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Bienvenue dans la Base de Données des livres !

Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !

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Livres

  1. Type: livre Thème: la cité foudroyée, savants fous et maîtres du monde Auteur: Charles M. PIERRE-PAIN Parution: 1936
    Hector Gansen, savant atomiste, rencontre un ancien camarade de classe Mignot, devenu clochard. Pris de pitié en face de l’infortune, il lui offre à manger et imprudemment lui dévoile les secrets qu’il a arrachés à l’atome, c’est-à-dire la possibilité de transmuter les éléments, de les rendre plus lourds ou plus légers, de les faire exploser en une déflagration  inimaginable. Mignot, qui est une franche crapule, assassine Gansen et lui vole ses inventions. Quelque temps après, Paris est menacé par un chantage: des tonnes d’or devront être livrées sinon la ville sera détruite quartier par quartier et, pour montrer qu’il ne s’agit pas d’une plaisanterie, le quartier de l’Opéra saute, entraînant ruines et destructions:
    " Un homme se jeta contre la voiture, bosselant le capot de ses poings, hurlant des paroles insensées. Une femme filait, les yeux exorbités, muette, serrant entre ses bras le cadavre d’un enfant sans tête. (...) Un gros camion poudré de ciment grondait, patinant dans une mare de sang, n’arrivant pas à démarrer avec son chargement de cadavres. (...) Parfois, de grands pans de murailles perdaient un équilibre que l’horrible secousse avait fait instable et s’effondraient unissant dans le même écrasement les blessés à l’agonie et ceux qui venaient leur apporter le secours de leur courage et de leurs mains. "
    Roland, le fils de Gansen, est décidé à tirer l’affaire au clair. Il poursuit le  " fusoïde ", une sorte de dirigeable, qui vient chercher l’or entreposé sur une piste de l’aérodrome du Bourget, en vain, car il perd la trace des ennemis de l’humanité. Entre temps, Berlin, Londres puis Moscou ont été frappées à leur tour. Une bonne nouvelle arrive aux oreilles de Roland et de Jackie, sa petite femme adorée: on aurait retrouvé la trace des bandits en Afrique, à St Louis du Sénégal, puis à Abidjan.
    Aussitôt dit, aussitôt fait, Roland et Jackie, officiellement chargés de l’affaire, se rendent en Afrique. Lors d’une rixe dans une boîte de nuit, Roland est enlevé par ses ennemis. Jackie, avec le capitaine Lagrange, et en compagnie d’une troupe de tirailleurs sénégalais, s’engagent à leurs trousses à travers l’impraticable forêt vierge.
    Bien que les Noirs soient " tous (des) coquins couleur de cirage (qui) se réclament hautement de la qualité de citoyens français et empoisonnent notre administration de réclamations et de plats quémandages. ",  ils ont l’avantage de tous se faire tuer pour la France lorsque le groupe est attaqué par des Yacoubas féroces et anthropophages, à la solde des assassins. Seule Jackie survivra pour finir par rejoindre Roland retenu captif dans une grotte, repaire de Mignot et de ses acolytes.Réussissant à s’emparer de l’appareil à " alourdir " les métaux, Roland finira par avoir le dessus en faisant s’effondrer sur les infâmes brigands les tonnes d’or subtilisées et " alourdies ".
    Enfin, grâce au "fusoïde", ils rejoindront la civilisation. Convaincus que le redoutable appareil ne pourra qu’ "assassiner les peuples ", ils décident de le faire disparaître à jamais, en le coulant. Enfin un bon geste!
    Un récit dans la veine de la littérature populaire, au style vif, jouant avec les poncifs du "savant fou", tels qu’ils apparaissent dans les aventures de "Flash Gordon". On y relève aussi de la xénophobie, du racisme et de la haine. Un roman qui, bien qu’emblématique du genre, ne mérite aucune résurrection littéraire.

  2. Type: livre Thème: la nouvelle glaciation, péril jaune et guerre des races Auteur: John CHRISTOPHER Parution: 1962
    Andrew Leedon, dit Andy, vit avec Carol à Londres. Animateur et journaliste au Times il est amené à interviewer David Cartwell, un scientifique, au sujet de l’hypothèse de Fratellini qui soutient que les neiges répétées et de plus en plus précoces, associées à une diminution de la température, instaureront une nouvelle ère glaciaire sur le nord de l’Europe en peu d’années.
    Andy et David deviennent amis, se fréquentent, ainsi que leurs femmes, Carol et Madeleine. L’herbe étant toujours plus verte dans le pré du voisin, Carol abandonne Andy au profit de David, puis, un peu plus tard, Madeleine se consolera dans les bras d’Andy. Leur vie continue pourtant avec, parfois, des moments plus intéressants, comme lorsque Andy invite à déjeuner chez lui un journaliste stagiaire venu du Niger, le noir Abonitu. David, de retour de Suède, conseille à se amis de quitter l’Angleterre, d’émigrer vers le sud car les conditions de vie deviendront bientôt, selon lui, hostiles en Angleterre où tout avenir social sera impossible devant la baisse constante des températures :
    « En janvier et février, le froid devint féroce. La Tamise était gelée presque jusqu’à Tower Bridge ; les aval, les eaux du port et l’estuaire charriaient des blocs de glace (…) Mars débuta sous des auspices un peu plus favorables, mais il n’y avait toujours aucun signe de fonte des glaces. Les prix alimentaires, qui subissaient depuis quelque temps une hausse permanente, atteignirent des plafonds, et il se produisit une vague de grèves à travers le pays. »
    Andy et carol suivront le conseil. Ils iront à Lagos, au Niger, en un délai suffisant pour se rendre compte à quel point le cœur de Londres a déjà changé. Déjà, l’on se déplace en voiture blindée pour aller au travail. Déjà, les soldats, qui ont pris la relève des policiers, sont quotidiennement en butte à l’hostilité de la foule, déjà l’anarchie et l’effritement des structures sociales se font sentir. Au cœur de la City, le froid rigoureux, permanent provoque l’état d’urgence.
