Bienvenue dans la Base de Données des livres !
Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !
Livres
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Aaah! Louvila - Par BenF
Cyril Princemal, anciennement Georges Schlaguer, dissèque les émotions, garde-chiourme d’une société alsacienne rongée par la pollution et les dégénerescences dues à la guerre bactériologique :
« Après le déjeuner je lui (= sa mère) ai montré ce qui reste de la ville. Elle a continué à arroser de ses signes de croix les innombrables visages marqués par la maladie, les enfants amaigris, les pierres rongées des maison et des statues, et a passé une bonne heure devant la cathédrale à demi-détruite, à prier dans l’air glacial. »
Ayant rêvé de son ami d’enfance, Andhart, il le fait arrêter et le soumet à un cycle d’expériences mnésiques, sans succès. Il lui adjoindra Louvila, la femme de ce dernier. Devant l’intensité des sentiments qui s’échangent entre les deux êtres, il fera cryogéniser le mari. Louvila fascine peu à peu Princemal en faisant émerger en lui des émotions profondément enfouies. Un matin, inexplicablement, elle disparaît. Aaah ! Louvila…
De beaux effets de style, un décor cataclysmique mis au service d’une grande cause : l’amour. Une nouvelle expérimentale comme son sujet.
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3000 ans après la « Grande Déflagration », la cité sous-terrienne de « Surréal » (déformation de « Sous le Mont-Réal »), au Canada, reste prospère et stable. En ce lieu utopique réussi, les Surréalais, descendants des survivants d’une guerre totale, ne manquent de rien mais leur existence est étroitement contingentée par le peu de place disponible:
« Seuls ceux qui ont trouvé refuge dans les souterrains creusés à même le Mont-Royal ont été sauvés. Ces quelques centaines de privilégiés ont scellé les portes de plomb derrière eux et ils ont fondé la cité. Au-dessus d’eux mourait le monde civilisé, détruit par la bêtise des hommes et les guerres atomiques. »
Trottoirs roulants, pilules nutritives, exercices physiques obligatoires et invocation au « Grand Moteur » qui les maintient en vie, forment leur quotidien :
« … Une lumière rouge s’allume sur le mur, lui annonçant sans le surprendre que l’inspecteur-robot de l’hygiène ne le juge pas assez propre pour lui autoriser l’accès de la Demeure. Des traces de poussière et de boue ont alerté le mécanisme et déclenché le signal : « conseille une toilette immédiate ; » S’il passait outre, le computeur électronique en prendrait note et, dès le lendemain, il recevrait par télétype un démérite du Conseil d’Hygiène. Plusieurs démérites entraînent une sanction du Grand Conseil et des sanctions répétés s’accumulent dans un dossier, pouvant disqualifier le coupable comme citoyen de première classe.»
Les jeunes, toujours curieux de tout, dynamiteront sans le vouloir ce cadre de vie. Eric, Paul, Bernard et Luc, chacun selon son tempérament propre, écrira une nouvelle page d’histoire.
Bernard, raisonnable et mature, courageux et estimé par les adultes, sera seul capable de ramper dans de dangereux tuyaux où reposent les câbles d’alimentation en énergie électrique de la cité pour détecter l’origine d’une perte énergétique inexplicable qui, à terme, mettrait en péril la société souterraine. Bernard découvrira la cause du dysfonctionnement, un détournement du flux électrique, malversation opérée par de mystérieux petits hommes, qui, selon toute apparence, proviennent de la surface et seraient, peut-être, d’autres descendants des survivants du conflit de jadis. L’on n’en saura pas plus sur leur origine.
Luc, aidé par Eric, jouit d’un privilège rare : il est télépathe sans le savoir, et très curieux. C’est pourquoi, en dépit de l’interdiction absolue de regagner la surface que l’on croit toujours dangereuse, il transgresse les lois de la cité, découvre la splendeur de la nature et…Agatha, une jeune fille de son âge, appartenant à une tribu de pasteurs établie dans un village appelée Laurana :
« Luc ramasse son casque-lumière et le replace dans son tube de plastique. Puis il se met en route, à petits pas prudents, arrêté à chaque seconde par une découverte nouvelle. Le chant d’un oiseau le ravit et son vol rapide encore plus. Le grand silence de la nature assaille ses oreilles après le ronronnement de son existence motorisée. Ses sandales foulent avec plaisir le sol spongieux et bruissant de la sapinière. Il touche l’écorce rugueuse et noircit son doigt à la gomme luisante. Comme Adam au Paradis Terrestre, Luc découvre le grand univers de Dieu. »
Ebloui par Agatha, télépathe elle aussi, Luc vient en aide aux habitants contaminés par la variole, contre laquelle ils sont sans défense, en leur apportant les médicaments appropriés, prélevés sur le stock de Surréal, et les guérit en moins de deux grâce, notamment, à la fameuse onde Upsilon. Mais, surpris par la nuit et blessé dans une chute, il sollicite l’aide d’Eric pour réintégrer sa cellule familiale.
Paul, enfin, féru de géologie et orateur hors pair, démontre aux Anciens que la vie est possible à l’extérieur et convainc les membres du grand Conseil d’entraîner les habitants de Surréal à la surface pour y rencontrer les Lauréanais.
Un roman pour adolescents, d’une écriture aisée et rempli de préceptes moraux, qui a obtenu à l’époque le prix de l’ «ACELF » 1963, ce qui a sans doute justifié sa réimpression sous le titre de « Surréal 3000 ». Les jeunes héros, positifs et tout d’une pièce, provoquent une révolution tranquille pour le bien de l’humanité. Peu d’effets dans une intrigue, somme toute, banale.
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La Revolte Des Fleurs - Par BenF
L’homme, de par son activité, dédaigne le règne végétal ou l’utilise en un but mercantile. Plus particulièrement, il méprise la rose, fleur splendide dont il ne fait qu’un artifice de commande. Blasé et brutal il déshonore la nature. La rose, mortifiée, convainc ses sœurs et au-delà d’elle, le reste de la nature florale, d’arrêter de fleurir :
Retirons-lui, dons inutiles,
Nos parfums et nos coloris,
Que des choses qu’il dit futiles
Il apprenne à sentir le prix ! »
La révolte est déclenchée, faisant que, au printemps suivant, les prairies et les arbres restèrent sans fleurs, ce qui désarçonna les insectes. Sans effet, les vents s’efforcèrent d’émouvoir les arbres fruitiers, les suppliant de revenir à leur nature première. Mais la situation perdura. Le printemps d’après, il n’y eut pas de changement :
Au mois de mai suivant, les plantes obstinées
verdirent sans parure, et pendant trois années,
En dépit des savants qui ne comprenaient pas,
Et de main esprit fort qui s’alarmait tout bas
Et la campagne resta lugubre et monotone.
Et le morne printemps semblait un autre automne.(…)
Le regret des fleurs devint vif pour la race humaine «Aux durs labeurs condamnée. » Ce regret, avec le temps, se changea en besoin obsédant. Comme les rêveries de la jeune fille qui se sont évanouies, l’ennui gagne les êtres humains qui soupirent, nostalgiques, en se rappelant les beautés passées. Car sans fleurs, plus de fêtes :
« La démence fut telle à la cinquième année,
Que la foule vaguait stupide ou forcenée.
Les uns, à deux genoux, subitement dévôts,
Imploraient du soleil les anciens renouveaux ;
Les autres blasphémaient, péroraient sur les places,
Et soufflaient sans motif, l’émeute aux populaces
« Des fleurs ! des fleurs ! criait la foule aveuglément.
Puis cette fièvre éteinte, un vaste accablement
Fit taire la révolte et l’espérance même,
Et sur l’humanité le spleen muet et blême
Comme un linceul immense étendit son brouillard. »
Ce fut un vieillard poète, qui sut convaincre la rose d’arrêter son projet fou et néfaste, «Et voici qu’un Rosier s’attendrit à sa voix » La merveille de la renaissance aura lieu. Partout, la nature foisonne, les boutons éclatent à profusion, rendant à l’humanité sa joie de vivre. La foule en liesse se rue dans les champs faisant vibrer l’amour en un élan fraternel. Partout, avec les bouquets que l’on cueille avidement, éclate la joie de vivre, et les hommes« tisse(nt) des arcs triomphaux, à festons de verdure ».
