse.
    Loin d’être le paradis imaginé, Lankor est le fief de Gelnar,  le responsable de l’état désertique de la terre. Agé de plus de quatre cents ans grâce à des manipulations génétiques, Gelnar aurait décidé de devenir le maître du monde. Par la mise en place de stations météo (cachées sous d’anciennes stations d’essence !), il a réussi à déséquilibrer le climat terrestre pour  ne permettre que la survie de trois types d’humains : les « Motards », les « Sédentaires », les «Pillards ».
    Ange apprendra par Sinddès le Guérisseur que sa venue à Lankar n’est pas due au hasard, mais programmée depuis longtemps par Gelnar et sa fille Krina presque aussi vieille que son père. Ange et Sinddès sont en réalité deux opposants à Gelnar qui s’étaient fait cryogéniser jadis, chacun avec une mission particulière.
    Celle de Sinddès consistait à préparer la venue d’Ange en ce monde désertique. Celle d’Ange, artificiellement conditionné pour se croire né en ce nouveau monde, était de déstabiliser le tyran. Gelnar a été le plus rapide. Manipulant Ange inconscient de son état réel, il lui fait déconnecter l’ordinateur qui seul aurait pu mettre fin à la sécheresse. Après ceci, il le livre à ses anciens amis qui s’opposent à lui en une série de combats singuliers.
    Tout ne se passe pas comme prévu; Krina trahit son père, à qui elle voudrait succéder. Elle libère Ange tandis que Sinddès commence à détruire les stations-météo. La conséquence immédiate en est la pluie ce qui laisse songeur Ange : le motard du désert sera-t-il lui aussi un inadapté ?
    Vol. 02 : la Ville d’acier, Fleuve Noir éd., 1986, coll. "Anticipation "N°,1457, 1vol. broché, in-12 ème , 186pp. couverture illustrée, roman d’expression française
    1 ère  parution : 1986
    Où l’on retrouve Ange avec une nouvelle compagne. Ils espèrent mettre fin au règne de Krina. Par une négociation savamment menée, Ange réconcilie Résidents et Pillards qui le suivront dans sa nouvelle quête.
    Avec ses compagnons, Hickory, amoureux de Roni,  et Fetch le bagarreur, ils investissent la cité en passant par les souterrains tandis que le reste de la troupe développe une attaque frontale en guise de  diversion. Aidé par Douglas, le chef des citoyens rejetés dans les égouts,  Ange destitue Krina. Cependant, fatigué par toute cette fureur, il n’aspire qu’à une chose : retrouver son cher désert. ! Mais là encore,  il se trompe, car c’est à lui que l’on remet les clefs de la ville.
    Un petit texte dont l’inventivité s’épuise vite… comme le lecteur. L’auteur se lasse de ses personnages, pratiquant à leur égard une distanciation ironique peu charitable. Alors pourquoi diable, a-t-il tenu à rajouter ce deuxième épisode ?

  3. Type: livre Thème: guerres futures 1, péril jaune et guerres des races, menaces idéologiques Auteur: Pierre BORDAGE Parution: 2004
    L’Europe après le 11 septembre. Une ligne de front, oscillant entre la Pologne et le Delta du Danube, sépare les Européens et leurs légions d’anges des «Ousamas» (musulmans). La guerre totale, identique à celle de 14-18,  broie des millions de jeunes gens, de part et d’autre :
    « Avec des gestes lents, graves, les soldats de l’archange Michel écrasèrent leurs cigarettes, lacèrent leurs casques, déverrouillèrent les crans de sûreté de leurs armes. Au second aboiement, ils gravirent la pente de la tranchée, franchirent les murs de sacs de sable et foncèrent tout droit vers les positions ennemies. Ils n’eurent pas le temps de parcourir cent mètres. Les tirs nourris des mitrailleuses les fauchèrent l’un après l’autre sur le terrain plat et nu séparant les deux lignes. »
    L’Europe sous la coupe d’une espèce de théocratie décline les divers grades militaires selon un vocabulaire religieux : des «Vertus», des «Chérubins», des «Trônes», des «Dominations » quadrillent le continent avec, à leur tête le puissant archange Michel, un vieillard obstiné et cacochyme, chef  tout puissant d’une Europe exsangue,  retiré dans son bunker de Roumanie. A l’arrière de la ligne de front pleuvent les bombes :
    «Le déluge de bombes et de missiles est tombé sans interruption sur ces deux régions pendant plus de cinq ans. Les islamistes ont d’abord déferlé par le détroit du Bosphore. Leurs intentions étaient de libérer leurs frères albanais et, en même temps, de prendre pied sur le sol européen. Ils ont envahi la Bulgarie, puis la Macédoine, mais ils ont été repoussés en Turquie par la contre-attaque fulgurante des légions de Michel venues de Roumanie et de Hongrie. Il y a eu des millions de morts dans le coin. Des dizaines de millions. C’est la guerre la plus meurtrière, la plus dégueulasse que j’aie jamais couverte. »
    La débrouille triomphe, les collaborateurs foisonnent, les crimes de toutes sortes sont légaux
    « Ils se défonçaient aux bulles de champagne, aux pilules de toutes les couleurs, aux intrigues de salon et aux perfidies minuscules pendant que les bombardements jetaient des familles entières dans les rues, pendant que l’existence de millions d’hommes jeunes se brisait sur le front est, pendant que la légion traquait et exterminait des hordes d’orphelins livrés à eux-mêmes. »
    Le racisme d’état, l’intolérance religieuse vide la France de ses Arabes – parfois sur un simple soupçon – pour les concentrer dans des camps d’extermination. Les jeunes gens qui ne souhaitent pas mourir se transforment en pilleurs de ruines, appartenant à des sortes de confréries les « cailleras», bandes organisées et puissamment armées.
    Pibe est l’un de ces jeunes et le héros de cette histoire. Rendu orphelin d’une famille qu’il détestait, il sera accueilli au sein d’une caillera, pris en charge par une adolescente mystérieuse, Stef, qui lui assignera le but de son existence : partir à la rencontre de l’archange Michel. Périple qui n’est pas de tout repos puisque livré à lui-même lorsque sa caillera aura été anéantie par les légionnaires (devise : « Loi et Lance »), Il lui faudra parcourir une Europe dévastée pour atteindre Piatra, le siège du bunker présidentiel.