    Carol est partie la première. Andy, accompagnée de Madeleine, débarque à Lagos, subissant un choc culturel immense. Faisant partie de l’immense masse de Blancs immigrés en Afrique, il passe pour un citoyen de seconde zone, sans argent, sans avenir, méprisé et maltraité par des Noirs arrogants et revanchards :
    « Ce transfert de fonds a eu lieu avant la décision concernant les monnaies européennes , se récria Andrew. – C’est exact, patron. –Donc la somme doit être payée ! – Je ne pense pas que vous vous représentiez la situation. Ce crédit était en sterling. Cette monnaie n’a plus cours sur le continent africain. –Mais le crédit devait être payé en argent nigérien ! – la note que j’ai ici n’en fait pas mention. Une banque ne peut outrepasser son autorité, patron. Mrs Cartwell aurait pu vouloir toucher ses fonds dans une autre monnaie. En argent sud-africain, par exemple… ou peut-être même en coquillages…Il eut un nouveau sourire : - Désolé, patron. »
    Carol, qui avait pris de l’avance, suit un nouveau modus vivendi : elle se prostitue auprès des riches possédants nigériens, transformée en objet de plaisir. Pieds nus dans la boue, Andy vit de petits boulots acceptant même des métiers incompatibles avec sa morale comme entraîneur de soldats nigériens. Cependant, comme tout se règle avec du « dash » (pourboire), il ne peut évoluer.C’est Abonitu l’ancien journaliste stagiaire, qui, le reconnaissant, le tirera de la misère, lui offrant un poste à la télé nigérienne. Sa situation qui s’améliore brusquement, attire Carol qui avait disparu tout le temps de sa misère. Elle resurgit pour lui demander de l’aide. Andy, plus préoccupé par le sort de Madeleine, refusera.
    Plus aucune nouvelle ne parvient d’Angleterre isolé par le froid, ni de David, resté à Londres, ville fermée et zone interdite. Le commandant Tabrouk, qui se rappelle les compétences militaires d’Andy, lui offre de participer comme observateur à l’expédition projetée dans le nord, avec Abonitu, et sous la direction du général Mutelli. A bord de cinq hovercrafts, acheminés d’abord en avion jusqu’à St Nazaire, ils devront franchir la Manche, certainement gelée, aboutir en Angleterre, repérer les richesses industrielles du pays encore accessibles et pousser jusqu’à Londres.
    Ils feront la connaissance d’un monde hostile, glacial, rempli de brouillards, un univers inconnu des Africains qui exacerbe l’animosité de Mutelli à l’encontre d’Andy et d’Abonitu. A Guernesey, où ils font une halte, ils seront les otages d’un « gouverneur » de l’île, désireux de faire main basse sur les hovercrafts. Le gouverneur se trompe sur la position d’Andy, qu’il pense gagné à la cause blanche. Restant fidèle aux Nigériens et se rappelant surtout tout ce qu’il doit à Abonitu, Andy parvient à libérer l’expédition, ce qui augmente sa relative liberté d’action. Abonitu ayant de son côté éliminé Mutelli, a pris le commandement du groupe lorsque les hovercrafts pénètrent dans une ville pétrifiée dans la glace :
    « Ils descendirent le cours de la Tamise, flanquée de silencieuses et vides falaises de blancheur. Derrière eux, le ciel à l’ouest était à la fois cuivré et blafard, avec de lourdes couches de nuages éclairés par un soleil déclinant. Andrew cadra dans le viseur de la caméra la cité gelée baignée de cet éclairage irréel. Ce serait moins frappant, se dit-il ironiquement, sur l’image en noir et blanc de la télévision nigérienne que sur le film couleur qui se trouvait dans le chargeur.
    Ils passèrent devant la Tate Gallery. Sous l’habituel anonymat du linceul blanc, on distinguait les ravages du feu. Les fenêtres béantes montraient les ravages causés à l’intérieur. Les toiles les plus importantes avaient été déménagées avant l’état de crise et expédiées vers les pays du sud, où elles s’étaient vendues à bas prix. »
    Glissant sur la surface gelée de la Tamise, ils perçoivent des signes d’activités, puis subissent des tirs,  de plus en plus nourris. Afin de déjouer les attaques –surtout de nuit- les hovercrafts se cantonnent au milieu du fleuve.
    Lorsque le contact physique se fait avec l’assaillant, Andy reconnaît stupéfait David, le meneur de ces attaques. Il est devenu chef de la résistance à l’invasion noire. Lors de la rencontre, David énonce ses conditions : rendu sensible aux leçons de l’histoire, il refusera que l’Angleterre soit colonisée. Les hovercrafts seront pris d’assaut par les Blancs et David, libérera Abonitu, le chargeant de transmettre le message suivant au gouvernement de Lagos, ayant pour unique condition que les Londoniens collaboreront uniquement à égalité avec les Noirs:
    « Abonitu demeura un moment silencieux. –C’est dommage. Nous aurions pu vous aider de bien des façons. – Vous le pouvez toujours. Nous ne sommes pas fiers au point de refuser de l’aide, même si c’est une aide qui nous lie. Envoyez-nous vos marchands… et aussi vos missionnaires, si vous voulez. Notre seule exigence est que vous reconnaissiez notre indépendance dès le début, au lieu de le faire après des générations de combat. Ce sera aussi plus facile pour vous ! – En somme, vous nous demandez de tirer nous aussi la leçon de vos erreurs ! – Pourquoi pas ? David se mit à rire. –Le statut de dominion sera pour nous le maximum acceptable. Vous pouvez transmettre le message à Lagos. »
    John Christopher se sert du roman cataclysmique pour réécrire l’histoire. Inversant les rôles Blancs/Noirs, il dénonce les conditions de la colonisation de l’Afrique telles qu’elles se sont exercées durant l’ère victorienne. Comme il adopte le point de vue du colonisé,  sa thèse semble d’autant plus convaincante. Un ouvrage intéressant d’un maître de la littérature cataclysmique anglaise.

  3. Type: livre Thème: épidémies Auteur: Edmund COOPER Parution: 1970
    Une Angleterre du XXIème siècle entre " 1984 " et " Brazil". Les médias y sont tout puissants, les confessions se font devant des écrans de contrôle (Les "Machines-Dieu"), les "janissaires" surveillent la population, la Société Micro Guerre est un trust qui prépare de nouvelles armes, surtout bactériologiques,  les prépubs, adolescents extrêmement dangereux hantent les rues le soir venu.
    C’est dans un tel contexte que notre héros Gabriel Chrome, désespéré, rencontre une jeune fille, Camilla, qu’il sauve du suicide.  Elle lui raconte son aventure. Elle est  l’ancienne épouse du Dr Greylaw qui lui a inoculé le virus P.939 ce qui eut pour effet immédiat d’ôter toute agressivité à la personne contaminée tout en l’incitant à faire l’amour sans limite.
    Trois phases se suivent dans l’évolution de la maladie: la phase lascive, la phase boulimique et la phase de tranquillité.
    Avant d’expérimenter ce virus sur Camilla, Greylaw, qui travaillait à MicroGuerre, l’a aussi inoculé à des animaux témoins. Et l’on a pu voir chez Camilla un tigre tenu en laisse,  tremblant devant un petit lapin.
