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Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !
Livres
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La Derniere Nuit - Par BenF
«Depuis des siècles, le soleil presque éteint, ne lançait plus dans l’espace que de sinistres clartés. Le froid, frère du néant, avait envahi peu à peu son orbe immense ; il étreignait sa lumière blanche avec une ténacité que mettaient autrefois les médiocres à étouffer le génie. Et l’astre, trop vieux pour lutter plus longtemps, cédait lugubrement aux forces des ténèbres.»
Pour une humanité très vieille, le monde se refroidit, comme le soleil. Les glaces migrent des pôles et enserrent un dernier noyau d’hommes établi sous les tropiques. Un tremblement de terre achève la déroute de l’humanité en ne laissant subsister que deux hommes et une femme :
" Par une nuit polaire, une secousse sismique fit céder toute cette partie de la couche terrestre qui abritait encore des hommes. Ceux-ci furent ensevelis dans leurs cavernes. Quand le soleil violet se leva sur cette désolation, il ne restait plus que trois vivants dans le monde : deux hommes et une femme qui s’appelaient Démos, Julien et Léa. "
Démos tuera Julien par jalousie et le dernier couple, à son tour, mourra enchâssé dans les glaces. Tout est-il donc perdu à jamais ? Non ! la vie reprendra lors du passage d’une nouvelle étoile qui réchauffera la terre permettant à une nouvelle vie de surgir.
Un récit court aux accents aussi désespérés que ceux de Pouydebat.
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La Derniere Jouissance - Par BenF
En un proche futur survint la fin d’un monde qui balaya les sociétés humaines et ses valeurs, effaçant de la surface de la terre la quasi-totalité de l’humanité. Une faille de l’écorce terrestre, appelée « la Grande Faille » apparue entre l’Alaska et la Terre de Feu, s’ouvrit, plaie béante de 3000 km de long, laissant s’échapper un gaz mortel baptisé le «Nécron » contre lequel il n’existait aucune parade :
« La fureur des éléments se manifestait cependant avec une ampleur cosmique. Des pics plus hauts que le mont Everest apparurent et se résorbèrent soudain. L’océan Pacifique subit des dénivellations effarantes et fut la proie d’une tempête comme le monde n’en avait jamais connu. Tous les navires y coulèrent à la fois. La Péninsule Gangétique descendit sous la mer avec trois cent millions d’humains. »
Les déplacements des populations restantes générèrent des guerres. La Sibérie, relativement épargnée, devint un Eden désiré. L’Europe se désagrégea, pourrie par « la sueur de sang » :
« Les « Sueurs de sang » parurent dans l’ancien monde. On les vit d’abord en Espagne, puis en Algérie. Peu après, l’Est méditerranéen était en proie à l’atroce mal. Les Balkans furent dépeuplés en quelques mois. Dès novembre, la Hollande et l’Angleterre se trouvaient touchées et on apprit que le Plateau central commençait à mourir aussi. »
A terme, l’atmosphère terrestre, destinée à devenir irrespirable, provoquerait la mort de toutes les espèces vivantes. Pour lutter contre le fléau, à Paris, un groupement de savants mit en application la découverte d’un chimiste, Jacques Landève, qui trouva la formule salvatrice. Ils décidèrent, pour annihiler le Nécron, de fabriquer l’antidote à grande échelle, regroupant autour d’eux tous les hommes encore valides, qui acceptèrent de travailler sans se plaindre jusqu’à la mort :
« On évida le sous-sol qui fut bientôt autour de Paris creux comme une éponge. On y découvrit fer, charbon et cuivre. La sixième année, on trouva une énorme nappe de pétrole. Des usines vertigineuses furent crées. La seconde année, six millions d’humains travaillaient. La quatrième, la totalité de l’humanité vivante appartenait aux usines de Broun. »
C’est ainsi que se forgea le noyau d’une impitoyable dictature. Et lorsque le Nécron fut vaincu, quelques dizaines d’années plus tard, les « Mille » - ainsi appelait-on les successeurs de Jacques Landève et leurs familles -, sous la conduite du plus ancien d’entre eux, Tadée Broun, dirigeaient de leur cité parisienne transformée en blockhaus, les usines souterraines où un peuple d’esclaves extrayait le «Bion », l’antidote salvateur.
La société des Mille s’appuyait sur une police redoutable dont le chef, Paulin Vialy, ne reculait devant aucun assassinat de masse pour assurer la tranquillité des siens. Un glacis gigantesque séparait la Cité des Mille des usines et des foyers ouvriers, un réseau téléphonique dense, des espions et des indicateurs omniprésents, des mises à mort immédiates, étouffèrent durant longtemps toute velléité de révolte. Ainsi Vialy arrivait-il à contenir la douleur, la jalousie, la haine de millions de travailleurs. Quinze révoltes avaient déjà été noyées dans le sang.
Mais Vialy n’était pas dupe. Il connaissait la fragilité de sa classe sociale, amollie et sybaritique, s’adonnant, maintenant que le Nécron était vaincu, aux plaisirs anciens : Tadée Broun et ses familles se servaient largement d’esclaves féminins puisés dans la couche populaire, dont ils firent des citoyens de seconde zone, comme les artisans dont ils dépendaient, et les collaborateurs dont Vialy dressait la liste.
Leurs désirs étant instantanément comblés, ils pouvaient se livrer à tous les plaisirs, baignant dans des orgies alors que la haine des travailleurs, alimenté par le fanatisme religieux de Diavide, le chef des révoltés, grandissait démesurément. Au-delà de la zone parisienne vivaient aussi quelques «réfractaires », des individus qui avaient réussi à s’évader des usines, résolus à affronter le Nécron encore résiduel en certains lieux.
