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Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !

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Livres

  1. Type: livre Thème: menaces cosmiques Auteur: Philip WYLIE Parution: 1951
    Le dynamique sud-américain David Randall se rend à New-York avec une mallette remplie de documents astronomiques prouvant que deux astres vagabonds baptisés Bellus et Zyra allaient bientôt croiser dans l’orbite terrestre. Bellus est considéré comme le plus dangereux : il heurtera notre planète à son deuxième passage. Sur Zyra, la vie semblerait possible. C’est donc tout naturellement que se forme un plan de sauvetage. La réunion de crise eut lieu chez Hendron, astronome réputé à la personnalité de fer, en présence d’Eve, sa fille, et du sportif Tony Drake, le fiancé de cette dernière. Devant l’imminence du danger, dont les désordres de la bourse ne sont qu’un minime avertisseur, Hendron suggère la construction d’une immense fusée, une arche stellaire, qui pourrait emporter un nombre très réduit de terriens triés sur le volet à destination de Zyra. La Terre, étant vouée à disparaître dans très peu de temps,  les cataclysmes en tous genres désorganiseront les sociétés :
    « Des bruits de machines et des échos métalliques lui parvenaient continuellement. L’agitation de l’air faisait rendre aux arbres un son plaintif et vibrant. Il pensa aux marées qui se lèveraient cette nuit et les nuits suivantes. Et brusquement, comme en réponse à ses méditations , il sentit la terre frémir sous ses pieds, comme palpite le pont d’ un navire. Tony réalisa que le centre du globe allait à la rencontre de ses célestes compagnons. »
    Le terrain choisi pour la construction devant être le plus stable qui soit, ce fut entre le lac Supérieur  et le lac Michigan que s’éleva  le « camp du Michigan », une immense ville industrielle vouée à la construction du «Météor », et gardée par les militaires. Hendron charge Tony du recrutement des « happy few ». Lorsque les eaux océaniques déferlent sur la ville de New-York, l’équipe dirigeante est déjà en place dans le camp du Michigan.
    Selon les calculs les plus récents, Bellus, à son deuxième passage au périhélie, heurtera la terre de plein fouet.
    Dans le monde, les annonces de catastrophes s’amoncellent : tremblements de terre, raz de marée, volcanisme gigantesque détruisent l’espace naturel des Terriens, provoquant des millions de morts :
    « Alors ce fut le grand choc. D’un bout à l’autre de la région, la terre s’ouvrit et la lave en sortit. A la frontière ouest de notre territoire, qui s’étend jusqu’à l’est du Colorado, une véritable mer de roc et de métal en fusion se déversa dans le pays drainé par les rivières  Salomon, Saline, Smoky Hill et Arkansas. Une énorme chaîne volcanique s’érigea le long du Northern Plate. Presque toutes nos fragiles constructions s’écroulèrent dans la plus complète confusion. »
    Malgré l’aide que les constructeurs de la fusée, relativement épargnés, peuvent apporter à leurs semblables, elle ne sera jamais qu’une dérisoire goutte d’eau dans le malheur universel. Les contraintes exercées par Bellus sur notre pauvre globe sont telles que la Lune se fendille, puis explose, provoquant d’immenses chutes de météorites. La géographie terrestre en est totalement transformée :
    « En l’espace de trois jours, la statique de l’air s’évanouit à un tel point que des messages de diverses parties du monde devinrent audibles. Une grande carte fut tracée d’après leurs indications dans les bureaux exécutifs. C’était un plan reposant sur des hypothèses et son exactitude ne pouvait être garantie en aucune façon. Il indiquait des îlots à l’endroit où se trouvait l’Australie, deux immenses îles à la place de l’Amérique du Sud, et seulement la partie centrale et méridionale de l’Europe et de l’Asie. Il y avait un blanc au lieu de l’Afrique, car personne ne savait ce qu’il était advenu du continent noir. Quelques lambeaux de terre étaient tout ce qu’il restait des Iles Britanniques et les ondes apportèrent le récit d’une terrible tragédie : celle de l’ultime évacuation de Londres par mer,  dans laquelle la population fut engloutie par le courant qui submergea les Pays-Bas. »
    Or, si tout était prévu, il restait un point d’achoppement essentiel : quel métal sera assez solide pour résister aux moteurs nucléaires ?  Grâce au déferlement volcanique qui met à jour des minerais nouveaux, Tony et Randall, lors d’un vol d’exploration, découvrent un métal jusque-là inconnu qui possède les propriétés recherchées. La construction va pouvoir entrer dans sa phase terminale.
    De retour au camp, ils aperçoivent avec horreur des bandes inorganisées de survivants redevenus sauvages qui assiègent le camp Michigan, quitte à faire échouer le projet plutôt que d’être les seuls à mourir. On les comprend ! Mais Hendron n’est pas de cet avis. Il balaie la racaille en allumant les tuyères de la fusée, faisant d’une pierre deux coups : éliminer les assaillants et opérer un essai en grandeur réelle.
    Le projet s’emballe au moment où Chicago, Pittsburgh, ainsi que d’autres grandes villes dans le monde sont rayées de la surface. La tension qui monte à l’intérieur du camp fait encore de nombreuses victimes ce qui simplifie pourtant la tâche de Tony qui est de séparer ceux qui partent de ceux qui restent.
    Enfin arrive le jour J. La fusée, sur son berceau de lancement attend les réfugiés au nombre de cent vingt six. On n’a pas oublié les animaux domestiques qui rendront de signalés services sur Zyra. La fusée décolle, quittant la planète condamnée. De l’espace, les voyageurs du Météor contemplent terrifiés, la destruction d’une fusée française, construite et lancé en parallèle avec la leur. Tout cela n’est rien devant la vision apocalyptique d’une Terre agonisante, écartelée par des forces gigantesques, puis annihilée par Bellus :
    « La Terre et Bellus se rapprochaient régulièrement. ( …) Bientôt  ils aperçurent de grande fêlures dont les gouffres remplis de feu fissuraient toute la longueur des régions encore inviolées par l’eau. De puissants tourbillons de vapeur s’élevaient. L’atmosphère nébuleuse de Bellus entrait en contact avec l’air de la terre.  Soudain le globe entier se renfla et toute sa structure se transforma devant leurs yeux. Il devint plastique et prit les contours d’un œuf. Les fissures l’entourèrent complètement. Une gigantesque portion de ce noyau informe se souleva et s’arracha, bondissant à la rencontre de Bellus avec une force inconcevable. Les deux planètes se heurtaient. Deux masses de milliards de tonnes se téléscopaient dans une catastrophe cosmique. »
    Seuls de leur espèce, avec pour uniques amis  leurs souvenirs, les rescapés atterrissent sur la planète Zyra.
