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Bienvenue dans la Base de Données des livres !

Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !

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Livres

  1. Type: livre Thème: menaces et guerres nucléaires Auteur: Divers auteurs Parution: 1970
    contient les nouvelles :
    le Test (Richard Matheson)
    les Assassins de la terre (A.E. Van Vogt)
    le Pilote (Ib Melchior)
    Toute la misère du monde (Isaac Asimov)
    Amis et Ennemis (Fritz leiber)
    Le Pays de Nod (Sherwood Springer)
    Un Homme très cultivé (Georges Fredric)
    La Question muette (F.J. Ackerman)
    Homo sapiens (Charles Nuetzel)
    Aquella (D.A. Wollheim)
    La Vague montante (M.Z. Bradley)
    Votre vie en 1977 (Willy Ley)
    Presque la fin du monde (Ray Bradbury)

  2. Type: livre Thème: épidémies Auteur: Edmund COOPER Parution: 1970
    Une Angleterre du XXIème siècle entre " 1984 " et " Brazil". Les médias y sont tout puissants, les confessions se font devant des écrans de contrôle (Les "Machines-Dieu"), les "janissaires" surveillent la population, la Société Micro Guerre est un trust qui prépare de nouvelles armes, surtout bactériologiques,  les prépubs, adolescents extrêmement dangereux hantent les rues le soir venu.
    C’est dans un tel contexte que notre héros Gabriel Chrome, désespéré, rencontre une jeune fille, Camilla, qu’il sauve du suicide.  Elle lui raconte son aventure. Elle est  l’ancienne épouse du Dr Greylaw qui lui a inoculé le virus P.939 ce qui eut pour effet immédiat d’ôter toute agressivité à la personne contaminée tout en l’incitant à faire l’amour sans limite.
    Trois phases se suivent dans l’évolution de la maladie: la phase lascive, la phase boulimique et la phase de tranquillité.
    Avant d’expérimenter ce virus sur Camilla, Greylaw, qui travaillait à MicroGuerre, l’a aussi inoculé à des animaux témoins. Et l’on a pu voir chez Camilla un tigre tenu en laisse,  tremblant devant un petit lapin.
    Gabriel ne résiste pas au sex-appeal de Camilla. Tous deux se sentent investis d’une mission supérieure: propager la paix universelle par le sexe. Ils s’y emploient activement, surtout après une séance de viol collectif subi dans le parc de Londres, viol programmé par TELNET, la télévision d’état, afin de faire partager aux spectateurs les frissons de l’aventure:
    " Denis Progg, le Monde Tel Qu’il Est". Son visage s’éclaira derrière le cigare dans un vaste sourire de plastique. "Mon petit, vous avez été fabuleuse. Nous avons enregistré treize minutes qui colleront les spectateurs à leurs fauteuils. Vous toucherez chacun un chèque de six mille cinq cents livres, et quand vous aurez signé un papier pour renoncer à toute poursuite pour coups et blessures, nous sablerons le champagne et dégusterons le caviar.(...)
    Vous n’avez jamais vu mon émission le Monde Tel Qu’il Est? " (...) Le Monde Tel Qu’il Est est un programme destiné à rendre les gens matures, responsables et conscients des réalités de la vie. Il élargit les dimensions de l’expérience. Vous vous trouvez là quand ça se passe. Vous êtes concerné". Il se tourna vers Camilla. Les étudiants ne vous violaient pas seulement vous, chérie. Ils vont violer X millions de femmes. Il ne peut en sortir que du bon. Les hommes de l’oublieront pas. Ils désireront voir doubler les janissaires pour que les fillettes puissent de nouveau sortir la nuit. Ils feront pression sur le Parlement pour une action psychologique plus efficace." Les violeurs de tout poil sont d’ailleurs aidés par la pilule "Sexin" qui provoque l’irrésistible envie de copuler.
    Entre temps, les frères Karamazov, jumeaux et espions notoires, l’un en faveur de l’Ouest, pour COCOMIN (= Compréhension Internationale) l’autre en faveur de l’Est, pour LIKAMARSAME (= Ligue Karl Marx pour la Santé Mentale ) ont eu vent de l’existence de cette arme bactériologique. Ils s’emparent des animaux témoins avant que Periwitt, patron de Greylaw à MicroGuerre, n’ait pu réagir.
    Le virus se propage. Peter Karamazov, qui a tué son frère Illitch dans un accident de voiture - et dont il récupère les organes internes pour remplacer les siens abîmés -, ayant lui aussi été infecté, devient Frère Peter, le nouveau Christ de l’UAP (Union de l’Amour  Parfait). L’épidémie gagne le monde entier et les messages de paix se multiplient:
    " A l’assemblée générale des Nations Unies, le représentant de la République Populaire de Chine prononça un discours important. Devant le monde et au nom de son grand pays il plaida coupable pour avoir aggravé l’explosion démographique du globe, fomenté la révolution dans les pays capitalistes, volé des territoires à l’Union Soviétique, fourni aux pays occidentaux cinquante milliards de boîtes de canard laqué, trente milliards de boîtes de riz frit, et un million de tonnes de paquets de porc aigre-doux congelé, le tout impropre à la consommation. Et au nom du Parti Communiste Chinois, il plaida également coupable pour avoir affamé les habitants prolifiques de sept provinces rebelles chinoises, fermé les yeux sur l’excès de culte de la personnalité dans le cas de Mao Tse Toung I, II, et III, et la propagation incessante de slogans creux déguisés en philosophie politique.
    En guise de réparation, son pays proposait de stériliser cent millions de paysans chinois, de ne plus acheter de cigares à Cuba, de permettre à cinquante millions de cuisiniers chinois d’émigrer vers l’Ouest, de donner la Mongolie à la Russie, et le Tibet au Tibet, et d’ordonner à douze millions cinq cent mille membres les plus dévoués du Parti Communiste Chinois de manger leur première édition des Pensées du Président Mao "
    Camilla meurt dans une orgie, soumise au "Sexin" et attaquée par une bande de prépubs. Gabriel, à nouveau désespéré, regagne, en un dernier pèlerinage, l’appartement de Camilla, et découvre, glissée à l’arrière du divan, une lettre de Greylaw écrite à son épouse avant sa mort. Il affirme que le P.939 n’est pas innocent, que c’est une arme,  et que la totalité de l’agressivité contenue va se libérer en bloc à la fin des trois phases.  
