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Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !
Livres
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Le Triomphe De L'homme - Par BenF
François Léonard décrit une vaste épopée : celle de l’espèce humaine dans un futur lointain. Avec des accents héroïques, proclamant leur foi en la toute-puissance de la science, les héros de Léonard sont des savants qui trouvent la réponse à toutes les questions que se pose l’humanité, aussi bien du passé que du futur. La terre s’est transformée en une utopie, où il fait bon vivre, le "jardin planétaire", couvert par un réseau électrique dense. Les continents sont reliés, le passé exhumé (notamment la ville de Paris). Les gens se déplacent par " électro-stryge ". Les continents sont refaçonnés. C’est dans un tel contexte que Neil, esprit ambitieux, fait une découverte d’importance : celle de pouvoir propulser la terre hors de son orbite en direction de Véga " au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau ". La proposition est adoptée et l’engin construit. La Terre se déplace pour ne plus jamais revenir sur son ancienne orbite. Mais la surface en est bouleversée, les océans bougent, les chaînes de montagnes se transforment, le froid et la glace gagnent:
" Mais déjà, le long des côtes de la Terre de Feu, de la Patagonie, de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie du Sud, roulaient, avec un bruit de tonnerre des raz de marée comme on a en avait jamais vus. Les rocs, les caps, les promontoires étaient détruits, emportés, roulés les uns sur les autres, et peu à peu s’émiettaient à la surface des golfes où les colères liquides s’entrechoquaient, énormes et lourdes, ainsi que des montagnes. Ce fut alors, parmi ceux qui le virent, une épouvante échevelée. On s’entre-tua pour atteindre les aéronefs fragiles que l’ouragan guettait; on vit fuir vers le Nord des ballons auxquels s’accrochaient, sous la nacelle, dans les cordages, au gouvernail, de véritables grappes humaines. Ainsi qu’une traînée de poudre, se répandaient des nouvelles sinistrement démoralisantes. On disait que la Nouvelle-Zélande avait été toute entière engloutie sous les flots; que l’Australie était condamnée au même sort; que l’eau s’étendait déjà jusqu’aux Monts Parker et menaçait de dépasser leur crête; on disait...Mais que ne disait-on pas ?
Le vrai et le faux étaient accueillis partout avec la même promptitude. Dans le désordre général, on oublia de se servir des appareils télégraphiques, et ce fut heureux, car ainsi la peur resta localisée loin des grandes masses de peuples. Les plus importantes de celles-ci s’étaient formées, selon le reflet parti de chaque continent, dans les plaines de l’Afrique septentrionale, du centre du Brésil, de l’Amérique du Nord et dans les steppes d’Europe et d’Asie. "
L’espèce humaine d’abord s’adapte, grâce à la science, puis tout au long du trajet. La route étant longue, elle oublie peu à peu l’usage scientifique et ses bienfaits, sombre dans le chaos, puis le primitivisme :
" Plusieurs générations se succédèrent; le froid ne fit qu’augmenter; les combustibles s’épuisèrent vite; une fois de plus, le travail régulier des mines fut insuffisant. Alors, de nouveau, des millions de bras abandonèrent leurs occupations habituelles pour extraire de la terre tout ce qu’elle pouvait contenir de possibilités calorifiques. On fouilla les derniers gisements de charbon et de radium; on vida les tourbières; on rechercha, jusqu’à des profondeurs incroyables, du bitume, du naphte, du pétrole; on abattit enfin des hectares et des hectares de forêts...Mais, de génération en génération, la crainte d’une lente agonie devenait plus générale et se transforma en certitude, en désespoir. Comme la goutte d’eau qui, d’année en année, creuse davantage un roc, l’obsession de la fin proche du monde usait une à une toutes les volontés. Lentement, la société se désagrégeait. Une plèbe nouvelle, égoïste, exaspérée, formant la lie d’une civilisation stagnante, apparut bientôt dans les villes, mêlant à l’épouvante de vivre le désir sauvage de tuer. Et cette vague d’humanité basse, soulevée par son destin, se heurta d’abord avec indifférence, puis avec haine, à des foules supérieures. La fraternité, cette conseillère ancienne des peuples, n’était plus. Progressivement, la vie s’écrasait; les villes devenaient silencieuses, désertes même; toutes les forces, d’autrefois dispersées, se concentraient autour de leur noyau social. L’aristocratie scientifique, isolée dans quelques rares constructions gigantesques , semblait se désintéresser de la masse populaire. Celle-ci, attachée seulement aux travaux du sol, s’enfermait dans la tiédeur des serres. Quant à la plèbe, depuis longtemps, elle négligeait tout ce qui ne servait pas uniquement son instinct de conservation. "
Enfin arrivée près de Véga après de longs millénaires, la Terre se réchauffe à nouveau, la croûte se remodèle, des espèces inconnues naissent:
" Partout, la vie, multipliant les formes, unissait la grâce à la force, l’instinct cruel à la beauté, et mêlait la joie de vaincre à l’épouvante de la mort. Le prodigieux mystère, sorti de la bataille des atomes, se développait en batailles. La vie créait et détruisait, voluptueusement, atrocement, merveilleusement, sans arrêt, sans repos, sans aucun plan visible, avec mille apparences contradictoires, toujours vers mieux, et sans raison. Même aux profondeurs vierges de l’océan, elle s’était développée. Les eaux, de plus en plus tièdes, avaient vu naître des poissons inconnus, des mollusques bizarres. Le long des côtes, dans les endroits jadis fréquentés uniquement par les hommes et les phoques, d’autres êtres ouvraient à présent des gueules monstrueuses et affamées. Déjà, nouvelles victimes servant à alimenter de nouvelles existences, de nombreux hommes avaient été broyés par les mâchoires des crocodiles. Aussi, ne pouvant se défendre suffisamment les tribus humaines, à chaque alerte, avaient fui et s’étaient retranchées dans des îles non encore envahies par la végétation, ou sur des rivages rocailleux où les herbes étaient rares. Mais les herbes avaient poussé; les îles s’étaient couvertes de mousse. L’Homme, pris entre deux dangers, avait imploré l’Ennemi Vert. "
Pourtant, à cause d’une infime erreur de calcul, la Terre se précipite vers son nouveau soleil qui la vaporise:
" Depuis longtemps, toutes les races étaient mortes. La Terre n’était plus qu’un globe tournoyant, sans atmosphère, sans eau, et dont le relief complexe rappelait à peine ce qui avait été jadis l’Europe , l’Asie, l’Afrique, l’Amérique et l’Australie. Jaune et craquelée, la surface de ce globe se modifiait tachée de feu parfois. Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, partout, des effondrements brusques entremêlaient des massifs de montagnes; des glissements, des soulèvements, des dislocations de surfaces énormes, en chaos divers, heurtaient des. houles de porphyre, de marbre, de minerais et de granit; à chaque instant, des terres veinées de crevasses, crêtées de chaînes nouvelles, se bousculaient en de fantastiques assauts; souvent, au milieu du tumulte, s’ouvraient des craères gigantesques; et l’attraction de Véga, unie aux soubresauts des forces centrales de la Terre, crispait douloureusement l’ancienne face d’un monde sous les cieux infinis.
Pendant des siècles, la Terre roula, se rapprochant peu à peu de l’Etoile. Sa vitesse avait doublé, triplé, quintuplé, décuplé ; la distance à franchir était encore énorme. Mais l’espace diminuait cependant de jour en jour, de minute en minute; le temps, vainqueur de l’abîme, guidait le projectile vertigineux vers ce globe éblouissant de couleur d’ocre, de pourpre, de phosphore et de cuivre, que des hommes jadis baptièrent Véga, et qui, tournant sans raison sur son axe, se déplace sans raison vers un but inconnu. Enfin, la Terre frôla les flammes. Telle une poussière grise ou un tourbillon, elle tressaillit, tournoya, bondit, fut entraînée comme une bulle légère sur la crête déchiquetée d’une vague de feu, aux écumes d ‘ambre jaune mêlé de rubis liquide; des gerbes d’or en fusion, striées de lueurs bleues, l’entourèrent; elle crépita, tomba dans des gouffres rouges, rebondit comme une étincelle; enfin, elle éclata, et sa matière, volatilisée en clartés neuves, se perdit parmi les clartés anciennes, comme un petit groupe d’atomes dans l’infini. C’est ainsi que se dispersa, dans l’atmosphère lumineuse d’un astre plus grand, ce qui avait été un monde pour les Hommes. "
Avec une prose de type épique, ce récit vaut par sa tension, la vision qui habite l’auteur et qui s’apparente à celle de Stapledon (" les Premiers et les Derniers "), de Clarke (" la Cité et les astres) " de Campbell (" Crépuscule "). Récit héroïque écrit à la gloire de l’espèce humaine professant une totale confiance dans la science et ses applications. Oeuvre originale et importante.