B 309 – les esclaves portaient un numéro- est une femme splendide et dévouée à Tadée Broun, en réalité une espionne de Diavide. Grâce à elle, les futurs insurgés purent prendre connaissance des pièges et chausse-trappes mis en place par le chef de la police.La révolte finale se déclancha au cours d’une fête des Mille, au moment où Vialy avait envoyé son amie de cœur, Mannya, s’assurer de la sécurité des souterrains. Elle ne revint pas. Alors il partit à sa recherche au moment même où, un peu partout à Paris, les misérables sortaient de leurs huttes pour faire exploser l’une après l’autre les entrées souterraines et les usines de Bion :
« A dix heures du matin, l’assaut commença. De l’angle de Paris le plus rapproché de la Cité des Mille, jaillit, soudain une foule énorme, prodigieuse, agile, qui se rua vers le glacis en hurlant. Ce ruisseau humain s’élargit, devint un fleuve géant, puis un océan. On vit des centaines d’hommes culbuter et rester allongés, électrocutés net, mais des électriciens couraient dans la masse. Ils coupaient les fils, et toujours inépuisablement, sortait une cohue dense et furieuse qui s’étendait partout, courante et fébrile, en poussant des cris de mort. »
Vialy ayant pu rejoindre Mannya, les deux amants se trouvèrent isolés dans une foule survoltée qui ne les reconnut pas. Ils entendirent aussi Diavide, le meneur qui se prenait pour Dieu, annoncer aux foules hallucinées la victoire ou la mort, car B309 avait pu lui transmettre les plans d’accès aux dépôts d’explosifs d’une puissance énorme, la « klazzite », dont il promettait de se servir en cas d’échec : soit la foule vaincrait et anéantirait ses maîtres, soit il ferait sauter Paris et toute sa région !Ils prirent du repos dans un Louvre désaffecté :
« Ils trouvèrent un autre petit escalier secret, raide comme une échelle, qui perçait un mur d’aspect compact. Bientôt, ils furent dans un grenier encombré et puant la moisissure. Comme jadis, des toiles roulées, des cadres et des caisses, des statues, des débris de bois vermoulus et des toiles d’emballage régnaient en ce capharnaüm. Personne n’y était venu non seulement depuis trente ans, mais peut-être depuis l’ancien régime. »
Puis Vialy prit la décision de se sauver avec son amie en se dirigeant vers la campagne, persuadé que Diavide déclencherait l’apocalypse finale. La sortie d’une ville ruinée, baignant dans le sang, parcourues par des masses en furie avec ses massacres au gaz, l’explosion de bombes à Nécron, ses rafales de mitrailleuses, fut un calvaire. Au prix d’un effort inouï le couple atteignit la base d’une colline où ils s’estimèrent en sécurité, Vialy étant prêt à contempler la mort en direct :
« Vialy regarda, béant d’horreur, s’effacer au lointain ce qui avait été le reliquat de l’humanité. Un raz de marée, fait de terre et de cailloux, s’agita soudain dans une furie démente, venant du lieu où le cataclysme était déchaîné. Devant lui les collines étaient rasées et des vallées s’ouvraient, d’où sortait un ouragan de cendres. Peu à peu le soleil s’éteignit, tandis que, sous Vialy, le sol, eût-on dit, s’enfonçait comme un vaisseau qui sombre. La nuit descendante était zébrée de fulgurations chimiques, de fureurs incendiaires, d’éclairs monstrueux qu’aggravait la balistique explosive de la klazzite, dans une rage de combinaisons oxydantes. »
Qu’allaient-ils devenir ? Un nouvel Adam et Eve ou les prochaines victimes du Nécron ? L’auteur laissera la question ouverte.
Manifestement inspirée par « Métropolis », Renée Dunan allie avec conviction un style apuré aux visions les plus sombres portées sur l’espèce humaine, sur ses mobiles, sur ses valeurs, sur sa morale. Avec un texte fortement charpenté dont le couple Vialy/Mannya forme l’épine dorsale, « la Dernière Jouissance » est un roman étonnant et vigoureux mis au service du genre cataclysmique.
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La Derniere Idylle - Par BenF
Le narrateur est assis dans sa chambre. On frappe à la porte : c’est une jeune femme. Très directive elle le convainc de lui faire un enfant. Selon elle, il serait le dernier homme vivant en ce monde, tous les autres mâles ayant été remplacés par des robots.
Pour l’en persuader, elle accumule les preuves en démasquant, sous la servilité masculine, «l‘élan mécanique». Elle aurait été attirée jusqu’à lui par l’odeur de phéromone mâle que n’ont pas les machines. Convaincu, il accepte de la féconder. Mais -ô surprise- elle s’aperçoit trop tard que lui aussi est un robot, qui, en lui injectant son sperme se sert de ce moyen pour l’euthanasier. Fin de la race humaine.
Une nouvelle charpentée, à la chute inattendue, ce qui est le moins que l’on puisse espérer d’un vieux routier de la SF. comme Gérard Klein.
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La Derniere Fleur - Par BenF
" La douzième guerre mondiale, comme chacun sait, amena l’écroulement de la civilisation. Capitales, villes et villages disparurent de la surface de la terre. Bocages et forêts furent détruits. Ainsi que tous les jardins. Et toutes les œuvres d’art. Hommes, femmes et enfants furent ramenés au-dessous des espèces les plus viles. "
Avec une grande économie de moyens, ce conte en images évoque, pour les jeunes (et les petits enfants) comment l’homme en arrive à s’auto détruire. Avec des images naïves, l’auteur montre l’implacable engrenage de la violence, comment les généraux disent aux soldats de faire la guerre, comment les chiens quittent les hommes qui ont tout perdu, comment la dernière fleur qui subsiste dans un monde ravagé parvient à redonner du sens à l’amour, à la beauté, à l’homme et à la femme , seuls survivants au monde. Courageusement, la société se reconstruit jusqu’à l’apparition de l’idée de propriété, du sentiment de l’envie, de la jalousie et de la haine. Attisée par les militaires, la guerre reprend et dévaste tout. Il faut à nouveau reconstruire.
Un pamphlet violent contre la sottise humaine et le mécanisme de la violence du capitalisme soutenu par le pouvoir armé. La situation de l’homme apparaît comme désespérée car la guerre ravage de manière cyclique l’humanité. Un livre à mettre entre toutes les mains pour l’édification des foules.
