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Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !
Livres
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Une Seconde Apres - Par BenF
John Matherson, colonel et instructeur militaire, prend sa retraite dans le village de Black Mountain, près de Charlotte, en Caroline du Sud, une région de collines boisées et isolée. Là, il vit en famille avec ses deux filles, Elisabeth et Jennifer (Jen), sa belle-mère (sa femme étant décédé), et ses deux chiens, loin de se douter du destin qui lui est réservé. Un jour, soudainement, l’électricité disparaît, aucun artefact technologique ne fonctionne (surtout les voitures), toute radio ou télé reste muette. Inquiet, John prend sa vieille Edsel, une automobile de collection et l’une des rares qui fonctionne encore, pour aller aux nouvelles vers Asheville, le bourg voisin :
« Il fait incroyablement noir, murmura-t-elle. Il regarda autour de lui. Il faisait très noir, effectivement. Pas une seule lueur ne provenait de la ville, sauf peut-être ce qui semblait être le vacillement d’une lampe Coleman ou de quelques bougies. Toutes les maisons qui bordaient la vallée étaient sombres, elles aussi. Aucun phare ne perçait de l’autoroute, on ne voyait plus rien du détestable éclairage au néon de la station-service, en haut de la bretelle de sortie, et plus aucune lumière ne leur provenait de derrière la ligne des toits d’Asheville. Une clarté rouge et sombre apparaissait cependant dans la pénombre, sans doute l’incendie qu’il avait remarqué au pied de la colline vers Craggy Dome. »
En roulant il se rend compte du désastre : des files de voitures bloquées sur l’autoroute, des hommes en armes, au loin des incendies…En tant qu’expert militaire, il croit savoir ce qui s’est passé. Il l’expliquera à ses amis du village, lors d’une réunion de crise, à Charlie, le futur mentor de Black Mountain, à Kate, le maire, à Washington, ancien sergent de l’armée, qui deviendra le commandant des forces de la milice constituée. Il leur apprend qu’une ou plusieurs bombes thermonucléaires lâchées dans la haute atmosphère, au-dessus du territoire des Etats-Unis, avaient déclenché un effet IEM (pour « Impulsion Electromagnétique), lequel a paralysé toute activité électromagnétique, informatique, électrique, etc. C’est ce qui a dû se passer ici, et, peut-être dans le reste du monde également :
« -Comment est-ce que personne ne sait rien, ici interrogea Kate de plus en plus irritée.-C’est le but d’une frappe d’IEM, répondit John. Que ce soit une attaque à grande échelle venant d’un ennemi traditionnel tel que l’URSS lors de la guerre froide ou une attaque terroriste aujourd’hui… Vous faites exploser une bombe qui déclenche cette puissante onde électromagnétique, ça grille toutes les communications et bien d‘autres choses, et ensuite, soit vous vous arrêtez là, soit vous continuez. Ce qui nous a terrifiés c’était de comprendre que n’importe quel cinglé, qu’il soit membre d’une cellule terroriste ou dirigeant d’un pays comme l’Iran ou la Corée du Nord, pouvait, avec seulement une ou deux bombes nucléaires en sa possession, se retourner contre nous et nous attaquer, et cela malgré nos milliers d’armes. C’est ce qu’on entend par « frappe asymétrique ».
Cet effet, bien qu’éphémère engendrera des conséquences incalculables en replongeant le pays victime dans un moyen âge barbare d’où émergent l’anarchie et l’arbitraire puisque l’on prive d’action toute force légale et constituée. Les acheminements de toute nature disparaissent (aliments, médicaments, artefacts technologiques, habits, et). L’on ne pourra attendre aucun secours de personne. Bientôt la haine, la faim, l’agressivité pousseront les gens les uns contre les autres, laissant les habitants de Black Mountain en proie à toutes les convoitises du fait de leur situation géographique privilégiée, où la survie pourrait être meilleure qu’ailleurs. Il importe donc de prendre des mesures immédiates et drastiques pour sauver la communauté. Charlie, en accord avec le Conseil, promulguera la loi martiale. John supervisera l’organisation de défense du bourg :
« En arrivant en ville, ce fut une fois encore un monde totalement changé qui les accueillit.Le barbecue gratuit de Pete était fermé, et l’ambiance de foire qui l’entourait avait disparu. Deux agents de police armés d’un fusil se tenaient devant l’école, une longue file d’attente s’étirant jusqu’au coin de la rue. Près d’eux brûlait un feu de bois au-dessus duquel était accrochée une bouilloire. Une dizaine de policiers et autant de pompiers formaient un cordon de sécurité autour de l’hôtel de ville. »
L’ambiance de la vie dans la bourgade s’est profondément modifiée. Après le premier moment d’affolement, des citoyens ont dévalisé le supermarché, vidé le drugstore de tout médicaments, emportant ce qui pourra leur assurer une survie maximum. Plus tard, apparaîtront les tickets de rationnement et la milice, constituée par des étudiants, chargés d’empêcher les pillages. Durant les premières semaines la mortalité augmente, touchant les plus fragiles, les vieillards surtout, où ceux hospitalisés , patients dont la vie ne tient qu’aux médicaments qui dorénavant n’existent plus. John y est d’autant plus sensible que sa petite fille Jen, atteinte du diabète de type 1, est étroitement insulino-dépendante :
« Pratiquement tous nos malades du diabète de type 1 mourront ce mois-ci. Les pharmacies distribuent en général une bouteille de mille unités par personne. Un stock qui commence nettement à se réduire pour eux. On peut donc s’attendre à ce que tous, environ cent vingt dans notre communauté, commencent à mourir. Personne n’ouvrit la bouche.-Les autres morts qui sont à prévoir durant le mois qui vient : les asthmatiques sérieux qui seront bientôt à court d’inhalateurs, et ceux qui souffrent de graves arythmie cardiaque et qui manqueront de bêta-bloquant. »
Dans un tel contexte, il est amené à prendre sa première et cruelle décision, celle d’exécuter deux jeunes voleurs de médicaments, drogués pris la main dans le sac. Les contacts avec Asheville n’aboutiront à aucun accord, chaque cité campant sur ses acquis.Heureusement, Black Mountain possède un avion, un ancien Cessna de collection bichonné par Don, un « Old Timer » qui se transforme en observateur aérien. John, bien que très engagé dans la survie de la cité, est constamment rongé par un doute affreux : jusqu’à quand Jen, qu’il chérit, vivra-t-elle sans insuline ?