    En parallèle, le lecteur suit les intrigues et histoires d’autres personnages, telles que celles d’un «ancien» de la légion des anges, de retour du front, mutilé mais encore viril, qui se produira dans des « life show » érotiques et clandestins pour femmes abandonnées :
    « La dernière mode, c’est de mater et de tripoter des soldats qui reviennent du front. Il y a une grosse demande, et pas beaucoup de mâles présentables. Je te l’ai déjà dit : tu as un beau corps, une belle queue, plein de cicatrices, tout ce qu’il faut pour plaire à ces dames. Si tu fais l’affaire, il y aura une dizaine de soirées par mois. »
    Ou celle de l’auxiliaire  Talverad qui, anxieux d’une promotion, se verra offrir le commandement d’un camp d’élimination des Ousamas. Il n’ira cependant pas au bout de sa mission puisque piégé par son adjoint, il sera conduit à un suicide romantique en compagnie d’une jeune détenue arabe dont il est tombé amoureux.D’ailleurs au « CERI », l’adjoint promu chef à son tour, sera à l’origine d’une traque pour anéantir non seulement les leaders de l’opposition au régime angélique en place, mais encore tous les autres détenus, mitraillés par les SGM (Soldats Génétiquement Modifiés) :
    « Le E de CERI signifie évacuation. Il s’agit, comment dire, d’un euphémisme pour désigner une évacuation radicale, une…élimination. L’Etat européen ne va tout de même pas élever des serpents venimeux dans son sein. Nous avons besoin de responsables déterminés pour mener à bien les opérations de nettoyage. Nos concitoyens ont compris qu’il était de leur intérêt de dénoncer les islamistes ou assimilés qui essaient de prendre racine dans le terreau européen. »
    Pibe et Stef vivront des aventures cauchemardesques le long d’un parcours que l’on peut qualifier d’initiatique pour le jeune garçon. Se soutenant mutuellement, ils sortent indemnes d’un accident de train causé par l’explosion d’un «AK » (kamikazes islamistes). Ils se rétablissent auprès de Gog et Magog, deux frères passionnés d’informatique qui retransmettent les dernières nouvelles militaires par le web. Ceux là mourront, attaqués en pleine forêt par des « Zombis» ou « SDF » (vagabonds drogués et cannibales).
    Fuyant le danger,  Pibe et Stef se réfugieront dans un village rempli de mongoliens puis à bord d’un bateau clandestin qui les transportera en direction des côtes de l’Albanie. Incidemment, Pibe sauvera Stef d’un viol. Avec leurs compagnons, des Ousamas en fuite,  bien plus ouverts d’esprit que maints Européens, ils aboutiront à Bucarest, puis de là à Piatra. Pendant ce temps Jean de la Valette, l’un des membres du sérail de l’archange, fait la connaissance de Mike, l’observateur américain. Par lui il apprendra (et nous aussi) l’origine de cette guerre entièrement initiée par les USA, afin d’amoindrir l’Europe et freiner l’expansion arabe tout en proposant de magnifiques contrats commerciaux :
    « Faire durer cette guerre, disiez-vous. Par quel moyen ? La guerre de position, la stratégie de l’immobilisme, toutes ces conneries expérimentées pendant la guerre de 1914-1948. Tous ça se terminera par des millions de morts des deux côtés, des pays exsangues, d’énormes besoins de reconstruction, des marchés gigantesques, un baby-boom, une consommation effrénée, bref un retour aux bonnes vieilles sources du capitalisme. D’autant que nous, les Américains, nous nous débrouillerons pour passer encore une fois pour vos sauveurs. »
    Ayant soutenu l’archange Michel dans son accession au trône de dictateur religieux et après quelque cinquante millions de morts plus tard, les Américains envisagent maintenant de changer de stratégie, en se débarrassant du vieillard pour y substituer un chef plus souple, en l’occurrence Jean de la Valette. Les événements se précipitent. L’archange, flairant un piège, déclenche une purge. Les jokers, Stef et Pibe ont réussi à s’introduire dans le bunker par des souterrains. Stef veut éliminer physiquement l’archange par vengeance : elle est la fille d’un ancien compagnon de route de celui-ci que le dictateur a assassiné. Stef, tenace, redoutable, toute entière imprégnée de la philosophie de Lao-Tseu qu’elle enseigne à Pibe, sait qu’elle aura sa chance, même si elle doit en mourir. Mais c’est Pibe qui tuera l’archange :
    « Il se concentra sur son tir, pressa la détente, léger choc, onde de chaleur dans sa paume et son poignet. Il vit la petite étoile noire s’ouvrir au milieu du front de l’archange, se nimber de pourpre, l’ombre blanche se recroqueviller sur le fauteuil. »
    Il sera sauvé par Mike qui a su immédiatement s’adapter à la nouvelle situation. La guerre prendra fin au moment même où l’adolescent, devenu enfin adulte, envisage de se rendre au Maghreb « pour apprendre à comprendre le cœur humain ».
    Un avenir proche et terrifiant, minutieusement disséqué. Bien que certaines péripéties se rapprochent beaucoup du vécu européen durant la Grande Guerre, l’horreur, la haine, la stupidité des fanatismes explosent dans un roman sans concession.Prouvant par là, encore une fois, que,  lorsque éclate la guerre « toute l’intelligence de l’homme se retrouve dans la trompette ». Un récit à lire et à méditer.

  4. Type: livre Thème: sociétés post-cataclysmiques 1, savants fous et maîtres du monde Auteur: Christopher STORK Parution: 1982
    L’an II de la mafia ou la relation de la montée au pouvoir d’Antenore Mascalzone, le «capo dei capi», écrite par Fra Omero Schribachino, mémorialiste et chroniqueur officiel du nouveau régime.