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La Derniere Bataille - Par BenF
En 1909, l’Europe est aux mains des Russes et des Allemands. Le Tsar Nicolas, sa cour, ses féaux les autres princes d’Europe, ont asservi le côté oriental en distribuant des prébendes ou en faisant régner une terreur absolue. L’autre Europe, le côté occidental, gémit sous la botte de l’empereur de Prusse Guillaume III qui tient fermement par ses affidés, les rois et consorts, la Hollande, la Belgique, la France, l’Espagne, le Portugal, l’Italie :
« Il y a dix ans, deux monarques, l’un russe et l’autre prussien, comme leurs ancêtres moins hardis avaient autrefois assailli la Pologne, se sont rués à l’improviste sur l’Europe terrifiée, et de ses dépouilles ils ont accru leurs empires, qui sont devenus l’empire de l’Est et l’empire de l’Ouest. »
Parce que la princesse Amélie, la fille du roi de France Louis Philippe III, a refusé la main du Tsarevitch, la querelle, envenimée par l’ambassadeur de Guillaume II, déboucha sur une crise politique grave et sur la menace d’un massacre généralisée. Chaque autocrate, actionnant les pays soumis à son autorité, arma ses troupes et les fit marcher les unes contre les autres. Des coups d’éclat eurent lieu de part et d’autre sans que rien de définitif ne pût arrêter la machine infernale avec des morts qui, déjà, se comptaient par millions :
« A côté de ces moyens nouveaux, les guerres d’autrefois semblent dans l’enfance de l’art. Des villes entières, avec tous leurs habitants, sont anéanties sans combat. (…) ici et là les armées en présence, sous le souffle terrible de leurs monstres d’airain, se couchent dans le sang des champs de bataille. A regarder faire les empereurs, on dirait que la Nature elle-même devient méchante. Elle manque devoir tuer tout ce qu’ils ne tuent pas. En Russie, elle déchaîne le typhus ; en Allemagne et en France, la variole ; en Italie et en Turquie, le choléra . En quatre mois, trois millions de soldats ont péri, mais rien de cela n’a fatigué l’espérance et l’orgueil des deux maîtres de l’Europe, entre lesquels la victoire continue d’osciller incertaine. »
Du côté allemand, le relieur Liebell rêve d’un « unionisme » universel et songe à créer les « Etats Unis d’Europe » qui fédéreront tous les peuples de bonne volonté. Ce rêve est partagé par le russe Mikoff, gantier de son état, du côté oriental. Ayant appris à se connaître et à s’estimer, ils élaborèrent une nouvelle Constitution, attendant le moment favorable pour l’appliquer.
Le front s’étant stabilisé vers Vienne, les deux conjurés passèrent à l’action, ayant déjà un appui solide dans les rangs des soldats unionistes des deux armées. Liebel avait réussi à s’infiltrer à un poste-clé du commandement de l’armée prussienne. Il déclencha à l’heure prescrite la «Révolution », dès qu’il sût que son homologue russe avait agi dans le même sens. Comme une traînée de poudre le même mot d’ordre circula : « Halte aux tyrans et aux rois, halte à la guerre ! » Le coup de force dissocia d’abord les généraux des pouvoirs intermédiaires, en les coupant de leur base. Puis Liebel, à la tête d’une troupe nombreuse, captura et emprisonna tous les rois d’Occident dans leurs demeures et châteaux de Vienne, comme Mikoff le fit du côté russe.
Les deux armées, gagnées à la cause révolutionnaire, fraternisèrent, brisant dans l’œuf toute velléité de résistance. La jonction s’opéra à Ragelsbrün et déjà le monde entier suivait avec passion la naissance de cette nouvelle Europe. Mais pour que l’acte fondateur pût être fécond, l’ensemble des sommités royales et bourgeoises inféodées, princes et laquais des monarques, devaient être fusillés selon un rituel précis dans la plaine de Ragelsbrün, un lieu qui se transformera ensuite en symbole éternel de la chute des tyrans :
« Tous ces poteaux improvisés seront rangés en file, mais ceux auxquels on attachera les deux empereurs occuperont le milieu de la plantation sinistre, et, distant l’un de l’autre de neuf mètres, chacun d’eux sera également planté à neuf mètres de ceux destinés aux rois. De chaque côté, six mètres seulement sépareront ceux-ci les uns des autres, ainsi que le dernier d’entre eux des premiers de ceux destinés aux princes, lesquels ne seront respectivement séparés que par un espace de trois mètres. Ainsi jusque dans l’expiation l’on conservera l’étiquette chère aux tyrans.»
La nouvelle Europe des peuples était née, une et indivisible, pacifique et travailleuse, une « Internationale » de tous les hommes de bonne volonté :
« Le libre groupement des nationalités, le divorce des Eglises et des Etats, la suppression des armées, l’absolue gratuité de l’enseignement, la création d’un impôt unique et progressif sur le capital acquis, l’abolition du salariat, tous ces desiderata si profondément justes, réfutés par d’odieux sophistes, ou éludés violemment par des exploiteurs éhontés sont proclamés en principe, et du jour au lendemain réalisés en fait ; et aucun trouble ne se produit, et pas une réclamation n’ose s’élever, car où il n’y a plus de prince la justice peut enfin régner ! »
La « Dernière bataille » , courte et introuvable épopée de Frédéric Stampf, mena son auteur , militaire de carrière, à sa destitution dans l’armée allemande, puis à son emprisonnement sur l’ordre de Bismarck, qui fut interrompue par sa mort précoce, à 35 ans. Le récit est appelé « vision» ou épopée ». Publié en 1873, il montre comment les peuples pourraient avoir l’idée de prendre en mains leurs destins afin de bannir la guerre et d’écarter les rois, seuls criminels de ce monde. Le rêve d’un « Unionisme» encore utopique qui s’appuie sur l’expérience de la Commune de Paris. Une œuvre originale, brève et puissante, mais méconnue.
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La Derniere Aube - Par BenF
Sept adolescents défavorisés ou en rupture de ban avec la société, s’apprêtent à vivre une grande aventure. Le centre d’accueil qui les héberge leur propose une virée à cheval, dans des conditions difficiles, qui devra les amener dans le sud de la France, en Languedoc, par les Cévennes et la Lozère.
