Bienvenue dans la Base de Données des livres !
Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !
Livres
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Le Continent Perdu - Par BenF
XXIIIème siècle. L’Amérique de " l’âge de l’espace " est un souvenir. De nombreuses ruines quasiment intactes, rappellent sa puissance d’autrefois à une cinquantaine de millions d’Américains vivant hors des métropoles. La pollution a tout envahi: l’air irrespirable stagne en énormes bancs au-dessus des cités de la Côte Est :
" Nous survolions maintenant l’ancien New Jersey.(...) Le paysage qui se déployait au-dessous de nous était insolite : une imbrication sans fin de maisons alignées, toutes identiques et ressemblant à des boîtes, toutes de la même couleur gris - bleu due à deux siècles d’exposition au smog; d’immenses et antiques routes obstruées depuis la Grande panique par des carcasses de voitures; quelques arbres gris et tordus avec, ici et là, un carré d’herbes sèches qui ont réussi à survivre malgré le smog. "
Personne ne vit plus à New York sinon les «métroglodytes», descendants dégénérés des rares citadins qui s’étaient refusés à abandonner la ville. Enfermés dans les couloirs souterrains du métro, ils respirent un air imparfaitement recyclé et se nourrissent de plaquettes d’algues, leur espérance de vie étant des plus limitée. Les autres Américains affichent une mentalité de sous-développé. Envahis par les touristes africains, les nouveaux dominants au plan mondial, ils ont besoin de cet argent. Pour une somme rondelette, les nouveaux riches du monde désirent ressentir le grand frisson en visitant les nécropoles mécanisées de jadis , bien protégés par leurs lunettes et leurs pastilles nasales:
" Devant nous se dressaient les fameux gratte-ciel du vieux New York, forêt de monolithes rectangulaires hauts de centaines de mètres. Quelques-uns, boîtes de béton vides que la lumière bleutée qui imprégnait tout transformait en sombres et titanesques pierres tombales , étaient presque intacts. D’autres, éventrés par d’anciennes explosions n’étaient que des piles de poutrelles et de décombres dentelées. Les façades d’un certain nombre d’entre eux avaient jadis été entièrement ou presqu’entièrement vitrées. Mais, à présent ce n’étaient plus que d’aériens labyrinthes de charpentes et de plate - formes de béton, où scintillaient ici et là des surfaces de verre indemnes sur lesquelles jouaient des reflets de lumière bleue. Et très haut au-dessus des sommets des édifices les plus élevés se déployait le ciel d’un bleu brouillé, taillé en facettes, du Dôme. "
Ryan , guide touristique, mène l’un de ces groupes à la découverte d’un monde disparu. Son travail est dangereux mais il se console en se disant que le gain espéré lui permettra d’émigrer vers le Sud brésilien épargné par la pollution pour y vivre le restant de ses jours. Dans son groupe, il y a Bewala , le professeur, spécialiste de l’Amérique ancienne , qui fait le voyage pour comprendre les raisons de l’auto - destruction des Américains, Kolungo, un Ghanéen, tout imprégné de "mana", et surtout Lumumba, descendant des Afroméricains, décidé à venger le sort de ses ancêtres qui ont souffert sous la botte des Américains de jadis.
Ryan et Lumumba s’affrontent. L’un, reprenant à son compte l’héritage grandiose des Blancs, très fier des réalisations technologiques du passé, l’autre, méprisant et injurieux, contestant cette soi-disant supériorité:
" Lumumba était indubitablement arrivé à la conclusion que les métroglodytes étaient véritablement des animaux sous-humains. Comme, à la suite de Ryan, nous passions devant un groupe disparate de métroglodytes accroupis à même le sol, en train de mastiquer machinalement des plaques d’une substance verte, il se mit à faire à haute voix des commentaires qui, s’ils s’adressaient ostensiblement à moi, étaient en réalité destinés à notre guide: " Regardez ces animaux répugnants qui ruminent comme des vaches! Voilà ce qui reste des êtres sublimes qui sont allés sur la Lune : quelques milliers de stupides larves blanches pourrissant dans un cercueil hermétiquement clos "
Le conflit prendra fin lorsque Ryan et Lumumba essaieront tous deux un "casque de fusion cosmique", vestige électronique encore fonctionnel, censé les mettre en rapport avec "le Grand Tout". Choqués par cette expérience, Ryan et Lumumba comprendront que la mentalité des gens de "l’âge de l’Espace" était radicalement différente et irréductible à leur vécu quotidien.
Norman Spinrad signe une belle nouvelle qui porte sur la décadence et la mort d’une nation, insistant (à ce sujet voir également " l’hiver Eternel " de John Christopher) sur la rivalité Noirs/Blancs. La description des ruines et de la pollution suggère le meilleur de Ballard. Grâce au monologue intérieur, les personnages acquièrent une épaisseur psychologique rare dans le cadre d’un texte bref.
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Bombe Atomique - Par BenF
" Voici la bombe. Regardez-là.
Elle se repose, somnolant. S’il vous plaît
Ne la provoquez pas
Avec des bâtons, des perches, des poinçons,
Des pierres. Il est interdit de lui jeter des aliments.
Attention aux mains,
Aux yeux !
Personne ne tient compte
Des avis et mises en garde
De la Direction.
Pas même le ministre.
La présence ici de cet animal
Est un énorme danger."
Une comparaison lourde de sens dans sa banalité même.
