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Bienvenue dans la Base de Données des livres !

Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !

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Livres

  1. Type: livre Thème: sociétés post-cataclysmiques 2 Auteur: André-Marcel ADAMEK Parution: 2003
    Lors d’une excursion souterraine dans la grotte de Château-Rouge, l’éthologue Anton Malek, spécialiste du comportement des loups, reste seul survivant, en compagnie de Marie, une vieille dame, d’une convulsion tectonique consécutive à l’explosion de bombes nucléaires sur l’Allemagne. La jambe brisée, il sort de sa prison-refuge après des efforts inouïs, aidé par Marie, pour observer le paysage d’apocalypse qui s’étend devant lui. :
    « Ce qu’il avait pris pour un ciel gris n’était qu’un champ épais de fumées qui couvrait les hauteurs du paysage jusqu’à l’infini. Les crêtes des collines s’y noyaient, et l’on distinguait à peine leurs coteaux hérissés d’arbres noirs. Une forte odeur de bois brûlé imprégnait l’espace. Le pavillon où Malek avait pris l’ascenseur huit jours plus tôt était à moitié calciné. Les grands épicéas, fauchés comme des herbes, l’entouraient de leurs squelettes aux ailes épineuses. En contrebas, une immense crevasse cisaillait la vallée. Des villages engloutis dans les profondeurs, rien ne subsistait que les clochers épars, dénudés de leurs ardoises et montrant au ciel opaque leurs charpentes de grands oiseaux foudroyés.»
    Marie, devenue indifférente à la vie, a préféré se laisser mourir au fond de son puits sans que Malek ne pût lui porter secours.  Titubant, il prend le chemin de l’auberge où il résida, découvrant les premiers morts :
    « Les morts, il les trouva un peu plus loin, étendus devant la porte ouverte de la cave. Il y avait le patron et quatre pensionnaires. Eux non plus ne dégageaient pas d’odeur. La peau du visage noire et tendue comme le cuir d’un tambour, ils ressemblaient à des momies aztèques. (…) Il ne put franchir les limites du hall où s’entassaient pêle-mêle des plâtras, des débris de la toiture et de la cage d’escaliers, formant une véritable muraille qui condamnait l’accès aux chambres. »
    Il y survécut un certain nombre de jours grâce aux vivres trouvés dans les décombres, de plus en plus marqué par les radiations. Il prendra finalement la direction de la mer, vers le cap Gris-Nez, s’adjoignant un chien survivant, sans pelage, mais rescapé de l’holocauste lui aussi.
    Ailleurs, une unité combattante de trois êtres humains avec à sa tête une jeune femme, Mélanie, appelée Méduse, s’est trouvé prise au piège. Méduse déteste les hommes en général et ses coéquipiers en particulier, qui le lui rendent bien. Surtout Génard, une grosse brute tenant sous sa coupe Juju, soldat falot et lâche. Le premier moment d’affolement passé, Méduse commande aux deux hommes de patrouiller dans les environs. Mais la disparition de toute structure sociale organisée provoque la rébellion de Génard contre l’autorité de Méduse. S’étant enivré après une prospection dans les ruines, il réduisit Méduse à l’impuissance et la viola avec l’assentiment timide de Juju. En se libérant, Méduse coupa les hommes en deux avec la mitrailleuse de son blindé. C’est en cette posture qu’elle croisa une première fois la piste de Malek. Les deux êtres, sans fraterniser, suivront leur propre chemin.
    Celui de Malek, qui se déplaçait en side-car, lui fit faire connaissance avec les « Gros », habitants non contaminés d’un bunker voisin, et de leur égérie, la petite Tinou. Indemnes de toute radiation, ils ne sortaient de leur refuge que pour aller au ravitaillement, leur chef, Dondornier, refusant tout autre contact. Il conseille à Malek de rejoindre la poignée de survivants qui, un peu plus au bord de la plage, à Audresselles, tentaient de reconstituer un semblant de communauté.
    Malek suivit cette recommandation et s’agrégea à la petite communauté qui comptait entre autres des femmes, toutes plus ou moins marquées par les radiations. Il fraternisa avec Laury, le chef démocrate et humain d’un camp où chacun se rendait utile selon ses capacités. Les uns, les «prospecteurs», avec à leur tête Colasse, fouillaient les ruines pour pourvoir au ravitaillement. Le « pêcheur », avec une petite barque remise en état, approvisionnait la communauté en poissons frais.
    Le destin de Méduse fut différent. Dans son parcours, elle rencontra Mi et Fa, deux magnifiques jumelles de dix-huit ans, lesbiennes, dangereuses comme des serpents. Elles tuaient tous les hommes de rencontre, pratiquant un cannibalisme alimentaire et vengeur :
    « Elle sortit de son fourreau le couteau de plongée et découpa une épaisse tranche de viande. La croûte en était d’un brun mielleux et le centre légèrement rosé. Méduse sentit la salive lui monter à la bouche et prit le morceau encore brûlant que lui tendait la jumelle. Elle n’avait jamais mangé du cerf. La chair lui fit penser à la fois à du porc et à du gigot de mouton mariné. (…) La dernière tranche qu’elle engloutit n’était pas encore à bonne cuisson, et chaque bouchée faisait gicler de ses lèvres un filet de sang qui tachait son treillis.(…)
    Quand elles se sentirent assouvies, elles s’allongèrent sur le dos, le regard perdu dans le ciel lugubre. – Ce n’était pas du cerf, n’est-ce-pas ? demanda Méduse. Mi, ou peut-être Fa, lui piquait le cou de baisers humides. – Vous avez raison, chère Méduse, ce n’était pas du cerf. – C’était le moniteur ? – Oui. Nous l’avons tué avant-hier. »
    Méduse, avec sa science du combat, fut acceptée d’emblée, même quand elle se sentit enceinte des œuvres de Génard. La survenue inopinée de cet enfant allait compliquer ses  relations. Elle craignait pour la vie de ce dernier s’il s’avérait être un mâle. Dès lors, sa méfiance à l’égard de Mi et de Fa ne se relâcha plus, qui continuaient de plus belle leur tuerie :
    « Mi s’élança vers la victime, et comme elle avait pris l’habitude de le faire, ouvrit une large plaie du pubis au sternum avant d’évacuer les viscères. Sous ses doigts élégants et fragiles fumait l’écume des boyaux. Après, elle sectionna le pénis et tendit ce trophée pitoyable dans la faible clarté du jour. Quelques heures plus tard, suivant le rituel qui leur était devenu familier, elles allaient se partager le sexe, les dix doigts, et compléter le repas par des languettes de cuisse, découpées si finement qu’elles s’enroulaient comme des mirlitons à la chaleur des flammes.»