Sous la conduite de Stève, Billie, Josette, Claris, Robin et Christian, ainsi que Raphaël, vont vivre une épopée sans se douter de ce qu’elle leur réserve, au bout d’un trajet à caractère initiatique. Car une comète, appelée Kryla, devrait croiser l’orbite terrestre cet été-là et l’on prédisait de par le monde de fâcheux événements, sans que cela n’entame en rien la détermination de vivre " à la dure " de la part de nos héros. L’ambiance du groupe n’est pas franchement gaie et l’agitation inaccoutumée des automobilistes, lorsqu’ils leur arrivent de couper des nationales, est de mauvais augure. Les gens se déplacent en masse, peut-être effrayés par la comète:
" l’apparition de Kryla ne justifiait donc qu’à demi la frénésie collective qui s’était emparée des foules citadines, les avait lancées sur les routes, dans toutes les directions . Peut-être fallait-il chercher ailleurs l’origine de ce malaise, dans l’humanité même de cette fin de siècle, d’abord endormie, puis submergée par une vague de progrès qui l’avait dépouillée peu à peu de sa véritable force morale... "
Nos amis continuent de cheminer ainsi, avec leurs petits soucis personnels, en s’endurcissant au fur et à mesure de leur avancée. Monsieur Anglade, le directeur de leur centre, leur a même préparé une position de repli en faisant appel à l’un de ses vieux amis, Marc Peyrolles, qui habite une ferme isolée près de Mende, l’Hospitalou d’Ajenc, laquelle pourra leur servir de base arrière en cas de problèmes.
Or, des problèmes, il allait y en avoir! La comète se rapproche et se fait de plus en plus inquiétante: " La tête de Kryla, un noyau d’or entouré d’une chevelure de flammèches et d’aigrettes, touchait déjà un horizon crénelé formé dans le sud-ouest par les montagnes du Quercy et l’arrière-plan plus ténébreux des Pyrénées. Elle déployait en arrière une fantastique écharpe lumineuse qui s’incurvait sous la voûte du firmament, frangée à sa base par des ondulations, des frémissements de draperies multicolores, pourpres, roses, dorées, violettes, ou d’un bleu-vert très délicat, comme celles des grandioses aurores polaires. Tout au bout, ce flamboiement s’effilochait peu à peu en laissant de pâles traînées vaporeuses à travers lesquelles on voyait scintiller de nouveau les constellations. L’extrémité de la queue commençait à se détacher de l’horizon nord-est barré par le massif alpin. La nuit noire, une belle nuit d’été, remontait lentement dans ce coin de ciel. "
Les gens qu’ils rencontrent deviennent de plus en plus agressifs et ceci les incite à rester sur leurs gardes. Stève finit par convaincre ses compagnons qu’une solution sage, pour résister à une sécheresse de plus en plus forte, serait de faire un arrêt chez Marc Peyrolles. Celui-ci les attend, heureux d’accueillir dans sa solitude des jeunes aussi débrouillards et sympathiques. Il leur fait visiter sa demeure et leur montre les possibilités offertes par des caves et des souterrains jadis utilisés par les templiers. A l’aube du 2 août, date à laquelle la comète se rapproche le plus de l’orbite terrestre, l’ambiance se détériore. L’aube n’est pas celle d’un jour d’été. Soudain, c’est le cataclysme:
" La coupole jaune recouvrant la terre venait d’éclater comme une bulle au-dessus de l’horizon, dévoilant un pan de ciel très noir, piqueté d’étoiles. Les lèvres de cette plaie béante se distendaient à vue d’oeil, ourlées d’une lumière bouillonnante qui s’effilochait en draperies multicolores, animées d’un mouvement spasmodique. Le froid de l’espace interstellaire se ruait par cette ouverture à la même vitesse que Kryla dans sa course aveugle. "
La comète, dans sa course, avait arrachée une partie de l’atmosphère terrestre. Le froid mortel de l’espace s’abattit à l’instant sur la Terre, congelant immédiatement l’ensemble du monde vivant. S’étant réfugiés in extremis avec leur hôte au fond des souterrains, descendant de plus en plus bas pour échapper à l’étreinte mortelle du froid, les adolescents survivent. Leur situation apparaît intenable. Par manque de vivres, ils seront obligés de remonter en surface pour y constater un spectacle d’horreur : du ciel totalement noir, même en plein jour, tombe une neige drue qui ensevelit le paysage dans un linceul blanc.
Lorsque Marc Peyrolles meurt de froid, Steve ne se décourage pas. Meneur naturel, il oblige les autres à quitter l’abri de la ferme, à avancer dans l’obscurité vers le seul salut possible: la direction du sud. S’étant fabriqués des skis, et prenant appui pour dormir dans quelques villages silencieux, ils avancent lentement et s’habituent à l’horreur quotidienne:
" Ils aperçurent les premiers cadavres à l’entrée de Sainte-Enimie, dans la lueur jaune des falots balancés par les skieurs. Des gens débraillés assis le long du trottoir, écroulés en longue file à la porte d’une épicerie, ou dressés comme des figures de cire derrière une vitrine étoilée de givre, les yeux fixes et la bouche ouverte, pétrifiés sur place dans leur dernière attitude. "
A un moment donné, ils suivent le couloir des gorges du Tarn dont la route, encombrée de voitures enlisées dans la neige avec leurs cadavres à bord, devient de plus en plus difficile à pratiquer. Stève, après avoir découvert Manuel, un agent d’entretien de la SNCF encore vivant, décide de continuer la route en déblayant le terrain à l’aide d’un bulldozer remis en état par Manuel. La température augmente au fur et à mesure que les éléments se stabilisent et bien qu’il ne fasse pas encore jour, à la neige succède la pluie. Nouveau péril. Des trombes d’eau s’abattent et, sous peine d’être noyés ou en proie aux épidémies qui ne manqueront pas d’éclater, il leur faut progresser sans trêve. Le bulldozer est bientôt oublié. C’est à pieds, avec leur sac à dos, qu’à bout de force ils continueront leur chemin. A la limite de l’épuisement, ils suivent les traverses du chemin de fer vers Béziers, s’attendant à trouver un climat meilleur dans le sud, vers la mer. Mais à la sortie d’un tunnel, nouvelle déception. Ils aperçoivent avec horreur:
" Une mer couleur de boue dont la surface étincelait faiblement sous le ciel blême. Elle était toute proche et puait horriblement. Ses molles ondulations poussaient un énorme bourrelet d’épaves contre le nouveau rivage. Il pleuvait moins, mais le plafond nuageux restait aussi opaque et la ligne d’horizon à peine visible se perdait dans cette grisaille. On apercevait çà et là des pitons dénudés, quelques villages émergeant comme des îlots, des clochers, des cheminées d’usine qui jalonnaient le territoire englouti et, très loin, les plus hautes maisons d’une grande ville qui semblait perdue au large.