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... But Not Least - Par BenF
…Ou la vie misérable du dernier vampire. Ayant franchi les millénaires, s’étant établi à Paris après avoir coopté Jules César à sa cause vampirique, il a pris ses quartiers dans la crypte sous la cathédrale de Notre Dame. Mais une dernière rencontre avec Jules lui fait soudain prendre conscience à quel point sa vie (nocturne) est vide de sens. Il sera malencontreusement assassiné par un ami de rencontre (le narrateur) qui lui fit subir les effets redoutables et mortels d’un rot parfumé à l’ail.
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Le Dernier Rivage - Par BenF
L’Australie reste la seule région du monde épargnée de façon transitoire par les retombées radioactives. Une guerre nucléaire a eu lieu, sans que l’on sache exactement pourquoi et pour qui. L’hémisphère boréal, entièrement contaminé, a vu mourir tous les êtres humains. Les grandes capitales d’Europe, d’Amérique, d’Asie ont cessé d’exister.
Peter Holmes, de la Royal Australian Navy, sa femme Mary et leur fille Jennifer, sont en sursis. Habitants le sud de l’Australie, près de Falmouth, ils savent, comme tous les autres autochtones, que leur temps de vie est compté car les nuages radioactifs, qui suivent les courants atmosphériques habituels, descendent graduellement vers l’hémisphère austral, recouvrant de leur manteau de mort les dernières régions encore épargnées.En attendant la résolution finale, la vie continue dans une ambiance feutrée, doucereuse, morbide où chaque protagoniste fait semblant d’ignorer l‘échéance fatale :
« Il y avait très peu de circulation sur la route. Il croisa un véhicule qui avait été un jour une automobile ; maintenant, moteur et pare-brise enlevés, un bœuf Angus le traînait. Il vit également deux hommes à cheval, se tenant avec précaution sur le bord sablé de la route et évitant l’asphalte.(…) » Les magasins étaient encore, pour la plupart, bien achalandés, mais il y en avait peu d’ouverts. Les restaurants et les cafés étaient tous pleins et faisaient des affaires d’or ; les bars étaient fermés, mais les rues fourmillaient d’ivrognes(…) Pas de circulation dans les rues, sauf les trams, et les chaussées regorgeaient de monde.»
En ce décor Peter Holmes est chargé, avec le scientifique John Osborne, de prendre ses quartiers sur l’USS Scorpion, le dernier sous-marin nucléaire de la flotte des Etats-Unis. Le submersible est commandé par Dwight Taylor sommé de vérifier, en longeant la côte Ouest des Etats-Unis, s’il subsiste encore une trace de vie en ces régions.
Avant l’appareillage, Peter se prend d’amitié pour Dwight et, comme il est privé de la compagnie de sa femme Sharon et de sa fille Helen (vraisemblablement déjà mortes, ce que Dwight affecte d’ignorer), Peter l’invite à passer le week-end chez lui, dans sa maison de campagne en compagnie de Mary. Pour qu’il ne se sente pas trop seul, il invite aussi une jeune femme délurée, Moira Dickinson. Moira ne fonctionne qu’au brandy mais, insensiblement, s’attache à Dwight qui restera un homme de principe jusqu’à l’instant fatal du dénouement.
Lors d’une première sortie de l’USS Scorpion dans les eaux de l’Amérique du Sud, les marins survivants pourront contempler, le long des côtes, des cités mortes :
«Ils restèrent quelques heures devant San Francisco et prirent des photographies au périscope. Ils retournèrent ensuite au sud jusqu’à Half Moon Bay et s’approchèrent à un demi-mille de la côte, naviguant en surface pendant un certain temps et lançant des appels par le haut-parleur. Ici les maisons ne semblaient pas avoir été fortement endommagées, mais il n’y avait aucune trace de vie à terre. Ils demeurèrent dans les parages jusqu’à la tombée de la nuit, puis mirent le cap au nord. »
Une deuxième sortie, plus lointaine, a pour objectif de vérifier l’origine de signaux morse, de type aléatoire, réceptionné par les Australiens. Quelqu’un serait-il encore en vie ? Muni d’une combinaison anti-radiations, un marin spécialiste se rend sur les lieux. Il ne découvre que pur caprice du hasard dans l’origine du signal. Le retour d’expédition est morose. Les hommes sont fatigués et l’échéance mortelle de septembre est proche. Le sous-marin, désarmé relâche dans le port de Melbourne. Dwight, l’unique survivant militaire américain a été nommé amiral suprême de la flotte des Etats-Unis. Désoeuvré, sa « flotte » étant à quai, il se retrouve souvent en compagnie de Moira qui a décidé de redevenir sérieuse et à faire « comme si… » Elle s’est inscrite à un cours de comptabilité.
Peter et Mary poursuivent une vie heureuse dans leur ferme qu’ils s’efforcent d’enjoliver. John, dont le rêve est tourné vers la mécanique, a déniché une Ferrari qu’il bichonne consciencieusement. Ainsi se continue la vie, toute en douceur et en joie amère jusque vers la fin du mois d’août où les premières retombées se font sentir. Melbourne est laissé à l’abandon, les gens se repliant sur eux-mêmes comme des animaux à l’agonie :
« (…) Dwight regarda les rues et les maisons, dans la lumière grise de ce jour d’hiver. Bientôt, dans un mois peut-être, il n’y aurait plus personne ici, plus une créature vivante, sauf les chats et les chiens qui bénéficiaient d’un bref sursis. Bientôt eux aussi auraient disparu ; hivers et étés se succéderaient et, avec le temps, la radio-activité finirait par se dissiper. Dans une vingtaine d’années, et probablement beaucoup plus tôt, ces rues et ces maisons seront de nouveau habitables. Fallait-il que la race humaine fut exterminée et l’univers débarrassé de toutes ses souillures pour laisser sa place à des occupants plus sages?»
