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Livres
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Les Derniers Hommes - Par BenF
«Les Oulahmrs fuyaient dans la nuit noire..», pardon, ce n’est pas «la Guerre du feu», mais ça y ressemble à s’y méprendre.
Sauf que là, le monde court à sa fin. Le soleil se refroidit. Une vague glaciaire intense descend des pôles semant la mort et la destruction. D’innombrables générations d’hommes ont essayé d’enrayer le processus. Rien n’y a fait, ni l’idée de s’enterrer pour profiter de la chaleur du sol, ni les repliements sur des zones plus chaudes.
Peu à peu les nations se sont effondrées, les communications interrompues, le village planétaire s’est réduit à une communauté de tribus néo-féodales. Encore plus en avant dans l’involution, ne subsistent que des tribus affamées et hagardes chassées par le froid vers un mythique équateur :
" Réduits à quelques milliers de tribus à peine, séparés les uns des autres par des distances considérables, dispersés sur l’immensité de la terre, sans ressources, sans aucun moyen d’action sur la matière, dépossédés de leur antique puissance, traqués par des froids mortels, les derniers fils des hommes, semblables aux nomades des premiers âges, erraient misérables, à travers les savanes glacées, luttant sans trêve contre l’effondrement de leur race. "
Leur chef Koundour, Ounrouch le géant, et Khem l’avisé, sont les trois meneurs de l’une de ces tribus. Fuyant dans la grande plaine blanche, poursuivant un gibier rare, ils vont sans espoir. Ayant perdu la mémoire de leur grandeur passée, il n’existe en eux que le seul désir de survivre, de se protéger du froid:
" Leur intelligence sombrait au milieu de la tourmente qui les assaillait de toutes parts... Perdus à la surface des immensités terrestres, rejetés brutalement par leur destin vers cette glèbe d’où ils étaient issus et dont ils avaient réussi à s’affranchir depuis des millénaires, ils étaient retombés aux jours sombres de la préhistoire... Dominés par les éléments qu’ils avaient vaincus autrefois, esclaves du froid, de la faim et des maladies, ils reprenaient le masque farouche des ancêtres quaternaires, à peine différents de la brute. "
Même le désir sexuel est annihilé. Le vieux Ghoûn conserve jalousement les silex du feu, qui est leur seule chance de survie . S’engageant le long des méandres glacés d’un grand fleuve, ils trouvent un refuge provisoire sous terre, dans une ancienne cité mécanisée, mais le froid les en chasse. Ils arrivent enfin en des terres plus hospitalières, où l’eau est liquide, la température douce, le gibier abondant. Ils s’y établissent. Avec la diminution de la pression vitale, le groupe commence à se déliter, des ambitions se font jour:
" Une haine subite s’était levée dans le coeur des deux frères contre Koundour, chef de la horde, à cause de sa force et de son autorité, et qui, le cas échéant, se dresserait pour défendre sa fille; contre Khem, dont ils redoutaient la puissance mystérieuse, surtout depuis qu’il possédait Zyl; contre Ounrouch le colosse, le compagnon préféré d’Amra, fille de Hor. Peu à peu, l’idée d’un massacre se précisa dans leur esprit borné, lent à comprendre, incapable de réagir contre des instincts de brutalité millénaires. "
L’ennemi par excellence, l’étranger, les ressoude dans une même haine. D’affreux petits bonhommes de type asiate, sanguinaires et violents, envahissent leur vallée, désireux de s’approprier les nouveaux terrains de chasse des nomades blancs:
"C’étaient des hommes de race asiatique, trapus, à la peau jaune et aux jambes courtes. Leurs petits yeux mobiles enfoncés sous le front, leur visage plat aux pommettes saillantes et aux fortes mâchoires, leurs longs cheveux épais et huileux, leur donnaient un aspect repoussant. (...) Mais leur haine à l’égard des nomades blancs était telle qu’ils se seraient jetés sur eux sans motif, avec la même fureur, obéissant aveuglément à des sentiments d’atavisme sanguinaire qui avaient provoqué durant des siècles des massacres incessants entre les peuples d’Orient et d’Occident. D’une férocité inouïe, ils ne reculaient jamais devant un ennemi, n’épargnaient aucun blessé et mutilaient atrocement même les cadavres de ceux qu’ils avaient abattus. "
La tribu de Khem sort vainqueur de l’affrontement, non sans que Koundour, le chef, ait péri et que Ounrouch agonise.
Khem reprend le commandement de la tribu, aux individus de moins en moins nombreux. Cela n’empêchera pas les jaloux et envieux de convoiter sa place, car même au bord de la tombe la nature de l’homme ne s’est pas modifiée. Khem méprise ses adversaires mais sent qu’il lui faudra partir avec ses amis s’il souhaite rester en vie, car il se fait vieux.