-C’est Béziers! bégaya Manuel. Et voilà tout ce qui reste du Bas - Languedoc. "
La catastrophe est donc universelle. Au moment où ils abandonnent tout espoir, ils rencontrent un groupe de survivants retranchés dans des H.L.M. sous la férule d’un individu qui s’intitule " le général " Caroube et qui compte remettre en route l’embryon de société ainsi constituée en y insufflant les fantasmes d’une organisation sociale fondée sur la loi du chef. Si Manuel consent à rester en ce lieu, Stève et ses compagnons refusent de se plier à une structure féodale. Ils reprennent la route, vers le nord cette fois - ci, et en hauteur, sur les pentes abruptes de la Valdonne, ils espèrent découvrir, maintenant que le temps s’améliore et qu’un bout de ciel gris apparaît, de nouvelles raisons de vivre. Des idylles se sont nouées entre les garçons et les filles, êtres nouveaux dans un monde nouveau où la vie , malgré tout, persiste:
" Tu as trouvé quelque chose? dit-il en accourant. Elle écarta l’herbe brûlée et lui montra son trésor : une mince touffe de graminées d’un vert éclatant qui commençait à remonter par-dessous l’humus. Au milieu, le bijou le plus fabuleux du monde : une minuscule fleur rouge à six pétales qui rayonnait faiblement dans le jour gris. "
" La dernière aube " est un roman pour adolescents ni puéril ni fade. Des caractères trempées, un style sans défaut, une description terrifiante des épreuves qui attendent les héros, font de ce roman une oeuvre rivalisant avec les plus grandes du genre.
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La Der Des Ders - Par BenF
La "Der des der" c’est vraiment la dernière, celle où l’humanité entière s’étripe. En un style puissant et argotique, Victor Méric, le pacifiste , nous fait part de son indignation, de son horreur , de sa douleur face à la guerre totale, celle de 1938. Ouvrage écrit en 1930, il ne se trompe que d’un an quant au déclenchement de la deuxième guerre mondiale.
Pour Méric, la " der des der " ressemble étrangement à celle de 14-18, avec ses tranchées, ses planqués, ses obus au gaz, ses " grouillots " parisiens, personnages de soldats hauts en couleur. Par une subversion totale et beaucoup de logique, il entrevoit l’usage généralisé des gaz, toutes sortes de gaz , dont l’effet est décrit scientifiquement, ainsi que le concept moderne de villes-otages, la guerre, la vraie, se déroulant à l’arrière. Les civils étant tous " mobilisés ", le front devient une zone tranquille pour les planqués de tous grades. La notion de "dissuasion", celle qui fait les beaux jours du monde d’aujourd’hui, montre déjà ses limites. D’un point de vue littéraire, le héros de Méric, soldat lui-même, se contente de décrire en mode subjectif les hallucinantes actions militaires et laisse à "l’Apôtre" son ami pacifiste et anarchiste, le soin de tirer la leçon de tout cela. Le récit est divisé en deux grandes parties.
D’abord la vue du front, la vie quotidienne des " malabars ", leurs vagues interrogations, leur plaisir de sentir que la bataille, essentiellement aérienne, se déroule au-dessus des villes. Ensuite, la vue de l’arrière bombardé avec les gaz qui traînent au ras du sol, où les abris se construisent sur les toits, où les gens meurent par millions. Puis, le temps passant, la guerre change de nature: les gradés des deux camps se sont arrangés une vie confortable au front. Celui-ci devient une vraie ville linéaire où rien ne manque, les militaires espérant avec cynisme qu’après la destruction des civils, ils pourraient enfin refaire la paix. Mais les civils ne veulent plus mourir et, devenus fous furieux, en une apothéose de boucherie, attaquent la ville du front et ses militaires. Exit tout le monde, place aux rats et aux corbeaux:
" Une fusée verte s’élance comme un jet d’eau . Ils sont signalés. Ils arrivent. Ils montent silencieusement, en troupeaux serrés, hâves, déguenillés, monstrueux, tels des bêtes malfaisantes, à l’assaut des tranchées... Et soudain, à ma droite, un crépitement rapide. Des ordres aboyés dans la nuit. Nous sommes tous sur le parapet, à plat ventre, le fusil dans les mains. Devant nous, un grouillement d’ombres. Et le canon brutal. L’artillerie se réveille. Elle va s’en donner à coeur joie après des années de silence. Un déluge de marmites passe au-dessus de nous, et l’ouragan éclate à nos pieds. Mais les bandes hurlantes, épileptiques, se précipitent à travers l’orage de fer et de feu. Rien ne paraît pouvoir les arrêter. Les fusées qui se succèdent nous découvrent des masses qui s’avancent comme des murs vivants. La mitraille fait rage contre ces tas de fourmis inépuisables. Les obus creusent de larges trous aussitôt comblés. Et ils avancent. Ils sont à cin mètres du parapet. Feu! Feu! Des cris, des imprécations, des hurlements de fureur couvrent le fracas des explosions. Par instants la masse semble reculer ou hésiter, puis, comme un flot impétueux, elle reprend sa course à la mort. Feu! Les mitrailleuses chantent. Dans le ciel, quelques avions ronronnent - les derniers, les survivants, et ils laissent pleuvoir des grappes de bombes.
Alerte! Sur notre gauche, des forcenés sont accrochés au parapet. Les soldats, debout, piquent dans le tas, de leurs baïonnettes. Il y a de tout, dans ce troupeau d’enragés, qui ne sentent plus la douleur et qui se jettent au cou de la mort, comme en extase; de tout, des femmes demi - nues, des vieillards décharnés, dont la barbe crasseuse flotte au vent, des êtres farouches aux mâchoires serrées, armés de bâtons de sabres, de couteaux. C’est une ruée de Mardi-Gras divagante. Et un cri formidable , un cri qui s’exhale de toutes ces poitrines parmi les râles et les appels, au-dessus du charivari des balles et des obus un cri qui domine tous les cris - la Paix!... la Paix!...Ils veulent la paix; ils la demandent avec de l’écume à la bouche et du feu dans les yeux. La Paix! La Paix! Et ils ont bien compris que pour avoir la paix, il leur fallait nettoyer le front, nettoyer les embusqués, nettoyer les militaires -La Paix!... La Paix!...