Les pharmacies distribuent gratuitement des pilules euthanasiques pour ceux qui souhaiteraient en finir, plutôt que de traîner entre diarrhées et vomissements :
« Le pharmacien en prit une de chaque et défit la plus petite; elle contenait une petite fiole en plastique renfermant deux comprimés blancs. Il l’ouvrit, en retira les comprimés, les rangea soigneusement dans un tiroir et mit à leur place deux comprimés d’aspirine. Il replaça la fiole dans la boîte rouge, qu’il referma et tendit à Peter. -Voici ce que nous distribuerons à tous ceux qui veulent en finir, dit-il. Prenez cette boîte, et montrez-la à Mrs Holmes. Un seul de ces comprimés provoque la mort, presque instantanément. L’autre est un comprimé de réserve. Quand le moment viendra , nous servirons tout le monde au comptoir. »
Lorsque la fin est imminente, Dwight reprendra la mer sur l’USS Scorpion qu’il coulera au large de l’Australie. John se suicidera dans sa Ferrari lors d’un grand prix d’Australie simulé. Peter et Mary décideront de mourir en couple après avoir euthanasié leur enfant :
« Il fit l’injection au bébé dans le bras. Puis se déshabilla, mit un pyjama propre, éteignit toutes les lumières sauf la lampe de chevet, posa l’écran devant la cheminée du salon et alluma une bougie qu’il plaça sur la table à côté de leur lit ; ensuite, il coupa le courant.
Peter se coucha auprès de Mary, prépara les boissons et sortit les comprimés des boîtes rouges.
« Ma vie avec toi a été un rêve, dit Mary à voix basse. Merci pour tout, Peter. »
Il la serra contre lui et l’embrassa tendrement .
« Oui, un rêve ; c’était trop beau. »
Ce furent leurs derniers mots. Ils mirent les comprimés dans leur bouche et burent. »
Moira, sera la dernière à suivre des yeux, le long de la plage, le sous-marin qui sombre. Puis, un dernier verre de brandy empoisonné lui permettra de rejoindre Dwight. Le rideau tombe définitivement sur l’espèce humaine.
«Le Dernier rivage » relate une fin du monde morne et triste, en demi-teinte, au désespoir total. L’effet des radiations, dont le processus d’action n’est pas encore bien connu à l’époque du livre, ressemble à ce que pourrait signifier aujourd’hui l’emploi de bombes à neutron : toute chair qui disparaît et l’architecture seule qui reste debout. Apocalypse douce, fin totale de l’homme due à sa sottise, rarement les accents de la tragédie n’auront été si vrais. Une belle œuvre qui n’a rien perdu de sa puissance.
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Zero De Survie - Par BenF
Mike Hammer n’a pas aimé que l’on tue l’une de ses anciennes connaissances, le pauvre Lippy Sullivan. Grâce à des portefeuilles volés par Lippy – en fait par un pickpocket au gilet rouge prénommé Castor – Hammer se met en chasse. Parallèlement à Mike et son enquête, son ami Pat, de la police d’Etat, se débat avec une très grosse affaire. L’on vient de découvrir un passager mort d’une infection mystérieuse dans le métro de New York, ce qui sonne comme le début d’une menace bactériologique de grande ampleur. Une boîte remplie de miasmes aurait été cachée par des activistes russes sur le territoire américain, et ce ne serait pas la seule. Elles contiendraient des bactéries tellement dangereuses qu’elles seraient capables de contaminer l’espèce humaine en quelques jours. En face de ce danger, et pour éviter toute fuite médiatique, le journaliste Eddy Dandy, autre ami de Mike, a été mis au secret. Les Russes eux-mêmes, plus très sûrs de pouvoir circonscrire le danger, auraient pris contact avec les Américains :
« Ils ne pensaient pas que la souche bactérienne était si virulente. Ils croyaient que la maladie resterait cantonnée sur notre continent, et disparaîtrait au bout d’un certain temps. Ils avaient fait des tests sur des cobayes humains involontaires, et ils en avaient conclu qu’une personne sur dix jouissait de l’immunité naturelle. Et ils avaient trouvé un vaccin pour protéger les gens dont ils auraient besoin. Ce n’était pas deux agents qu’ils avaient envoyés chez nous, mais vingt-deux, chacun pourvu d’assez de vaccin pour en immuniser cent autres. Des grosses huiles de l’industrie et de la politique capables de gouverner quant toute la populace serait morte. Mais il y a une chose qu’ils ne savaient pas. Le vaccin ne valait rien »
Pendant ce temps, l’enquête progresse. Elle amène d’abord Mike à faire la connaissance de M. William Dorn, un industriel richissime et de sa protégée, Renée, qui séduit d’emblée le détective. Puis, toujours en suivant la piste de Castor, de Woody Ballinger, un caïd notoire. Une course à la mort s’engage entre Woody, qui lâche ses tueurs, et Mike, pour coincer Castor qui aurait en sa possession la clé de l’énigme. Grâce à ses indicateurs, dont un certain César Mario Tuddey, Mike prend une longueur d’avance et manque de peu de coincer l’homme au gilet rouge.
Au plan politique, les tensions s’accroissent. Grâce aux Russes, qui fournissent un coup de pouce, les vingt-huit boîtes de la mort sont découvertes à temps. Andy libéré confirme à Mike que c’est bien Castor qui possédait un plan localisant les boîtes de miasmes, plan tiré de l’un des portefeuilles, ce qui explique qu’il soit la proie du ou des criminels commanditaires. Woody éliminé, Mike connaît maintenant le nom de celui ou ceux qui menacent la sécurité des Etats-Unis : soit le bon monsieur Dorn et ses acolytes, dont quelques dissidents russes. Avec sa fougue habituelle, Hammer règle définitivement le problème.