En attendant, il a fait la connaissance de Makala, une jeune infirmière naufragée de l’autoroute qu’il autorise exceptionnellement à résider chez lui. Un tendre sentiment se fait jour entre les deux personnes, Makala lui étant d’un précieux secours en ces jours sombres.Au fur et à mesure que passe le temps, les tensions s’exacerbent, les morts augmentent, les décisions se font plus radicales. Il s’agit à tout prix d’empêcher des envahisseurs d’entrer dans la cité, de circonscrire d’éventuelles épidémies, d’utiliser la milice prête à tuer sans hésitation pour sauver le groupe. Parallèlement, les signaux de danger se multiplient. Les citadins de l’autoroute cherchent à rentrer chez eux, à Charlotte pour la plupart. On ne peut les arrêter, car ils sont trop nombreux. Il importe donc de créer un couloir de circulation, parfaitement délimité, ouvert sous la surveillance de miliciens, dans lequel aucun contact ne sera possible avec les habitants de Black Mountain. Ceux ou celles qui franchiraient les limites imposées, seraient impitoyablement abattus. Mais les gens utiles, médecins, techniciens, artisans, militaires, seront autorisés à résider sur le territoire de la commune.
Des nouvelles en provenance de l’extérieur filtrent enfin. Les citadins savent maintenant que le Texas et la Californie ont fait sécession, que l’Europe (notamment la Russie) a été atteinte dans la même proportion que leur pays, ainsi que le Japon et les îles indonésiennes, que l’on se bat en Iran et en Corée du Nord. Le seul espoir réside encore dans l’aide que sont susceptibles d’apporter les porte-avions géants américains, croisant dans d’autres eaux au moment de la catastrophe. L’un de ceux-là serait en voie d’atteindre les côtes du Sud de la Caroline. Mais une autre terrible nouvelle attend John et les siens : la Posse, une bande de fanatiques hallucinés et cannibales se dirigent vers Black Mountain :
« La Posse, c’était le nom d’un gang d’avant-guerre, qui avait des ramifications dans tout le pays ; des espèces de voyous qui vous balançaient une balle en pleine tête, histoire de rigoler, des trafiquants de drogue, des violeurs, tout ce que la terre peut compter comme vauriens et fripouilles. Bref, des ordures, prêtes à n’importe quoi pour survivre… maintenant que notre pire cauchemar nous est tombé dessus. (…) -Oui, la Posse… Une pauvre femme qu’on a laissée passer avec le dernier groupe a dit qu’elle avait été retenue prisonnière par eux pendant plusieurs jours avant de réussir à s’échapper. Elle a refusé de raconter ce qu’ils lui ont fait… inimaginable. Tout le monde parle d’eux, de l’autre côté de la barrière. Le bruit court qu’ils seraient plus d’un millier, et armés jusqu’aux dents. Ils approchent de notre région comme une bande de barbares prêts à tout saccager.-Incroyable, soupira John.»
John est conscient qu’il faudra livrer une bataille qui décidera de la mort ou de la vie de chacun, et qui demandera à tous les plus grands sacrifices. John mettra au point une stratégie d’élimination des adversaires qui impliquera beaucoup de morts.Personne ne sera épargné, ni Washington qui mourra frappé d’une balle, ni Ben, le futur gendre de John, père de l’enfant que porte déjà Elisabeth… Grâce à ces sacrifices, la manœuvre réussit : la Posse sera intégralement éliminée. Devant l’énormité de la menace, l’inhumanité des agresseurs, John se montrera sans pitié :
« -Une corde, s’il vous plaît.