    Alors, Gabriel se rend compte que le monde est au bord du désastre, que l’ensemble de l’aventure humaine n’est qu’une immense farce. Abasourdi par cette découverte, il ne fait pas attention à l’aéroglisseur de Frère Peter qui le renverse et le tue.
    Un récit foisonnant et caustique. De l’humour tout au long des pages, une façon habile de mélanger les personnages, d’entremêler les intrigues jusqu’au dénouement final. Un auteur au sommet de sa forme et qui traite le thème de la fin de l’espèce par la sexualité d’une façon brillante. A comparer avec " la Mort Blanche " de Frank Herbert où la tonalité sombre l’emporte.

  3. Type: livre Thème: menaces et guerres nucléaires, péril jaune et guerre des races Auteur: Max LAUGHAM Parution: 1970
    La Chine de Liang Chan, successeur du Fondateur Mao Tse Toung, organise une réunion de l’I.C.R. (Internationale des Communistes Révolutionnaires) en ce mois de décembre 1989. Lors de cette réunion, Anne Villemur et Marco Rovarelli, les représentants de l’.I.C.R. pour l’Europe, sont violemment choqués (ils seront bien les seuls), puisque Lian Chang n’annonce rien de moins que la mise à mort des Etats-Unis par une attaque nucléaire.
    La Chine, appuyée sur les émeutes fomentées de l’intérieur par les groupes-relais de l’I.C.R. devrait mettre à genoux le capitalisme mondial. Le meneur noir de l’I.C.R. U.S. Knox Miller, est l’un des plus ardents défenseurs du projet. Rovarelli, horrifié de ce que prépare "ce peuple de fourmis", charge Anne d’avertir les gouvernements européens avant que lui-même ne soit mis en camp de rééducation. Anne parvient à ne pas trop montrer sa désapprobation mais les Chinois, ne lui faisant plus confiance, la font chaperonner par Li Seng, un agent secret. La jeune femme s’en débarrasse et se réfugie à l’ambassade de Russie en Italie.
    Elle convainc successivement de sa bonne fois l’ambassadeur Balguine, puis Sillissenki , le chef du service de Sécurité soviétique, enfin Pavlenko, le Premier Secrétaire du Parti.  Les Russes, qui ont évolué dans la voie réformiste tracée par Kroutchev, ont développé une société quasi capitaliste, qui ressemble à celle des Etats-Unis tout en gardant une apparence et des structures politiques révolutionnaires. Ils ont donc tout à perdre dans le cas d’un conflit de la Chine avec les U.S.A., puisque l’Amérique les tiendra pour les premiers responsables du déclenchement des hostilités. Contact est pris avec leurs homologues politiques américains. En douceur, mais avec diligence, les médias des deux pays préparent l’opinion politique à l’idée d’une collaboration étroite entre les deux blocs contre de la Chine.
    Les troubles ont débuté et Knox Miller, s’appuyant sur les "Blacks Panthers ", en fait voir de toutes les couleurs à la police américaine. Les autres groupements révolutionnaires du bloc sud-américain, appuyés sur une logistique fournie par la Chine, les ont suivis. Sans que jamais les citoyens des pays du monde ne s’en doutent, la tension internationale augmente.
    Anne, de son côté, retrouve l’ambassadeur Balguine, qui, plutôt de type Démocrate Chrétien (peut-être dû à la situation géographique de son ambassade à proximité du Vatican ?), tente une dernière démarche pour sauver la paix dans le monde: prévenir le pape.Il s’envole vers l’Italie avec Anne, et,  en la soustrayant à l’influence russe, lui permet de rencontrer Guido, personnage innocent dans toute cette histoire, sur lequel elle pourra s’appuyer en cas de nécessité. Balguine convainc le pape mais se fait éliminer par les services secrets chinois. Anne, avec Guido, s’établit à Paris en attendant l’heure H. Toutes les armées sont en état d’alerte. A Paris, Anne apprend avec stupeur que le pape a rencontré Lian Chang:
    " Vous êtes innombrables, dit Jean XXIV, mais chaque grain est une vie, et quand un grain meurt tout le peuple est atteint car chaque grain est irremplaçable.
    Lian Chang eut un sourire. - Que de grains écrasés, que de grains perdus pour la satisfaction de quelques-uns, dit-il, et ceci depuis si longtemps. Jean XXIV porta lentement la main à sa poitrine : -Nous avons des torts, dit-il, les plus grands torts, et nous les confessons devant le monde et devant Dieu tout-puissant.  Lian Chang s’inclina. -Nous sommes prêts à vous accueillir, dit-il. "
    La Confédération Européenne Internationale, suite à cette rencontre, provoque la réunion d’une assemblée extraordinaire et la cessation des hostilités en vue d’établir une redistribution plus juste des biens mondiaux pour y inclure la Chine.
    Une histoire naïve  de politique-fiction à la frange du roman-catastrophe, écrite par un homme politique français. Quoique bien documentée, elle s’apparente davantage au conte de fées en ce qu’elle ne prend en compte,  dans le jeu de la mort qu’elle envisage, que les activités diplomatiques et politiques, négligeant la réaction des masses à l’événement.  Pétrie de bons sentiments, elle envisage même qu’un leader spirituel aussi impliqué dans le temporel que le chef de l’église de Pierre  puisse faire avorter le conflit. Ce qui ne s’est jamais vu dans la réalité et qui prouve bien que le lecteur est dans le domaine de la science-fiction.

