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Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !
Livres
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Divers personnages se retrouvent brutalement coincés sous terre à New-York, dans une station de métro. La rame n’arrivera jamais à destination car une catastrophe inexplicable (et inexpliquée) a eu lieu en surface bouchant toutes les issues possibles. Arthur, le clochard philosophe, prend la direction d’un petit groupe constitué par Carl, gros bourgeois atteint d’une maladie cardiaque, de Thomas, jeune militaire falot et lâche, et de Cassie, une jeune femme au passé trouble.
Sur l’impulsion d’Arthur, le premier moment d’affolement passé, ils gagnent les niveaux supérieurs. La tentative échoue: les escaliers resteront hors d’atteinte. Ils continueront leur trajet le long de la voie du métro espérant atteindre une station de Downtown d’où la sortie sera plus accessible :
" Prudemment il fraya son chemin sur le quai, au milieu du brouillard qui peu à peu retombait; trébuchant contre des blocs de béton, contre des pointes menaçantes d’acier tordu, il atteignit l’escalier suivant. Celui-ci encore était obstrué. Il continua vers l’extrémité nord du quai, pour reconnaître les trois escaliers qui restaient. Deux d’entre eux étaient bloqués de la même façon et le troisième s’était complètement effondré, ménageant au faîte un énorme cratère par où s’était déversée une montagne de gravats. Autant qu’il pouvait en juger du fond du cratère, il parut à Arthur que là-haut les destructions étaient encore plus considérables qu’au niveau du métro et il pensa que les explosions, du moins cette sorte de cataclysme, avaient eu lieu en surface. "
En se nourrissant chichement des confiseries accessibles dans les distributeurs automatiques, ils mettent d’avantage de temps que prévu pour progresser, tout en souffrant horriblement de la soif. Durant les moments de repos, ils se livrent à des introspections douloureuses pour se rappeler un passé qu’ils pressentent révolu:
" ...Et maintenant qu’ils campaient pour la nuit dans la station de la 86ème rue, c’est avec soulagement qu’ils entendaient l’un des leurs prendre la parole. Le son des mots plaisait à leurs oreilles, en dehors de toute signification, simplement parce que le lien du langage de nouveau les unissait. "
Leurs rapports mutuels se compliquent, surtout lorsqu’ils opèrent la jonction avec un second groupe de naufragés. Parmi eux, le révérend Garnet qui cherche des cadavres sous les décombres mais qui a perdu sa foi, ou Hirsch, le chauffeur de taxi , raciste et xénophobe , et qui le fait sentir au juif Carl.
De plus en plus sûrement, tous ces personnages supposent l’existence d’une catastrophe d’une ampleur inouïe qui a dû balayer la ville au-dessus de leurs têtes. Ils poursuivent avec acharnement leur périple. Les stations défilent sans qu’aucune sortie ne se révèle. Les preuves s’accumulent que d’autres survivants les ont précédés en ces lieux.
Arrivés vers la 54ème rue, ils opèrent la jonction avec tous ceux qui ont survécu dans les tunnels. Ils rencontrent un groupe nombreux et déjà fortement organisé maintenu par la poigne de fer d’un chef surnommé le " Coordonnateur ", aidé par ses adjoints. Ce maître tout puissant commande au groupe de survivants et les fait déblayer les gravats. Arthur et les siens seront immédiatement embrigadés. Le Coordonnateur a établi la règle suivante: celui qui ne travaille pas ne mange pas. Avec ses adjoints, il fait régner la terreur en exécutant les vieillards considérés comme des bouches inutiles.
Ce n’est pas ainsi qu’Arthur s’imaginait la nouvelle société qui devait surgir du cataclysme. Il devint donc l’homme par qui le scandale arrive, en essayant de promouvoir la désobéissance civile, prêt à mourir pour que ses compagnons puissent se libérer du tyran.
Fomentant une grève, il est arrêté et jugé par une parodie de tribunal, condamné à être exécuté par le supplice de la lapidation. La sentence est appliquée. Tout proche de sa fin, Arthur aperçoit avec satisfaction que son sacrifice n’aura pas été inutile: les hommes sont enfin prêts à se libérer de leurs chaînes et attaquent leurs tortionnaires:
" Une autre pierre le frappa à l’épaule.
-Allez-y tous! continuait de crier le Coordonnateur. Allez-y tous!
Maintenant Arthur regardait le sol. Il ne supplierait plus. (...) Enfin la pluie de pierres s’arrêta... Arthur leva les yeux; il aperçut la foule qui progressait lentement et s’enfonçait comme un coin en direction de l’estrade. Chuck, Garnet, Hirsch, Cassie, ils marchaient tous en tête. Il n’y avait plus cette terreur dans leurs yeux.
-Reculez! cria le Coordonnateur. Reculez! Etes-vous devenus fous?
Mais ils continuaient d’avancer. Ils se penchaient pour ramasser des éclats de béton. "
Premier roman d’un auteur peu connu, dont la thématique catastrophiste structure une réflexion sur les rapports humains. C’est surtout l’écriture qui donne au récit une tonalité surréaliste, en entretenant l’impression de la présence indicible d’une catastrophe épouvantable, jamais clairement exprimée, qui conditionne toute la vie future des personnages.
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Le Dernier Jour - Par BenF
Trois couples et leurs enfants préparent avec une joie simulée leur descente dans les « Tunnels » préparés, comme ils le sont pour la totalité des Américains, en cas d’attaque nucléaire. La bombe ennemie est prévue pour le lendemain. A mesure que le délai se raccourcit, des failles commencent à apparaître dans le comportement familial. L’inquiétude se fait plus forte avec la nostalgie, de quitter la surface et ce merveilleux jour ensoleillé, leurs maisons et leurs beaux objets de consommation, leur vie quotidienne.
Au dernier moment, l’un d’entre eux, Fred, refuse de descendre et Grace, sa femme, reste avec lui. Les autres se dirigent vers le grand centre de tri collectif, jetant l’ultime coup d’œil sur le beau paysage avant la descente finale.
Une petite nouvelle irréaliste mais qui analyse bien la montée de l’angoisse devant le conflit.
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«A GRAINVILLE
«Infortuné, qui, vaincu par l’adversité, succombas sans espoir et presque sans nom en laissant un ouvrage plein de génie, accepte l’hommage sincère de l’homme qui a essayé de compléter ce que le malheur ne t’avait pas permis de perfectionner ou d’achever. Il a cherché à monter dans tout son jour le diamant que tu as trouvé, l’œuvre que tu as crée. Il a pu ajouter quelques cordes à ta lyre, mais l’instrument était sublime, et son mérite, ici, s’il en a un, ne sera jamais que l’ombre du tien. » (Envoi ouvrant « le dernier Homme » par Creuzé de Lesser)
Creuzé de Lesser, polygraphe et poète, eut connaissance de l’œuvre de Cousin de Grainville. Stupéfié par sa radicale nouveauté, ému du sort injuste fait à son auteur, et désireux d’ajouter sa contribution au mouvement romantique, il entreprit l’écriture d’une épopée en suivant, au plus près possible, la trame du « Dernier Homme » de Grainville. Cette imitation versifiée du roman fut explicitement proclamée par de Lesser (voir l’envoi liminaire), contrairement à ce que firent plus tard et Elise Gagne, et Flammarion.
Il ne s’agit donc en aucun cas d’un plagiat.
De Lesser pensait notamment que les vers épiques resserreraient l’action. Il garda aussi les mêmes figures emblématiques que sont Dieu, la Mort, Adam, le Génie de la Terre, etc. en modifiant parfois leur distribution. Ce sont surtout les relations entre Sydérie et Omégare qu’il rendit plus étroites, pour les faire coïncider avec le « pathos » de l’amour romantique.