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Que Se Passe-T-Il? - Par BenF
Roland Chandreau, jeune et brillant avocat, manifeste beaucoup d’inquiétude lorsque la Banque de France où travaille Suzy, sa douce fiancée, disparaît dans le trou énorme qui s’ouvre soudain dans le sol de Paris. Le drame affole ses concitoyens, la municipalité et la police, qui empêchent l’accès au quartier. Suzy est toutefois sauve, les employées ayant été prévenues par une voix inconnue. Le mystère s’épaissit encore quand respectivement le palais du Luxembourg et la gare Montparnasse suivent le même chemin, faisant cette fois-ci de nombreuses victimes :
« Une aube blême se leva difficilement. Une clarté grise et douteuse traîna sur une vision d’apocalypse, découvrant mieux à chaque seconde l’ampleur d’un effondrement sans nom. Le palais célèbre n’existait plus, si ce n’est qu’à l’état de magma de pierres et de terre, mêlé à des arbres déracinés des jardins. Et tout cela au fond d’un cratère d’une largeur démesurée aux parois presque lisses , comme celles qu’adoptent les entonnoirs de sable. »
Que se passe-t-il ? C’est la question que Roland pose à Pierre Lerat, son ami, ingénieur des Carrières, au moment où tous deux rendent visite à Suzy, habitant chez son père, rue de Champerret. Ils seront accueillis par une jeune fille inquiète des absences répétées de son papa, M. Merlin, lequel est géologue. Un carnet abandonné sur le bureau de M. Merlin livre de terrifiants secrets à Pierre. Le coupable est le père de Suzy, son futur beau-père !
Géologue génial mais méconnu, il en conçoit une amère déception et décide de se venger. Mettant à profit sa bonne connaissance du sous-sol parisien, percé de trous comme un gruyère, il fit construire en grand secret une foreuse géante dans le but de saper les fondations de tous les grands édifices parisiens. Lorsque Merlin se sut découvert, à l’insu de Suzy, il gagna son quartier général, les souterrains de Montparnasse, d’où il fit s’écrouler sur lui, au moyen de sa taupe mécanique, tout le quartier, anéantissant l’œuvre de sa vie. Suzy ne sut jamais rien de la culpabilité de son père car la municipalité, mise au courant de la démence du bonhomme par Pierre Lerat, camoufla ce crime en séisme localisé et naturel.
Un petit récit sympathique et sans prétention, entièrement voué à la joie de détruire.
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Adam Sans Eve - Par BenF
Crane rampe vers la mer sur un désert de cendres :
" Crane s’aperçut qu’il pleuvait. Il enfouit son visage dans la cendre tiède et fangeuse pour tenter d’en sucer un peu d’humidité. Puis, en gémissant, il reprit sa reptation. "
Dernier homme sur Terre, il est directement responsable de la catastrophe qui a frappé l’humanité; il avait tenté d’atteindre la Lune grâce à un carburant , un catalyseur liquide de son invention, malgré les objurgations de son collègue Hillmeyer et les réticences d’Evelyn, son amie. L’objectif n’a pas été atteint et le catalyseur, en retombant sur Terre, a affecté tous les noyaux atomiques ferriques de la planète. L’humanité ainsi que toutes les espèces animales ou végétales ont disparu. Le monde s’est couvert d’une couche de cendres. Crane, qui a réussi à sauter en parachute, reste seul en proie à ses remords et soumis à des hallucinations. Son unique but avant de mourir est d’atteindre la mer:
" Alors il comprit pourquoi il était revenu à la mer. Ni Adam ni Eve n’étaient nécessaires. Seule la mer, source de toute vie était indispensable. La mer qui l’avait rappelé à elle afin que la vie puisse continuer... Doucement, les eaux le bercèrent. Doucement... gentiment... la source de toute vie berça le dernier-né de l’ancien cycle, qui allait devenir le premier-né du nouveau. Les yeux déjà vitreux, Stephen Crane sourit aux étoiles disséminées au hasard dans le ciel, des étoiles qui n’avaient pas encore formées les constellations familières - et ne les formeraient pas avant cent millions de siècles. "
Une nouvelle lestement menée avec une double chute. Ecrite en 1941, elle insiste sur la crainte qu’inspirait l’idée de réaction en chaîne atomique par une arme récente, mal connue et redoutable.
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Le professeur Calret, homme juste et bon mais terriblement irascible, a mis au point la machine à capter la pensée. Dévoilant l’intimité des sujets, elle permettra de soigner les malades et d’instaurer sur terre une ère de vérité. Pierre Bratteur, son assistant et inventeur du " téléphot ", appareil capable de visualiser en réel un être humain où qu’il se trouve, n’est pas de cet avis. Il le fait savoir à Calret qui, entrant dans une immense colère, le chasse de chez lui.
L’Etat convainc le professeur de lui céder l’exclusivité de son invention. Celui-ci y consent. Lors d’une première expérience destinée à saisir la pensée de " l’homme le plus intelligent du monde " - hormis Calret -, la machine capte des sons situés à plus de 380 000 km de distance. Pour les traduire, l’expérimentateur fait appel à un linguiste de renommée mondiale, le professeur Galmer. Rapidement, il déchiffre la langue inconnue. Sans aucun doute, elle provient de la lune, c’est-à-dire de " Luniens ".
Quoi d’étonnant à cela puisque Camille Flammarion, en son temps déjà, avait émis l’hypothèse que la lune pouvait être habitée. Qui plus est, ce sont les pensées d’un général lunien formulant un plan d’invasion de la terre. Les Luniens, dont la vie a procédé par analogie avec la nôtre, se sont progressivement adaptés à l’intérieur de notre satellite, percé comme un gruyère de trous et de galeries. Ils y ont survécu grâce à leur science incomparablement supérieure à la nôtre. Aujourd’hui, leurs ressources minérales étant épuisées, ils n’ont d’autre alternative que de piller celles de la terre, en comptant utiliser deux armes terribles, soit un bouclier résistant à toute arme connue et un pistolet désintégrateur sans aucune parade possible.
A l’annonce de la terrible nouvelle, Paris se vide de ses habitants, la panique gagne les populations qui encombrent les routes : l’attaque est imminente. Calret et Bretteur, réconciliés, ont d’autres chats à fouetter : Morgan, homme de main d’un "trustman" américain a enlevé Yvonne, la fille de Calret et fiancée de Bretteur, contre la remise des plans de l’appareil miracle. Au moyen du téléphot qui permet de suivre les faits et gestes du bandit, Yvonne est retrouvée alors que la menace lunienne fait long feu.
En effet, malgré leurs esprits incomparablement supérieurs, les envahisseurs n’avaient pas tenu compte dans leurs calculs de la différence gravitationnelle entre la terre et la lune. Par conséquent, leurs engins s’aplatissent comme des crêpes sur notre bonne planète, quelque part au Mexique. La terre est sauvée derechef.
Un petit récit populaire comme il y en eut tant, écrit avec distanciation et humour. Dommage que la fin en soit aussi…plate !
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Le Manuscrit Hopkins - Par BenF
L’avant-propos du roman explique ce que représente le Manuscrit Hopkins : un des seuls vestiges ayant survécu de la culture anglaise, un témoignage sur les derniers jours de la civilisation occidentale, retrouvé quelque mille ans plus tard, "un fragile, un solide cri d’angoisse qui perce les ténèbres grandissantes de l’Angleterre moribonde".
Qui donc est cet Edgar Hopkins à qui l’on doit le manuscrit? Célibataire de quelque cinquante ans, de petite bourgeoisie, ancien professeur de mathématiques qui a pu se retirer grâce à un petit héritage soigneusement géré. Son dada, l’élevage des poules, dont il est très fier, et qui lui a apporté quelques délicieuses satisfactions d’amour-propre dans les comices agricoles locales. Autre occupation, l’astronomie, plus particulièrement l’étude de la lune, ce qui lui permettra d’être au coeur du drame.