  4. Type: livre Thème: pollution généralisée Auteur: Norman SPINRAD Parution: 1970
    XXIIIème siècle. L’Amérique de " l’âge de l’espace " est un souvenir. De nombreuses ruines quasiment intactes, rappellent sa puissance d’autrefois à une cinquantaine de millions d’Américains vivant hors des métropoles. La pollution a tout envahi: l’air irrespirable stagne en énormes bancs au-dessus des cités de la Côte Est :
    " Nous survolions maintenant l’ancien New Jersey.(...) Le paysage qui se déployait au-dessous de nous était insolite : une imbrication sans fin de maisons alignées, toutes identiques et ressemblant à des boîtes, toutes de la même couleur gris - bleu due à deux siècles d’exposition au smog; d’immenses et antiques routes obstruées depuis la Grande panique par des carcasses de voitures; quelques arbres gris et tordus avec, ici et là, un carré d’herbes sèches qui ont réussi à survivre malgré le smog. "
    Personne ne vit plus à New York sinon les «métroglodytes», descendants dégénérés des rares citadins qui s’étaient refusés à abandonner la ville. Enfermés dans les couloirs souterrains du métro, ils respirent un air imparfaitement recyclé et se nourrissent de plaquettes d’algues, leur espérance de vie étant des plus limitée. Les autres Américains affichent une mentalité de sous-développé. Envahis par les touristes africains, les nouveaux dominants au plan mondial, ils ont besoin de cet argent. Pour une somme rondelette, les nouveaux  riches du monde désirent ressentir le grand frisson en visitant les nécropoles mécanisées de jadis , bien protégés par leurs lunettes et leurs pastilles nasales:
    " Devant nous se dressaient les fameux gratte-ciel du vieux New York, forêt de monolithes rectangulaires hauts de centaines de mètres. Quelques-uns, boîtes de béton vides que la lumière bleutée qui imprégnait tout transformait en sombres et titanesques pierres tombales , étaient presque intacts. D’autres, éventrés par d’anciennes explosions n’étaient que des piles de poutrelles et de décombres dentelées. Les façades d’un certain nombre d’entre eux avaient jadis été entièrement ou presqu’entièrement vitrées. Mais, à présent ce n’étaient plus que d’aériens labyrinthes de charpentes et de plate - formes de béton, où scintillaient ici et là des surfaces de verre indemnes sur lesquelles jouaient des reflets de lumière bleue. Et très haut au-dessus des sommets des édifices les plus élevés se déployait le ciel d’un bleu brouillé, taillé en facettes, du Dôme. "
    Ryan , guide touristique, mène l’un de ces groupes à la découverte d’un monde  disparu. Son travail est dangereux mais il se console en se disant que le gain espéré lui permettra d’émigrer vers le Sud brésilien épargné par la pollution  pour y vivre le restant de ses jours. Dans son groupe, il y a Bewala , le professeur, spécialiste de l’Amérique ancienne ,  qui fait le voyage pour comprendre les raisons de l’auto - destruction des Américains, Kolungo, un Ghanéen, tout imprégné de "mana", et surtout Lumumba, descendant des Afroméricains, décidé à venger le sort de ses ancêtres qui ont souffert sous la botte des Américains de jadis.  
    Ryan et Lumumba s’affrontent. L’un, reprenant à son compte l’héritage grandiose des Blancs, très fier des réalisations technologiques du passé, l’autre, méprisant et injurieux, contestant cette soi-disant supériorité:
    " Lumumba était indubitablement arrivé à la conclusion que les métroglodytes étaient véritablement des animaux sous-humains. Comme, à la suite de Ryan, nous passions devant un groupe disparate de métroglodytes accroupis à même le sol, en train de mastiquer machinalement des plaques d’une substance verte, il se mit à faire à haute voix des commentaires qui, s’ils s’adressaient ostensiblement à moi, étaient en réalité destinés à notre guide: " Regardez ces animaux répugnants qui ruminent comme des vaches! Voilà ce qui reste des êtres sublimes qui sont allés sur la Lune : quelques milliers de stupides larves blanches pourrissant dans un cercueil hermétiquement clos "
    Le conflit prendra fin lorsque Ryan et Lumumba essaieront tous deux un "casque de fusion cosmique", vestige électronique encore fonctionnel, censé les mettre en rapport avec "le Grand Tout". Choqués par cette expérience, Ryan et Lumumba comprendront que la mentalité des gens de "l’âge de l’Espace" était radicalement différente et irréductible à leur vécu quotidien.
    Norman Spinrad signe une belle nouvelle qui porte sur la décadence et la mort d’une nation,  insistant (à ce sujet voir également " l’hiver Eternel " de John Christopher) sur la rivalité Noirs/Blancs. La description des ruines et de la pollution suggère le meilleur de Ballard. Grâce au monologue intérieur, les personnages acquièrent une épaisseur psychologique rare dans le cadre d’un texte bref.

  5. Type: livre Thème: après la Bombe... Auteur: Jean-Pierre ANDREVON Parution: 1970
    Curieuse aventure que celle de cet homme du commun se promenant dans Paris, à proximité d’un terrain vague. Dans cet endroit qu’il connaissait fort bien, il aperçoit un cube métallique qui ne devait pas s’y trouver. S’étant rapproché, il y découvre une entrée et, à l’intérieur, une débauche de circuits électroniques, de moniteurs vidéos, de diodes clignotantes. Tout d’abord inquiété par l’étrangeté du lieu, il parvient à fixer son attention au bout de quelque temps, sur un écran:
    « Ce que j’avais sous les yeux, c’était un spectacle de ruines,de désolation, de chaos. Au début, j’avais eu quelque difficulté à interpréter ces images , tellement elles me semblèrent confuses. Mais cette confusion ne venait pas d’une mise au point défectueuse. Elle émanait du paysage lui-même, qui évoquait je ne sais quel cataclysme gigantesque. Les écrans montraient une plaine immense, légèrement vallonnée par endroits , et couverte de rocs pulvérisés, concassés, qui ne formaient plus dans les lointains qu’une plage de grains de sable miroitants, vitreux, comme des morceaux de quartz.
    Je parle de rocs , mais il me vint peu à peu à l’esprit que tous ces blocs étaient en réalité les restes de maisons soufflées, broyées, que tout ce panorama aplati représentait ce qui restait d’une ville immense, anéantie. Dans le milieu de la plaine serpentait un grand fleuve aux eaux grises, morcelé en petits bras capricieux, et qui à un endroit s’évasait en une sorte de lac. Le ciel était parcouru de nuées jaunes , soufrées, qui répandaient sur toute cette désolation une lueur malingre, à la fois crue et terne, qui ne donnait pas d’ombres, mais écrasait un peu plus au contraire cette cité effacée. Rien de vivant ne bougeait dans ce décor de cauchemar."
    Ce paysage en ruines est la ville de Paris, un Paris d’un futur indéterminé. Cela lui sera confirmé par un être humain noir et nu, apparu brusquement. Il lui expliquera aussi que le cube est un relais temporel et lui-même un voyageur du temps. Le tout aurait dû rester totalement invisible au narrateur, mais une légère erreur de connexion a produit un décalage regrettable. Le narrateur sortira du piège temporel et le cube disparaîtra à nouveau dans l’avenir avec son observateur. Jamais plus notre homme ne parviendra à gommer de son esprit les ruines entrevues.  Avec chaque jour qui passe, une seule question l’obsèdera dorénavant : quand cela se produira-t-il ?
