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Bienvenue dans la Base de Données des livres !

Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !

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Livres

  1. Type: livre Thème: guerres futures 2 Auteur: Léopold FRACHET Parution: 1948
    Le professeur Solvol a réuni autour de lui un aréopage de financiers pour leur expliquer sa fantastique découverte. Par un changement opéré dans la structure atomique de l’eau, Solvol a pu solidifier l’eau de mer. Il envisage de construire une route sur l’Atlantique pour relier l’Europe à l’Amérique en sollicitant des fonds pour son projet. Celui-ci n’eut pas le temps de voir le jour pour deux raisons. La première, c’est que le professeur Solvol disparut peu de temps après sans plus donner de signes de vie. La deuxième, c’est le déclenchement de la deuxième guerre mondiale où les Allemands triomphèrent sur terre et sur mer. De terribles batailles maritimes eurent lieu qui devaient empêcher l’approvisionnement de la Grande-Bretagne en fournitures de guerre :
    «Les mers étaient sillonnées par de véritables forteresses flottantes qui bravaient les pires tempêtes uniquement pour aller surprendre l’ennemi dans ses repaires les plus inexpugnables. Et l’ennemi, bien entendu, répondait par les mêmes moyens et rendait les coups avec une générosité digne d’un meilleur usage. Bref… La guerre faisait rage et menaçait de détruire le monde entier pour peu qu’elle durât encore longtemps à ce rythme épouvantable. »
    Alors que le sort semblait favorable aux Alliés, soudainement, de nombreux navires coulèrent, comme s’ils avaient heurté un obstacle transparent et solide.Les Allemands, qui avaient enlevé le professeur Solvol, avaient mis en application son invention, barrant la route maritime depuis les Açores jusqu’à l’Islande. Cette digue fut puissamment bombardée mais les brèches immédiatement comblées par les diligents sous-marins allemands qui utilisaient le « Désintégrateur A » mis au point par Solvol. Les Alliées étaient en passe de perdre la partie malgré les batailles titanesques livées autour de l’obstacle, lorsqu’un aviateur français nommé Dumoulin, fortuitement évadé d’un camp allemand, les éclaira sur le sort du professeur Solvol, qu’il avait fréquenté dans une cellule du camp de Meresbourg. Le savant était mort depuis, mais avait confié les principes de son invention à Dumoulin, surtout les plans de construction d’un « Désintégrateur B », censé désunir les atomes solidifiés :
    « Ce ne fut qu’au bout de quatre heures que le premier résultat apparut : une fissure dans le barrage. Puis cette fissure grandit, grandit encore, prit la forme d’une véritable brèche, semblant s’affaisser dans l’abîme. Littéralement, elle fondait, ce qui n’avait rien de surprenant puisque les éléments du Solvol dont elle était composée avaient été empruntés à la mer. Sans bruit, presque instinctivement, la route de l’Atlantique retournait à sa forme première. Bientôt elle fut complètement disloquée sur plusieurs milles de longueur. D’énormes blocs de Solvol flottaient et partaient à la dérive, semblables à des icebergs. »
    Un travail scientifique acharné permit la démolition progressive du mur et fut la cause de la victoire des Alliés sans que l’Européen moyen ne sût jamais rien de cette aventure.
    Une petite nouvelle gauchissant l’histoire datée par des éléments conjecturaux injectés dans une guerre réelle qui, du coup, prend une dimension onirique.

  2. Type: livre Thème: le dernier homme, Adam et Eve revisités Auteur: Albert VIVIES Parution: 1924
    Le narrateur est d’un type biologique particulier. Quand sa mère, une Française de Paris, s’est trouvée seule survivante de l’avion qui s’était écrasé au cœur de l’Afrique, elle a pu survivre en étant recueillie par une tribu de gorilles.
    Devenant l’objet du mâle dominant, elle s’est trouvée enceinte de ses œuvres. Le narrateur est son fils, produit d’un gorille et d’une humaine. Elevé comme ses frères et sœurs dans la sauvagerie, il a néanmoins acquis, à travers l’éducation active de sa mère, des réflexes purement humains et la logique de pensée qui caractérisent notre espèce.
    Encore jeune, lui, ainsi que sa mère, n’eurent aucune conscience qu’ils restaient les seuls survivants humains de ce globe. En effet, un vent d’apocalypse composé de l’ensemble des miasmes produits par des charniers guerriers, a soufflé la mort sur le monde, tuant instantanément la totalité des êtres humains.