Le poète se désespérait que l’œuvre de Grainville restât ignorée de son public malgré la réédition qu’en fit Charles Nodier, réédition elle aussi discrète et méconnue. Sachant que le Français « n’avait pas la tête épique », De Lesser aligna dans sa composition certaines nouveautés surtout après le Livre III, trouvant la fin du roman moins puissante que le début. Il y mentionna, et pour la première fois dans la littérature française, la théorie des arches stellaires :
« Ormus, par le péril constamment agrandi,
Ouvrit un vœu plus noble, un projet plus hardi :
« le soleil nous trahit aussi bien que la terre ;
Mais tout n’est pas perdu, dit-il, tant qu’on espère.
Eh bien ! abandonnons, par un heureux conseil,
Cette terre flétrie et ce pâle soleil.
D’un univers vieilli quittons l’antique sphère,
Et cherchons dans l’espace une nouvelle terre,
Sous un soleil nouveau dont les feux triomphans
Vont régénérer l’homme, heureux de ses enfans,
Ces astres que la nuit nous montre sur nos têtes,
Offrent à notre destin mille demeures prêtes.
Car, éloignés en vain, par un art précieux,
Nous les voyons de près, nous les touchons des yeux,
Et pouvons reconnaître à toutes les distances
Les Eden merveilleux de ces déserts immenses.
D’innombrables esquifs, vaisseauxaériens,
Du départ en tous lieux vous offrent les moyens,
Et tout le genre humain, immense colonie,
Peut s’élever bientôt , dans les cieux réunie.
Je sais ainsi que vous que, d’un air trop subtil
Il faut dans ce voyage affronter le péril ;
Mais déjà Philantor, par son art admirable,
A su rendre aux mortels le ciel moins redoutable.
J’y joindrai mes efforts ; et, comme sur les mers
On porte une eau salubre au sein des flots amers,
Ainsi nous pourrions tous, par une heureuse audace,
Munis d’un air vital, franchir un long espace
Jusqu’au jour qui verrait le genre humain vainqueur
Respirer librement sur un sol bienfaiteur.
Naviguons dans les cieux vers ces terres fécondes,
Venez, venez choisir dans le peuple des mondes.
Vous voulez, en fuyant reculer vos revers :
Bravez-les désormais, et changeons d’univers. »
Il magnifia également par des tableaux puissants, les derniers instants de la terre, comme dans cette description de la destruction de notre lune :
« A l’occident lointain, des jours l’astre brillant
Disparaissait : soudain du lointain orient
S’avance une clarté plus vive que l’aurore,
Et qui croît par la nuit, et qui s’accroît encore.
Un vaste feu, du ciel semble le vêtement ;
La terre réfléchit l’éclat du firmament ;
Tout paraît enflammé, même la froide plante ;
Et tout homme paraît une flamme vivante.
L’homme, à ce redoutable et pompeux appareil,
Croit voir sur l’horizon naître un nouveau soleil,
Ou croit voir, en ce feu dont la clarté l’inonde,
La flamme universelle où périra le monde.
La lune, en s’approchant des mortels malheureux,
Seule causait ce trouble, hélas trop douloureux.
Elle se lève enfin, et sanglante, et farouche,
Présentant aux mortels une effroyable bouche…
Ouverte, et d’où le feu jaillissait par torrens.
Alors des animaux les cris sont déchirans ;
Et leur prince lui-même, abjurant le courage,
L’homme, contre la terre a caché son visage.
Presque seul, Philantor ne trembla pas comme eux ,
Et sur la lune encore osa lever les yeux.
Lorsque d’un œil tranquille il l’a considérée,
Il dit que d’un volcan la lune est décorée.
Observant l’incendie, en observant la fin,
Il annonce aux mortels le ciel rendu serein.
« Regardez, leur dit-il ; mais, dans l’immense arène,
De vos antiques nuits ne cherchez plus la reine.
Cet astre a terminé le cours de ses travaux.
Il a péri. Sa cendre est rendue au chaos,
Et doit, un jour lointain que rien ne nous révèle,
Former les élémens d’une terre nouvelle. »
Voilà donc, entre autres, quelques- unes des raisons qui nous ont fait nous étendre aussi longuement sur cet auteur.
Aujourd’hui, l’épopée de Creuzé de Lesser est inaccessible, oubliée, enterrée, comme l’est le roman qui lui a donné naissance. L’épopée n’est plus au goût du jour et il est vrai que le lecteur moderne ne peut se sentir à l’aise dans l’air stimulant des hauts sommets alors qu’il a pris l’habitude d’avaler la soupe épaisse de la médiocrité littéraire dont les médias, à longs traits, l’abreuvent constamment.
Bref, les mauvaises habitudes ont la vie dure et, avec la mutation rapide de notre langue, le moment n’est plus très loin où nos contemporains, non seulement ne comprendront plus ce qu’à voulu dire Creuzé de Lesser, mais n’arriveront même plus à en déchiffrer le poème.
Dors en paix, ô Dernier Homme, dans le cimetière littéraire français !
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Dans les ruines de l’antique Palmyre, le narrateur rencontre un esprit céleste qui lui conte les destinées d’Omégare et de Sydérie, le dernier homme et la dernière femme. Dans sa vision, il aperçoit l’ange Ituriel rencontrer un Adam vieilli à qui il fait voir une terre proche de sa fin. Adam en est stupéfait et attristé :
" Il se lève promptement, et jette autour de lui ses regards avides. Le soleil commençait sa carrière. De quel étonnement le père des humains est frappé, lorsqu’il voit les plaines et les montagnes dépouillés de verdure, stériles et nues comme un rocher ; les arbres dégénérés et couverts d’une écorce blanchâtre, le soleil, dont la lumière était affaiblie, jeter sur ces objets un jour pâle et lugubre. Ce n’était point l’hiver et ses frimas qui répandaient cette horreur sur la nature. Jusque dans cette saison cruelle, elle conservait une beauté mâle, et cette vigueur qui promet une fécondité prochaine, mais la terre avait subi la commune destinée. Après avoir lutté pendant des siècles contre les efforts du temps et des hommes qui l’avaient épuisée, elle portait les tristes marques de sa caducité. "
Puis, il l’emmène en terre de France auprès d’Omégare où il aura pour mission de lui annoncer la fin de toutes choses puisqu’il est désormais interdit au dernier homme d’enfanter avec Sydérie, la dernière femme. Adam, en la voyant, est tout ému :
" Pendant cet entretien, le père des hommes avait jeté les yeux sur Syderie. Les charmes de sa figure, sa modeste retenue, ses cheveux blonds qui flottaient sur ses épaules, la noblesse de sa taille légère et majestueuse, lui rappelaient une épouse chérie dont il ignorait le sort dans le séjour des ombres. Eve avait, comme Syderie, la fraîcheur du printemps de l’âge, et surtout la même pudeur aimable et touchante, lorsqu’à son réveil Adam la vit à ses côtés pour la première fois. Cet heureux instant se retrace à sa pensée avec des douleurs vives. Il s’attendrit et verse des pleurs. "
Omégare évoque son enfance en un passé lointain où déjà la terre était frappée à mort et où régnait la stérilité des femmes:
" Lorsque je vis le jour, l’hymen depuis vingt ans n’était plus fécond. Les hommes avançant tristement vers le terme de leur course, sans être suivis d’une jeune postérité qui dut les remplacer, pensaient que la terre allait perdre en eux ses derniers habitants. Ma naissance fut un phénomène qui causa leur surprise et les transporta de leur joie : ils la célébrèrent par des fêtes. On dit que des femmes accoururent des extrémités de l’Europe pour voir l’homme enfant : c’est ainsi qu’elles me nommèrent. Mon père me prit dans ses bras, et s’écria : le genre humain vit encore ! ô Dieu ! dit-il en m’offrant à l’Eternel, est-ce une erreur qui m’abuse ? cet enfant sera le père d’une race nouvelle. Ce n’est point à moi que tu l’as donné, mais à la terre, mais au monde, dont il devient l’unique espérance ; conserve ses jours, il est à toi, je te consacre mon fils. "