    Le ‘Choc des mondes » est l’un de ces romans classiques du genre, mêlant adroitement les thèmes de la fin du monde et celui des arches stellaires. Les sentiments des personnages évoluent en parallèle avec la destruction de notre planète dont les effets cataclysmiques sont décrits dans un grand luxe de détail. Considéré à l’époque comme un grand roman, le « Choc des mondes » a profité d’une adaptation cinématographique par Rudolf Maté, dès 1952. La suite de ce roman intitulé « Après le choc des mondes » et qui raconte l’émergence de la nouvelle société terrestre sur Zyra ne concerne pas directement notre thème.

  2. Type: livre Thème: menaces et guerres nucléaires, guerres futures 2, menaces idéologiques Auteur: Jean DOUTRELIGNE Parution: 1951
    A Berlin, chez le maréchal Orloff, se déroule une partie de thé à l’ambiance feutrée qui cache difficilement le danger d’une nouvelle confrontation entre l’Est et l’Ouest.. Cette nuit-là, Daisy, la narratrice et secrétaire du généralissime Patton, chef des forces occidentales, se réveilla soudainement :
    " Je n’eus pas le temps de réfléchir. Tout d’un coup, le nord-ouest du ciel fut crevé par le jaillissement de centaines de coupoles d’une blancheur de métal en feu. J’en suis tombée à la renverse. Un roulement inouï de cataracte emplissait l’espace. "
    Les Russes venaient d’enclencher le processus d’une guerre nucléaire. Il fallait quitter d’urgence l’Allemagne pour préparer la contre-offensive. Les bombardiers occidentaux reprennent du service, les chars s’ébranlent en catastrophe, Patton veille au repli stratégique. En forçant l’encerclement russe, le général en chef parvient à gagner la frontière entre la France et l’Allemagne. Les dernières nouvelles ne sont pas bonnes ; le monde entier est à feu et à sang :
    "Nos bases d’Angleterre avaient cessé d’exister. A trois heures, un tapis de bombes atomiques –plusieurs centaines – ou de bombes à l’hydrogène (on ne pouvait encore rien préciser) avait liquidé l’île britannique et l’Irlande en quelques secondes. De ces deux pays absolument plus rien ne répondait ".
    Les Russes, par une attaque atomique généralisée, en pratiquant la politique du " tapis de bombes " avaient anéanti tous les centres névralgiques du monde libre. La seule possibilité pour Patton était de créer un contre-feu, soit d’appliquer le plan " Grogy " qui visait à couper l’Europe en deux, du Danemark à l’Italie, par une lancée de bombes thermonucléaires de façon que les Russes soient obligés de stopper leur avance :
    "Le cas a été prévu de longue date au plan Grogy. A  l’heure H, du Danemark à Venise, le tapis, avec une zone de réaction d’une profondeur de cent vingt-cinq kilomètres, sera déversée (…)  Ce tapis doit interdire radicalement aux Soviets toute possibilité d’avance. "
    Bien que de nombreuses capitales européennes, de grandes cités fussent broyées en ce jeu insensé, le succès du tapis de bombes ne fut pas total. Les Russes parviennent à contourner l’obstacle par la Belgique :
    " Au-dessus de la Ruhr, au-dessus du Palatinat, le tapis est tombé, plus puissant même qu’il n’avait été prévu. Mais plusieurs centaines de bombardiers atomiques n’ont pu survoler l’objectif central. (…) Patton s’éponge : -Trente millions de morts sans doute. Pour un coup incomplet, c’est-à-dire raté. Le colmatage allemand est fichu. "
    Il faut réagir. Patton, avec ses blindés et son aviation, broie tout devant lui, d’autant plus que les Soviets s’appuient sur les communistes européens qui constituent la cinquième colonne,  en cet affrontement généralisé. En de nombreuses villes, des soulèvements révolutionnaires les mènent au pouvoir où ils commettent des exactions sans nom :
    "Des cris effrayants retentissaient, des cris perçants, des cris stridents. Patton avait pris un communiste à la gorge : - Qui crie ainsi ? Qui crie ? -Monsieur, ce sont les femmes qui brûlent…- Des femmes brûlaient. Les femmes des riches. Les femmes des ennemis politiques. Les femmes des tués des fossés, enfournées dans les souterrains du vieux château. "
    La campagne de France débute avec difficulté.  Dans le nord du pays, les Français ripostent encore mais les bombardements continuels auront bientôt fait place nette. Là aussi, Patton tranche dans le vif: il faut " atomiser " ! Plutôt mort que rouge !, telle est sa devise :
    "Patton commençait à piaffer. -Monsieur le Président, il faudra qu’on atomise ! - Qu’on atomise ? - Ses yeux firent trois tours, comme dans le visage des enfants de couleur. Patton le conduisit à une grande carte d’état-major. -Nous tiendrons encore vaille que vaille à la Seine jusqu’à ce soir.
    Si nous nous y accrochons plus longtemps, demain nous serons bouclés et détruits. Il faut filer. Et il faut couper. A l’est du Rhône,   aussi, d’ici quarante-huit heures, tout sera cuit. Là encore, le barrage atomique est l’unique solution. ".
    Comme au temps de la deuxième guerre mondiale, la bataille des Ardennes sera décisive. Les Soviets repoussent l’armée de chars de Patton. Le général, plutôt que de se faire enfermer, fonce vers le sud où il aperçoit les fuyards que la guerre a jeté sur les routes :
    " Mais c’est au-dehors qu’est la vraie tragédie. Des dizaines de milliers d‘autos flambent. Des milliers de morts grillent, les chairs grésillantes, crépitantes. Des milliers de blessés, le visage cuivré par les lueurs de l’incendie, se tordent en d’horribles grimaces, parmi leurs intestins épars comme des serpents gris et verts. "
    C’est une véritable vision d’apocalypse :
    " Des cadavres retournés sur le ventre, noircis déjà, gonflés comme des outres, pourrissent dans des tourbillons de mouches immondes. D’autres cadavres ont été poussés pêle-mêle dans des voitures fermées, abandonnées. On dirait qu’ils regardent par la vitre, les yeux glauques, le poil hirsute, gris-verts. D’autres, noirâtres, découvrent des dents jaunes, dans un rictus horrible. "
    Pendant ce temps, l’Amérique tergiverse et hésite à se lancer dans le conflit. Or, tout retard aggrave la situation. Les trois quarts de la France sont déjà aux mains de l’ennemi. Encore et toujours, Patton ne voit qu’une solution : celle d’atomiser. La France du Nord, puis la région parisienne formeront une seconde ligne de défense qui permettra le repli vers les Pyrénées des restes de l’armée occidentale. Les gens, mourant de faim, bloquent les seules pistes d’aviation encore opérationnelles. Une distribution de vivres aggrave la situation. Afin de dégager les abords des pistes, Patton envisage de griller les pauvres bougres au lance-flammes !