    Une nouvelle rapide bâtie avec les poncifs du genre qui a paru dans une anthologie pour enfants.

  6. Type: livre Thème: l’air empoisonné Auteur: Charles PLATT Parution: 1970
    Vincent connaît le risque que court la Grande-Bretagne. Employé dans un service ultra secret-défense, il est à la fois responsable des événements et victime d’un gaz libéré accidentellement, susceptible de provoquer une excitation érotique totale en imprégnant et activant les hormones sexuelles du corps de tout être vivant. Le gaz, de couleur jaune, s’étend progressivement en direction de Londres. Vincent désespérément tente de regagner la capitale pour  emmener sa famille en Ecosse à l’abri (provisoire) de l’effet du gaz. Il sait que la désorganisation sociale suivra immanquablement le déchaînement de pulsions érotiques dans la population et craint que ce dérèglement hormonal ne devienne une constante permanente de la vie, défaisant tous les liens sociaux. Il est confronté au problème en la présence de Cathy, une auto-stoppeuse qui le provoque de la manière la plus crue sans que Vincent n’arrive à lui résister. Cela s’achève par un accident, avec la voiture dans le fossé. Ils reprennent la route à pied. Vincent s’injecte de temps en temps des hormones femelles ce qui lui permet de garder les idées claires plus longtemps :
    " Cathy l’avait écouté bouche bée, les yeux écarquillés. Mais…, dit-elle, qui pourrait être assez naze pour vouloir fabriquer une cochonnerie pareille ? Vincent ne lui répondit pas. Elle soupira, haussa les épaules. Bon, je sais, tu n’as pas le droit de me le dire… Que va-t-il arriver quand le gaz retombera ? Est-ce que la population de villes entières sera prise de … ? Ce sera l’orgie généralisée, dit Vincent avec un rire sinistre. "
    Les conséquences de la transe érotique ont des effets de plus en plus considérables : durant les phases d’excitation érotique les souvenirs disparaissent, émergent par contre des pulsions sadiques ou de mort avec le déblocage des inhibitions. Vincent, après avoir sodomisé Cathy ainsi qu’un vieillard lubrique (un ¨Pasteur !), erre dans une ville en folie. Il aperçoit :  
    " La grosse femme toujours occupée à sucer le garçon de ferme. Autour d’eux, les corps inanimés revenaient tour à tour à la vie. Un garçonnet de douze ou treize ans, ravi, hilare, tressautait de plaisir sur l’asphalte tandis qu’un homme entre deux âges, en costume et en cravate, lui tripotait habilement le sexe. Une très jeune fille aux boucles dorées avait le visage enfoui entre les cuisses d’une dame qui aurait pu être sa grand’mère. Une femme à lunettes fourrait de force un petit caniche gris sous le tablier qui était son seul vêtement. Vincent s’approcha d’eux à pas de loup. Des buissons et des herbes qui bordaient la route s’élevaient un bruit de frottement continu et des couinements d’animaux minuscules. Dans les arbres, des milliers d’oiseaux gazouillaient frénétiquement. Un pivert martelait au loin, et des insectes vrombissaient et bourdonnaient de tous côtés. Cette symphonie champêtre était plus qu’à moitié couverte par la cacophonie grandissante produite par les villageois emmêlés, mélange de grognements, de ahanements, de gémissements  et de bruits de succion avides"
    Profitant du désordre total, ils s’emparent d’un avion de tourisme. Curieusement, jamais le temps n’aura été aussi beau, l’air aussi transparent. Survolant la région, luttant avec énergie contre leurs pulsions mais pas toujours avec succès, ils sautent en parachute sur la cité, l’avion allant s’écraser au loin. Vincent a un seul objectif : mettre Judith sa femme, Annette et Malcolm, ses enfants, hors de danger. Ils se cachent de la police devenue imprévisible et dangereuse du fait qu’elle est armée. Celle-ci quadrille la ville. Judith, en attendant Vincent, s’est préparée au départ en bourrant la Range-Rover de victuailles et en emportant des réserves importantes d’injection hormonales. Le petit groupe, en compagnie de Cathy et du Pasteur, se dirige vers le nord et décide de s’arrêter à Cambridge pour s’y reposer chez Edmond, le frère de Cathy, un étudiant. Vincent remarque qu’Edmond est atteint de troubles graves en ce qu’il se comporte de manière sadique avec Mme Denans, la logeuse. La soirée débouche sur une bacchanale indescriptible dans laquelle tous les personnages, y compris Annette et Malcolm se livrent à des excès érotiques impensables, de la zoophilie (avec le petit chien de la logeuse), en passant par l’inceste, jusqu’à la mort de Mme Denans, littéralement mise en morceaux par Edmond qui en apprécie gustativement  la qualité:
    " L’espace d’un court instant, un silence de mort les recouvrit de son aile blanche. Puis, une formidable détonation secoua la maison, et la pénombre du salon fut illuminée d’une grande lueur blanche et fulgurante. Avec un ensemble parfait, Vincent, Annette, Judith, Malcolm et le pasteur jouirent en poussant de grands cris, envoyant des giclées de sperme jusqu’au plafond. La logeuse explosa et la force de la déflagration les envoya tous rouler à terre. Toute la pièce fut éclaboussée d’un mélange indescriptible de sang, de viscères, de fragments de peau, d’excréments, d’urine, d’humeurs, de sperme, de morve, et de sueur. Le cylindre avait déchiqueté la grosse dame en mille petits fragments. "
    Cathy, devenue folle, s’empare de la voiture et disparaît dans la nuit. Edmond kidnappe Judith et l’entraîne vers la cité universitaire de Cambridge pour se livrer sur elle à des expériences scientifiques de la plus haute importance. Vincent reste seul avec ses enfants. Il erre à la poursuite de Judith. Le monde entier délire autour de lui. En ses rares moments de lucidité, il retrouve la trace de Judith pendant que ses enfants se livrent à des jeux sexuels dans un parc, avec d’autres enfants de leur âge.