Pourtant, le génie de la terre, qui vit au plus profond du feu central, s’élève contre la décision divine car il ne veut pas mourir. Contactant Omégare, il le supplie de faire un enfant à Sydérie afin d’assurer sa descendance et de permettre le renouvellement de la vie :
" Il n’est plus qu’une seule femme et toi qui pouvez aujourd’hui perpétuer la race des humains. Qu’elle périsse ou que tu meures, la terre va se dissoudre, rentrer dans le chaos , et je suis anéanti pour jamais. Le danger est extrême depuis que les hommes devenus stériles ne donnent plus à la mort de continuelles victimes, sa voracité n’est pas seulement une faim cruelle, elle se jette sur tous les êtres vivants. Cependant si tu pouvais échapper à ses coups, et t’unir par les liens de l’hyménée à la seule femme qui le rendra fécond, tu reculerais le moment de ma perte ; non que je mette un grand prix à quelques jours d’existence, je saurai mourir avec courage ; j’ai reçu des hommes cette leçon si difficile à donner. Mais je suis instruit que l’astre qui doit rallumer les soleils près de s’éteindre descendra bientôt sur notre sphère pour rendre à l’astre du jour sa chaleur et son premier éclat. Alors si la terre n’était pas détruite, elle se ranimerait aux feux nouveaux du soleil, elle se dépouillerait des vêtements de sa vieillesse pour reprendre sa robe brillante du printemps. "
Il lui enjoint de gagner Rouen en Normandie pour rencontrer Idamas qui saura le guider. En cours de route, Omégare fait la connaissance de Policlète habitant une ville immense et vide. Avec Céphise sa compagne, ils se souvenaient de lui :
" Quoi me dit Céphise, vous seriez cet enfant que j’ai vu : j’avais alors vingt ans. Heureux jours qui sont toujours présents à ma mémoire ! Ma mère me conduisit aux fêtes qu’on célébra pour votre naissance. Vous deviez être, disait-on, le sauveur du monde, la tige d’une race nouvelle."
Omégare, poursuivant son voyage vers Rouen, rencontre aussi Palémos, envoyé au-devant de lui par Idamas. Il lui dit que ce grand homme ne pouvait se résigner à voir la terre mourir, surtout en se rappelant sa grandeur passée, et qu’il s’était donné pour mission d’acheminer Omégare auprès de Sydérie, en une terre lointaine, à l’aide d’un immense navire aérien :
" La capitale de la Normandie avait été longtemps un des lieux les plus célèbres d’où partaient les vaisseaux aériens. Il restait encore, dans les magasins nombreux de cette ville, des urnes pleines de ces esprits volatils qui, plus puissants que la voile et plus vite que les ailes des oiseaux, élevaient l’homme au-dessus des nuages. Idamas avait déjà transporté ces urnes sur la place. Déjà l’air subtil qu’elles renfermaient coulait à grands flots dans les flancs du globe qui s’agitait, impatient de s’élancer dans les airs. Je considérais d’un œil avide et curieux un spectacle si nouveau pour ma jeunesse. Le globe surtout fixa tous mes regards. Sur la poupe du vaisseau, ces mots étaient écrits en lettres d’or, «j’ai fait le tour du monde». Sur les côtés étaient peints divers événements dont l’imitation était si parfaite, que tous les personnages semblaient vivre et respirer. Ici l’on voyait de hardis navigateurs franchir les mers australes par la route des airs, descendre sur des montagnes inaccessibles, sur des plages où l’homme n’avait jamais imprimé ses pas, et terminer la conquête de l’univers. Là d’affreux tremblements de terre qui répandaient au loin la terreur, renversaient les villes sur leurs fondements écroulés. Des abîmes s’ouvraient de toutes parts pour engloutir les hommes ; mais ils fuyaient, dans les airs paisibles, la terre irritée. On voyait vers le centre le ciel obscurci par des légions de vaisseaux armés qui se faisaient la guerre. Rien n’était plus terrible que ce spectacle. Les oiseaux épouvantés avaient pris la fuite. Seuls maîtres du champ de bataille, les combattants s’approchaient les uns des autres armés de faux étincelantes pour couper la corde qui tenait les nacelles suspendues, ou, plus perfides, perçaient le globe par le secours de la flèche aiguë, ou du plomb rapide. Les soldats tombaient par milliers comme précipités du ciel par la foudre. Leur sang rougissait la douce verdure des arbres. Leurs membres épars et palpitants couvraient les campagnes et les toits du tranquille laboureur. "
Avec Idamas et ses compagnons ils s’embarquent à destination du Brésil, chez les Américains, toujours à la recherche de Sydérie. Du haut des airs, Omégare put observer à loisir les bouleversements géographiques de l’antique Europe :
" Il nous montre dans le nord la place où fut l’Angleterre, et que l’Océan avait engloutie. Sur la gauche, il nous fait remarquer l’ancienne Hibérie, où le fils d’Alcmène crut poser les dernières colonnes de la terre ; mais il peut à peine nous indiquer ces objets, qui ne font que paraître et s’évanouir. "
Le temps s’allongeant dans le vaisseau aérien, Idamas en profite pour raconter au dernier homme l’histoire des siècles passés et notamment la lutte âpre et gigantesque de Philantor, l’homme qui voulut s’opposer à la décadence. Ce grand savant découvrit le moyen d’allonger la vie humaine et de rajeunir les vieillards. Mais il craignit, en révélant son secret, de livrer la terre à la surpopulation et l’anéantir à coup sûr :
" L’espace de la vie humaine fut réglé par l’Eternel, sur la grandeur du globe et la fécondité de ses habitants ; que si cet ordre était troublé, si les hommes multipliaient leur jeunesse, la terre ne pourrait plus porter leurs enfants trop nombreux, qui s’égorgeraient pour le seul intérêt de vivre. "
Lui seul absorbera le sérum de longévité. Il put ainsi combattre la décrépitude, après s’être longuement retiré dans son temple, dans l’île de la Sérénité. Le temps passe :
" La terre parvenue à ce haut degré de gloire et de bonheur, éprouva le sort des hommes. Ont-ils atteint la perfection de l’esprit et du corps, le feu qui les animait s’affaiblit. Bientôt succèdent les glaces de la vieillesse et de la mort. Ainsi la terre couverte de la population la plus heureuse, redevenue un second Eden, commença par perdre sa fécondité. L’homme effrayé ne songea plus qu’à sauver sa demeure d’une ruine prochaine. Il porta si loin les efforts de l’art, qu’il sut rassembler la chaleur éparse dans les airs, la concentrer sur les terrains refroidis, qu’il sut ressusciter la vigueur des terres épuisées, et féconder la poussière. Cette lutte de l’art contre les ravages du temps et de la mort, eût peut-être prolongé les jours de la terre, si le plus terrible des événements n’eût pas découragé les hommes et rendu tous leurs efforts inutiles. "
Les hommes mêmes retombent dans leurs ornières habituelles, l’agressivité et la haine refont leur apparition :
" Les hommes tombèrent dans le découragement en voyant des champs baignés de leurs sueurs refuser de produire la ronce stérile ; les uns furieux brisaient les instruments de l’agriculture, les autres désespérés invoquaient la mort. Alors les hommes commencèrent à se regarder d’un œil ennemi. Les lois ne pouvaient plus arrêter le meurtre et le brigandage. On dit même que plusieurs chefs liés par des serments exécrables, formèrent le projet atroce d’exterminer une portion du genre humain ; les poignards étaient prêts ; la nuit qui devait couvrir de son ombre cet horrible massacre, était sur le point d’éclore. "
La lune elle-même, à l’agonie, disparaît du ciel :
" La nature entière, les airs et les nuages, les plantes, les animaux et les hommes paraissaient enflammés. On crut qu’un nouveau soleil allait monter sur l’horizon, ou que le jour de l’embrasement universel était arrivé. C’étaient les approches de la lune qui causaient ce spectacle terrible. Elle se lève, sanglante, avec la forme d’une large bouche ouverte d’où jaillissaient sans cesse des torrents de feu. A cette vue, les animaux épouvantés poussent des hurlements affreux, tous les peuples tremblants attendent la mort, et se jettent le visage contre terre "