    A la naissance du bébé, ses craintes se confirmèrent. Les jumelles, qui avaient décidé de se rendre en Espagne, acceptèrent le nourrisson avec réticence. Méduse profita de la mort de Mi, irradiée, pour se sauver avec l’enfant, poursuivie par Fa. La confrontation finale entre les deux femmes provoqua la mort de Fa qui, ne voulant survivre seule, s’empala d’elle-même sur l’épieu tendu par Méduse.
    Au camp, la situation s’était aussi considérablement dégradée. La survenue d’un « curé » douteux, avide de pouvoir, renversa l’ordre établi. S’appuyant sur Malavoine, une brute épaisse, le « Padre » contraignit chacun à vivre selon les préceptes d’un évangile arrangé par lui, dénonça Laury comme juif et le fit chasser du village. Il ordonna même l’attaque du bunker des « Gros » qu’il rendait responsables d’avoir volé la barque du pêcheur. La situation empira avec la disparition des prospecteurs, tombés dans un piège tendu par les jumelles, et celle de leur fourgonnette, perte irréparable.
    Tinou, l’orpheline, fuyant les massacres, trouva refuge auprès de Laudy, qui l’adopta, tous les deux fuyant définitivement le village maudit. En réalité, c’était Balbus, un alcoolique chassé du village par le Padre qui, pour se venger, avait volé la barque. En compagnie de deux autres pauvres hères, rencontres de hasard, il comptait gagner les rivages de l’Angleterre. La marée le rejeta tout près du camp. Le Padre décida donc de leur mise à mort, ce qui ne plut pas au pêcheur lequel, voyant de loin la scène, préféra se suicider :
    « L’expédition aussi meurtrière qu’inutile au bunker lui avait rempli le cœur de regret. La farce macabre de la veille le submergeait de colère et de honte. Sous la coupe d’un cureton douteux et d’une implacable brute, Audresselles avait perdu son âme. Et c’était pour ramener quelques kilos de poissons à cette tribu d’assassins qu’il risquait sa peau.(…) - Nous allons y passer ! cria Lambert. –Tant mieux! Ils n’auront plus jamais un harenguet ou une anguillette à se mettre sous la dent. Ils devront brouter l’herbe ou se dévorer entre eux. Qu’ils crèvent. (…)
    Enroulez-vous ça autour du ventre, ça vous aidera à flotter. – Et vous ? – Moi, je vais rendre visite aux crabes, c’est une compagnie très appréciable par les temps qui courent. »
    Malek, lui aussi, ne put en supporter davantage.  Sous prétexte de partir en side-car à la recherche du groupe de prospecteurs, il s’enfuit du village condamné, rencontrant pour la deuxième fois Méduse, avec son enfant. Regroupant leurs forces, ils repartirent en couple dans un monde dévasté.
    La « Grande Nuit»  se présente comme un roman post-cataclysmique intelligent, fin, bien composé selon les lois du genre. Approfondissant la psychologie de chaque personnage – ni tout blanc ni tout noir- l’auteur fouille dans ses descriptions au scalpel  la chair et l’âme de ses contemporains,  dans une ambiance de désespoir moral. Répertorié à tort dans l’étude de Costes et d’Altairac «lesTerres creuses », le roman se donne avant tout comme une puissante réflexion sur les processus de décomposition chez l’être humain.

  2. Type: livre Thème: pollution généralisée Auteur: Rita KRAUS Parution: 1972
    La Terre est devenue un gigantesque poubelle, tellement énorme que, sur tous les continents, dans toutes les villes, jusqu’aux plus petits villages, des montagnes de détritus, des murs colossaux de déchets, empêchent désormais toute communication entre les êtres humains. Or Romain est amoureux de Sabine qu’il a entrevue dans le village voisin. N’étant pas dénué d’ingéniosité, il travaillera au rapprochement des corps et des esprits, souhaitant, avec un explosif de son invention, faire disparaître l’immense obstacle qui les séparait :
    « Lorsqu’on se rendit compte ce de qu’il avait combiné et qu’on voulût l’arrêter, il était déjà trop tard. L’étincelle initiale avait jailli… Dans une débauche de chaleur et de lumière, la Grande Décharge au complet fut annihilée et également, par suite d’une regrettable erreur de calcul sur les effets de la réaction en chaîne, son support : la Terre. »
    L’absurdité du cumul d’ordures poussée jusqu’au délire en une métaphore transparente.



  3. Type: livre Thème: menaces et guerres nucléaires, guerres futures 2, menaces idéologiques Auteur: Jean DOUTRELIGNE Parution: 1951
    A Berlin, chez le maréchal Orloff, se déroule une partie de thé à l’ambiance feutrée qui cache difficilement le danger d’une nouvelle confrontation entre l’Est et l’Ouest.. Cette nuit-là, Daisy, la narratrice et secrétaire du généralissime Patton, chef des forces occidentales, se réveilla soudainement :
    " Je n’eus pas le temps de réfléchir. Tout d’un coup, le nord-ouest du ciel fut crevé par le jaillissement de centaines de coupoles d’une blancheur de métal en feu. J’en suis tombée à la renverse. Un roulement inouï de cataracte emplissait l’espace. "
    Les Russes venaient d’enclencher le processus d’une guerre nucléaire. Il fallait quitter d’urgence l’Allemagne pour préparer la contre-offensive. Les bombardiers occidentaux reprennent du service, les chars s’ébranlent en catastrophe, Patton veille au repli stratégique. En forçant l’encerclement russe, le général en chef parvient à gagner la frontière entre la France et l’Allemagne. Les dernières nouvelles ne sont pas bonnes ; le monde entier est à feu et à sang :
    "Nos bases d’Angleterre avaient cessé d’exister. A trois heures, un tapis de bombes atomiques –plusieurs centaines – ou de bombes à l’hydrogène (on ne pouvait encore rien préciser) avait liquidé l’île britannique et l’Irlande en quelques secondes. De ces deux pays absolument plus rien ne répondait ".