Un roman policier qui se déroule sur fond de catastrophe dans le style habituel de Spillane.
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Il Faut Que Tu Respires - Par BenF
Un triomphe pour cette chanson dont le thème résume dix mille ans d’évolution de l’homme et qui aboutit au gâchis contemporain. Une ironie mordante, des mots forts, des images qui explosent, un constat amer, une musique syncopée, assureront son triomphe. Dès le début, commencent les ennuis pour l’être humain, avec l’émergence de la logique. Avec son agressivité et son sens de l’organisation rationnelle l’homme a modifié la terre :
« La nature avançait, il n’y avait pas de chemins
Puis l’homme a débarqué avec ses gros souliers
Des coups de pied dans la gueule pour se faire respecter
Des routes à sens unique qu’il s’est mis à tracer
Les flèches dans la plaine se sont multipliées »
Aujourd’hui, nous en recueillons les fruits empoisonnés : la destruction de la faune et de la flore, et les menaces atomiques :
« D’ici quelques années on aura bouffé la feuille
Et tes petits enfants ils n’auront plus qu’un œil
En plein milieu du front, ils te demanderont
Pourquoi toi t ‘en as deux, tu passeras pour un con ».
Par la lâcheté d’une société à responsabilité illimitée qui renvoie « la patate chaude » à ses enfants, la vie deviendra impossible sur notre terre dégradée :
« T’auras beau te défendre, leur expliquer tout bas :
C’est pas ma faute à moi, c’est la faute aux Anciens »
La chanson, dont le refrain répète en leitmotiv « Il faut que tu respires », se termine dans le désespoir total :
« C’est pas joli, joli, et j’connais pas la fin
T’es pas né dans un chou mais plutôt dans un trou
Qu’on remplit tous les jours comme une fosse à purin. »
La sensibilité écologique associée à la gouaille nihiliste fin de siècle fait de cette chanson largement diffusée un petit bijou.
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Post- Sapiens - Par BenF
Une ville morte qui devrait être Genève, juste après la catastrophe. Une épidémie foudroyante a réduit drastiquement le nombre des survivants. Le narrateur y traîne une existence vide, à l’instar de quelques autres, tenant à jour son journal intime. D’un naturel peu communicatif et sauvage, il s’est installé une niche sur les hauteurs de la ville, qu’il appelle " la Tanière " :
" Je mange les haricots à la même boîte, actionne la pompe pour remplir un verre d’eau. Par bonheur la conduite n’a pas gelé. L’eau n’a pas mauvais goût. Il y a un sac de charbon à côté du poêle. Je le bourre jusqu’à la gueule, car je commence à avoir froid. Plus tard, je retourne au fourgon pour y prendre mon journal. La neige est toujours aussi épaisse. Elle craque sous mes semelles."
Aménagée selon son goût, en compagnie de ses vieux 78 tours, il y coule une existence paisible se ravitaillant de temps en temps, à l’aide de son 4X4, en boîtes de conserve encore disponibles dans les magasins :
" Souvent, je pars seul à l’aventure ; j’ai trouvé sur un bateau au bord du lac, des talkies-walkies et des piles de réserve. Ainsi nous pouvons communiquer, Ji et moi, quand je m’absente. Et, en variant les fréquences, j’ai même eu d’autres interlocuteurs. Malheureusement, ils sont à des centaines de kilomètres. Il faudrait carrément monter une expédition pour les rencontrer et Ji n’en a pas envie. J’ai rencontré en ville quelques solitaires que j’ai apprivoisés. (…)
La ville se dégrade de plus en plus, au point de ne plus ressembler à une ville, mais à un champ de ruines. Ca a commencé par les toits. Un orage violent il y a quelques années, a cassé et déplacé des tuiles si bien que l’eau a pu pénétrer et a pourri les murs. Il n’a pas fallu dix ans pour que certaines maisons s’écroulent. De nombreuses rues sont obstruées de gravas, où pousse maintenant une envahissante mauvaise herbe, voire même des arbres. "
Namor (c’est son nom, anagramme de Roman, autant pour désigner la Suisse que pour la narration) a également aménagé son fourgon pour y résider à l’occasion. Sa tranquillité est cependant troublée par un groupe d’inquiétants survivants qui ont pris assise au café de la Rotonde, ont suivi ses déplacements, et aimeraient qu’il les rejoigne. Ce groupe désespéré, nihiliste en son essence, comporte la femme au manteau de fourrure, le Plongeur, l’Amiral, la Barbie et le Grand Noir, ainsi que Ji, une jeune asiatique. Tous se droguent ou s’alcoolisent sauf Ji qui devient la compagne de Namor, l’accompagnant en la Tanière. Le narrateur se coule dans ce sursis que lui offre la vie. Ji, en fonction de ses fantasmes matrimoniaux, transforme la Tanière, l’humanise. Au bout de quelque temps, elle attend un enfant. Parfois, d’autres inquiétants personnages traversent l’espace du récit. Comme ce vicomte de la Parlotte qui vit encore selon les privilèges d’un ancien régime, enfin restitués par le cataclysme.
En ville, près du parking où il s’était garé, Namor rencontre Gédéon dont la fonction, semble-t-il, est d’accumuler un quantité d’objets invraisemblables. Insensiblement, le narrateur perd la notion du temps. Au sortir de son éclipse –où était-il ?-, il estime que plusieurs mois se sont écoulés.