    Johnny, le fiancée de Daisy, est grièvement blessé dans une escarmouche aérienne. Le retrait se précipite,  alors que partout en Europe s’organise le massacre de la bourgeoisie. Patton en tire la conclusion suivante:
    " Hitler voulait collaborer, avait besoin de collaborer. Alors la France restait pour l’Allemagne un partenaire éventuel, et un partenaire important. Aujourd’hui, les Soviets ont dix partenaires possibles, bien plus importants que votre pays (…) Depuis Hitler, faisait remarquer, sarcastique, Patton, plus un politicien anti-communiste n’a eu le peuple avec lui en Europe, n’a été capable de lui insuffler une foi, une volonté, un enthousiasme.  Nous avons racheté en solde, après 1945, des lots de socialistes, embourgeoisés, ficeliers , et des prédicateurs en cravates "
    L’Italie est tombée aux mains des communistes ainsi que les grandes villes du sud. La situation est désespérée car, roulant en convoi près de la Bidassoa, la colonne occidentale est attaquée, et bientôt,  la tête de Patton ornera le fût d’un canon de char. Grâce aux Russes présents sur le terrain, Daisy évitera d’être violée par les communistes français mais sera immédiatement déportée dans un kolkhoze andalou. La bride est lâchée à tous les crimes, c’est la fin de la civilisation :
    "La civilisation n’est qu’un vernis qui saute au feu des grandes passions grégaires. Ces tourmentes sont comme une libération de l’animal – homme. Elles le démusèlent. Il se rue. Il retrouve son état naturel. L’état naturel de l’homme n’est pas la civilisation. La civilisation n’est qu’un accident; l’animal, c’est la substance. Après des milliers d’années de religion, de mœurs policés, l’animal, en cinq minutes, se retrouve instinctivement "
    L’Europe vaincue se trouve sous la domination rouge. Partout dans le monde, à l’exemple européen, les révolutions grondent, en Afrique, au Brésil, en Amérique même,  des mouvements fomentés par des agitateurs noirs, amènent des pro-Soviets au pouvoir. Israël est anéanti:
    "La seule chose certaine que les Russes se racontaient en s’esclaffant, c’est que l’Etat juif de Palestine avait été liquidé par un tapis. Liquidation dans la ligne. (…) Moscou n’avait pas eu besoin, pour régler définitivement le problème juif d’utiliser comme Himmler des camps de concentration. Les Juifs s’étaient concentrés eux-mêmes en Palestine ; un tapis les avait envoyés en masse et en colonne chez Jéhovah. "
    Quant à Daisy, sa journée de travail terminée, elle sert de viande à soldat. Partout, à travers le monde, s’étalent des zones mortes contaminées par la radioactivité. Un autre univers a jailli du néant :
    " Les zones occidentales qui furent atomisées, il y a deux ans et demi commencent à redevenir habitables, mais le Praesidium des Soviets a ordonné qu’on les conservât provisoirement comme zones de réserves (…) l’ancien Paris, à cause de son importance ferroviaire, a été dégagé partiellement, grâce à l’effort des travailleurs de Leningrad qui ont adopté l’ex-capitale de la IVème République. Elle contient une cinquantaine de milliers de nouveaux habitants, slaves sans exception, campant surtout dans la banlieue. Elle s’appelle Lenina. Les Iles britanniques et l’Irlande sont restées totalement vidées de leur population civile, occupées uniquement à leur extrémité Ouest, par des installations militaires : bases sous-marines, rampes de lancement de fusées, aviation. "
    Nous connaissons les sympathies pronazies de Jean Doutreligne, alias Léon Degrelle, chef du mouvement rexiste belge durant la deuxième guerre mondiale; le lecteur ne s’étonnera donc pas des opinions professées, ici et là, dans le texte. Au-delà de la profession de foi, il se trouvera confronté à l’un des récits les plus effrayants qu’il lui ait été donné de lire dans le champ  cataclysmique, du type " guerre totale ". L’effet de vraisemblance s’articule sur un vécu encore proche. La chair torturée, les morts par millions, l’aliénation des uns, la haine des autres, l’hypocrisie et la mauvaise foi constantes, justement concrétisées en des personnages puissants, donnent du corps à l’ouvrage. L’épouvantable machinerie d’une guerre,  peut-être pas si future que cela, fait froid dans le dos. Un cauchemar à lire et qui sonne juste.

  3. Type: livre Thème: Après la Bombe..., guerres futures 2 Auteur: Roger IKOR Parution: 1951
    Cette fois-ci, elle a eu lieu, la guerre totale. Russes (les Communistes) et Américains (les Yankees) s’étripent en un dernier sursaut. La guerre froide est devenue "tiède", puis "bouillante", de préférence au-dessus de la France dont il ne subsiste plus rien que des ruines éparses et quelques survivants terrés dans des abris. Marcou et sa femme Marcelle sortent à l’air libre :
    " Les grandes villes avaient été pulvérisées par les bombes atomiques, les campagnes et les villages calcinés par les pluies de rayons cosmiques. Mais les petites villes et les gros bourgs montagnards, à cause de leur situation moyenne, s’étaient trouvés quelque peu préservés. Naturellement, plus trace d’habitants : les concentrations bactériennes avaient fait leur œuvres. Néanmoins, quelques pans de mur restaient debout, quelques caves n’étaient pas écroulés; avec un peu de chance, on pouvait y découvrir ça et là un pot de confiture, une boîte de conserve que les poisons n’avaient pas gâtés. "(…)
    Toujours debout, il jeta un regard autour de lui. Des ruines, des ruines à perte de vue, un désert de ruines informes, innommables, éboulis pierreux, talus obscurs surplombant d’énormes lacs de nuit, un chaos, un moutonnement de ruines auquel nul quadrillage humain ne se laissait appliquer, voilà, c’était Paris! Il serra les poings. Beau travail, messieurs les Yankees! "(…)  
    La Seine, obstruée par endroits de monstrueux éboulis, s’étalait au milieu d’un marécage. Cependant, à mesure que le temps s’écoulait sans nouveaux cataclysmes, les îlots de décombres fondaient, les anciennes berges dessinaient plus nettement leur courbe pointillée à fleur d’eau; le fleuve, cédant à l’obstination des lois naturelles, tendait à regagner peu à peu son lit d’autrefois.  Traversé par deux bras demi morts, le Champ de Mars était crevé d’énormes étangs; des morceaux de ferraille l’encombraient, écrasés, pilés, piétinés frénétiquement, où s’embarrassait le limon jaune du fleuve. "
    Une pause (et non la paix) est finalement décrétée. Par qui? Pour quoi? L’on ne sait. Mais cet interlude permet à nos héros de mener leur vie propre et de vaquer à leurs tâches d’après le cataclysme.  Tous deux sont des communistes convaincus et prêts à sacrifier leurs idéaux humanistes pour la société meilleure d’après-demain, même si, pour l’établir, il faut passer sur des cadavres. Et des cadavres il y en a beaucoup.