    Gabriel ne résiste pas au sex-appeal de Camilla. Tous deux se sentent investis d’une mission supérieure: propager la paix universelle par le sexe. Ils s’y emploient activement, surtout après une séance de viol collectif subi dans le parc de Londres, viol programmé par TELNET, la télévision d’état, afin de faire partager aux spectateurs les frissons de l’aventure:
    " Denis Progg, le Monde Tel Qu’il Est". Son visage s’éclaira derrière le cigare dans un vaste sourire de plastique. "Mon petit, vous avez été fabuleuse. Nous avons enregistré treize minutes qui colleront les spectateurs à leurs fauteuils. Vous toucherez chacun un chèque de six mille cinq cents livres, et quand vous aurez signé un papier pour renoncer à toute poursuite pour coups et blessures, nous sablerons le champagne et dégusterons le caviar.(...)
    Vous n’avez jamais vu mon émission le Monde Tel Qu’il Est? " (...) Le Monde Tel Qu’il Est est un programme destiné à rendre les gens matures, responsables et conscients des réalités de la vie. Il élargit les dimensions de l’expérience. Vous vous trouvez là quand ça se passe. Vous êtes concerné". Il se tourna vers Camilla. Les étudiants ne vous violaient pas seulement vous, chérie. Ils vont violer X millions de femmes. Il ne peut en sortir que du bon. Les hommes de l’oublieront pas. Ils désireront voir doubler les janissaires pour que les fillettes puissent de nouveau sortir la nuit. Ils feront pression sur le Parlement pour une action psychologique plus efficace." Les violeurs de tout poil sont d’ailleurs aidés par la pilule "Sexin" qui provoque l’irrésistible envie de copuler.
    Entre temps, les frères Karamazov, jumeaux et espions notoires, l’un en faveur de l’Ouest, pour COCOMIN (= Compréhension Internationale) l’autre en faveur de l’Est, pour LIKAMARSAME (= Ligue Karl Marx pour la Santé Mentale ) ont eu vent de l’existence de cette arme bactériologique. Ils s’emparent des animaux témoins avant que Periwitt, patron de Greylaw à MicroGuerre, n’ait pu réagir.
    Le virus se propage. Peter Karamazov, qui a tué son frère Illitch dans un accident de voiture - et dont il récupère les organes internes pour remplacer les siens abîmés -, ayant lui aussi été infecté, devient Frère Peter, le nouveau Christ de l’UAP (Union de l’Amour  Parfait). L’épidémie gagne le monde entier et les messages de paix se multiplient:
    " A l’assemblée générale des Nations Unies, le représentant de la République Populaire de Chine prononça un discours important. Devant le monde et au nom de son grand pays il plaida coupable pour avoir aggravé l’explosion démographique du globe, fomenté la révolution dans les pays capitalistes, volé des territoires à l’Union Soviétique, fourni aux pays occidentaux cinquante milliards de boîtes de canard laqué, trente milliards de boîtes de riz frit, et un million de tonnes de paquets de porc aigre-doux congelé, le tout impropre à la consommation. Et au nom du Parti Communiste Chinois, il plaida également coupable pour avoir affamé les habitants prolifiques de sept provinces rebelles chinoises, fermé les yeux sur l’excès de culte de la personnalité dans le cas de Mao Tse Toung I, II, et III, et la propagation incessante de slogans creux déguisés en philosophie politique.
    En guise de réparation, son pays proposait de stériliser cent millions de paysans chinois, de ne plus acheter de cigares à Cuba, de permettre à cinquante millions de cuisiniers chinois d’émigrer vers l’Ouest, de donner la Mongolie à la Russie, et le Tibet au Tibet, et d’ordonner à douze millions cinq cent mille membres les plus dévoués du Parti Communiste Chinois de manger leur première édition des Pensées du Président Mao "
    Camilla meurt dans une orgie, soumise au "Sexin" et attaquée par une bande de prépubs. Gabriel, à nouveau désespéré, regagne, en un dernier pèlerinage, l’appartement de Camilla, et découvre, glissée à l’arrière du divan, une lettre de Greylaw écrite à son épouse avant sa mort. Il affirme que le P.939 n’est pas innocent, que c’est une arme,  et que la totalité de l’agressivité contenue va se libérer en bloc à la fin des trois phases.  
    Alors, Gabriel se rend compte que le monde est au bord du désastre, que l’ensemble de l’aventure humaine n’est qu’une immense farce. Abasourdi par cette découverte, il ne fait pas attention à l’aéroglisseur de Frère Peter qui le renverse et le tue.
    Un récit foisonnant et caustique. De l’humour tout au long des pages, une façon habile de mélanger les personnages, d’entremêler les intrigues jusqu’au dénouement final. Un auteur au sommet de sa forme et qui traite le thème de la fin de l’espèce par la sexualité d’une façon brillante. A comparer avec " la Mort Blanche " de Frank Herbert où la tonalité sombre l’emporte.

  4. Type: livre Thème: menaces cosmiques Auteur: Herbert Georges WELLS Parution: 1902
    Cette courte nouvelle, parue en 1907, condense toutes les craintes de l’humanité à l’approche supposée d’un astre vagabond. Sans fioritures littéraires et dans un style puissant, Wells décrit la survenue de l’étoile , d’abord simple petite tache floue loin du système solaire, jusqu’à la catastrophe finale lorsque le bolide frôle la Terre , bousculant les continents, provoquant raz de  marées gigantesques, faisant fondre les glaciers des pôles, produisant des tempêtes de feu et des changements climatiques:
    " Mais tout aussitôt les railleries cessèrent. L’étoile croissait. D’heure en heure elle augmentait avec une persistance terrible, un peu plus grande à chaque heure, un peu plus près du zénith de minuit , de plus en plus brillante , et cela jusqu’à la nuit du lendemain.(...) Quand elle apparut au-dessus de l’Amérique, elle avait presque la grosseur de la lune , avec une blancheur aveuglante - et brûlante. Un vent chaud se mit à souffler à mesure que montait l’étoile, et augmentait continuellement de force.