    Les Russes, par une attaque atomique généralisée, en pratiquant la politique du " tapis de bombes " avaient anéanti tous les centres névralgiques du monde libre. La seule possibilité pour Patton était de créer un contre-feu, soit d’appliquer le plan " Grogy " qui visait à couper l’Europe en deux, du Danemark à l’Italie, par une lancée de bombes thermonucléaires de façon que les Russes soient obligés de stopper leur avance :
    "Le cas a été prévu de longue date au plan Grogy. A  l’heure H, du Danemark à Venise, le tapis, avec une zone de réaction d’une profondeur de cent vingt-cinq kilomètres, sera déversée (…)  Ce tapis doit interdire radicalement aux Soviets toute possibilité d’avance. "
    Bien que de nombreuses capitales européennes, de grandes cités fussent broyées en ce jeu insensé, le succès du tapis de bombes ne fut pas total. Les Russes parviennent à contourner l’obstacle par la Belgique :
    " Au-dessus de la Ruhr, au-dessus du Palatinat, le tapis est tombé, plus puissant même qu’il n’avait été prévu. Mais plusieurs centaines de bombardiers atomiques n’ont pu survoler l’objectif central. (…) Patton s’éponge : -Trente millions de morts sans doute. Pour un coup incomplet, c’est-à-dire raté. Le colmatage allemand est fichu. "
    Il faut réagir. Patton, avec ses blindés et son aviation, broie tout devant lui, d’autant plus que les Soviets s’appuient sur les communistes européens qui constituent la cinquième colonne,  en cet affrontement généralisé. En de nombreuses villes, des soulèvements révolutionnaires les mènent au pouvoir où ils commettent des exactions sans nom :
    "Des cris effrayants retentissaient, des cris perçants, des cris stridents. Patton avait pris un communiste à la gorge : - Qui crie ainsi ? Qui crie ? -Monsieur, ce sont les femmes qui brûlent…- Des femmes brûlaient. Les femmes des riches. Les femmes des ennemis politiques. Les femmes des tués des fossés, enfournées dans les souterrains du vieux château. "
    La campagne de France débute avec difficulté.  Dans le nord du pays, les Français ripostent encore mais les bombardements continuels auront bientôt fait place nette. Là aussi, Patton tranche dans le vif: il faut " atomiser " ! Plutôt mort que rouge !, telle est sa devise :
    "Patton commençait à piaffer. -Monsieur le Président, il faudra qu’on atomise ! - Qu’on atomise ? - Ses yeux firent trois tours, comme dans le visage des enfants de couleur. Patton le conduisit à une grande carte d’état-major. -Nous tiendrons encore vaille que vaille à la Seine jusqu’à ce soir.
    Si nous nous y accrochons plus longtemps, demain nous serons bouclés et détruits. Il faut filer. Et il faut couper. A l’est du Rhône,   aussi, d’ici quarante-huit heures, tout sera cuit. Là encore, le barrage atomique est l’unique solution. ".
    Comme au temps de la deuxième guerre mondiale, la bataille des Ardennes sera décisive. Les Soviets repoussent l’armée de chars de Patton. Le général, plutôt que de se faire enfermer, fonce vers le sud où il aperçoit les fuyards que la guerre a jeté sur les routes :
    " Mais c’est au-dehors qu’est la vraie tragédie. Des dizaines de milliers d‘autos flambent. Des milliers de morts grillent, les chairs grésillantes, crépitantes. Des milliers de blessés, le visage cuivré par les lueurs de l’incendie, se tordent en d’horribles grimaces, parmi leurs intestins épars comme des serpents gris et verts. "
    C’est une véritable vision d’apocalypse :
    " Des cadavres retournés sur le ventre, noircis déjà, gonflés comme des outres, pourrissent dans des tourbillons de mouches immondes. D’autres cadavres ont été poussés pêle-mêle dans des voitures fermées, abandonnées. On dirait qu’ils regardent par la vitre, les yeux glauques, le poil hirsute, gris-verts. D’autres, noirâtres, découvrent des dents jaunes, dans un rictus horrible. "
    Pendant ce temps, l’Amérique tergiverse et hésite à se lancer dans le conflit. Or, tout retard aggrave la situation. Les trois quarts de la France sont déjà aux mains de l’ennemi. Encore et toujours, Patton ne voit qu’une solution : celle d’atomiser. La France du Nord, puis la région parisienne formeront une seconde ligne de défense qui permettra le repli vers les Pyrénées des restes de l’armée occidentale. Les gens, mourant de faim, bloquent les seules pistes d’aviation encore opérationnelles. Une distribution de vivres aggrave la situation. Afin de dégager les abords des pistes, Patton envisage de griller les pauvres bougres au lance-flammes !
    Johnny, le fiancée de Daisy, est grièvement blessé dans une escarmouche aérienne. Le retrait se précipite,  alors que partout en Europe s’organise le massacre de la bourgeoisie. Patton en tire la conclusion suivante:
    " Hitler voulait collaborer, avait besoin de collaborer. Alors la France restait pour l’Allemagne un partenaire éventuel, et un partenaire important. Aujourd’hui, les Soviets ont dix partenaires possibles, bien plus importants que votre pays (…) Depuis Hitler, faisait remarquer, sarcastique, Patton, plus un politicien anti-communiste n’a eu le peuple avec lui en Europe, n’a été capable de lui insuffler une foi, une volonté, un enthousiasme.  Nous avons racheté en solde, après 1945, des lots de socialistes, embourgeoisés, ficeliers , et des prédicateurs en cravates "
    L’Italie est tombée aux mains des communistes ainsi que les grandes villes du sud. La situation est désespérée car, roulant en convoi près de la Bidassoa, la colonne occidentale est attaquée, et bientôt,  la tête de Patton ornera le fût d’un canon de char. Grâce aux Russes présents sur le terrain, Daisy évitera d’être violée par les communistes français mais sera immédiatement déportée dans un kolkhoze andalou. La bride est lâchée à tous les crimes, c’est la fin de la civilisation :
    "La civilisation n’est qu’un vernis qui saute au feu des grandes passions grégaires. Ces tourmentes sont comme une libération de l’animal – homme. Elles le démusèlent. Il se rue. Il retrouve son état naturel. L’état naturel de l’homme n’est pas la civilisation. La civilisation n’est qu’un accident; l’animal, c’est la substance. Après des milliers d’années de religion, de mœurs policés, l’animal, en cinq minutes, se retrouve instinctivement "
    L’Europe vaincue se trouve sous la domination rouge. Partout dans le monde, à l’exemple européen, les révolutions grondent, en Afrique, au Brésil, en Amérique même,  des mouvements fomentés par des agitateurs noirs, amènent des pro-Soviets au pouvoir. Israël est anéanti:
    "La seule chose certaine que les Russes se racontaient en s’esclaffant, c’est que l’Etat juif de Palestine avait été liquidé par un tapis. Liquidation dans la ligne. (…) Moscou n’avait pas eu besoin, pour régler définitivement le problème juif d’utiliser comme Himmler des camps de concentration. Les Juifs s’étaient concentrés eux-mêmes en Palestine ; un tapis les avait envoyés en masse et en colonne chez Jéhovah. "
    Quant à Daisy, sa journée de travail terminée, elle sert de viande à soldat. Partout, à travers le monde, s’étalent des zones mortes contaminées par la radioactivité. Un autre univers a jailli du néant :
    " Les zones occidentales qui furent atomisées, il y a deux ans et demi commencent à redevenir habitables, mais le Praesidium des Soviets a ordonné qu’on les conservât provisoirement comme zones de réserves (…) l’ancien Paris, à cause de son importance ferroviaire, a été dégagé partiellement, grâce à l’effort des travailleurs de Leningrad qui ont adopté l’ex-capitale de la IVème République. Elle contient une cinquantaine de milliers de nouveaux habitants, slaves sans exception, campant surtout dans la banlieue. Elle s’appelle Lenina. Les Iles britanniques et l’Irlande sont restées totalement vidées de leur population civile, occupées uniquement à leur extrémité Ouest, par des installations militaires : bases sous-marines, rampes de lancement de fusées, aviation. "
    Nous connaissons les sympathies pronazies de Jean Doutreligne, alias Léon Degrelle, chef du mouvement rexiste belge durant la deuxième guerre mondiale; le lecteur ne s’étonnera donc pas des opinions professées, ici et là, dans le texte. Au-delà de la profession de foi, il se trouvera confronté à l’un des récits les plus effrayants qu’il lui ait été donné de lire dans le champ  cataclysmique, du type " guerre totale ". L’effet de vraisemblance s’articule sur un vécu encore proche. La chair torturée, les morts par millions, l’aliénation des uns, la haine des autres, l’hypocrisie et la mauvaise foi constantes, justement concrétisées en des personnages puissants, donnent du corps à l’ouvrage. L’épouvantable machinerie d’une guerre,  peut-être pas si future que cela, fait froid dans le dos. Un cauchemar à lire et qui sonne juste.