    Henri se sort de ses doutes, prêt à servir de toutes ses forces le " guide suprême" en pourchassant les espions yankees. Quant à Marcelle qui n’est pas faite pour vivre dans des abris, elle sera heureuse en compagnie de Henri dans leur P.C. de campagne. Henri Marcou, monté en grade, deviendra commissaire politique dans le sud de la France. Marcelle reprendra sa profession de médecin, toute dévouée à soigner les vrais communistes, laissant les autres à leur triste sort. C’est le triste ordre des priorités!
    Hormis ce couple dont nous suivons l’ascension sociale et les hésitations psychologiques, s’impose la forte figure du "Prof." En voilà un d’un autre temps. Ancien universitaire, sensible et réaliste, déchiré par des postulations contradictoires mais prêt à transformer tout opposant en cadavre, manipulateur des foules, intellectuel anarchiste et libertaire. Désireux de survivre quel qu’en soit le prix, il endosse la défroque de chef de guerre féodal. S’entourant de gens efficaces et tourmentés, tels que Mathieu, vieux paysan catholique, et Stem, ancien curé honteux de sa charge, ou Rougon, Provençal matois qui n’espère rouler que pour soi,  "Prof" mène sa troupe de brigands de lieux en lieux, enrôlant tous ceux qui se trouvent sur son chemin.
    Il s’amourache notamment de Laurette, une jeune fille de quinze ans, qu’il viole d’abord consciencieusement, avant d’en faire sa maîtresse. Ayant découvert un château désaffecté, il l’investit pour y jouer à tous les jeux de pouvoir et pour répondre à diverses énigmes; par exemple, comment l’on peut être curé et communiste à la fois, ou quel sera le sort de la religion chrétienne dans ce monde apocalyptique.Fatalement, il se heurtera à un autre chef de bande le "Curé" (vrai ou faux),  et surtout au Commissaire Henri Marcou et ses staliniens venus "normaliser" la région. Beaucoup mourront durant les affrontements, mais non "Prof" qui profitera du désordre pour s’éclipser. Sans illusion sur l’avenir de l’homme, il survivra seul quelque temps au bord de la mer, de plus en plus attiré par la mort. Il se suicidera lors d’une plongée sous-marine.
    Quant à Henri, il perdra l’amour de Marcelle lorsqu’il donnera l’ordre à Korb, son lieutenant, de torturer Stemm, l’innocent curé, qui s’était livré de son plein gré pour adoucir le sort de ses compagnons. Marcelle n’admettra jamais les méthodes fascistes adoptées par Henri pour faire parler Stemm :
    " -Ils le torturent, n’est - ce- pas? - Marcelle, je voudrais… -Il ne faut pas, oh! Il ne faut pas!… - Elle se tordait, comme torturée elle-même, elle pétrissait les mains d’Henri.
    - Comprends - donc, mon Henri, mon chéri, mon amour, pas nous, pas nous! Pas des communistes, ou alors plus la peine de parler de… Passe encore pour des mises à mort. Si elles sont indispensables, mais pas torturer, torturer à loisir, sadiquement; voyons, voyons, voyons, Henri, nous sommes communistes, pas fascistes! Si nous torturons l’homme, un seul homme, que deviennent toutes ces…toutes ces idées qui nous ont menés au communisme, qui nous font dire qu’il faut le communisme?… "
    A la fin de la "pause", la guerre reprend, plus violente que jamais, à la grande satisfaction de Henri qui pense que pour arriver à la constitution du paradis communiste sur terre il faut déclencher la lutte finale avec "les Grands Moyens" :
    "C’était donc en toute objectivité qu’il souhaitait la reprise de la guerre. Il voulait, n’est-ce-pas, le bonheur des hommes: qui veut la fin veut les moyens, qui veut intensément la fin veut les moyens les plus énergiques. Or, qu’est la guerre sinon le plus énergique des moyens ? "
    Ikor signe un roman qui traduit la crainte d’un conflit atomique généralisé. Préoccupé par la problématique des êtres et les jeux de pouvoirs, il met plus l’accent sur une rhétorique intellectualiste que sur la description proprement dite. Un parallèle fécond pourra être tenté avec "Malevil" de Robert Merle où sont développées les mêmes peurs mais non les mêmes solutions. Celle d’Ikor - le communisme avant tout - sont aujourd’hui peu crédibles car trop datées."Les grands Moyens" est un ouvrage d’un pessimisme sauvage. Se lit encore aujourd’hui malgré une problématique " curés contre communistes " quelque peu surannée.

  4. Type: livre Thème: menaces cosmiques Auteur: Max EHRLICH Parution: 1951
    David Hughes est l’adjoint du Dr Watson, astronome de réputation mondiale qui s’occupe de " l’oeil géant ", c’est à dire du télescope du mont Palomar. Au moment où s’ouvre le récit, la tension est vive entre les Américains et les Soviétiques. Ces derniers paraissent employer une arme secrète qui rompt l’équilibre de la terre en déstabilisant les USA. Des tremblements de terre, des inondations catastrophiques se multiplient qui ne peuvent être provoqués que par ces Soviétiques tant haïs. C’est du moins la thèse du joyeux va-t-en guerre, le général Harshaw, qui ne souhaite qu’une chose: déclencher la 3ème guerre mondiale, la 1ère guerre nucléaire, et de casser du Soviet!
    Le docteur Watson est convié à une réunion de la dernière chance à New York, en compagnie de tous les militaires munis d’un cerveau, en y apportant ses arguments écrits . Ne pouvant s’y rendre, Watson y délègue David. Le jeune homme débarque dans une ville de New York au bord de la crise de nerfs. Le centre en est quasiment désert et toutes les fonctions habituelles d’une cité sont paralysées. Les gens ont peur du déclenchement imminent des hostilités, d’autant plus qu’à son arrivée survient une nouvelle secousse tellurique descellant toutes les vitres et semant la panique parmi les citoyens encore présents:
    " Fasciné, les cheveux plaqués aux tempes par une horrible sueur froide, Hugues regardait de tous ses yeux, incapable de remuer pied ou patte, incapable même de respirer. C’est alors que les premières vitres s’abattirent d’un coup, du haut des fenêtres du Plazza Hôtel, du Savoy-Plazza, du Tiffany et du Plummer. Elles dégringolaient en cascades de verre, en avalanches d’éclats mortels qui s’abîmèrent dans les rues. Des cris de frayeur retentirent. Des gens couraient de toutes leurs forces pour s’abriter sous les portes cochères. Un grand gaillard s’effondra dans un flot de sang, la tête à moitié tranchée au vol, par une façon de couperet. "
    Malgré le danger, David court vers Cora, sa bien-aimée qui , comme journaliste, n’a pas voulu fuir la ville. Il passe la nuit avec elle, en dépit de sa morale puritaine , et bien lui en prend car un coup de téléphone de son patron lui apprend que, toutes affaires cessantes, il doit revenir immédiatement au Mont Palomar. David obéit . Il arrivera sans peine à convaincre Cora de l’accompagner. En utilisant son passe-droit et en se camouflant à l’occasion, le retour se fera sans problèmes.