    Omero, après avoir fait des études payées par Antenore, protégé par le puissant parrain mais méprisé par les autres, malgré sa mollesse à adhérer aux valeurs de la Familia, stabilise sa position au sein du groupe mafieux qui s’étend sous l’énergique direction de son organisateur. Profitant de l’état de décomposition d’une Amérique foudroyée par la troisième guerre mondiale et première guerre nucléaire, Antenore a tout de suite senti que ce déclin était le moment que la Mafia, toujours aussi structurée, attendait. D’abord sous le boisseau, puis de plus en plus ouvertement, elle a éliminé tous les hommes politiques encore gênants, se positionnant politiquement. Dans les villes brûlées et contaminées, les survivants désorientés et hagards étaient prêts à toutes les soumissions pour manger,  devenant ainsi une proie facile pour un prédateur à l’organisation sans failles :
    « Broadway n’était plus le fleuve de flammes éblouissantes qui traversait en biais le cœur de la cité  mais une longue coulée grisâtre que pointillaient parfois les phares de quelques rares voitures se faufilant entre les monceaux de gravats laissés par les immeubles écroulés. Et, à l’arrière-plan, les piles du pont de Brooklyn, aux trois quarts détruits lui aussi, se découpaient contre l’horizon brumeux comme une rangée de dents cyclopéennes. »
    Washington rayée de la carte du monde, le nouveau président des Etats-Unis sera mis en résidence surveillée à Long Island et,  par une campagne de dénigrement systématique, décrédibilisé. La Mafia, elle, opère au grand jour : distribution des vivres, reconstruction des écoles et des églises, travail garanti et salaire pour tous ceux qui accepteront de s’engager dans ses rangs. Antenore fera de New-York son siège et de l’Empire State Building sa forteresse :
    « Antenore me fit attendre près d’une demi-heure dans son antichambre, grande comme une salle de bal, et qu’il avait fait décorer « pour égayer un peu », de toiles prises pêle-mêle au Musée d’Art Moderne ou au Metropolitan, car il pouvait déjà tout se permettre.  Je passai donc un bon moment à admirer « la Moisson » de Bruegel (…), en essayant d’oublier la présence beaucoup moins esthétique d’une demi-douzaine de gorilles, front bas, œil torve et calibre bien en évidence, les gardes du corps du capo dei capi. Inutile d’ajouter qu’Antenore se foutait de la peinture comme de tous les autres arts et n’avaient fait accrocher ces chefs-d’oeuvre où ils étaient que pour l’épate. »
    Il règnera avec deux de ses fils Cipriano et Gualterio. Malgré les chantages de toutes natures, extorsions de fonds et assassinats perpétrés par la Mafia, la population plébiscite Mascalzone pour avoir répondu à sa détresse :
    « Un rêve qui était en passe de devenir une réalité sous une forme un peu différente. La campagne pour les présidentielles s’amplifiait chaque jour davantage et les thèmes lancés par la Mafia, via les articles que je rédigeais, se précisaient. Le slogan : « Ne votez pas… ou votez MAFIA», se répandit partout et devint populaire. Bientôt des candidats osèrent publiquement se prononcer en faveur de l’Onorata Societa en s’appuyant sur le fait constamment démontré qu’ elle pouvait tout et les autres rien. »
    Omero, que la parrain protège comme un fils naturel  pour avoir été jadis l’amant de sa mère (et aussi l’assassin de son supposé père) jouira de tous les droits, et de sa totale confiance. Progressant encore et encore,  la Mafia finira par contrôler la CIA et Antenore se verrait bien maître des USA et, pourquoi pas, du monde.
    Il subsiste hélas! une ombre au tableau. Omero apprend , pas un message confidentiel au siège de la CIA, message dont lui seul aura connaissance et qu’il se gardera d’ébruiter, qu’il existerait, dans les monts Catskills, des opposants écolo-libertaires surnommés les « No-men », des fragments de l’ancienne armée américaine. Décidé à prendre un certain recul vis-à-vis de son bienfaiteur envers qui l’unissent des sentiments ambivalents, Omero, avec la bénédiction d’Antenore, prend des vacances pour lier secrètement des contacts avec les No-men, dont il fera la rencontre au sein de la forêt. D’abord soupçonneux à son égard, Edwin, le chef des No-men, lui accordera sa confiance après la lecture des cahiers intimes qu’Omero porte constamment sur lui et qui retracent l’ascension de la Mafia ainsi que ses rapports personnels avec le Parrain.
    Il pense même à lui faire jouer un rôle essentiel dans le combat final pour la défaite de la Mafia. Il le renvoie à New York en compagnie de Laetitia, une jeune femme chargée de le surveiller et qui deviendra son épouse, avec pour mission de l’avertir lorsque Antenore aura fixé la date d’ une réunion générale avec tous ses conseillers et ministres. Un commando de No-men, déjà en place à New-York, investirait alors le State Building.
    A l’heure dite, l’action s’enclenche avec des effets inattendus : Antenore, empoisonné par Cipriano, fait d’Omero son légataire universel. Finalement, Olmero remettra le pouvoir aux No-men qui réinstallent l’énergique président Taylor dans ses droits, promettant de protéger sans désemparer la nouvelle et jeune république démocratique des nouveaux Etats Unis d’Amérique.
    Le récit, finement écrit, et la profondeur du personnage d’Omero, rendent ce roman attachant, dont l’analyse est celle du but ultime de la mafia qui est d’étendre les tentacules du crime organisé partout dans le monde en remplissant le vide laissé par un pouvoir défaillant, et dont les prémisses se font voir, parfois, dans notre réalité, puisque capitalisme et criminalité font souvent route ensemble. Le plus incroyable, ce qui fait vraiment de cet ouvrage un roman de science-fiction, est lorsque l’armée proclame un nouvel ordre pacifique du monde en promettant de rendre le pouvoir au peuple.

  5. Type: livre Thème: l’entropie progresse... Auteur: Henri LE HON Parution: 1860
    Le Docteur invite le narrateur à rendre visite en sa compagnie à la marquise de C…, frappée par une curieuse forme de catalepsie et capable, selon lui, par moments, d’être en contact métapsychique avec des vérités «magnétiques » qui évoqueraient le futur de l’humanité. Lors de leur arrivée, l’un des domestiques leur annonce que la marquise est en pleine crise. Tandis que le médecin essaye de pallier les atteintes du mal, le narrateur transcrit fidèlement les propos de la marquise.