    L’étoile , dans sa course , entraîne Neptune dans son orbite , est attirée par Jupiter , transforme la périodicité de la Lune , occulte même l’éclat du soleil :
    " Ainsi l’étoile, avec la lune hâve dans son sillage , traversa le Pacifique, traînant derrière elle, comme les pans flottants d’une robe, l’ouragan et la vague énorme , qui s’augmentait en sa marche pénible , écumante et impatiente, et se précipitait sur les îles, les unes après les autres, les nettoyant de toute race humaine . Puis le flot parvint , rapide et terrible , avec un éclat aveuglant et le souffle d’une fournaise , mur d’eau de cinquante pieds de haut , courant avec un rugissement d’affamé , sur les longues côtes de l’Asie , et se précipita à travers les plaines de la Chine. (...) Ce fut ainsi la fin de millions de gens , cette nuit-là - une fuite vers nulle part , les membres alourdis par la chaleur , la respiration haletante et l’air qui manquait , et , derrière ,  le flot comme un mur rapide et éblouissant . Puis la mort ! "
    Après avoir semé la dévastation , elle disparaît au fond du cosmos. L’auteur en conclusion relativise l’événement pour donner la parole à d’éventuels observateurs martiens:
    " Considérant la masse et la température du projectile lancé à travers notre système solaire jusqu’au soleil, écrivit l’un d’eux, on est surpris du peu de dommages que la Terre, qu’il a manquée de si près , a supportés. (...) Ce qui montre simplement combien la plus vaste des catastrophes humaines peut paraître peu de choses à une distance de quelques millions de milles. "
    La nouvelle de Wells, inspirée elle-même du texte de Flammarion  " la Fin du monde " et de la crainte provoquée par la comète de Halley en 1902  qui balaya la terre de sa queue infligeant consternation et suicides dans la population, eut une fortune littéraire inversement proportionnelle à sa longueur. Tous les récits ultérieurs qui mettront en scène l’approche d’un astre à l’encontre de la terre, météorites, comète, planète vagabonde, etc. n’effaceront pas la puissance dramatique de celui-ci avec le regard d’entomologiste de l’auteur posé sur la destinée humaine. Un très grand texte à la base du thème des " menaces cosmiques " dans le roman cataclysmique.

  5. Type: livre Thème: menaces cosmiques Auteur: Vargo STATTEN Parution: 1956
    Arthur Stokes, le scientifique,  fut le premier à s’en aviser. De ce qui n’était encore qu’une tache floue dans son téléscope, il imagine sans peine ce qu’il adviendrait de la Terre dans une vingtaine d’année, lorsque cette tache, se transformant en un soleil brûlant frôlant avec certitude le système solaire, signerait l’arrêt de mort de l’espèce humaine.
    L’étoile fugitive augmenterait non seulement l’activité de notre propre soleil dont les éruptions de gaz menaceraient notre planète mais encore arracherait une partie de sa chronosphère plongeant la Terre – si celle-ci avait résisté à la chaleur - dans de terrifiantes tempêtes électromagnétiques.
    Stokes, refusant la fatalité, engagea les hommes politiques à l’action pour qu’ils programment la mise en place de vastes réseaux d’abris souterrains. Ceux-ci ne bougèrent pas, incapables d’assumer leurs responsabilités pour cause d’impopularité électorale. D’un commun accord, avec le reste du monde scientifique, il entama les travaux, organisant pour son propre compte un laboratoire-abri souterrain.
    Avec les années qui passèrent, l’éclat et la proximité de plus en plus grande de l’étoile fugitive affolèrent les populations. Bien qu’avec du retard, partout de par le monde, l’on songea à se protéger du terrible rayonnement, et Stockes,  enfin mis au premier plan, coordonna les travaux. Il était le seul cependant à évaluer les conséquences électriques terrifiantes de la catastrophe et à concevoir un plan gigantesque pour arracher la terre à son destin. Il éduquera sa fille unique Evelyn pour qu’elle reprenne sa mission à sa mort. Lorsque l’étoile fut proche, aussi grosse comme notre soleil, grâce aux abris souterrains, l’humanité absorba le premier choc :
    « le jour fatidique arriva. C’était le 19 octobre 1980 et, à six heures douze du soir, instant de la plus grande proximité de l’étoile, la Terre, deux heures durant, fut ravagée par de vastes séismes et une succession de secousses qui firent d’elle une planète pourrie, sans équilibre, soumise aux combats de gravitation de deux soleils ennemis. »
    Déjà l’on cria victoire lorsque commencèrent les tempêtes électriques, engloutissant des régions continentales immenses, telles que l’Australie ou l’Amérique du Sud :
    « En comparaison, les désastres occasionnés par le passage de l’étoile paraisaient minimes. Rio était devenue un flamboiement d’éclairs, une ruine croulante au sein d’une gigantesque convulsion électrique dont le souffle avait arraché la ville de ses fondations et électrocuté la population. De celle-ci, il ne restait plus que des cendres. Quatre heures plus tard, Rio n’était plus qu’un souvenir, un désert de pierres noircies et effritées, de corps calcinés. »
    Stokes disparu, ce fut Evelyn, en pleine maturité scientifique, qui prit le relais. Elle convainquit le savant Morgan de la pertinence du plan conçu par son père : déplacer toute la terre vers un autre soleil pour assurer sa survie. La machinerie qui permettrait cette action était, grâce à son père, opérationnelle. Il s’agissait de libérer notre globe de la gravitation, puis de le diriger sur un canal « d’éther » à une vitesse inconcevable vers le système d’Alpha du centaure, enfin de protéger par un maillage électromagnétique, l’atmosphère et la surface terrestre durant le voyage, les humains prenant place dans les abris souterrains encore opérationnels.
    Morgan, sonna le tocsin général. A l’heure dite, la terre se libéra de l’emprise de son soleil pour se diriger vers une nouvelle étoile. Mais, peu de temps avant son arrivée, l’une des machines assurant la cohérence de l’ensemble, céda. La Terre dépassa son but, s’enfonça en un nouvel univers, resta finalement prisonnière d’un soleil étrange et étranger sur une « orbite de force ». Evelyn, analysant la situation, sut qu’il ne s’agissait là que d’un sursis provisoire, notre planète devant irrémédiablement finir brûlée comme un phalène par une lampe. Après bien des tâtonnements, elle réussit à remettre ses machines en route utilisant comme boussole l’énorme masse magnétique d’une étoile morte mais située dans notre propre univers. Notre terre repartit vers son berceau historique.
    Le passage de l’étoile  fugitive avait bouleversé le paysage de notre système solaire à un point tel qu’il fallait trouver un nouvel équilibre et une nouvelle orbite à notre globe. Quatre tours électromagnétiques gigantesques furent construites aux quatre points cardinaux. Elles devaient stabiliser le monde tant que durerait l’humanité.  Plus tard, l’on s’aperçut que la terre, parfaitement autonome dans son mouvement, pouvait se passer de ses piliers. Ainsi, grâce à Evelyn, l’humanité reprit vie et, après des siècles puis des millénaires, seule une statue à moitié oxydée rappela à nos descendants le rôle immense que joua cette femme dans l’histoire du monde :
    « Au milieu des ruines croulantes des édifices autrefois colossaux, penchés maintenant sous l’effet des affaissements du sous-sol, la statue de bronze tenait bon. Le temps et les saisons l’avaient dégradée, et il eût été difficile d’y retrouver l’image d’une femme.(…) Peut-être était-il juste que cette statute se dressât sur la ligne qui marquait la limite entre le jour et la nuit, silhouette dont l’un des profils seulement se détachait sur le rouge du soleil déclinant, tandis que les mains levées montraient les étoiles et les profondeurs abyssales dans lesquelles avait disparu Evelyn elle-même, sans espoir de retour… »
    « L’étoile fugitive » dont l’argument est plus que chimérique ne manque pourtant pas de souffle épique. Il est l’un des récits les plus inspirés de Vargo Statten. Des accents « à la  Stapledon » parcourent un texte au style nerveux et haché. La convention romanesque assumée, la distanciation scientifique enfin prise, permettent de goûter au plaisir d’une lecture sans arrière-pensée.