Ils montent toujours. Leurs ongles s’accrochent au talus, leurs doigts craquent. Ils grimpent les uns sur les autres, s’écrasent, tombent, se relèvent, bondissent. Les voici sur nous. Ce ne sont plus des hommes. Ce sont des bêtes puantes, venimeuses, qui ne rêvent que de mordre, déchirer, broyer... L’un d’eux a saisi ma baïonnette avec ses dents. Je pousse : Floc! L’homme tombe. Un autre surgit. Je ne sais quelle frénésie s’empare de moi. Je pique, sans arrêt, presque avec joie. Tue! tue! Enfin, la voilà la guerre, la vraie, la bonne, la sainte guerre!
Des heures, des heures de ce combat furieux dans le noir! Nous sommes harassés, éclaboussés de sang, en proie au vertige. Et plus nous tuons, plus ils reviennent nombreux. C’est à croire que ce sont toujours les mêmes, qu’ils ne tombent que pour se relever j’ai l’impression que nous nous battons contre des fantômes. On vient de nous expédier du renfort. On nous donne l’ordre de nous retirer en arrière vers les deuxièmes lignes. Mais nous voulons voir, entendre, savourer ce massacre Nous tremblons de rage et de fatigue. Est-ce qu’on ne va pas se décider à les anéantir d’un seul coup, à les enfumer, les empoisonner, les asphyxier comme de la vermine abjecte?
C’est toute la France, notre belle France qui est là, la France des villes et des campagnes une houle de haine sauvage! La France, les nôtres, nos frères, des hommes et des femmes de chez nous. Cela a duré jusqu’au matin. Mais à l’aube, dans un dernier sursaut, ils ont réussi à se hisser sur le parapet. Le combat s’est poursuivi dans des corps à corps répugnants. Il n’y a pas que des cadavres de civils sur le parapet et dans la tranchée. Des soldats gisent sur le sol à côté des autres, dans un pêle-mêle fraternel. On les a tout de même repoussés. Avec la clarté du matin, la peur est venue les abattre. Ils ont couru pris de panique, poursuivis par les dernières décharges, bondissant au-dessus des obus... Ils ont fui, mais sur des kilomètres; en largeur, en profondeur, on ne voit plus que des débris d’os et de chair, des cadavres recroquevillés, pliés en deux, entassés les uns sur les autres. On a tué, tué. Une odeur suffocante monte de ce charnier. "
Dans cette oeuvre puissante et méconnue, l’horreur des descriptions, au long de ses deux cent trente pages, équivaut à celle de Dorgelès ou de Malaparte. La justification de la guerre est niée, son abomination débusquée avec un désespoir tenace. Il n’y a pas d’histoire d’amour dans ce roman, seule la mise en évidence de la fraternité obligée des combattants condamnés d’avance. A rééditer.
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La Crevasse Dans La Lune - Par BenF
" Au-dessus des collines de Berkeley se levait une lune jaune qui serait bientôt pleine. Un large trou noir la défigurait, au bord de la face brillante. C’était là que la première explosion lunaire avait creusé dans la roche stérile une crevasse à des kilomètres de profondeurs "
La guerre a eu lieu. Hovey, l’un des survivants, attend comme chaque nuit, près du terrain vague, s’imaginant accomplir les gestes stériles d’un rituel quotidien disparu. Avec une immense peine au fond du coeur, car les hommes sont morts non pas à cause de la bombe, mais à cause des femmes infectées sexuellement par l’ennemi. La femme est devenue l’Ennemie de l’homme. Elle représente la mort.
Et ce soir particulièrement, Hovey le nostalgique s’interdit tout rapport sexuel malgré les appels incessants de femmes maléfiques errant dans les parages. Arrive soudain l’inconcevable: une apparition féminine, blanche, à la peau veloutée, une créature parfaite, qui l’invite à l’amour. Hovey manque de céder, s’y refusant au dernier moment : ce n’était que le produit de son imagination. Tellement frustré par ce qui vient de lui arriver, il cède à la première sollicitation d’une femme certes moins belle, mais bien réelle, sachant que ce sera pour lui la dernière étreinte.
Un traitement original d’un thème récurrent sur le mode intimiste et tout en délicatesse
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La France du futur jouit d’un statu quo politique, la bourgeoisie au pouvoir s’accommodant à la fois de périodiques révoltes prolétariennes et de la modernité radioélectrique :
« Mais, s’informeront non sans quelque timidité les psychologues de l’avenir, qu’était devenue dans tout ce hourvari la mentalité française, qu’étaient devenues ces qualités de bon sens, d’équilibre gai, d’intelligence, d’ardeur au bien, cet amour du beau travail qui caractérisaient autrefois les gens de notre pays ? Ces qualités, euh ! eh bien, avouons-le, le rouge au front, elles étaient quelque peu reléguées aux vieilles lunes sinon foncièrement reniées. La France maintenant était un pays sommaire . Quarante millions d’individus avaient un petit poste de T.S.F. à la place de la tête et du cœur et vivaient ainsi. »
Les postes de T.S.F. qui crachottent leur bruit et leurs messages débilitants ont trouvé un accueil dans tous les foyers et dans tous les domaines. Le bruit universel, le fléau musical, empêche dorénavant les gens de penser, de lire, de vivre :
« Chaque restaurant, chaque gargote avait au moins son poste. Vous caressiez votre amie, l’été, au fond d’une tonnelle perdue dans la campagne, lorsque sévissaient, telle la plus imprévue des douches, les redoutables ondes. A 2.000 mètres, au sommet de l’Alpe, vous encaissiez de gré ou de force la boîte à musique. Très loin en mer, les chalutiers déversaient à la ronde les ritournelles infernales. Il y avait belle lurette que des âmes charitables en avaient doté les postes de police, les asiles de nuit, les cellules de prison. Les églises naturellement n’avaient pas été épargnées. »
La réaction se mit en route en la personne de Léonidas Graphigny qui, excédé du bruit insupportable vécu dans son H.L.M., fédéra autour de lui quelques personnes de bonne volonté et deux inventeurs dans le but de fonder « la Conspiration du silence. » Les conspirateurs devront tout à Caprica l’ingénieur, et Trinitrol, l’inventeur de la « boîte à silence » qui contient « la poudre S. », laquelle, une fois enflammée, annihile pour quelques heures toute manifestation sonore des ondes radioélectriques.