    A travers une poignante vision de l’avenir s’ouvrent les destinées du genre humain : le globe a été remodelé par une immense subduction des océans. Le Danemark a disparu ainsi que la Hollande mais l’œuvre de l’homme n’en continue pas moins. L’Europe se déverse sur l’Afrique et comme les terres sont rares, de vastes radeaux, des cités flottantes accueillent des foules innombrables. L’Inde et la Chine dominent le monde asiatique. La Science a imposé une paix universelle, la médecine, le confort en tous domaines, la domestication de la géothermie, la navigation par aérostats, l’emploi généralisé de l’électricité. L’espèce humaine est encore la triomphatrice du monde. Mais plus loin dans le temps, d’autres menaces se profilent : des cités ont disparu (dont la ville de Paris), les eaux gagnent à nouveau, imposant une émigration des masses humaines vers le Sud ou vers les points élevés du globe, les guerres se rallument pour la possession de sites privilégiés :
    « Une clameur immense court sur les monts : la débâcle polaire !!!…Les dernières masses océaniques se précipitent sur l’Europe !… Aucun langage humain ne peut exprimer l’horrible majesté du cataclysme… Sur les versants méridionaux des Alpes, la violence des eaux est sans bornes… Lutte formidable entre l’océan et le géant de granit… les masses aqueuses, gonflées par la résistance, s’élancent dans les vallées avec une fureur nouvelle… Des quartiers de montagnes s’écroulent et leurs débris granitiques sont roulés et broyés par les eaux, avec le bruit effroyable que produiraient cent tonnerres souterrains !!… Depuis les temps bibliques, rien de pareil n’a frappé l’oreille humaine… »
    Nous sommes en 7860 de l’ère chrétienne.

  6. Type: livre Thème: archéologie du futur Auteur: Hippolyte METTAIS (Docteur) Parution: 1865
    Un chasseur rencontre l’étrange héros de l’histoire, abandonné, blessé sur un rocher au bord de mer. C’est l’illustre journaliste Daghestan qui lui demande de l’emmener à Caucasipol, la capitale, pour qu’il puisse remettre en mains propres son manuscrit au rédacteur en chef de la « Gazette de Caucasipol ». C’est ce manuscrit, reproduit sous forme de feuilleton qui forme le corps de l’ouvrage : « l’An 5865 »
    Daghestan y révèle que, pris de passion pour l’archéologie, il s’est mis en tête de retrouver le territoire de l’ancienne France, pays remplacé par l’actuelle Caucasie, et surtout sa capitale, Paris, situé d’après lui en un lieu sauvage et barbare nommé Figuig, hanté par des tribus moyenâgeuses. Citoyen célèbre de la Caucasie, Daghestan est soudain plongé au cœur de l’aventure par la lettre d’un défunt Père Franco l’avertissant qu’un livre très ancien l’attend à Lining, dans l’actuel royaume du Danemark, dont il serait l’héritier légitime.
    A l’enterrement du Père Franco, Daghestan fait la connaissance de Nhoëlle 1ère , la dernière de la dynastie des Blanquet, issue de l’ancienne France. Elle l’incite à garder ce livre écrit en français – donc illisible pour Daghestan - et à continuer sa quête de Paris. Nhoëlle, dont le journaliste tombe éperdument amoureux, est protégé par un homme sauvage et très fort, Schahpothink, qui deviendra l’ennemi juré de Daghestan. Il se renseigne aussi sur l’origine de la Caucasie qui remonte à  un ancien poème épique relatant les exploits d’un certain Caucasus devenu général en chef de l’armée française. Après avoir démantelé la Russie , Caucasus unifiera le Danemark, la Suède et la Turquie en une fédération d’Etats, préfiguration de l’actuelle Caucasie, avec Lining pour capitale.
    Nhoëlle le presse de la retrouver à Figuig. Mais le trajet sera long pour Daghestan qui visitera au préalable de nombreux pays. Tout d’abord le Soudan. Attiré par le roi philosophe Fittri comme jadis Voltaire par Frédéric II, Daghestan admire ce pays à la pointe du progrès social. Liberté de la justice, suppression de la peine de mort, nouvelles technologies dans le domaine des transmissions, mise en place de la sécurité sociale garantie par les corporations, développement de l’éducation et de la médecine, formation permanente, règlements des conflits du travail par une chambre prud’hommale, toutes ces innovations représentent une vision de l’utopie socialiste du XIXème siècle.
    Quittant le Soudan pour Tombouctou, il est accueilli par des gens simples et bienveillants. Dans ses promenades, il trouve des preuves de l’existence d’une ancienne civilisation française : fragments d’une statue immergée, temple englouti, découverte d’une plaque émaillée partiellement effacée. Il y fait aussi connaissance, dans un îlot volcanique des « Androgènes », êtres mystérieux, semi-aquatiques, qui lui fourniront le prétexte d’une discussion relative à l’origine des espèces.
    Poursuivant sa route en ballon, il survole un village entièrement bâti avec des matériaux antiques, ce qui l’incite à penser qu’il se trouve au-dessus de Figuig. En atterrissant, il est capturé et emprisonné par les autochtones qui le nourrissent avec un aliment prodigieux, la pomme de terre, laquelle, si elle était connue en Caucasie, éradiquerait toute famine.
    Il sera libéré par Ouchda, la fille du roi Rhaman X – qu’il retrouvera plus tard. Daghestan apprend de sa bouche que ce pays barbare est bien l’ancienne France, que Rhaman X est le frère du roi Belt de Trévig, qu’elle fait partie, comme son père, de l’ethnie dominante du pays, c’est-à-dire des Marocains. L’autre ethnie, celle des dominés dont Nhoëlle est la reine, est formée des descendants barbares des anciens Français de souche.
    Fuyant en aérostat, il aboutit à Bornéo où il se lie d’amitié avec Arach, le « Licencié  en Droit » qui lui offre l’hospitalité. En philosophe amer et cynique, Arach lui explique la structure sociale de ce royaume où les impôts pèsent sur le peuple, où la bureaucratie est toute-puissante, où la médisance et le mépris passent pour des vertus. Lui-même, ayant recueilli en toute innocence une jeune orpheline, Tarnawalis, a été accusé d’inceste à un point tel qu’aujourd’hui Tarnawalis se prostitue dans les bas-fonds de Bornéo.