    A ses quinze ans, sa mère meurt,  terrassée par une fièvre maligne. Resté seul de sa race il va s’appliquer à se chercher une compagne humaine, suivant en cela les ultimes recommandations de sa mère. Sa fuite fut difficile. Talonné par son père-gorille qui brûlait du désir de se venger de l’avorton, il fut obligé de le tuer. En sortant de la grande forêt, tout en suivant les bordures des déserts et en longeant les diverses côtes, il se retrouva en Egypte au bout d’un très long temps, s’attendant à y rencontrer ses semblables. Une terrible déception le guettait : des rives du Nil aux pyramides de Gizeh, personne, ou plutôt :
    « Pas à pas, j’arrivais à la mer promise, trébuchant sur les tas, dans la plaine, d’ossements desséchés ; des crânes, patinés par le vent du désert, grimaçaient au soleil ; des monceaux de squelettes plaquaient leurs blanches ondulations sur la terre durcie, vestiges des charniers où se brisèrent les chocs des cohortes humaines. »
    Se repérant sur un atlas, il entra en terre de Canaan puis, guidé sans doute par l’Esprit universel, il continua sa route vers la terre de France, en traversant l’Italie, espérant découvrir à Paris, sa patrie, la femme avec laquelle il pourrait perpétuer le genre humain. Il arriva dans une capitale déserte de vie mais peuplée de squelettes. Sa première visite fut pour les trésors de la Bibliothèque nationale où il méditera sur les restes humains :
    « Aussi endurci que je fusse contre les évocations, après quatorze années de pèlerinage dans le fantastique ossuaire qu’était devenu le monde, ancien domaine de l’homme, une stupeur respectueuse m’arrêta quand, sur un lit aux draps dentelés par les mites, je trouvai deux squelettes allongés côte à côte. Toute mon hérédité reflua vers mes tempes qui se mirent à trembler. Qui étaient ces deux-là ? mes grands-parents peut-être ? Je tombai à genoux. Pourquoi ce geste auguste ? Retour miraculeux du formidable aimant qui relie les générations. La chaîne se renouait. »
    Une évocation indispensable de la belle histoire française, liée à la grandeur de l’empereur Napoléon, lui fait comprendre à quel point il ressemble à ce dernier.  Enfin, las de chercher une femme introuvable, il s’établira en une petite maison avec jardin,  proche de l’avenue des Champs Elysées où il fera pousser mélancoliquement des fleurs.
    Pourtant, il n’abandonne pas l’exploration de la ville, poussant de la gare d’Austerlitz à la chapelle de la Salpêtrière où –chose inouïe !- il aperçut des traces de pas étrangères. Enfin, l’avait-il trouvé,  sa femme !:
    « La silhouette grandit ; elle marche toute droite ; mes mains s’agitent ; je me mets à trembler. O merveille ! Les formes se précisent ; c’est une femme ; ma vue prend une étrange acuité ; « elle » porte des vêtements, car il fait froid, mais la marche accuse le dessin voluptueux ; les épaules étroites ; les hanches qui débordent ; les ondulations lentes des fesses qui louvoient ; les cheveux sont épars et flottent librement. (…) Un frisson sinueux court dans mes vertèbres; mes artères sont gonflées d’un grandissant tumulte ; un voile de sang injecte mes prunelles ; mes tempes battent à se rompre ; les nerfs de mon cou se tendent comme des cordes ; ma mâchoire se rétracte, découvrant mes canines ; un peu de bave monte à mes gencives rouges ; les ailes de mon nez palpitent en saccades. C’est le rut qui rue, c’est la bête en folie »
    Domptant à grand’peine sa part animale, il procédera à un contact en douceur, vainquant le gorille en lui et se soumettant au génie de la féminité.
    Geneviève – c’est son nom – devenue son amie, évoque brièvement son passé, comment, en ayant essayé le narcotique de son père médecin, elle fut épargnée par la catastrophe universelle et comment, seule depuis trente ans, elle avait survécu, à moitié folle en arpentant la grande ville silencieuse.
    Aujourd’hui elle habite au muséum d’Histoire naturelle, dans un coin du Jardin des Plantes. Ne souhaitant pas de rapport sexuel prématuré, elle soumet donc le jeune homme-gorille a un rituel d’attente en lui fixant un rendez-vous dangereux, où, menacé d’être dévoré par des loups, il sera sauvé par l’éléphant domestique de Geneviève et réconforté entre des fleurs et du vin, dans son petit chez-soi. Ainsi se trouva-t-elle finalement enceinte,  accomplissant malgré tout « la Reprise » :
    « Dans les compétitions que les hommes organisaient jadis entre eux, courses desquelles il était beau de sortir vainqueur, il arrivait qu’ils se groupaient par équipes se relayant à volonté ; et lorsque dans un groupement de coureurs solidaires, l’un, en ligne, faiblissait, il se voyait remplacer par un camarade frais, je veux dire non fatigué, c’était la reprise ; les hommes ne sont plus , l’humanité a faibli par sa faute et son opiniâtreté à se détruire, je reste pourtant, et mon idéal est d’opérer une miraculeuse Reprise, car il faut que la course continue, l’Homme ne saurait mourir. »
    Un ouvrage curieux et nombriliste où l’auteur, se servant du prétexte cataclysmique, se livre à une série de réflexions à propos de la littérature, la peinture, la sculpture, privilégiant des tableaux artistiquement travaillés à la mode «romantique-kitsch » fin de siècle. Un récit en décalage à cause d’un style contourné et précieux travaillé par un auteur en représentation permanente devant le miroir des lettres.

  3. Type: livre Thème: épidémies Auteur: Robert COLLARD Parution: 1946
    Pasacalon et Le Bozec sont deux inspecteurs de la P.J. envoyés de Paris à Sens, aux alentours de Noël, pour enquêter au sujet d’un crime commis sur la personne de madame Péchut, une mère maquerelle notoire. Morte assassinée, elle présente des taches vertes sur le corps, signe d’un empoisonnement. Mais lequel ? Et comment ?