Un poème cataclysmique inattendu promouvant la beauté et la grâce d’une nature saine, exempte de pollution. Sonnant comme un avertissement écologique avant l’heure en ces temps d’industrialisme naissant, la longue poésie de Sully Prud’homme interpelle encore aujourd’hui le lecteur (rare!), avec ses accents sombres ou prophétiques d’une évidente actualité.
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Michael Gabriel est complètement fou. Enfermé depuis onze ans dans la clinique du docteur Foletta, il est pris en charge par Dominique, une jeune stagiaire psychologue. Fils de l’archéologue décédé Julius Gabriel et de sa femme Maria, Michael croit que la symbolique des anciens sites mayas, toltèques ou incas, cache un secret effrayant : celui de la fin du monde, l’apocalypse devant survenir le 4 Ahau et le 8 Cumku du calendrier maya, soit le 21 décembre 2012. En compagnie de son père et d’un collègue archéologue, Pierre Borgia, il avait exploré l’ensemble des sites de Chichen Itza à Stonehenge, des inscriptions du plateau de Nazca à la grande pyramide de Chéops. Il en est arrivé à l’idée que la grande comète qui a frappé la terre et assuré l’extinction des dinosaures à la fin du Crétacé était en réalité un vaisseau spatial gigantesque dont l’écrasement a provoqué la formation de la presqu’île du Yucatan.
La trame du récit coupée par la narration du journal de Julius Gabriel montre comment les rapports entre les deux archéologues se sont détériorés. Julius a volé Maria, la fiancée de Pierre Borgia. Celui-ci ne le lui pardonnera pas et, en se lançant dans la politique, abandonne l’archéologie pour devenir Secrétaire d’Etat à la présidence des Etats-Unis non sans avoir, auparavant, ridiculisé une ultime fois Julius pour ses théories, en une séance publique. Le père de Michael ne s’en remettra jamais et mourra d’une crise cardiaque. Michael, voulant venger son père, agresse Borgia. Ce dernier le fait enfermer comme fou monomaniaque persuadé de l’existence d’une menace extraterrestre.
Autant la lecture du journal de Julius que des indices de plus en plus pertinents « qu’il se passe quelque chose » convainc Dominique de faciliter l’évasion de Michael dont elle tombe amoureuse. Libéré, Il ne perd pas de temps : il lui faut rejoindre de toute urgence le Yucatan car c’est au-dessous du plancher marin que se tapit la terrible menace du vaisseau extraterrestre encore actif, là où se concentre un vortex de lumière vert émeraude empêchant toute tentative d’approche. Parallèlement, une nappe noire d’une pollution inconnue s’échappe de cet endroit, aborde les plages et infecte les êtres humains d’une manière incroyablement agressive et rapide. L’on y découvre l’influence d’un virus inconnu, aux effets terribles :
" D’un seul coup, un énorme flot de sang noir épais et de tissus est expulsé de sa bouche. La bile brûlante se déverse sur sa poitrine et éclabousse la visière des scaphandres de Teperman et de l’infirmière. Chaney recule de plusieurs pas. La vue de la bile noire lui soulève le cœur. Il ravale le vomi qui remonte dans sa gorge et se détourne pour essayer de se ressaisir. "
Dominique et Michael sont obligés de se cacher du docteur Foletta qui est sur leur piste. A la demande du jeune homme, le couple se rend à Chichen Itza en suivant les indications déchiffrées à partir des dessins du plateau de Nazca qui tenteraient à prouver qu’il existerait une arme permettant de contrer efficacement la menace représentée par le vaisseau. Michael, guidé par la " télépathie " d’un mystérieux "Gardien ", assumera un rôle déterminant dans cette action. Il est persuadé que le Gardien, un extraterrestre qui le guide, grand, barbu, clair de peau, est celui que déjà les Mayas adoraient sous le nom de " Kukulcan ", leur dieu fondateur. On le mentionnerait par ailleurs dans plusieurs autres religions primitives et même dans la Genèse qui assure que des " Néphilim s’unirent aux filles des hommes ".
Ce Néphilim-Gardien lui expliquera qu’il est à l’origine de la socialisation humaine, faisant passer l’être humain du stade tribal au stade des cités. Il est le seul de son espèce à être resté sur terre en vue de prévenir, à l’aide de multiples indices, les hommes de l’immense danger qui les guette le 21 décembre 2012. A cette date, la créature noire qui gît dans le vaisseau sous-marin, à travers l’alignement d’un tunnel spatio-temporel, sera libérée et anéantira la Terre. Cette créature, qui se présente sous la forme d’un serpent appelé Teczatipoca par les Anciens, est l’ennemi du gardien Néphilim dont il a déjà anéanti les congénères. Le vaisseau-robot resté inactif durant soixante-cinq millions d’années reprend vie. Teczatipoca envoie des drones de par le monde, des monstres ailés, qui auront pour mission, par la fusion nucléaire, de provoquer la libération de tout le CO2 emmagasiné sur terre depuis son origine sous la forme de carbonates. Le gaz carbonique libéré transformera totalement l’atmosphère terrestre, la rendant irrespirable pour les hommes mais viable pour les extraterrestres du type Teczatipoca, lesquels sont à la recherche d’une nouvelle planète pour s’y établir. Quant aux millions de morts provoqués par cette fusion, c’est le cadet de leurs soucis :
" L’explosion silencieuse de lumière blanche aveugle la femme d’affaires. L’allumage de l’instrument de fusion pure a généré un chaudron d’énergie plus brûlant que la surface du soleil. Janet Parker ressent une sensation de brûlure ultrabrève à l’instant où sa peau, sa graisse et son sang grillés se détachent de ses os. Une nanoseconde plus tard, son squelette se désintègre, tandis que la boule de feu déferle dans toutes les directions à la vitesse de la lumière. "
Deux de ces drones, l’un en Chine l’autre en Russie, activent les systèmes d’alerte militaire du monde entier. Les Russes sont persuadés que le coup provient des Américains et déclenchent la phase d’assaut nucléaire. Partout dans le monde, la terreur est à son comble, à l’origine de paniques gigantesques :
" Et le chaos régna… L’annonce qu’une guerre thermonucléaire a failli faire périr l’humanité a été accueillie avec incrédulité et soulagement, suivis par la peur et l’indignation. (…) L’indignation a rapidement débouché sur la violence. Deux jours et deux nuits durant, l’anarchie a régné sur la plus grande partie du globe. Des sièges de gouvernement ont été détruits, des installations militaires saccagées et les ambassades des Etats-Unis, de Russie et de Chine envahies. Des millions de citoyens ont marché sur leurs capitales pour exiger des changements. "
Michael est le seul à pouvoir détruire les drones ainsi que le monstre car il a été programmé génétiquement depuis l’origine par le Gardien pour être le " Hun Hunaphu ", le sanctifié, celui qui, selon les mythes mayas, tuera le dragon et fermera à nouveau la porte du ciel. La confrontation ultime aura lieu sur le terrain du jeu de balle de Chichen Itza au moment où Teczatipoca apparaît, avec sa gueule démesurée, qui est en réalité l’entrée du vortex extraterrestre. Michael/Hun Hunaphu, grâce à l’arme du Gardien (une sorte de glaive de sacrifice maya) pénètre dans le gueule du serpent, le tue et , ce faisant, referme la porte du ciel :
" Je suis un Hunaphu, et je sais qui tu es ! D’un geste vif comme l’éclair, il plonge le couteau dans la gorge de Dominique (le monstre a emprunté les traits de sa fiancée) en lui donnant un coup de pied qui l’envoie au sol. Une substance noire suinte autour de la lame qu’il enfonce plus profondément. La créature se tortille dans les affres de l’agonie. Elle grogne, sa peau se ratatine, s’assombrit jusqu’au vermillon grillé. Le masque tombe sous les yeux de Michael. Avec un cri de guerrier, il tranche la tête du démon. "
Comme tout héros, il meurt à la Terre dans son sacrifice ultime qui permettra également la libération des autres Néphilims, compatriotes du Gardien, encore prisonniers du monstre. Quant à Dominique (la véritable), enceinte de Michael, elle mettra au monde deux jumeaux prédestinés à être des héros. La Terre revit. Les missiles nucléaires, miraculeusement désamorcés par l’arme de Hun Hunaphu, n’ont pas éclaté. Les drones redeviennent inertes. Les sociétés auront tiré la leçon des événements : rendues plus sages, elles font le ménage dans leurs gouvernants, bannissant toute utilisation de l’arme nucléaire. Pierre Borgia, parce qu’il s’est acharné sur Michael, croupira en prison jusqu’à la fin de ses jours.