    La famille d’Arach est décédée. Il l’a donc conservée, immortelle et embaumée, telle que l’exige la coutume, en un émouvant tableau vivant, lui consacrant une pièce entière de sa maison. Avant de repartir pour Lining au Séeland, Daghestan se fait offrir des bombes en cadeau, seule invention moderne de Bornéo.
    Planant au-dessus de Lining, il assiste à une révolte populaire où les méchants – les bureaucrates - s’apprêtent à exécuter le roi Belt et Falster son cousin. Grâce à ses bombes, il leur sauve la vie. Tous trois embarqués dans l’aérostat cherchent refuge auprès du frère de Belt, Rhaman X.  Donc, à nouveau, cap sur Figuig.
    Comme le trajet est long, le roi Belt explique à Daghestan le « Livre des Prophéties », un ouvrage sacré décrivant la chute de l’ancien Paris liée à la corruption des temps et la liberté des mœurs. A destination, Rhaman X les accueille, les cajole, les protège et met une demeure à leur disposition. Daghestan, fou de joie, peut enfin se livrer à ses explorations archéologiques et prouver la véracité de l’existence d’une ancienne capitale française de haute culture :
    « Il n’était point difficile de reconnaître les soins d’une femme en cet endroit, et je soupçonnai que ces ruines étaient probablement la solitude où venait rêver Ouchda, dont le palais était proche. Il y avait là, comme dans les dépendances de chaque palais qui servent à la promenade, des sièges luxueux, formés par des statues mutilées, couchées à terre et artistement revêtues de mousses et de gazons. ( …) Tout indiquait cependant que là avait dû exister un monument national, bien que la construction ne nous offrît point de luxe. Eh bien, là, comme partout ailleurs, nous fûmes obligés de baisser la tête en reconnaissant que nous ne découvrions rien. »
    Il est également confronté à des mœurs étranges pour lui. Mœurs alimentaires, d’abord. Avec des repas diététiques, sans vin, mais avec une liqueur divine, le café ! Mœurs sociales, où la chasse constitue le sport favori. Rhaman X est le représentant du conquérant rude qui opprime la tribu patriarcale aux mœurs douces des Français de souche,  dont la reine Nhoëlle – qui s’entend avec la jeune Ouchda - est la prêtresse honorée et écoutée. Nhoëlle Merlukhek (c’est son nom réel) montre à Daghestan la difficulté des siens en son pays, désirant par-dessus tout qu’il épouse leur juste cause de secouer le joug des Marocains. Afin de le convaincre, elle favorise ses explorations, le guidant dans les ruines malgré Schahpothink, toujours vigilant :
    « Une habitation plus belle et plus grandiose s’élevait au milieu des autres avec quelque prétention de luxe. Elle était entourée de cours et de jardins. Son aspect était bizarre, mais ne manquait pas d’élégance au milieu de l’âpre rusticité de cette sorte de village. Ses abords étaient protégés par une grille de fer, qui n’avait certes pas été fabriquée par les habitants du lieu. Elle devait venir de loin, si mes souvenirs ne me trompent pas, car elle ressemble de tout point à une grille unique que nous possédons au musée de Caucasipol, et que notre gouvernement a achetée à grand prix d’argent, comme un spécimen des travaux de la plus haute antiquité. (…) Au-dessus de la porte d’entrée de l’habitation était clouée une petite plaque de métal, sur laquelle je pus lire, à l’aide de la science que m’avait donnée le livre du père Franco, mais sans comprendre toutefois le français : Boulevard du Maine. »
    Daghestan a déjà pu visiter « le Palais de l’Intendance », appelé aussi « Palais de l’Ile », barricadé et situé au milieu d’un marais qui l’entoure des deux côtés. On y accède par un pont ouvragé où veillent des débris de statues équestres.
    Nhoëlle lui procure également un ensemble de documents écrits en français que Daghestan, fou de joie, n’aura cependant pas le temps de déchiffrer. Guidé par Schahpothink, aux ordres de la reine, il se retrouve au sein d’une conspiration, dans d’anciens souterrains où sont entassés une quantité impressionnante d’armes rouillées. Nhoëlle compte sur le journaliste pour l’aider à faire marcher ces armes, clefs d’une future victoire. Enfin, pour le persuader définitivement de la supériorité des Français, elle le met en transe hypnotique et lui fait visiter le passé de son peuple, de la gloire à la décadence :
    « La France ! son berceau historique… des forêts, des sauvages à demi-nus, des huttes encore ; mais des héros, des géants… Quels combats ! toujours des combats … Puis des envahissements de barbares, des envahissements d’hommes civilisés… Puis… puis des fleuves de sang pour secouer le joug de l’esclavage… Puis encore des fleuves de sang plus tard… Oh ! quelle histoire ! Pauvre France ! Pauvre peuple! Des grands hommes pourtant… Et puis… Oh ! mon Dieu ! des guerres civiles… l’abrutissement, la dégradation… Des tremblements de terre, des éruptions de volcans partout ; partout des inondations, des ravages : les envahissements de la mer jusqu’ici… des villes ruinées, englouties ; des montagnes qui s’affaissent, des vallées qui deviennent des montagnes… Puis, enfin, des sauvages qui font irruption de toutes part, qui achèvent de tout détruire. »
    Daghestan, toujours amoureux de la reine, est convaincu  par ses propos mais, en bon philosophe, hésite à s’engager plus avant. D’ailleurs, où trouver de la poudre ? Il suggère à Nhoëlle que son peuple n’a pas besoin de ces armes pour vaincre ; son dynamisme naturel , sa fierté, le rappel de son glorieux passé, devraient suffire.
    Ouchda complique la situation. Pour mieux sceller l’union entre les deux ethnies, son père l’a promise au détestable Schahpothink. Elle est prête à tout, même à suivre Daghestan, pour échapper à ce sort funeste. C’en est trop pour Schahpothink qui se livre à des tentatives d’assassinat sur la personne de Daghestan . Falster, méfiant, conjure le journaliste de fuir ce pays devant l’imminence d’une révolution.