    Ils mènent une enquête serrée auprès des commensaux de madame Béchut : Véria et Brevin, deux médecins retraités, Victor, le cousin, Doudou et Flora, pensionnaires de la « maison d’illusions ». L’enquête piétine alors qu’autour d’eux « la mort verte » fait des ravages. Les cadavres se comptent par dizaines puis par centaines. En présence d’une épidémie foudroyante qui se propage par l’haleine, la morgue et l’hôpital sont débordés :
    « Aux abords de l’hôpital Saint-Jean, la ruée des malades se faisait plus dense, rendue plus lamentable encore par le mauvais temps. La salle d’attente étant désormais trop petite pour recevoir tous les postulants à l’admission, les derniers venus devaient rester dehors. Dans le nombre, il y avait des morts récents, déjà recouverts d’un linceul de neige, qui leur donnait l’aspect de statues allongées sur une pierre tombale.»
    Comme nos deux enquêteurs, ainsi que Véria et Flora ne sont pas atteints, ils supposent avoir été immunisés d’une manière quelconque ; en l’occurrence, ils soupçonnent le produit contenu dans la fumée des cigarettes rares offertes par Véria à Flora, et qui,  à son tour et sans le savoir, les a proposées aux inspecteurs, malgré la défense de Véria.
    Automatiquement, les soupçons de la mise en œuvre de la mort verte retombent sur Véria que les inspecteurs prennent en filature. Entre temps Sens et sa région ont été mises en quarantaine par les services sanitaires de l’armée américaine (nous sommes dans l’immédiate après-guerre). Nul ne sort plus de la ville. Des étrangers, pourtant, y entrent, un Chinois (To Van Ba), deux Suisses allemands (qui se disent représentants de commerce) et un comte italien, le comte d’Ella Croce, alias Vittorio Spoletta, alias Demonax, un bandit et assassin notoire, lié à la mafia. Pour Le Bozec, ces arrivées traduisent la volonté de pays étrangers de s’approprier le microbe inconnu pour un usage militaire.  Une entrevue entre les malfrats éliminera Chinois et Allemands, laissant le champ libre à Demonax, qui n’hésitera pas non plus à perpétrer des attentats contre les deux inspecteurs. L’épidémie provoque des ravages dans la population :
    « Dès que le fourgon, quittant les grandes artères centrales, se fut engagé sur la route du cimetière, il rejoignit et dépassa d’autres cortèges funèbres, presque tous sommaires, improvisés, dépourvus de tout faste : charrettes de campagne, voitures à bras, voire même brouettes, chargées de cercueils, la plupart faits de planches de sapin hâtivement rabotées, sans un drap noir pour les recouvrir. Plus on se rapprochait du champ de repos, plus cette circulation macabre devenait intense. Le verglas donnait à ce pitoyable défilé une allure grotesque. Les chevaux glissaient, s’abattaient sur les genoux, leur conducteur les relevait en jurant. Les rares piétons qui suivaient leurs morts butaient à chaque instant, tombaient, se remettaient debout et, au risque de choir de plus belle, couraient pour rattraper le convoi. Un tombereau empli de cadavres entassés, recouverts d’une bâche que le vent soulevait, laissait entrevoir, par intervalles son lugubre chargement. »
    Alors que Brévin est mitraillé par mégarde, un dernier et mystérieux personnage entre en scène, que l’on peut confondre avec Véria. Il (ou plutôt elle) s’avère être la sœur jumelle de Véria, Héléna, la vraie responsable de la dissémination du microbe mortel, laquelle a agi par vengeance envers une humanité détestée.  
    Blessée à mort par Démonax (toujours lui), Héléna indique à Le Bozec l’endroit où elle a caché, et le réservoir à microbes, et son antidote. L’épidémie sera enrayée mais Démonax s’éclipsera, emportant avec lui un échantillon de l’arme biologique. Tout le monde est content. Surtout Le Bozec et Pascalon qui, en cette veille de Noël, et avant de rejoindre leurs familles respectives, consommeront gratis à la pension de feu Madame Béchut.
    Un roman policier dont l’argument épidémique cède le pas à l’évocation d’une ambiance crépusculaire et provinciale, deux personnages de policiers avisés un brin franchouillards, des morts par centaines, entretiennent l’intérêt du lecteur.

  4. Type: livre Thème: menaces idéologiques, menaces technologiques Auteur: Jacques DES GACHONS Parution: 1908
    Cette nuit de Noël fut spéciale. Lorsque les bourgeois sortirent des restaurants parisiens pour rentrer chez eux, toutes les automobiles  - et leurs chauffeurs - avaient disparu. Arrivés chez eux, ils eurent une autre mauvaise surprise : les gens de maison, de connivence avec les chauffeurs, avaient dérobé tous leurs biens :
    " Ils eurent beau sonner, heurter, appeler : personne ne vint à leur rencontre. Il n’y avait plus de domestiques dans aucune des maisons des soupeurs ahuris. L’électricité, fébrilement " allumée ", éclaira une sorte de carnage. Tous les coffres-forts avaient été forcés, pillés. Dans les armoires, des mains hâtives avaient fait une abondante razzia. Des objets de valeur manquaient dans les salons. L’argenterie avait disparu. "
    C’est ainsi que débuta le mouvement universel de révolte des petites gens contre la classe dominante, appuyé sur l’avancée mécanique : des milliers de voitures qui sortaient de Paris en un grand élan fraternel et d’opposition, pour prendre la route du sud :
    "Vers onze heures, l’exode commença. Des Champs-Elysées, des Ternes et de Montmartre, de Passy et des Buttes-Chaumont, autos de luxe et autos de commerce, vastes limousines, coupés ministériels, voiturettes défraîchies, confortables omnibus, camions, taxi-autos, toutes les sortes de véhicules à pétrole se dirigèrent vers le sud de Paris, comme attirés par un puissant aimant. L’entente était parfaite, grandiose.
