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Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !

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Livres

  1. Type: livre Thème: épidémies, le dernier homme Auteur: Pierre MAC-ORLAN Parution: 1944
    Nicolas Moutonnot, le héros, est un individu quelconque, bien français et sans grande éducation. Après des études maladroites et un amour déçu avec Alice Cossonière, il s’engage dans la Légion étrangère. Sans trop savoir pourquoi, il sera l’un des rares à être épargné par le nouveau virus qui décime peu à peu la France, puis le monde. Les gens meurent dans un incoercible éclat de rire, la bouche distordue, la langue pendante : c’est le  " rire jaune " :
    "Alors, notre oncle fit peine à voir. Sa figure s’illumina tout d’un coup, comme un poêle qui tire bien, subitement enthousiasmé par un courant d’air, son cou monta au violet de l’aubergine, il porta les mains à son faux col... - Remettez-vous, mon oncle, dit ma mère. - Ha! ha! le sacré Jef... sacré Jef... Le rire du vieux garçon touchait à l’apothéose. Ce n’était plus le hi! hi! et le ha! ha! de la minute précédente. Sa bouche fendue jusqu’aux oreilles laissait percevoir une sorte de sifflement qui semblait sortir de sa gorge en se prolongeant assez longtemps pour que le capitaine perdît la respiration complètement. -Tape-lui dans le dos, tape-lui dans le dos, cria mon père. - Je vais lui jeter de l’eau au visage, répondit ma mère. - Hi! hi! continuait l’oncle, les yeux pleins de larmes. Et puis la crise recommença. Mon père tapait dans le dos du capitaine comme s’il eût voulu y poser un clou pour accrocher un tableau.
    Alors se produisit un fait épouvantable. Dans un suprême éclat de rire, l’oncle ouvrit la bouche; sa langue sortit, ses deux pupilles se dilatèrent; un filet de sang coula lentement de ses narines et il s’écroula,  entraînant la nappe et le service à café. Il roula sur sol, sa chaise renversée sous lui. - Il a dû se faire mal, gémit ma mère. Oui, l’oncle s’était fait mal.
    Allongé sur le dos, son grand corps semblait tenir toute la pièce. Sa figure convulsée et raidie gardait encore un air de jubilation si sincère que nous ne pouvions tous trois nous empêcher de sourire."
    Après avoir été démobilisé, être retourné à Paris, devenu correspondant du "Tire-Bouchon", une feuille de chou, et l’épidémie faisant de plus en plus de ravage, il décide, en garçon prévoyant,  d’éviter désormais les villes et de se tracer un itinéraire à travers la campagne en vivant dans des abris provisoires. Accompagné par son ami, Mouchaboeuf, lui aussi réfractaire à la maladie, il se dirige vers Rouen:
    "Nous décidâmes de partir dans la semaine, car Paris devenait de plus en plus inhabitable. Les attaques nocturnes se multipliaient. Chacun se dépêchait de jouir de l’existence selon sa moralité et ses aspirations. Il est à remarquer que  les  femmes souffrirent particulièrement pendant cette période. L’imagination  humaine, tout en choisissant des routes différentes tendait vers un but unique. Ce fut une ruée terrible des désirs les plus vils."
    Peu à peu, ils arrivent à l’idée que la femme leur manque. En cours de route, ils rencontrent George Merry, un colosse simplet, et Prince Hamlet, un homme-tronc célèbre, survivants eux aussi avec lesquels ils fraternisent. Un soir Mouchaboeuf disparaît et Nicolas le suit. Il découvre que Mouchaboeuf courtise une jeune femme échappée au désastre devenue la proie du colosse.
    George Merry et Mouchaboeuf s’entretuent pour elle, mais la femme, certainement lassée, disparaît de la circulation. Moutonnot, écoeuré,  trimballe quelque temps sur son dos l’homme-tronc. Comme celui-ci se montre de plus en plus exigeant, Moutonnot s’en débarrasse en le jetant dans un ravin :
    "J’avais tourné la tête de son côté et mes yeux ne quittaient pas les siens.- Ce qu’il faut faire, prononça-t-il avec emphase. Voilà! D’un geste circulaire de son menton, il désigna l’horizon, les champs en friche, les forêts et les collines, les marais et la falaise crayeuse. C’est bien simple, reprit-il, il faut creuser la terre, retourner cette terre nourricière avec nos bras; semer le bon grain avec nos mains, et faucher le bon blé, le blé doré, qui ne tardera pas à pousser dru. Il faut, sur les ruines de l’ancienne civilisation, reconstruire la Cité future : la cité de justice, de fraternité et d’égalité. Nous sommes les pionniers d’un monde nouveau. Nous aurons nos noms dans le dictionnaire et nous pourrons croiser nos bras avec orgueil quand la besogne sera terminée. Défrichons, semons le blé, reconstruisons l’édifice pourri, voilà ce qu’il faut faire.
    Je fus quelque temps sans pouvoir répondre, lorsqu’une idée de génie me traversa la cervelle. Avec des précautions de mère prenant son bébé, je saisis l’homme-tronc par la peau du cou, et malgré ses cris, je le lançai de toutes mes forces dans l’abîme entr’ouvert sous nos pieds. Longtemps, je le vis tourbillonner dans l’air; puis il piqua tout droit, résolument, et se planta la tête la première dans la boue fétide des marais."
    Enfin, Moutonnot repart à la recherche d’autres survivants dans l’espoir de fonder un nouveau foyer.
    Récit curieux, très français, "le Rire jaune" est dédié à Gus Bofa. L’auteur règle pas mal de comptes avec la littérature, son éducation, la classe des militaires, les politiciens.
    D’une ironie amère, le thème catastrophique y est totalement présent, mais comme en filigrane. L’humour noir domine. Les personnages sont bizarres et extraordinaires. Les intrigues se défont très vite et si le roman apparaît comme un témoignage de ce qui se passe à l’époque sur la scène internationale, la situation sociale douloureuse est décrite sur un mode psychologique et intimiste.

  2. Type: livre Thème: menaces idéologiques Auteur: Jules PERRIN Parution: 1926
    Jean Sibiril écrivain de théâtre réputé, voue un amour inconditionnel à Dinah Magis, son actrice préférée. Pour elle, il a l’intention de créer une nouvelle pièce portant sur l’influence grandissante qu’exerce l’Orient sur l’Occident en mettant en scène la secte des Assassins qu’il imagine toujours active sous l’égide du Vieux de la Montagne, poursuivant son influence néfaste et occulte dans l’Europe contemporaine.  Un cheik arabe du nom de Mohamed-Aziz-Bey, jeune homme de grande culture et immensément riche, ancien condisciple d’université de Sibiril, renoue des liens avec son ancien ami et, par la même occasion, avec Dinah. Hautement intéressé par le projet de l’écrivain, il se tient à disposition du couple pour les faire profiter à la fois de ses largesses et de sa connaissance du sujet. Incidemment, Sibiril suppose qu’Aziz se sert du prétexte de la pièce pour courtiser la jeune femme, ce qu’elle dément.