Heureusement, un autre grand homme, Ormus, de la race des conquérants, prend la suite de Philantor. Par une série de travaux gigantesques, il espère ralentir la décadence de la terre :
" Les peuples croient aux paroles d’Ormus. A force de travaux, ils détournent le Rhône, la Seine, le Danube, le Gange, l’Indus, le Tanaïs ; ils apprennent à tous les fleuves à couler dans des canaux creusés par leurs mains, et cultivent aussitôt la terre qu’ils ont abandonnée. Les moissons dorées revinrent égayer les yeux de l’homme, et les peuples comblèrent Ormus de leurs bénédictions. C’est alors qu’encouragés par ces témoignages de la reconnaissance publique, ce grand homme osa publier un projet plus vaste, et si hardi qu’il étonne encore mon esprit. Ce n’est point assez, leur dit-il, d’avoir changé les fleuves, les étangs, les lacs en des campagnes fertiles. Vous avez besoin de plus grandes ressources ; je vous ai promis un nouvel univers ; je viens vous le donner. Faites avec moi la conquête de l’Océan ; repoussons loin de nous ses ondes. (…)
Combien de fois des princes n’ont-ils pas resserré le lit de la mer pour agrandir leurs Etats, sans que le ciel ait vengé cette usurpation. Ah ! bien loin de craindre son courroux, je pense au contraire qu’il va seconder nos efforts, et que c’est lui peut-être qui m’inspire ce projet, pour conserver le genre humain dont il ne veut pas la ruine. Enfin la terre vous appartient ; vous l’avez reçue de Dieu ; c’est un présent de sa main céleste ; vous pouvez pour vos besoins et vos plaisirs, abattre des montagnes, combler des vallées, creuser les entrailles du globe ; vous venez de changer le cours des fleuves. Chassez, si vous le pouvez, l’océan de son lit : il est comme les fleuves, sous votre domination, et créez-vous un monde nouveau sur les débris de l’ancien. "
Pour échapper aux deux grands fléaux qui malgré tous ses efforts continuaient de menacer la vie, à savoir, la stérilité de plus en plus manifeste de l’espèce humaine et le refroidissement du soleil, Ormus se réfugie au Brésil dans la Cité du Soleil :
" L’hymen devint stérile ; à peine une grande ville donnait le jour à dix enfants dans une année, les peuples commençaient à murmurer contre Ormus. Nous manquons de postérité, disaient-ils, les enfants qui doivent nous succéder ne seront point assez nombreux pour se nuire. Qu’avons-nous besoin d’un nouvel univers que nous ne pourrons pas peupler !(…) Ormus n’eut pas besoin d’apaiser ces murmures, l’événement le plus imprévu suspendit dans un instant tous les travaux, et les arrêta pour jamais. Le soleil donna tout-à-coup des signes de vieillesse, son front pâlit et ses rayons se refroidirent. Le nord de la terre craignit de périr, ses habitants se hâtèrent de quitter des climats dont la froidure augmentait de jour en jour, ils emportent leurs richesses, et courent à la zone torride se presser sous les regards du soleil. "
Cest dans cette même cité qu’atterrissent enfin Omégare et Idamas. Acueillis froidement par Eupolis, Idamas dut lui expliquer le sens de la prophétie pour qu’Eupolis conduise les Français vers Aglaure, le chef de la nation brésilienne. Celui-ci se réjouit avec son peuple de l’attente que suscite la présence d’Omégare dans la Cité du Soleil.
De partout affluent les jeunes Américaines dans l’espoir d’être choisies par Omégare pour épouse. Le génie de la terre lui-même presse Idamas de dévoiler l’identité de la promise d’Omégare car le temps presse. C’est avec l’aide de la Nature, sous les traits d’une merveilleuse jeune fille, et celle d’Eve comme marraine, que Sydérie devient officiellement la jeune promise. Omégare est sous son charme, attendant avec impatience le jour où, le peuple du Brésil étant réuni, on lui accorderait Sydérie pour épouse. Ce jour arrivé, comme elle était resplendissante, au milieu des autres jeunes filles! :
« Sydérie était la seule qui possédait la flamme des passions; elle ne pouvait la retenir cachée ; l’incarnat le plus vif colore ses joues ; elle pousse des soupirs involontaires ; sa respiration est forte et rapide, des éclairs jaillissent de ses longues paupières abaissées. »
Son émotion est telle qu’à la vue d’Omégare, elle s’évanouit. Forestan, son père, qui descend de la race forte des Tupiques, la plus ancienne du globe à la vigueur originelle, s’élance à son secours. Ormus, exilé dans les ruines de Carthagène, sera pressenti pour bénir leur union. Eupolis part à sa recherche, il l’aperçoit :
« Assis sur les restes d’un amphithéâtre. A ses pieds des colonnes brisées, des statues mutilées sont confusément éparses. A ses côtés et sur sa tête, sont amoncelés, les uns sur les autres, d’énormes débris de rempart, de temples, de palais qui forment des masses effrayantes que l’œil ose à peine regarder. »
Coup de théâtre : Ormus n’est pas d’accord pour sceller cette union car elle serait un prélude à la fin du monde. Passant outre la funeste interdiction, Omégare et Sydérie s’unissent, sans toutefois consommer. Devant le danger de voir tout périr, Eupolis donne un seul ordre : il faut éloigner Sydérie d’Omégare qui sera enfermé dans une haute tour. Tandis qu’Ormus réclame la tête du dernier homme, Forestan fait s’enfuir le couple en direction de l’Europe où ils vivront dans une grotte en attendant des jours meilleurs. Mais toujours Sydérie se refuse à Omégare qui n’en comprend pas la raison. Elle est prête à mourir si le jeune homme la touche. Le trop-plein d’énergie dont fait preuve Omégare le force à adopter toutes les postures du jeune romantique à la Chateaubriand:
« Dès que l’aurore éclaircissait les ombres de la nuit, je fuyais loin de ma demeure, je m’enfonçais dans les forêts, je gravissais les plus hautes montagnes ; je ne revenais qu’après que la fatigue m’avait épuisé. Ce fut par ces efforts magnanimes, que je domptais la plus terrible des passions. Ainsi la main qui veut soumettre un coursier rebelle, le lance sur les sillons que le soc de la charrue a profondément tracés ; il se consume en efforts laborieux, bientôt il blanchit le mors de son écume, la sueur ruisselle le long de ses membres affaiblis, et sa fougueuse ardeur s’amortit. »
Finalement, l’ombre de Forestan viendra à son secours Il inspire à Omégare des songes d’un futur fécond et heureux, et à Sydérie, plus prosaïquement, des scènes peintes décrivant l’acte de chair :
« Si ta pudeur n’ose lui répéter mes ordres, va dans le temple de ce palais ; tu trouveras deux tableaux sous l’autel qui regarde l’orient : expose-les à ses regards. A cette vue, il sentira ses désirs se rallumer, et les tiens lui seront connus. A ces mots, l’ombre de Forestan se précipite dans le sein de la terre, et disparaît. »
Heureusement, Adam, envoyé in extremis par Dieu, sauve Omégar de la folie. L’entraînant loin de Sydérie, vers Paris, il lui raconte comment le génie de la terre, empruntant les oripeaux de tous les personnages précédents, a berné le couple. Dieu ne veut pas de postérité ; elle ne pourrait être qu’une caricature d’humanité dans un monde en perdition :
« Au même instant Dieu permet que le tableau de sa postérité se déploie à ses regards. Il découvre dans une plaine aride, sous un ciel ténébreux, ses enfants d’une forme hideuse, aussi cruels que difformes, se faisant une guerre atroce et perpétuelle ; il les voit assis autour de tables ensanglantées, couvertes des membres de leurs frères, dont ils se disputaient les lambeaux palpitants qu’ils dévoraient.»