    En silence, par les avenues, les boulevards, les rues, roulaient les voitures de Paris. Chargées de butin, elles se rejoignaient, prenant la file, à leur rang, obéissantes et têtues ; elles s’en allaient. Elles fuyaient le froid de Paris, à la poursuite du soleil, de la joie, de la liberté.
    Les sociétés secrètes qui existent entre les domestiques s’étaient depuis quelques années, étrangement développées, resserrées. Les meetings, - à cause de leur  indiscrète publicité,- avaient été supprimés. Une vaste association, toujours en éveil, toujours en séance, pour ainsi dire, avait été crée dont les membres se tenaient comme les anneaux d’une chaîne. (…) Vingt mille chauffeurs avait médité, puis brusquement décidé un grand coup de force qui les faisait tout à la fois, riches et libres. Par la porte d’Orléans et la porte de Montrouge, par la porte d’Italie et celle de Choisy et par quelques autres portes de secours, - car il fallait éviter les attentes, les bousculades, les autos quittaient la ville. Le mot d’ordre était : " réveil et réveillon " - Réveil et réveillon, criaient les chauffeurs. "
    Arrivée dans les grandes plaines de Beauce, il fut procédé à un  ralliement et au partage du butin. Cela ne se fit pas sans mal car la démocratie – surtout pour les voleurs – ne s’improvise pas. Après les premières dissensions et les premières victimes, la cavale sauvage se poursuivit avec, parfois, des accidents mortels. Bien accueillie au départ par les autochtones qui voyaient en cette bande motorisée une nouvelle troupe de Spartakistes, les voleurs qui se querellaient entre eux eurent bientôt mauvaise presse :
    "Alors recommença le terrible concert des cornes et des sirènes. Dans la campagne bêtes et gens tremblaient de peur: cette clameur ne ressemblait à rien de déjà entendu. C’est à croire à l’envahissement de la terre par des êtres extraordinaires dont la respiration eut été un beuglement. (…) Au bout de deux heures, comme un ouragan passe, le bruit brutal s’atténuait, quelques notes encore éclataient, puis c’était le silence, un silence qui laissait les oreilles malades, hallucinées, bourdonnantes."
    Les portes claquèrent et les volets se fermèrent à leur arrivée. A plusieurs reprises, et malgré des arrêts dans le sud du Massif Central consentis pour étudier une forme de gouvernement applicable au mouvement, l’anarchie perdura. De nombreux chauffeurs, pensant qu’il valait mieux être un chien gras qu’un loup maigre, décidèrent de retrouver leurs maîtres parisiens. Les autres, poursuivant leur équipée en direction de la mer, furent peu à peu décimés par les gendarmes et par leur mauvaise conduite (au propre comme au figuré). Lorsque les dernières automobiles basculèrent dans l’eau du haut d’un ravin,  tout fut consommé :
    " Tout à coup, à un virage, sur la corniche à pic, la première voiture perdit pied, s’élança dans le vide et les autres, du même élan, suivirent. Les sirènes chantaient. Les hommes, cramponnés, éclataient de rire : -Nous arrivons, nous arrivons ! Vive la liberté ! A bas les patrons ! Un petit bruit au milieu du bruit de la mer, les cinq dernières voitures n’étaient plus. "
    "La révolte du pétrole " s’appuie sur le fantastique technologique : tout se passe comme si "la mécanique", douée d’une vie propre avait décidé de rouler pour son propre compte. Pourtant, l’état d’anarchie, si joyeusement évoqué par l’auteur, se défait devant l’ordre établi. Un conte débridé et rare.


  5. Type: livre Thème: invasions d’insectes Auteur: Norbert SEVESTRE Parution: 1924
    A Yen-Bang, près du fleuve Son-Coï au Tonkin, surviennent des événements très bizarres. Le savant Léonce Dauriac s’active derrière les murs de sa concession où s’alignent de mystérieuses cages. Protégé par un détachement de gardes français commandé par Séverin Leclerc, un vieil officier "jugulaire-jugulaire", approuvé par les politiques, Dauriac entretient une étonnante ménagerie. Ceci ne fait pas l’affaire de M. Simpleton, un brasseur d’affaires américain et vaguement espion, extraordinairement curieux de connaître ce qui se trame derrière ces portes.  Avec sa famille,  son fils Harris qui ne songe qu’à "boxer" tous ceux qui le contredisent, sa femme Margaret et sa fille, il utilisera tous les moyens possibles pour pénétrer à l’intérieur de la propriété de Dauriac. Comme il  essuie systématiquement une fin de non-recevoir, il chargera son serviteur N’Guyen de se débrouiller pour lui faciliter cette entrée.