    Entre-temps, Nhoëlle, en une ultime sortie, montre à Daghestan le « Petit Paris », aux environs de la ville où vivent les Français selon le modèle d’idéal utopique et communautaire  du Père Enfantin: gouvernement municipal dirigé par un Conseil des Sages, les femmes, nues, saines et hâlées qui se livrent aux travaux des champs, les enfants éduqués dans une crèche municipale, les maisons ouvertes parce que le vol y est inconnu, le mariage libre, les biens mis en commun. Au contraire, plus loin, aux limites extrêmes de la Nouvelle-Cosaquie, à Sebou, ville-frontière, vit un peuple misérable et sauvage, celui des Cosaques, Cosaques, complices des Marocains. La décision de Nhoëlle est donc sans appel : les Français sont les seuls et légitimes héritiers de cette terre par droit naturel. Rhaman X et sa caste doivent être éliminés. Une dernière méditation sur les tombes ruinées des anciens rois de France lui montre la qualité éphémère des choses :
    « Il y avait là une petite plate-forme qui n’avait point été souillée par l’ineptie des Cosaques ( …) Quelques débris de statues de marbre étaient entassés dans un coin où ils servaient de point d’appui à des poutres de bois, qui soutenaient quelques pierres en train de tomber. Ces débris étaient fort beaux encore, et surtout fort visibles. Auprès d’eux étaient de nombreux tombeaux évidemment, car les petits monuments qui étaient là en avaient la forme, telle que nous la raconte l’histoire ancienne.. Des portions d’inscriptions funéraires se voyaient encore sur la pierre. Comme ils étaient assez bien conservés, les Cosaques avaient trouvé très commode d’y encaisser des grains de leur récolte. »
    Sur le chemin du retour l’attendent de graves nouvelles. Rhaman X, ayant eu vent de ce qui se prépare, s’apprête à intervenir. Le départ en aérostat s’avère urgent au grand dépit de Daghestan qui avait encore tant de choses à voir. Juste avant de prendre l’air, il est blessé par Schahpothink, d’un coup de fusil. Et c’est ainsi que le retrouve notre chasseur , sur les rochers près de Caucasipol.
    La gazette nous apprend enfin la mort de Schahpothink, assassiné, la réussite d’une révolution en la Nouvelle-Cosaquie qui a repris le nom de France, la décision de la nouvelle reine du pays, Nhoëlle Merlukhek, de moderniser cette région à l’exemple du Soudan, et enfin la mort de Daghestan qui n’aura su survivre à sa blessure. Son corps, conservé avec le procédé d’embaumement du Licencié Arach, aurait disparu au moment même où l’on apprenait l’abdication de la nouvelle reine au profit d’un Conseil des Sages et la résurrection de la ville de Paris.
    Magie et métapsychique, critique de la justice et de la morale politique, innovations technologiques tels que le cheval mécanique, l’aérostat, la télégraphie sans fil, les câbles sous-marins, ethnologie, histoire fictive, archéologie futuriste, poésie des ruines, barbarie de l’Europe face à la prospérité du continent noir, « l’an 5865 » touche à tous les domaines. Difficile à se procurer, difficile à lire dans un texte redondant et désuet, l’ouvrage, en dépit de ses incohérences structurelles, contient pourtant de précieuses pépites à extraire lentement, en prenant tout son temps.

  7. Type: livre Thème: guerres futures 1, péril jaune et guerres des races Auteur: Maurice SPRONCK Parution: 1894
    En 2105 de l’Ere chrétienne, la commune d’Orléans fêta «l’Ere de la Raison et du Socialisme». Les réjouissances publiques servirent de témoignages à l’entrée de l’Europe au sein de l’âge d’or. On honora la science et la culture. Grâce au savant Claude Mouillaud, le père de l’alimentation artificielle, plus personne ne meurt plus de faim. Les femmes ont accédé à un haut niveau de responsabilité.  La citoyenne Paule Bonnin, première magistrate de la ville, préside aux jeux dont le thème est la reconstitution réaliste des siècles barbares. Grâce à l’électricité, chacun peut se déplacer à sa guise en tricycle, car seule compte en ces temps merveilleux le culte de l’esprit. C’est pourquoi Paule Bonnin est une femme énorme, obèse, incapable de de marcher sur ses propres pieds :
    «Comme la plupart des ses contemporains ou contemporaines, la fâcheuse obésité l’avait frappée fort jeune, et elle n’avait pas tardé à atteindre une amplitude qui, dans une civilisation moins parfaite, lui eût rendu l’existence impossible. Un système de corsetage savant la cuirassait des genoux jusqu’aux épaules, comprimant les cuisses, refoulant le ventre, étayant la taille, ramenant la poitrine, soutenant les bras (…) Les yeux et le front seuls avaient une beauté puissante, pour ainsi dire spirituelle. »
    Déshabitués de l’exercice physique, tous les citoyens ont une grosse tête sur un corps débile ou contrefait. L’Etat, disparu au profit des Communes  grâce aux avancées difficiles vers un progrès que ponctuent la Révolution française et la République, a répandu l’instruction obligatoire et rendu la guerre hors-la-loi.  Pourtant, quelques soubresauts historiques, comme le règlement du problème de «l’Alsace-Lorraine», ont quand même provoqué quatre millions de morts. Le « Mécanisme » appuyé sur l’énergie électrique produit donc une surabondance de richesses qui amène, après l’instauration de la journée de deux heures, la fin du travail :
    « Devant l’abondance et la surabondance des richesses, la journée de huit heures, par la force seule des choses, ne tarda pas à se réduire à six, à quatre, puis à deux heures ; bientôt même la moindre assiduité quotidienne devint superflue (…) A la fin, on jugea plus simple pour ces corvées, d’entretenir collectivement un certain nombre d’ouvriers chinois ; et, comme il était à craindre que la présence de ces étrangers constituât un péril, chaque commune se composa par prudence une milice de mercenaires musulmans ».
    Le sentiment de la Patrie avait disparu. En ces temps idylliques subsistaient encore quelques ombres au tableau. Le suicide sera considéré comme une forme normale de mort. Les femmes refusent de subir des grossesses. Les campagnes se dépeuplent au profit des villes, les faibles survivent en fragilisant la société. L’emploi des excitants artificiels (opium, alcool) est légitime. Bien que les criminels gardent toujours une propension au crime, la société les fait vivre dans le confort dans le but de les rééduquer.