D’ailleurs, les prémisses deviennent de plus en plus évidentes :
« Déjà des présages terribles l’annoncent. Du fond des cavernes et des antres, il sort des sons lamentables et plaintifs : on entend dans les airs des voix nombreuses qui gémissent ; toutes les feuilles des forêts s’agitent d’elles-mêmes ; les animaux épouvantés poussent des hurlements, prennent la fuite et se jettent dans des précipices. Les cloches ébranlées par une force inconnue, répandent au loin les accents lugubres de la mort : on dirait qu’elles sonnent le trépas du genre humain. Les montagnes s’ouvrent et vomissent des tourbillons de flamme et de fumée. Les flots de l’océan deviennent livides, et sans être soulevés par les vents et les tempêtes, ils mugissent, ils se brisent avec fureur contre les rivages, en roulant des cadavres. Toutes les comètes qui, depuis la création, avaient effrayé les hommes, se rapprochent de la terre et rougissent le ciel de leurs chevelures épouvantables ; le soleil pleure, son disque est couvert de larmes de sang. »
La ville de Paris elle-même s’est effondrée et a disparu de la surface de la terre, seule subsiste la statue de l’empereur Napoléon:
« Paris n’était plus : la Seine ne coulait point au milieu de ses murs ; ses jardins, ses temples, son Louvre ont disparu. D’un si grand nombre d’édifices qui couvraient son sein, il n’y reste pas une chétive cabane où puisse reposer un être vivant. Ce lieu n’est qu’un désert, un vaste champ de poussière, le séjour de la mort et du silence. Omégare jette les yeux sur cette triste étendue, et n’y voyant que des cendres entassées, il dit tout ému : Sont-ce là les restes de cette ville superbe dont les moindres mouvements agitaient les deux Mondes ? Je n’y trouve pas une ruine, une seule pierre sur laquelle je puisse verser mes larmes ; et moi je craindrais de voir périr la terre, ce tombeau de l’homme et de ses établissements !
Tandis qu’il marche enseveli dans ces pensées, il découvre au loin une statue échappée à ses regards. Omégare se demande par quel prodige elle survit entière à tant de monuments plus durables qu’elle, et dont les ruines même ont péri. La route qu’il suivait le conduisait à ses pieds ; il s’en approche, il la contemple ; il juge, aux divers attributs qui la décorent, qu’elle représente un ancien souverain des Français. »
Le dernier jour de la terre vient de débuter. Omégare cessera de lutter contre la volonté de Dieu. Le sort de Sydérie, séparé de son amour, n’est pas plus enviable. Bien que tentant de retrouver sa trace à Paris, elle connaîtra bientôt sa dernière heure. Dieu, pour adoucir sa peine lui fera voir en une ultime vision , comme pour Omégare, le jugement dernier :
« Il voit que Syderie ne survivra point à la fuite d’Omégare, et que la seule femme féconde parmi les hommes va périr. Libre de ses promesses et des lois qu’il s’imposa, Dieu donne le premier signal de la résurrection des morts. Les cieux y répondent par des cris d’allégresse ; les enfers en frémissent ; ses habitants s’enfoncent dans les flammes pour s’y cacher. Des anges placés aux pieds du trône de Dieu, sonnent les trompettes du dernier jour, dont les éclats sont entendus jusqu’aux limites de l’univers.
Aussitôt les corps qui recèlent des substances de l’homme, se hâtent de les rendre. Au nord, la glace se rompt pour leur donner un passage. Sous les tropiques, l’océan bouillonne et les vomit sur ses rives. Ils sortent des tombeaux qui s’ouvrent, des arbres qui se fendent, des rochers qui se brisent, des édifices qui s’écroulent. La terre est un volcan immense d’où, par un nombre infini de bouches, s’élancent des ossements et des cendres.
A l’aspect des tombeaux ouverts, des ossements sortis des entrailles de la terre, des cendres humaines éparses dans les airs, Omégare est oppressé de terreur ; ses cheveux se hérissent, il s’arrête ; il craint de fouler aux pieds la poussière qui lui paraît vivante. Soulevé sans cesse par les mouvements onduleux de la terre, comme s’il voguait sur les flots, et se soutenant à peine, il s’appuie contre un arbre, le serre dans ses bras, ferme ses yeux et se résigne à la mort, ainsi que des navigateurs qui, ne pouvant plus combattre la tempête, et livrant leurs voiles à la furie des aquilons, pâles et tremblants, attendent le flot qui va les submerger ou les briser contre les rochers.