    N’Guyen soudoie Hoc, le serviteur tonkinois de Dauriac contre une coquette somme de piastres. Celui-ci versera de l’opium dans le thé des soldats les rendant inoffensifs et endormis, ouvrira la porte de la concession  à Simpleton et Cie. Horrifiés, les Américains découvrent le contenu des cages : des insectes géants, énormes, de la taille de l’éléphant, un scolopendre grand comme un train, des mouches et des moustiques comme des avions, une mygale de la taille d’un char, etc.  Il s’agit d’un projet secret sur lequel travaillait Dauriac avec l’approbation du gouvernement français, le biologiste ayant mis au point un produit " la vitalose " capable de centupler la taille des plus inoffensifs insectes.
    Hoc, spolié par N’Guyen de sa rémunération,  tient à se venger illico: il ouvre toutes les cages commandées électriquement et les monstres s’échappent.  Les Simpleton prennent leurs jambes à leur cou tandis que les insectes géants s’égayent dans la forêt de bambous proche de Yen-Bang, sauf la terrifiante mygale qui poursuit Miss Margaret laquelle se réfugie en un bunker qui résistera aux assauts de la bête :
    "Avec une sorte d’obstination rageuse, la mygale s’acharnait contre la porte. Elle y cognait, la griffait, l’ébranlait de telles secousses que Margaret craignit qu’elle ne finît par l’enfoncer ou l’arracher de ses gonds. Les plaques d’acier qui la bardaient extérieurement tinrent ferme, mais rien ne décourageait la formidable assiégeante, dont la fureur se tourna vers les barreaux de la fenêtre. "
    Dauriac prend connaissance de la catastrophe lors de son entrevue avec le préfet de Védrine qui met immédiatement à sa disposition des forces militaires. Les animaux seront traqués jusqu’au dernier, non sans mal, la mygale se trouvant être la plus coriace.  Monsieur Simpleton se repend, promettant d’assumer tous les frais de son inconséquence, sauf ceux de Hoc, judicieusement aplati par le scolopendre, juste punition pour sa trahison. L’honneur de tous est sauf, les monstres détruits, la révolte écrasée, les Tonkinois pourront dormir sur leurs deux oreilles grâce à la diligence des Français.
    Une histoire sans prétentions destinée aux adolescents par un romancier populaire et qui a dû faire frémir plus d’un petit cœur à l’époque de sa parution.

  6. Type: livre Thème: menaces végétales, disette d’éléments Auteur: SULLY PRUD'HOMME Parution: 1888
    L’homme, de par son activité, dédaigne le règne végétal ou l’utilise en un but mercantile. Plus particulièrement, il méprise la rose, fleur splendide dont il ne fait qu’un artifice de commande. Blasé et brutal il déshonore la nature. La rose, mortifiée, convainc ses sœurs et au-delà d’elle, le reste de la nature florale, d’arrêter de fleurir :
    Retirons-lui, dons inutiles,
    Nos parfums et nos coloris,
    Que des choses qu’il dit futiles
    Il apprenne à sentir le prix ! »
    La révolte est déclenchée, faisant que, au printemps suivant, les prairies et les arbres restèrent sans fleurs, ce qui désarçonna les insectes. Sans effet, les vents s’efforcèrent d’émouvoir les arbres fruitiers, les suppliant de revenir à leur nature première. Mais la situation perdura. Le printemps d’après, il n’y eut pas de changement :
    Au mois de mai suivant, les plantes obstinées
    verdirent sans parure, et pendant trois années,
    En dépit des savants qui ne comprenaient pas,
    Et de main esprit fort qui s’alarmait tout bas
    Et la campagne resta lugubre et monotone.
    Et le morne printemps semblait un autre automne.(…)
    Le regret des fleurs devint vif pour la race humaine «Aux durs labeurs condamnée. » Ce regret, avec le temps, se changea en besoin obsédant. Comme les rêveries de la jeune fille qui se sont évanouies, l’ennui gagne les êtres humains qui soupirent, nostalgiques, en se rappelant les beautés passées. Car sans fleurs, plus de fêtes :
    « La démence fut telle à la cinquième année,
    Que la foule vaguait stupide ou forcenée.
    Les uns, à deux genoux, subitement dévôts,
    Imploraient du soleil les anciens renouveaux ;
    Les autres blasphémaient, péroraient sur les places,
    Et soufflaient sans motif, l’émeute aux populaces
    « Des fleurs ! des fleurs ! criait la foule aveuglément.
    Puis cette fièvre éteinte, un vaste accablement
    Fit taire la révolte et l’espérance même,
    Et sur l’humanité le spleen muet et blême
    Comme un linceul immense étendit son brouillard. »
    Ce fut un vieillard poète, qui sut convaincre la rose d’arrêter son projet fou et néfaste, «Et voici qu’un Rosier s’attendrit à sa voix » La merveille de la renaissance aura lieu. Partout, la nature foisonne, les boutons éclatent à profusion, rendant à l’humanité sa joie de vivre. La foule en liesse se rue dans les champs faisant vibrer l’amour en un élan fraternel. Partout, avec les bouquets que l’on cueille avidement, éclate la joie de vivre, et les hommes« tisse(nt) des arcs triomphaux, à festons de verdure ».