  4. Type: livre Thème: menaces et guerres nucléaires Auteur: Ray BRADBURY Parution: 1950
    Une vision intimiste et marginale de la guerre nucléaire qui vient d’éclater aux Etats-Unis. Dans une ferme isolée, au bord d’une route du Nouveau Mexique, Hernando plante et récolte son maïs. Personne ne passe jamais par là, sinon très rarement. Un jour, surgit l’incroyable :
    "Et soudain, comme à un signal donné, les voitures arrivèrent. Des centaines, sur des kilomètres, qui filaient devant lui. Grandes, longues et noires, en direction du nord, vers les Etats-Unis, rugissantes, prenant trop vite les tournants.
    Les avertisseurs n’arrêtaient pas. Il y avait quelque chose dans l’expression des occupants entassés à l’intérieur, quelque chose qui le plongea dans un profond silence. Il se recula pour mieux laisser passer les voitures. Il les compta jusqu’à en être fatigué. Cinq cents, mille, et il y avait quelque chose sur les visages. Mais ils allaient trop vite pour qu’il pût distinguer ce que c’était."
    Une bombe thermonucléaire venait d’éclater dans le Sud et tous les habitants de cette région tentaient de la fuir. Hernando ne s’émeut pas pour si peu. Et comme Louis XVI inscrivant " rien " dans son cahier de notes le jour du 14 juillet 1789, à l’affolement d’un des fuyards lui signifiant que c’était la " fin du monde ", il retourne à son travail en se demandant ce que c’est que " le monde ".
    Un récit très bref mais avec le style de Bradbury. Une force tranquille émane de ce  bijou de philosophie zen.

  5. Type: livre Thème: la nouvelle glaciation Auteur: Wilson TUCKER Parution: 1979
    Ils forment une équipe de chercheurs avec Highsmith dit le "Pêcheur ", le Reconstructeur Jeanmarie, banque de données vivantes, Harley le médecin, et le pilote censé les amener rapidement sur les lieux d’une nouvelle découverte balisée par les groupes 2 et 3. Ils se trouvent aux avants-postes hostiles d’une région du Canada exposée à une avancée glaciaire:
    " Highsmith savait bien qu’il ne devait pas s’attendre à des fleuves de glace s’écoulant au clair de lune: ce genre d’absurdité était bon pour les poètes qui n’arrivaient pas à saisir l’énormité du désastre, la masse de la muraille. La glace représentait la mort et la destruction; la muraille en marche était une calamité.
    La vraie glaciation, c’était une couverture de glace, de boue et de pierre, gris noir, bourgeonnant sans cesse, qui descendait inexorablement du réfrigérateur de l’Arctique et envahissait les Etats adjacents. D’innombrables bourgs et villages étaient écrasés par celle-ci tandis que d’innombrables villes demeuraient désertées dans l’attente de leur tour. La capitale d’été d’Ottawa avait été abandonnée pour de bon, et l’on pensait qu’elle finirait par être engloutie par les glaces. (...)
    L’inlandsis du Groenland se mit à prendre de l’ampleur, rejetant lentement à la mer les colonies côtières, et de nouvelles mesures de la plate-forme avaient révélé que l’épaisseur maximale de la glace avait augmenté de quatre-vingt-dix mètres. Les glaciers endormis reprirent vie et redescendirent dans leurs antiques plaines de piémont en Alaska, suivant la route des glaces vieilles de douze mille ans; le détroit de Béring ne dégelait plus en été. Des plaques de banquise flottante devinrent un spectacle courant au large des îles Féroé. "
    Sans que jamais ne soit définie l’époque (nous la supposons d’un futur proche au nôtre), ni la raison de cette avancée soudaine des glaces immolant tout le nord de l’Amérique, l’intrigue se déploie autour de la découverte en ces lieux d’étranges objets  primitifs - morceau de canoë, artefact polygonal, briques de glaise séchée - et d’éléments humains - poisson, membres d’êtres humains - tombant brusquement sur la glace venus de nulle part.
    Ces apparitions soudaines culmineront avec la découverte d’un être primitif complet et vivant, qui ne résistera pas longtemps au froid,  à la grande désolation de Highsmith. Se basant sur la théorie de Charles Fort dans son livre des "Damnés ", et grâce à un artefact qui s’avère être une sorte de pistolet aux propriétés curieuses, Highsmith suppose l’existence d’un temps post-glaciaire où, pour des raisons militaires, certains primitifs seraient malencontreusement projetés dans leur passé, c’est-à-dire  dans ce présent glacé. Une lutte sans merci opposerait en ces temps futurs des femmes évoluées à des primitifs qu’elles utilisent comme esclaves. Avec toutes ces données, Highsmith élabore une hypothèse:
    " Il fit un geste . Cette glaciation. Je suis en train d’élaborer un modèle à partir de cette glaciation. Comme il ne s’intègre pas à l’histoire que nous connaissons, il appartient donc à l’histoire à venir; à la nouvelle période interglaciaire et au réchauffement qui suivra cette glaciation-ci. Quelque part, là-bas, dans trois, quatre, ou cinq mille ans, des hommes primitifs repartent à zéro et des femmes civilisées les abattent et nous les envoient. ".