Une oeuvre foisonnante, d’une imagination riche, se lisant à plusieurs niveaux et qui repose en partie sur les hypothèses d’Erich von Dänicken. L’originalité se situe dans la traduction en termes scientifiques et rationnels de mythes anciens. Le lecteur peut cependant être agacé par la personnalité floue et peu convaincante de Dominique qui oscille constamment entre le sabre et le missel, la lâcheté et la tendresse.
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Soldat, Leve-Toi! - Par BenF
Harker et son ami Garry ont décidé de s’engager. L’armée leur offre la situation avantageuse de pouvoir se mettre en hibernation à la fin des combats afin de reservir dans une guerre ultérieure. Les premiers réveils, quoique difficiles, sont suivis par un briefing détaillé : on leur dit contre qui ils étaient censés se battre, à quelle unité ils appartenaient et, après une séance de remise en forme, les dirigeait-on sur les zones de combat. Jamais, au cours de leurs nombreux réveils, Harker ne quitta Garry. Peu à peu domina un sentiment d’étrangeté, les mobiles pour lesquels ils se battaient perdant progressivement de leur intérêt.
Un jour, le théâtre des opérations se situait en Afrique, tel autre en Antarctique, puis sur la Lune (en fait trois siècles plus tard), puis sur Vénus, enfin sur des planètes extrasolaires, avant qu’ils ne se retrouvent sur la Terre. Savoir contre qui et dans quel camp ils luttaient n’avait plus aucune importance. Les seuls éléments concrets qui leur restaient étaient le théâtre des opérations, des champs de ruines, la farouche attention qu’ils apportaient à préserver leur vie, et les meurtres qu’ils accomplissaient régulièrement. Quoiqu’on leur permît, à chaque réveil, de se désengager des opérations, ils n’y pensaient même pas. Etrangers à eux-mêmes, étrangers à l’époque, ne pouvant plus s’insérer nulle part, ils s’étaient transformés en machines à se battre. Les conflits leur paraissaient de plus en plus oniriques, surtout lorsqu’on leur appliqua une nouvelle procédure, sensée économiser le transfert des corps : le seul enregistrement des données de leur esprit.
C’est ainsi que Harker eut l’immense surprise, lors d’un de ses engagements, d’abattre son ami Garry : on avait dupliqué son essence vitale en de nombreux exemplaires pour économiser d’autres vies de soldats ! La guerre perpétuelle atteignit enfin l’horreur absolue le jour où Harker se rendit compte que l’homme qu’il venait d’abattre était en réalité lui-même, les armées du futur ne se composant plus que de soldats clonés, indéfiniment ressuscités :
« Il chercha la trousse des premiers soins dans son ceinturon pour panser sommairement sa blessure. Il ne la trouva pas. L’idée lui prit une minute pour se frayer un chemin dans son esprit : ON NE LUI AVAIT PAS REMIS DE TROUSSE MEDICALE. Pendant un bref instant, il éprouva de la colère. Mais ce fut bref. Pourquoi lui en aurait-on fourni une ? Qu’était-il pour ceux qui l’employaient ? Une créature rappelée du passé, un anachronisme auquel on ne demandait que de se battre et, si nécessaire, de mourir. Rien de plus. Un spectre en un temps qui n’était plus le sien, se raccrochant à la vie au milieu de la mort. Un charognard qui se repaissait de cadavres et de destruction pour survivre, n’ayant d’autre utilité que de donner la mort. Et lorsqu’il avait achevé de tuer on le remisait pour la fois suivante. »
Une vision cauchemardesque semblable à l’enfer de Dante établie avec la plus froide logique.
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Poussiere De Lune - Par BenF
De retour de la Lune, l’astronaute Jays rapporte une pierre de lune « de fond », c’est-à-dire dérobée dans un sillon situé en profondeur. Stockée à l’écart durant de longues années, elle sera examinée par le géologue Henry Maelström à Edimburg, mis sur la touche. En effet, son projet «Shoemaker », celui qui consistait à mettre le pied sur la lune pour se rendre compte in situ de la réalité géologique de notre satellite, ne verra pas le jour, par manque de crédits. Divorcée d’avec sa femme Geena, une astronaute, il reprendra du service avec Mickaël, un jeune géologue, pour examiner les fragments de la pierre lunaire. Lors de la découpe, un peu de poussière de lune s’envole. Elle sera ramassée par Mickael qui pense en faire cadeau à Jane sa sœur. Lors d’une promenade avec elle sur le mont Arthur’s Seat, un ancien volcan, quelques grains de cette poussière tombent à terre. Mickael ignore qu’il vient de déclencher la fin du monde.
Agissant comme un catalyseur, la poussière semi-vivante dans sa structure, transformera le basalte volcanique, ainsi que tout le substrat de l’écorce terrestre, en une nano-structure cristalline qui fera « fondre » les roches :
« -Nous croyons que nous commençons à comprendre comment la poussière de lune fonctionne. A défaut de comprendre pourquoi. Elle s’attaque principalement aux roches basaltiques, surtout celles qui sont riches en olivine. (…) –Elle réorganise apparemment la structure cristalline d’une masse de roches sous une forme récursive qui… -En anglais, docteur, dit Monica. (…) – Elle transforme la structure des roches avec lesquelles elle entre en contact. Elle construit quelque chose. »
Un signe aurait dû inquiéter l’humanité, celui de la transformation complète de la planète Vénus en une sorte de poussière cosmique dû au fait que les sondes terrestres à destination de Vénus ont pu, là aussi, contaminer la quatrième planète du système solaire. Le mouvement sur terre, d’abord peu perceptible, s’étend bientôt comme un cancer, détruisant de façon exponentielle toute roche, induisant un volcanisme de plus en plus actif, même dans les régions où des volcans avaient été en sommeil depuis des centaines de millions d’années :
« Image animée de la terre. Points rouges sinistres apparaissant partout. Tout d’abord, ils se présentèrent comme une ceinture, à la latitude de la Grande-Bretagne, s’étendant en direction de l’ouest au-dessus des Etats-Unis et de l’Asie ; puis de nouvelles taches et traces dans les régions les plus géologiquement les plus instables du monde: la Ceinture de feu, les volcans de subduction du pourtour du Pacifique ; les volcans du rift du milieu de l’Atlantique et des chaînes d’autres océans ; les volcans d’affleurement tels que ceux de Hawaï. Ailleurs, dans des régions généralement stables, la poussière de lune semblait créer du volcanisme, descendant jusqu’à l’asthénosphère grâce aux failles de l’écorce, comme elle l’avait fait à Edimbourg. »
Mickael, se sachant responsable de l’immense catastrophe, adhérera à une secte qui attend le nouvel avènement d’une ère de feu. Parties d’Edimbourg, les catastrophes volcaniques se multiplient, ainsi que les tremblements de terre, les épanchements de champs de lave, les modifications météorologiques.
Partout de par le monde, des séismes de plus en plus intenses, à une échelle jamais connue par l’humanité, désorganisent les sociétés humaines. Le sort d’un nombre important de personnages secondaires nous révèle les différentes facettes de la catastrophe : comme l’éclatement d’une centrale nucléaire qui anéantit l’agent Morag Docker, ou Ilbo, le géologue assis sur un volcan qui se soulève à une hauteur extraordinaire, ou Ted Dundas, l’ancien flic, qui sauve le petit Jack, fils de Jane, avant de mourir carbonisé lui aussi. Il apparaît de plus en plus clairement que l’humanité entière est condamnée puisque la terre doit subir une refonte totale de sa surface. Selon Henry, cela prendra quelques décennies avant que la fin du monde ne soit définitivement accomplie. Pourtant, à partir d’une intuition, un plan extraordinaire jaillit de son esprit.