    Un poème cataclysmique inattendu promouvant la beauté et la grâce d’une nature saine, exempte de pollution. Sonnant comme un avertissement écologique avant l’heure en ces temps d’industrialisme naissant, la longue poésie de Sully Prud’homme interpelle encore aujourd’hui  le lecteur (rare!), avec ses accents sombres ou prophétiques d’une évidente actualité.

  7. Type: livre Thème: guerre des sexes, matriarcat Auteur: Jerry SOHL Parution: 1954
    Travis, journaliste en congé sabbatique, découvre un vieil homme à l’hôpital dont la peau grise puis noire, augure de sa mort prochaine. Intrigué, il est témoin d’une tentative d’assassinat opérée sur le moribond par une jeune femme blonde.  De retour chez lui, il est contacté par le commissaire Tomkins l’informant que plusieurs autres cas de maladie viennent d’apparaître, tous voisins d’une maison située à Winthrop Street.  Travis s’y rend pour enquêter, y découvrant une carte de visite au nom de Rosalie Turner. Tandis qu’il retourne chez lui, il est victime d’une nouvelle tentative d’assassinat. Son agresseur, la belle blonde d’avant, qu’il désarme facilement, s’appelle Betty.
    Alors qu’elle prend la fuite, Hale, l’ami photographe de Travis, l’appelle pour lui signaler que toutes ses épreuves sont voilées. De même, tous les postes de radio d’Union City se révèleront brouillés. Une réunion de crise à la mairie met en évidence le rôle néfaste joué par ces rayons dans le déclenchement de la maladie mortelle qui ne semble toucher que les hommes. En ville une ou plusieurs sources émettrices contaminent les citoyens amenant vers  les hôpitaux quantité de moribonds :
    « Depuis la fin de l’après-midi, les douze ambulances des cinq hôpitaux  n’avaient pas eu un moment de repos. On avait convoqué les entrepreneurs de pompes funèbres et réquisitionné leurs véhicules. A l’un des bouts de la pièce, un homme inscrivait des chiffres sur un tableau noir : le total se montait à 316. Un peu plus loin, un autre homme piquait des épingles à tête rouge sur un plan de la ville. »
    Grâce à Travis qui suit la piste Rosalie Turner, la police met la main sur une mallette générant du rayonnement gamma.  Par Betty tombée amoureuse de Travis, le journaliste apprendra l’horrible vérité : partout dans le pays les hommes seuls sont visés dans leur chromosome Y par le rayonnement mortel. Les responsables de ces crimes sont des femmes, toutes élevées en couveuse, porteuses de chromosomes XX pour lesquelles il est impossible de procréer : ce sont des «haploïdes ». Elles ont juré la perte de l’élément masculin :
    « Un haploïde ? Expliquez-moi, docteur, dit Travis. – Eh bien, vous, par exemple, vous êtes un diploïde – soit dit sans vous offenser. Chacune de vos cellules comporte douze paires de chromosomes mâles et autant de femelles. Si vous ne possédiez qu’un seul type, vous ne seriez sans doute pas vivant, mais une  femme… une haploïde constituée par un seul type de chromosomes… ce serait théoriquement possible. Par parthénogenèse. »
    Travis alerte Tomkins alors que dans toutes les organisations administratives, ou dans les rue, les haploïdes, se révélant enfin au grand jour,  éliminent impitoyablement les hommes. Le journaliste et ses amis seront poursuivis, capturés, enfermés au sanatorium de Faircrast, le quartier général des haploïdes. Ils doivent la vie sauve à la nature de leur groupe sanguin de type AB, réfractaire aux rayons gamma. Travis fera enfin connaissance avec le chef suprême des haploïdes, le Docteur Garner dont Betty est la fille. Cette vieille femme a juré une haine implacable à la gent masculine :
    « Un homme maigre, hâve et hirsute sortit de l’ombre et s’avança timidement. « je vous en prie, madame, laissez-moi partir ! Ma femme est malade… j’allais chez le pharmacien quand on m’a arrêté… ayez pitié, madame… » Une gifle brutale l’atteignit en plein visage et le fit tomber à genoux. Il essaya de continuer à parler tout en se protégeant la tête avec ses mains. « Je vous en supplie… ma femme… elle souffre… » Un coup de pied à la mâchoire l’envoya rouler sur le dos. « Débarrassez-moi de cette saleté ! dit le docteur Garner. Allons, vite ! »
    Elle explique à Travis comment elle a détourné l’invention de son ex-mari (le premier mort de la série). Heureusement, ils seront sauvés par Betty en dernier recours, mais resteront assiégés, isolés, menacés par des femelles haploïdes jusqu’à ce que des hommes armés, en provenance de Chicago où la menace avait enfin été prise au sérieux, viennent les libérer. Garner mourra, Betty épousera Travis pour lui faire de beaux enfants (c’était une fausse haploïde !), et les hommes conserveront le pouvoir.