    Avec stupeur, il apprend de la part du majordome Francis, que sont réunies autour de Watson les sommités mondiales en matière de cosmologie, y compris les Russes. Watson lui apparaît fermé, préoccupé, soucieux . Il y a de quoi. Un bolide a été découvert fonçant vers la terre. Celui-ci, de la grandeur de Jupiter, sans qu’aucun doute ne soit permis, coupera l’orbite de la terre le soir du 24 décembre 1962. Ce sera la fin du monde. Lui et ses collègues ont vérifié plus de mille fois la trajectoire du corps céleste :
    " Cela paraissait impossible, bien sûr. Dans l’immensité de l’espace infini, la terre n’était guère qu’un grain de poussière. Il en était de même de cette nouvelle planète, de cette planète Y. Toutes les lois qui régissent le hasard étaient contre cette conjonction, qui n’avait qu’une chance sur des milliards et des milliards de se réaliser. Et, cependant, elle était fatale. Les orbites s’intersectaient. Le point de collision était patent. Et rien ni personne ne pourraient empêcher le cataclysme. La fin du monde. La fin du monde ! La fin du monde! Les syllabes cognaient contre les parois du crâne du jeune homme avec une résonance tragique. "
    La nouvelle de la fin du monde fut proclamée lors d’une conférence de presse. Le monde entier, frappé de stupeur, mesure alors le minuscule laps de temps qu’il lui reste à vivre et au-delà des réactions instinctives d’une somme d’individus apeurés - suicides " préventifs ", vols, viols, fornication, jouissance débridée, - entreprend une totale reconversion morale:
    " Puis, à mesure que le temps passait, le dérèglement s’atténua . Les gens retrouvèrent une forme d’équilibre, se résignèrent à vivre sous la menace de la planète, puisqu’ils étaient impuissants à en détourner le cours. Des millions d’indifférents se convertirent, se mirent à fréquenter assidûment les sanctuaires et les temples. (...) L’argent avait perdu beaucoup de sa valeur relative. Son utilité s’amenuisait dans la proportion où se rétrécissait l’avenir. Les riches distribuaient leur fortune. (...) La pauvreté se résorba progressivement. Vers les derniers mois de l’an I, les mendiants avaient disparu. (...) En juillet, un gouvernement mondial fut instauré."
    La guerre est bannie (qui la ferait encore et pour quel gain?), un gouvernement mondial est instauré, des comités de salut public naissent comme des champignons pour organiser le minimum vital dont aurait besoin l’humanité jusqu’au jour fatidique, puisque tout échange économique s’arrête net.  
    La planète maintenant visible dans son approche tourne toujours la même face  vers la terre, comme un oeil géant, comme l’oeil même de la conscience. Beaucoup d’humains y voient l’oeil d’un dieu vengeur décidé à se débarrasser de sa créature malfaisante. « L’Oeil géant » - c’est ainsi qu’on nomme la planète vagabonde par glissement sémantique - répand une lueur malsaine dans le ciel terrestre qui éclipsera bientôt celle de la lune. Les hommes continuent de vivre en attendant le choc final. David et Cora donnent naissance à un bébé et agissent "comme si..." Le Docteur Watson meurt gelé, assis devant le tube du télescope géant.
    Le moment fatidique étant imminent, David a décidé de mourir debout, en homme, avec toute sa famille. Entraînant sa femme et portant son enfant, ils sortent affronter l’instant fatal, comme bien d’autres êtres humains:
    " On n’entendait aucun bruit en dehors du carillon lugubre et funèbre des cloches. Aucun véhicule ne circulait plus, aucun klaxon ne cornait par la ville paralysée. Sous la voûte sonore des glas, des milliers et des milliers d’êtres humains avaient envahi les rues, se pressaient sur les boulevards, engorgeaient les parcs, masse compacte et silencieuse, figée dans une attente morne. Des oraisons ferventes et des gémissements montaient des églises et des temples à la pâle lueur des cierges. L’empreinte de la mort marquait déjà tous ces visages tournés vers l’Oeil Géant, ceux des hommes, ceux des femmes et jusqu’à ceux des enfants. Toute peur avait disparu et faisait place au calme et à la résignation. Le ciel s’empourpra davantage. La planète parut augmenter de volume . Les cloches sonnèrent plus fort ! Il était trois heures. D’un même élan tous les gens se jetèrent à genoux dans la neige, courbèrent la tête et se mirent en prière dans l’expectative du dénouement final.
    Les cloches cessèrent de tinter. Tout fut silence. "
    La collision n’aura pas lieu. L’Oeil géant évite la terre, diminue de volume puis disparaît causant à notre globe des dégâts limités, quelques raz-de-marée titanesques, des tremblements de terre, du volcanisme... , bref, des broutilles.
    La planète est sauvée et, dans les jours qui suivirent, David mettra la main sur une note de Watson qui stipule clairement que celui-ci savait tout dès le début, le bolide ne devant que frôler la terre et non l’écraser. D’où l’idée d’une mise en scène de la fin du monde, décision prise à l’unanimité par le groupe de savants, désireux d’extirper une fois pour toutes la guerre et de rendre morale la vie publique nonobstant les déséquilibres et les morts que devait obligatoirement engendrer une telle décision.  Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité , grâce à la menace universelle  de l’Oeil géant, les êtres humains se seront sentis solidaires devant le danger et auront modifié leur comportement en conséquence. David gardera pour lui la terrible découverte.
    Malgré quelques naïvetés charmantes (les protagonistes contempleront la venue du bolide du pas de leur porte), quelques outrances caractéristiques pour décrire la psychologie des militaires, quelques avertissements moralisateurs très anglo-saxons, on peut noter la tonalité optimiste générale dans laquelle se développe l’intrigue (David et Cora ont un bébé malgré le danger mortel). Les savants, loin d’être les promoteurs du désastre - lieu commun habituel dans le genre - sont au contraire les artisans d’un véritable renouveau social en assumant personnellement les conséquences de leur complot du silence. Une oeuvre originale dans le cadre d’une thématique vétuste.

  5. Type: livre Thème: épidémies Auteur: Idris SEABRIGHT Parution: 1951
    " Au-dessus des collines de Berkeley se levait une lune jaune qui serait bientôt pleine. Un large trou noir la défigurait, au bord de la face brillante. C’était là que la première explosion lunaire avait creusé dans la roche stérile une crevasse à des kilomètres de profondeurs "
    La guerre a eu lieu. Hovey, l’un des survivants, attend comme chaque nuit,  près du terrain vague, s’imaginant accomplir les gestes stériles d’un rituel quotidien disparu. Avec une immense peine au fond du coeur, car les hommes sont morts non pas à cause de la bombe, mais à cause des femmes infectées sexuellement par l’ennemi. La femme est devenue l’Ennemie de l’homme. Elle représente la mort.