  6. Type: livre Thème: savants fous et maîtres du monde Auteur: Jack LONDON Parution: 1908
    Dès sa naissance Emile Glück avait de quoi haïr le genre humain. Orphelin, rejeté par sa mère d’adoption, méprisé par les femmes, poursuivi par la justice pour un crime qu’il n’avait pas commis, traqué par les journalistes, il développa un ardent désir de vengeance qui se concrétisa dans une extraordinaire découverte :
    « Il venait de trouver l’arme silencieuse et secrète qui lui permettrait de se venger du monde entier. Sa découverte, qui mourut avec lui, le rendait maître de la direction et de la portée de la décharge électrique. A l’époque, ce problème n’était pas encore résolu –il ne l’est pas encore tout à fait de nos jours - mais Emile Gluck en trouva la solution dans sa cellule, et l’appliqua après son élargissement. »
    Dirigeant à son gré les décharges électriques, il commença à assassiner les individus proches qui l’avaient fait souffrir, puis augmente progressivement son champ d’action. Sa haine brûlante, englobant l’humanité entière, alla jusqu’à provoquer une guerre entre l’Allemagne et l’Amérique :
    « Ce fut encore lui qui occasionna la terrible guerre entre l’Allemagne et l’Amérique, au prix de 800 000 vies humaines et de dépenses incalculables (…) l’Allemagne ne désirait pas la guerre. En témoignage de ses intentions pacifiques, elle envoya sept cuirassés en visite aux Etats-Unis. Dans la nuit du 15 février, cette flotte était à l’ancre dans l’Hudson, en face de New York.(…) Les sept cuirassés sautèrent l’un après l’autre, à intervalles réguliers de quatre minutes, et quatre-vingt dix pour cent des équipages et officiers périrent. »
    Personne ne pouvant ni expliquer ni arrêter l’hécatombe, les pays surpris et désorientés cessèrent la fabrication de la poudre qui explosait désormais toute seule, ainsi que des armements, s’apprêtant au désespoir d’une paix imposée.
    Ce fut le fin limier Silas Bannerman qui, grâce à son intuition extraordinaire de détective, parvint à arrêter Glück. La condamnation à mort que subit ce dernier laissa le criminel de glace. Il refusa avec entêtement de révéler le secret de son arme extraordinaire à ses semblables considéré par lui comme égoïstes et pervers avec le seul regret de n’avoir pu totalement les éradiquer.
    Dans « l’ennemi du monde entier », le thème du savant fou subit un traitement particulier. La démarche de Glück est, sinon excusable, du moins expliquée. Sa vengeance concerne tout le monde à travers des individualités concrètes. Enfin, le pessimisme profond de l’auteur dans son rapport à la morale humaine fait souffler un vent de désespoir devant toute forme possible de gouvernement.

  7. Type: livre Thème: sociétés post-cataclysmiques 1 Auteur: Dan DASTIER Parution: 1981
    Ram Singh , petit garçon hyper-doué, vit à Xéna, une sorte de Shangri-là perdue dans les brumes d’une autre dimension, en compagnie de son papa, Mulk, et de sa maman, Layer. Il a construit un " translateur " de ses propres mains et, chipant le " crystal " de Mulk,  un amplificateur psychique extraordinairement puissant, il explore la zone interdite, ce qui l’amène tout droit sur Terre. Ce n’est pas un hasard puisque les Xéniens sont les descendants d’un ancien groupe de Tibétains qui se sont repliés sur eux-mêmes en développant d’une manière prodigieuse leurs capacités psi.
    Ram, arrivé sur Terre, s’amuse à provoquer catastrophe sur catastrophe, sans intention de faire le mal, et s’amuse à la vue des jolies fleurs éblouissantes que représentent les bombes de l’arsenal terrestre en train d’exploser.
    Fait plus grave, les ondes du translateur, font osciller le temps et l’espace, détruisent la civilisation existante en l’engageant dans la voie d’un futur non prévu. Avant d’être ramené précipitamment sur Xéna par Mulk, Ram avait rencontré un couple de terriens avec lequel il établira une  relation psy.
    Samuel Greentree est un jeune homme qui vit sur une terre démente et agonisante : des cités fermées sur elles mêmes subissent les lois totalitaires de Psychos (Police Psychologique), des tunnels effondrés mènent sur un extérieur radioactif où vivent encore des monstres, " les " Dégénérés ". Se sentant investi d’une mission importante, Samuel fuit les Psychos pour gagner l’extérieur et progresse vers " la montagne blanche ", l’endroit où est caché le translateur de Ram, lequel inonde toujours la terre de ses rayons néfastes.
    Etant le fils de Shannon Greentre, l’homme jadis en contact avec Ram, il a hérité de la sensibilité télépathique de son père, ce qui lui permet de se syntoniser avec le translateur. Parcourant le paysage surréaliste d’une terre démente, Samuel, malgré de nombreux obstacles, atteint l’engin maléfique. Alors apparaît l’enfant de Xéna, devenu adulte (plus de trente ans se sont écoulés sur terre depuis sa première venue) décidé à réparer sa bévue. Il conseille à Samuel de rejoindre Pauli, son amie, pendant que lui, avec tous les risques que cela comporte, modifiera une fois de plus le destin de la terre. Une nouvelle ère de stabilité pour notre monde émergera du néant, gommant les horreurs précédentes et offrant au jeune couple un univers idyllique et pastoral.
    Une idée intéressante qui vaut surtout par la description d’un monde moribond, sauvage et hallucinant.