L’un des étudiants s’avança et lui en tendit une… dont le nœud était déjà fait. John lui indiqua le poteau métallique des feux de croisement. Il lança la corde en l’air, qui s’enroula au sommet et se bloqua. Plusieurs hommes se chargèrent de soulever le leader, qui, s’attendant à être abattu d’un coup de pistolet, commença à se débattre et à pousser des cris rauques. On lui passa le nœud coulant puis on le serra autour de son cou. Alors, John s’approcha et articula d’une voix forte :-Par les pouvoirs qui m’ont été attribués par les citoyens de Black Mountain et de Swannaoa, je déclare que cet homme est un criminel, un meurtrier et un mangeur de chair humaine, et que, pour cela, il doit être condamné à la pendaison. Il ne mérite même pas de recevoir une balle. Il recula puis ajouta :-Qu’on le pende. On le hissa au bout de la corde et de longues minutes de gesticulations spasmodiques s’écoulèrent avant qu’il ne meure… sous les yeux de ses fidèles horrifiés. (…)-Pendez tous ceux que vous pourrez et abattez le reste de ces ordures. Et je veux qu’on peigne en gros sur les flancs de ce camion, là-bas : CANNIBALES. »
Vainqueurs, les citoyens soignent leurs blessures et leur désespoir. Le terrain de golf de la commune qui aura servi de cimetière compte maintenant plus de trois mille morts. Les cadavres éparpillés rappellent à John les plus atroces souvenirs :
« Un champ de bataille… Les photos de morts de Gettysburg lui revinrent à l’esprit, des cadavres balayés par les vagues, à Tarawa, les Marines blessés à bord d’un tank, à Hué. Mais jamais sur ces photos il n’y avait l’odeur.L’odeur de cordite mais aussi de sang, d’excréments, d’urine, de vomi, de viande crue… la chair à vif des humains qui jonchaient le sol. Et, mêlés à cela, la puanteur des véhicules en feu, de l’essence, des pneus, de l’huile et, plus atroce encore, celles des corps qui brûlaient, grillaient, gonflaient et explosaient comme s’ils étaient frits. »
Jen, elle aussi, est à l’agonie, par absence d’insuline. La nourriture manque, quoique les champs soient ensemencés et promettent de belles récoltes, car le moment de la soudure est le plus terrible. Soudain, une lueur d’espoir : une colonne de blindés et d’engins militaires, en provenance de la côte, et qui se dirige vers Asheville, s’arrêtera à Black Mountain, y apportant nourriture, soins, médicaments et… informations. Le général Whrigt, commandant du convoi, explique aux habitants la situation dramatique dans laquelle sont plongées les Etats-Unis :
« -On dit qu’à New York il ne reste pas plus de vingt cinq mille personnes, et ce sont soit des bandes de sauvages, soit des gens qui se cachent et se nourrissent de détritus. Une bombe thermonucléaire les anéantissant tous aurait été plus… humaine, si j’ose dire. Le choléra les a aussi frappés, l’automne dernier, et le gouvernement a décidé d’abandonner la ville, de l’isoler, en fait : personne n’est autoriser à y pénétrer. Ceux qui se trouvaient à l’intérieur n’ont jamais pu en sortir. Un de mes amis en mission là-bas m’a dit que ça ressemblait à l’âge des ténèbres. »
Bien que l’on entreprendra tout pour redresser le pays, les Etats-Unis auront vécu : jamais plus ils ne joueront un rôle prédominent dans le concert politique mondial!
Un roman didactique sur les dangers d’un futur proche, sans grands effets littéraires, sans invasion extra-terrestre, sans mort radioactive. La dégradation sociale est vécue au quotidien, analysée jour après jour, avec la précision du chirurgien. Les états d’âme, les craintes et les espoirs sont concentrés en un petit nombre de personnages. L’effet de réel qui se dégage de cette lecture est tel qu’on y lit le protocole d’un désastre annoncé. Une œuvre inquiétante et, ne l’espérons pas, prophétique.
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Les bombes atomiques s’abattent sur le territoire des Etats-Unis d’Amérique, balayant toutes les villes d’importance, faisant soixante-dix millions de morts en quelques minutes. Sans déclaration de guerre, sans que rien ne justifie un tel acte, des missiles d’origine inconnue, transitant par le pôle, écrasent le pays, « assassinent » les Etats-Unis. Toutes les nations du monde étant liées à l’Amérique par le pacte de Brienne qui stipule une réaction immédiate en cas d’attaque, solidaires avec le pays martyr, elles ne peuvent agir car l’identité de l’agresseur reste inconnue.
La totalité de l’intrigue tourne donc autour de ce point : découvrir l’identité du pays agresseur. En vue de l’éventualité d’une attaque, l’on avait parsemé le territoire américain d’un grand nombre de bases souterraines et secrètes, appelées « Terriers », en connexion radio les unes avec les autres, dont le seul objectif était de répliquer à coup sûr.
Le Terrier 89 est situé sous les montagnes rocheuses, sous le glacier Rainier. Il est dirigé par Fred Thale et le lieutenant Sam Burton, qui cherchent à percer eux aussi l’identité de l’agresseur. Le lieutenant Burton, apercevant des êtres humains en perdition sur le glacier, les recueille au sein de la base. L’une des rescapées, Betty Clarke, est une ancienne connaissance de Sam qui s’en méfie terriblement car il la prend pour une espionne.
Sachant que la base va être incessamment la cible d’un coup nucléaire, Thale s’obstine à dévier les bombes pour, au moins, en récupérer une intacte dans le but de l’étudier. Par le brouillage des fréquences de guidage, Thale arrive à faire s’écraser l’un des missiles non loin de la base, sans que celui-ci n’explose. C’est par l’étude des composants électroniques de la bombe que Thale apprendra la vérité sur l’origine de celle-ci. Il se rend donc sur le lieu de chute alors qu’un nouveau venu dans le Terrier, le général Thaddeus Warsaw, exige qu’on lui remette le commandement. Partout dans le monde, l’attaque inopinée provoque des émeutes, des tueries, des manifestations qui créent des centaines de milliers de morts :
«A Londres, les grandes artères étaient tellement encombrées que les cadavres de gens étouffés continuaient à avancer, soutenus par la masse qui les entourait, fleuve humain s’écoulant avec une lenteur d’agonie vers les derniers faubourgs de la ville. A Paris, la panique provoquait une effervescence démentielle. Sur la grande place vers laquelle convergeait malheureusement quatre avenues alors qu’une seule rue étroite permettait d’en sortir en direction de la banlieue, les fuyards se concentraient en torrent. Chanceler, c’était tomber, et tomber, mourir. Là où la pression était la plus forte (…) s’élevait un monticule qu’il fallait franchir pour s’évader de cet enfer. Et le monticule allant d’un mur à l’autre, jusqu’à la hauteur du deuxième étage, était fait de cadavres piétinés. »
Thale est près du but. L’identité de l’agresseur est certaine bien que celui-ci ait utilisé des composants électroniques achetés aux USA et qu’il ait situé sa base de lancement loin de chez lui, en Antarctique. Sa manière d’assembler les éléments signe sa trahison. Thale meurt en transmettant ces informations à tous les Terriers. La contr’attaque commence. Warsaw –qui est un authentique espion – se suicide, et Betty – qui est une authentique contre-espionne – rentre en grâce aux yeux de Sam. La base ennemie en Antarctique est écrasée sous un déluge de bombes ce qui provoquera la fonte du manteau rocheux du pôle sud. Tous les pays liés par le pacte de Brienne participent alors à la curée aux côtés des Etats-Unis et s’emploient à rayer de la carte du monde le pays de l’agresseur…
« l’Assassinat des Etats-Unis » apparaît comme l’un des premiers ouvrages portant sur le concept de « dissuasion » dans le champ romanesque, bien que de nombreux éléments liés à l’idée de guerre nucléaire totale en soient absents : importance de la radioactivité, «hiver nucléaire», disparition de la faune et de la flore, etc. Au fait : l’on ne saura jamais le nom du pays agresseur mais est-ce vraiment indispensable ?