Trois heures suffisent pour l’éruption des dépouilles humaines, tant elle est violente et rapide ! sitôt que Dieu, qui sait le nombre des atomes de l’univers, et dont les regards percent les replis les plus déliés de la nature, voit que la terre a rendu les cendres des hommes, il veut qu’elle se repose. Aussitôt l’océan rappelle sur ses rivages, ses flots débordés et furieux : les vents prennent la fuite, se précipitent les uns sur les autres, et rentrent en grondant dans leurs cavernes. Un morne silence succède à cette tempête universelle ; Omégare y renaît, Omégare ose y descendre, et s’interroger sur lui-même et ses intentions. Fier des réponses qu’il en reçoit, il regarde le ciel avec assurance. Le souvenir d’un Dieu qui règle l’univers, le console. Que les anges sonnent la trompette qui doit réveiller les morts ; que la terre s’écroule, que le soleil et les astres s’éteignent, ses regards en soutiendront le spectacle avec courage ; Omégare est digne d’assister au dernier jour de la terre. »
Pourtant, le génie de la terre, toujours à la recherche du couple, ne désarme pas. Il tente encore, dans ses cavernes, de barrer la route à la fatalité, grâce à la science :
« Il était au centre de la terre dans ses ateliers qu’il creusa de ses mains, et qui joignent les deux pôles. Ce vaste laboratoire est l’abrégé de l’univers ; il y rassembla les instruments des arts, diverses machines dont lui seul connaît l’usage, tous les genres de corps qui couvrent la surface de la terre, ou qu’elle cache dans son sein ; là, sur des tablettes innombrables, il avait rangé des vases d’airain, où lui-même renferma les sucs et les semences des plantes, les esprits volatils des animaux. C’est dans ces lieux que l’infatigable génie combinait, depuis la création, les éléments de tous les corps, qu’il interrogeait la nature, et la forçait à lui répondre. C’est de ces cavernes que sortirent ces découvertes précieuses dont le hasard et l’esprit humain s’attribuèrent l’honneur, et qui furent des présents du génie. Enfin, c’est là que dans un million de fournaises, il nourrissait des feux continuels dont la chaleur repoussait le froid mortel qui s’avançait de jour en jour jusqu’au centre du monde. »
Cependant, même lui sera vaincu par la mort qui s’approche. En un dernier mouvement, il fera voler la terre en éclats:
« La mort ne répond qu’en avançant sur lui : soudain le génie agite ses flambeaux dans sa caverne qui s’enflamme ; l’explosion en est si terrible, que la terre ébranlée, recule sur son orbite. Ses entrailles se déchirent, elle soulève les Alpes, les Pyrénées, et lance ces énormes masses jusques dans les hautes régions de l’atmosphère. »
Si nous nous sommes si longuement penché sur l’œuvre de Cousin de Grainville c’est parce qu’elle est inclassable et originale. Apparentée au romantisme, dont on retrouve la quasi-totalité des thèmes – puissance de l’amour, mouvements du cœur, sentiments d’horreur et d’honneur, poésie des ruines, thématique de l’antique , etc., les descriptions novatrices sont si nombreuses qu’elles font exploser un cadre trop étroit.
En premier lieu, le thème central, celui du dernier homme, dont c’est la première apparition en littérature (si l’on écarte « le Dernier jour du monde », écrit en 1689 et paru chez Louis Rouillard le fils à Paris, plus proche de l’apologétique que du roman). La révolte vaine d’Omégare contre son terrible destin, son impossibilité à vaincre le puissant ennemi – Dieu !- qui a juré la perte de l’humanité, imprègnent l’ensemble de l’œuvre.
Le personnage de Sydérie n’en est pas moins touchant, dont la fragilité est vouée à la destruction. Bien que toute une pléiade de figures allégoriques ou symboliques – le Génie de la terre, l’ange Ituriel, la Nature, Adam, etc..- ou inouïes – Polémos, Idamas, Philantor- suggèrent un attirail romantique aujourd’hui désuet, elles ne sauraient cacher l’originalité profonde de thèmes repris maintes et maintes fois dans le champ de la science-fiction moderne.
En vrac : la terre creuse (le génie et ses feux), la ville utopique (la cité du Soleil), la science modelant les paysages ( l’action d’Ormus), le changement de climat et l’orogenèse (modification des paysages de l’Europe, engloutissement de l’Angleterre), les dangers de la surpopulation, le dépérissement du potentiel génétique des peuples et les mutations (les descendants d’Omégare), la disparition des villes (Paris en ruines), les transports aériens en d’immenses vaisseaux (départ vers le Brésil), l’hibernation et l’immortalité provisoire (Philantor dans le temple de la Sérénité), l’entropie finale et le refroidissement de la terre.
Trop originale pour l’époque, l’œuvre a eu peu de succès du vivant de l’auteur, aujourd’hui encore peu connue et difficile à trouver (un exemplaire subsiste à la Bibliothèque nationale). Pourtant ses épigones, surtout au XIXème siècle, ne se privèrent pas de le copier, sans jamais l’égaler.
Et en premier lieu « le Dernier Homme » de Creuzé de Lesser qui avoue sa dette envers Cousin de Grainville, dans son poème dramatique, et celui de Mary Shelley, dont la puissante personnalité domine le roman. Mais que dire d’Elise Gagne, qui avec « Omégar ou le dernier homme », une « prosopopée dramatique de la fin des temps » lénifiante, ne reconnaît pas ce qu’elle doit à son précurseur. De même « Mada ou le dernier homme » du baron d’Aiguy, « le Dernier homme » de Reboul, ou « la Divine Epopée » de Soumet se veulent originaux alors qu’ils ne sont que des copies, souvent proches du plagiat. Jamais elles n’atteignent la puissance de l’œuvre originale, engoncées qu’elles sont dans un fatras poético-religieux, moralisateur et suranné, basé sur l’apocalypse de Saint Jean.
Elles se donnent toutes une mission de dénonciation et de prophétisme que l’on ne retrouve pas dans le récit de Grainville, pur jeu littéraire. Le seul qui échappe quelque peu à la critique est le roman – bien maladroit par ailleurs- de Camille Flammarion « la Fin du Monde » dans lequel Omégar le héros, se réincarne sur Jupiter selon les principes du spirite Alain Kardec.
Aujourd’hui le thème du dernier homme a fait florès. On ne compte plus les ouvrages qui le pérennisent (ou plutôt nous avons essayé de les recenser dans ce dictionnaire) jusqu’au dernier en date à ce jour, « le Monde enfin » de Jean-Pierre Andrevon. Cousin de Grainville, en deux éditions celle de 1805 et celle posthume – l’auteur s’étant entre temps suicidé ne pouvant supporter son infortune– de 1811, fonde une thématique anticipatrice dont la nouveauté, à elle seule, imposerait l’urgence d’une réédition.
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contient les nouvelles :
Dernière Idylle (Gérard Klein)
le Dernier Hédoniste (Martin Winckler)
Shangaï Express (Frédéric F. Fajardie)
Le Dernier Fumeur (Michel de Pracontal)
L’Avant-dernier homme (A.D.G.)
Robert (Chantal Pelletier)
Le Rêveur de Pompéi (Olivier Delcroix)
Le Mot de la fin (Sébastien Lapaque)
Disparition d’une odeur (Serge Quadruppani)
Comme un fauteuil Voltaire dans une bibliothèque en ruines (Jérôme Leroy)
la Géométrie de l’invisible (Sophie Loubière)
Elle (Jean Mazarin)
But not least ! (Nicolas d’Estienne d’Orves)
la Dernière des cinq (sotie) (Jean-Baptiste Baronian) (hors corpus, non répertorié)
Hurlement (Jean-Pierre Andrevon)
Charlie’s Angels (Roland C. Wagner)
le Dernier Rhum (Philippe Lacoche) (hors corpus, non répertorié)
l’Ultime salve de Brice Merloncourt (Daniel Walther)
le Sourire des rats (Christophe Mager)
la Secte (Marc Villard) (hors corpus, non répertorié)
Ultime atome (José Nocé)
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"Le Dernier Homme" est historiquement le deuxième roman traitant de ce thème, le premier étant "le Dernier Homme" de Cousin de Grainville (1805). Il s’agit d’une oeuvre importante, de par la qualité de son auteur, créatrice de "Frankenstein", et des éléments romantiques qui se retrouveront désormais à la base de l’oeuvre cataclysmique: poésie des ruines, agonie de la nature, héros démesuré, destruction et mort de l’espèce, pérégrinations dans le monde..
L’oeuvre est divisée en trois livres distincts. Le premier présente les héros de l’histoire et développe les liens qui les unissent. Le deuxième montre l’éclosion de l’épidémie de peste. Le troisième insiste sur les voyages du dernier homme.
Y sont présents de nombreux archétypes qui deviendront stéréotypes dans les romans ultérieurs: description des ruines et des cadavres, ivresse de la liberté et de la possession totale des biens de ce monde , interrogation métaphysique devant la cruauté du destin , multiplication de la nature végétale et animale enfin libérés de la tutelle humaine.