    De fil en aiguille, Aziz, toujours charmeur et dévoué, les invite à passer quelques jours de vacances dans sa résidence au Maroc où ils pourront mieux s’imprégner de leur sujet. Il peut même faire rencontrer à Sibiril le seigneur Ahmet-Ben-Hassan, l’actuel chef de la secte des Ismaëlites, improprement appelée " Assassins " et mieux connue sous le nom de " Haschichins ".  Cette secte, érigée en société secrète, existerait donc encore.  A la faveur d’un somptueux repas agrémenté d’une douceur au haschich, Sibiril est enlevé et se retrouve prisonnier dans une chambre rustique en plein cœur de la montagne marocaine. Toutes les attentions d’Aziz n’étaient que des leurres.  Alerté par les idées de l’écrivain qui, par hasard, semblait avoir vu juste sur les intentions de la secte, Aziz, affidé de celle-ci,  a pensé, plutôt que d’éliminer son ami, de le faire adhérer à ses convictions.  Toujours active depuis plus de mille ans, la secte, en secret, pousse à la subversion dans l’ensemble des sociétés occidentales. Véritable franc-maçonnerie à caractère initiatique, par le meurtre, le chantage ou la conviction, elle se trouve à l’arrière-plan de toutes les révolutions, y compris la bolchevique, de toutes les guerres, de toutes les agitations qui sont bonnes pour déstabiliser l’Occident. Son but ultime est l’anarchie, la destruction de tout pouvoir organisé, le retour de la barbarie :
    " -En vérité, murmura-t-il, je n’imaginais pas que vos tendances fussent si uniquement destructives et je pensais qu’il s’agissait seulement de substitution. Dans la théorie communiste, les masses populaires qui s’estiment esclaves du capital, veulent imposer leur dictature,prendre possession de la richesse commune et l’exploiter au bénéfice commun, selon les capacités et les ressources de la production moderne. (…)
    D’une voix calmée Aziz répondit : -Que la masse, pour l’instant, l’estime ainsi, soit. La masse ne doit connaître qu’à l’heure voulue le secret profond de la doctrine (…) car, soyez-en certain, mon cher maître, bolchevisme, communisme, dictature du peuple, ce ne sont là que des étapes nécessaires que nous aidons à préparer, tout en sapant les vieilles assises sociales sur lesquelles repose l’édifice vermoulu de cette civilisation qui vous semble encore si belle mais dont vous connaissez bien les lézardes et la précaire puissance. "
    Aziz persuade son ami d’entrer dans la secte ou de mourir. Sibiril cède, à contrecoeur.  L’Arabe lui fait accomplir les étapes initiatiques nécessaires pour être reconnu par le Vieux de la Montagne, appelé encore Kourkia, un vieillard fanatique et dangereux. Sibiril doit abandonner toute idée d’écrire sa pièce et, en l’espace d’un an, se transforme en membre actif et inconditionnel de la secte. Le dramaturge retourne dans la villa de Gézirah chez Aziz. C’est là qu’il apprend l’atroce vérité : Dinah est morte, tuée par une dose trop forte de haschich ou intentionnellement, qui sait ?
    Revenant à Paris où il se traîne, n’étant plus que l’ombre  de lui-même, Sibiril songe à se venger. S’abstenant de toute vie sociale, il passera sa dernière année à rendre compte du danger qui menace l’Occident avant d’être lui-même assassiné :
    " En sommes-nous là ? Le flot qui submergea Babylone et Alexandrie, les barbares qui vinrent déferler sur le monde romain pour l’engloutir, le transformer, allons-nous les voir revenir sortir de cette traditionnelle forteresse, de ce rocher où je sais qu’ils rêvent et d’où leur influence agit magnétiquement sur le monde depuis des siècles, au plus profond de cet Orient demeuré fidèle aux premiers errements humains, en révolte contre notre ardente civilisation et toujours prêt à la détruire ? "
    Un ouvrage intimiste écrit dans un registre de langue soutenu où l’amour entre les deux personnages principaux occupe une place importante. La thèse du complot occulte, de la menace idéologique rampante, par lesquels l’Occident risque de retourner à la barbarie, forme le soubassement d’une oeuvre qui trahit les préoccupations communes de plus d’un écrivain de l’entre-deux guerres

  3. Type: livre Thème: menaces idéologiques Auteur: F. CELVAL (aucune référence) Parution: 1935
    L’ingénieur Claude Cardan et son fidèle meccano Zanzi désirent faire apprécier au ministre de l’Air leurs nouvelles inventions « le rayon de la Mort » et mieux encore, le «Radiardant», capable d’incendier tous les moteurs électriques.  Malheureusement pour eux, ils se découvrent un ennemi en la personne de « Fulgur », un puissant industriel vendeur d’armes, créateur de la « Fulgurite », un explosif extraordinaire, et commanditaire d’une puissance étrangère souhaitant déclarer la guerre à la France. Heureusement, ils ont des alliés en les personnes de Lucienne Morand, secrétaire de  Fulgur et de son frère Robert, spécialiste en maquillages dans un cabinet de cire.
    Ecoeurée par les agissements de l’odieux Fulgur, Lucienne sauve Claude qui manque d’être assassiné par noyade. Déguisés tous deux par Robert sous les noms de Greta (pour Lucienne) et de Boris Horlevitz (pour Claude), ils seront engagés par Fulgur qui croit pouvoir s’approprier les secrets de Cardan.  Le jeune couple veille également à ce que Zanzi travaille avec eux. Fulgur est impatient d’observer le fonctionnement des armes nouvelles. Il programme un vol d’essai avec pour pilotes Claude et Zanzi. L’un des avions sera muni du Rayon de la Mort, l’autre du Radiardant. Zanzi et Claude qui dévoilent leur véritable identité à un Fulgur vert de rage éliminent les avions lancés à leur poursuite et font exploser le dépôt de Fulgurite dans le bruit et la fureur :
    « Un cratère s’ouvrait sous ses pas. Une détonation dépassant en puissance les plus formidables explosions, secouait le sol. Un torrent furieux de flammes jaillit jusqu’aux nuages, entraînant avec lui les rocs calcinés et les charpentes de fer rougi des ateliers. Toutes les usines, désarçonnées par la secousse, semblaient s’écrouler une par une dans le cratère formidable. Puis une pluie de décombres commença à tomber interminablement. Il ne resta plus sur le plateau aride et désert que des ruines informes pour attester l’emplacement où se trouvait, deux heures avant ces événements, la plus grande usine de guerre du monde. »
    Comme il se doit dans un si beau conte de fées, Fulgur meurt et Claude épouse Lucienne sur le conseil du ministre de l’Air. Quelle est belle la France de 1935 !