De retour à la Tanière, il retrouve une Ji différente de celle qu’il a connue, en compagnie du " Mécanicien " qui l’aide en ses divers travaux. Elle apprend à Namor que son fils, baptisé Roman, est né. Elle est toujours prête à jouer à Adam et Eve avec lui mais selon des normes bourgeoises qu’elle veut imposer à Namor. Sans un mot, le narrateur repart dans son fourgon :
" Le mécanicien amateur de poule et de coq a garé le fourgon devant la palissade. J’ai vu son arrivée depuis la fenêtre. Il entre dans la maison comme chez lui, me salue vaguement et se précipite vers Ji qui tient Roman dans ses bras. D’autorité, il s’empare du bébé, le couvre de baisers. Le petit se met à pleurer. Je n’en supporte davantage, je sors. Je vais vers le fourgon. Je monte dans la cabine. Miracle, mon journal est là sur le tableau de bord ! Je mets le moteur en marche. Il tourne rond. Ji se montre à la fenêtre. Elle me sourit. Je démarre. Salut."
En ville, les signes de la décomposition s’affichent de plus en plus nettement :
" Je remplis mon sac à dos de provisions de bouche et d’objets de première nécessité. Je continuerai à pied, car les rues sont maintenant impraticables à tous véhicules. Même un char d’assaut n’y passerait pas. Les profondes crevasses et les énormes amoncellements de gravas sont autant d’obstacles infranchissables. La ville enfin rendue aux piétons !. "
A la Rotonde, plus trace du groupe des " Immortels ". Ils résident maintenant dans un bateau, sur le lac d’où ils s’amusent à des jeux de pouvoir. Namor s’y rend, est capturé, réduit en esclavage selon les codes d’un jeu qui suit une stricte discipline militaire. Libéré par la femme au manteau de fourrure, il remonte à la Tanière, mais il n’y a plus trace de Ji et de Roman ; ont-ils seulement existé autre part que dans son imagination ? Le lieu est dégradé, envahi par la végétation : serait-il resté absent au monde encore plus longtemps qu’il ne l’avait pensé ?
" Et si soudain, je me retrouvais il y a dix ans sur un parking encombré de véhicules, de cris, de rumeurs, de bruits, d’odeurs, de passants pressés, actifs, entreprenants, dynamiques ? Que cette césure verdâtre disparaisse ? Que je me retrouve à enseigner des banalités à des enfants dociles ? Car peut-être cette prison où je suis enfin seul, n’est-elle qu’un avatar ? Qu’un moment de ma folie ? "
A Genève, il fait la rencontre incongrue d’un cheval errant dans les ruines urbaines :
" Soudain, j’entends du bruit. Je regarde autour de moi. Aussi insolite que cela paraisse, on dirait un galop de cheval. Après tout, pourquoi pas ! J’ai déjà vu, dans cette ville que la nature reconquiert, des chèvres, des poules, des vaches et même un tigre ! le galop se précise. Débouche bientôt sur la place un superbe cheval alezan. ",
Puis apparaît Lara la naine, comédienne en son théâtre, où elle se joue une pièce sans spectateurs. Fuyant à nouveau vers la Tanière en sa compagnie, il y fait la connaissance de Paul Trachner, un soi-disant militaire qui s’est donné pour mission de réorganiser la société en recensant les survivants.
Lara est séduite et accompagne Trachner en son illusion. Namor, resté définitivement seul et penché sur son journal, livre ses dernières réflexions sur la mort et la survie, la disparition de l’Homo Sapiens, se demandant si la naissance de son enfant Roman ne correspondrait pas à une nouvelle race, celle de l’Homo Post-Sapiens sapiens:
" Déjà, avant le bouleversement, j’étais un solitaire. Je n’avais avec les autres que des rapports absolument indispensables. C’est ainsi. Et pour Roman, ma foi, je ne vois rien à lui apporter , sinon un passé frelaté… la situation fait de ce petit bout d’homme ou le résidu condamné d’un désastre ou le début d’une autre espèce : l’homo post-sapiens sapiens. Prions pour cette dernière éventualité (…) Il faut que je cesse de penser. Que je n’écoute que le bruit du temps qui me conduit vers la mort. Une bonne fin, car alors tout disparaîtra lentement. Les souvenirs s’effilocheront. Ji et Roman se dilueront dans une brume indéfinissable… "
Ce texte cataclysmique offre en une écriture serrée l’ensemble du bouquet thématique rattaché à la problématique du genre. Dépassant la pure description d’un décor qui forme la toile de fond où s’inscrivent les événements, le romancier s’immerge de manière permanente dans le narrateur et transcrit des réflexions liées au vécu d’une situation dramatique, adoptant pour cela la posture de héros post-romantique. Cette histoire, baignant dans la couleur crépusculaire d’un désespoir tranquille, forme la trame d’un texte original et peu courant dans notre domaine.
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L'ange Du Desert - Par BenF
Vol. 01:l’Ange du désert, Fleuve Noir éd., 1986, coll. "Anticipation " N°1456, 1 vol. broché, in-12 ème , 186 pp. couverture illustrée, roman d’expression française
1 ère parution : 1986
Ange le motard sillonne le désert d’un monde néo-barbare en compagnie de Cobra, le chef de la bande, pour s’approvisionner dans des stations qui, bien qu’à l’état de ruines, délivrent encore de l’essence, inexplicablement. Comme occupations, ils chassent le « Sédentaire » et le
« Pillard ». Une suggestion s’empare de l’esprit d’Ange : aller en direction du Sud vers la fameuse ville de Lankor où vivrait, dit-on, le dieu Gelnar. En compagnie de Krina, une jeune femme rencontrée lors d’un coup de main, ils franchissent la rivière Styx et réussissent les épreuves qui leur permettent d’entrer dans l’immense ville-forteresse.