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Encore Un Peu De Verdure - Par BenF
Se pourrait-il que l’humanité disparaisse un jour, envahie, déborée, étouffée par l’herbe? Cette question peut paraître bouffonne, car on a du mal à imaginer qu’une plante aussi simple et commune puisse venir à bout de l’espèce humaine. Pourtant l’invasion lente, implacable de l’océan de verdure grignote lentement la place dévolue à l’être humain. Celui-ci poursuit malgré tout sa vie quotidienne faite toute de mesquineries, de soif du pouvoir, de jalousies, d’inconscience devant le péril, de divisions...
Tout commence par la découverte inoffensive d’un engrais, le "Métamorphosant". En dehors de l’herbe, véritable personnage du récit, le premier rôle est assumé par Albert Weener, représentant plus ou moins raté qui utilise le Métamorphosant au "Cynodon Dactylon" dont il fait sans le vouloir l’ennemi invincible de l’humanité.
A partir de là, la vie de Weener est indissolublement liée à l’herbe. Elle fait de lui un journaliste médiocre mais célèbre puis, par le jeu des actions de la Consolidated Pemmican, l’homme le plus riche du monde. Autour de Weener, gravitent une série de personnages plus ou moins falots, plus ou moins mégalomanes, comme un rédacteur en chef au nom inénarrable de W.R. l’Effacasé, bourru et efficace, et dont le rêve est de se retirer pour lire en paix les oeuvres de Thomas Hobbes.
Le début de la catastrophe est comique avec les démêlés de Mrs Dinkmann et de sa pelouse où tondeuse, faux, feu, pétrole, dynamite, chars d’assaut se cassent successivement les dents. Cela ne vaut guère plus qu’un article dans la feuille de choux de l’Effacasé. Rapidement, le sourire se fige devant l’invulnérabilité de l’herbe qui envahit la ville, la recouvre jusqu’au dessus des immeubles et semble envoûter certains humains qui s’enfoncent en son sein pour se fondre en elle. Une fois de plus les hommes ont sous-estimé le péril en continuant de mener leur petite vie tranquille. La fortune de Weener se développe parallèlement à la progression de l’herbe comme si le destin voulait laisser face à face l’homme le plus puissant et l’herbe. Certes, il y a des répits, comme celui apporté par le sel qui semble pour un temps pouvoir stopper la progression de la marée verte. Mais ce n’est qu’un répit. Et pour comble de malheur et de dérision, voilà l’URSS, qui profitant de l’affaiblissement des Etats-Unis, tente d’envahir le continent nord-américain.
Heureusement l’herbe sauve le pays, momentanément. Elle reprend aussitôt sa marche triomphale, anéantissant la civilisation, faisant sauter les contraintes sociales, les tabous, au point que «tant de gens accomplissaient des actes illégaux pour trouver un appui dans les prisons que l’on finit par ne plus retenir que les meurtriers et les assassins», le plus souvent "exécutés le soir même" pour libérer les cellules. L’herbe devient même une nouvelle religion dont le proète frère Paul proclame: " Donnez votre âme au Christ et votre corps à l’Herbe ".
A mesure que l’espace dominé par l’homme se rétrécit, l’action s’acélère, devient haletante, le récit se simplifie. Dernier rempart d’une humanité condamnée, l’Angleterre tombe à son tour. Il ne reste plus qu’une sorte d’arche de Noé moderne, avec à son bord Weener qui continue sa lutte contre l’Herbe, quelques savants et cinquante jeunes femmes (il faudra bien repeupler):
" Je me suis attardé longuement devant la porte de la cabine-laboratoire, à écouter les rires, les hurrahs, les exclamations de triomphe... qui, j’en suis persuadé, annonçaient un indéniable succès. Mais... L’Herbe a trouvé un nouveau joint entre les lattes du pont. "
«Encore un peu de verdure» est l’un de ces rares romans mettant en scène un dérèglement de la végétation. Ici, point d’effets spectaculaires dans la description de la catastrophe ni de descriptions dramatiques comme dans "le Nuage pourpre" ou "le Marteau de Vulcain". C’est l’horreur au quotidien par l’étouffement et la prolifération. Annonçant le roman écologique ("le Troupeau aveugle", "la Fin du rêve "), le récit de Moore est l’un des premiers à se poser la question de l’interdépendance des écosystèmes.
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01: L’aube des nouveaux jours, pp. 46-73 in revue «Fiction » N°23, octobre 1955, Opta éd. nouvelle reprise in " Histoires de fins du monde ", Livre de poche éd., N° 767, coll. " La Grande Anthologie de la science-fiction ", 1 vol. broché, in-12 ème , 409 pp. couverture illustrée par Dedalus. nouvelle d’expression anglaise (USA)
1 ère parution : 1953 titre original : Lot
Lorsque les villes de la côte ouest des Etats-Unis sont annihilées par des bombes atomiques russes, Mr. Jimmon, qui habite Malibu, prend la fuite en voiture avec ses deux fils, sa fille Erika, et sa femme Molly.