  4. Type: livre Thème: péril jaune et guerre des races Auteur: Christopher PRIEST Parution: 1972
    Alan Whitman est professeur d’université, marié à Isabel et père d’une jeune Sally. Avec sa mentalité d’appartenir à la classe blanche moyenne, il vit bourgeoisement près de Londres, en sa maison de banlieue. Mais des menaces s’accumulent avec les désordres en Afrique, fomentés par les Chinois qui font éclater là-bas une dizaine de bombes atomiques provoquant la mort de millions de personnes. Les survivants – et il en reste !- émigrent vaille que vaille,  délaissant leur continent agonisant pour l’Europe, plus particulièrement pour l’Angleterre.  Les premières arrivées, sur des bateaux pourris, seront suivies avec intérêt par les Anglais et des associations de bienfaisance se portent au-devant des Noirs pour les accueillir :
    « Nous les considérions avec une fascination mêlée d’angoisse. Il y avait des hommes, des femmes et des enfants. La plupart d’entre eux étaient dans un état d’inanition avancée : des membres squelettiques, un ventre gonflé, distendu, des yeux hagards dans un visage creux, et, chez les femmes, une poitrine plate, des seins tombants, translucides, attiraient les regards. La plupart étaient nus ou presque. Les enfants n’arrivaient pas à se tenir debout. Ceux que personne ne voulait porter restèrent sur le bateau.»
    Cela dure peu de temps. L’arrivée continuelle des Africains (les « Afrims ») remet en cause l’équilibre sociale du pays. L’invasion pacifique sera prise très au sérieux mais divisera la population anglaise en deux camps, ceci jusque dans les rangs de la police et des forces militaires.  Les «Sécessionnistes » appuient les Afrims et les arment dans leur désir de s’implanter sur le territoire anglais. Les «Nationalistes», émanation du nouveau gouvernement d’extrême-droite du président Treghar, les combattent violemment. En cette guerre civile d’un nouveau style, d’un côté comme de l’autre, les exactions sont nombreuses et horribles, le plus grave étant que les Afrims et leurs amis conquièrent pouce par pouce les villages et villes de Grande-Bretagne, s’appropriant les maisons, tuant ou jetant sur la route des centaines de milliers d’Anglais légitimes.
    Whitman et sa famille feront partie des spoliés. Sales et crasseux, ils vivront d’expédients, tandis que leurs conditions empirent au fur et à mesure. Leur voiture, prise immédiatement d’assaut, leur a été volée.  Dans leur errance, ils constatent la dégradation des niveaux de vie qui entraîne une dégradation morale. Whitman, se souvenant de la manière dont il a conquis Isabel, se rappelle aussi de sa frigidité et de sa mauvaise humeur. D’un commun accord, le couple décide de se séparer, Sally restant avec son père. Whitman, après une rencontre avec une bande de Blancs tirant des chariots, décide de se joindre à eux, faisant confiance au chef,  un dénommé Lateef qui, en homme avisé, prend les décisions pour l’ensemble du groupe. Grâce à un fusil trouvé dans des décombres, il deviendra même le bras droit de Lateef.  Le groupe doit être très prudent pour éviter les embuscades des Afrims ou les traquenards des Nationalistes, se terrant parfois dans les bois ou négociant leur passage.
    Un jour, Whitman menacé par des Afrims, se vit enlever Sally dont il connaît d’avance le destin : soit assassinée en peu de temps, soit mise au travail dans le grand bordel collectif noir de la banlieue londonienne. Quittant Lateef,  il tente de retrouver Sally en se dirigeant d’abord vers la côte. Totalement clochardisé, il eut cependant la bonne fortune de se refaire une santé dans un village, sorte d’enclave fortifiée où, grâce à une discipline de fer, les habitants vivaient comme à l’habitude, essayant d’oublier coûte que coûte l’immense désastre du déclin de la société européenne.  Le désir de retrouver Sally revenant en force, Whitman quitte le village, cheminant le long de la plage vers une concentration afrim où il espère avoir des nouvelles fraîches. Celles-ci lui parviendront plus vite que prévues sous la forme de deux cadavres souillés de pétrole, disposés sur le sable : les deux corps d’Isabel et de Sally :
    « Tandis que je marchais, mes pieds s’enlisaient continuellement dans les plaques de goudron qui recouvraient les galets. Les corps étaient à peine visibles de loin ; si je n’avais pas su qu’ils étaient là, je les aurais confondus avec les larges taches d’huile figée ; Il y en avait dix-sept tous noirs. Ils étaient nus  et à l’exception d’un seul, c’étaient des corps de femmes. La noirceur de leur peau n’était pas due à l’huile de la plage ou à la pigmentation naturelle, mais à de la peinture ou de la poix. J’errai parmi eux et ne tardai pas à découvrir Isabel et Sally. »
    Alors qu’il était disposé à déposer ses armes et à se soumettre à son destin, cette vue ranime en lui toute la haine dont il est capable et le fait basculer dans la résistance aux Afrims. Il s’enfonce à l’intérieur des terres anglaises…
    Sans aucune fioriture littéraire, en flash-back permanents et par le montage alterné des épisodes, Christopher Priest nous fait part du désespoir vécu au quotidien d’un être médiocre à travers l’évocation forte d’une inquiétude contemporaine largement partagée par d’autres auteurs comme Jean Raspail dans son « Camp des saints » , par exemple.

  5. Type: livre Thème: guerres futures 2 Auteur: Lieutenant-Colonel Emile MAYER Parution: 1919
    A La Haye, les états européens à l’instigation de la Russie, décidèrent d’une paix commune et prolongée entre eux. Les difficultés demeuraient nombreuses, dues surtout à l’arrogance de l’Allemagne, plus impérialiste et militariste que jamais. Les négociations semblaient donc prêtes à échouer lorsque se produisit un coup de théâtre. Le professeur Zorn, délégué allemand intransigeant, fut remplacé par le Dr. Friede, selon la volonté même du roi de Prusse.  Tout en rondeurs et aménités, le Dr. Friede se déclara en tous points d’accord avec le protocole, l’Allemagne étant prête désormais à jouer le jeu de la transparence et de l’harmonie, à condition, toutefois, que l’on ne touchât pas à sa marine de guerre, seule force légitime  qui devrait servir à défendre sa nation si celle-ci se trouvait d’aventure menacée.