    « La Révolte des femmes » est un roman policier en son essence et traduit surtout l’incroyable angoisse de l’homme envers la femme qu’il veut soumise. Beaucoup de personnages peu fouillés, un psychologisme primaire, un mélange d’événements font de ce récit une histoire ratée. Pour du plus sérieux voir « le Rivage des femmes » de Pamela Sargent, ou « Belles dames du siècle  prochain » d’Edmund Cooper.

  8. Type: livre Thème: menaces animales Auteur: Berton ROUECHE Parution: 1974
    Lester, rédacteur à la revue « Modern Science » et Liza, un jeune couple de citadins, sont séduits par la vie à la campagne. Ils s’installent à Amangansett, une région boisée de l’île de Long Island et abandonnent leur chat dans la campagne environnante pour se sentir plus libres. Un voisin les avertit :
    « A mon avis, les véritables responsables, ce sont les gens qui perpétuent cet état choses. Je pense en particulier aux estivants qui viennent ici pour la saison et qui prennent un petit chat pour amuser leurs gosses. Quand vient le moment de retourner en ville, ils ne s’embarrassent pas de scrupules: hop, ils déposent le minet au bord d’un chemin et le laissent se débrouiller comme il pourra. »
    Ceci n’est pas bien du tout et le reste du récit le prouvera. Des signes inquiétants leur révèlent que des chats, beaucoup de chats, sont très présents autour de la propriété :
    « Je tournai la poignée et entrouvris la porte de quelques centimètres. Ils étaient toujours là. Il semblait y en avoir encore plus qu’avant. La cour en était remplie, ainsi que l’allée jusqu’à la limite du pré et de la forêt. Ils encerclaient la maison. Ils étaient tous tournés vers elle, parfaitement silencieux, assis ou allongés sur le côté, leurs yeux obliques à demi-clos, dans une attitude d’attente. »
    Bishop, un fermier, signale de nombreuses disparitions de bêtes domestiques. Un cerf est découvert mort, avec de graves blessures et les yeux crevés.  En un mot, les félins ne se contentent  plus d’observer les êtres humains ; à l’occasion, ils les attaquent. Leur voisine Julia en fera les frais, puisque mordue à la main par l’un des chats, elle mourra de septicémie à l’hôpital. De même, leur vieux chien Charlie se fera agresser à mort dans les bois. Lester se demande comment il pourrait se débarrasser du fléau. Une première visite auprès de Castelli, le gardien de la fourrière, ne produira aucun résultat sinon d’apprendre que les chats abandonnés sont légion en cet endroit. Il faudra la mort de l’un des policiers, le sergent Kruzer, envoyé en observation et sauvagement assailli, pour que les autorités municipales, après de nombreuses délibérations, prennent la décision de nettoyer ce coin de forêt où se sont rassemblés les félins :
    « Le gros chat état là, couché dans l’herbe flétrie de l’hiver. J’espérais qu’il était bien mort. Car un autre chat, celui de tout à l’heure, marron et gris, était penché sur lui, occupé à lui déchirer les entrailles. Il m’entendit, ou bien me vit, et releva la tête. Ses crocs étaient sanglants. Je le mis en joue. Il ne bougea pas. Je tirai. Sa tête vola en éclats. »
    Une battue sera organisée par tous les gens de bonne volonté dans le but d’éliminer définitivement le danger en tirant les chats au fusil ou en les repoussant à l’aide de gaz lacrymogène vers la rivière où ils se noieront. Lester pousse un soupir de soulagement : sa femme et lui pourront vivre en paix ! C’est en rentrant chez lui après cette dure journée qu’il aperçoit, sur le pas de la porte, un chat en train de se lécher…
    Un roman pour jeunes enfants dans lequel l’auteur envisage la révolte animale, certainement comme réponse aux vilenies des humains, et le danger que constitue la multiplication incontrôlée d’anciens animaux domestiques. Un petit récit sans grande surprise.

  9. Type: livre Thème: invasions extraterrestres Auteur: Serge ALKINE Parution: 1956
    Sur une Terre livrée depuis des années aux Saturniens gélatineux, l’humanité a régressé au niveau préhistorique. La majorité des hommes servent de nourriture à ces vampires extraterrestres. Seuls de petits groupes à la tête desquels Iskander, sillonnent  l’Europe pour canaliser l’énergie de la révolte. Dans Paris en ruines, les insurgés s’abritent dans les couloirs du métro devenus des catacombes, afin d’ échapper à leurs tortionnaires :
    "Sur l’autre rive ils tombèrent dans une infernale broussaille métallique où des poutrelles tordues et rouillées s’enchevêtraient comme une irréelle forêt vierge. - Voici les restes de la Tour Eiffel, cette construction extraordinaire mesurait trois cents mètres. Les Saturniens ont soufflé ses bases et elle s’est écroulée d’une seule pièce. "
    Jean Frassard est le chef de la cité souterraine. Pendant qu’Iskander, Georges, Godfroid et Bertrand sont capturés et envoyés sur Saturne où ils parviennent à se libérer et à faire sauter la planète honnie, Jean Frassard attaque avec ses troupes les Saturniens restés sur Terre pour délivrer des masses apathiques et faméliques de terriens esclaves. Les extraterrestres sont balayés et la Terre sauvée. Chic !