Il reste raisonnablement optimiste car il a tout calculé, tout prévu. Il sait qu’à partir de cet instant jamais plus la vie ne sera ce qu’elle a été. Alors il a entassé dans son véhicule l’essentiel pour une survie basique, en une retraite prévue dans la montagne proche, lieu retiré , loin d’un village ou d’un bourg, où ils pourront espérer survivre.
Il a tout prévu, même les difficultés des embouteillages, le temps nécessaire pour y accéder en distançant tous les autres, et les pleins d’essence. Tout, sauf les réactions de sa famille; car ce parcours vers l’enfer est aussi pour lui une sorte de voyage dans le passé.
Sa psychologie se modifie à toute vitesse comme son code moral, même si ses apparences physiques restent identiques.
Hormis Erika, jeune vierge de 14 ans qui le soutient inconditionnellement, les autres membres de sa famille lui deviennent graduellement étrangers. Les récriminations de Molly, qui n’a rien compris à la chute de la civilisation et qui lui reproche sans cesse de ne pas avoir prévenu leur voisin (son amant), les remarques fielleuses de son fils Jil sur ses incapacités, les criailleries de Wenders qui pleure ses jouets perdus, lui font entrevoir un avenir difficile.
Alors, profitant d’un arrêt pour un ravitaillement dans une station d’essence isolée, Jimmon, en compagnie d’Erika, abandonne les autres à leur destin. Il vivra comme Loth avec sa fille pour se perpétuer.
Une nouvelle classique et cruelle, tenant du parcours initiatique, en rupture totale avec les valeurs de « l’american way of life », et qui fit scandale.
02: Les nouveaux jours, pp. 44-72 in « Fiction » N°24, nov. 1955, opta éd. nouvelle d’expression anglaise (USA)
1 ère parution : 1954 titre original : Lot’s daughter
Sept ans ont passé. M. Jimmon et Erika se sont installés non loin de l’autoroute, sous le couvert des arbres, dans une cabane préexistante, vers la mer, d’où ils tirent l’essentiel de leur nourriture. Ils sont seuls.
La station de radio de Monterey a finalement cessé d’émettre après quelques mois seulement, les plongeant davantage encore dans leur solitude.
Le petit Erik est né, fruit de l’inceste. Toujours prévoyant, toujours calculateur, Jimmon constate la lente dégradation de leur état. Bien que chaque artefact issu de la civilisation avait été pieusement recueilli et utilisé, les survivants luttent farouchement contre l’entropie universelle : ici, la perte d’une cartouche, là celle d’un hameçon les rapproche infailliblement de la sauvagerie :
« Il soupira et se remit debout. Encore une cartouche de perdue, encore un pas de plus vers le moment où il n’aurait plus de fusil, plus d’arme sinon les deux arcs et les flèches.
Il avait eu beau limiter son ambition au minimum, il ne réussissait même pas à sauver Erika et à se sauver lui-même; chaque projectile gaspillé rétrécissait la marge qui séparait leur sort de celui des autres survivants. »
Les conditions de vie sont donc de plus en plus difficiles, car l’on ne s’improvise pas Robinson. Les peaux de chèvre mal tannées, donc puantes, la bouilloire qui fuit, la crasse, la recherche quotidienne de nourriture désespèrent Erika, qui reste convaincue, en dépit du bon sens, qu’au delà de leur univers vivent encore des êtres humains mieux lotis qu’ils ne le sont.
Ce jour-là, Erika est bizarre. Elle se coiffe, s’arrange, puis propose à son père/mari d’aller en bord de mer pour apprendre à pêcher au petit Erik. En s’y rendant, Jimmon traverse l’autoroute déjà couverte de végétation et découvre les traces récentes d’un engin mécanique, une jeep. Son esprit logique enchaîne les plus sombres déductions. Sur le chemin du retour, après avoir encore perdu un hameçon, il sait ce qui l’attend et ce qu’il a obstinément refoulé dans son inconscient. Erika a disparu, emportant avec elle toutes les armes et munitions. Elle a suivi l’étranger de passage pour s’assurer une vie meilleure. M. Jimmon reste seul avec son fils.
Cette suite de la première nouvelle, sans concession, ni romantisme, ni fioritures littéraires, n’est pas la description d’une vie idyllique dans un paradis perdu, mais celle d’une nature implacable, ainsi qu’une analyse des états internes du personnage prenant conscience de sa régression culturelle. Ni leçon de morale, ni fable, mais réflexion lucide et réaliste des rapports de l’homme confronté à sa propre essence.
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Frere Francis - Par BenF
Jeune moinillon de la confrérie de St. Leibowitz, frère Francis accomplit son noviciat dans le désert lorsqu’une apparition lui fit retrouver de saintes reliques appartenant à coup sûr à son saint protecteur. La suite de l’histoire prouva la longue patience de frère Francis qui, résistant aux doutes du Père Abbé, aux sarcasmes de certains de ses frères, à la visite d’édification de « l’Advocatus diaboli » envoyé par le Vatican pour prouver l’illégitimité de la relique –une carte ou bleu de travail-, passa sa vie entière à illuminer ce document à la perfection.
Ornant de lettres magnifiques la relation du « Mécanisme de contrôle transistoriel pour élément 6-B », sans en comprendre le sens, il répondit ainsi à la vocation des frères benêts, dont il fait partie, qui ont accepté de recueillir, conserver et enrichir tous les témoignages scientifiques pouvant leur parvenir depuis le temps de la « Grande Destruction » :
« On savait d’ailleurs assez peu de choses du Bienheureux Leibowitz ; son histoire se perdait dans les brumes du passé, que venait encore obscurcir la légende. On affirmait seulement que Dieu, pour mettre à l’épreuve le genre humain, avait ordonné aux savants d’autrefois – parmi lesquels figurait le Bienheureux Leibowitz - de perfectionner certaines armes diaboliques, grâce auxquelles l’Homme, en l’espace de quelques semaines, était parvenu à détruire l’essentiel des sa civilisation, supprimant du même coup un très grand nombre de ses semblables.