Un grand froid progresse dans la vallée. Seul Khem se rend compte qu’il s’agit d’une situation définitive. Une nuit, à l’insu de ses opposants, il rassemble sa petite troupe et reprend sa trajectoire vers le sud, vers d’autres terres chaudes, abandonnant les autres, au froid, à la peur, à la nuit. Une progression chaotique les emmène dans un paysage tourmenté au bord du plateau continental atlantique, ravin prodigieux disparaissant dans le lointain en vallées déchiquetées:
" Khem avait, sans s’en douter, modifié légèrement et insensiblement l’orientation de sa marche à travers l’immensité des solitudes. Après avoir dépassé l’équateur, il était parvenu aux confins sud-ouest de l’Afrique australe, atteignant bientôt les anciennes côtes de l’Atlantique, dont les eaux avaient baissé considérablement depuis des siècles et s’étaient résorbées définitivement en un chaos colossal de glaces éternelles. De gigantesques vallées marines étaient apparues à plusieurs kilomètres au - dessous du niveau des vieux continents, abysses insondables des mers préhistoriques, devant lesquels les nomades venaient de reculer avec terreur. "
Khem sent que la fin de tout est proche. Plusieurs de ses amis meurent de froid. Une nuit, il perçoit dans le noir les pas furtifs de trois de ses adversaires, les seuls survivants du groupe délaissé, qui ont réussi à le retrouver. Il sait que nulle échappatoire n’est possible et que la lutte à mort doit fatalement se déclencher. Une bataille se déroule, brève, incisive, atroce, où les seuls survivants de l’espèce humaine s’entretuent, leurs cadavres se recouvrant progressivement de la neige dans un monde déjà mort:
" Alors il se mit à ramper vers Khem, déjà raidi par la mort, lui cracha au visage en râlant et, du bout de sa pique, poignarda le cadavre. Puis, comme il levait le bras une deuxième fois, la mort le saisit brusquement et ses deux mains retombèrent inertes, dans ce dernier geste de haine, symbole abominable de l’histoire de toute sa race... La neige continuait de tomber en masses pesantes pétrifiées par la gel, et recouvrait peu à peu d’un véritable linceul de marbre blanc le tombeau des derniers fils des hommes. "
Une oeuvre d’un pessimisme absolu où la mort de la terre répond en écho à la mort de l’espèce humaine. Une espèce haïssable, qui manifestement n’avait aucun droit à la pérennité, tant sa stupidité, son agressivité, son intransigeance ont précipité la catastrophe.
L’ensemble du récit baigne dans une atmosphère sombre, farouche où les hommes sans pitié sont plus proches de l’animal que de l’humain. Aucune lueur d’espoir, aucun sentiment positif, aucune action désintéressée ne soulève ce couvercle de plomb: tout geste y est dicté par la seule nécessité de la survie individuelle. Se démarquant à peine du roman de Charles de l’Andelyn " les Derniers jours de la terre ", le roman de Poueydebat se situe dans la voie la plus noire du roman-catastrophe. Une dernière question reste en suspens : un récit relaté par quel témoin et pour qui?
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La famille Bennewitz composée du jeune narrateur (13 ans), de sa soeur Judith (15 ans), de sa petite soeur Kersten (5ans), de papa et de maman, partent en vacances chez leurs grands-parents, à Schewenborn, un charmant village, proche de la forêt du Fleyenhang, non loin de la ville et de la rivière Fulda, proche de la frontière de la RDA. Ils n'arriveront jamais à destination comme ils l'ont imaginé. Une bombe nucléaire explose sur Fulda et sa région et leur univers bascule immédiatement dans l'indicible. Après le flash lumineux, auquel ils échappent, la tempête soudaine les bascule dans le fossé comme les arbres autour d'eux. Choqués, ils reprennent leur route à pieds jusqu'à Schewenborn, dont la majorité des maisons brûle. Les grands-parents qui avaient fait un saut un Fulda ce jour-là, ne reviendront plus. La famille s'installe donc dans leur maison encore intacte, quoique branlante, et regardent avec horreur les gens brûlés qui titubent dans les rues:
"Je suis montée sur une colline qui domine Fulda. il n'y avait plus qu'un vaste espace noir, ondulé. Plus un arbre, plus une maison, seulement de place en place comme des traces de socles en béton, brisés. (...) J'ai rencontré des gens de Kämmerzell. Ils étaient dans un état effroyable: brûlés, mutilés, aveugles. Ils descendent la vallée de la Fulda. Ils cherchent des médecins et des endroits où ils pourraient faire panser leurs plaies, se procurer de la nourriture et des abris. Ils se traînent le long des rives de la Fulda, car les villages de la vallée, mais aussi les forêts, brûlent. les routes sont barrées par des arbres renversés, par des lampadaires; elles sont rendues impraticables par des amas de décombres (...) Beaucoup d'entre eux étaient nus. "Ca" leur a brûlé les habits directement sur le corps. Les prairies, sur les rives de la Fulda, sont couvertes de cadavres: dans les buissons qui bordent la rivière, dans les roseaux, sur les prés, des cadavres sans peau, des cadavres calcinés. Et sur les prés, partout, des cadavres de vaches."