    C’est alors que l’Islam bouge et s’étend à toute l’Afrique, l’Asie et l’Inde. Un Islam ignorant, pauvre, fanatique et barbare. En face d’une Europe pacifiste, les prêches en faveur du Jihad se multiplient,  ainsi que les actes de piraterie en Méditerranée. En 2092, les Maures entreprennent, pour un prétexte futile, la reconquista de l’Andalousie. Les Espagnols terrifiés entament des pourparlers, tout en appelant le reste de l’Europe à leur secours. Mais, les citoyens étant libres, l’enrôlement des volontaires eut peu de succès. Ainsi, la prise de l’Espagne ne fut même pas une guerre, seulement une prise de possession. Cadix, qui tenta de résister, sera rayée de la carte par l’émir Ali-El-Hadji, et les survivants mis en esclavage. Les Arabes, dans un élan magnanime, épargneront  ceux qui embrasseront la religion musulmane. Comme la crise perdure, l’Europe inquiète, après bien des parlottes, créa les «Missions Modernes», sortes de délégués philanthropes censés venir en aides aux Communes menacées. Parade illusoire puisque le sultan les éradique en faisant décapiter les meneurs.
    En 302 de la nouvelle ère, le successeur Ibrahim-El-Kébir, reprend les projets d’invasion. Taciturne, d’une intelligence moyenne, mais ardemment mystique, il fédère les Musulmans du monde autour de lui, se proclamant le descendant du prophète. L’Europe croit encore au Droit alors que les Arabes ne connaissent que la violence. Ils débarquent en Italie puis dans le sud de la France. Conjointement, du côté asiatique, les Balkans et la Russie sont investis. L’Asie et l’Afrique déferlent sur l’Europe, faisant plier les Municipalités. Les anciennes milices musulmanes, chargées de défendre les Communes, fraternisent avec les envahisseurs. Une armée européenne, mise difficilement sur pieds, cède dès les premiers engagements , près de Lyon, hantée par la cruauté supposée des arabes. Mise en déroute, elle laissera la voie libre aux barbares dont les massacres provoquent de nouvelles épidémies :
    « Pour comble, des épidémies disparues depuis des siècles, le typhus, la variole, la peste, arrivèrent à la suite des hordes asiatiques. Brusquement tirées des réceptacles lointains où ils sommeillaient éternellement (…) Les horribles fléaux parcoururent en moins d’un mois l’étendue de l’immense champ de bataille. (…) Les cadavres pourrissaient en plein air, sur les routes ou dans les maisons abandonnées, créant ainsi sans cesse des foyers d’infection contagieuse. Mais, tandis que, chez les envahisseurs, les vides se comblaient continuellement par de afflux d’immigrants nouveaux, certaines régions envahies, ou près de l’être, se dépeuplèrent en quelques jours, sans que nul, dans le désarroi universel, songeât à secourir les sinistrés. »
    Les Communes cèdent les unes après les autres, le suicide  en commun d’Européens devient la norme et le cannibalisme se répand. Lorsque les Arabes atteignent la Commune d’Orléans, celle-ci n’est plus qu’un monceau de décombres fumants. Finalement, Ibrahim touche les rivages de la mer du Nord :
    « Dieu est au-dessus de nous ; et il m’a conduit pas la main, moi Ibrahim, jusqu’aux confins de l’espace, pour exterminer les Infidèles qui méprisent la parole sainte, et qui s’adonnent aux vaines sciences puisées dans les livres, à la mollesse et à l’oisiveté. Au nom de la foi unique et vénérable, j’abolirai les derniers vestiges de leur infamie et de leur corruption ; j’abaisserai dans la poussière cette race de chétifs et d’énervés, et je partagerai les riches royaumes qu’ils détenaient entre les forts et les braves ; je réduirai à l’oubli l’enseignement pervers dont ils se faisaient gloire ; je détruirai les monuments de leur luxe ; et je bâtirai à la place des milliers de sanctuaires éternels, d’où la prière montera vers les cieux. »
    L’Europe n’existe plus :
    «Heureux et fiers de leur force, inconscients de leur servitude, de leur ignorance et de leur misère , inaptes aux merveilleuses subtilités de l’esprit moderne qu’ils dédaignent faute de le comprendre, ils se vantent d’avoir anéanti l’Europe ; ils s’y installent, s’y organisent et s’y multiplient avec la fécondité des races inférieures. Et le plus intelligent d’entre eux serait incapable de citer les minéraux dont se compose Sirius… Les barbares ont reconquis le monde. La civilisation est morte. »
    « L’An 330 » se présente comme une nouvelle intelligente, terrible et cruelle de lucidité , relative au destin futur d’une hypothétique société européenne.  Avec le temps, nous pouvons estimer à quel point ce qui apparaissait comme pure spéculation de Spronck, devient d’une grande actualité aujourd’hui. La faillite des valeurs républicaines, le morcellement social, l’égoïsme individuel, l’écroulement des idéologies, la résurgence d’un Islam conquérant, conduisent naturellement à une vision guerrière où des Musulmans règnent en maîtres absolus sur une Europe dévastée, préoccupation reprise surtout par des écrivains d’extrême-droite tels que Philippe Randa (Poitiers Demain)  ou René Sédillot (La France de Babel-Welche)

  8. Type: livre Thème: sociétés post-cataclysmiques 1 Auteur: Robert ABERNATHY Parution: 2000
    Joseph Bloak se réveille au premier matin de l’an 2000 en un univers de cocagne, technologique et hypersophistiqué, où sa jolie femme et ses brillants enfants remplissent tous ses vœux.
    Cependant,  la réalité est toute autre. Grattant des poux sur sa tête, étendu au fond d’une grotte, se réveillant aux paroles d’une femme revêche, il sera encore obligé de relever les collets dans la lourde neige du dehors s’ils veulent subsister en ce premier jour de l’an 2000 d’après la catastrophe.
    Une très courte nouvelle à l’impact accentué  par ce parallèle rigoureux.