    D’abord incrédules, les autres pays européens mirent du temps à admettre la sincérité de l’Allemagne. Enfin convaincus – sauf la France qui limita difficilement son armement-, ils virent avec étonnement l’ère de paix qui s’ouvrait devant eux :
    « Par contre, c’était surtout des Allemands qui inspectaient nos manufactures d’armes, nos fonderies de canons, nos ateliers de précision, nos cartoucheries, et les établissements du Creusot, du Havre, de Fourchambault- Commentry. Ils ne pouvaient pas ne pas constater qu’il en sortait des engins de guerre en quantité considérable, dont certains, à la vérité, étaient déclarés rebutés pour malfaçon, mais sans que la malfaçon rédhibitoire apparût en toute évidence. Au surplus, ils auraient été en droit d’exiger la destruction des exemplaires marqués du signe de rebut. »
    L’Allemagne, avec douceur, rendit l’Alsace-Lorraine à la France. Cette détente fit que de nombreux Allemands purent s’installer dans les pays riverains pour y faire du commerce, y vivre ou établir des industries de paix : machines agricoles, voitures de caractère, mais ni armes ou autres engins militaires. L’industrie allemande déploya des trésors d’ingéniosité et d’invention pour découvrir ou mettre au point de nouveaux produits chimiques destinés à l’amélioration du rendement agricole. Le tourisme allemand prospéra et de nombreuses colonies teutonnes et pacifiques se fondèrent en terre de France :
    « Le développement de l’Allemagne pacifique dépasse toutes nos prévisions. Les préventions qui flottaient autour de nous se dissipent. Nous nous sentons vivre dans une atmosphère de sympathie où nous respirons à l’aise. Ce nous est un grand soulagement. On nous accueille partout ; on nous aide, au lieu de nous rester hostile ; on nous sourit, au lieu de nous bouder. Et nous travaillons au milieu d’une allégresse que nous n’avons jamais connue. »
    La vigilance militaire française ne put prendre en défaut son voisin : l’Allemagne respectait scrupuleusement les décrets de La Haye. L’harmonie fut telle qu’au mois d’août 1914, le Kaiser fit part de sa décision de visiter Paris :
    « La saison, certes, n’est pas très favorable aux grandes cérémonies : les vacances vident Paris de ses habitants, et elles y ramènent des étrangers. Peut-être, après tout, était-ce justement ce qui avait motivé la détermination prise par l’Empereur. Qu’elle qu’en fut la cause, d’ailleurs, cette détermination provoqua une émotion extrême non seulement en France, non seulement en Europe, mais même dans le Nouveau-Monde. On câbla de New York et de San-Francisco pour le jour de l’arrivée du souverain.
    De leur côté, les Allemands redoutèrent sans doute qu’il arrivât malheur à celui-ci, car ils affluèrent en France, et se ruèrent sur les hôtels.  Depuis l’Exposition du Centenaire, Paris n’avait pas été aussi surpeuplé. Jamais autant d’automobiles n’y étaient venues, de toutes les directions : du Nord, en particulier. L’occasion, en effet, était tentante de visiter la Hollande et la Belgique en se rendant chez nous. »
    Bien que de nombreux Français fussent en vacances à ce moment-là, rien ne s’opposait à cette visite. Le lendemain de sa venue, rien ne fut plus comme avant. L’armée française se trouva paralysée en ses casernes, endormie par des gaz soporifiques, alias « produits chimiques agricoles » répandus judicieusement par une cinquième colonne germanique motivée. Elle se réveilla prisonnière et sans armes, à quelques exceptions près.
    Une lettre du Chancelier de l’Empire expliqua les faits, notamment qu’en une nuit, grâce à l’infiltration « pacifique» allemande en Europe et la transformation instantanée de tous les engins agricoles en engins militaires, du Danemark jusqu’à Paris, à l’heure dite, les « touristes » allemands, disposés suivant un plan rigoureux, s’étaient emparés de toutes les armes, neutralisant tous les régiments, et assignant les quelques unités résistantes en cours de justice à La Haye pour entrave à la paix et usage d’armements militaires !
    Elle expliqua qu’il était tout naturel pour l’Allemagne d’avoir à procéder de la sorte, étant donnée son exigence «d’expansion vitale» et «territoriale», celles-ci ayant toujours été une nécessité absolue, ce qui justifiait la ruse dont elle avait fait preuve et que devaient comprendre les Etats voisins. Enfin, tous les chefs d’états des pays soumis récemment seront convoqués à l’investiture à Paris de Sa Majesté qui a décidé de prendre le titre «d’Empereur d’Occident » :
    « Quoi qu’il en soit, la situation qui nous est faite nous crée des obligations nouvelles. Sa Majesté a décidé de prendre le titre d’Empereur d’Occident. Elle avait songé à se donner l’investiture à Aix-la-Chapelle, mais il a été décidé finalement que la cérémonie aurait lieu dans la Galerie des Glaces de Versailles, le 15 août, date anniversaire de la naissance de l’Empereur Napoléon. Vous comprendrez sans peine les motifs qui ont déterminé le choix de ce jour et de ce lieu. Vous remettrez au chef de l’Etat auprès duquel vous êtes accrédité la lettre autographe qui le convoque pour la solennité. »
    Une nouvelle féroce et ironique mettant à jour la duplicité prussienne, la noirceur de ses objectifs, son mépris du droit des peuples. Un brûlot à verser au gigantesque dossier des guerres conjecturales.

  6. Type: livre Thème: guerre des sexes, matriarcat, épidémies Auteur: Michael CORDY Parution: 1999
    Deux femmes, amies depuis l’enfance, forment les personnages principaux du roman. L’une Alice Prince, bio-généticienne de haut niveau a crée l’entreprise « Viro Vector Solutions » à Palo Alto.  Dans ce laboratoire de génétique de type V, on y étudie tous les virus mortels connus à ce jour. Grâce au super-ordinateur Titania, les codes génétiques les plus complexes, les manipulations les plus risquées, sont possibles.
    L’autre, Madeline Naylor détient le poste de responsable du FBI. Traumatisées toutes deux par les hommes, elles travaillent sur le " Projet Conscience ", s’arrogeant les éléments de découverte de Katryn Kerr, jeune et brillante généticienne, ancienne maîtresse et amie de Luke Decker,  "profileur " au FBI.  La découverte de Katryn est que l’agressivité est une marque de fabrique du mâle, un codage génétique spécifique du chromosome Y :
    " L’invention du génoscope a permis aux scientifiques d’effectuer le séquençage du génome humain. Mon équipe et moi-même avons mené une étude sur l’agressivité des primates et identifié dix-sept gènes clés susceptibles de programmer la production d’hormones et de neurotransmetteurs critiques chez les primates de sexe masculin – dont les humains. Ces gènes interdépendants sont effectivement responsables d’un comportement agressif chez l’homme. "
    En supprimant des éléments de ce codage et en les remplaçant par d’autres plus appropriés, l’agressivité pourrait disparaître chez le mâle d’Homo Sapiens, avec son cortège, de guerres, de crimes, de meurtres et de viols.  Le Projet Conscience consisterait à infecter les êtres humains par un virus porteur avec ce nouveau codage, les hommes seuls devant en être affectés :
    " Le fait d’augmenter le nombre de prisons et d’exécutions capitales s’est chaque fois révélé inefficace, poursuivit Weiss.  Il nous faut endiguer la criminalité en maîtrisant les délinquants avant qu’ils ne se rendent coupables d’un délit grave. Maintes études ont montré que plus de soixante-dix pour cent des homicides, viols et agressions avec coups et blessures sont commis par un noyau irréductible de six pour cent des criminels.  Si nous pouvons cibler ces délinquants, et les empêcher de nuire, nous réduirions le nombre de délits de façon significative. Outre le bénéfice évident pour la société, pensez à l’économie considérable réalisée sur le budget de l’état : un milliard deux cent millions si nous diminuions le nombre de crimes de un pour cent. Cela donne à réfléchir. "(…)
    " J’ai une vision de l’Amérique, que j’aimerais vous faire partager. Grâce à cette thérapie, les hommes violents utiliseront leur énergie de façon positive. Ils ne nuiront plus à la société. Imaginez un pays où tous les hommes reconnus coupables d’un crime violent recevraient ce traitement.  Une société dans laquelle les délinquants redécouvriraient la meilleure part d’eux-mêmes. Nous créerions ainsi un monde plus productif, plus tolérant. Meilleur, en un mot. Imaginez ce monde-là. Une Amérique plus forte, plus humaine. Votre Amérique ! "
    Alice et Madeline s’associent pour faciliter l’accès au pouvoir suprême de la présidence des USA de leur ancienne amie commune, Pamela Weiss. Pour mettre toutes les chances de leur côté, elles pratiquent des expérimentations sauvages sur les condamnés à mort de St Quentin et, toujours piloté par Titania, envisagent une simulation grandeur nature de la propagation sur les Irakiens, à leur insu, en leur envoyant des armes biologiques contaminées par " Conscience ". Leurs ambitions ne s’arrêtent pas à ce stade. Elles ont aussi programmé la " Phase Deux " du Projet qui consiste en l’élimination physique des criminels mâles.