Hopkins met un soin maniaque à décrire ce qui fut la vie quotidienne du temps de la catastrophe qui détruisit son monde familier. Dans le même élan, il se met à nu avec ses petits triomphes, ses découragements, ses élans de générosités et son égoïsme… Dans un moment de colère vite regretté, il accepte d’endosser les risques de la construction d’un téléscope par la société d’astronomie dont il fait partie. Les risques financiers que représente cette entreprise deviennent sa hantise. Aussi est-il désespéré quand il reçoit une convocation pour une réunion exceptionnelle où il va devoir endosser la honte de ne plus pouvoir assumer ses responsabilités ; il en est convaincu, il court à sa perte quand un miracle a lieu: une catastrophe imminente! Une force inconnue rapproche la lune de la Terre qu’elle fera s’écraser sur celle-ci dans sept mois. Quel soulagement pour lui!
Quand peu à peu, il comprend le sens de l’événement, il commence par éprouver la naïve satisfaction d’être parmi les "élus qui savent". Car la nouvelle sera cachée le plus longtemps possible à la population, même si , dès le départ, le gouvernement entreprend la construction de vastes abris qui permettront de sauver au moins une partie de la population. Au milieu de ce drame, Hopkins continue sa vie tranquille et s’étend sur ses préoccupations quotidiennes. C’est ainsi qu’il décrit son invention de "perchoirs métalliques chauffants" pour les poules qui "pondent des oeufs d’une qualité incomparablement supérieure ". Mais voyez la bêtise humaine: dans "l’Echo du mercredi de Mulcaster", ses "perchoirs chauds feraient éclore les oeufs à l’intérieur des poules"...
L’attachement enfantin à sa petite vie, à ses rites quotidiens, à ses vanités, c’est sa manière à lui de résister à l’épée de Damoclès suspendue sur sa tête, que son cerveau a acceptée mais que son instinct, sa vanité d’homme, refusent de reconnaître. Il se rend compte que la construction de l’Abri, devenue la préoccupation unique du village de Beadle, a quelque chose de futile, d’irréel, mais il y participe activement, parce qu’il faut le faire, et en même temps, il savoure en gorgées attentives les petits plaisirs d’une vie quotidienne pourtant si insipide. Et puis la catastrophe va lui apporter son premier et seul vrai bonheur, la rencontre avec la famille Parker.
Le cataclysme tant attendu finit par arriver. Dans un sursaut de dignité humaine, Hopkins, comme les Parker, a refusé de se réfugier dans l’Abri: " Le ciel, atroce et terne, se fit lumineux; cette souillure brunâtre fut traversée d’une traînée rouge - sang, qui s’enfla et emplit le ciel. Le vent ne soufflait plus par rafales; il se précipitait en un torrent mugissant et continu. Je restai près de la fenêtre, fasciné. Il m’était impossible de bouger. Alors, retentit un déchirement formidable, comme si la colline s’entr’ouvrait, et je vis les hêtres géants se roidir, broncher, et choir, comme le maïs sous la faux. "
La lune, en frôlant l’Angleterre, déclenche un formidable ouragan destructeur qui entraîne la mer jusqu’au fond de la vallée, noyant la plupart des hommes dans l’Abri, tuant M. Parker mais donnant à Hopkins une nouvelle famille dans les personnes de Pat et Robin. Courageusement, ils vont entreprendre de revivre comme les autres survivants d’une Angleterre meurtrie. La Lune ne s’est pas contentée de frôler la Terre, avant de partir se perdre dans l’espace. Elle s’est abattue dans l’Océan Atlantique, qu’elle bouche, du Canada à la France. Or, il se trouve qu’elle contient d’immenses richesses minérales vite convoitées par les Européens. Et, pour l’Angleterre seulement, s’ajoute un problème lancinant: la Lune barre ses routes maritimes vers ses colonies (le livre fut écrit en 1941). Alors se produit l’inconcevable: la guerre entre Européens.
L’un après l’autre, Robin et Pat, en bons citoyens, s’engagent dans l’armée britannique. La mort de sa poule favorite dénoue les derniers liens de Hopkins avec Beadle alors que, peu à peu, l’Angleterre et toute l’Europe sombrent dans le chaos. Il se retrouve dans un Londres devenu terrain de chasse de quelques cinq mille humains démunis. Au même moment il apprend qu’un homme s’est levé à l’Orient, Sélim le Libérateur, qui avait annoncé aux peuples opprimés que la Lune était leur dieu et que bientôt "elle descendrait sur la terre pour détruire les Blancs qu’ils haïssaient". Là s’arrête le manuscrit Hopkins.
Un récit élaboré où la narration à la première personne accentue l’effet de réel. Plus anglais que nature, le texte est à classer dans la veine du catastrophisme britannique dévolu au "home sweet home ", et à l’idée de la précarité insulaire, île dans la tourmente de la 2ème guerre mondiale. "Le manuscrit Hopkins", avec son souci maniaque du détail, son humour à froid (les héros profitent de l’approche de la lune pour jouer une partie de cricket de nuit!), son désespoir en filigrane est une ode au masochisme anglais et une pierre de taille dans le genre qui nous intéresse. A lire absolument pour son originalité.
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Franz, jeune homme d’une vingtaine d’années, parcourt les gorges du Verdon, une région qu’il affectionne, avec son ami Claude. Le soir venu, celui-ci disparaît alors que Franz , par hasard, découvre dans une cavité située sous un gros rocher un manuscrit en latin. Il s’agit d’une prophétie de l’illustre physicien Gassendi. Celui-ci prédit pour l’année 1954 (nous sommes en 1952) des bouleversements cataclysmiques sur la terre. Selon lui, la lune éclatera subitement en morceaux par l’activité des taches solaires , ce qui ne sera pas sans influence sur notre globe : " Luna in permultos satteles distrahetur (La lune se divisera en multiples fragments.) "
Franz prend cette histoire très à cœur et confie le manuscrit à Nadège sa petite amie en lui faisant jurer de garder le secret. Mal lui en prend. Le lendemain, elle l’a déjà trahi en remettant le document entre les mains de Claude qui disparaît au Japon (!) emportant l’ultime preuve du cataclysme annoncé. Franz fait ce qu’il peut pour prévenir ses semblables. Il demande audience à l’Académie des Sciences à Paris et se fait proprement éjecter. Les gens de sa région le prennent pour un fou. Nadège même, sa tendre petite amie, le bat froid. Désespéré, il erre dans la montagne pour retrouver une preuve de ce qu’il annonce partout à corps et à cris. Rien n’y fait. Si ce n’est qu’à l’heure dite, la lune disparaît du ciel et que tombent des bolides sur la terre. Les conséquences de la catastrophe sont terribles : la pesanteur augmente et surtout l’oxygène de l’air se raréfie. Les cardiaques, les vieillards, les enfants, les gens faibles meurent asphyxiés.
Nadège , la pâle petite amie chlorotique de Franz, atteinte par le mal, fait amende honorable et regrette ses agissements. Pas bégueule, Franz l’installe sous une tente à oxygène, car, lui au moins avait prévu le manque d’oxygène. Claude, le grand absent du récit, lui renvoie d’urgence le manuscrit volé à partir du Japon. Que faire ? Les ouvriers et habitants de la Provence accordent unanimement leur confiance à Franz (n’avait-il pas pressenti l’événement avec justesse ?) quand celui-ci leur indique un moyen susceptible de les sauver. Grâce à de l’eau jetée sur un bolide lunaire, il arrive à en extraire un corps radioactif, le lunarium, qui aura la propriété de régénérer l’oxygène terrestre. Hourrah ! le monde est sauvé ! Des fragments de bolide serviront de par le monde à réanimer toutes les populations qui se sentaient déjà condamnées. Franz, marié à Nadège (à sa place, on aurait hésité), sera adulé et riche mais n’aura pour toute ambition que de continuer ses chères expériences de chimie dans sa chère vallée de Haute Provence.