La clé de la poussière de lune se trouve sur notre satellite où, manifestement, la poussière est inactive sinon la lune aurait déjà volé en éclats. Comment arriver à convaincre la NASA de réactiver l’ancien plan « Shoemaker » pour acheminer une équipe d’astronautes sur la Lune ? N’ayant plus rien à perdre, la NASA convaincue, s’adjoignant l’aide des Russes en un projet commun avec un lanceur de type Soyouz , monte, en l’espace d’un mois, l’expédition du dernier recours. Celle-ci nous est narrée avec une précision extrême dans le réalisme, de la phase de lancement jusqu’à l’alunissage. Les personnages de l’expédition sont des êtres hors-normes : il y aura Geena, la cosmonaute, chef de mission et ex-femme de Henry, Henry, le géologue génial mais malhabile en face des procédures techniques de la mission et Arkady, le pilote du module, l’amant russe de Geena.
Se déroulant sans anicroches, l’expédition permet à Henry de rejoindre le site d’où Jays, l’ancien cosmonaute, a extrait l’éclat lunaire. Il peut effectivement constater que toute la lune, jusqu’en son centre, est contaminée par cette poussière dont l’origine remonte au planétésimal formateur de la lune et de la terre lors de la collision initiale qui a présidé à la naissance du système solaire. Comment procurer à l’humanité un abri provisoire avant que l’homme ne disparaisse définitivement du cosmos? La solution adoptée par Henry est de terraformer la lune, de la doter d’une atmosphère respirable, en faisant s’évaporer les immenses réserves de glace météoritiques centrées sur le pôle sud de notre satellite. A cet effet, une bombe thermonucléaire téléguidée par laser servira de détonateur, les nano-structures de poussière lunaire devant continuer le processus amorcé.
Arkady meurt durant la mission, dans l’éclatement de la bombe. Et le miracle a lieu : la lune s’entoure progressivement d’une atmosphère suffisante pour les 10000 prochaines années, le temps pour l’humanité de repartir éventuellement à l’assaut de l’univers en quittant une terre totalement impropre à sa survie.
Plus tard, Henry resté sur la terre, au fond d’un bunker, désire assister en témoin impuissant mais heureux, à la destruction wagnérienne d’une terre à l’agonie : « Mais le coup de grâce fut le jaillissement géant de magma qui se déclencha, sans avertissement, dans la vallée de la Yellowstone. Ce fut une explosion dix mille fois plus puissante que l’aurait été celle de tous les arsenaux nucléaires. Jaillissant d’un cratère de la taille du New Hampshire, des matériaux en fusion étaient sortis de l’atmosphère –une partie restant même en orbite- l’essentiel retombant sous la forme de bombes volcaniques géantes qui incendièrent ce qui restait de la végétation terrestre. Et une énorme boule de feu, suivie d’un nuage de poussière, étaient montés jusqu’à la stratosphère, s’étaient ajoutés à la suie et la fumée des forêts en feu, créant un couvercle de ténèbres sur la planète.
Extinction des feux sur la terre.(…)
Des montagnes apparurent dans l’Antarctique, notamment quand la plaque indo-australienne décida brusquement de prendre le chemin du sud. D’autres jaillissements de magma avaient franchi l’écorce dans les régions volcaniques, aux Canaries, sous les restes , ravagés par les raz-de-marée, de Hawaï, sous l’Islande. Et les rifts, sur toute la Terre, s’ouvrirent, en Afrique orientale, au lac Baïkal, dans la mer Rouge , les continents se séparant. Le Rhin avait disparu dans une faille, puis une nouvelle plaque océanique apparut dans le graben qu’il occupait. Essentiellement, hormis tuer les gens et faire bouillir les océans, le volcanisme transformait l’atmosphère de la Terre : un air irrespirable d’oxyde de carbone, d’oxyde de soufre et d’hydrogène, mêlés d’arsenic et de chlore qui, selon les estimations, serait au bout du compte dix fois plus dense que l’ancienne, faite d’oxygène et d’azote. De vastes cycles d’effet de serre avaient commencé, les océans s’évaporaient et ne tarderaient pas à bouillir… Et la terre bien-aimée de Henry devenait ce qu’avait été Vénus. »
Une décennie plus tard, les choses avancent sur la lune. Nadhezda, la petite fille de Henry, sera la première cosmonaute à conquérir définitivement l’espace, portant le flambeau de l’humanité sur le satellite Icare, dans une nouvelle rencontre avec la « poussière de lune » ce qui les met tous deux à égalité pour la conquête du cosmos.
Un roman dense et touffu de plus de 700 pages, écrit avec une précision de bénédictin, fortement charpenté et documenté, et, pour aussi étranges que paraissent les hypothèses ou les théories énoncées, d’un grand réalisme. L’aspect psychologique est toujours présent, l’auteur nous laissant le temps d ‘apprécier l’évolution des personnages avant leur disparition. Un de meilleurs romans du genre récemment paru.
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Vol. 01 : Cavalier seul, l’Atalante éd., 2001, 1 vol. broché in-8 ème , 283 pp. couverture illustrée (Jérôme Bosch) roman d’expression française.
1ère parution: 2001
Deux groupes hors du commun s’opposent. Celui de Katz, le policier « angélique » qui, avec ses subordonnés et amis, Iris, l’hypersensible, Günther et Stefan, traque les violeurs meurtriers d’enfants et psychopathes notoires. Actuellement ils recherchent la jeune Annelie Reuter enlevé par un dénommé Thomas Geist. De l’autre côté, une secte néfaste, celle du « Millenium de l’Aube Radieuse », et ses aficionados. D’abord Ulro, le maître de Tirzah, une jeune femme amorale, sans culture, parfois morbide, mais intuitive , page vierge sur laquelle le Maître a décidé d’écrire :
« Nouvelle source de contrariété : le bébé. Elle avait pensé qu’ils allaient juste lui donner le bébé, et qu’elle le soignerait (mais elle ne le mangerait pas, c’était promis), sauf qu’à présent, c’était elle qui devait leur fabriquer leur foutu bébé, et elle n’avait pas la moindre idée de par où commencer. Pour être tout à fait honnête, elle ne savait même pas comme c’était fait, un bébé. Elle n’avait jamais eu l’occasion d’en ouvrir un pour regarder dedans. »
Puis Los, son comparse, un nouveau messie cynique et répugnant, dominant un groupe de disciples moutonniers. Ulro et Los cherchent à promouvoir « l’Untergott » qui réduira en poussière le monde tel qu’il est. Etablissant la jonction entre ces deux groupes, héros véritable du récit, Milton le diabolique, à la personnalité exceptionnelle dans le mal. Milton le maudit, psychopathe redoutable pour qui la souffrance et la mort d’autrui sont les piments de sa propre jouissance. Génie de l’informatique, il a crée un site crypté, « Paradise Burial Services », réservés aux seuls pervers payants pour lesquels il programme en « life » la mise à mort de tendres enfants innocents, enlevés et séquestrés. Or, Annelie Reuter est l’une de ceux-là et Thomas Geist s’appelle en réalité Milton.