Le récit, de pure science-fiction, est daté: il débute en 2073 et s’achève une vingtaine d’années plus tard. Il s’ouvre sur les personnages de Perdita, soeur du narrateur, et de Raymond, le héros, libérateur de la Grèce, conducteur de l’Angleterre menacée par la peste, en fait le sosie de Lord Byron . Adrian est le fils de la Comtesse de Windsor et deuxième ami du narrateur. Il prendra la relève de Raymond, après la disparition de celui-ci, pour conduire les derniers rescapés anglais hors de leur pays frappé à mort, jusqu’à un retour en Grèce supposée épargnée par le fléau. Idriss est la soeur d’Adrian, épouse du narrateur. Enfin Evadné est une jeune Grecque amoureuse de Raymond.
Ces personnages sont des héros romantiques, êtres excessifs par nature et entiers dans leur jugement. Raymond possède un caractère sauvage, indomptable. Il est irascible et partial. Adrian, le futur roi d’Angleterre est fantasque, chimérique, et fin politique. Il fait penser au roi fou, Louis II de Bavière. Perdita , Evadné , Idriss, se montrent des femmes indomptables et les meilleurs soutiens des héros.
Le premier livre place les personnages dans leur décor. Il s’agit de la campagne anglaise, du château de Windsor; l’Angleterre future restant soumise à la royauté et la technologie n’y faisant aucune apparition. L’oeuvre est truffée de références littéraires et philosophiques, de rappels quant à la situation politique au début du 19ème siècle.
Raymond s’affirme comme leader naturel ; il remporte légalement le pouvoir en battant son opposant Ryland, le populiste. En façonnant une nouvelle constitution, il apprend par Evadné le triste sort de la Grèce pliant sous le joug turc. N’écoutant que son courage, le Protecteur - c’est son titre - part libérer la Grèce. Il vole de victoires en victoires mais bute sur Constantinople. Il fait le siège de la ville, si longtemps qu’une épidémie de peste s’y déclare, ravageant tout. Ses amis lui recommandent de repartir. Lui, au contraire, force l’entrée de la ville mais saute sur une poudrière. Le héros n’est plus et le fléau se propage.
Les compagnons de Raymond retournent en Angleterre, autant pour fuir l’épidémie que pour assurer la succession du Protecteur en la personne d’Adrian. Les nouvelles ne sont pas bonnes: la Peste progresse et dévaste tout sur son passage. Elle menace l’Angleterre au moment où d’autres signes de destruction se manifestent dans le monde comme si le septième sceau de l’Apocalypse était brisé:
" le 20 novembre, Adrian et moi chevauchâmes une dernière fois à travers les rues de Londres. Elles étaient désertes et envahies par les herbes folles. Les portes ouvertes des maisons vides grinçaient sur leurs gonds; une végétation exubérante et une saleté dégoûtante avaient envahi leurs marches. Les clochers muets des églises s’élevaient dans un ciel libre de toute fumée, les églises étaient ouvertes mais personne ne venait plus prier devant les autels, la moisissure et l’humidité avaient déjà endommagé leurs ornements. Les oiseaux et les animaux domestiques désormais sans maîtres, avaient fait leurs nids et installé leurs tanières dans des lieux consacrés. Nous passâmes devant St Paul. Londres, qui avait étendu ses faubourgs dans toutes les directions, avait un peu délaissé son centre, et beaucoup de ce qui masquait autrefois ce vaste édifice avait disparu. Sa masse pesante, sa pierre noire et son dôme imposant lui donnaient l’apparence non pas d’un temple mais d’une sépulture. Au-dessus du portique il me sembla lire le Hic Jacet de l’Angleterre.
Nous poursuivîmes notre route vers l’est, tenant les propos graves et solennels qu’inspirait l’époque. Nous n’entendions aucun pas d’homme, ne rencontrions aucune forme humaine. Des troupes de chiens délaissés nous croisaient; et de temps à autre un cheval sans bride ni selle trottait vers nous;(...) Si tout était désert, rien n’était en ruine. Et ce mélange de bâtiments intacts et de résidences luxueuses, encore pimpantes, contrastait avec le silence macabre des rues désertes. "
Le pays se transforme: le commerce s’arrête, les villes sont abandonnées au profit des campagnes, l’immigration est interdite, les dissensions politiques se font jour, la guerre civile éclate.
Dans le troisième Livre, les bouleversements sociaux atteignent leur maximum. Il reste peu d’Anglais. L’agriculture est abandonnée. Londres ne compte plus qu’un millier d’habitants. En 2096, Adrian, le Protecteur, a décidé d’aller vers le Sud, via les Alpes, avec sa famille et la dernière tribu de ce qui constitua jadis le peuple anglais. Talonné par la peste, en dépit de l’air pur des sommets, il se dirige vers l’Italie:
" (A Venise) algues et monstres marins étaient abandonnés sur le marbre noirci; le limon salé défigurait les oeuvres d’art incomparables et les goélands s’échappaient par les vitres cassées. Au milieu des ruines impressionnantes de ces monuments édifiés jadis par des hommes de génie, la nature affirmait sa prééminence, et le contraste rehaussait sa beauté. Les eaux radieuses frissonnaient à peine, et leurs ondulations légères étaient autant de miroirs dans lesquels se réfléchissait le soleil. "
Durant le voyage, le groupe se désagrège: les uns disparaissent, les autres se laissent séduire par les accents d’un faux prophète. Idriss meurt. Adrian dépérit, puis meurt à son tour. Le narrateur, dans la ville déserte de Rome, restera le "dernier homme":
" J’employais mes matinées à monter à cheval et à chasser dans la Campanie. -Je passais de longues heures dans les diverses galeries- je contemplais chaque statue, et je me perdais en rêveries devant maintes Madones ou nymphes superbes. Je hantais le Vatican, où m’entouraient des oeuvres de marbre d’une beauté transcendante. Chaque divinité de pierre était possédée par une joie sacrée, et par l’éternelle fécondité de l’amour. Elles me regardaient avec une froide suffisance, et souvent j’éclatais en reproches contre leur suprême indifférence -car elles avaient forme humaine, et la beauté divine de l’homme se manifestait dans chaque partie de leur corps. Le travail parfait de l’artiste créait l’illusion du mouvement et de la couleur. Souvent, à moitié par ironie amère, à moitié dans l’intention de me leurrer moi-même, je serrais contre mon corps leurs proportions glacées, et m’insinuant entre Cupidon et les lèvres de sa Psyché, j’embrassais le marbre stérile ".
Après avoir usé de sa liberté toute neuve, il consigne par écrit la saga de l’espèce humaine et la confie aux anfractuosités d’un rocher. C’est là, dans une caverne que l’auteur, Mary Shelley, affirme avoir découvert le manuscrit à son époque, ce qui renvoie notre époque à un futur antérieur à l’époque du roman.
Ce récit possède pour le lecteur moderne des lenteurs, dues au développement des descriptions romantiques et au pathos qui s’en dégage. Il revivifie cependant en les réactualisant les thèmes déjà notés par Cousin de Grainville avec son personnage Omégar.
La quasi-totalité de ceux-ci seront repris par le roman cataclysmique moderne, à savoir, la poésie des ruines, la cité privée d’humains en proie au végétal et à l’animal, la désagrégation sociale, la montée des sectes religieuses, l’ivresse de la possession totale, le mythe du bon berger conduisant son peuple vers une nouvelle Arcadie, la description réaliste de l’épidémie et ses conséquences atroces, le thème de la culpabilité humaine. Aucune oeuvre du genre n’ira plus loin que celle-ci, en démontrant ce que le roman apocalyptique devra au Romantisme. Autant que le "Frankenstein ", " le dernier Homme " est le testament littéraire de Mary Shelley.