Attendant des secours qui jamais n'arriveront, ils s'organisent. Alors que le père calfeutre la maison et la consolide, attentif aux retombées radioactives, la mère, obsédée, n'a qu'un unique désir, celui de renter chez elle à Bonames, un quartier de Francfort, bien que tout semble avoir été soufflé, là aussi. Il faut qu'ils survivent pourtant, de n'importe quelle façon. A côté des morts, des disparus, des pilleurs désespérés et en provenance du voisinage, avec une hygiène douteuse et des vivres en baisse, le jeune narrateur visite l'hôpital du village, devenu une succursale de l'enfer:
"Je franchis la porte d'entrée. Ce que je vis était horrible et pourtant je ne pus détourner les yeux. je vis une femme au visage brûlé et complètement enflé; ses cheveux étaient grillés; une de ses oreilles n'était plus qu'un minuscule bout de chair rouge.(...) A côté de cette victime, il y avait une fille, à peu près de l'âge de Judith. Elle avait déjà un peu de poitrine. Elle n'avait plus sur elle, que son jean, rien d'autre; et il était brûlé et troué en plusieurs endroits. Ses jambes étaient écorchées, le pantalon collait à cette chair à vif. A un endroit, on apercevait l'os."
Là, débordés, l'unique médecin et quelques infirmières improvisées, essaient de soulager une population condamnée qui présente tous les signes de l'empoisonnement radioactif: vomissements, brûlures profondes, anémie, taches corporelles... II les aidera en apportant de l'eau aux malades et en participant aux enfouissements des cadavres. La mort a déjà pris une dimension coutumière. Avec l'hiver qui s'approche, il est impératif de faire des provisions de bois et de nourriture, malgré les pillards de plus en plus nombreux. Le père et le fils marchent du matin au soir, rapportant surtout des sacs de charbon encore disponibles sur un ancien site industriel.
A l'hôpital, le narrateur a rencontré deux enfants, Silke et Jens, son jeune fère. Il les adopte, ce qui permet à sa mère de trouver un dérivatif à la misère ambiante. Hélas! la jeune Silke meurt très vite et Jens restera au sein de la famille. Mais voilà que Judith tombe malade à son tour. Ses cheveux s'arrachent par poignées, elle se sait condamnée:
"Le soir où ma mère se leva pour la première fois, Judith, elle, se coucha. Elle avait une forte fièvre. Son blue-jean tenait à peine à ses hanches. Elle ne voulut plus rien manger, seulement boire. Mais, de jour en jour,elle eut de plus en plus de mal à avaler. Une fois, le foulard glissa de sa tête: en la voyant ainsi, je poussai un cri: elle n'avait plus un seul cheveu (...) Son corps changea de teinte, se couvrit de taches; puis elle mourut, sans bruit, sans une plainte. Elle s'en alla, tout simplement."
Deux semaines après la Bombe apparaissent les premiers signes d'une épidémie de typhus:
"Ceux qui étaient restés en ville n'osaient plus sortir de chez eux, par peur de la contagion. Chaque poignée de porte, chaque balustrade pouvait porter des germes. Toute personne que l'on rencontrait pouvait représenter un terrible danger. Pendant des jours, la ville fut comme morte, bien qu'il y eût alors deux fois plus de monde qu'avant l'explosion"
La contagion fait le vide autour d'eux. Ne pouvant s'en préserver totalement, ils évitent au moins de se contaminer, en buvant l'eau chlorée de la piscine. Mais la famine se fait sentir davantage et hormis quelques pommes grappillées sur les arbres voisins, le butin est bien maigre:
"Les fermes s'étaient effondrées ou avaient brûlé. Les granges et la hangars avaient été comme soufflés. Et partout, encore, régnait une odeur de cendres. On ne voyait pratiquement personne. Les survivants qui n'étaient pas partis s'étaient installés dans les ruines. Les prés étaient jonchés de cadavres d'animaux, dont certains n'étaient déjà plus que des squelettes; aucun corbeau dans le ciel, pourtant. Sur les flancs des collines alors boisées, l'onde de choc avait brisé les pins comme des allumettes. un peu partout, des arbres s'étaient abattus sur les routes et celles-ci n'avaient pas encore été dégagées."