    Et ce soir particulièrement, Hovey le nostalgique s’interdit tout rapport sexuel malgré les appels incessants de femmes maléfiques errant dans les parages. Arrive soudain l’inconcevable: une apparition féminine, blanche, à la peau veloutée, une créature parfaite, qui l’invite à l’amour. Hovey manque de céder, s’y refusant au dernier moment : ce n’était que le produit de son imagination. Tellement frustré par ce qui vient de lui arriver, il cède à la première sollicitation d’une femme certes moins belle, mais bien réelle, sachant que ce sera pour lui la dernière étreinte.
    Un traitement original d’un thème récurrent sur le mode intimiste et tout en délicatesse


  6. Type: livre Thème: le dernier homme Auteur: Dean EVANS Parution: 1951
    Gannett, s’extrayant enfin de sa mine après plusieurs semaines de travail intense, se promet de prendre du bon temps à Reno. Peu cultivé et d’une mentalité sauvage, il remarque pourtant l’insolite immobilité des voisins de son village, comme statufiés en pleine activité. Dans la ville de Reno l’attend la même immobilité, le même silence. Ni le policeman ni le barman ne se troublent lorsqu’il emprunte de l’argent dans la caisse pour miser au casino, s’amusant avec ses compagnons de jeux pétrifiés.
    Les journaux, tous de la même date lui révèlent enfin que la menace russe d’utiliser leur nouvelle arme contre les USA a dû se concrétiser : l’Amérique entière a été plongée dans la mort et le silence, sauf lui, protégé dans sa mine. En sortant du drugstore, il contemple désespéré la guirlande clignotante de ce dernier jour avant Noël  où, du ciel, tombe une neige violette…
    « Il s’arrêta en face de l’église et la contempla. C’était un bâtiment bien construit, à l’air respectable. Il était agréable de la trouver ainsi, en plein Reno. – la veille de Noël, murmura Gannett, les lèvres glacées. – C’est la veille de Noël ! (…) Gannett appuya sur les poignées en cuivre de la porte en chêne close. La porte était verrouillée. (…) Dans le clocher, le haut-parleur était enfin prêt à chanter un joyeux Noël. – Que Dieu vous conserve la joie, messieurs ! entonnèrent les voix d’un chœur défunt dans une ville silencieuse. »
    La simplicité du traitement littéraire souligne l’horreur sans nom d’un crime de masse.

  7. Type: livre Thème: le dernier homme, Adam et Eve revisités Auteur: George R. STEWART Parution: 1951
    Ish, le héros du récit est géologue. Il s’est perdu dans la montagne et s’est fait mordre par un serpent qu’il a écrasé avec son marteau lequel deviendra le futur symbole de sa toute puissance.  Grâce à cette morsure qui l’immobilise quelque temps, il sera le seul à survivre à une épidémie foudroyante, d’origine inconnue, destructrice du genre humain dans le monde. De retour au village, après avoir pris conscience de la situation,  il tente de rechercher d’autres survivants.
    Il traversera pour cela les Etats-Unis d’Est en Ouest et rencontrera celle qui deviendra sa future femme, Em, ainsi que de rares  êtres hagards et désespérés, traumatisés par la catastrophe. En définitive, il s’installe à San Lupo, non loin de San Francisco, pour y fonder une famille qui s’agrandira au fil des années, devenant un clan, surnommé « la Tribu ».
    Les membres de la Tribu arrêtent progressivement de se servir des reliquats technologiques pour réinventer "leur" monde.
    Ish, le père et le moraliste, est préoccupé, car les enfants ne se donnent plus la peine de se cultiver, d’apprendre à lire, bref de lever leurs yeux au-dessus des tâches quotidiennes. Il fonde tous ses espoirs de succession en Joey qui lui apparaît précocement comme l’intellectuel de la Tribu.  Ish , de plus en plus isolé , est vu comme une sorte de Dieu par les siens, parce qu’il est âgé, parce qu’il détient la puissance mystérieuse du marteau, parce qu’il est Américain:
    " Et quand je dis: "je suis un Américain, je veux dire que les Américains n’avaient rien de surnaturel. Ce n’étaient que des hommes." Telle avait été sa pensée mais les enfants avaient mal interprété ses paroles. "Je suis Américain", avait-il dit, et ses jeunes auditeurs avaient hoché la tête.
    "Oui, bien sûr, vous êtes un Américain. Vous savez des choses extraordinaires que nous, humbles mortels, nous ignorons. Vous nous apprenez à lire et à écrire. Vous nous décrivez le monde. Vous jonglez avec les chiffres. Vous portez le marteau. Oui, c’est évident, les gens comme vous ont fait le monde et vous êtes le dernier survivant de l’ancien temps. Vous êtes un des vieux de l’autre monde. Oui, bien sûr, vous êtes un Américain ".
    Deux de ses enfants partis en voyage d’exploration ramènent Charlie, un fauteur de troubles et un porteur de maladies,  au sein de la Tribu. La communauté se sentant menacée le condamne à mort. Mais il est déjà trop tard: le groupe est frappé par une violente épidémie ; de nombreux enfants meurent et, entre autres, Joey, l’enfant choisi. Le coup est dur pour Ish:
    " Les tombes étaient au nombre de cinq seulement, mais représentaient une perte catastrophique. En proportion, cinq morts dans la Tribu étaient plus de cent mille jadis dans une cité comptant un million d’habitants ".
    Ish sait désormais qu’il est vain de vouloir marcher dans les traces de l’ancienne culture. Il donne donc à ses enfants, plutôt que la connaissance de la lecture, celle de l’arc et de son maniement, par lesquels ils pourront survivre:
    " Il demeura un moment la baguette d’une main, et la corde de l’autre. Séparément aucun de ces deux objets n’avait de sens . Alors courbant la tige de citronnier, il fixa les noeuds de la lanière dans les encoches pratiquées à ses extrémités et les deux objets n’en firent plus qu’un. La lanière était plus courte et la banche s’arrondit en forme d’arc. La corde se tendait d’une pointe à l’autre. Réunis, ces objets prenaient une signification nouvelle. "
    La vie qui continue transforme Ish en patriarche. Les adultes meurent graduellement, les fondateurs de la tribu ne sont plus que cinq. Em disparaît à son tour. Puis:
    " Ish comprit qu’il accomplissait la dernière étape de sa vie. De plus en plus souvent il recherchait la compagnie d’Ezra, son compagnon de vieillesse. C’est chose banale, semble-t-il de voir deux vieillards assis côte à côte, ressassant leurs souvenirs; mais ici ils étaient les seuls vieillards. Tous les autres étaient jeunes, du moins en comparaison. La Tribu fêtait des naissances et enterrait des morts, mais les naissances étaient plus nombreuses que les morts et parce que la jeunesse prédominait, l’air vibrait de rires. "
    Ezra meurt à son tour. Ish, rivé à son rocher, devient l’oracle de la Tribu. Lorsqu’il arrive au bout de sa route. Il voit, en un dernier éclat de lucidité:
    " Au-delà du groupe de jeunes gens (...) le pont lui-même. (Il s’agit du Golden Gate). A ses derniers moments, plus que les hommes, il se sentit proche par l’esprit de ce pont qui, lui aussi, avait connu la civilisation. Ish n’était-il pas lui-même le "pont sur l’abîme"? (...) Ses yeux cherchèrent les hauts pylônes et les grands câbles aux courbes parfaites. Cette partie du pont paraissait encore en excellent état. Elle résisterait longtemps et verrait passer plusieurs générations humaines. Les parapets, les pylônes et les câbles avaient pris une teinte pourpre, la rouille ne les rongeait que superficiellement. Le haut des pylônes cependant n’était pas rouge, mais blanc de la fiente des innombrables mouettes qui s’y étaient perchées.