C’avait été le Déluge de Flammes, qu’avaient suivi les pestes et fléaux divers, et enfin, la folie collective qui conduisit à l’Age de la Simplification. Au cours de cette dernière période, les ultimes représentants de l’humanité, saisis d’une fureur vengeresse, avaient taillé en pièces tous les politiciens, techniciens et hommes de science ; en outre, ils avaient brûlé tous les ouvrages et documents d’archives qui auraient pu permettre au genre humain de s’engager à nouveau dans les voies de la destruction scientifique.»
Cette découverte que le Vatican qualifia de miraculeuse amena la procédure de béatification de Leibowitz. A cette occasion, le timide frère Francis devenu un homme dans la force de l’âge, fut invité au saint Siège. Il put ainsi faire parvenir son document au Saint Père qui le plaça, au milieu de tous les autres, dans la bibliothèque sacrée qui, il en était sûr, révèlerait un jour tous ses secrets à une humanité alors sortie de l’obscurantisme.
Cette nouvelle – classique d’entre les classiques - postule l’idée du progrès cyclique de l’humanité. Prenant appui sur l’histoire réelle du moyen âge européen où l’église a joué le rôle de vecteur dans la transmission du savoir,W. Miller suppose un avenir post-cataclysmique où l'église pourrait encore reprendre le flambeau. La fascination exercée par ce court texte a été telle que le récit s’est étoffé en roman, puis en un cycle.
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Le narrateur, fils d’un prêtre du clan des Collines, a montré sa propension à la maîtrise en cherchant avec son père du métal dans les « Lieux Maudits ». Un rêve, riche de symbolisme, lui enjoint, pour son voyage initiatique, de franchir le grand fleuve interdit et de pénétrer dans le vaste «Domaine des Dieux. »
Se sachant condamné mais incapable d’échapper à son destin, il se met en route. Armé d’un arc et de quelques flèches pour se défendre contre les prédateurs, des chiens sauvages, il parcourt les rues de la grande cité des Dieux que l’on nomma jadis New York.
Certains immeubles encore debout, des objets et outils incompréhensibles, la découverte d’un squelette humain bien conservé au haut d’une tour où l’aventurier s’était réfugié pour la nuit, lui firent connaître en une sorte de rêve transcendant, la vie des Dieux en ces temps reculés, vie prodigieuse brusquement interrompue par la Grande Destruction, une catastrophe épouvantable :
« Quand les dieux combattent les dieux, ils utilisent des armes que nous ne connaissons pas. Il y eut du feu qui tomba du ciel, puis un brouillard qui empoisonnait. C’était le temps du Grand incendie et de la Destruction. Ils se mirent à courir dans les rues de leur cité –les pauvres dieux! Puis les tours commencèrent à s’écrouler. Quelques-uns réussirent à s’échapper – oui, quelques-uns. Les légendes le disent. Mais même lorsque la cité fut devenue un Lieu Mort, pendant plusieurs années le poison demeura sur le sol. Je vis cela arriver –je vis le dernier d’entre eux mourir. C’était l’obscurité sur la cité et je pleurai. »
En transmettant ce nouveau savoir aux siens, avec prudence, et d’abord à son père, il sut que ces Dieux étaient des hommes comme eux et qu’un jour le clan des Collines, associé à celui des Forêts, repartirait à la conquête d’un paradis perdu.
Une nouvelle attachante, ressemblante dans son traitement à celle des « Voix dans la Poussière », qui s’achève sur une lueur d’espoir par le dépassement possible de la barbarie.
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Le professeur Labro de retour d’une croisière cosmique, retrouve la Terre de 2185, fortement polluée et policée :
" D’un geste circulaire, le docteur montra le décor gris et noir, sans aucune trace de verdure, qui s’étendait au-delà de la clôture électrifiée de l’astrodrome, les colonnes de fumée sulfureuse qui montaient péniblement vers le ciel bouché. -Peut-être ne voyez-vous plus ces tas de déchets, ces carcasses d’aéro-jets pourries, ces usines abandonnées, ces ruines, toute cette lèpre… "
De tendance anarchiste, Labro, marié à Monique Rosen, vit une vie étriquée entre un beau-père tyrannique et une épouse hystérique. Son seul rayon de lumière est sa fille Françoise qu’il adore. Pour qu’elle ne se sente pas toute seule, en dépit des Mughrs, extraterrestres à la conscience étroite et serviteurs des humains, Labro lui crée un petit frère robot, Zoomby, tout en Plast-X, matière qui a la propriété d’évoluer. Avec le temps, le bébé Zoomby, deviendra un magnifique adolescent lié aux jeux de Françoise mais détesté par Monique. Labro meurt dans l’ explosion de son laboratoire au moment même où il pensait découvrir la véritable nature des " bâtonnets métalliques " rapportés lors d’une escale du vaisseau Andromède sur une planète totalement pelée, sans radioactivité, mais couverte desdits bâtonnets. Sans le savoir, le Professeur Labro a enclenché un processus irréversible qui mènera à la fin du monde.