    Vincent refait surface en contemplant avec horreur Edmond qui l’a drogué et qui lui fait accomplir – avec la monomanie qui le caractérise – des meurtres " à titre d’expérience ". Il lui laisse rencontrer Judith qui est encore entière et, le couple ne l’intéressant plus, il permet à Vincent de repartir avec Judith jusqu’à ce que Cathy réapparaisse dans sa vie. Totalement paranoïaque, elle hait Vincent en le rendant responsable de son état (ce qui est un peu la vérité). Avec d’autres mégères qui partagent sa haine du mâle, elles émasculent, étripent, lacèrent et tuent tous les hommes qu’elles enlèvent, les attachant au maître-hôtel de la cathédrale de Cambridge.  Vincent est capturé , prêt à être énuclée et châtré. Il est sauvé à la dernière extrémité par le Pasteur qui se prend pour le Christ et qui broie la pécheresse Cathy avec une croix avant de finalement se suicider devant toutes les femelles en rut. Vincent en profite pour s’éclipser vers sa famille qui l’attend en voiture grâce à la sagesse de Judith , heureux de s’échapper vers l’Ecosse dont ils atteignent les frontières vers le soir. Les choses rentrent dans la norme se disent-ils, tout en se livrant entre-eux  à l’inceste, Judith avec Malcolm et Vincent avec Annette , pratiques dont ils ne perçoivent même plus la déviance , l’effet du gaz étant devenu permanent :
    " Malcolm jouit le premier, bien avant sa mère. Il aurait voulu que cela dure plus longtemps, mais elle apaisa ses scrupules en lui disant qu’il l’avait agréablement foutue, et qu’elle avait bien pris son plaisir malgré tout. Annette jouit à son tour, mais elle continua à s’agiter sur Vincent jusqu’à ce qu’il éjacule. En sentant le sperme de son père jaillir en elle, elle eut un deuxième orgasme. Ils étaient tous au comble du bonheur.(…) Comme c’est merveilleux d’être à nouveau réunis , reprit Judith d’une voix pleine de langueur. (…) Nous sommes redevenus nous-mêmes. J’avais si peur… Si peur que nous restions comme  cela jusqu’à la fin de nos jours… Je craignais que…Que le gaz ait des effets irréversibles ? demanda Vincent. Judith hocha lentement la tête dans la pénombre. Oui, fit-elle en se serrant contre Malcolm et en lui attirant une main entre ses cuisses pour qu’il lui caresse le con. Vincent embrassa tendrement les mamelons dardés comme deux boutons de rose au bout des seins naissants de sa fille, qui dormait déjà à moitié. Tu vois, dit-il, tu avais tort de t’inquiéter. Tu as raison. De toute évidence, le gaz n’a pas d’effets durables. "
    Un roman étonnant, à la limite de  l’insoutenable. Débutant comme un récit de pure pornographie, il bascule dans l’horreur d’une apocalypse inattendue prouvant la charge explosive de la libido, sa nature profondément antinomique et sauvage, exclusive de toute récupération sociale. L’usage débridé de la sexualité lié au sadisme/masochisme de l’être humain dynamite toute structure sociale et provoque un malaise d’autant plus grand chez le lecteur lorsqu’il prend conscience que l’apocalypse est en lui, en quelque sorte. Une fin du monde originale qui peut se comparer aux romans de Farmer (" Comme une Bête "), ou de Ian Watson (" Orgasmachine ").

  7. Type: livre Thème: épidémies Auteur: Mickey SPILLANE Parution: 1970
    Mike Hammer n’a pas aimé que l’on tue l’une de ses anciennes connaissances, le pauvre Lippy Sullivan. Grâce à des portefeuilles volés par Lippy – en fait par un pickpocket au gilet rouge prénommé Castor – Hammer se met en chasse. Parallèlement à Mike et son enquête, son ami Pat, de la police d’Etat, se débat avec une très grosse affaire. L’on vient de découvrir un passager mort d’une infection mystérieuse dans le métro de New York, ce qui sonne comme le début d’une menace bactériologique de grande ampleur. Une boîte remplie de miasmes aurait été cachée par des activistes russes sur le territoire américain, et ce ne serait pas la seule. Elles contiendraient des bactéries tellement dangereuses qu’elles seraient capables de contaminer l’espèce humaine en quelques jours. En face de ce danger, et pour éviter toute fuite médiatique, le journaliste Eddy Dandy, autre ami de Mike, a été mis au secret. Les Russes eux-mêmes, plus très sûrs de pouvoir circonscrire le danger, auraient pris contact avec les Américains :
    « Ils ne pensaient pas que la souche bactérienne était si virulente. Ils croyaient que la maladie resterait cantonnée sur notre continent, et disparaîtrait au bout d’un certain temps. Ils avaient fait des tests sur des cobayes humains involontaires, et ils en avaient conclu qu’une personne sur dix jouissait de l’immunité naturelle. Et ils avaient trouvé un vaccin pour protéger les gens dont ils auraient besoin. Ce n’était pas deux agents qu’ils avaient envoyés chez nous, mais vingt-deux, chacun pourvu d’assez de vaccin pour en immuniser cent autres. Des grosses huiles de l’industrie et de la politique capables de gouverner quant toute la populace serait morte. Mais il y a une chose qu’ils ne savaient pas. Le vaccin ne valait rien »
    Pendant ce temps, l’enquête progresse. Elle amène d’abord Mike à faire la connaissance de M. William Dorn, un industriel richissime et de sa protégée, Renée, qui séduit d’emblée le détective. Puis, toujours en suivant la piste de Castor, de Woody Ballinger, un caïd notoire. Une course à la mort s’engage entre Woody, qui lâche ses tueurs, et Mike,  pour coincer Castor qui aurait en sa possession la clé de l’énigme. Grâce à ses indicateurs, dont un certain César Mario Tuddey, Mike prend une longueur d’avance et manque de peu de coincer l’homme au gilet rouge.
    Au plan politique, les tensions s’accroissent. Grâce aux Russes, qui fournissent un coup de pouce, les vingt-huit boîtes de la mort sont découvertes à temps. Andy libéré confirme à Mike que c’est  bien Castor qui possédait un plan localisant les boîtes de miasmes, plan tiré de l’un des portefeuilles, ce qui explique qu’il soit la proie du ou des criminels commanditaires. Woody éliminé, Mike connaît maintenant le nom de celui ou ceux qui menacent la sécurité des Etats-Unis : soit le bon monsieur Dorn et ses acolytes, dont quelques dissidents russes. Avec sa fougue habituelle, Hammer règle définitivement le problème.
    Un roman policier qui se déroule sur fond de catastrophe dans le style habituel de Spillane.