    Mais l’avancée du glacier, les conditions infernales qui règnent sur la région, la résolution quasi-certaine de l’énigme, obligent les protagonistes à arrêter leur mission.
    Un récit avec une composition en parallèle montrant les recherches présentes (époque glaciaire) et les actions futures qui les provoqueront (époque interglaciaire). Le thème cataclysmique est prétexte à jouer avec les paradoxes temporels.

  6. Type: livre Thème: menaces et guerres nucléaires Auteur: William TENN Parution: 1951
    Elliot Plunkett est un homme prudent. Il a cessé ses activités de pasteur pour s’acheter une ferme en vue de se livrer à l’élevage intensif des poulets. Cette activité–prétexte lui a permis de se prémunir contre une éventuelle menace atomique. Avec l’argent que lui rapporte son élevage, depuis des années, il a fait construire une cave souterraine bétonnée, véritable unité de survie autonome dans laquelle sa famille de neuf enfants (ainsi que deux petits voisins et le chien Rusty) pourront survivre en attendant des jours meilleurs, au cas où…
    Pour ne pas être pris au dépourvu par un déclenchement inopiné du conflit, il entraîne ses enfants, chronomètre en mains, à atteindre l’abri souterrain dans les délais prévus. Les punitions corporelles distribuées aux plus lents n’y marqueront que davantage dans leur esprit les nécessaires réflexes de survie. Quand enfin le monde explosera autour d’eux, Elliot Plunkett pourra fièrement contempler sa nombreuse famille réunie autour de lui, tel un deuxième Noé dans son arche.
    Une nouvelle touchante d’un thème aujourd’hui usé.


  7. Type: livre Thème: l’entropie progresse, menaces idéologiques Auteur: René SEDILLOT Parution: 1983
    « La France de Babel-Welche » s’étend sur une période de cent ans, jusqu’en l’an 2100.
    Le roman parle de la décomposition de l’Etat français jusqu’à sa disparition complète à travers de multiples aléas sociaux, financiers, économiques, politiques, biologiques, qui, à chaque période, ont accentué le délitement du pays.
    Instaurant une pléiade de personnages apparentés et symboliques des pouvoirs en jeu, mais dont on suit aussi le destin particulier, l’auteur brasse les grandes théories politiques et économiques notamment par la mise en scène d’un historien-philosophe, Joseph Duplantier, qui compare le sort de la France d’aujourd’hui avec l’Empire romain de la décadence.
    Le récit débute avec Frédégonde Boisjoli qui épouse Ahmed Carvalho en l’an 2005.
    Les mariages entre migrants sont devenus fréquents. Sous la pression des ligues libertaires comme la L.S.F. (Ligue pour la Suprématie des Femmes), le F.N.G.C.P. (Fédération Nationale des Groupements Contre les Pollutions), le M.U.R. (Mouvement Universel contre le Racisme), les étrangers pénètrent la France, multipliant les mariages mixtes, francisant leurs noms, faisant voter des lois en leur faveur. Les Français de souche, surnommés « Welches » seront réduits à la portion congrue et sommés de faire état de leur « francité ».
    Lorsque les migrants commencent à militer au sein des syndicats, ils deviennent de redoutables adversaires de l’ordre établi, tel ce Habib Teboursouk francisé en Habib Tambour, leader du syndicat majoritaire. L’élément allogène plie la langue à ses besoins, produisant un sabir indigeste, embryon d’un néo-français méconnaissable.
    La pression fut tellement forte que l’on débaptisa le pays en « Welchie » et la ville de Paris en « Cosmoble ».
    En attendant, le frère de Frédégonde, Xavier du Bois-Joli, occupe d’importantes fonctions au Ministère des Impôts. Sous l’impulsion de la présidente, Ursula Porfiro (d’origine bolivienne), l’Etat-Providence atteint son maximum. Comme elle avait pour règle de ne rien refuser, jamais, à qui que ce soit, chaque libéralité devait être compensée par un impôt nouveau inventé par Bois-Joli, dont le génie en la matière atteignait la démesure :
    « Mais la nouvelle taxe fut mal accueillie. Le M.U.R. s’indigna qu’on put frapper ainsi les migrants : ce n’était pas leur faute s’ils arrivaient en Welchie sans bagage intellectuel. Il n’était pas tolérable qu’on favorisât les Welches de souche et qu’on imposât injustement ceux qui n’avaient pas eu la chance d’aller à l’école.
    Comme le sultane et le vizir tenaient bon sur la nouvelle participation, le M.U.R. exigea qu’en contrepartie on frappât les citoyens trop instruits. Les privilégiés de l’éducation ne devaient pas être de surcroît les privilégiés du système fiscal.  Toussaint Giaccomoni ne reculait jamais devant la perspective d’une taxe supplémentaire. Il manda Xavier. « Il me faut maintenant une taxe sur les diplômés. »
    Alors que la pression démographique de la Welchie s’affaiblissait, celle des migrants augmentait. En 2055, tout se gâta : ce fut l’époque de la « Grande Pressure ». Avec Toussaint Giaccomoni (un Corse) comme premier ministre, surnommé le « Grand Vizir »,  Ursula satisfaisait tous les désirs, jusqu’à faire remettre en liberté les prisonniers avec une rente appropriée, dont le sulfureux Malabar, un criminel notoire.
    Bien que les aides de l’Etat tentaient l’impossible, sous les coups de boutoir du syndicat de Habib réclamant la journée de 4 heures et la semaine de 4 jours,  la récession inexorable s’accentuait. En 2058, Cosmoble était encore une ville active où les Bois-Joli (anciennement Ben Djali) avaient plaisir à résider et à aider leur amie Adélaïde Duplantin , championne de l’écologie, à lutter contre le bruit, en proposant une taxe sur les décibels.
    Comme en vieillissant, Adélaïde était également choquée par la mode du nu, une taxe fut instaurée sur tout ce qui se présentait dévêtu (ce qui plut énormément aux inspecteurs chargés de l’appliquer.) Les taxes, contributions diverses, impôts, tailles, gabelles, contributions indirectes devinrent bientôt si exorbitants qu’une vague de suicide s’ensuivit jusqu’à ce qu’un Corse, rival de Giaccomoni, fit sauter le fichier informatique de tous les contribuables de la Welchie.