  8. Type: livre Thème: guerres futures 2 Auteur: Abel MOREAU Parution: 1933
    Jacques Servet, se promenant en avion avec son ami Paul Gaillard au-dessus de l’Aiguille-Tordue, dans les Alpes, sauve la vie d’une jeune femme, Geneviève Amphiropoulos, la charmante fille de César Amphiropoulos, le brasseur d’affaires bien connu. Tombant amoureux de celle-ci, il ne conquerra son cœur qu’en montrant qu’il a du génie (à défaut d’argent !) :
    " -Je veux être fière de mon mari. Je suis trop riche pour épouser un homme qui n’aura pas de génie. Je veux la partie égale : moi, la fortune, lui, le génie. Voilà. Jacques, avez-vous du génie ? "
    Or, son vieil ami Gibbon le rend héritier universel d’un appareil de son invention baptisé le Gibbonnope qui permet d’abolir l’action de l’électricité partout en Europe (ou dans le monde) en fonction de l’angle de visée :
    " Tout mon mérite, continua-t-il, si j’en ai un, c’est d’avoir vu la profonde parenté de la chimie et de l’électricité, c’est d’avoir imaginé une nouvelle science qui n’en est qu’à ses débuts : l’électro-chimie. Influence de l’ électricité sur les combinaisons chimiques et, chose plus étonnante, influence des combinaisons chimiques les plus inattendues, comme ce flore d’aluminium que j’ai crée par hasard sur les manifestations électriques. Résultat : ces deux fils d’argent baignant par leurs extrémités de platine, A dans le flore, B dans la russise, donnent à cet appareil le pouvoir de décomposer, et par conséquent de détruire, toute manifestation électrique dans un angle donné. "
    Engagé par César Amphiropulos, Jacques apprend de la bouche du R.P. Ducygne que le pape a été emprisonné par Mussolini et remplacé sur son trône par un faux-pape :
    " Donc le pape est prisonnier. Pourquoi ne le sait-on pas ? C’est tout simple : il y a, sur le trône de Saint-Pierre, un faux pape, un sosie de Pie XI. Le Vatican est peuplé de créatures de Mussolini, le cardinal Pacelli est malade et chambré et ne peut recevoir personne. L’Eglise d’Italie vit sous la terreur et dans la plus grande confusion. Mais on ignore tout cela. Le Facisme (sic !) triomphe et le faux Pie XI se prépare à proclamer solennellement l’excellence du régime fasciste… Jacques, il y va du salut de l’Eglise… "
    Geneviève lui donnera  l’occasion de prouver son génie : elle lui demandera de sauver le pape Pie XI des griffes du dictateur. Aussitôt Jacques propose d’utiliser le Gibbonnope. En face de la paralysie de tous les moteurs électriques en Europe, les divers Etats ne manqueront pas de faire pression sur l’Italie pour sauver le pape et écarter le péril d’une récession économique généralisée. César, lui, voit toute l’exploitation qu’il pourrait faire de ce processus. En un premier temps, il rachète tout ce qui peut représenter une force de traction animale : chevaux, ânes, ainsi que des engins mus par l’homme, bicyclettes, pousse-pousse…
    Puis, en un deuxième temps, après que l’engin soit entré en action, le rachat de toutes les usines électriques, de tous les moteurs, vendus à vil prix, car inutilisables. Devant la menace mise à exécution par Jacques et Geneviève, et après un débat houleux à la Chambre des Députés en vue de donner une réponse adaptée au dictateur, Mussolini, soumis à la pression guerrière de plus en plus forte de ses voisins, consent à libérer Pie XI :
    " On apprit, coup sur coup, la prise de Florence par des Yougoslaves, l’entrée des Français à Milan, la révolte de Syracuse, le débarquement des Anglais en Tripolitaine, l’envoi d’une note menaçante des Etats-Unis et la déclaration de guerre du Japon. "
    Jacques sera récompensé pour "son génie" en épousant Geneviève. César Amphiropoulos aura énormément augmenté sa fortune, et Paul Gaillard aura pris pied dans l’entreprise de l’industriel.
    Une belle fable, désuète et touchante, menée tambour battant. D’autant plus belle que la morale fait bon ménage avec les affaires dans la " Pax Christi " (mot de ralliement du pape libéré)

  9. Type: livre Thème: épidémies Auteur: Herbert REGIS Parution: 1939
    Le narrateur, Georges, travaille en milieu hospitalier. Son futur beau - père,  le professeur Paul Evrard  est un patron de  clinique craint et respecté. L’action débute à Paris, un jour de grisaille ,  lorsque le narrateur propose à son frère Claude, journaliste, un papier intéressant : des cas d’atrophie primitive de l’oeil ont été détectés , plus nombreux que la statistique ne le permettrait:
    "C’est vraiment un curieux phénomène, continuai-je. Le nerf optique s’atrophie sans qu’on sache exactement pourquoi. Cela ressemble à un cancer. La gaine du nerf s’épaissit. Les fibres nerveuses disparaissent pour faire place à du tissu conjonctif. Tout se passe comme si l’enveloppe du nerf dévorait en quelque sorte le nerf  lui-même."
    Le professeur, devant l’afflux exponentiel des malades, tous destinés à devenir aveugles,  suppose l’existence d’une épidémie mais n’arrive pas à isoler le microbe responsable. De tous les pays du monde parviennent des nouvelles alarmantes: l’humanité, à très court terme, est condamnée à l’obscurité, ce qui implique des bouleversements sociaux considérables. Déjà on en sent les prémisses:
    " Pour un observateur superficiel, en effet, la ville revêtait encore sensiblement le même aspect. Les transports fonctionnaient, normaux. Chacun semblait poursuivre le même but qu’hier , le même que demain. Mais les indices clairs sautaient à mes yeux avertis. Dans les bas quartiers, des petites boutiques se fermaient pour ne plus rouvrir. "
    Pour le moment, le tragique de l’événement n’est pas encore assimilé par la population française qui a  fort à faire avec les projets d’invasion allemands. La mobilisation générale avait été décrétée et c’est dans une ambiance d’apocalypse que le professeur met en garde son futur gendre : la vie en société deviendra bientôt impossible. La force règnera. Le gouvernement tombera. L’économie se désagrègera et les survivants aveugles soit mourront de faim, soit imposeront la loi du plus fort. Il enjoint à Georges - qui entre temps a épousé Lucile, la fille d’Evrard - de préparer une retraite sûre pour les siens, pour Lucile, pour la mère du narrateur, ainsi que son frère Claude, et lui-même.
    Tous étant destinés à perdre la vue à court ou moyen terme, il lui faudra accumuler les vivres suffisants et le charbon nécessaire pour pouvoir survivre au moins les dix prochaines années. Il lui sera aussi indispensable de baliser le terrain afin qu’ils puissent se repérer dans les ténèbres qui tomberont sur eux et sur le monde. Il lui transmet tout son capital et lui propose comme retraite sûre sa ferme, résidence secondaire isolée,  près du  village de Barges. Lui continuera, en attendant, à chercher la cause du mal.Georges se met en quête, achète un véhicule, emmène les siens à Barges et, jour après jour, accumule des provisions achetées en multiples petites quantités pour ne pas susciter l’attention.