    Les augmentations massives d’hormones générées par le nouveau codage n’offrent aucune alternative à l’homme : ou bien pris d’une angoisse insoutenable il se suicide ou bien il meurt par embolie cérébrale. Katryn qui découvre le détournement de ses travaux se fait mettre sur la touche par Naylor. Quant à Luke Deker sur la piste d’un psycho-killer du nom de Karl Axelman, il apprend que celui-ci est son père et que lui-même est le fruit d’un viol. Luke délivrera Katryn et parviendra à accumuler des preuves de la forfaiture des deux femmes, en faisant comparer son matériel génétique avec celui d’Axelman qui avait été infecté par " Conscience " et qui en est mort.
    Entre temps Paméla accède à la présidence au moment de la crise irakienne où des milliers de chars s’apprêtant à nouveau à envahir le Koweit sont arrêtés au bout de trois jours par la mort subite de leurs conducteurs et des soldats, suivie peu de temps après par celle du Raïs :
    " Les rangs des blindés, déjà moins réguliers qu’au départ, se désagrègent peu à peu. Certains tanks faisaient demi-tour. De même que les camions qui transportaient les troupes. Des fantassins, dans les véhicules à l’arrêt, sautaient sur le sable, jetaient à bas leurs armes, puis repartaient en sens inverse. "
    Naylor et Alice triomphent mais Paméla n’est pas d’accord avec la déviation du projet initial pratiquée à son insu. Elle prend Katryn sous sa protection. Pendant ce temps Luke est traqué par Jackson, le séide noir de Naylor. Titania, interrogé, révèle la totalité du monstrueux complot  fomenté par les deux femmes.  Au-delà du " Projet Conscience ", elles pensent déclencher la phase " Crime Zéro " qui n’est rien moins que l’éradication complète sur cette terre de l’ensemble des mâles. En l’espace de trois semaines, infectés par voie aérienne par un virus-vecteur, les hommes seraient éliminés :
    " -Expliquez-nous, dit Weiss. - Ce virus est conçu pour infecter les femmes de tous âges, qui deviennent des porteurs sains. Il se loge dans leur trachée. Ces femmes contaminent quiconque les approche, mais ne présentent aucun symptôme, excepté une légère toux. Le vecteur modifie le génome des garçons prépubères, sans toutefois les tuer. Il se contente d’altérer leur agressivité. Le virus affecte également leurs cellules reproductrices. Ainsi, ils transmettront ces modifications génétiques à tous leurs descendants de sexe masculin. Les véritables victimes de Crime Zéro sont les hommes infectés après la puberté. (…)  Dans un premier temps, ils deviennent incapables d’actes violents. Puis ils meurent. "
    Les jeunes  constitueraient donc le noyau futur d’une société toute entière dévolue au matriarcat. Naylor a fait diffuser les virus par les bouches d’aération de l’aéroport de Heathrow :
    " En l’espace de trois ou quatre jours, le virus de Crime zéro se propagerait sur la terre entière, par l’intermédiaire des passagers du vol de Londres à Calcutta. Plusieurs centaines de millions d’humains seraient atteints. Après une semaine, seules les zones les plus reculées du globe auraient échappé à la contamination. Là-dessus les plus jeunes passagers du vol BA 186 commenceraient à mourir. "
    Elle a échappé à toutes les poursuites et s’apprête à faire exploser Titania sur lequel travaille désormais une équipe de scientifiques à la recherche d’un vaccin qui permettrait de faire l’économie de trois milliards de morts. Alice, prise de remords, se suicide, en fournissant à Luke qu’elle infecte, le futur vaccin tant recherché.  Luke sera le sauveur de l’humanité. Pour diffuser rapidement le contre-poison, un vecteur extrêmement contagieux doit être utilisé. Par une ironie du sort, c’est l’Irak qui le fournira car il est le seul pays à conserver encore le porteur adéquat, c’est-à-dire des stocks du virus variolique :
    " Tandis qu’on lâchait les premières bombes, la mappemonde, sur le grand écran central, se couvrit de points rouges. Londres et Paris s’allumèrent, puis une buée rouge envahit la majeure partie du continent européen. Les Etats-Unis et le Canada suivirent, de même que l’Amérique du Sud, et les vastes terres d’Asie et d’Afrique. Les points étaient plus lumineux au-dessus des mégapoles. Ces points grossirent, puis s’étirèrent en fonction des vents dominants, propageant le vaccin sur des milliers de kilomètres carrés. Ces brumes rouges en mouvement se raccordèrent de façon homogène, formant comme un voile autour de la planète. "
    Naylor, disparaîtra dans l’explosion de la " Matrice ", le cœur du laboratoire bio-technologique de Viro Vecteur. L’humanité est sauvée, mais le revers de la médaille est que les hommes, vaccinés et vivants, ne seront plus jamais les mêmes : ils ont perdus leur agressivité et, bien plus tard, le fils de Katryn et Luke considère,  désabusé, la stagnation scientifique et technologique de l’espèce humaine :
    " D’aucuns se plaignaient toutefois d’une stagnation des progrès technologiques : manquait ce catalyseur qu’était la guerre. Blake avait-il eu raison d’affirmer qu’il n’y a pas de progrès sans conflit ? "
    Un techno-thriller qui repose sur les dernières hypothèses de la génétique et qui dénonce les dangers d’une technologie émergeante mal maîtrisée. Il constitue la énième mouture du combat des femmes contre les hommes, vu du côté des hommes, évidemment, et le socle le plus sûr du roman-catastrophe

  7. Type: livre Thème: après la Bombe... , guerre des sexes, matriarcat Auteur: Anne-Marie SOULAC Parution: 1960
    Eve est une petite fille, née au village:  
    " Je suis née peu après l’an 2000 à la Maternité du village .Mon village! Quelques maisons au bord d’un petit lac, étiré entre des montagnes. "
    L’organisation de cette bourgade est extraordinaire. Certaines figures marquantes émergent d’entre les nombreuses femmes qui y résident en une sorte de communauté matriarcale: un homme, appelé simplement "l’Homme ", Sébastien, le protecteur d’Eve, Anna, sa mère nourricière. Parfois, d’autres ombres croisent le chemin d’Eve, bien au-delà de limites qu’elle n’a pas le droit de franchir ; d’autres femmes, en hélicoptère, des femmes encore qui vivent dans une base secrète.  Tandis que pour Eve la vie se déroule sans problèmes entre les airs de guitare de l’Homme et les chamailleries avec ses " soeurs ", il n’en est pas de même dans les terres extérieures. Ce qui est norme et habitude pour Eve est une exception dans ce monde.