La rencontre maléfique de Milton avec Ulro a lieu pendant que le groupe de Katz cherche à saisir la mentalité particulière de ce psychopathe. Ulro espère se servir de Milton dont il a reconnu le génie pour activer le programme spécial que lui ont imposé ses commanditaires. Car la secte est une couverture qui permettrait à une poignée internationale de riches industriels de gagner le pouvoir définitif en ce monde :
« Le capitalisme n’a jamais cherché à instaurer un équilibre, mais, au contraire, à pousser le déséquilibre presque – mais jamais tout à fait- jusqu’au point de rupture. Le déséquilibre psychique –de l’individu - et politique –des collectivités – que nous tentons d’instaurer aujourd’hui en Europe est la condition sine qua non du plein épanouissement du modèle néo-capitaliste. Afin de profiter du déclin déjà amorcé de l’Empire nord-américain, nous devons aller encore plus vite que lui. Les Etats-Unis sont sur le point d’imploser, l’Europe est en pleine décadence mais, de ce fait, peut prendre la place ainsi libérée. Reste à savoir de quel type d’Europe nous avons envie. » (…)
« Vous ne voyez pas que c’est déjà la fin du monde et que le cavalier de la guerre tend son épée sur la planète ? Regardez autour de vous, pauvres vers de terre obnubilés par votre nombril, et voyez ! Ces enfants palestiniens qui fabriquent leurs lance-pierres et s’entraînent au nom du dieu Intifada. Les mêmes enfants russes déguisés en soldats dans les rues de Grozny ou cachés dans les caves de Téhéran. Regardez encore, vous les verrez partout : Rwuanda, Tibet, Sierra Leone, Afghanistan, quel est l’antonyme de guerre, espèces de connards ? Où voyez-vous la paix dans ce monde foutu ? En Europe ? Où les chômeurs sont réprimés à coups de matraques et de gaz lacrymogène ? En Amérique, où ces mêmes enfants sont assassinés pour le bien de la communauté en toute légalité ? Qu’est-ce qui suit le cheval roux de la guerre ? La famine ? Demandez aux bénévoles des Restaus du cœur si tout le monde mange à sa faim, même ici, dans l’eldorado postindustriel de la bonne vieille Europe ! »
S’apprêtant à susciter le Satan prôné par la bible, ils espèrent déstabiliser l’espèce humaine en réalisant scientifiquement les prophéties de l’Apocalypse :
« Ils étaient sept à table ; représentants des sept pays les plus industrialisés, les rois du monde mercantile, les détenteurs de dollars, de yens et d’euros, et ils s’étaient permis de rêver. Que nous manque-t-il, à nous qui avons tout ? L’un d’entre eux, il ne se souvenait pas exactement qui, avait dit : - le pouvoir ultime ; celui de détruire le monde. Celui d’ouvrir le livre, de déclencher le cataclysme, l’avènement de l’Apocalypse. Il y avait eu un court silence, puis quelqu’un d’autre avait applaudi. C’était l’Allemand, ça, il s’en souvenait, qui avait dit quelque chose dans le genre : -C’est faisable, vous savez. Il suffit de l’organiser. »
Pour que cet être extraordinaire soit crée, ils font appel au docteur Allen St.Jones qui, par le jeu de mutations génétiques dirigés, implante ses embryons dans un mère porteuse. Encore faut-il mettre tous les atouts ensemble. Un géniteur exceptionnel comme Milton et une mère docile comme Tirzah feraient parfaitement l’affaire. Milton, que ce projet enchante, feint d’accepter la direction d’Ulro, qui n’a pas conscience de l’extrême danger que court la secte avec ce personnage.
Katz, dont les ennuis matrimoniaux lui font apprécier d’autant plus la fragile beauté d’Iris, enquête, d’abord à Strasbourg, puis à Berlin, où il découvre dans une planque vingt-quatre petits cadavres en décomposition. Serrant de plus en plus près le meurtrier, ayant décrypté l’accès à son site informatique, il utilise le photographe Mortimer Blakeman (appelé Mort), fasciné par la mort, pour faire sortir Milton de son trou, Pendant ce temps, Milton joue l’étalon obligé auprès de Tirzah dont les excentricités –comme de dormir auprès d’un cadavre - met Ulro mal à l’aise :
« Ulro se détourna pour cacher son malaise et commença à monter l’escalier de bois, avide de respirer de l’air pur. Comment Milton savait-il tout cela ? Il n’avait rencontré Alamandra que la veille, et elle, de toute façon, ne savait rien. Il fronça les sourcils, le dos tourné. Se rendit compte que tourner le dos à Milton n’était peut-être pas une bonne idée. S’arrêta. Se retourna. Milton faillit lui rentrer dedans.
-La prophétie du Jugement dernier, dit Ulro d’une voix légèrement voilée. Tu vas nous aider à précipiter la fin du monde. Milton sourit. – On commence quand ? »
Ulro devient conscient du danger représenté par Milton et cherche à l’éliminer non sans avoir pris langue au préalable avec le groupe de « l’Apocalypse ». Tirzah bien qu’elle aussi soit fascinée par Milton pense à fuir. Elle veut se rendre en Mauritanie, sa patrie d’origine, et se cacher auprès de grand-mère Mariem, une guérisseuse. Milton s’aperçoit qu’on a visité son site. Il remonte à Mortimer, dont il fait son esclave inconditionnel. Puis il fait le ménage dans la secte. Tue Los. Prend le contrôle du « Millenium de l’Aube Radieuse », déclenchant une apocalypse immédiate lorsqu’il propose aux disciples de lui amener leurs enfants morts.
A Strasbourg, Katz a fait le rapprochement de l’événement avec ses propres recherches et l’immeuble de la secte est investi. Alors que Tirzah, pour protéger son bébé - ses bébés?- implanté en son ventre prend la fuite en direction de la Méditerranée, Milton, pris dans la rafle, sera blessé mais s’échappera finalement grâce à Mort.
La troisième guerre mondiale éclate :
« (…) Des bribes de conversation décousue :
La Chine a lancé un missile
Thermonucléaire.
Contre Washington.
Je croyais qu’ils devaient attaquer l’Inde.
Ca, c’est la Turquie.
Mais non, c’est l’Inde qui a envoyé le missile.
Bombe à neutrons.
C’est vrai qu’ils ont la bombe.
Des milliers de morts.
Des cinglés, ils ont tué des gosses.(…)
Pékin vient d’exploser.
Riposte.
Une secte en implosion a souvent recours au suicide.
Collectif.(…)
Ils ont égorgé leurs propres mômes, putain. »
Vol. 02 : Cheval de guerre, l’Atalante éd., 2003, 1 vol. broché in-8 ème , 284 pp. couverture illustrée (Jérôme Bosch). roman d’expression française
1ère parution: 2003
Phil et Bruno rencontrent Tirzah en fuite et l’accompagnent dans son périple vers les « hommes de poussière », en Mauritanie. Tirzah, enceinte des œuvres de Milton, attend des bébés qui devront sauver le monde en proie à un complot généralisé d’un groupe d’individus richissimes et puissants (« le Cercle »), de toutes nationalités, qui désirent déclencher l’apocalypse par une guerre étendue aux divers continents dans le but d’instaurer un ordre nouveau :
« Et maintenant Abaddon leur avait trouvé une fonction dans la vie, un but à atteindre au-delà de leur épanouissement personnel, une véritable raison d’être : participer à la fin du monde. Prendre en charge l’une des sept têtes de la Bête afin que le faux prophète puisse faire dégringoler de leur trône les rois du néolibéralisme et de la conscience éclatée. Détruire un tiers de l’humanité et rebâtir avec du sang neuf un monde meilleur. Se trouver aux premières loges de la révolution mondiale. Putain, le pied. »
Ils se sont servis de Milton qui, sous différents noms, Abbadon, Altman, etc, se donne pour l’incarnation de l’Antéchrist, vicieux, pervers, pédophile, meurtrier mais informaticien génial qui a conçu le site web « Paradise Burial» pour partager avec les pervers du monde entier ses «snuffs movies », soit la mort en direct d’enfants torturés :
« Il alluma l’ordinateur portable, se connecta à l’Internet et tapa l’adresse du site Paradise Burial Services. Un tombeau (granite), une inscription (en latin), le dernier mot (mori) et bienvenue au premier niveau de l’enfer. Amateurs de mort lente et douloureuse (celle des autres), sortez vos cartes bleues et venez rejoindre les enfants de l’Apocalypse. »
Milton, lui aussi à la recherche de Tirzah, est traqué par Katz, incarnation de l’ « ange Gabriel », mais policier malheureux et séparé de sa femme. Il est secondé avec brio par l’énigmatique Iris, une femme-fleur-flic dont il tombe éperdument amoureux, et des équipiers solides, comme Gunther ou Toussaint, qui ne reviendra pas de l’aventure.