  8. Type: livre Thème: péril jaune et guerre des races, Adam et Eve revisités Auteur: Edmund COOPER Parution: 1970
    Une expédition martienne visite la terre. Celle-ci, après deux mille ans de guerre raciale est différente de la nôtre ; la lune ayant été détruite par des missiles, le climat bouleversé, l’Antarctique redevenu continent tropical :
    " La série de catastrophes qui avaient accablé la Terre avait commencé deux mille ans auparavant – avec d’abord la guerre de la Révolte noire, qui avait abouti à la destruction de Luna et à la dévastation partielle de la Terre – et elle avait eu des conséquences étranges et terribles. Les contours et l’équilibre des masses continentales et des océans avaient été radicalement modifiés. Les zones tempérées s’étaient transformées en déserts torrides. L’océan Pacifique, bombardé par des fragments errants de Luna, s’était soulevé dans un raz de marée tel que les vagues avaient pris d’assaut les plus hauts sommets des Andes, dévoré des îles, englouti le Japon, submergé la Chine et l’Australie, détruit la Nouvelle-Zélande et l’Indochine, crée une nouvelle génération de volcans, provoqué des tremblements de terre d’une intensité inconnue de mémoire d’homme et projeté des billions de tonnes de poussière et d’eau en ébullition dans les couches minces de l’atmosphère! Les terres basses avaient été submergées, de nouvelles terres avaient surgi convulsivement de l’Atlantique : la Méditerranée s’était vidée de ses eaux, et, paradoxalement l’Antarctique s’était mise à fondre. (…) L’Antarctique avait déployé un parapluie de verdure pour protéger et nourrir tous ceux qui avaient pu atteindre son sanctuaire. "
    L’absence apparente de vie humaine permet à la mission extraterrestre de collationner toutes sortes d’observations pertinentes. Mirlena la psychologue,  Kord Vengel le délégué officiel vayénite, Rudlan l’ingénieur en communications, et Carl Sinjorge le jeune physicien, forment la première expédition qui débarque dans la forêt pluviale antarctique. Ils sont Noirs tous les quatre, comme les autres Martiens. En effet, après la guerre fratricide entre Noirs et Blancs qui a décimé l’humanité, une poignée de rescapés noirs avait réussi à émigrer vers Mars. Là, ces colons ont fondé une nouvelle société calquée sur un modèle dictatorial tout en gardant une haine farouche à l’égard de l’homme blanc.
    Milréna, en explorant la forêt, découvre Kymri, un sauvage blanc. Avec ses moyens technologiques supérieurs, elle le capture pour l’étudier. Elle en arrive à la conclusion que cet être blanc sous ses oripeaux de primitif, est en réalité fin et intelligent. Une attirance mutuelle de plus en plus forte lui ôte toute réticence et la confiance s’établit entre les deux êtres humains. Kord Vengel, envoyé fanatique du vanéyisme, préconise la mise à mort immédiate de Kymri. Durant ce temps, sur Mars se déroule une révolution : la doctrine officielle du vanéyisme, de type extrémiste, est combattue et le régime se démocratise.
    Kymri conduit le petit groupe à Noi Lantis (New Atlantis) sa cité, pour présenter les Martiens à Urlanrey, le roi sage et avisé, père de Kymri et maître de Noi Lantis. Celui-ci accueille ses hôtes avec déférence en ayant conscience que leur arrivée compromettra un équilibre social jusqu’ici préservé. Mirlena et Kymri traquent peu de temps après leur arrivée Kord Vengel qui s’est introduit sans autorisation dans la "demeure de la mort", seule tour interdite aux visiteurs sous peine d’exécution capitale. Ils découvrent que le bâtiment, dans sa partie souterraine, est une sorte d’arche, datant de la fin de la période troublée, qui se présente comme une réserve immense d’engins et de potentialités technologiques, soigneusement entretenue  par des robots.
    Alors que Kord Vengel meurt, tué par un robot, Urlandey fait capturer le couple en attendant de statuer sur son sort.  La perte de la fusée qui devait ramener  le groupe d’explorateurs les oblige à un long contretemps : ils resteront sur Terre pour plusieurs années. Délai profitable puisqu’au retour de Stanley, le commandant martien à la tête d’une nouvelle flottille, non seulement personne n’a été exécuté, mais encore Kymri et Mirlena attendent leur premier bébé, symbole d’une nouvelle union des races,  tandis que les Martiens, débarrassé du vanéysme, seront accueillis comme des frères. Il semble que, pour un temps du moins, les luttes raciales soient éradiquées et que l’espèce humaine puisse espérer un recommencement glorieux :
    "Et soudain , tous quatre éclatèrent d’un rire fou , communicatif. Les trois Martiens noirs et l’homme blanc de la Terre. Après la destruction d’un satellite et la dévastation d’une planète, après la mort d’une civilisation et d’innombrables millions d’êtres, après deux mille ans de haine fomentée sur Mars et après de longs siècles passés dans l’isolement et dans l’ignorance du dernier continent vivant de la terre, la couleur de la chair humaine avait pris moins d’importance que l’esprit qui l’animait. Tel était l’humour de Godfred. "
    Récit ni trop mièvre – vu le thème abordé – ni trop cérébral, mené tambour battant, à la manière d’un space-opera. Il ne possède pourtant pas la verve de "l’Etreinte de Vénus" ou la vigueur "du Jour des fous" ; comme quoi avec de bons sentiments on ne fait pas toujours de la bonne littérature…

  9. Type: livre Thème: la nouvelle glaciation Auteur: Michel MOORCOCK Parution: 1969
    "Konrad aperçut Friesgalt à peine plus de huit heures après le lever du jour. Comme chacune des Huit Cités, elle s’étendait sous la surface de la glace, dans les parois d’une immense crevasse naturelle profonde de près d’un mille. Ses pièces et ses allées principales étaient creusées dans le roc qui commençait plusieurs centaines de pieds au-dessous, bien que bon nombre de ses entreôts et de ses pièces supérieures fussent taillés dans la glace même. Depuis la surface, on ne pouvait pas voir grand-chose de Friesgalt; la seule chose que l’on pouvait remarquer facilement était la muraille de blocs de glace qui entourait la crevasse et protégeait l’entrée de la cité contre les éléments et les ennemis humains. Cependant, c’étaient les rangées de mâts des hauts navires qui indiquaient vraiment l’emplacement de la cité. Il semblait, à première vue, qu’une forêt poussait hors de la glace, une forêt dont chaque arbre était symétrique, chaque branche droite et horizontale; une forêt touffue, calme, menaçante même, qui défiait la nature et ressemblait au rêve de paysage idéalement dessinée d’un ancien géomètre.