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Le jeune savant et chimiste Julien Préval se livre dans son appartement de Neuilly à des expériences sur l’ozone, gaz miraculeux, désinfectant et régénérateur, incolore et inodore.Ni Félicie, sa cuisinière, ni François son domestique ne répondent à ses appels. Il les trouve immobiles, debout, comme arrêtés en plein mouvement. Que s’est-il passé ? Pour en avoir le cœur net, il sort et se promène dans Paris. Partout se présente le même tableau digne du conte de la Belle au Bois dormant :
« Le monde n’était qu’endormi ! Il regardait ; à droite et à gauche des gens arrêtés, presque tous debout… très peu allongés par terre ; des voitures arrêtées, avec des chevaux immobiles, la jambe en l’air. Quelque chose comme ces photographies instantanées de gens en marche, qui vous représentent cloués d’un pied au sol, l’autre lancé en avant.»
Peut-être une comète, peut-être une trombe asphyxiante a-t-elle eu raison des Parisiens ? Empruntant une bicyclette, il croise un tramway rue de la grande Armée qui vient de heurter une automobile :
« Je renonce à décrire le spectacle, toujours semblable, que Julien rencontrait à chaque pas. Le silence n’était troublé que par des chocs bruyants d’automobiles qui, elles, allaient devant elles et iraient encore tant qu’elles auraient leurs accumulateurs chargés ou leur réservoir plein de pétrole. Sans direction, elles montaient sur les trottoirs, se cognaient aux arbres, entraient dans les vitrines des magasins. »
Au Bois, un amoncellement de cyclistes tombés raide lui rappelle que la rigidité post-mortem survient plus rapidement chez des gens agités, comme les Parisiens. Laissant la bicyclette, car il ne craint plus les voleurs, il se sustente dans une pâtisserie sans payer. Le sentiment d’exaltation et de toute-puissance se transforme lentement en inquiétude : qui éteindra les incendies lorsqu’ils se déclareront ? Qui renouvellera la nourriture ?
Il lui faut absolument trouver un autre homme vivant, bien que l’appel télégraphique à destination de l’Amérique ne donne aucun résultat. Du côté de la gare Saint-Lazare il lui vient l’idée d’emprunter un train malgré l’enchevêtrement ferroviaire :
« l’ingénieur ne vit même pas l’amoncellement de locomotives, de wagons écrasés qui étaient venus, sans direction, se heurter aux murs en passant par-dessus les butoirs. Il avait dû y avoir là d’incommensurables accidents. Les trains qui devaient entrer en gare, sans aiguilles, sans disques, sans signaux, avaient dû arriver pêle-mêle et se téléscoper mutuellement… Julien avait vu un quai de départ, un train prêt à partir…. De la locomotive s’échappaient des flots de fumée noire. »
Il part en direction d’Asnières. Partout, la traversée des gares offre le même aspect désolé de la mort et de l’immobilité. Soudain, vient à sa rencontre un autre train. Le choc le réveille au grand soulagement de Félicie et du docteur qu’elle avait appelé à son chevet. Toute l’aventure n’était donc qu’un cauchemar dû à l’inhalation d’ozone…
Une petite nouvelle sans prétentions et restée inédite qui explore courageusement la thématique du dernier homme : liberté sans limites, richesses inouïes, misère de l’homme seul
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Charles Bergheim en compagnie de son amie Alice Penthièvre s’endort lors d’un déplacement en train. Il rêve qu’une comète énorme frôle la Terre avec sa queue d’oxygène. Cet excès de gaz tue le monde entier, sauf lui et son perroquet, situés au centre du monstrueux tourbillon. Au contraire, l’excès d’oxygène le revigore et il se réjouit d’être le seul être humain vivant au monde et à Paris. Il en profite pour goûter aux plats les plus fins, aux vins les plus rares, pour contempler toute cette vie arrêtée en plein élan. Quant à son perroquet, il devient son unique confident. Le surplus de gaz a des effets inattendus :
"La vie végétale était extraordinaire dans l’atmosphère surchauffée. La Seine coulait sous un enchevêtrement de lianes, sous une verdure exubérante et capricieuse. Les collines de Sèvres, de Meudon, les moulins de Montmartre, d’Orgemont, de Sannois étaient couverts d’un épanouissement de fougères arborescentes, de lycopodendrons, de prêles gigantesques. A Paris, des brins d’herbe, en s’accroissant, soulevaient les pavés et devenaient des arbres élancés et flexibles, avec un feuillage indéfiniment accidenté. Sur le boulevard des Italiens, autour de l’Opéra, la végétation ascendait vers les toits comme un flux de sève des forêts primitives. "
Bergheim se déplacera en s’accrochant aux lianes, comme un singe tout en craignant que l’homme " allait finir comme les sauriens du lias, comme les mastodontes et les mégathériums de l’époque tertiaire. " Mais quel soulagement, ce n’était qu’un rêve!
Dans cette brève fantaisie Champsaur s’empare du thème du dernier homme pour en faire un bijou d’humour et d’ironie.
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Le Dernier Hedoniste - Par BenF
La terre polluée, les maladies de toute sorte débilitent l’être humain, qui meurt de plus en plus jeune. Le rêve d’une immortalité, ou du moins d’une vieillesse prolongée, s’éloigne à jamais. Ce que n’accepte pas le corps médical, tout entier représenté par « Médipark », un monopole de type privé. Cette entreprise a mis en route une incroyable procédure approuvée par les divers gouvernements. En vue de sélectionner l’individu le plus apte génétiquement et somatiquement, Médipark recrute au moyen de jeux télévisuels le maximum de cobayes. Les chanceux, sélectionnés, passent une semaine de rêve dans «Medicentre», où ils peuvent satisfaire tous leurs désirs. Non sans contrepartie. Car l’étude et l’exploration de leurs corps se fait avec des moyens de plus en plus lourds et invasifs, parfois sous anesthésie générale. Ceux qui présentent le moindre défaut seront impitoyablement recalés et repartiront chez eux les bras chargés de cadeaux. Une telle sélection révèle un seul individu parfait (par ironie de l’auteur un jeune inspecteur chargé de surveiller la régularité des jeux !).
Ce qu’il apprendra, l’heureux gagnant, paralysé par le curare, c’est que son corps sera débité en pièces chargées de remplacer les organes branlants du président de Médipark et des divers « sponsors » ayant investi dans l’entreprise.
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Le Dernier Fumeur - Par BenF
Cette société d’un futur proche ressemble à celle du «Meilleur des mondes » de Huxley. Aseptisée, pure, asexuée, androgyne. Les enfants y sont élevés dans l’aversion, dans la honte de la souillure et de la tache.
Depuis les lois de Georges Bush III, la plus stricte sévérité est appliquée aux derniers délinquants que sont les fumeurs ou les érotomanes. Ainsi, faire l’amour ou fumer sont des activités totalement illicites et le dernier fumeur l’apprendra à ses dépens puisqu’il sera tué et émasculé par une bande de zonards. Car la bête ne demande qu’à relever la tête dès que se présente la moindre faille.
C’est dans cet univers, issu de la troisième guerre mondiale (nucléaire), où les survivants vivent sous cloche transparente, que prend place l’enquête du détective Lönnrot envers le meurtrier Scharlach sans que cela ajoute un zeste d’intérêt à une nouvelle, certes bien écrite, mais aussi bien conventionnelle.
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