Une nouvelle gentillette qui n’a pas peur de friser le ridicule ni " l‘héneaurme ", dans la tradition des opuscules pour adolescents de l’immédiate après-guerre
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L'afrique Se Refroidit - Par BenF
Josette, sa petite chérie, rejoint Claude Rancy, son fiancé, qui travaille avec son futur beau-père M. Duclos, au Dahomey, dans une exploitation forestière. Elle est contente de se livrer au balancement du hamac porté par la petite troupe de nègres, libérée des harcèlements de l’odieux Wezner qui l’a poursuivie de ses assiduités tout au long du trajet. S’enfonçant dans la forêt équatoriale, avec ses charmes et ses dangers, le groupe ressent un froid inhabituel qui tombe la nuit et se transforme en gel au petit matin. Que se passe-t-il donc ? Surtout que Josette, après avoir failli passer dans la gueule d’une panthère est enlevée mystérieusement. Claude, fou d’angoisse, s’acharne à la retrouver mais tombe sur une tribu hostile aux Blancs qu’elle rend responsables du froid subit. Fait prisonnier, Claude est destiné à finir sur un bûcher (les Blancs qui brûlent dégagent beaucoup de chaleur, c’est bien connu !) Sauvé in extremis par M. Duclos, averti par Josette qui a réussi à se libérer de ses agresseurs (dont l’horrible Wezner), le jeune homme ressuscite dans les bras de sa belle. Et le froid dans cette histoire, d’où provient-il ? En toute simplicité, d’une machine « électro-frigorifique basée sur la force des marées » , inventé par deux ingénieux ingénieurs anglais Smiththaw et Blackfair, destinée à abaisser la température de certains climats tropicaux qu’ils estimaient trop élevée, en projetant des « ondes réfrigérantes » à très grande distance. Pas de chance pour eux cependant, parce qu’ils furent massacrés par la tribu mentionnée ci-dessus et leur appareil réduit en pièces. Ce qui fait dire à M. Duclos :
« Ils ont révolutionné… mais pas ce qu’ils croyaient ! Ce qu’ils ont mis sens dessus dessous, ce sont les pauvres Noirs, transis, grelottants, rendus malades et furieux par ce froid du diable ! Et ils ont failli provoquer des catastrophes ! Soulèvement, incendies !... Heureusement le cauchemar est terminé à présent, puisque la maudite machine est détruite et tarie la source du froid ! Pour une fois les sorciers ont raison de prétendre que les inventions des Blancs sont des inventions maléfiques. »
Une histoire d’aventures exotiques sur laquelle se greffe un élément cataclysmique. Pas de quoi provoquer le grand frisson !
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La Derniere Fleur - Par BenF
" La douzième guerre mondiale, comme chacun sait, amena l’écroulement de la civilisation. Capitales, villes et villages disparurent de la surface de la terre. Bocages et forêts furent détruits. Ainsi que tous les jardins. Et toutes les œuvres d’art. Hommes, femmes et enfants furent ramenés au-dessous des espèces les plus viles. "
Avec une grande économie de moyens, ce conte en images évoque, pour les jeunes (et les petits enfants) comment l’homme en arrive à s’auto détruire. Avec des images naïves, l’auteur montre l’implacable engrenage de la violence, comment les généraux disent aux soldats de faire la guerre, comment les chiens quittent les hommes qui ont tout perdu, comment la dernière fleur qui subsiste dans un monde ravagé parvient à redonner du sens à l’amour, à la beauté, à l’homme et à la femme , seuls survivants au monde. Courageusement, la société se reconstruit jusqu’à l’apparition de l’idée de propriété, du sentiment de l’envie, de la jalousie et de la haine. Attisée par les militaires, la guerre reprend et dévaste tout. Il faut à nouveau reconstruire.
Un pamphlet violent contre la sottise humaine et le mécanisme de la violence du capitalisme soutenu par le pouvoir armé. La situation de l’homme apparaît comme désespérée car la guerre ravage de manière cyclique l’humanité. Un livre à mettre entre toutes les mains pour l’édification des foules.
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La Guerre! La Guerre! - Par BenF
Vol. 01 : la Guerre, la Guerre !, Jules Tallandier éd., 1939, 1 vol. broché, in-12 ème , 222pp. jaquette illustrée par Maurice Toussaint.
« Paris bombardé, Paris assassiné, Paris meurtri », voilà par quels mots pourrait débuter l’héroïque épopée de cette guerre future qui, au moment de son écriture, ne correspond évidemment pas avec le véritable déroulement des faits de la 2ème guerre mondiale :
« Mais voilà qu’une détonation formidable, éclatant sur sa droite, remplit le monde…
-Oh ! le ministère de l’Air ! touché !…
En même temps une foule hurlante déboucha de la place Balard, sous le pont de Ceinture, foule sinistrement éclairée par des flammes qui, à droite, montaient des immeubles écroulés, mais foule aussitôt atteinte et en partie submergée par d’énormes flots galopants d’une fumée noire, puante… »
(…)
« …Paris est bombardé par des centaines, peut-être des milliers d’avions. C’est à devenir sourd, aveugle…et fou !… Quant aux dégâts, il doit y en avoir beaucoup, oui, et des gros. D’après les premiers téléphonages au bureau, l’ennemi vise surtout les gares, les ministères de la Défense nationale, les réservoirs d’eau, la tour Eiffel. A part çà, les avions lâchent aussi des bombes au petit bonheur : il en tombe partout. »
L’arrogante Allemagne et son allié italien, un doux soir du 24 juin 1939, fit partir ses vagues d’assaut aériennes au-dessus de la ville-lumière. Dans le chaos indescriptible d’une cité sévèrement touchée, Jean Fontenar, directeur de l’information au « Mondial-Matin », tente de gagner Sceaux où l’attend sa famille. Il n’y parviendra pas, mais, n’écoutant que son patriotisme, il se fera mobiliser comme Directeur des services de l’information au sous-Secrétariat de la Presse et de la radio, pour rejoindre le P.C. opérationnel, située sous d’épaisses futaies entre Chateaudun et Vendôme.
Là, le génie français a créé une véritable cité souterraine d’où seront analysées les diverses phases d’une bataille que l’on sent décisive. Sa femme, entre temps, ne désespère pas, elle non plus. Infirmière à Sceaux, n’écoutant que son courage, elle s’engagera, à côté du maire Léon Chevilly, dans le cadre de la défense civile du bourg. Dès le début de l’attaque et malgré les bombes, Boulevard de Port-Royal, la «Compagnie Autonome» sous le commandement efficace de Hugues Sarlat, reprend vie.
Groupe constitué de soldats d’élite, la Compagnie Autonome s’est vu assigner un seul but : traquer par n’importe quel moyen les espions à la solde de l’Allemagne, les communistes d’une cinquième colonne qui feraient le jeu de l’ennemi. Déjà, Hugues Sarlat possède des noms et une adresse. Déjà, le repaire des traîtres sera investi, leur chef Kolzaki et ses voyous arrêtés, et tous fusillés séance tenante! C’est la guerre, non mais ! D’ailleurs, ils en conviennent :
« La guerre qui commence, elle, est illégale. La Révolution sanglante que nous allions tenter de déclencher, elle aurait été illégale. Si nous avions été avertis, et donc ici les plus nombreux et les plus forts, aurions-nous déférés devant les tribunaux légaux, cet officier et ces soldats ?… Nous les aurions abattus sur place, le plus tôt possible, sans même les en prévenir ! ( …) Et, de nouveau, se tournant vers l’officier toujours impassible : -Capitaine, ne perdez pas votre temps, et tout de suite faites-nous tuer. »
Quant aux bombardiers allemands, ils ne retourneront pas sains et saufs dans leur pays. A Tours, la base aérienne est en alerte. Sous la direction du capitaine François Chevilly, l’escadrille accroche l’ennemi entre Metz et Nancy. Blessé à la clavicule, le jeune officier sera soigné à Pagny, dans une ferme, où il sera informé, de l’état de la France. Les nouvelles du front ne sont pas bonnes : les Allemands, ayant fomenté un coup d’état à Bâle pour contourner la ligne Maginot, ont envahi le territoire français entre Besançon et Mulhouse où nos forces terrestres les contiennent :
« La Suisse a été violée, la ville de Bâle occupée en coup de foudre ; plusieurs divisions allemandes ont dévalé en torrents coordonnés des profondeurs de la Forêt Noire, traversé Bâle, franchi le Rhin, envahi le territoire de Belfort, pris Belfort, pendant que cette ville et Vesoul et Besançon étaient copieusement bombardées. Mais le débordement brusque a été arrêté par nos forces de la 7ème région : aux dernières nouvelles, l’ennemi est contenu au sud-est de Mulhouse, bien à l’est de Vesoul et au nord-est de Baume-les –Dames. »
A Paris, Sarlat n’en a pas encore fini avec les traîtres. Un véritable nid d’espions s’était implanté boulevard Poissonnière dans lequel tout un appartement grouille de germains, de la concierge à la femme de chambre, sous la direction d’une jeune femme, Melle de Gyvelde, alias Frieda ou Z.33, au choix. Comme ses parents, M. et Mme de Gyvelde, - en réalité des Von Narchenflach de Bavière-, Frieda reste en communication étroite avec l’Allemagne. Le capitaine de la Compagnie autonome décidera de mettre fin à l’activité radio de tous ces traîtres en installant une traque au sein même de la basilique du Sacré-Cœur. Enfin, tous écoutent, fascinés, le discours du Président du Conseil qui galvanise les cœurs français en promettant une riposte foudroyante contre les agresseurs.