Caprica, de son côté, a découvert deux autres applications intéressantes : la Réversibilité Immédiate des ondes et leur Captation Systématique. La Réversibilité Immédiate permettrait aux mécontents de dire immédiatement son fait à l’émetteur d’un message et le forcer à admettre les conséquences désagréables de celui-ci. Par la « Captation Systématique », les ondes pourraient être « noyées », détournées ou annihilées de manière durable.
Avec ces prodigieuses découvertes, les conjurés élaborèrent un plan d’action qui consista à détourner les messages envoyés par la T.S.F. Ils truffèrent les discours politiques de pitreries, les contes pour enfants d’obscénités, les textes littéraires de jurons et les conseils publicitaires de fausses informations. Au bout de peu de temps, un malaise social se fit jour, qui s’amplifia jusqu’à susciter des litiges que l’on demanda au Tribunal de Lahaye d’arbitrer :
« On vivait dans un scandale perpétuel et grandissant. Les honnêtes gens ne portaient plus sans les plus vives appréhensions la main sur les boutons de leur poste de T.S.F., s’attendant au pire. Très vite – et on les comprendra - ils préférèrent y renoncer d’eux mêmes et plus d’un résolut la question et mit fin à ses angoisses en défonçant d’un coup de pied définitif la maléfique boîte à musique. (…) En une semaine, les six plus grosses fabriques d’instrument de T.S.F. firent des faillites retentissantes et leurs valeurs boursières tombèrent à rien. D’autres ne tardèrent pas à suivre cet exemple et ce fut un fiasco général. Les boutiques des brocanteurs s’encombrèrent de postes récepteurs – on ne les accepta plus bientôt que pour le bois des caisses à des fins de chauffage – et bientôt même personne n’en voulut plus. »
L’on employa tous les arguments pour répondre à l’attaque envers les ondes sonores . L’on invoqua le salut de la patrie, le bien de l’humanité, la défense de l’esprit français, la disparition d’un patrimoine artistique. L’on alla même jusqu’à arrêter les présumés coupables sans que l’Etat ne put prouver nettement leur responsabilité dans la dégradation du bruit. En conséquence, les désordres sociaux s’amplifièrent inexorablement, provoquant la diminution de la vente des appareils de T.S.F. ou la mise en chômage de fabricants de postes émetteurs. On alla même jusqu’à piller des magasins de musique. Lorsque le gouvernement voulut réagir, il était trop tard. Ses ordres lancés à la police et à l’armée étaient gauchis, pervertis, détournés, déformés, annihilés. Alors des émeutes spontanées libérèrent les conjurés et les mirent au sommet de l’Etat. Tous les opposants au silence furent déportés dans des régions sans émetteurs, sans bruit, sans musique, dans des « zones de silence ».
Léonidas Graphigny proclama la naissance de la « Dictature du silence » et entreprit de suite l’élaboration d’une réglementation contre le bruit, dont l’application prendra du temps, tellement profond fut le mal qu’avait provoqué le fléau radioélectrique.
Une nouvelle sous forme de pamphlet, éditée à compte d’auteur, dans laquelle, tout en dénonçant les excès des médias (bien perceptibles aujourd’hui ), l’auteur prend une posture conservatrice égale à celle de Georges Duhamel dans les « Scènes de la vie future».
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La Conquête De Londres - Par BenF
Scrells et Villiers, deux biologistes, dont l’un spécialisé dans l’étude du " microbe de la mort ", se dirigent vers Londres à bord du paquebot «l’Alexandria». La vision de la cité en ce 22ème siècle est terrifiante. D’abord apparaît:
"L’ulcère de son agglomération. Partout, le carbone, le phosphore, l’acide sulfurique, vomis par ses cheminées, tuaient le rire enfantin des fleurs, couvraient les feuilles de poussières malades, de déchets corrosifs, et empoisonnaient, en un mot, l’âme divine du printemps."
Puis, l’industrie humaine et la pollution:
"Partout, la mécanique, la vapeur, l’électricité, les Forces se bousculaient; partout, on entendait gronder les meules, rouler le tonnerre des bielles, siffler les courroies, exploser la matière sous le choc sourd des lourds marteaux-pilons; partout, s’écrasant les unes contre les autres, les usines, comme d’horribles monstres accroupis, pendaient leur visage sinistre vers le bonheur fuyant de l’eau."
Les quartiers riches établissent enfin un tel contraste avec les docks que le Londres de ce siècle futur ressemble comme deux gouttes d’eau à son frère de l’ère victorienne. Les mêmes crispations sociales se font jour, comme l’existence d’une masse prolétarienne écrasée sous le poids des trusts, notamment celui de Perkins, roi du radium:
"Ah! Combien significative de l’écrasement physique et moral subi, depuis des siècles, sous l’entassement prodigieux, magnifiques et cependant homicide des grandes forces sociales! Combien tragiquement révélatrice de l’exigence des trusts, mangeurs de chair humaine! Tout ce qui grouillait là, dans les repaires du vice et du crime, avait autrefois travaillé sur la rive droite, dans l’enfer des usines, s’y était usé, déformé, lassé, perverti."
Pourtant le cours de l’histoire a plutôt été favorable à l’Angleterre. Une nouvelle guerre contre l’Allemagne est en passe de se terminer à l’avantage des Britanniques, grâce à des engins de mort hautement techniques:
"Sous l’attaque des flottilles d’aéronefs armés de fantastiques projecteurs d’énergie, les centres industriels de l’Allemagne, un à un étaient incendiés, broyés en l’étau des forces émises par le vainqueur, ou déchiquetés à distance par l’infernale téléaction des appareils Wing."
L’armée, démobilisée a pu prendre ses quartiers de repos à Gillingham, ville voisine et adversaire économique malheureuse de la grande capitale anglaise. La présence de soldats en ce lieu va s’avérer être une pièce essentielle dans les conflits sociaux émergeants. Entraînée par les leaders syndicaux, Samfery et Graven, soutenue par la CGT internationale, la foule des prolétaires , à l’occasion des élections proches, réclame une chambre plus libérale . Le message, ponctué par quelques défilés, n’a pas été entendu par le Président Dickinson, à la solde du magnat Perkins.