Ces bâtonnets sont des êtres vivants, se nourrissent d’énergie radioactive. Par conséquent, partout sur Terre la radioactivité baisse ce dont les Terriens se félicitent Ils se sont aussi pris d’affection pour Zoomby, le seul être qui les a côtoyé de près lors de leur premier voyage. Une symbiose s’établit entre lui et eux, et, lors du premier rapport sexuel que Zoomby entreprend avec Françoise, toute la fantastique énergie accumulée par les plaquettes explose, rasant ce qui se trouve à la surface de la terre:
" Il s’assit sur un bloc de béton tout hérissé de barres de fer tordues et attendit. Déjà, au plus profond de lui, montaient les voix bien connues. Elles étaient joyeuses, fébriles. L’énergie les remplissait rapidement. Le grand corps invisible qui recouvrait la Terre morte attendait dans la fièvre cette immense communion, ce déferlement de puissance qui était sa façon de s’unir à son dieu cosmique. "
Zoomby reste seul de son espèce sur une terre vide jusqu’à ce qu’un astronef entièrement robotisé (de type féminin !), envoyé par les anciens colons, lui témoigne une chaleureuse affection. Il se dépêchera de suivre la robote vers sa colonie pour répandre la terrible infection à un autre monde.
Récit à l’intrigue tirée par les cheveux correspondant bien à la caractéristique adolescente de la collection " Anticipation" de l’époque. Une écriture sans recherches formelles, académiquement correcte. Se lit sans nausée mais sans enthousiasme.
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La Der Des Ders - Par BenF
La "Der des der" c’est vraiment la dernière, celle où l’humanité entière s’étripe. En un style puissant et argotique, Victor Méric, le pacifiste , nous fait part de son indignation, de son horreur , de sa douleur face à la guerre totale, celle de 1938. Ouvrage écrit en 1930, il ne se trompe que d’un an quant au déclenchement de la deuxième guerre mondiale.
Pour Méric, la " der des der " ressemble étrangement à celle de 14-18, avec ses tranchées, ses planqués, ses obus au gaz, ses " grouillots " parisiens, personnages de soldats hauts en couleur. Par une subversion totale et beaucoup de logique, il entrevoit l’usage généralisé des gaz, toutes sortes de gaz , dont l’effet est décrit scientifiquement, ainsi que le concept moderne de villes-otages, la guerre, la vraie, se déroulant à l’arrière. Les civils étant tous " mobilisés ", le front devient une zone tranquille pour les planqués de tous grades. La notion de "dissuasion", celle qui fait les beaux jours du monde d’aujourd’hui, montre déjà ses limites. D’un point de vue littéraire, le héros de Méric, soldat lui-même, se contente de décrire en mode subjectif les hallucinantes actions militaires et laisse à "l’Apôtre" son ami pacifiste et anarchiste, le soin de tirer la leçon de tout cela. Le récit est divisé en deux grandes parties.
D’abord la vue du front, la vie quotidienne des " malabars ", leurs vagues interrogations, leur plaisir de sentir que la bataille, essentiellement aérienne, se déroule au-dessus des villes. Ensuite, la vue de l’arrière bombardé avec les gaz qui traînent au ras du sol, où les abris se construisent sur les toits, où les gens meurent par millions. Puis, le temps passant, la guerre change de nature: les gradés des deux camps se sont arrangés une vie confortable au front. Celui-ci devient une vraie ville linéaire où rien ne manque, les militaires espérant avec cynisme qu’après la destruction des civils, ils pourraient enfin refaire la paix. Mais les civils ne veulent plus mourir et, devenus fous furieux, en une apothéose de boucherie, attaquent la ville du front et ses militaires. Exit tout le monde, place aux rats et aux corbeaux:
" Une fusée verte s’élance comme un jet d’eau . Ils sont signalés. Ils arrivent. Ils montent silencieusement, en troupeaux serrés, hâves, déguenillés, monstrueux, tels des bêtes malfaisantes, à l’assaut des tranchées... Et soudain, à ma droite, un crépitement rapide. Des ordres aboyés dans la nuit. Nous sommes tous sur le parapet, à plat ventre, le fusil dans les mains. Devant nous, un grouillement d’ombres. Et le canon brutal. L’artillerie se réveille. Elle va s’en donner à coeur joie après des années de silence. Un déluge de marmites passe au-dessus de nous, et l’ouragan éclate à nos pieds. Mais les bandes hurlantes, épileptiques, se précipitent à travers l’orage de fer et de feu. Rien ne paraît pouvoir les arrêter. Les fusées qui se succèdent nous découvrent des masses qui s’avancent comme des murs vivants. La mitraille fait rage contre ces tas de fourmis inépuisables. Les obus creusent de larges trous aussitôt comblés. Et ils avancent. Ils sont à cin mètres du parapet. Feu! Feu! Des cris, des imprécations, des hurlements de fureur couvrent le fracas des explosions. Par instants la masse semble reculer ou hésiter, puis, comme un flot impétueux, elle reprend sa course à la mort. Feu! Les mitrailleuses chantent. Dans le ciel, quelques avions ronronnent - les derniers, les survivants, et ils laissent pleuvoir des grappes de bombes.
Alerte! Sur notre gauche, des forcenés sont accrochés au parapet. Les soldats, debout, piquent dans le tas, de leurs baïonnettes. Il y a de tout, dans ce troupeau d’enragés, qui ne sentent plus la douleur et qui se jettent au cou de la mort, comme en extase; de tout, des femmes demi - nues, des vieillards décharnés, dont la barbe crasseuse flotte au vent, des êtres farouches aux mâchoires serrées, armés de bâtons de sabres, de couteaux. C’est une ruée de Mardi-Gras divagante. Et un cri formidable , un cri qui s’exhale de toutes ces poitrines parmi les râles et les appels, au-dessus du charivari des balles et des obus un cri qui domine tous les cris - la Paix!... la Paix!...Ils veulent la paix; ils la demandent avec de l’écume à la bouche et du feu dans les yeux. La Paix! La Paix! Et ils ont bien compris que pour avoir la paix, il leur fallait nettoyer le front, nettoyer les embusqués, nettoyer les militaires -La Paix!... La Paix!...