Vol. 02 : Maginot Siegfried, Jules Tallandier éd., 1939, 1 vol. broché, in-12 ème , 222pp. jaquette illustrée par Maurice Toussaint.
Les deux belligérants se trouvent face à face dans l’Est de la France, l’un invisible derrière la ligne Siegfried, l’autre, prêt à à découdre le long de la ligne Maginot. Le colonel Thillot, près de Haguenau, inspecte ses fortins. Les Allemands ne bougent toujours pas. Soudain, un formidable sifflement, suivi d’une explosion immense lui apprend qu’un obus germanique « pénétrant » a fait exploser les constructions souterraines. Après enquête, il constate que les Allemands disposent d’une arme secrète capable d’anéantir la forteresse française, dite imprenable :
« -Eh bien oui ! prononça soudain le colonel Thillot. Ca me paraît évident. Je vois un obus d’un calibre bien supérieur au 420, très long, très effilé en pointe, avec trois, quatre, ou même cinq ou six angles tranchants, d’un acier nouveau, extrêmement dur. Hein ? Une sorte de pieu colossal, creux, bourré d’un explosif à très grande puissance de déflagration… un pieu au moins triangulaire, perçant, tranchant… Ca vous entre dans la terre et même dans le béton. Ca n’éclate pas au choc, mais quelques secondes après l’arrêt. Ca pénètre profondément ; ça démolit, déchire, bouleverse ou comprime sur un rayon de dix, quinze mètres et dans un sens giratoire. Ca soulève et projette volcaniquement des tonnes de terre et de pierres… Sang de Dieu !... »
Il en réfèreaussitôt à Paris, à son PC, et à Sarlat. L’annonce des hostilités avait été immédiatement suivie par un début d’invasion dans le triangle des Trois Frontières, Bâle, Belfort, Mulhouse. Les divisions françaises convergent sur zone pour arrêter la ruée. Le flux allemand, constamment approvisionné par l’arrière à partir des trois ponts bâlois que les Suisses n’ont pas eu le temps de détruire, rend incertaine la victoire française. Il s’agit dès lors de mener une opération commando qu’entreprendra Sarlat. Mais, pour le moment, il est occupé à Paris, résolu à démasquer l’espionne «Frieda Z.33» qui communique aux Allemands le dernier état des lieux.L’immeuble d’où elle est censée opérer, un hôtel meublé dans le quartier de Montparnasse, est circonscrit et piégé dans la discrétion. Tous les occupants en sont des Allemands résidant à Paris depuis longtemps sous de faux noms. Grâce aux Narchenflach, le couple de vieillards autrichiens prêts à trahir Z.33, alias mademoiselle Lelia de Gyvelde, un piège est tendu qui devra surprendre l’oiseau lorsqu’il reviendra au nid.
Frieda Z.33, en véritable espionne, a feint d’aimer le jeune capitaine François Chevilly pour apprendre de lui l’emplacement du PC central français. Munie de ce précieux renseignement, elle se précipite dans le piège tendu où l’attendent les hommes de Muller, adjoint de Sarlat. Car Sarlat a dû s’absenter. Eu égard à la gravité de la situation à la frontière de l’Est, il s’est rendu en toute hâte chez le colonel de Cabarrus, commandant du secteur S. (Mulhouse).
Un plan audacieux a germé dans son esprit : faire sauter les trois ponts bâlois grâce à un commando infiltré dont il prendrait le commandement. L’opération, montée dans les moindres détails, mobilise soixante-dix Alsaciens, parlant parfaitement l’allemand. Vêtus avec des uniformes germaniques, faisant semblant d’être blessés, ils s’insèrent dans le système d’évacuation sanitaire, en zone occupée, les Germains ayant eu beaucoup de blessés par suite de la foudroyante réaction française. Chaque équipe, arrivée sur zone met en place la charge pour faire sauter les piliers des différents ponts :
« Tout à son idée, le capitaine n’avait depuis des heures pensé qu’aux trois ponts et au viaduc, à la destruction de ces voies de communication d’importance capitale pour l’ennemi, aux mouvements, aux gestes qui tendraient à l’accomplissement de cette destruction. Pas une fois il n’avait pensé aux hommes, à jamais innombrables, qui périraient du fait même de cette destruction, ni à ceux, répandus sur les deux rives du fleuve, qui en seraient les spectateurs. Car toute la ville, en cette heure nocturne, grouillait de troupes allemandes en marche, en cantonnement, en occupation de guerre. La clameur humaine, plus encore que le vacarme des multiples éclatements des piles de pierre et de fer, donna au capitaine Sarlat conscience de l’œuvre guerrière qu’avec ses hommes il avait accomplie, réussie. »
L’opération réussit au-delà de toute espérance. Les Allemands, coupés de leur base, seront pris en tenaille et rejetés au-delà du Rhin. Bâle libéré, la pression diminue sur Belfort et le Sundgau. A paris, Frieda Z. 33 est tombée dans les mains de Muller. Un faux message envoyé aux Allemands les trompera quant à la position du PC français. Mais toujours aussi futée, Lélia arrivera à s’emparer d’un pistolet cachée et :
«Penchée au bord de la table, sur laquelle s’appuyait sa main gauche, Frieda tout en parlant avait, du mouvement le plus naturel, laissé pendre le bras droit contre son flanc, sa cuisse. Et brusquement la main avait disparu sous le pan de robe, reparu, serrant un pistolet noir. Bras tendu. Feu à bout portant deux fois coup sur coup, en plein front de l’homme, de la femme…Le bond du commissaire et ses mains qui voulaient empoigner furent d’une demi-seconde tardifs. Le corps souple de la jeune fille se déroba, glissa, vivement s’adossa au mur, dans un coin. Le bras se tendit. La voix claire jeta :-Vous êtes tous l’ennemi !
Trois détonations claquantes, coup sur coup. Le lieutenant gémit, culbuta. Un agent jura et s’abattit. Un autre se plia sur le dos d’une chaise, qui avec lui, culbuta. »
Le succès est quasi-total aux frontières de l’Est. Cependant, la guerre est loin d’être terminée, elle se poursuivra sur mer.
Vol. 03 : Batailles pour la mer, Jules Tallandier éd., 1939, 1 vol. broché, in-12 ème , 213pp. jaquette illustrée par Maurice Toussaint.
Sur mer également, les Alliés préparent la contre attaque. Louis le Touzey et l’enseigne Jean Daussat se trouvent à la tête de douze vedettes lance-torpilles destinées à s’opposer à la flotte italienne en Méditerranée. Après le bombardement de Paris, les engagements aériens faisant rage sur tous les fronts, c’est aux navires d’entrer dans la danse. Trois secteurs maritimes d’intervention ont été délimités en Méditerranée occidentale.
Appuyé par l’escadre anglaise basée à Malte, le Touzey, lors d‘une rencontre décisive avec des cuirassés italiens transportant plus de 5000 soldats à destination de la Libye, les coulent tous dans un engagement violent durant lequel une seule de ses vedettes sera épargnée :
«Ils eurent tout juste le temps d’entendre, à la même seconde, l’éclatement de leurs deux torpilles et de voir basculer le transport, dont les ponts vomirent à la mer des centaines de grappes d’hommes. Car sur la plage avant de la vedette un obus tomba, trouant, fracassant, enlevant comme un bouchon le capot en tourelle du kiosque… Décapité net, sa tête emportée, le corps de Le Foral tomba sur les bras de Martin tendus à tenir, à manœuvrer la roue du gouvernail selon l’ordre que le commandant venait de lui donner. Du cou tranché, le sang jaillissait en un flot violent.».