Katz est depuis longtemps sur les traces de Milton, ayant défait la secte qui l’abritait, mise en place par Ulro et Urizen, deux commanditaires internationaux des « Maîtres du monde ». Celle-ci affichait deux objectifs : servir de retraite à Tirzah fécondée avec le sperme de Milton (à son corps défendant) et couvrir les activités du pédophile informaticien. Mais Milton échappe à leur contrôle poursuivant un seul but, le sien, qui est d’universaliser le mal et le crime. Pour échapper à Katz, il se servira de Mort Blakeman, photographe homosexuel fasciné par le meurtre. Littéralement envoûté par Milton, Mort le conduira jusqu’en Afrique. Blakeman semble être le produit d’une transformation génétique puisque, abandonné par Milton, il demandera l’assistance des rats dont il prendra peu à peu la forme, pour « retrouver le Maître ». Lorsqu’ils se revoient, Milton, ravi par sa métamorphose qu’il considère comme «un summum de l’esthétique du mal » signe le tableau en tuant le photographe.
Tirzah affiche une personnalité complexe. Après avoir vécu en toute innocence au sein de la secte où elle servit d’objet sexuel à Ulro, inculte et vierge, au sens fort du mot, elle reste « branchée » sur des visions intérieures et répond à une éthique élevée qui est de sauver le monde de l’Antéchrist. Contrairement aux prévisions des conjurés du Cercle, les enfants ont été conçus en ce but. Après leur naissance, au nombre de quatre, ces clones aux yeux noirs, grandiront très vite, chacun étant spécialisé de par sa sensibilité propre à percevoir le mal. Pour l’instant, Tirzah en fuite a besoin de Bruno et de Phil, deux protecteurs qui la conduiront vers Grand-Mère Mariem, une devineresse maure installée près de Nouakchott.
Cependant, Urizen, le maillon français des responsables du Cercle croit encore pouvoir diriger Milton grâce, notamment, à un groupe de généticiens chinois qui ont réalisé une immense chimère, « un Dragon cracheur de feu». Milton, entré en contact avec le groupe de Chinois au Tchad est passionné par le Dragon, cet être étrange qui prend progressivement conscience de lui-même à un point tel qu’il se débarrasse d’Urizen, le rôtissant proprement.
L’explication finale aura lieu en bord de mer lorsque Tirzah s’apprête à fuir une nouvelle fois. Le Dragon ratera son but et sera tué par Mariem (un coup de lance dans son œil gauche). Milton apprenant la venue de Katz et de ses «katzmen » dans la région, reprend sa quête du mal. Philippe prend les enfants sous sa protection, avant qu’ils ne se séparent, chacun voyageant sur un continent différent. Mais la guerre généralisée brûle déjà un monde voué à la destruction… :
« La guerre allait curieusement aussi bien qu’il l’avait espéré. De bombe nucléaire en arme bactériologique, sans oublier tout un arsenal de petites bébêtes électroniques plus ou moins perfectionnées, la population des Etats-Unis avait diminué de douze pour cent en trois semaines. Encore plus fort que Verdun. L’Inde avait perdu un peu plus, près de treize et demi pour cent, mais pouvait se le permettre sans que cela se remarque trop. Quant à la Chine, elle avoisinait les quinze pour cent de pertes sans effet notable sur les flots de soldats qui continuaient de se déverser sur le continent américain. Les Américains avaient peut-être fait preuve d’une précipitation irréfléchie en envoyant tant de troupes en Europe. De toute façon, personne apparemment ne s’intéressait à l’Europe. En dehors des premières bombes sur Londres destinées à calmer les ardeurs d’alliance de la perfide Albion, il n’y avait même pas eu d’alerte au nuage toxique pour faire les choux gras des médias. »
Vol. 3 : Moros, l’Atalante éd., 2004, 1 vol. broché, in-octavo, 270 pp. couverture illustrée (Jérôme Bosch). roman d’expression française
1ère parution: 2004
Tirzah a atteint le village de grand’mère Mariem et mis au monde non un seul enfant, mais quatre clones qu’elle prénommera : Barachiel, Jehudiel, Uriel et Séatiel. Enfants issus du sperme de Milton mais, par une curieuse inversion, se situant dans le camp du Bien. L’aventure deviendra planétaire lorsque les enfants – qui grandissent prodigieusement vite- quittent leur mère et se partagent leur terrain d’investigation, chacun, accompagné d’un membre de la tribu de Tirzah, se dirigeant vers un autre continent, tout en restant en communication télépathique les uns avec les autres. Ils lutteront seuls ou en accord avec la police locale contre le mal qui se répand à cause de l’influence de Milton.
Jehudiel, à Mexico, est sur les traces d’un meurtrier en série. Barachiel, à Londres, enquête sur des enfants disparus. Seatiel, au Sénégal, s’abandonne à des visions qui lui montrent le Japon rayé de la carte du monde et cherche à percer les états d’âme d’Aboucabar Fall, autre meurtrier d’enfants et créature de Milton. Katz et Iris suivent la piste des ascendants de Milton qui les amène en Ecosse à découvrir la grand’mère de ce dernier, laquelle leur dévoile le véritable nom de Milton, soit An Mac Mallachtan, c’est-à-dire « le Diable ». Milton, toujours aussi riche et connecté à « Paradise Burial », caché dans une de ses nombreuses planques européennes, suit l’évolution de la situation planétaire qui se dessiné au Japon :
« Si ces calculs étaient justes, un bon tiers de la population tokyoïte serait effacée en quelques secondes, les bâtiments ne subiraient que de légers dégâts, et les survivants disposeraient d’un tiers de place supplémentaire. On circulerait en ville, la pollution chuterait sous la barre de l’acceptable, les écoles ne seraient plus saturées, le métro, n’en parlons pas. Bref, Thel transformerait sa propre folie en une œuvre de salubrité publique. »
A son arrivé à Tokyo, il rencontre Nozdi, l’infirmière perverse qui euthanasie ses malades, et fait connaissance avec le pervers délirant Katho Sathoshi-Shan, cannibale et sadique, pour qui les autres sont possédés par les «Modulons», des extraterrestres, ce qui le plonge dans le ravissement total :
« Kato Satoshi-Shan mange les petites filles qu’il aime. Au petit-déjeuner, au dîner, pour le goûter, à l’occasion. Les nouvelles marionnettes de Milton sont branchées poupées. Dans ce monde, en complète décadence, la préadolescence est à la mode. Bientôt les mecs vont se branler sur des images de nourrissons. Tiens, voilà ce qui manque à ma famille élargie ; un assassin de bébés, une sage-femme sanguinaire, une obstétricienne ogresse. Kato Sathoshi-San n’est pas assez horrible, déjà en deçà du superlatif dans l’univers du toujours plus. »
Enfin le « Cercle », confrérie internationale de tueurs de haut vol, s’est réuni en France pour affiner une intervention militaire en Europe, soit des avions décollant d’une base suisse et qui placeraient des bombes thermonucléaires sur les principales capitales. Mais Thel, comme son collègue Tharmas, deux parmi les plus anciens du Cercle comptent éliminer leurs confrères et garder pour eux les fruits de la victoire. Leur machination mise en place, ils partent aussi pour le Japon. Juste à temps pour entendre Milton à la télévision – sous les oripeaux de l’éminent professeur Kimgasa dont il s’est débarrassé -, prêcher la violence et le meurtre seuls fondements d’une liberté absolue de l’individu:
« Le monde de l’avenir sera un vaste plateau de cinéma sur lequel évolueront des acteurs, amateurs et professionnels, unis dans une débauche de sexe et de sang. Derrière la caméra : Milton himself. Filmer, regarder, imaginer, mettre en scène, manipuler, diriger. Le reste ne l’intéresse pas. L’argent ne l’intéresse pas. C’est facile, il en a. Dans le monde l’avenir, l’argent ne vaudra pas plus que des cacahuètes. La seule valeur sera ce qui fait plaisir à Milton. Le monde entier n’existera que pour faire plaisir à Milton. »