    Oui, bien que le pont pût encore durer des années, la rouille le mangerait de plus en plus profondément. Les tremblements de terre secoueraient ses fondations, et un jour d’orage, une arche s’effondrerait. Pas plus que l’homme, la création de l’homme ne durerait éternellement."  Et Ish mourut. "
    " Le Pont sur l’abîme" est, selon Nicholls, " l’un des romans les plus fins du genre cataclysmique et généralement reconnu comme un classique du genre ".  
    Il est rare que ce thème du dernier homme et de la reconstruction sociale, pourtant récurrents, soient traités avec cette finesse d’analyse psychologique. Le récit se développe tout en sensibilité,  selon la technique du montage alterné. Les faits et gestes de Ish, sa lente prise de conscience de la nouveauté radicale de la situation, sont appuyés en contrepoint sur l’évocation des restes d’une société technologique frappée à mort, par l’irréductible décomposition du monde civilisé. Parallèlement à l’action, maintenant que l’homme s’absente de la terre, les animaux en reviennent à occuper leurs niches écologiques respectives. Le symbolisme est omniprésent dans l’oeuvre.
    Par la présence du marteau (celui du Dieu Thor) jusqu’à l’idée noachite de l’arche (le pont lui-même), le récit fonctionne comme une immense parabole. Une oeuvre à redécouvrir.

  8. Type: livre Thème: péril jaune et guerre des races Auteur: Capitaine RICARDO Parution: 1950
    N° 154 : La Montagne noire
    savants fous et Maîtres du monde
    Victor Vincent, Jim Morisson, Jenny Favrel et Epervier Volant se voient confier une nouvelle mission par le chef de l’I.S. Un bombardier volant qui devait relier l’Inde à l’Angleterre a disparu soudainement au-dessus de l’Himalaya, ainsi qu’un B.23 venu à sa rescousse. On compte donc sur le petit groupe pour éclaircir le mystère. Sur place, dans leurs « hurricanes », ils repèrent les débris d’un appareil reposant sur le sol d’une haute vallée. Jenny, après avoir atterri, est capturée par des «diables jaunes» puis libérée , la nuit, par Epervier Volant, appuyé par ses amis bombardant le pont suspendu par où les ravisseurs allaient disparaître.
    Le journal de bord de l’avion accidenté leur révèle l’existence d’une «Montagne noire», plus haute que l’Everest, que nos amis s’empressent de découvrir. La fantastique construction artificielle repérée, ils y atterrissent «oubliant» le déficit d’oxygène à cette hauteur. Soudain, un magnétisme puissant les attire dans un tunnel où leur apparaît Fu-Mandchou (encore lui !), le Maître du monde. L’abominable Chinois leur explique patiemment dans l’ascenseur qui les entraîne dans les tréfonds de la terre où, sous l’immense barrière himalayenne, se cache la cité  diabolique Jaune qui s’y prépare à conquérir le monde :
    « Il montra un étrange appareil posé sur le sol et continua :
    -Voici la détente de la bombe. Elle est inoffensive sans elle. Le jour où ce sera nécessaire, je visserai cette détente dans la culasse. Dès ce moment, des décompositions chimiques mettront la bombe en mouvement.  Elle se vrillera vers le centre de la terre où la chaleur du feu éternel la fera éclater et notre globe s’éparpillera dans l’espace en une infinité de grains de poussière… »
    Il leur apprend aussi que l’équipage du B.23 est vivant mais prisonnier et qu’ils rejoindront bientôt les captifs car lui, Fu-Mandchou, a de vastes projets pour eux. Une ultime tentative de révolte sera vite matée. Qu’arrivera-t-il à nos amis ?
    Le capitaine Ricardo (!) signe là encore un de ses innombrables  (mauvais) récits composés à l’emporte-pièce, dans lequel le texte est irrémédiablement gâché par l’américanomanie de son auteur. Pas une ligne sans : « O.K.», « Go, Mates », « avec les engines », « By Jove », «the Devil », etc. et avec, de-ci, de-là, des annotations racistes : « ces Jaunes sont des ânes », des « diables », etc.
    N° 416 : la Terre gronde
    menaces et guerres nucléaires
    Les quatre héros prennent en charge un nouvel « engine » révolutionnaire qui les fera se déplacer à une vitesse supersonique. Décidés d’aller voir ce qui se passe du côté de New York, ils suivent leur boussole devenue folle et atterrissent à Mexico. Le « vrai Nord » a disparu et un «faux Nord » leur a indiqué une mauvaise direction. Morrison corrigera le coup mais se perd en conjectures sur l’origine de la perturbation. Reprenant sa route vers la Californie, le moteur qui les y propulse cale et les fait atterrir d’urgence dans la Vallée de la Mort. Très vite, un cavalier solitaire (qui n’est pas Zorro !) leur explique tout. Lui, contrairement aux apparences, n’est pas un cow-boy mais le professeur Dale, concepteur d’une usine à fabriquer des bombes atomiques dont le plan lui a été dérobé par son adjoint et remis entre les mains d’un nazi revanchard, Ernst von Hauser, lequel rêve d’une vengeance éclatante . Hell ! By June !
    Avec des repris de justice en goguette, von Hauser a fait édifier cette usine en plein désert, dont le fonctionnement journalier fausse les boussoles en créant un « faux Nord » et fait caler les moteurs d’avion. Mais seulement de jour, car la nuit, comme tout le monde dort, la machinerie s’arrête.. Avec Dale pour guide, Morrison et cie s’introduisent dans la place, détraquent le fonctionnement de l’usine, programmant l’éclatement de quelques bombes atomiques,  et se sauvent dans leur avion super-puissant. L’explosion qui suit n’est pas anecdotique puisqu’elle dégage une radioactivité sur la région pour au moins six mois ( !) et fait trembler la terre alentour (d’où le titre de l’épisode). Evidemment , von Hauser y a laissé sa peau : il ne manquerait plus que les nazis gouvernent le monde !
    Encore un épisode brillamment conçu et rédigé par le Capitaine Ricardo.