    Un tel régime, forcément instable, fut la cause d’une hyperinflation monumentale et catastrophique. La Welchie glissa dans le rang des pays sous-développés. Les denrées ne circulaient plus. L’argent papier pléthorique ne valait plus rien. Fallait-il en revenir au troc ? fallait-il tout nationaliser ? Comment geler les prix et la hausse des salaires réclamés à grands cris par Habib ? Le 15 septembre 2070, Ursula Porfirio disparut mystérieusement de son bureau. Enlevée par un collectif de contestataires qui réclamait son poids en papier monnaie usagé (pour faire diminuer l’inflation !), elle sortit de leurs mains folle, et fut internée sans délai.
    La nouvelle présidente Marigot Rosalie, une métisse martiniquaise, prit le parti de la non-intervention. Elle croyait au processus de la régulation automatique. L’absence du poids de l’Etat dans le désordre ambiant augmenta l’importance des syndicats qui préconisèrent une grève totale de tout envers tout et contre tout. Le pays s’immobilisa :
    « L’asphyxie de la Welchie devint totale quand les ports furent bloqués. Furieux de ne plus pouvoir expédier le poisson sur l’intérieur, les marins pêcheurs, avec leurs chalutiers, obstruèrent l’accès des ports de commerce. Exaspérés par ce blocus, les armateurs de cargos obstruèrent les ports de pêche. Rien ne bougeait plus en Welchie, mais les télécommunications permettaient encore aux citoyens de s’informer les uns les autres.
    Il n’en fut plus question quand le syndicat des agents du télévidéophone coupa tous les circuits et quand le Syndicat de l’audiovisuel suspendit les émissions.  L’un et l’autre avaient de bonnes raisons, dont personne n’eut connaissance, en l’absence de tout moyen pour les communiquer.
    Il restait aux citoyens du pays welche à se déplacer à pied. Les citadins sans ravitaillement marchèrent en direction des champs, en contournant les barrages, et dans l’espoir de rejoindre un parent équipé pour survivre. De longues files de citoyens affamés s’étirèrent à travers la Welchie, en de douloureux exodes. »
    Mais Habib fut aussitôt débordé sur sa gauche par un nouveau venu, un certain Kuala-Kota (thaïlandais) qui créa le parti révolutionnaire du C.G.L.O. (Confédération Générale du Parti Ouvrier).  Ayant francisé son nom en celui de Gaël Cotta, il partit à la conquête du pouvoir. Y étant parvenu, il mit Habib Tambour au placard et devint le «Grand Meneur » de la Welchie appliquant strictement le programme marxiste (dont il ne connaissait que le nom) de la confiscation de toute propriété privée, y compris les terres cultivables :
    « Du jour au lendemain, par la vertu de l’ordonnance élyséenne, ils cessèrent d’être les propriétaires de leurs domaines. L’Etat qui les en chassait les indemnisait avec des titres de papier qui leur donnaient droit à des versements dont le premier commencerait dans dix ans, et le dernier s’achèverait dans vingt-cinq ans, après la fin du siècle. Entre-temps, fonctionnarisé, ils devenaient ouvriers agricoles sur leurs terres remembrées, dont la gestion était confié à un conseil local. »
    La Welchie se mourut aussitôt  par une planification généralisée, descendant encore de quelques degrés dans le sous-développement. En 2081, l’eau cessa d’être distribuée à cause du manque d’entretien et de la vétusté des conduites, ce qui obligea les Cosmobolites à puiser l’eau dans des ruisseaux comme la Bièvre (un bourbier infect), ou à des fontaines naturelles. Le Grand Meneur impuissant et en fuite sera tué par Malabar, le criminel de jadis, et qui l’était resté.
    La Welchie, à bout de forces, retrouva ses particularismes locaux. Le pays se fragmenta en autant de zones autonomes qui s’entourèrent de barrières douanières. Elle glissa vers un nouveau moyen âge dans lequel les technologies d’avant et les facilités d’antan n’étaient plus que souvenirs.
    En 2090, un bateau sanitaire en provenance du Brésil qui avait conservé un haut niveau de vie, apporta une maladie nouvelle due à bactérie d’origine extraterrestre ramenée par de hardis spacionautes brésiliens dans leur exploration de Titan. Elle fut baptisée « la peste mauve » à cause de la couleur des bubons qui se répandaient sur la peau des malades. La contamination se fit à une vitesse extraordinaire, sans aucune parade possible. Les différentes « nations » de la Welchie moyenâgeuse furent affectées chacune à son tour, ce qui dépeupla les régions en masse.La religion, le culte de Théa, devint le dernier refuge des Welches.
    Le fléau dépeupla Cosmoble à la plus grande joie de Joseph Duplantin qui put enfin se livrer à ses chères études dans une Bibliothèque Nationale désertée, évitant au passage d’être contaminé.Un remède pire que le mal mit fin à la pandémie. L’incendie qui naquit à Cosmoble, sans défenses naturelles, sans pompiers, sans eau, engloutit la quasi-totalité de la ville réduisant en cendres les connaissances transmises de générations en générations.
    En 2098, la Welchie se présente comme un territoire dépeuplé où la faune et la flore sauvage revivent, où subsistent des villages isolés vivant chichement sur leurs productions locales. Ce territoire, pour une raison obscure, attira soudain l’attention des Orientaux, le peuple des Hautres et de leur chef Yuluwu qui entreprit une percée vers l’Ouest à bicyclette, moyen de locomotion volé aux Chinois.
    Par vagues successives les Hautres pédalèrent en direction de l’Occident en empruntant les voies d’invasion tutélaires, dirigeant leurs guidons vers le sud de la Welchie que Yuluwu savait ensoleillé. Ses troupes épargnèrent Cosmoble, ville ruinée, cernée par les brouillards et des millions d’envahisseurs trouvèrent un nouvel asile autour de la Méditerranée où ils s’établirent :
    « Lassés d’avoir tant pédalé, les Hautres se débandèrent à l’approche de la Méditerranée. Leurs vélos d’ailleurs refusaient tout service. Qu’étaient devenues les machines bien astiquées des Si-Chaniens ? Roues voilées, pédaliers faussés, guidons tordus, pignons édentés. Après huit ou neuf mille kilomètres, tout ce matériel était bon pour la ferraille. Les Hautres, pour leur part, étaient bons pour le repos.
    On en vit se fixer entre Bandol et Cavalaire, entre Impéria et Viareggio. Il en fut qui s’égaillèrent en Lombardie, ou qui, par le Danube, reprirent à petites étapes le chemin de l’Orient. Yuluwu se laissa ensorceler par une fille de Vérone au regard de feu ; et il en fit sa quatrième femme.»
    Près d’un feu de bois, dans le petit village de Gonesse, Joseph Duplantin réchauffait sa vieille carcasse tout en exprimant l’ espoir qu’un jour son pays puisse se relever et retrouver sa dignité.