    La société ancienne a disparu avec presque tous les hommes,  dans la terrible conflagration nucléaire qui a ravagé toute la planète.  Les hommes  survivants ayant perdu leur pouvoir procréateur, un collectif de savants, regroupés autour d’Hélènel’épouse du savant Reboul,  a pris en mains les destinées de l’humanité:
    " Les collines boisées où s’abritait la maison de Reboul s’étaient trouvées en dehors des zones détruites et contaminées. Le message de Reboul, radiodiffusé par tous les émetteurs intacts, avait réussi à rallier ce qui restait de grands savants. Ceux-ci, par une juste représentation des dangers présents et à venir engendrés par vingt-quatre heures de guerre atomique à outrance, étaient parvenus à mettre fin à ce déchaînement d’absurdité. Tous avaient suffisamment collaborés avec les forces armées de leur pays respectifs pour savoir à qui parler. Les quelques récalcitrants avaient été calmés par la force, et sur la planète meurtrie, à jamais défigurée, le Praesidium des savants avait établi son pouvoir, sous la haute direction de jean Reboul. Ainsi avait commencé le règne d’Hélène (...)
    Nous tous, les survivants de la Grande catastrophe, nous étions un peu comme des naufragés sur une île au sol incertain, promis aux convulsions, aux séismes et aux raz-de-marée. Ce n’était que par une organisation méticuleuse de toutes nos aptitudes et ressources que nous pouvions espérer traverser, dépasser même le temps des tempêtes.
    Les quelques mâles actifs étaient employés au maximum ; les femmes non sélectionnées pour la reproduction constituaient la masse ouvrière. Ce qui n’empêchait point de leur faire procréer des doubles par parthénogenèse ; il fallait ne négliger aucune possibilité, le nombre des naissances était en régression permanente et croissante»
    Les femmes ont constitué une sorte de société utopique scientifique dans laquelle les enfants - tous du genre féminin - crées par parthénogenèse, sont conditionnés à l’aide de pilules chimiques, pour accomplir avec plaisir des tâches spécifiques: on y trouve les " Maternelles " qui s’occupent des accouchements, les " Organisatrices " qui planifient la structure sociale, les " Techniciennes ", sortes de prolétaires du régime:
    " Alors Stéphanie a soupiré: Tous ces gens dont tu parles, je ne peux plus les comprendre. Je ne vois dans ce que tu appelles bonheur, qu’une satisfaction animale. Si le mot existait encore, il ne pourrait signifier pour nous que sens de l’utilité, exaltation de faire partie d’une machinerie parfaitement réglée, dont rien ne peut troubler le fonctionnement. Oui, les créatures que tu as vues hier sont heureuses, crois-moi. Les plaisirs animaux qui donnaient le bonheur à Anna, elles n’en ont plus besoin. Une boîte de pilules leur ouvre encore plus sûrement les portes de l’extase que la gymnastique copulante pratiquée avec l’Homme, ou ses simulacres.(...)
    Les Organisatrices ont crée une Société dans laquelle chaque individu a sa valeur et la conserve. Il n’y a pas d’épaves, pas de déchets. Personne ne peut se sentir sacrifié, inférieur. (...) Les villages constituent une survivance regrettable qui ne durera plus très longtemps. "
    Les villages sont les lieux protégés de cet étrange univers post-cataclysmique, puisque au-delà des dernières terres habitées rôdent des monstres sans nom,  des mutants meurtriers.
    Eve découvre cette vérité progressivement, son insouciance se transformant en quête constante de savoir. Toujours protégée par Sébastien, fils d’Hélène, l’un des derniers leaders, elle transgresse tous les interdits, explore les environs du village, les fermes abandonnées, en solitaire :
    " Je ne sais combien de temps je suis restée immobile, figée par la peur. La vie se retirait de moi. Peut-être, après tout, suis-je morte ce matin-là d’avoir découvert que, seule, je n’étais qu’une ombre parmi les ombres, que mon sort n’était concevable que lié à celui des autres vivants, si étrangers qu’ils me parussent. "
    Elle fait aussi la connaissance de Stéphanie, une "Organisatrice " qui lui montre la réalité, celle d’un monde où les rares hommes qui restent ne sont que des étalons chargés de féconder quelques rares femmes " normales " dans ces lieux archaïques que constituent les villages. Alors, Eve se rebelle. Intelligente et sensible, elle prendra de plus en plus d’indépendance à l’égard du village et d’Anna. Lorsque Sébastien disparaît de sa vie - en se réservant la jeune fille pour plus tard-, Eve occupe sa demeure. Malgré le tassement technologique universel, il semble subsister des pôles d’excellence dont ferait partie l’exploration de l’espace. Sébastien avait rejoint ceux qui s’entraînent à un départ vers Mars. Eve l’attend longtemps. Lorsque il revient, elle apprendra de sa bouche l’horrible vérité: les Organisatrices, convaincues du cul de sac évolutif de leur société parthénogénétique, ont décidé de faire sauter tous les lieux où subsistait encore de la technologie avancée :
    " Rien n’avait fait prévoir la catastrophe. Brusquement tout avait sauté. Tous les centres, toutes les usines, toutes les cités, toutes les agglomérations, tous les lieux habités, où qu’ils fussent situés, avaient été anéantis en même temps. Les Nouvelles (comme elles s’étaient dénommées) avaient mis au point une méthode de destruction utilisant les réseaux de transmission d’énergie. Tout l’édifice de la civilisation s’était effondré sur ses habitants. "
    Les explosions ont déclenché un raz-de-marée et de nombreuses régions seront englouties sous les eaux.  En compagnie de Sébastien, d’Anna, de l’Homme et de quelques enfants, Eve abandonne le village. Se dirigeant vers l’intérieur des terres (région qui ressemble à la Provence), marchant de repères en repères, Eve recherche un endroit où la vie soit encore possible. En remontant vers Paris, elle se rend à l’évidence: il ne reste nulle part où aller, sinon de retourner au village:
    " La poussière brune changeait de visage sous mes yeux, révélant les ruines qu’elle masquait: les bribes de murs, les parois calcinées, les entassements de débris. Et sous les ruines, sous la poussière, les morts. La poussière ultime. (...)