  9. Type: livre Thème: disette d’éléments Auteur: René ZUBER Parution: 1950
    Le narrateur travaille à la « Vie de St Louis », à la Bibliothèque Nationale, ouvrage sur lequel il trouve une tache suspecte. Il s’adresse à son ami d’enfance Blanowski de l’Institut Pasteur, spécialisé en géologie et médecine, compétent dans l’histoire et la conservation des momies. Après analyse, celui-ci découvre que le papier – surtout de bonne qualité - est attaqué par un amylobacter, une bactérie papyrophage :
    « Nous nous trouvons, me dit-il, devant une maladie nouvelle du papier. – Une maladie ? – Une maladie que je crois contagieuse et dont j’ai déjà isolé le microbe. C’est une bactérie de la famille des amylobacter. Un amylobacterpapyrophage d’une extraordinaire virulence que je vais te montrer (…) Il (..) transforme (..)  le papier en un résidu poudreux, impalpable, sans aucune résistance, analogue à de la cendre. ».
    Les dégâts s’étendent obligeant à toutes les précautions de conservation, aux déplacement des œuvres imprimées anciennes en des pays au climat désertique. Cela n’empêche pas l’épidémie de s’étendre. La presse s’empare de l’événement tandis que le conseil des ministres entérine le drame, impuissant à y porter remède. D’après Blanowski, l’origine de la maladie du papier serrait due à un déséquilibre vital, à l’entassement inconsidéré de masses de documents :
    « les mille moyens que la nature tient en réserve pour rétablir l’équilibre s’appellent quelquefois des guerres, des épidémies. La lèpre, mon cher. Le choléra. Et si la pomme de terre prend trop d’importance, le doryphore. Et si le papier s’accumule trop dans le monde, ce peut être l’amylobacter papyrophage. »
    Dans un Paris que le printemps égaye, les structures sociales s’effondrent les unes après les autres, minées par l’absence de papier. Les fumeurs furent les premiers à s’en rendre compte, suivi de près par les banquiers horrifiés par la destruction de la monnaie-papier. Tout l’état-civil reposant sur des formulaires s’autodétruisit ce qui eut comme conséquences un regain dans l’anarchie et dans le gangstérisme. Les militaires refusèrent d’obéir, prétextant qu’ils étaient en permission, les attestations illégales d’actes de naissance ou d’identité, le manque d’actes de décès accentuant le marasme social et économique. Combien d’objets, d’aliments, de médicaments manquèrent, suite à la destruction de leur emballage ! Même la construction immobilière ralentit, le ciment étant livré dans des sacs en papier :
    « Le mécontentement grandissait. Aux postiers, aux instituteurs, aux cheminots, et en général à tous les fonctionnaires, aux gendarmes, aux notaires et clercs de notaires, aux employés du livre, de l’édition, de la librairie, s’ajoutait maintenant le poids des ouvriers du bâtiment. Tous, menacés, demandaient au gouvernement de leur garantir du travail et du papier. »
    Les déplacements devinrent hasardeux, tous les guides, horaires, tickets, bordereaux disparurent en perturbant gravement les communications. Le téléphone, l’activité électrique en général s’effondra à cause de la disparition du papier dans certains composants électriques. Parallèlement, le mécontentement fut en augmentation, surtout parmi les fonctionnaires. On rendit la Bibliothèque nationale responsable de l’épidémie, qui dut faire front à des attaques réitérées. Puis, la régression devint générale : faute de courant, l’on en revint aux lampes à pétrole. L’Etat se fissura, des communes firent sécession pour battre monnaie à l’effigie de leur maire.
    L’Amylobacter a dissous, avec le papier, tous les liens sociaux. La seule arme possible serait pire que le mal, soit la destruction préventive de tous les stocks de papier existants :
    « Ils ont fait cette folie. Ce sont les explosions qui m’ont réveillé. Du second étage, nous assistons à un magnifique feu d’artifice. Nous cherchons à identifier les foyers : les fabriques de carton d’Aubervilliers, les stocks des Magasins généraux, les Messageries Hachette, quai de Javel. On entend dans la nuit des moteurs d’avion : les usines à papier de Nanterre doivent être visées… »
    C’est lorsque le gouvernement (ou ce qu’il en reste) décide de faire bombarder par l’armée les dépôts encore connus, que le narrateur émerge d’un cauchemar où les associations d’idées se sont faites à la rapidité de l’éclair.
    Cette nouvelle est quasiment identique à celle de Tolvannen avec sa « Maladie du papier » présentant cependant l’originalité de doubler le texte par la suite graphique de Jean Effel, ce qui instaure une lecture à deux niveaux différents.

  10. Type: livre Thème: le dernier homme Auteur: Damon KNIGHT Parution: 1950
    Louise Olivier et Rolf Smith sont assis face à face dans un café de Salt Lake City, derniers survivants d’une guerre totale, à la fois nucléaire et bactériologique. Partout le monde a cessé de vivre, de bouger, d’émettre. Ils seront les nouveaux Adam et Eve d’une société future. D’ailleurs Rolf ne pense qu’à ça. Mais Louise est l’archétype de la pruderie anglo-saxonne, imprégnée d’une éducation stricte et bienséante. Pour elle, l’amour, c’est un pasteur, un mariage en blanc, des cadeaux et des fleurs. Le mâle lui fait peur. Rolf, trop faible pour la prendre de force, et sachant qu’il n’en a plus pour longtemps car est lui-même en proie à des accès subits de paralysie,  essaie de la convaincre de coucher avec lui. Et, ô miracle !, elle consent au sacrifice suprême à condition qu’il y ait mariage en blanc. Emerveillé, mais pris d’un besoin soudain, Rolf se dirige vers les toilettes:
    " Il trouva la porte des lavabos et entra. Il fit un pas à l’intérieur, et se figea, sa jambe s’arrêtant dans son mouvement en avant, il était subitement et totalement paralysé. La crise!...  Cette satanée crise qui l’avait déjà frappé une fois aussi soudainement, et dont la piqûre faite par Louise l’avait heureusement tiré; la panique l’envahit lorsqu’il essaya de tourner la tête et ne réussit pas à le faire... Lorsqu’il essaya de pousser un cri et n’y parvint pas davantage... Derrière lui il avait entendu un léger déclic, lorsque la porte, poussée par le ferme - porte hydraulique, s’était refermée... pour toujours. Cette porte n’était pas verrouillée, mais de l’autre côté, sur une plaque, elle portait l’indication: HOMMES. "
    " Sans éclat " est un récit très court mais important en ce qu’il représente la première tentative d’écrire une anti-fin du monde, en subvertissant le thème. Pour Damon Knight, il n’est pas besoin de bombardements grandioses, de catastrophes inimaginables pour créer une situation vraiment désespérée. La relation psychologique entre les êtres est fondamentale et détermine la réussite ou l’échec de l’entreprise.  En l’occurrence, nous sommes en présence d’une authentique fin de l’espèce, le héros mourant par la bêtise de sa partenaire.