    Le récit, sérieusement documenté, le style tout en finesse, une ironie mordante et une philosophie doucement désabusée, amènent le lecteur à se faire une image d’un futur national plausible dans ses grandes lignes. L’entropie dont est frappé notre Etat quand ses forces déclinent, ressemble à celle de l’individu vieillissant. Une leçon de morale en forme de roman

  8. Type: livre Thème: invasions extraterrestres, disette d’éléments, sociétés post-cataclysmiques 1 Auteur: J.H. ROSNY AINE Parution: 1993
    Deux physiciens, Langre et Meyral, font une découverte stupéfiante: la lumière est malade, elle se dédouble, les longueurs d’onde les plus longues dévorant les plus courtes. Suite à cela, la folie gagne les rues de Paris, le psychisme des gens étant perturbé. Ils se piétinent incapables de résister à leurs mauvais instincts. C’est dans cette ville en délabrement que Langre et Meyral vont arracher Sabine, la nièce de Langre, des griffes de son mari.
    Ils la mettent en sécurité dans leur laboratoire et continuent leurs recherches. Ils apprennent bientôt que les vagues de folie destructrices sont liées au rythme solaire, à la disparition des couleurs du spectre ce qui entraîne aussi la perturbation totale des communications. Peu à peu le rouge, puis le jaune, le vert, puis le bleu, disparaissent. Enfin vint :
    " L’aube, puis le jour, un jour qui ressemblait aux nuits du poète quand l’aurore boréale monte à travers les nuées. "
    Le groupe, réuni autour de Langre, subit un dernier assaut, fatidique pour beaucoup d’humains, le froid se fait sibérien, la folie rôde. Soudain le phénomène, comme une vague, décroît. Mais il a laissé des traces douloureuses en modifiant le comportement des individus.Nos deux héros se réfugient à la campagne, dans une villa, pour se reposer. Ils constatent qu’un lien émotionnel de plus en plus intense, les unit. Meyral note, en face de l’impossibilité de quelques-uns à s’éloigner de la maison:
    "Remarquez que d’instinct nous nous sommes approchés de la maison, c’est à dire du centre favorable.Ce qui m’étonne le plus c’est en somme qu’il ne s’agit pas d’un instinct proprement social. Nous ne désirons pas nous réunir à d’autres groupes. Les groupes du village ne le désirent pas non plus... Hier, quand j’ai voulu aller seul au bord de l’Yonne, j’ai ressenti, à mesure que je m’éloignais de vous tous un véritable sentiment de détresse."
    Le phénomène du " groupisme " est né. Les membres d’un même groupe seront désormais obligés d’évoluer ensemble sous peine de mort. L’humanité a changé de nature. Les liens sociaux universels se sont rompus pour donner naissance à une sorte "d’Homo-Gestalt", à la mobilité circonscrite dans une zone d’action réduite :
    " Il inscrivit quelques notes sur son carnet et reprit sa route. Ce fut pénible, ce fut douloureux. De minute en minute la difficulté s’aggravait. Quand Meyral ayant dépassé l’îlot fut en vue de l’aqueduc, la marche devint épuisante : c’était comme s’il avait traîné un chariot, de grosses gouttes de sueur coulaient dans sa nuque. En même temps une souffrance aiguë envahissait tout le corps; les tempes semblaient pressées par des plaques de bois: le coeur haletait; des brûlures lancinaient les poumons. Il savait que ses peines se répercutaient là-bas, moindres cependant, réparties, diluées. Jusqu’à l’aqueduc, il persévéra; enfin la fatigue devenant intolérable et se sentant à bout de forces, il s’arrêta:
    -Inutile de pousser plus loin l’expérience! Le soulagement musculaire fut instantané. "
    De retour, Meyral fit part de son expérience aux autres membres du groupe. Langre surenchérit:
    «Si je n’étais en proie au plus absurde optimisme, je serai saisi d’horreur. Car tout se passe comme si nous étions devenus une sorte d’être unique.»
    Langre arrive à la conclusion suivante:
    " Oui... nous sommes pris dans un piège immense... Nous sommes saisis par une autre vie. "
    Cette " autre vie " se manifestera par des taches sur le corps de tous les membres.  Pourtant l’été est splendide et les récoltes s’avèrent bonnes. Tout irait donc pour le mieux à l’intérieur du groupe qui partage des émotions de plus en plus intenses si ce n’était l’arrivée d’une nouvelle menace: le "carnivorisme". Comme une épidémie, un besoin incoercible de viande se fait jour parmi les humains, les rendant identiques à des animaux. Entre temps, nos héros s’aperçoivent que les taches qui les recouvrent sont toutes réunies en un réseau de filaments qui se nourrissent de l’énergie des émotions:
    " Vous croyez que ce flux (celui qui a entouré la terre) tout entier était vivant? –Non -Vous croyez que les taches le sont? -J’en suis sûr. Le phénomène dont nous sommes victimes est d’ordre organique. Chaque groupe ,selon moi, est englobé dans un être. "
    La menace du carnivorisme se fait pressante car le manque de viande est mortel. Venu de Westphalie le mal se répand sur l’Europe et se rapproche de la villa où se trouvent nos amis. Langre en organise la défense lorsque le groupe , à son tour, est atteint par la maladie. L’idée lui vient que des champignons combleraient le besoin de viande. Il emmène ses compagnons dans une vieille champignonnière, perdue au fond des bois, où ils pourront assouvir leur besoin. En mangeant des cèpes par grosses quantités, ils se sentent mieux instantanément.
    Ils décident donc de s’établir là pour repousser les "carnivoristes" qui s’approchent, en s’alliant avec les groupes voisins, à qui ils révèlent leur secret. En attendant l’assaut final, Meyral et Langre, devenus chefs,  font fortifier le village. L’attaque survient :
    "On commençait à percevoir des voix sourdes, des grondements de bêtes, de piétinements. Cela venait de l’ouest, mais à mesure la rumeur se propageait au nord et au sud. Parfois un cri sauvage, une plainte retentissante annonçaient des blessures ou une agonie. "
    Après ce combat sauvage, la villa est épargnée et la vie continue cahin-caha, jusqu’à ce que leur arrivent des nouvelles d’espoir  
    " Chaque jour, les nouvelles devenaient plus favorables. Le lien surnaturel qui entravait les sociétés se défaisaient rapidement: l’action individuelle reprenait. "
    La conclusion appartiendra à Langre lorsque, devant un aréopage distingué de physiciens, il exposera sa théorie:
    " On peut conjecturer que c’est UN MONDE ou un fragment de monde qui a rencontré notre terre. De toute évidence CE MONDE appartient à un système très différent de nos systèmes solaires. Il ne s’ensuit pas qu’il fasse partie de systèmes situés en dehors des étendues occupées par la voie lactée et par les autres nébuleuses .