Kato ne reconnaît pas Milton : il est convaincu que le professeur Kimgasa est une incarnation de Modulon et se prépare à le tuer. Milton, cependant, n’a pas perdu de vue le danger que représente Katz. Pour s’en éloigner définitivement, il capture les enfants de ce dernier dont il apprend l’existence par une indiscrétion. Savourant sa vengeance, il les emprisonne sous les caméras de « Paradise Burial » dans un hangar de la région strasbourgeoise pour les laisser mourir de faim. Dans le but de contrer Milton et libérer les enfants, tous les membres du clan du Bien se retrouvent, Tirzah et Katz, Iris et Barachiel, en liaison télépathique constante avec ses frères. Tharmas, qui s’était également enfui à Tokyo assiste de loin à la destruction de treize villes européennes. Alors que Milton, lui aussi de retour au Japon, prend une flèche dans le bras de la part de Katho, Katz, qui a réussi à libérer ses enfants, s’oppose à Milton sur le terrain des médias. D’abord, Il fustige l’attitude de ses semblables :
« Dans une maison ordinaire, dans la banlieue de cette ville, un homme a enfermé deux enfants, commença Phil sans attendre la première question. Il les a enlevés pour les tuer. Il veut le faire. Il croit qu’il en a le droit. Il le croit d’autant plus qu’il y a quelques jours, il a montré au monde entier des images de torture, de souffrance et de mort, et le monde n’a rien dit. Je n’ai rien dit. Vous n’avez rien dit. Et parce que nous n’avons rien dit deux enfants seront torturés et tués. Chaque fois que nous ne disons rien, le domaine des ténèbres s’étend. Chaque fois que nous ne nous croyons pas concernés, le domaine des ténèbres s’approche un peu plus de notre porte. Et le jour où cet homme viendra chez vous, il ne restera sans doute plus personne pour lui dire quoi que ce soit. Alors, ce soir, je vous le dis. La violence n’est pas un choix de société acceptable. Je ne parle pas de petits voleurs mais de violence d’Etat, tolérée, orchestrée. La pauvreté n’est pas un mal nécessaire. Le chômage n’est pas une fatalité économique. Les pays du tiers-monde n’ont aucune dette envers les pays riches, au contraire. Qui a exploité qui pendant des décennies ? L’argent investi en bourse ne produit pas d’emplois. L’accumulation ne bénéficie à personne. Nous pouvons tous vivre sans piscine privée, mais nous ne pouvons pas vivre sans la conscience du bien et du mal. Merci de m’avoir écouté. Merci de bien vouloir y réfléchir. »
Ensuite, à l’aide des préceptes paradoxaux et mystérieux du livre prophétique que conserva le clan de Tirzah en Mauritanie selon une tradition immémoriale. Car pour Katz, il est maintenant évident que tout se rejoint : les enlèvements en série et les meurtres d’enfants, la guerre européenne, les menées du « Cercle » et l’instigation au mal par le diabolique Milton. L’enquête avance par l’appui décisif qu’apportent les enfants de Tirzah. A Tokyo Tharmas est appréhendé et interrogé sur son rôle et celui du Cercle dans le conflit mondial. S’ensuit une vague d’arrestations, notamment celle de Thel à l’aéroport de Tokyo. Milton, piégé dans sa planque par Barachiel, est tué d’une balle en pleine tête tandis que Katz, grièvement blessé, est transporté de toute urgence à l’hôpital. Tirzah, piégé dans un monde intermédiaire semblable au coma, ne reviendra jamais de ses aventures. Katho est exécuté. L’aventure se clôt sur une Europe dévastée, terrassée par le mal.
« Al Teatro », comme son nom l’indique, est un théâtre de la cruauté, l’enfer du « Jardin des délices » de Jérôme Bosch retraduit de manière littéraire. Fresque touffue, énorme, inclassable (dont le résumé ne donne qu’une vague idée), elle brasse des personnages d’exception, dans le Mal (Milton, dont le nom est tout un programme) et dans le Bien (Katz, l’avisé); s’appuie sur la théorie du complot généralisé, les agissements occultes des sectes et des partis, mêle le fantastique noir à l’enquête policière, le tout dans un décor où l’Europe se délite dans une guerre totale. La force de ce roman - pléthore de personnages, de lieux, de situations, discours incisifs, emploi de phrases verbales – est aussi cause de sa faiblesse, qui oblige le lecteur à un va et vient conceptuel pour renouer constamment le fil du récit. Une oeuvre baroque et foisonnante, unique en son genre, à lire de toute urgence.
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Le Dernier Soleil - Par BenF
Le roman se partage entre trois parties dissemblables. La première est une évocation de l’évolution théorique et historique de la société politique des USA après l’engagement au Viêt-Nam. Démoralisés, les USA se retirent du conflit en y laissant leurs morts. Celui-ci aura été un champ d’expérience pour les noirs américains maintenant aguerris et capables de faire la différence selon la manière dont on les a traités au front (toujours en première ligne) et au sein des villes américaines (toujours dans les ghettos)
En peu de temps, l’agitation sociale se développe dans les quartiers noirs, encadrée par les vétérans noirs qui ont appris à se battre. En 1973, le fascisme américain triomphe avec l’arrivée au pouvoir du sénateur Chilson, évinçant le clan Kennedy, appuyé par l’empire militaro-économique représenté par la figure du général Klinger. Chilson utilise les gaz pour « dératifier » le quartier de Watts :
« Il faut que le monde sache ce que cela a été : la folie collective donnée délibérément par des hommes à des hommes. Peu importe qu’il se soit agi de Noirs, ou de criminels ou d’émeutiers. Personne au monde, même pas Dieu, n’a le droit de traiter des hommes de cette manière, de les rendre fous, ou malades, ou aveugles. J’ai vu des enfants qui s’étaient crevé les yeux à force de les frotter, des femmes qui hurlaient en se tenant à deux mains les parties génitales brûlées au troisième degré par les gaz, des hommes armés, ivres de L.S.D. tourner en rond sur eux-mêmes en mitraillant tout ce qui passait à leur portée, même des femmes et des enfants de leur race. »
Cela soulève peu d’émotion dans l’opinion américaine qui récompense Chilson pour cette action d’éclat, en le portant à la présidence, pour peu de temps, puisqu’il sera assassiné par un Noir à cause de ses hauts-faits. Le fauteuil reviendra alors à Klinger, dont le discours reflète les idées :
« Jamais les Etats-Unis d’Amérique n’ont été aussi méprisés et aussi combattus que depuis qu’ils se vouent corps et âme, au salut de l’humanité. Pire encore : les perversions, les vices, la pourriture morale et physique du reste du monde, et je pense surtout à l’Europe, se sont introduits chez nous et ont souillé une partie de notre jeunesse. La débauche sexuelle, l’athéisme, la subversion politique sont les cadeaux empoisonnés que nos faux amis nous ont faits en remerciement de notre aide. »
Aussitôt, le nouveau président donne ses troupes. A l’intérieur des USA, les premiers camps de concentration apparaissent, à l’extérieur, notamment en Europe, les corps d’armées américains s’opposent frontalement à la Russie soviétique et la Chine. Tous les prétextes sont bons et toutes les armes seront utilisées avant que n’éclate la catastrophe finale. La pollution bactériologique de l’eau de New York, supposée provoquée par les Chinois (en réalité liée à la pollution agricole de terrains autour des monts Catskills), les gaz utilisés pour réduire la poche de résistance grecque dans le défilé des Thermopyles, mettent le monde au bord du chaos :
« Leggitt donne l’ordre de charger les mortiers de têtes à gaz G.C. Le reste va très vite. Les « bérets verts » passent leur masque à gaz. Leggitt baisse les bras, les obus de mortier décrivent une trajectoire haute puis s’écrasent au fond du défilé. Dans leurs abris, les Andartès sentent s’élever autour d’eux une odeur vaguement fruitée. Ils n’ont pas le temps de s’en étonner. Leurs yeux brûlent, leur gorge se contracte, ils sont secoués de nausées, puis de vomissements, beaucoup sont saisis de diarrhée, d’autres hurlent en se tenant la tête à deux mains. Les uns après les autres ils s’écroulent sur les roches que recouvre une sorte de rosée incolore, agités de convulsions violentes, puis de plus en plus faibles et s’immobilisent enfin. Leggitt lâche ses jumelles, regarde sa montre.
-Sept minutes seulement, dit-il à l’officier « C. and B. ».