Loin d’être le paradis imaginé, Lankor est le fief de Gelnar, le responsable de l’état désertique de la terre. Agé de plus de quatre cents ans grâce à des manipulations génétiques, Gelnar aurait décidé de devenir le maître du monde. Par la mise en place de stations météo (cachées sous d’anciennes stations d’essence !), il a réussi à déséquilibrer le climat terrestre pour ne permettre que la survie de trois types d’humains : les « Motards », les « Sédentaires », les «Pillards ».
Ange apprendra par Sinddès le Guérisseur que sa venue à Lankar n’est pas due au hasard, mais programmée depuis longtemps par Gelnar et sa fille Krina presque aussi vieille que son père. Ange et Sinddès sont en réalité deux opposants à Gelnar qui s’étaient fait cryogéniser jadis, chacun avec une mission particulière.
Celle de Sinddès consistait à préparer la venue d’Ange en ce monde désertique. Celle d’Ange, artificiellement conditionné pour se croire né en ce nouveau monde, était de déstabiliser le tyran. Gelnar a été le plus rapide. Manipulant Ange inconscient de son état réel, il lui fait déconnecter l’ordinateur qui seul aurait pu mettre fin à la sécheresse. Après ceci, il le livre à ses anciens amis qui s’opposent à lui en une série de combats singuliers.
Tout ne se passe pas comme prévu; Krina trahit son père, à qui elle voudrait succéder. Elle libère Ange tandis que Sinddès commence à détruire les stations-météo. La conséquence immédiate en est la pluie ce qui laisse songeur Ange : le motard du désert sera-t-il lui aussi un inadapté ?
Vol. 02 : la Ville d’acier, Fleuve Noir éd., 1986, coll. "Anticipation "N°,1457, 1vol. broché, in-12 ème , 186pp. couverture illustrée, roman d’expression française
1 ère parution : 1986
Où l’on retrouve Ange avec une nouvelle compagne. Ils espèrent mettre fin au règne de Krina. Par une négociation savamment menée, Ange réconcilie Résidents et Pillards qui le suivront dans sa nouvelle quête.
Avec ses compagnons, Hickory, amoureux de Roni, et Fetch le bagarreur, ils investissent la cité en passant par les souterrains tandis que le reste de la troupe développe une attaque frontale en guise de diversion. Aidé par Douglas, le chef des citoyens rejetés dans les égouts, Ange destitue Krina. Cependant, fatigué par toute cette fureur, il n’aspire qu’à une chose : retrouver son cher désert. ! Mais là encore, il se trompe, car c’est à lui que l’on remet les clefs de la ville.
Un petit texte dont l’inventivité s’épuise vite… comme le lecteur. L’auteur se lasse de ses personnages, pratiquant à leur égard une distanciation ironique peu charitable. Alors pourquoi diable, a-t-il tenu à rajouter ce deuxième épisode ?
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Un jour, sans que rien ne l’annonce, la France est envahie, piétinée, violée, pénétrée par un agresseur inconnu, au Sud comme au Nord. La mobilisation générale est décrétée d’urgence. Cela ne fait pas l’affaire de six jeunes gens post-adolescents, parmi lesquels le narrateur. Ils décident de déserter sur l’heure pour se diriger vers le Sud, en Ardèche. En une épopée héroïque et une charge sauvage, dans l’esprit des westerns, ils tuent tous ceux qui feront obstacle à leur avancée : des gendarmes méfiants, des soldats maladroits, des individus ignobles et de gentils enfants. Empruntant divers véhicules, ils se nourrissent sur le terrain, risquant à chaque instant une mort qu’ils attendent. Leur progression est favorisée par l’état de déliquescence du pays. Leur destin va s’accomplir près d’Aubenas lors du contact fatal avec l’ennemi, mais non sans panache. Jouant aux kamikazes, ils chargent à l’épée et à l’arc, comme dans les films qu’ils aimaient tant. Seulement là, ce n’était pas pour de semblant mais pour de vrai !
Un bien beau petit récit, adolescent dans son essence et réducteur de par son intrigue - après tout, la France envahie, ce n’est pas encore la fin du monde ! - car, comme le dit le narrateur page 103, il est inutile de " se boucher les yeux ". Doit-on pour cela se " voiler le nez " devant l’ouvrage ? La question reste ouverte.
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Le Navire Des Glaces - Par BenF
"Konrad aperçut Friesgalt à peine plus de huit heures après le lever du jour. Comme chacune des Huit Cités, elle s’étendait sous la surface de la glace, dans les parois d’une immense crevasse naturelle profonde de près d’un mille. Ses pièces et ses allées principales étaient creusées dans le roc qui commençait plusieurs centaines de pieds au-dessous, bien que bon nombre de ses entreôts et de ses pièces supérieures fussent taillés dans la glace même. Depuis la surface, on ne pouvait pas voir grand-chose de Friesgalt; la seule chose que l’on pouvait remarquer facilement était la muraille de blocs de glace qui entourait la crevasse et protégeait l’entrée de la cité contre les éléments et les ennemis humains. Cependant, c’étaient les rangées de mâts des hauts navires qui indiquaient vraiment l’emplacement de la cité. Il semblait, à première vue, qu’une forêt poussait hors de la glace, une forêt dont chaque arbre était symétrique, chaque branche droite et horizontale; une forêt touffue, calme, menaçante même, qui défiait la nature et ressemblait au rêve de paysage idéalement dessinée d’un ancien géomètre.