Jean Daussat moura noyé, quant à Le Touzey, repêché après quelques heures passées dans l’eau, il rendra compte de sa victoire sur le vaisseau-amiral «Le Breton» et sera cité à l’Ordre de la Nation. Reversé au poste de Directeur de Tir chargé de surveiller la zone de combat, son espérance de vie sera néanmoins très brève. Il connaîtra encore la satisfaction de voir sombrer le « Vittorio », avant de périr à son tour :
«Cet immense bassin de 8 à 10 kilomètres carrés était comme la surface du liquide en ébullition d’une cuve où cuisait une tambouille d’enfer démoniaque. Avisos, contre-torpilleurs, torpilleurs visibles, vedettes indécises, sous-marins invisibles y faisaient une endiablée sarabande : vagues factices et embruns, flammes et fumées, éclatements rouges dans des panaches gris, éclairs d’aciers et de cuivres luisant au soleil, clameurs vagues, tonnerres ronds, éclatements secs ; petits navires entiers courant comme des fous, épaves flottantes ou en train de sombrer, gerbes d’obus tombant dans l’eau ».
A Paris l’on apprend avec satisfaction la marche victorieuse de l’escadre alliée en Méditerranée où 90 navires italiens auront été coulés, ainsi que les transports de troupes. L’Italie, soumis à un blocus sévère, vivra désormais en autarcie.
Le 3 juillet, furent déclenchées les hostilités dans la mer du Nord, qui aboutiront, elle aussi, à la victoire et permettront la récupération du triangle luxembourgeois. D’ailleurs, Jacques Fortas, le fantassin, y a puissamment contribué. Avec ses douze hommes, mission lui avait été donnée de détruire une batterie ennemie « fantôme », opérant à partir du village de Vianden. Lors de son avance risquée en territoire ennemi, Fortas neutralise les sentinelles et longe, avec ses hommes, le col de Vianden jusqu’au sommet du Nicolausberg. Malgré les risques, ayant repéré les batteries, le commando élimine les servants en une action d’une folle audace. Fortas, à l’arrière avec deux compagnons, pose les explosifs. Mais, voyant venir sur eux une troupe allemande de ratissage, ils n’ont d’autre alternative, pour échapper à l’ennemi, que de s’enterrer sous les feuilles mortes. Les soldats passeront sans les voir et, autre coup de chance, ils découvriront le fil émetteur par lequel transitent les ordres de pointage des officiers allemands. L’idée insensée les prend de remonter la piste jusqu’au poste de commandement et d’en rafler tous les documents. L’émetteur est situé dans une vieille tour féodale. Les officiers, surpris, n’opposent aucune résistance. En possession des codes de tir, ils regagneront leurs lignes à l’aide de motos volées à l’ennemi. Cette action d’éclat entravera la progression des Allemands en Belgique.
Alors que les Etats-Unis envoient enfin du matériel aux Alliés, fut inaugurée une nouvelle manière de bombarder dite « à la chaîne ». Entre Liège et Bastogne, le mercredi 5 juillet, cent vingt avions, commandés par le général Marquoy, se sacrifient en un bombardement incessant, jusqu’à la destruction complète, des camions, des troupes et du matériel. Défaits dans la mer du Nord et en Méditerranée, en recul en Belgique, chassés du Luxembourg, les Allemands ont perdu six cent mille hommes :
« Ainsi, le Conseil Supérieur de la Guerre était tenu heure par heure au courant des mouvements des armées Allemandes grouillant avec méthode dans les deux tiers de la Belgique. Ainsi ces grouillements stratégiques étaient abondamment arrosés de bombes fracassantes, asphyxiantes, torréfiantes, sorties des usines françaises, anglaises, américaines.
Partout, dans les deux immenses trapèzes marqués aux quatre coins par Ostende, Calais, Charleville et Bastogne pour les Armées Françaises en marche, c’étaient, avant la grande bataille terrestre, une multitude de batailles aériennes, de bombardements par avions, de ripostes par la D.C.A. »
Cependant, l’avancée vers l’est se poursuit : les Allemands pénètrent à Varsovie pendant que les Italiens entrent à Belgrade et que les Hongrois attaquent les Roumains. Seuls les Russes, sur ordre de Staline, ne bougent pas. Qu’attendent-ils ?...
Vol. 04 : l’Afrique en flammes, Jules Tallandier éd., 1939, 1 vol. broché, in-12 ème , 209pp. jaquette illustrée par Maurice Toussaint
A Tunis, Pierre Florac, chef du service de Renseignements pour la Tunisie, reçoit Régine d’Ascans, espionne au service de la France et amante de Pierre, plus connue par les Arabes sous le nom vénéré de Néhar’aïne, qui lui apporte de précieuses nouvelles : le Grand Chérif Mohamed Amran trahira les Italo-Allemands pour se mettre au service de la France lors de l’attaque décisive, moyennant le Sultanat de Tripolitaine sous protectorat français. Florac en avise immédiatement les généraux Créange, Durieux, ainsi que son ami le Major Harry Blunt, lors d’une conférence organisant les diverses modalités de l’attaque. Durieux est le concepteur des avions « Y », des drones avant la lettre, mitrailleuses volantes dirigées «télé-mécaniquement», capables d’infliger de lourdes pertes à l’ennemi, les Italiens, avec leur corps d’armée de 300 000 hommes ne pouvant plus recevoir de renfort :
« Mais l’essentiel de cet engin consistait en ceci : il était entièrement télémécanique ; pas d’homme à bord ; direction de n’importe quel lieu terrestre, par ondes hertziennes de longueur variable exactement calculée pour n’avoir que la portée efficace ; reçues et traduites à bord de l’Y par le Récepteur de T.S.F. et par le sélecteur d’ordres, transmises du sélecteur au servo-moteurs, du gouvernail et des ailerons, aux servo-moteurs des cinq batteries de mitrailleuses, les ondes dirigeaient le vol de l’Y et, en même temps, déclenchaient le tir des mitrailleuses. Or, ce tir pouvait tout à la fois être déclenché à droite, à gauche, devant, derrière, et dessous –de telle sorte que ce terrible engin crachait de toutes parts des balles, dont la direction elle-même obéissait selon les mouvements des mitrailleuses sur leurs axes, aux volontés de l’Officier-Conducteur qui, installé confortablement à terre dans un Poste-Directeur fixe ou mobile, manoeuvrait opportunément leviers, manettes et boutons commutateurs, ayant devant lui tout à la fois un standard et un clavier télémécanique. »
La date de l’attaque fut fixée au 18 juillet. Ce qui laissait un délai suffisant à Régine pour solder un vieux compte. Avec Pierre à ses côtés et le major Blunt, tous trois s’envolent pour l’oasis de Médénine où elle possédait jadis, de par son père, une exploitation agricole dont elle avait été spoliée par l’immonde italien Trapani. Elle tient donc à venger son père et récupérer son bien. Dès l’atterrissage elle est reconnue par les maghrébins comme étant Néhar’aïne, leur prophétesse. L’immonde Trapani sera exécuté, après audition de la sentence, sans autre forme de procès.
Peu après, débuta la bataille du plateau de Barka. Surpris en pleine nuit par les « avions Y » de Durieux, mitraillés sans relâche, les Italo-Allemands se reprennent, mais trop tard : plus de 30 000 morts jonchent le terrain de leur bivouac. Les deux chefs de guerre ennemis survivants, le général Von Warner et le maréchal Torelli, envisagent une réaction immédiate : il faut apprendre l’origine de ces engins et pilonner leur terrain d’envol pour les empêcher de nuire. Ce qui fut fait sans désemparer, le camp des alliés subissant à son tour la fureur de la dernière charge de l’ennemi.
Et bien que les bombardiers aient été tous anéantis, in fine, le combat entraîna la mort de Créange et de Durieux. Qu’importe ! Le grand conflit devant se dérouler le lendemain, le choc fut immense pour l’ennemi d’apprendre à ce moment-là, la trahison des Arabes qu’ils croyaient acquis à leur cause. Encerclés par les différents corps d’armée, harcelés par les troupes de Mohamed Amran, les Italo-Allemands se rendent ou meurent, les uns après les autres. En fin de journée la victoire fut acquise. Lors de la célébration de la paix avec le nouveau Sultan de Tripolitaine, Florac apprend une autre et déplaisante nouvelle : des terroristes anti-Juifs et anti-Français préparent un pogrom non seulement à Tunis mais aussi dans les principales villes du Maghreb, sur l’instigation haineuse d’un leader intellectuel, Aïn-Ben-Gadouz. Florac,blessé,ne pouvant livrer le nom des principaux responsables à temps, le coups de force eut lieu, vers onze heures du soir, qui fit plus de 7000 morts dans la communauté juive :
« Le quartier juif de Tunis fut en quelques minutes un enfer où l’on massacra dans toutes les rues, dans toutes les maisons. Les portes fermées, on les enfonçait avec une poutre, on les faisait éclater avec une grenade, on les arrosait de pétrole et on les brûlait ; on entrait aussi par les murs des courettes, par les terrasses. Là où il y avait des jeunes femmes, proprement et coquettement bourgeoises, et des jeunes filles et des enfants, des scènes abominables, au fond des chambres grouillantes de plusieurs bandits ou jalousement occupées, pour un instant, par un seul assassin riant de sa chance, les pires abominations précédaient la tuerie, parfois férocement raffinée, appliquée à prolonger une torture jusqu’à ce qu’une flamme d’incendie ou l’irruption d’autres assassins mît fin à l’atrocité – pour que plus loin l’on pût recommencer à tuer, à martyriser, à déchirer, casser, incendier, détruire… »
Mais la répression sera à la hauteur du crime. Tous les terroristes furent pris, jugés, exécutés par pendaison et les principaux criminels, fusillés. La France resta maître du terrain.La Bataille d’Afrique, se terminant au bénéfice de la France et de l’Angleterre, amena la Germanie et ses affidés au bord de la destruction finale.