Un dernier sursaut de volonté des peuples qui ne veulent pas mourir, permettra -semble-t-il- de juguler la menace représentée par Klinger et ses séides qui seront amenés à reculer faisant place à un règlement pacifique des conflits par les Nations Unies qui retrouvent de ce fait un peu de crédibilité :
« Dans toute l’étendue de l’Europe, les insoumissions et les désertions se multiplient. En Italie, quatre régiments prêts à s’embarquer pour la Grèce se mutinent. Les unités que l’on envoie mettre les mutins à la raison se rebellent à leur tour et une véritable guérilla commence dans la région de Bari, entre les Senza Noï (« sans nous ») et les troupes régulières. Des incidents du même ordre éclatent en France, en Belgique, en Hollande, en Allemagne de l’Ouest. »
La deuxième partie du roman est en rupture totale avec la première. Un écrivain –nous ne connaîtrons pas son nom –, nous fait partager dans ses notes, qui ressemblent à un journal intime, l’existence d’une société post-nucléaire. Que s’est-il passé alors que tout semblait sur le point de s’arranger? Nous ne le saurons jamais. Quoiqu’il en soit, le conflit nucléaire a bel et bien eu lieu. Les bombes sont tombées en masse, en Russie, aux USA, en Chine, s’abîmant au passage sur la France et sur d’autres pays, en faisant exploser l’arsenal atomique du plateau d’Albion. Le choc électromagnétique lié à ces explosions a instauré le grand silence des ondes. La société a disparu, remplacée par une kyrielle de groupes de survivants non contaminés mais revenus à la barbarie, à un dénuement total, à une détresse maximale.
Le narrateur appartient à l’un de ces groupes d’une vingtaine de personnes vivotant à grand’peine dans la cave d’un village de l’arrière-pays provençal. Ils livrent une lutte continuelle aux rats qui les assiègent, au manque de médicaments, au manque de nourriture. Ils se connaissent à peine, rassemblés en ces lieux par des rencontres de hasard. Menacée par un autre groupe de survivants à qui la catastrophe n’a rien appris, menacée de l’intérieur même par certains d’entre eux qui ne veulent pas abandonner les jeux de pouvoir, la poignée de personnes regroupée autour du narrateur-philosophe tentent, vaille que vaille, un nouveau départ dans la vie. L’aurore sera de courte durée. Les rats par millions reviennent traquer ces débris humains, contaminés par les radiations, jusqu’à la disparition finale d’une espèce trop agressive pour que l’évolution ait pu la pérenniser :
«13 janvier. Le froid est devenu terrible et j’ai peur que la source ne gèle. Il ne peut être question de l’entourer d’un feu, la nuit, car de nouveaux groupes armés ont été aperçus sur la route de Sainte-Pétronille. D’après ce que les veilleurs en on dit, il pourrait s’agir de déserteurs italiens. Senza Noï ou simples pillards ?
Le mistral s’est levé ce matin, et nous avons couvert les feux. L’air des caves est devenu presque irrespirable, mais il ne faut pas que l’odeur de la fumée aille éveiller l’attention de ceux qui passent sur la route. D’en bas, ils ne peuvent voir que les ruines du château. Le chemin qui mène au village ne va pas plus loin. Rien donc ne peut les tenter chez nous, à condition qu’ils n’aperçoivent pas le moindre signe de vie. Il est vrai qu’il nous reste si peu de vie. Deux enfants irradiés sont morts.»
Un récit sans concession, bien documenté (dans sa première partie notamment qui touche à l’uchronie), manifestant la peur atomique, peur récurrente de l’Occident. Proche parent de « Malevil », mais avec l’optimisme en moins, le texte de Jourat est peu connu. C’est dommage.
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Retour A "O" - Par BenF
Jâ Benal est un scientifique condamné à être déporté sur la Lune devenue bagne dans les siècles futurs. En réalité, il est envoyé par la Terre comme espion car les forces terrestres désirent connaître l’exact danger que représente les Lunaires qui préparent l’invasion cette dernière. Ils savent que Jâr est un espion; ils lui adjoignent une contre-espionne en la personne de Nira qui, vaincue par son charme, deviendra une contre-contre-espionne.
Le parcours sera jalonné par des êtres et des événements comme les " Gôr " télépathes (réminiscence de Wells ?), une intervention chirurgicale sous forme d’expédition dans le corps humain (annonce du « voyage fantastique » ?), des bombes et des émetteurs miniaturisés ayant pour but mettre à genoux " l’Excellence ", c’est-à-dire le chef des Lunaires.
Nira et Jâr eux-mêmes réduits à une grandeur Tom Pouce (réminiscence de " l’homme qui rétrécit " ?) , l’Excellence dans sa mégalomanie fera exploser la Lune ce qui dévaste du même coup la Terre. Tout le monde meurt. Vraiment tout le monde ? Non, surtout pas Jâr et Nira, qui se sont échappés de la Lune peu de temps avant son annihilation et qui deviendront les Adam et Eve miniatures d’une terre édénique.
Un récit qui se lit sans ennui sinon avec le plaisir douteux que provoquent " les enluminures idiotes " (Rimbaud)
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"La tribu avait élu domicile dans la vaste dépression située entre la chaîne Cuba au Nord, les monts Haït à l’Est et les lointains contreforts du massif Jamaï".
Sur une terre future, lointaine, dépeuplée, ne subsistent que "la Tribu " et son chef Thoz dont le principal souci est de trouver à manger. Les continents ont été bouleversés, certaines mers ont disparu et New York (Niourk) représente la ville des Dieux, là-haut sur la montagne.
L’enfant noir est le réprouvé de la Tribu. Banni, il trouve refuge dans les ruines et apprend à se servir d’une arme, une sorte de rayon laser, issue d’une technologie ancienne. Ayant apprivoisé un ours gigantesque, il revient vers la Tribu en sa compagnie. Celle-ci est fort occupée. Des poulpes gigantesques, devenus intelligents à cause de radioactivité traquent ses compagnons pour les manger. Sans l’enfant noir, la Tribu serait perdue.
Avec son ours, il décime les monstres. Les hommes se nourrissent de la chair des poulpes sans se rendre compte qu’ils seront eux aussi contaminés. La radioactivité accélère les processus intellectuels de l’enfant noir et le pousse à se diriger vers Niourk . Après de nombreuses pérégrinations, il pénétrera avec son seul compagnon l’ours dans la haute ville des dieux, tous les membres de sa tribu ayant péri par le mal radioactif.
Niourk, immensément vieille, est à l’abandon; certaines énergies y résident encore, des mécanismes qui se mettent en marche au hasard. Autant de pièges pour l’enfant noir qui explore les ruines imposantes. Pourtant, il ne s’y trouve pas tout seul. Trois colons terriens en provenance de Vénus, Brig, Doc et Capt 4, se sont échoués là après une mission d’exploration de la surface terrestre, planète depuis longtemps abandonnée par leurs ancêtres. Ils font la connaissance de l’enfant noir et le guérissent de sa maladie mortelle. Alors les potentialités intellectuelles de celui-ci se développent au centuple et en quelques jours il dépasse en connaissances et en savoir-faire ses amis vénusiens:
" Le Doc se frotta les yeux. Il avait l’impression qu’un nuage se dressait entre lui et son compagnon. -Je ne sais pas ce que j’ai, dit Brig. Je n’arrive pas à vous distinguer nettement. Je dois avoir la vue fatiguée. -Vous aussi, vous... le Doc s’interrompit. Cette fois, il était certain qu’un nuage se formait devant lui. Il entendit le cri d’étonnement de Brig, sans voir ce dernier. Le nuage prit une teinte plus foncée, se condensa, affecta la forme d’une silhouette humaine, puis se dissipa. L’enfant noir apparut à sa place. "
Avec ses capacités inimaginables, il se dédouble en autant d’exemplaires qu’il le faut pour travailler plus vite, détourne la Terre de son orbite et la stabilise au centre de la galaxie. Il découvre sa vie d’avant la connaissance, recrée sa tribu ainsi que son ours, en utilisant les possibilités technologiques de Niourk. Ayant atteint la sagesse malgré son jeune âge, il se rend compte que rien ne vaudra jamais le bonheur de vivre dans la nature. Alors, laissant la ville à son triste destin, il retourne dans la jungle avec ses amis.
Niourk est un récit plaisant écrit en un style fluide et simple, qui vaut surtout par l’ambiance quasi-surréaliste se dégageant de la description de la ville morte, et par l’originalité du personnage principal.
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