Quand il fut assez près pour distinguer plus de détails, Arflane vit que cinquante ou soixante navires des glaces de bonne taille étaient ancrés dans la glace par des amarres attachées à des pieux d’os que l’on avait enfoncé dans la surface solide. Les coques en fibre de verre patinée étaient rayées par des siècles d’usage et la plupart des accessoires n’étaient pas des pièces d’origine mais des copies faites dans des matériaux naturels. Les bittes d’amarrage avaient été taillées dans de l’ivoire de morse, les bouts-dehors façonnés dans de l’os de baleine, et le capelage était un mélange de nylon précieux, de boyaux et de lanières de peaux de phoque. Bon nombre de patins étaient eux aussi, faits d’os de baleine, de même que les espars qui les reliaient aux coques. Les voiles, tout comme les coques, étaient faites en tissu synthétique d’origine. Il y avait dans chaque cité de grandes réserves de toiles à voile en nylon; en fait, leur économie même reposait principalement sur les quantités de tissu entreposées dans les magasins des diverses cités. Tous les navires, sauf un qui se préparait à partir, avaient leurs voiles ferlées de près. Les docks de Friesgalt, qui contenaient vingt navires en longueur et trois en largeur, étaient impressionnants. On n’y trouvait aucun navire récent. Il n’y avait aucun moyen dans le monde d’Arflane, d’en construire de nouveaux. Mais, si tous les navires étaient usés par les ans, ils n’en paraissaient pas moins robustes et puissants, dotés chacun d’une ligne personnelle, due en grande partie aux nombreux ornements dont les avaient dotés des générations de patrons et d’hommes d’équipage, et aussi aux gréements favoris des différents capitaines ou propriétaires.
Les vergues des mâts, le capelage, les ponts et la glace a l’entour étaient noirs de marins au travail, vêtus de fourrure, dont le souffle se condensait au contact de l’air froid, tandis qu’ils chargeaient et déchargeaient les vaisseaux, accomplissaient des réparations et mettaient de l’ordre dans leurs canots. Des tas de peaux dénudées, des tonneaux et des caisses se trouvaient près des navires. Les grues de levage surplombaient les flancs des vaisseaux pour remonter les marchandises jusqu’à la hauteur du pont, puis se balançaient au-dessus des entrées des panneaux avant de laisser tomber les ballots et les tonneaux entre les mains des hommes dont le travail consistait à s’occuper de l’arrimage.
D’autres cargaisons étaient empilées sur des traîneaux tirés par des chiens ou par des hommes jusqu’à la cité.
A quelques distances de là, une baleinière embarquait son équipage. Les chasseurs de baleine se tenaient d’habitude à l’écart des autres marins, dédaignant leur compagnie, et les équipages des navires commerciaux ne s’en plaignaient pas: car les baleines, que ce fut ceux de la Glace du Nord ou ceux de la Glace du Sud, avaient des distractions pour le moins bruyantes. C’étaient presque tous des hommes de grande taille, qui se carraient en marchant avec leurs harpons de dix pieds de long sur les épaules, sans se préoccuper de l’endroit où ils les balançaient. Ils portaient aussi la barbe épaisse et fournie; leurs cheveux aussi étaient épais et beaucoup plus longs que la normale. De même que leurs barbes, ils étaient souvent tressés et maintenus en place avec de la graisse de baleine, d’une manière étrange et barbare. Ils avaient de riches fourrures, celles-là même que portaient normalement les aristocrates, car les baleiniers pouvaient se procurer tout ce qui leur plaisait si leurs affaires marchaient bien; mais ces fourrures étaient tachées, et ils ne les revêtaient qu’occasionnellement. Pendant presque toute sa carrière, Arflane avait été patron d’une baleinière et il éprouvait de la sympathie pour ces marins à voix rude, venus de la Glace du Nord, qui, maintenant regagnaient leurs bâtiments. Arflane enfonça profondément ses harpons dans la glace et propulsa en avant ses skis surchargés, glissant maintenant entre les lignes et les coques des navires, évitant les marins curieux qui le regardaient sans cesse à leur travail, et se dirigeant vers la haute muraille de glace qui protégeait la cité - crevasse de Friesgalt."
Le Capitaine Conrad Arflane est en route vers Friesgalt, l’une des huit cités du plateau du Matto-Grosso creusées dans la glace.
De retour de la chasse à la baleine des glaces avec son équipage, il aperçoit un vieillard agonisant sur la banquise. Il le sauve, répondant à une impulsion subite et contraire au code de sa religion la Glace-Mère qui lui enjoint de ne s’occuper que de sa propre personne. Il s’agit de Pyotr Rorsefne, le patriarche du puissant clan des Rorsefne, famille dominante de la cité de Friesgalt.
Pour le remercier, les Rorsefne lui offrent l’hospitalité. Des rapports étranges le lient bientôt aux divers membres de la famille, à Manfred Rorsefne, le neveu, jeune homme intelligent, mince et brave, mais mystérieux, à Ulrica Ulsenn, fille de Pytor, dont il tombera éperdument amoureux, à Ulsenn lui-même, le mari d’Ulrica, qui le haïra jusqu’à sa mort, enfin à la figure énigmatique d’Urquart le harponneur, un géant apparenté aux Rorsefne par la mère, à la personnalité complexe et archaïque.