Vol. 05 : la Fin… par le pétrole, Jules Tallandier éd., 1939, 1 vol. broché, in-12 ème , 226pp., jaquette illustré par Maurice Toussaint
Où l’on retrouve le capitaine Sarlat à qui est confiée une ultime mission par le général Dupuis-Lecat. Les Allemands n’ont pas été capables de remporter la victoire mais leur capacité militaire reste forte. Celle-ci dépend surtout du pétrole qui fait rouler leurs engins motorisés. Or, celui-ci s’épuise… Ils ont donc prévu des stocks énormes, situés en zone neutre, sur la côte suédoise, en un endroit baptisé « la Cité du pétrole ».Véritable enclave germanique, s’élevant au-dessus d’un fjord, à cinquante kilomètres de Göteborg, la Cité du pétrole comprend d’immenses réservoirs, plusieurs casernes et deux mille hommes actifs pour les surveiller. Priver les Allemands de cette ressource en énergie, c’est signer l’arrêt définitif de la guerre dans les deux semaines à venir.Pour ce faire, il faut saboter les installations.
Le général Dupuis-Lecat connaît un seul homme capable de mener à bien cette opération : c’est le capitaine Sarlat. Celui-ci accepte la mission, avec une centaine d’hommes parfaitement rodés, tous de la « Compagnie Autonome ». Le commando est acheminé à pied d’œuvre, piloté de main de maître par deux marins norvégiens, pêcheurs habitués de ces lieux hostiles, surveillé et protégé par une escadre anglaise. Il a été réparti, pour raison de sécurité, en différentes vedettes basses sur l’eau et difficilement repérables dans le brouillard.
Après avoir accosté, grimpé le long d’une falaise à pic, le commando arrive près de la Cité du pétrole. Pendant que Sarlat, avec douze de ses hommes, neutralise le corps de garde et assure la protection des autres lors de la phase de repli, les différentes escouades pénètrent dans les lieux, posent les bombes à retardement, minutant le temps des explosions.
L’opération est une totale réussite. Un incendie gigantesque ravage le paysage, noyant les lieux sous d’épaisses fumées noires, assurant ainsi la retraite des saboteurs, ce qui permettra de limiter les pertes à une vingtaine d’hommes. Le commando reprend le chemin du retour par voie de mer, heureux d’avoir pu porter un coup fatal à l’adversaire. Le plus stupéfiant en cet événement, c’est que le général baron Rudolf von Warteck, son épouse, son allié, le prince Andréa Colozzo ont eu vent de la mission. Ils n’ont pas signalé le danger à Hitler, et laissé faire.
Le général, de vieille souche allemande, excédé par la démence du Führer a vu là – à travers ce qui apparaît comme une traîtrise - un excellent moyen d’arrêter cette folie meurtrière et de faire en sorte que l’Allemagne puisse conclure la paix des braves. Cette opinion était partagée par Andréa que l’on retrouve comme plénipotentiaire diplomatique auprès de Dupuis-Lecat, l’un de ses anciens amis d’étude du temps de paix. Il proposera au petit comité de la défense interalliée une des ces « combinazione » dont les Italiens ont le secret. L’Italie est décidée à ne plus bouger, à laisser faire, à se désolidariser de l’Allemagne, pourvu qu’elle ne perde pas la face et que le blocus le long de ses côtes soit allégé. La proposition est acceptée.
La destruction de la Cité du pétrole, la passivité italienne oblige l’Allemagne à abandonner ses conquêtes et à se replier sur son territoire. Le dernier entretien qui aura lieu au château fortifié du Wachfeld sera décisif. Hitler, fou de rage, crie à la trahison et s’apprête à exécuter Göehring (appelé Morrhing dans le roman) et ses hommes à l’intérieur du PC opérationnel. Ceux-ci se défendent contre les tueurs SS et sortent vainqueurs de la confrontation. Sur le coup, Hitler meurt, foudroyé par une crise nerveuse :
« -Des lâches, des traîtres !... Vous êtes tous…
Halètement de fureur. Et le cri, l’appel, l’ordre :
-Siegburg !...
Vingt-deux poings firent jaillir des étuis les brownings noirs.
-Non ! jeta Morrhing.
Et avant que le premier coup de feu eût retenti, il était de toute sa masse derrière le Führer, qu’il empoigna aux bras, qu’il plaqua tout contre son propre corps tassé dans le coin du Caveau.
Les détonations crépitèrent. Mais toutes ne provenaient pas des brownings des SS. Des Généraux, des Ministres eurent aussi l’arme au poing. Des officiers jaillirent des caveaux voisins et du couloir. Ce ne fut pas comme au « 30 juin ». Ici, ce soir-là, ils se défendirent, les condamnés à mort par la « volonté de puissance ». (…)
Les vingt-deux officiers du SS entrés dans le Caveau furent tués, et quelques autres restés dans le couloir, et aussi deux Généraux aides de camp du Führer.
Quant au Führer lui-même, raidi, les dents serrés, les yeux révulsés par une crise nerveuse, il fut porté jusque dans la chambre qui avait été spécialement aménagée à son usage…»
La guerre est terminée. Un nouveau traité, découpant le pays en différentes zones empêchera à tout jamais la renaissance de la « Bête ». Ceci se passe le 30 juillet 1939.
« la Guerre, la Guerre » représente une tentative réussie de la part de Jean de la Hire de projeter en un avenir proche ce qu’annoncent les prémisses sociales , militaires et politiques dans la réalité de son époque. Guerre conjecturale malgré tout, où il est impossible de prévoir avec exactitude ce qui va se produire, comme l’importance (fausse) qu’il accorde aux lignes Siegried et Maginot, qui en constitue un exemple patent. Pourtant la fresque n’est jamais ridicule et quoique liée à un franc patriotisme, nourrie de détails, elle se lit avec plaisir, le point d’orgue étant incontestablement la destruction finale de Hitler.
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Le narrateur, Georges, travaille en milieu hospitalier. Son futur beau - père, le professeur Paul Evrard est un patron de clinique craint et respecté. L’action débute à Paris, un jour de grisaille , lorsque le narrateur propose à son frère Claude, journaliste, un papier intéressant : des cas d’atrophie primitive de l’oeil ont été détectés , plus nombreux que la statistique ne le permettrait:
"C’est vraiment un curieux phénomène, continuai-je. Le nerf optique s’atrophie sans qu’on sache exactement pourquoi. Cela ressemble à un cancer. La gaine du nerf s’épaissit. Les fibres nerveuses disparaissent pour faire place à du tissu conjonctif. Tout se passe comme si l’enveloppe du nerf dévorait en quelque sorte le nerf lui-même."
Le professeur, devant l’afflux exponentiel des malades, tous destinés à devenir aveugles, suppose l’existence d’une épidémie mais n’arrive pas à isoler le microbe responsable. De tous les pays du monde parviennent des nouvelles alarmantes: l’humanité, à très court terme, est condamnée à l’obscurité, ce qui implique des bouleversements sociaux considérables. Déjà on en sent les prémisses:
" Pour un observateur superficiel, en effet, la ville revêtait encore sensiblement le même aspect. Les transports fonctionnaient, normaux. Chacun semblait poursuivre le même but qu’hier , le même que demain. Mais les indices clairs sautaient à mes yeux avertis. Dans les bas quartiers, des petites boutiques se fermaient pour ne plus rouvrir. "
Pour le moment, le tragique de l’événement n’est pas encore assimilé par la population française qui a fort à faire avec les projets d’invasion allemands. La mobilisation générale avait été décrétée et c’est dans une ambiance d’apocalypse que le professeur met en garde son futur gendre : la vie en société deviendra bientôt impossible. La force règnera. Le gouvernement tombera. L’économie se désagrègera et les survivants aveugles soit mourront de faim, soit imposeront la loi du plus fort. Il enjoint à Georges - qui entre temps a épousé Lucile, la fille d’Evrard - de préparer une retraite sûre pour les siens, pour Lucile, pour la mère du narrateur, ainsi que son frère Claude, et lui-même.