    Comme prévu, la société se délite. Le mal frappe  de plus en plus fort. Il aura eu au moins le mérite de stopper la guerre, faute de "voyants". Les aveugles se font plus nombreux dans les rues. Paris, comme toutes les grandes villes, est condamnée:
    " Une poussée irrésistible se propagea de proche en proche. On vit partout la peur, la peur au cent visages. L’angoisse martela les âmes les plus fortes. Elle déchaîna les rudes, anéantit les faibles. Peu à peu, la justice fit place à la violence. On lutta pour la vie. On lutta sans pitié, âprement, follement. Les coups les plus odieux, les ruses les plus viles furent considérés comme actes légitimes. L’instinct excusa tout. Des hommes, hier sans haine, se transformèrent en brutes. Une démence ignoble souleva les plus calmes pour les précipiter vers de furieux extrêmes. Le spectre de la mort conduisait jusqu’au meurtre. Cependant que tombait la nuit, inexorablement. "
    Etonnamment, le mal a son paroxysme produit peu de troubles violents. Les hommes, hébétés et honteux de leur nouvel état, évitent leurs semblables dans un environnement devenu dangereux. Ils se terrent chez eux pour y mourir. Le narrateur traversera des rues quasiment vides avec son véhicule.
    Une de ses dernières navettes consiste à ramener le professeur, devenu aveugle lui aussi, à Barges, en le sortant du laboratoire de la clinique. Au cours de cette dernière expédition , il tombe sur une bande de déserteurs , voyants ceux-là , et c’est grâce au sang-froid de Georges qu’ils se tirent de ce mauvais pas:
    " -Je veux parler à un officier, annonçai-je d’une voix dure. Leurs éclats redoublèrent sans mesure, dominés par les piaillements aigus des femmes. - Monsieur veut se plaindre sans doute ? dit celui qui m’avait frappé, exagérant insolemment la politesse.
    -Je veux simplement que vous laissiez ces bêtes tranquilles, répondis-je avec fermeté.
    Le gaillard se tourna vers ses compagnons. -On le fusille ? proposa-t-il. Quelque chose de féroce dans son expression me montra qu’il ne plaisanta pas. Je compris instantanément que j’étais tombé sur une bande de déserteurs. Les rires cessèrent d’un coup. Heureusement un soldat qui était monté dans le véhicule fit diversion. "
    Ce soldat, blessé dans l’échauffourée, fut emmené malgré lui à l’arrière de la camionnette. Une fois soigné, il se révélera un ami fidèle et un élément précieux pour la petite communauté.
    Enfin, la nuit tombe sur le monde. Progressivement, la cécité s’installe, le narrateur succombant en dernier. Ayant eu le temps de s’accoutumer à leur état, la transition n’est pas trop difficile  pour les membres du petit groupe. Rapidement, les sens de l’ouie et du toucher suppléent à la vision défaillante. Si les premiers jours de retraite sont presque gais, au fur et à mesure que passe le temps, l’ambiance se détériore. Claude s’enfonce dans le silence: il finira dans une paranoïa totale et disparaîtra après s’être échappé de la maison. Le narrateur , en un ultime voyage, aura trop présumé de l’avancée de son mal. Il deviendra quasiment aveugle en cours de route et vivra le calvaire de son retour vers le refuge à plus de deux cents kilomètres de là alors que sa vision n’accède plus qu’à l’environnement immédiat:
    " Rien cependant ne m’inquiéta sérieusement dans chaque première étape au cours de laquelle chaque borne kilométrique représentait pour moi un but monotone et sans cesse renouvelé. A cause de ma vue défaillante sans doute, je ne vis que très peu d’êtres vivants. Mais, par une sorte de sensibilité subconsciente, j’eus maintes fois l’impression vague des existences cachées. Beaucoup de hameaux, en apparence déserts, m’inspirèrent une méfiance irraisonnée, quand je les traversai. C’était comme l’avertissement occulte d’un sixième sens, se substituant à celui de la vue. Je le subissais sans l’analyser. "
    Un autre danger non prévu menace les isolés : les rats , qui profitent de la maladresse des hommes et des provisions accumulés , s’installent en maîtres dans la maison. Le petit groupe sera obligé de cohabiter avec ces hôtes indésirables qui les privent de plus en plus de nourriture:
    "Bientôt nous sentîmes autour de nous la présence permanente de tout un peuple s’activant à notre ruine. Au fur et à mesure, les rats devenaient plus audacieux. Ils s’établirent dans la cave et le grenier comme en un pays conquis, se dérangeant à peine lorsque nous y venions. A chacune de nos visites, on pouvait les entendre trotter et grignoter. Le bruit même que nous faisions ne les effrayait pas. On aurait dit qu’ils se rendaient compte qu’on ne pouvait rien contre eux. "
    Ils seront finalement découverts par les habitants aveugles du village avoisinant, qui meurent de faim . Venus en force, ceux-ci pensent mettre le feu à la ferme pour déloger nos amis. Le professeur, grâce à son charisme, parvient à redresser la situation en leur promettant des victuailles ; il leur suggère de s’unir afin de recréer un embryon de société civilisé. Ces propos favorablement accueillis marqueront le départ  d’une nouvelle vie . Abandonnant la ferme, le narrateur et les siens, avec l’aide d’Antoine, cultivent la terre, établissent des repères sonores précis pour ne pas se perdre, et élargissent leur territoire jusqu’à oser s’approvisionner en métaux ferreux dans le village voisin.
    Ils y découvrent même un voyant, immunisé naturellement contre le microbe qui mettra ses yeux au service de la communauté. Les naissances se multiplient et parmi celles-ci, bien que de nombreux enfants naissent aveugles, il arrive que l’un ou l’autre puisse voir. Ils formeront le ferment d’une civilisation future dont l’objectif sera de reconquérir le monde:
    "Il était normal que le temple, objet de la vénération unanime, fut aussi le réceptacle de nos biens les plus précieux. On y plaça donc les lampes destinées à perpétuer le feu. Mais à la longue, le caractère divin de l’édifice se communiqua à la flamme elle-même et l’entretien des lampes revêtit l’allure d’un rite sacré. C’est de nos jours un grand honneur pour une jeune fille que d’être admise à y participer. Il n’est jusqu’à la puérile menace inventée à l’origine par le patron afin d’éviter les négligences qui ne se soit progressivement transformée en une crainte de la colère céleste. Je prévois que dans une ou deux générations, le feu lui-même sera adoré."