    Quand il fut assez près pour distinguer plus de détails, Arflane vit que cinquante ou soixante navires des glaces de bonne taille étaient ancrés dans la glace par des amarres attachées à des pieux d’os que l’on avait enfoncé dans la surface solide. Les coques en fibre de verre patinée étaient rayées par des siècles d’usage et la plupart des accessoires n’étaient pas des pièces d’origine mais des copies faites dans des matériaux naturels. Les bittes d’amarrage avaient été taillées dans de l’ivoire de morse, les bouts-dehors façonnés dans de l’os de baleine, et le capelage était un mélange de nylon précieux, de boyaux et de lanières de peaux de phoque. Bon nombre de patins étaient eux aussi, faits d’os de baleine, de même que les espars qui les reliaient aux coques. Les voiles, tout comme les coques, étaient faites en tissu synthétique d’origine. Il y avait dans chaque cité de grandes réserves de toiles à voile en nylon; en fait, leur économie même reposait principalement sur les quantités de tissu entreposées dans les magasins des diverses cités. Tous les navires, sauf un qui se préparait à partir, avaient leurs voiles ferlées de près. Les docks de Friesgalt, qui contenaient vingt navires en longueur et trois en largeur, étaient impressionnants. On n’y trouvait aucun navire récent. Il n’y avait aucun moyen dans le monde d’Arflane, d’en construire de nouveaux. Mais, si tous les navires étaient usés par les ans, ils n’en paraissaient pas moins robustes et puissants, dotés chacun d’une ligne personnelle, due en grande partie aux nombreux ornements dont les avaient dotés des générations de patrons et d’hommes d’équipage, et aussi aux gréements favoris des différents capitaines ou propriétaires.
    Les vergues des mâts, le capelage, les ponts et la glace a l’entour étaient noirs de marins au travail, vêtus de fourrure, dont le souffle se condensait au contact de l’air froid, tandis qu’ils chargeaient et déchargeaient les vaisseaux, accomplissaient des réparations et mettaient de l’ordre dans leurs canots. Des tas de peaux dénudées, des tonneaux et des caisses se trouvaient près des navires. Les grues de levage surplombaient les flancs des vaisseaux pour remonter les marchandises jusqu’à la hauteur du pont, puis se balançaient au-dessus des entrées des panneaux avant de laisser tomber les ballots et les tonneaux entre les mains des hommes dont le travail consistait à s’occuper de l’arrimage.
    D’autres cargaisons étaient empilées sur des traîneaux tirés par des chiens ou par des hommes jusqu’à la cité.
    A quelques distances de là, une baleinière embarquait son équipage. Les chasseurs de baleine se tenaient d’habitude à l’écart des autres marins, dédaignant leur compagnie, et les équipages des navires commerciaux ne s’en plaignaient pas: car les baleines, que ce fut ceux de la Glace du Nord ou ceux de la Glace du Sud, avaient des distractions pour le moins bruyantes. C’étaient presque tous des hommes de grande taille, qui se carraient en marchant avec leurs harpons de dix pieds de long sur les épaules, sans se préoccuper de l’endroit où ils les balançaient. Ils portaient aussi la barbe épaisse et fournie; leurs cheveux aussi étaient épais et beaucoup plus longs que la normale. De même que leurs barbes, ils étaient souvent tressés et maintenus en place avec de la graisse de baleine, d’une manière étrange et barbare. Ils avaient de riches fourrures, celles-là même que portaient normalement les aristocrates, car les baleiniers pouvaient se procurer tout ce qui leur plaisait si leurs affaires marchaient bien; mais ces fourrures étaient tachées, et ils ne les revêtaient qu’occasionnellement. Pendant presque toute sa carrière, Arflane avait été patron d’une baleinière et il éprouvait de la sympathie pour ces marins à voix rude, venus de la Glace du Nord, qui, maintenant regagnaient leurs bâtiments. Arflane enfonça profondément ses harpons dans la glace et propulsa en avant ses skis surchargés, glissant maintenant entre les lignes et les coques des navires, évitant les marins curieux qui le regardaient sans cesse à leur travail, et se dirigeant vers la haute muraille de glace qui protégeait la cité - crevasse de Friesgalt."
    Le Capitaine Conrad Arflane est en route vers Friesgalt, l’une des huit cités du plateau du Matto-Grosso creusées dans la glace.
    De retour de la chasse à la baleine des glaces avec son équipage, il aperçoit un vieillard agonisant sur la banquise. Il le sauve, répondant à une impulsion subite et contraire au code de sa religion la Glace-Mère qui lui enjoint de ne s’occuper que de sa propre personne. Il s’agit de Pyotr Rorsefne, le patriarche du puissant clan des Rorsefne, famille dominante de la cité de Friesgalt.
    Pour le remercier,  les Rorsefne lui offrent l’hospitalité. Des rapports étranges le lient bientôt aux divers membres de la famille, à Manfred Rorsefne, le neveu, jeune homme intelligent, mince et brave, mais mystérieux, à Ulrica Ulsenn, fille de Pytor, dont il tombera éperdument amoureux, à Ulsenn lui-même, le mari d’Ulrica, qui le haïra jusqu’à sa mort, enfin à la figure énigmatique d’Urquart le harponneur, un géant apparenté aux Rorsefne par la mère, à la personnalité complexe et archaïque.
    Pytor  mourra mais, dans son testament,  il propose à Arflane de prendre le commandement de son plus puissant trois-Mâts, l’Esprit des Glaces, pour parfaire la quête dont il rêvait, celle de retrouver vers le Nord la mythique cité de New York, le coeur de la Glace-Mère.
    Arflane s’embarquera après avoir choisi soigneusement son équipage, en compagnie des autres membres de la famille,  muni des plans que lui avait laissés le seigneur Pytor. Ils se dirigent d’abord vers l’équateur, glissant vertigineusement, toute voiles dehors, sur l’océan gelé.  Le voyage est plutôt grisant quoique l’hostilité d’Ulsenn commence à devenir manifeste. Il est vrai qu’Ulrica s’était donnée de son plein gré à Arflane, puis, bourrelée de remords, s’est retirée dans ses quartiers.