Tous étant destinés à perdre la vue à court ou moyen terme, il lui faudra accumuler les vivres suffisants et le charbon nécessaire pour pouvoir survivre au moins les dix prochaines années. Il lui sera aussi indispensable de baliser le terrain afin qu’ils puissent se repérer dans les ténèbres qui tomberont sur eux et sur le monde. Il lui transmet tout son capital et lui propose comme retraite sûre sa ferme, résidence secondaire isolée, près du village de Barges. Lui continuera, en attendant, à chercher la cause du mal.Georges se met en quête, achète un véhicule, emmène les siens à Barges et, jour après jour, accumule des provisions achetées en multiples petites quantités pour ne pas susciter l’attention.
Comme prévu, la société se délite. Le mal frappe de plus en plus fort. Il aura eu au moins le mérite de stopper la guerre, faute de "voyants". Les aveugles se font plus nombreux dans les rues. Paris, comme toutes les grandes villes, est condamnée:
" Une poussée irrésistible se propagea de proche en proche. On vit partout la peur, la peur au cent visages. L’angoisse martela les âmes les plus fortes. Elle déchaîna les rudes, anéantit les faibles. Peu à peu, la justice fit place à la violence. On lutta pour la vie. On lutta sans pitié, âprement, follement. Les coups les plus odieux, les ruses les plus viles furent considérés comme actes légitimes. L’instinct excusa tout. Des hommes, hier sans haine, se transformèrent en brutes. Une démence ignoble souleva les plus calmes pour les précipiter vers de furieux extrêmes. Le spectre de la mort conduisait jusqu’au meurtre. Cependant que tombait la nuit, inexorablement. "
Etonnamment, le mal a son paroxysme produit peu de troubles violents. Les hommes, hébétés et honteux de leur nouvel état, évitent leurs semblables dans un environnement devenu dangereux. Ils se terrent chez eux pour y mourir. Le narrateur traversera des rues quasiment vides avec son véhicule.
Une de ses dernières navettes consiste à ramener le professeur, devenu aveugle lui aussi, à Barges, en le sortant du laboratoire de la clinique. Au cours de cette dernière expédition , il tombe sur une bande de déserteurs , voyants ceux-là , et c’est grâce au sang-froid de Georges qu’ils se tirent de ce mauvais pas:
" -Je veux parler à un officier, annonçai-je d’une voix dure. Leurs éclats redoublèrent sans mesure, dominés par les piaillements aigus des femmes. - Monsieur veut se plaindre sans doute ? dit celui qui m’avait frappé, exagérant insolemment la politesse.
-Je veux simplement que vous laissiez ces bêtes tranquilles, répondis-je avec fermeté.
Le gaillard se tourna vers ses compagnons. -On le fusille ? proposa-t-il. Quelque chose de féroce dans son expression me montra qu’il ne plaisanta pas. Je compris instantanément que j’étais tombé sur une bande de déserteurs. Les rires cessèrent d’un coup. Heureusement un soldat qui était monté dans le véhicule fit diversion. "
Ce soldat, blessé dans l’échauffourée, fut emmené malgré lui à l’arrière de la camionnette. Une fois soigné, il se révélera un ami fidèle et un élément précieux pour la petite communauté.
Enfin, la nuit tombe sur le monde. Progressivement, la cécité s’installe, le narrateur succombant en dernier. Ayant eu le temps de s’accoutumer à leur état, la transition n’est pas trop difficile pour les membres du petit groupe. Rapidement, les sens de l’ouie et du toucher suppléent à la vision défaillante. Si les premiers jours de retraite sont presque gais, au fur et à mesure que passe le temps, l’ambiance se détériore. Claude s’enfonce dans le silence: il finira dans une paranoïa totale et disparaîtra après s’être échappé de la maison. Le narrateur , en un ultime voyage, aura trop présumé de l’avancée de son mal. Il deviendra quasiment aveugle en cours de route et vivra le calvaire de son retour vers le refuge à plus de deux cents kilomètres de là alors que sa vision n’accède plus qu’à l’environnement immédiat:
" Rien cependant ne m’inquiéta sérieusement dans chaque première étape au cours de laquelle chaque borne kilométrique représentait pour moi un but monotone et sans cesse renouvelé. A cause de ma vue défaillante sans doute, je ne vis que très peu d’êtres vivants. Mais, par une sorte de sensibilité subconsciente, j’eus maintes fois l’impression vague des existences cachées. Beaucoup de hameaux, en apparence déserts, m’inspirèrent une méfiance irraisonnée, quand je les traversai. C’était comme l’avertissement occulte d’un sixième sens, se substituant à celui de la vue. Je le subissais sans l’analyser. "
Un autre danger non prévu menace les isolés : les rats , qui profitent de la maladresse des hommes et des provisions accumulés , s’installent en maîtres dans la maison. Le petit groupe sera obligé de cohabiter avec ces hôtes indésirables qui les privent de plus en plus de nourriture:
"Bientôt nous sentîmes autour de nous la présence permanente de tout un peuple s’activant à notre ruine. Au fur et à mesure, les rats devenaient plus audacieux. Ils s’établirent dans la cave et le grenier comme en un pays conquis, se dérangeant à peine lorsque nous y venions. A chacune de nos visites, on pouvait les entendre trotter et grignoter. Le bruit même que nous faisions ne les effrayait pas. On aurait dit qu’ils se rendaient compte qu’on ne pouvait rien contre eux. "
Ils seront finalement découverts par les habitants aveugles du village avoisinant, qui meurent de faim . Venus en force, ceux-ci pensent mettre le feu à la ferme pour déloger nos amis. Le professeur, grâce à son charisme, parvient à redresser la situation en leur promettant des victuailles ; il leur suggère de s’unir afin de recréer un embryon de société civilisé. Ces propos favorablement accueillis marqueront le départ d’une nouvelle vie . Abandonnant la ferme, le narrateur et les siens, avec l’aide d’Antoine, cultivent la terre, établissent des repères sonores précis pour ne pas se perdre, et élargissent leur territoire jusqu’à oser s’approvisionner en métaux ferreux dans le village voisin.
Ils y découvrent même un voyant, immunisé naturellement contre le microbe qui mettra ses yeux au service de la communauté. Les naissances se multiplient et parmi celles-ci, bien que de nombreux enfants naissent aveugles, il arrive que l’un ou l’autre puisse voir. Ils formeront le ferment d’une civilisation future dont l’objectif sera de reconquérir le monde:
"Il était normal que le temple, objet de la vénération unanime, fut aussi le réceptacle de nos biens les plus précieux. On y plaça donc les lampes destinées à perpétuer le feu. Mais à la longue, le caractère divin de l’édifice se communiqua à la flamme elle-même et l’entretien des lampes revêtit l’allure d’un rite sacré. C’est de nos jours un grand honneur pour une jeune fille que d’être admise à y participer. Il n’est jusqu’à la puérile menace inventée à l’origine par le patron afin d’éviter les négligences qui ne se soit progressivement transformée en une crainte de la colère céleste. Je prévois que dans une ou deux générations, le feu lui-même sera adoré."
Un roman tout en finesse. L’intérêt ne faiblit pas un instant et le récit semble obéir aux lois des unités de la tragédie classique : de temps, de lieu, d’action, qui établit toute la problématique du huis-clos dans les rapports des personnages entre eux. Bien que l’intérêt soit centré sur les personnages principaux, le décor en filigrane est suffisamment travaillé pour rendre crédible les faits. La psychologie mouvante des aveugles, leurs angoisses et leur force, s’analysent au travers de leur comportement. Au-delà de la thématique du genre, (la «Révolte des Triffides» de Wyndham, la «cité des sphères» de Galouye, «le Pays des aveugles» de Wells), le roman débouche sur le classicisme. A rééditer
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