    Encore un petit épisode coloré d’une vilaine invasion, fort apprécié par les jeunes lecteurs des années cinquante qui, grâce au petit format pratique des fascicules Ferenczi, purent passer à l’école mainte journée d’ennui.

  10. Type: livre Thème: épidémies Parution: 1925
    Un groupe de joyeux bourgeois passe une merveilleuse soirée mondaine chez Aristide Pommart, l’industriel richissime, le vendeur de gramophones. Il y a là un jeune politicien brillant, Félicien Machado qui laisse percer une liaison avec Nicole Pommart, la fille du susdit industriel, Plancher-Valcour, le directeur de " l’Indépendant ", qui ne l’est que de nom, le fier ténor Fioravanti Campobasso, Johan Sprnk (comme ça se prononce !)  diplomate moldo-valaque et Marmaduke Buffalo, industriel américain.  Tout ce petit monde ne songe qu’à profiter du système politique en place, quand Plancher-Valcour, après une séance à la Chambre des députés, apprend que l’Allemagne, en grand secret, aurait isolé un nouveau microbe ayant la capacité de rendre aphone les êtres humains. Sous la direction du teuton Von Sputz, ce microbe, baptisé " Aphonitus Generalis "  serait destiné aux  nations européennes :
    " Ce savant, le fait est indéniable, a découvert une sorte de microbe enroulé en spirales, de l’espèce dite vibrion. Le bacille Von Sputz est mobile et se colore en rouge ; il s’attaque aux cordes vocales avec virulence, et les détruit pour ainsi dire instantanément. Au contact de l’air, l’Aphonitus generalis (c’est le nom scientifique de la terrible bactérie), se multiplie et se propage avec une rapidité tellement extraordinaire qu’une bombe, chargée seulement de quelques grammes de ces êtres microscopiques, en explosant sur une agglomération, pourrait rendre cent mille personnes complètement muettes en moins d’un quart d’heure. "
    Pour en avoir le cœur net, Plancher-Valcour envoie en mission exploratoire un jeune journaliste, Emmanuel -André-Louis. Grâce à un passeport moldo-valache, à sa relation avec une ancienne amie amoureuse de lui, Melle Nina Kroll, le jeune homme arrive à entrer en contact avec Von Sputz, passionné par les bactéries de toute espèce. Le couple dérobe une éprouvette remplie d’Aphonitus Generalis et reprennent le train pour la Belgique.  Mais un affreux malheur est sur le point de se produire : André-louis, dans le train, profitant du sommeil de Nina, offre ses hommages à une demoiselle présente dans le compartiment. Mal lui en prend. Nina se réveille et lance sur  Emmanuel-André-Louis ce qui lui tombe sous la main, c’est-à-dire l’éprouvette d’Aphonitus :
    " -Nina ! Le journaliste s’était dressé comme un fou pour arrêter le geste : -Nina !… Trop tard : le petit sac à main avait pris son vol et il alla s’aplatir contre la cloison. On entendit un bruit de verre brisé… -Nous sommes foutus, c’est le bocal d’Aphonitus !… hurla Emmanuel-André-Louis. Nous sommes fout… Et, tout à coup, il n’entendit plus le son de sa voix… "
    Immédiatement le microbe se répand, enlevant toute faculté de parler à quiconque. Affolé, Louis-André accourt en pleine réunion chez les Pommart pour avertir son patron du désastre :
    " Mme Estagnon gisait évanouie sur un canapé, Machado courait de long en large comme un possédé, Campobasso et Johan Sprnk, les yeux fixes, affalés contre la table, remplissaient et vidaient leurs verres machinalement, et Plancher-Valcour, debout, froissait et refroissait entre ses gros doigts le papier maudit. "
    Toute la compagnie est rendue aphone et, de là, l’épidémie se répand comme une traînée de poudre, d’abord à Paris, puis à l’ensemble de l’Europe. Les conséquences en seront terribles et parfois… inattendues. Félicien Machado, orateur puissant, mènera dorénavant une vie de clochard, puisque privé de son bel organe et de Nicole. Amédée Québec, un jeune politicien timide gagnera en assurance n’étant plus influencé par l’affreux bégaiement qui le handicapait. Les sourds-muets reprennent du poil de la bête, prodiguant des formations à ceux qui voudront s’initier au langage des signes.  Le gouvernement tombe, remplacé par un autre plus en rapport avec la nouvelle société de muets qui émerge. Longtemps après, le 22 novembre 2850, l’archéologue patagon Chicuk Uhi met à jour une vieille caisse qui lui démontre combien ses ancêtres politiques étaient vociférants:
    " De nos jours (et c’est tout naturel), aussi bien à Oslo qu’à Caracas, à Nairoby qu’à Pernambouc, si vous levez votre petit doigt de la main gauche en l’air, le premier venu vous dira l’heure qu’il est ; si dans un restaurant vous croisez vos deux pouces l’un sur l’autre, le garçon immédiatement vous servira une tasse de thé… En un mot, un citoyen français moyen peut traverser le globe du Grönland jusqu’en Tasmanie, et partout, sans difficulté, il se fera comprendre."
    Une charge un peu lourde en forme de pochade dirigée contre les moeurs politiques françaises de l’entre-deux guerres.