    Il se peut que notre espace comporte des espèces différentes d’univers, tantôt susceptibles d’agir partiellement les uns sur les autres, tantôt d’une indifférence et même d’une perméabilité mutuelles à peu près complètes. Dans ce denier cas, la coexistence des univers, quelle que soit leur proximité, ne donne lieu à aucun trouble perceptible, tandis que dans le premier cas des cataclysmes proportionnels aux analogies sont possibles.
    Le monde qui vient de passer au travers de notre système n’avait pas assez d’analogie avec le nôtre pour détruire notre terre (la masse planétaire semble n’avoir subi aucune modification sérieuse), mais il en avait suffisamment pour attaquer nos énergies superficielles et pour menacer la vie. Un degré d’analogie de plus, ou un passage moins rapide de la catastrophe, et l’animalité terrestre disparaissait.  Quoiqu’il en soit, nous posons l’hypothèse que nous avons subi le heurt d’un monde, incapable de compromettre l’existence de notre globe, et même de troubler sa marche, et que ce monde comporte, comme le nôtre, un règne organique."
    "La Force mystérieuse" est un chef-d’œuvre de l’anticipation française. L’action, constamment relancée, l’intrigue qui ne s’embarrasse pas de fioritures sentimentales (contrairement à l’habitude du roman de l’époque) , des personnages bien campés, cela seul suffirait à en faire un bon roman. Les idées extraordinaires qui annoncent la science-fiction moderne foisonnent : disparition des couleurs et leur influence sur le psychisme, création de l’Homo-Gestalt, rencontre avec un univers parallèle et des êtres radicalement  autres, font de Rosny Aîné l’un des auteurs-clés de la science-fiction d’expression française.

  9. Type: livre Thème: savants fous et maîtres du monde, la cité foudroyée Auteur: Vargo STATTEN Parution: 1952
    Soudain le centre de Londres fut en proie aux flammes dévastatrices et à une chaleur intense :
    « Du ciel bleu et doré de l’été, un gigantesque éclat de lumière fulgura brusquement, aussi intense et insoutenable que si le soleil tout entier avait fait explosion. Pendant l’espace de quelques secondes, les vieilles rues de Londres, noires de suie et de poussière, furent transfigurées en un décor de féerie. La cité eut subitement l’aspect irréel d’une agglomération d’immeubles blancs qu’un éclair de magnésium illumine dans la nuit.»
    Le premier Ministre de Grande Bretagne, Sir Douglas Jaycott, fut averti par une mystérieuse organisation qui se nommait « la Flamme Cosmique », de remettre immédiatement sa démission et de transférer le pouvoir au membre désigné de ladite organisation, faute de quoi, n’importe quelle ville, n’importe où dans le monde serait frappée à mort.  
    Devant son refus, le criminel procéda : Londres à nouveau, puis Glasgow, Melbourne, New Delhi…Jaycott,  convoquant deux agents très efficaces du Bureau, Bob Curtis et Englefield, pense que le malfaiteur ne peut être que le savant Gideon Clay supposé travailler sur une « machine incendiaire » gouvernementale détournée à son profit. Sa fille, Dorothy Clay, convainc Bob et Englefied de l’innocence de son père et, à eux trois, ils vont tâcher de soulever le voile du mystère.
    Etant sûrs que le crime a seulement pu être commis à partir de l’espace, ils s’embarquent dans leur fusée –car en ces temps voyager dans le système solaire n’est pas plus compliqué que d’acheter des cigarettes au tabac du coin –, et découvrent, proche de la terre, une immense lentille formée du cristal le plus pur, une sorte d’astéroïde, investie par les malfrats. Capturés, ils seront derechef mis en présence du cerveau de la « Flamme Cosmique » qui n’est autre que… Sir Douglas Jaycott lui-même, prêt à dominer le monde et la Grande-Bretagne. On comprend mieux maintenant pourquoi il a tant insisté pour mettre le papa de Dorothy en prison.
    Incidemment et préalablement à ces faits, Englefield avait été approché par le chef d’une mystérieuse soucoupe volante. Adam Charteris – c’est son nom –  est un savant terrien qui a voué sa vie à la cité spatiale et scientifique de Marinax. Dotée de pouvoirs scientifiques immenses, Marinax,  qui croise au-delà de l’orbite de Pluton, est le berceau de scientifiques terriens, tous volontaires et cooptés, qui ont coupé tout lien avec leurs concitoyens pour vivre en paix. On les comprend.
    Englefield, flatté d’avoir été pressenti par Charteris, tient d’abord à remplir sa mission personnelle : détruire la loupe infernale qui menace la terre. La seule manière d’y parvenir serait de faire exploser l’astéroïde.De fait, une mauvaise manipulation l’expédie, lui et ses deux amis, aux confins de l’univers par le truchement d’une vitesse quatre fois supérieure à celle de la lumière. Manquant de peu d’y laisser leur peau, ils reviendront dans le système solaire grâce au génie scientifique d’Englefield qui se sert d’un minerai «d’oxyde magnétique » trouvé en ces parages isolés.
    Une étape obligée sur Vénus, le temps pour eux d’établir leur plan d’action, les révèle à Jaycott, devenu le Maître du monde.C’était sans compter avec Adam Charteris qui fait pencher la balance en leur faveur. Par « télépathie suggestive » il libère Gideon Clay et l’incite à s’expliquer avec le maître du monde. Bob Curtis et Dorothy resteront sur Vénus pendant qu’ Englefield le héros, précipite sa fusée bourrée d’oxyde magnétique sur la lentille extraterrestre, sacrifiant sa vie par la même occasion.
    Là encore Charteris intervient en l’arrachant à son malheureux destin pour qu’il puisse l’aider dans la merveilleuse cité scientifique de Marinax.Nous voilà rassurés : Jaycott sera exécuté par Gideon, Dorothy et Bob convoleront en justes noces.
    Un récit pour adolescents des années cinquante. Conte moderne dans lequel les vils agissements de l’ogre Jaycott sont contrecarrés par les heureux effets de la fée Charteris accordant son soutien au Chat Botté Englefield. De la belle ouvrage !

  10. Type: livre Thème: fins du monde, fins de l'humanité Auteur: François DODAT Parution: 1986
    " Juché sur la dernière fenêtre du monde, le corbeau regardait distraitement s’enfoncer la terre comme un baldaquin de mains et d’adieux derrière la fumée lointaine du soleil, rouge de soir inutile et d’espérance trahie. "
    L’expression d’une nostalgie de la finitude.