Ils montent toujours. Leurs ongles s’accrochent au talus, leurs doigts craquent. Ils grimpent les uns sur les autres, s’écrasent, tombent, se relèvent, bondissent. Les voici sur nous. Ce ne sont plus des hommes. Ce sont des bêtes puantes, venimeuses, qui ne rêvent que de mordre, déchirer, broyer... L’un d’eux a saisi ma baïonnette avec ses dents. Je pousse : Floc! L’homme tombe. Un autre surgit. Je ne sais quelle frénésie s’empare de moi. Je pique, sans arrêt, presque avec joie. Tue! tue! Enfin, la voilà la guerre, la vraie, la bonne, la sainte guerre!
Des heures, des heures de ce combat furieux dans le noir! Nous sommes harassés, éclaboussés de sang, en proie au vertige. Et plus nous tuons, plus ils reviennent nombreux. C’est à croire que ce sont toujours les mêmes, qu’ils ne tombent que pour se relever j’ai l’impression que nous nous battons contre des fantômes. On vient de nous expédier du renfort. On nous donne l’ordre de nous retirer en arrière vers les deuxièmes lignes. Mais nous voulons voir, entendre, savourer ce massacre Nous tremblons de rage et de fatigue. Est-ce qu’on ne va pas se décider à les anéantir d’un seul coup, à les enfumer, les empoisonner, les asphyxier comme de la vermine abjecte?
C’est toute la France, notre belle France qui est là, la France des villes et des campagnes une houle de haine sauvage! La France, les nôtres, nos frères, des hommes et des femmes de chez nous. Cela a duré jusqu’au matin. Mais à l’aube, dans un dernier sursaut, ils ont réussi à se hisser sur le parapet. Le combat s’est poursuivi dans des corps à corps répugnants. Il n’y a pas que des cadavres de civils sur le parapet et dans la tranchée. Des soldats gisent sur le sol à côté des autres, dans un pêle-mêle fraternel. On les a tout de même repoussés. Avec la clarté du matin, la peur est venue les abattre. Ils ont couru pris de panique, poursuivis par les dernières décharges, bondissant au-dessus des obus... Ils ont fui, mais sur des kilomètres; en largeur, en profondeur, on ne voit plus que des débris d’os et de chair, des cadavres recroquevillés, pliés en deux, entassés les uns sur les autres. On a tué, tué. Une odeur suffocante monte de ce charnier. "
Dans cette oeuvre puissante et méconnue, l’horreur des descriptions, au long de ses deux cent trente pages, équivaut à celle de Dorgelès ou de Malaparte. La justification de la guerre est niée, son abomination débusquée avec un désespoir tenace. Il n’y a pas d’histoire d’amour dans ce roman, seule la mise en évidence de la fraternité obligée des combattants condamnés d’avance. A rééditer.
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La Ville Disparue - Par BenF
" Mais un jour l’océan se mit à remuer ;
Doucement, sans courroux, du côté de la ville
Il rongea les rochers et les dunes, tranquille,
Sans tumulte, sans chocs, sans efforts haletants,
Comme un grave ouvrier qui sait qu’il a le temps ;
Et lentement, ainsi qu’un mineur solitaire,
L’eau jamais immobile avançait sur la terre (…)
Et tout s’évanouit ; rien ne resta que l’onde.
Maintenant on ne voit au loin que l’eau profonde
Par les vents remuée et seule sous les cieux.
Tel est l’ébranlement des flots mystérieux. "
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Le Deluge De Feu - Par BenF
Une comète rouge apparaît dans la constellation du Drapeau, se dirigeant vers le soleil qu’elle percutera. L’information en est transmise au monde par l’observatoire de l’Himalaya. Le professeur Barret envisage le pire car la chute de la comète dans le soleil pourrait dramatiquement modifier la température et menacer la terre en détruisant toute vie organisée. Les scientifiques se réfugient dans les caves et souterrains de l’Ecole de Physique tout en prévenant les peuples qu’ils auraient à assurer leur survie et prévoir des refuges ainsi que des vêtements adaptés à la situation. Un scepticisme universel accueillera ces paroles.
Lors de la date de la collision, le 12 décembre, le soleil brillant d’abord au-dessus du continent américain, des nouvelles alarmantes proviennent des USA : toutes les villes américaines sont en proie à une tempête de feu qui gagne inexorablement. En Europe, les préparatifs fébriles de la nuit cessent dès le matin, avec l’augmentation infernale de la température. Le soir d’avant, le soleil avait décuplé son volume et une immense aurore boréale brillait dans le ciel terrestre. La comète, au centre du soleil, s’était transformée en une bombe de gaz enflammé qui, par une explosion colossale, projeta des jets de flammes sur toute l’étendue du système solaire.
Partout, dans le monde, les signes de la folie des hommes se multiplièrent. A 3 heures du matin, des jets de flammes immenses illuminaient le ciel ; à huit heures, Paris s’embrase; à 11 heures notre capitale :
« n’était plus qu’un lac de feu, au-dessus duquel, semblables à de gigantesques torches, flambaient les charpentes des églises et des clochers. Seule, devant cette épouvantable catastrophe, l’Arc de triomphe et la Tour Eiffel demeuraient encore debout.
Des milliards d’êtres humains qui peuplaient la veille la surface de la terre, il ne restait plus que quelques familles, enfouies dans un souterrain de Sèvres, et qui repeupleraient la terre après ce déluge de feu , comme la famille de Noé selon le récit biblique, l’avait fait jadis, après le déluge d’eau. »
Cette courte nouvelle fut traduite et condensée, de l’avis même de son auteur, à partir d’un texte conjectural du savant américain, Simon Newcomb.
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