    Un roman tout en finesse. L’intérêt ne faiblit pas un instant et le récit semble obéir aux lois des unités de la tragédie classique : de temps, de lieu, d’action, qui établit toute la problématique du huis-clos dans les rapports des personnages entre eux. Bien que l’intérêt soit centré sur les personnages principaux, le décor en filigrane est suffisamment travaillé pour rendre crédible les faits. La psychologie mouvante des aveugles, leurs angoisses et leur force, s’analysent au travers de leur comportement. Au-delà de la thématique du genre, (la «Révolte des Triffides»  de Wyndham, la «cité des sphères» de Galouye,  «le Pays des aveugles» de Wells), le roman débouche sur le classicisme. A rééditer

  10. Type: livre Thème: disette d’éléments Auteur: Luigi MOTTA Parution: 1928
    Ralph Raleigh, jeune milliardaire américain, se trouve à la tête d’une vaste entreprise regroupant de nombreux ploutocrates. Avec l’appui de l’ingénieur Smiles, il propose de faire barrage au flux des eaux du Gulf-Stream, au niveau de la Floride, là où le courant marin acquiert sa plus grande vitesse, en faisant creuser un tunnel sous-marin :
    « Archimède a dit, continuait la voix : « Donnez-moi un point d’appui, et je soulèverai le monde » Moi je vous dis:»Prêtez-moi cinq millions, et en moins d’une année je déplacerai une des grandes artères du monde, le Gulf-Stream, qui sera pour nous dans un jour peu lointain, la source d’incalculables richesses » (…) Qu’importe à nous autres Américains, les plus forts et les plus riches de la terre, si l’Angleterre et l’Europe occidentale considèrent d’un mauvais œil notre audace ? Qu ‘importe si elles s’en inquiètent ou en prennent ombrage ? Ce n’est certes pas à elles que nous demanderons secours pour le domaine et l’empire du Pacifique ! Ce n’est pas à elles que nous nous adresserons pour avoir la richesse et l’empire. »
    "L’eau tournoyante" résidera plus longtemps près des côtes américaines, y amenant un printemps perpétuel et une prospérité agricole inégalée. A l’inverse, l’absence de ce flux plongera les pays d’Europe dans le froid et la récession, au grand plaisir de ces financiers. Mais l’Angleterre, soutenue par l’ensemble des pays sous la menace, dépêche à New-York  "Mister Gilbert Willy", agent secret, espion et gentleman, pour faire capoter le diabolique projet. Avec ses deux fidèles hommes de main, Wilson et Thompson, Gilbert se tient au courant des activités de Raleigh le long de la côte de Floride, des travaux sous-marin qu’il faut arrêter à tout prix :
    «L’ingénieur Smiles démontra qu’il était nécessaire d’ouvrir un canal sous-marin en Floride entre New-Smyrna et Crystal River. C’est le point où le Gulf-Stream atteint son maximum. Il faudrait des machines hydrauliques puissantes et surtout un modèle de turbine géante. La société devait acquérir par la force de l’eau tournoyante une puissance électrique suffisante pour alimenter toute l’Amérique. Voici ce que les Américains avaient pensé dans leur profond égoïsme ; mais aucun n’avait songé à l’immense dommage que ces transformations causeraient à l’Europe. De minutieux et longs calculs avaient démontré que les côtes occidentales de la vieille Europe ressentiraient aussitôt après l’opération un grand contre- coup. »
    Avec le « Crésus », le sous-marin du commandant Patner, dépêché d’Angleterre, il se rend sur les lieux, à la poursuite du « Narval », l’engin de Raleigh. La situation est d’autant plus compliquée qu’une rivalité personnelle oppose les deux hommes, amoureux tout deux de miss Ellen, la sœur de George Morisson, l’un des compagnons de Raleigh. Ellen a déjà fait son choix : elle renseigne Gilbert sur les intentions de Ralph, non sans éveiller les soupçons du magnat.
    Après que le Crésus se soit approché des lieux des travaux, non sans avoir affronté moult dangers sous-marins tels que poisson-scie gigantesque, serpent de mer et autre barrière de corail, l’Europe envisage sérieusement de mener une action armée contre le gouvernement de Washington qui favorise cette infernale forfaiture :
    « Après avoir abordé plusieurs sujets différents, Warendorf dit enfin : « Pour mon compte, donnez-moi vingt-quatre heures et je ferai de New-York un amas de ruines, et la ville ne sera plus qu’un souvenir. » Cette seule pensée fit frissonner Gilbert. Il se représentait avec effroi la ville bombardée, les obus traversant les toits, les hautes maisons s’écroulant avec fracas dans les rues trop étroites, écrasant sous les décombres les populations affolées. Il se représenta la fuite éperdue des habitants bloqués entre leurs demeures écroulées et en flammes, les cris des enfants et des femmes, les blessés, les vivants ensevelis, puis étouffés sous les murs écroulés, toute une foule de visions hideuses, d’épouvantables catastrophes, telles que le monde n’en aurait encore jamais vues. »
    Les travailleurs de Smiles sont pris au dépourvus lorsqu’ils percent le réservoir d’une immense nappe de pétrole qui surgit à la surface les obligeant, à leur grand dam, à interrompre la construction du tunnel sous-marin pour juguler d’abord le danger immédiat. Ce qui laisse du temps libre à nos amoureux respectifs pour chercher à se confondre mutuellement. Ralph et Gilbert, dans les marais de la Louisiane feront la connaissance de la pétulante créole Mariquita, successivement jalouse puis amie d’Ellen. Gilbert, sauvé par Mariquita, apprendra à Ralph que Smiles, qui avait disparu entre temps et que l’on croyait mort, est en réalité un escroc qui s’est emparé du pactole de l’entreprise, pendant que Wilson et Thompson, infiltrés parmi les ouvriers, poussent à cesser définitivement le travail. George est ébranlé, surtout lorsqu’il entend que Washington, effrayé à l’idée d’une possible guerre, a cessé de soutenir Raleigh. Mais ce dernier ne désarme pas.
    Il hait Gilbert qui lui a pris Ellen et désire le tuer. Comme toujours, la justice immanente veille : fou de rage, Raleigh met malencontreusement le feu à la nappe de pétrole suintante et mourra carbonisée. Enfin, George, conquis par le fair-play de Gilbert, consent à bénir l’union de ce dernier avec sa sœur.
    Un roman maritime de l’italien Luigi Motta, dans la pure tradition populaire, qui en présente les caractéristiques, avec ses tics de langage, son style d’une simplicité rustique, ses stéréotypes, ses liaisons amoureuses compliquées, ses coups de théâtre, etc. L’argument développé nous le fait cependant classer dans notre domaine, le détournement des eaux du Gulf-Stream, étant l’un des thèmes importants de l’anticipation ancienne.