    L’humeur d’Arflane est massacrante. Son tempérament renfermé devient insupportable aux membres de l’équipage qui commencent à murmurer contre lui.  La traversée est interrompue par des dangers pressants laissant peu de place aux sentiments: se détourner d’une crevasse qui manque de les engloutir, résister à un assaut de sauvages nomades des glaces montées sur des ours, s’occuper de renouveler les vivres par une inespérée chasse à la baleine. Seul Urquart, solide au poste, ne craignant pas le froid, restera durant le trajet indéfectiblement fidèle à Arflane.
    Au fur et à mesure que la traversée approche de son but, les passions s’exacerbent. Lors d’un début de mutinerie vite réprimée, Ulsenn est enfermé dans sa cabine et de nombreux matelots meurent, soit en tombant sous les coups de javelots des sauvages, soit sous les patins du bateau.
    Ils arrivent enfin aux abords du plateau continental dans un immense défilé où les vents qui s’y engouffrent propulsent le bateau à une vitesse inimaginable. Celui-ci n’est plus gouvernable et malgré la peur intense des matelots, le seul espoir de survie qui subsiste est de sortir du défilé. Or, celui-ci  se resserre en un goulet qui constitue un piège fatal.
    Arflane jette les ancres en désespoir de cause. A cause de la vitesse acquise, le bateau ne peut freiner à temps ; il heurte le rebord de glace, projette ses occupants au loin tandis que la coque se délite entièrement. Seuls restent en vie les principaux protagonistes. Sauf à mourir de froid sur la glace, ils n’ont d’autre alternative que de se rapprocher de New York sur des skis improvisés.
    Après avoir marché des jours entiers dans la tempête et atteint le seuil de l’épuisement , ils font à nouveau la rencontre de nomades des glaces et seront faits prisonniers sachant d’avance le sort qui leur sera réservé. Arflane, sortant de son évanouissement, aperçoit Urquart, manifestement libre, en tractation avec le chef des nomades. Urquart est ravi car il avait entrepris ce voyage pour être un jour en mesure de se venger des Rorsefne qui l’ont rejeté quand il était encore enfant. Il songe à mettre à mort Manfred et Ulrica. Libéré de ses liens par Ulsenn, Arflane se jette sur Urquart et lui enfonce son harpon dans la poitrine. Ce dernier avait cependant eu le temps d’émasculer Manfred qui ne survivra pas à ses blessures. Après un moment de flottement, le chef des nomades décide que l’esprit de la Glace-Mère est satisfait et les laisse repartir en direction de la cité dont les tours brillent à l’horizon:
    " Quand ils aperçurent les tours élancées de New York, ils s’arrêtèrent, frappés d’étonnement. Arflane comprit que Pyotr Rorsefne avait été particulièrement peu éloquent pour les décrire. Elles étaient magnifiques. Elles étaient resplendissantes. Le petit groupe s’arrêta dans la confusion et les ours grattèrent nerveusement la glace, comprenant peut-être les sensations mêlées de leurs cavaliers qui regardaient la cité de verre, de métal et de pierre qui se dressaient jusqu’aux nuages. Les tours flamboyaient. Des immensités de glace miroitante reflétaient des couleurs changeantes et Arflane se souvint de la légende se demandant quelle pouvait bien être la hauteur des tours, si elles s’enfonçaient dans la glace aussi profondément qu’elles s’élevaient au-dessus."
    Parvenus au coeur de la cité, ils apprendront la vérité sur leur monde de la bouche de l’un des habitants. Les huit Cités du Matto-Grosso contiennent les descendants des colons de l’Antarctique tandis que la cité de New York abrite les descendant des colonies de l’Arctique, colonies dont l’existence remontait à plus de deux mille ans. Chacune s’est adaptée selon ses possibilités, la première en développant une civilisation basée sur le froid, les autres en s’enfonçant profondément dans le sol. Ce sont les expériences nucléaires de jadis, associées à un changement climatique fondamental, qui avaient provoqué l’intense glaciation laquelle, actuellement, tendait à se réduire, aidée en cela par la technologie sauvegardée dans la cité.
    Peter Ballantine, leur guide, espère renvoyer Ulrica et Arflane à Friesgalt pour qu’ils dévoilent la nouvelle situation aux leurs.  Arflane, choqué par ces révélations qui transgressent si manifestement sa culture de primitif et sa religion, poursuivra seul et farouche sa quête vers la Glace-Mère du Nord, pour y périr sans doute, pendant que Ulrica se fera raccompagner en hélicoptère chez les siens.
    Un roman d’une sauvage beauté, flamboyant et héroïque. Les personnages sont exceptionnels, la nature glacée magnifiquement décrite avec poésie et fureur, l’argument de la quête initiatique développé suivant les canons du genre. Moorcok signe une oeuvre magistrale dont le thème post cataclysmique est le prétexte à une épopée individuelle.

  10. Type: livre Thème: sociétés post-cataclysmiques 2 Auteur: James TIPTREE Jr. Parution: 1969
    Une jeune fille et un loup sont en mission dans une région désertique. Elle est une phocomèle, sans bras. La bête, intelligente, complice et dominatrice, lui est toute dévouée :
    « Quand les ombres recouvrirent le fourré, les branchages s’écartèrent. La fille et le loup sortirent ensemble pour aller à la source et se mirent à laper, la fille se tortillant comme un serpent. Ils mangèrent de nouveau, puis la fille refit le paquetage et boucla le harnais du loup. Il poussa du museau l’émetteur dans la poche qu’il portait sur le poitrail et ramassa une botte pour qu’elle y enfonce le pied. »
    Sans l’animal sa mission serait compromise, car elle est chargée, avec l’aide de son compagnon non humain, d’observer une tribu de sauvages vivant près de la rivière, d’attirer vers elle , en exposant son corps nu, le mâle le plus vigoureux, puis, en lui projetant un gaz anesthésiant au visage, de le récupérer comme étalon pour les siens, tous au corps incomplet ou handicapés par leur absence de membres. Dans cette région d’Ethiopie où jadis un cataclysme provoqua des mutations régressives, la connaissance resta chez les phocomèles qui se montrent encore désireux de modifier leurs conditions de vie par l’apport d’un sang neuf.
    Une nouvelle étrange et poétique par laquelle l’auteur – une femme de lettres- évoque la force irrésistible de la survie.