Lorsqu’échouent des tractations devant desserrer le carcan de la répression sociale, les défilés se font émeutes, les émeutes, révolution. Les hordes, sous la conduite de Samfery, envahissent les lieux d’argent. La grève est générale, les banques pillées, la Bourse mise à sac. Plusieurs charges de cavalerie se brisent sur la détermination des pauvres de WhiteChapel:
"L’armée requise, impuissante à arrêter sans effusion de sang la marée montante de ces hordes, les regardait passer, apparemment paisibles, de rue en rue, de carrefour en carrefour, comme des masses d’encre et de boue, comme des alluvions gonflées de futurs cataclysmes, comme de sombres et tragiques caravanes rampant sous le poids formidable de leur destin. De tous côtés, les halls rougeoyants des fabriques, encore embués des brouillards malsains du travail, déversaient en silence leurs avalanches d’hommes."
La bourgeoisie, sentant tourner le vent de l’histoire, coopère en un premier temps avec les prolétaires pour tirer son épingle du jeu. Le président Dickinson, avec d’autres magnats, désertent la capitale pour se réfugier à Gillingham. Perkins, homme dur et sans scrupule, avait envisagé de faire tirer sur la foule au canon avec l’aide du croiseur formidable "Algoria". Ce plan échoua, les marins de l’Algoria fraternisant avec la foule (prémonition de l’auteur qui anticipe sur la véritable histoire du " Potemkine " ?) Devant cet échec, il parvient à canaliser une partie des émeutiers dans un quartier bas de la ville et, faisant ouvrir les vannes, les y noya comme des rats. La rage des prolétaires ne connut plus de limite, la révolution fédérant toutes les énergies - surtout à l’annonce de la mort de Samfery - ils renversèrent le gouvernement capitaliste pour y établir un Comité de Salut Public: Londres venait de tomber aux mains des insurgés:
" Kensington, Bayswater et Camden-Town avaient été pillés et dévastés. Puis le feu avait été mis au Parlement. En ce moment même, au coeur de la Cité, la bourgeoisie, d’accord avec la plèbe, pillait les banques particulières et incendiait les locaux des journaux conservateurs "
Parallèlement aux émeutes, se déroule une autre tragédie: celle des épidémies. Le laboratoire de Villiers, où il se livrait à l’étude du " microbe de la mort ", sorte de cocktail bactérien éminemment dangereux, a été la proie des flammes lors des émeutes. Les bactéries ne périrent pas dans le feu et se répandirent dans la population. De nature endémique au départ, l’épidémie n’inquiéta que Scrells et Villiers, les autres savants et médecins étant occupés par les émeutes. Mais avec les désordres et la malnutrition, elle devint explosive:
"Déjà la nourriture se faisait rare; et autour des maigres victuailles arrachées à prix d’or à l’égoïsme des terriens, la férocité des appétits criminels se déchaînait. A Uxbridge, les Chinois armés de stylets avaient poignardé, la nuit une partie de la population indigène. Les habitants qui avaient pu échapper au massacre s’étaient sauvés vers les villages voisins et cachés dans les bois, en attendant l’arrivée des secours promis de Northampton."
Les révolutionnaires, vainqueurs sur le terrain, eurent un tout autre ennemi à combattre, insidieux et terriblement présent, décimant les rangs des prolétaires, ce que n’avait réussi à faire les capitalistes. La Cité présente un visage sinistre:
" Décembre vint... Dans les palais, parmi la gloire éteinte des siècles disparus, les fantômes de la douleur erraient comme des apparitions de légende. A Hyde Park, des corps squelettiques, pâles et grelottants, tordus en des spasmes hideux, s’écroulaient, tels des troupeaux de forces vaincues, dans la fraîcheur de l’herbe. Puis ce fut la neige... A gros flocons, elle recouvrit tout de son linceul.... Dans les rues, les cortèges de la mort se suivaient comme de longs chapelets noirs sur son blanc tapis silencieux. "
Une aide internationale s’organise, impuissante à enrayer le fléau. Scrells, Villiers, Perkins ont été tués. De loin, Dickinson envisage, la mort dans l’âme, de cautériser les deux plaies - sociale et physiologique - à l’aide de l’armée basée à Dillingham, ce qui, entre autres avantages, permettra à la cité concurrente de Londres de rejouer un rôle de premier plan dans l’histoire de l’Angleterre. Il fut décidé d’éradiquer par le fer et le feu toute la racaille révolutionnaire:
" Exactement sous eux, et à cinquante mètres à peine du sol, fuyait le vol ondulé des yarsques triangulaires, armées de glouses métalliques qui se soulevaient et s’abaissaient tout à tour d’un mouvement rythmique, et ressemblaient, vues ainsi, à d’affreuses pattes d’insectes géants. Derrière la flottille des yarsques, venaient, en groupe, les sphères Pooks, lourdes et lentement tournoyantes, avec leurs yeux superposés de lentilles violettes, les fuses à radium, verdâtres, anguleuses, allongées, telles des phasmes; les gyroscopes et les barques sinéliennes avec leurs projecteurs; les aéroplanes Wing et la foule sautillante, déjà toute hérissée d’étincelles bleues, des spirigraphes. "
Le massacre s’arrêta lorsque Londres ressembla à un champ de ruines abrasé sur lequel ne souffla désormais plus que le vent :
" Au nord, du côté de Woodham Ferris, tout un campement de réfugiés, d’environ 50000 personnes, avait été à la fois brûlé et englouti en une crevasse de la terre; les cuirassés aériens, au moyen de leurs téléprojecteurs, y avaient utilisé une force telle que, en moins d’une minute, le sol avait fait place à l’abîme, et qu’en ce cataclysme, la vie humaine, telle une poussière insignifiante tourbillonnant en un incendie gigantesque, avait disparu à jamais. "
Un récit étonnant où le pire côtoie le meilleur. Le pire, un style qui se veut " épique " et qui souvent n’est qu’amphigourique, une volonté de démontrer que le bien ne peut sortir d’une justice populaire même si, par ailleurs, elle est justifiée. D’ailleurs, Dieu ne s’y trompe pas, qui envoie ses anges exterminateurs pour achever ce que les gens de bien n’ont pas réussi à accomplir. Le meilleur, la description de cette Londres du futur, impressionnante de puissance avec une imagination qui nous rend concrètes toutes les armes diaboliques et pas très éloignées de celles qui existent réellement, enfin cette prescience d’une révolution urbaine à venir qui part du désir de justice sociale jusqu’aux exactions ouvrières, telles qu’elles se développeront dans la véritable Russie tsariste de 1917.
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