  9. Type: livre Thème: menaces telluriques Auteur: Claude FARRERE Parution: 1927
    Le 6 juin 1937 se produisit un événement singulier: l’exhaussement du sol, par un expansion de lave, entre la France et l’Angleterre:
    " Car, fatalement, le premier résultat, et le plus considérable du tremblement de terre de l’an 1937 fut la disparition de cette ancienne mer que les Anglais nommaient Channel, et les Français, la Manche. Asséchée quant aux sept dixièmes de sa précédente étendue, il n’en reste, à l’ouest, que les deux golfes de Normandie et de Bretagne, séparés l’un de l’autre par la presqu’île anglo-normande que dominent les trois sommets de Jersey, de Guernesey, et d’Aurigny; et rien du tout à l’est, le nouveau delta de la Somme s’avançant en mer du Nord jusqu’à soixante bons kilomètres au-delà de ce qui fut jadis le Pas de Calais. "
    Ce pont conjonctif, tout en détruisant une vingtaine de villes côtières, permit à la Somme de jouer le rôle de frontière naturelle entre les deux pays. La catastrophe fut vécue douloureusement et avec inquiétude par les Anglais, dont la bourse s’effondra en deux jours avec leur concept de "supériorité nationale ". Voilà pourquoi, le premier choc passé, l’alliance entre la France et l’Angleterre  devint inévitable à l’encontre de toutes les envies prussiennes.
    Et surtout, le Secrétaire de l’ambassade de France, Jacques Thorigny,  put enfin obtenir la main tant désirée de miss Graham de la part de son futur beau-père , l’homme du tunnel sous la Manche, que le krach , en le ruinant, avait rendu civilisé. Quand le malheur des uns fait le bonheur des autres!...
    Une nouvelle toute en souplesse et ironie, sous forme de bijou ciselé. Rien de commun avec la lourdeur du roman de Maurice Leblanc " le Formidable Evénement " qui s’inspire (de très près! ) du même thème, tout en l’affadissant.

  10. Type: livre Thème: disette d’éléments Auteur: René ZUBER Parution: 1950
    Le narrateur travaille à la « Vie de St Louis », à la Bibliothèque Nationale, ouvrage sur lequel il trouve une tache suspecte. Il s’adresse à son ami d’enfance Blanowski de l’Institut Pasteur, spécialisé en géologie et médecine, compétent dans l’histoire et la conservation des momies. Après analyse, celui-ci découvre que le papier – surtout de bonne qualité - est attaqué par un amylobacter, une bactérie papyrophage :
    « Nous nous trouvons, me dit-il, devant une maladie nouvelle du papier. – Une maladie ? – Une maladie que je crois contagieuse et dont j’ai déjà isolé le microbe. C’est une bactérie de la famille des amylobacter. Un amylobacterpapyrophage d’une extraordinaire virulence que je vais te montrer (…) Il (..) transforme (..)  le papier en un résidu poudreux, impalpable, sans aucune résistance, analogue à de la cendre. ».
    Les dégâts s’étendent obligeant à toutes les précautions de conservation, aux déplacement des œuvres imprimées anciennes en des pays au climat désertique. Cela n’empêche pas l’épidémie de s’étendre. La presse s’empare de l’événement tandis que le conseil des ministres entérine le drame, impuissant à y porter remède. D’après Blanowski, l’origine de la maladie du papier serrait due à un déséquilibre vital, à l’entassement inconsidéré de masses de documents :
    « les mille moyens que la nature tient en réserve pour rétablir l’équilibre s’appellent quelquefois des guerres, des épidémies. La lèpre, mon cher. Le choléra. Et si la pomme de terre prend trop d’importance, le doryphore. Et si le papier s’accumule trop dans le monde, ce peut être l’amylobacter papyrophage. »
    Dans un Paris que le printemps égaye, les structures sociales s’effondrent les unes après les autres, minées par l’absence de papier. Les fumeurs furent les premiers à s’en rendre compte, suivi de près par les banquiers horrifiés par la destruction de la monnaie-papier. Tout l’état-civil reposant sur des formulaires s’autodétruisit ce qui eut comme conséquences un regain dans l’anarchie et dans le gangstérisme. Les militaires refusèrent d’obéir, prétextant qu’ils étaient en permission, les attestations illégales d’actes de naissance ou d’identité, le manque d’actes de décès accentuant le marasme social et économique. Combien d’objets, d’aliments, de médicaments manquèrent, suite à la destruction de leur emballage ! Même la construction immobilière ralentit, le ciment étant livré dans des sacs en papier :
    « Le mécontentement grandissait. Aux postiers, aux instituteurs, aux cheminots, et en général à tous les fonctionnaires, aux gendarmes, aux notaires et clercs de notaires, aux employés du livre, de l’édition, de la librairie, s’ajoutait maintenant le poids des ouvriers du bâtiment. Tous, menacés, demandaient au gouvernement de leur garantir du travail et du papier. »
    Les déplacements devinrent hasardeux, tous les guides, horaires, tickets, bordereaux disparurent en perturbant gravement les communications. Le téléphone, l’activité électrique en général s’effondra à cause de la disparition du papier dans certains composants électriques. Parallèlement, le mécontentement fut en augmentation, surtout parmi les fonctionnaires. On rendit la Bibliothèque nationale responsable de l’épidémie, qui dut faire front à des attaques réitérées. Puis, la régression devint générale : faute de courant, l’on en revint aux lampes à pétrole. L’Etat se fissura, des communes firent sécession pour battre monnaie à l’effigie de leur maire.
    L’Amylobacter a dissous, avec le papier, tous les liens sociaux. La seule arme possible serait pire que le mal, soit la destruction préventive de tous les stocks de papier existants :
    « Ils ont fait cette folie. Ce sont les explosions qui m’ont réveillé. Du second étage, nous assistons à un magnifique feu d’artifice. Nous cherchons à identifier les foyers : les fabriques de carton d’Aubervilliers, les stocks des Magasins généraux, les Messageries Hachette, quai de Javel. On entend dans la nuit des moteurs d’avion : les usines à papier de Nanterre doivent être visées… »
    C’est lorsque le gouvernement (ou ce qu’il en reste) décide de faire bombarder par l’armée les dépôts encore connus, que le narrateur émerge d’un cauchemar où les associations d’idées se sont faites à la rapidité de l’éclair.
    Cette nouvelle est quasiment identique à celle de Tolvannen avec sa « Maladie du papier » présentant cependant l’originalité de doubler le texte par la suite graphique de Jean Effel, ce qui instaure une lecture à deux niveaux différents.