    La première bombe était tombée sur Paris, sur la Tour Eiffel exactement; par hasard, ou parce qu’elle était si facile à repérer, dans sa boucle de la Seine. "
    En une sorte de voyage initiatique à rebours, où se mêlent l’onirique et le réel, le petit groupe décide de revenir au point de départ. Eve frôle les monstres:
    " Je ne sais si j’ai rêvé la suite, ou si je l’ai vraiment vécue; si je me suis trouvée tout à coup au milieu d’un tourbillon de formes aux faces grimaçantes qui cherchaient à me saisir entre leurs moignons atrophiés. Une odeur fade, écoeurante, de pourriture faisait monter en moi la nausée. Leurs yeux, luisants entre des paupières gonflées et suppurantes, guettaient chacun de mes gestes. (...) Un gémissement continu montait des ténèbres, puis des cris aigus, des sanglots. Une intolérable souffrance s’exhalait dans la nuit. Je sentis mon souffle se précipiter; les cris se faisaient plus lointains; les visages, les moignons s’estompaient. Je tombai comme une masse au fond d’un puits d’inconscience. "
    Sébastien, de plus en plus lointain, se détache finalement du groupe. Il veut voir ailleurs ce qui subsisterait encore. Eve sait maintenant que son rôle sera de diriger les destinées de la petite communauté d’enfants, et, avec l’Homme - devenu l’Adam primitif - d’envisager une nouvelle vie, une nouvelle société édifiée sur de nouvelles bases.
    Un récit cohérent, dense, sensible et original qui renouvelle quelques-uns des vieux thèmes hantant le roman -catastrophe: mutations radioactives, société dystopique, stérilité masculine, dangers du nucléaire, etc. L’empreinte de l’oeuvre d’Anne-Marie Soulac vaut surtout par la forme. Par le biais d’un roman à la première personne, en monologue intérieur, la romancière, appartenant au courant de la littérature générale, avec sa sensibilité féminine, s’essaye dans la veine littéraire de la science-fiction. Sans que jamais l’introspection ne soit pesante, elle rend crédible son héroïne et vraisemblable la destruction d’une société arrivée à bout de souffle, apportant en ce domaine l’originalité d’un style typiquement issu du roman psychologique à la française.

  8. Type: livre Thème: épidémies Auteur: John CASE Parution: 1998
    L’éradication d’un village contaminé en Corée du Nord crée une suspicion chez les Américains.  D’après des témoignages, il semblerait que celui-ci ait été atteint par l’influenza ou grippe espagnole, affection virale hautement contagieuse. Ce virus ayant pratiquement disparu de par le monde, le dernier espoir qui subsiste d’en retrouver des souches pour la mise en place d’un vaccin, est de prélever des tissus infectés sur des cadavres de mineurs préservés par le froid et enterrés dans le nord de la Norvège, à Kopervick.
    Une expédition est mise sur pied, comportant les principaux protagonistes, lev Gleason, l’agent spécial du FBI et Annie Adair, une jeune biologiste, responsable du projet.  Le désappointement est d’autant plus grand lorsque, arrivés sur les lieux, ils s’aperçoivent que quelqu’un les y a précédés. Les corps ont disparu et un grand cheval blanc a été tracé sur les murs de l’église attenante.
    Daly Franck, reporter au « Post » aurait dû faire partie de l’expédition. Pour des raisons d’encombrement, il est resté en arrière, ce qui ne lui a pas déplu.  Reprenant contact avec Annie – obligée au silence par le FBI -, il se livre à une enquête minutieuse concernant l’événement et en arrive à l’existence d’une secte mystique-écologiste, « le Temple de Lumière », animée par son gourou Luc Solange, ayant tous les aspects d’une multinationale aux ramifications multiples dans divers domaines.
    C’est le cercle intérieur de la secte qui s’est livré à l’exhumation des corps, récupérant les virus pour s’en servir comme matériau de base afin de créer, par manipulation génétique, un super-virus de l’influenza dans le but de le répandre dans le monde entier, en commençant par les USA.  Luc Solange, dans sa folie paranoïaque, se veut le « cheval blanc », le « premier cavalier de l’apocalypse » dont le destin est de détruire une grande partie de l’humanité pour régénérer la biosphère.
    Petit à petit, avec l’aide d’Annie et de Stern, l’un de ses amis, Franck remonte à la source. Mais le Temple a les bras longs. Dans sa naïveté, Franck se fait repérer rapidement et les adeptes de la secte tentent de l’éliminer par de l’intimidation, par des accusations mensongères ou du harcèlement. Parallèlement, Solange, dont la base se situe à Lake Placid se livre déjà à des essais de diffusion du virus par aérosol en Californie et à Washington. Tous les moyens porteurs seront utilisés : avion, bateau, camion avec pot d’échappement trafiqué.
    Puis, Stern disparaît et Franck subit le vol de toutes ses disquettes informatiques.  Après en avoir informé le peu sympathique agent Gleason, Annie et Franck se rendent dans le repaire du gourou. Ils y seront capturés et menacés de mort.  Heureusement, la cavalerie arrive en la personne du FBI, investira le campus, arrêtera les protagonistes du Temple (sauf Solange) et délivrera nos piteux héros.
    Tintin et Milou (pardon : Annie et Franck) poursuivent inlassablement le maniaque de la destruction, l’arrêtant d’un « punch » bien senti lorsqu’il envisage d’introduire son virus dans le réseau urbain de distribution d’eau. Franck a gagné mais ne pourra écrire son article, toujours condamné au silence : la secte n’aura été qu’un cheval de Troie pour les Nord Coréens, avec lesquels elle entretenait des rapports, qui espèrent affaiblir la puissance des Etats-Unis. C’est du moins ce que lui apprend Gleason.  Le journaliste se consolera en épousant Annie.
    Un techno-thriller faible avec des personnages peu perspicaces et une intrigue primaire, un pur produit marketing dont il ne restera que peu de choses.


  9. Type: livre Thème: le dernier homme, Adam et Eve revisités Auteur: George R. STEWART Parution: 1951
    Ish, le héros du récit est géologue. Il s’est perdu dans la montagne et s’est fait mordre par un serpent qu’il a écrasé avec son marteau lequel deviendra le futur symbole de sa toute puissance.  Grâce à cette morsure qui l’immobilise quelque temps, il sera le seul à survivre à une épidémie foudroyante, d’origine inconnue, destructrice du genre humain dans le monde. De retour au village, après avoir pris conscience de la situation,  il tente de rechercher d’autres survivants.
    Il traversera pour cela les Etats-Unis d’Est en Ouest et rencontrera celle qui deviendra sa future femme, Em, ainsi que de rares  êtres hagards et désespérés, traumatisés par la catastrophe. En définitive, il s’installe à San Lupo, non loin de San Francisco, pour y fonder une famille qui s’agrandira au fil des années, devenant un clan, surnommé « la Tribu ».