Pytor mourra mais, dans son testament, il propose à Arflane de prendre le commandement de son plus puissant trois-Mâts, l’Esprit des Glaces, pour parfaire la quête dont il rêvait, celle de retrouver vers le Nord la mythique cité de New York, le coeur de la Glace-Mère.
Arflane s’embarquera après avoir choisi soigneusement son équipage, en compagnie des autres membres de la famille, muni des plans que lui avait laissés le seigneur Pytor. Ils se dirigent d’abord vers l’équateur, glissant vertigineusement, toute voiles dehors, sur l’océan gelé. Le voyage est plutôt grisant quoique l’hostilité d’Ulsenn commence à devenir manifeste. Il est vrai qu’Ulrica s’était donnée de son plein gré à Arflane, puis, bourrelée de remords, s’est retirée dans ses quartiers.
L’humeur d’Arflane est massacrante. Son tempérament renfermé devient insupportable aux membres de l’équipage qui commencent à murmurer contre lui. La traversée est interrompue par des dangers pressants laissant peu de place aux sentiments: se détourner d’une crevasse qui manque de les engloutir, résister à un assaut de sauvages nomades des glaces montées sur des ours, s’occuper de renouveler les vivres par une inespérée chasse à la baleine. Seul Urquart, solide au poste, ne craignant pas le froid, restera durant le trajet indéfectiblement fidèle à Arflane.
Au fur et à mesure que la traversée approche de son but, les passions s’exacerbent. Lors d’un début de mutinerie vite réprimée, Ulsenn est enfermé dans sa cabine et de nombreux matelots meurent, soit en tombant sous les coups de javelots des sauvages, soit sous les patins du bateau.
Ils arrivent enfin aux abords du plateau continental dans un immense défilé où les vents qui s’y engouffrent propulsent le bateau à une vitesse inimaginable. Celui-ci n’est plus gouvernable et malgré la peur intense des matelots, le seul espoir de survie qui subsiste est de sortir du défilé. Or, celui-ci se resserre en un goulet qui constitue un piège fatal.
Arflane jette les ancres en désespoir de cause. A cause de la vitesse acquise, le bateau ne peut freiner à temps ; il heurte le rebord de glace, projette ses occupants au loin tandis que la coque se délite entièrement. Seuls restent en vie les principaux protagonistes. Sauf à mourir de froid sur la glace, ils n’ont d’autre alternative que de se rapprocher de New York sur des skis improvisés.
Après avoir marché des jours entiers dans la tempête et atteint le seuil de l’épuisement , ils font à nouveau la rencontre de nomades des glaces et seront faits prisonniers sachant d’avance le sort qui leur sera réservé. Arflane, sortant de son évanouissement, aperçoit Urquart, manifestement libre, en tractation avec le chef des nomades. Urquart est ravi car il avait entrepris ce voyage pour être un jour en mesure de se venger des Rorsefne qui l’ont rejeté quand il était encore enfant. Il songe à mettre à mort Manfred et Ulrica. Libéré de ses liens par Ulsenn, Arflane se jette sur Urquart et lui enfonce son harpon dans la poitrine. Ce dernier avait cependant eu le temps d’émasculer Manfred qui ne survivra pas à ses blessures. Après un moment de flottement, le chef des nomades décide que l’esprit de la Glace-Mère est satisfait et les laisse repartir en direction de la cité dont les tours brillent à l’horizon:
" Quand ils aperçurent les tours élancées de New York, ils s’arrêtèrent, frappés d’étonnement. Arflane comprit que Pyotr Rorsefne avait été particulièrement peu éloquent pour les décrire. Elles étaient magnifiques. Elles étaient resplendissantes. Le petit groupe s’arrêta dans la confusion et les ours grattèrent nerveusement la glace, comprenant peut-être les sensations mêlées de leurs cavaliers qui regardaient la cité de verre, de métal et de pierre qui se dressaient jusqu’aux nuages. Les tours flamboyaient. Des immensités de glace miroitante reflétaient des couleurs changeantes et Arflane se souvint de la légende se demandant quelle pouvait bien être la hauteur des tours, si elles s’enfonçaient dans la glace aussi profondément qu’elles s’élevaient au-dessus."
Parvenus au coeur de la cité, ils apprendront la vérité sur leur monde de la bouche de l’un des habitants. Les huit Cités du Matto-Grosso contiennent les descendants des colons de l’Antarctique tandis que la cité de New York abrite les descendant des colonies de l’Arctique, colonies dont l’existence remontait à plus de deux mille ans. Chacune s’est adaptée selon ses possibilités, la première en développant une civilisation basée sur le froid, les autres en s’enfonçant profondément dans le sol. Ce sont les expériences nucléaires de jadis, associées à un changement climatique fondamental, qui avaient provoqué l’intense glaciation laquelle, actuellement, tendait à se réduire, aidée en cela par la technologie sauvegardée dans la cité.
Peter Ballantine, leur guide, espère renvoyer Ulrica et Arflane à Friesgalt pour qu’ils dévoilent la nouvelle situation aux leurs. Arflane, choqué par ces révélations qui transgressent si manifestement sa culture de primitif et sa religion, poursuivra seul et farouche sa quête vers la Glace-Mère du Nord, pour y périr sans doute, pendant que Ulrica se fera raccompagner en hélicoptère chez les siens.
Un roman d’une sauvage beauté, flamboyant et héroïque. Les personnages sont exceptionnels, la nature glacée magnifiquement décrite avec poésie et fureur, l’argument de la quête initiatique développé suivant les canons du genre. Moorcok signe une oeuvre magistrale dont le thème post cataclysmique est le prétexte à une épopée individuelle.
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