    Les membres de la Tribu arrêtent progressivement de se servir des reliquats technologiques pour réinventer "leur" monde.
    Ish, le père et le moraliste, est préoccupé, car les enfants ne se donnent plus la peine de se cultiver, d’apprendre à lire, bref de lever leurs yeux au-dessus des tâches quotidiennes. Il fonde tous ses espoirs de succession en Joey qui lui apparaît précocement comme l’intellectuel de la Tribu.  Ish , de plus en plus isolé , est vu comme une sorte de Dieu par les siens, parce qu’il est âgé, parce qu’il détient la puissance mystérieuse du marteau, parce qu’il est Américain:
    " Et quand je dis: "je suis un Américain, je veux dire que les Américains n’avaient rien de surnaturel. Ce n’étaient que des hommes." Telle avait été sa pensée mais les enfants avaient mal interprété ses paroles. "Je suis Américain", avait-il dit, et ses jeunes auditeurs avaient hoché la tête.
    "Oui, bien sûr, vous êtes un Américain. Vous savez des choses extraordinaires que nous, humbles mortels, nous ignorons. Vous nous apprenez à lire et à écrire. Vous nous décrivez le monde. Vous jonglez avec les chiffres. Vous portez le marteau. Oui, c’est évident, les gens comme vous ont fait le monde et vous êtes le dernier survivant de l’ancien temps. Vous êtes un des vieux de l’autre monde. Oui, bien sûr, vous êtes un Américain ".
    Deux de ses enfants partis en voyage d’exploration ramènent Charlie, un fauteur de troubles et un porteur de maladies,  au sein de la Tribu. La communauté se sentant menacée le condamne à mort. Mais il est déjà trop tard: le groupe est frappé par une violente épidémie ; de nombreux enfants meurent et, entre autres, Joey, l’enfant choisi. Le coup est dur pour Ish:
    " Les tombes étaient au nombre de cinq seulement, mais représentaient une perte catastrophique. En proportion, cinq morts dans la Tribu étaient plus de cent mille jadis dans une cité comptant un million d’habitants ".
    Ish sait désormais qu’il est vain de vouloir marcher dans les traces de l’ancienne culture. Il donne donc à ses enfants, plutôt que la connaissance de la lecture, celle de l’arc et de son maniement, par lesquels ils pourront survivre:
    " Il demeura un moment la baguette d’une main, et la corde de l’autre. Séparément aucun de ces deux objets n’avait de sens . Alors courbant la tige de citronnier, il fixa les noeuds de la lanière dans les encoches pratiquées à ses extrémités et les deux objets n’en firent plus qu’un. La lanière était plus courte et la banche s’arrondit en forme d’arc. La corde se tendait d’une pointe à l’autre. Réunis, ces objets prenaient une signification nouvelle. "
    La vie qui continue transforme Ish en patriarche. Les adultes meurent graduellement, les fondateurs de la tribu ne sont plus que cinq. Em disparaît à son tour. Puis:
    " Ish comprit qu’il accomplissait la dernière étape de sa vie. De plus en plus souvent il recherchait la compagnie d’Ezra, son compagnon de vieillesse. C’est chose banale, semble-t-il de voir deux vieillards assis côte à côte, ressassant leurs souvenirs; mais ici ils étaient les seuls vieillards. Tous les autres étaient jeunes, du moins en comparaison. La Tribu fêtait des naissances et enterrait des morts, mais les naissances étaient plus nombreuses que les morts et parce que la jeunesse prédominait, l’air vibrait de rires. "
    Ezra meurt à son tour. Ish, rivé à son rocher, devient l’oracle de la Tribu. Lorsqu’il arrive au bout de sa route. Il voit, en un dernier éclat de lucidité:
    " Au-delà du groupe de jeunes gens (...) le pont lui-même. (Il s’agit du Golden Gate). A ses derniers moments, plus que les hommes, il se sentit proche par l’esprit de ce pont qui, lui aussi, avait connu la civilisation. Ish n’était-il pas lui-même le "pont sur l’abîme"? (...) Ses yeux cherchèrent les hauts pylônes et les grands câbles aux courbes parfaites. Cette partie du pont paraissait encore en excellent état. Elle résisterait longtemps et verrait passer plusieurs générations humaines. Les parapets, les pylônes et les câbles avaient pris une teinte pourpre, la rouille ne les rongeait que superficiellement. Le haut des pylônes cependant n’était pas rouge, mais blanc de la fiente des innombrables mouettes qui s’y étaient perchées.
    Oui, bien que le pont pût encore durer des années, la rouille le mangerait de plus en plus profondément. Les tremblements de terre secoueraient ses fondations, et un jour d’orage, une arche s’effondrerait. Pas plus que l’homme, la création de l’homme ne durerait éternellement."  Et Ish mourut. "
    " Le Pont sur l’abîme" est, selon Nicholls, " l’un des romans les plus fins du genre cataclysmique et généralement reconnu comme un classique du genre ".  
    Il est rare que ce thème du dernier homme et de la reconstruction sociale, pourtant récurrents, soient traités avec cette finesse d’analyse psychologique. Le récit se développe tout en sensibilité,  selon la technique du montage alterné. Les faits et gestes de Ish, sa lente prise de conscience de la nouveauté radicale de la situation, sont appuyés en contrepoint sur l’évocation des restes d’une société technologique frappée à mort, par l’irréductible décomposition du monde civilisé. Parallèlement à l’action, maintenant que l’homme s’absente de la terre, les animaux en reviennent à occuper leurs niches écologiques respectives. Le symbolisme est omniprésent dans l’oeuvre.
    Par la présence du marteau (celui du Dieu Thor) jusqu’à l’idée noachite de l’arche (le pont lui-même), le récit fonctionne comme une immense parabole. Une oeuvre à redécouvrir.

  10. Type: livre Thème: la nouvelle glaciation Auteur: Danielle MARTINIGOL Parution: 2007
    L’arrêt du Gulf-Stream dû au réchauffement climatique a paradoxalement précipité l’Europe dans une nouvelle ère glaciaire. La société humaine s’y est adaptée, retrouvant d’instinct les gestes et les traditions de nos ancêtres eskimos. Pas très loin de « Parisse », dans les Malroches, vit la tribu du petit Denilo. Grâce aux « Liseurs » qui perpétuent les souvenirs anciens, ils se rappellent le temps béni du «karbon et gas-soile ».
    Denilo porte un lourd secret. Dans les « Fondemines de Soulahaine », il a apprivoisé un « petit lapin tondu ». Il aime à le retrouver à la douce lumière des cubes marqués HAVL. Cependant, bientôt, il dépérit, se languit, développe des rougeurs et des plaques inattendues sur son corps. Son état empirant, il se rappelle avec nostalgie la belle fleur gravée sur la porte de sa cachette et de ses quatre lettres, dont il ne pouvait comprendre la signification mais qui disaient : «Déchets de Haute Activité à Vie Longue. »
    Un récit rapide, distillant, sans y toucher, un monde de froid et de terreur.