Le narrateur est frappé à son tour par la maladie mais résiste en recouvrant la santé alors que sa petite soeur Kersten en meurt. Sa mère, à moitié folle, se rabat sur Jens. Les gens changent profondément. Chacun préoccupé par sa propre survie ferme sa porte aux autres. Le père et le fils, sillonnant toute la région pour trouver à manger font l'expérience de l'égoïsme et s'aperçoivent que les réalités politiques, tellement importantes jadis, ne sont plus que du vent. A plusieurs reprises, il leur arrive de franchir sans le savoir la ligne de démarcation séparant la RDA de l'Allemagne de l'Ouest. Or, les conditions sont identiques d'un côté comme de l'autre et aucun militaire ne leur en interdit plus le passage.
Avec l'hiver qui approche, les vols se font de plus en plus nombreux. Bien que la saison ne soit pas trop rigoureuse, les gens, affaiblis, tombent comme des mouches, laissant des enfants orphelins, marqués, mendiants, qui survivent comme ils le peuvent, en chapardant de ci de là. L'assassinat d'une adolescente meneuse par un "nanti" déclenche l'hostilité générale contre les adultes. Des inscriptions telles que "Salauds de parents" fleurissent sur les murs:
"Fumiers! lui cria le garçon qui n'avait plus de jambes. C'est à cause de vous que la bombe est tombée! Vous vous en fichiez de ce qui risquait d'arriver à vos enfants. La seule chose qui vous intéressait, c'était votre petit confort. Maintenant, ça y est, hein! vous êtes contents? Mais nous, nous payons les pots cassés. J'espère que vous allez tous crever!"
Andréas, un jeune mutilé, affamé, désespéré demande au narrateur de l'aider à se suicider. Celui-ci accepte et enterre son corps dans une ravine, la terre gelée lui interdisant de creuser. En janvier, la famine est telle que les gens perdent la raison. La mère, qui se découvre enceinte, veut absolument rentrer à Francfort. Elle entraîne son mari, Jens et son jeune fils dans l'aventure:
"Mon père avait attaché les deux valises et nos sacs de couchage sur la remorque de la bicyclette et, sur le porte-bagages, il avait fixé un sac de voyage plein à craquer. Nous portâmes, lui et moi, des sacs à dos remplis de pommes de terre, de pommes, de champignons, de carottes et de navets. Je poussai le vélo; lui, la voiture d'enfant dans laquelle Jens était assis. Celui-ci ne tarda pas à geindre, car on avait posé, en plus, en travers de ses jambes, une petite valise emplie de layettes."
Lorsqu'elle aura constaté de ses propres yeux que Bonames n'est plus que cendres, le retour vers Schewenborn constituera un calvaire pour toute la famille. La neige freine chaque pas, les poux et les puces les assaillent dans les étables, Jens, pris de fièvre, meurt brutalement durant le trajet. De retour au village, ils seront jetés hors de leur maison, occupée maintenant par une voisine, Mme Kammer, et des inconnus. La mère accouchera difficilement, au milieu des ordures, dans une des caves du château, démunie de tout. Elle donnera naissance à une petite fille mal formée que le père sera obligé d'euthanasier:
"Je restai pétrifié. je ne pus même pas crier. Je demeurai paralysé. Ma petite soeur Jessica-Marthe n'avait pas d'yeux. Là où ils auraient dû être, il n'y avait que de la peau, simplement de la peau. Il y avait seulement un nez et une bouche qui explorait ma poitrine en cherchant à téter. L'horreur me glaça, au point que je ne pus même pas remettre le coussin correctement, quand le bébé se dénuda en gigotant. Elle était couchée là, contre moi, nue et couverte de sang; je vis alors qu'elle n'avait que deux moignons à la place des bras."
La mère, folle de douleur, meurt à son tour. Seuls, traversant la tourmente, subsistent le père et son fils.
Quatre ans après l'événement, ils ont récupéré leur maison, car les gens continuent de mourir peu à peu. La vie sociale a régressé vers un curieux moyen âge. L'argent n'a plus cours. Seul le troc permet des échanges laborieux. Le froid, la faim, la multiplication des insectes, la dénutrition font que les survivants s'accommodent d'un état de pauvreté insigne, semblable à celui d'un pays du Tiers Monde:
"La plupart des Schewenbornois qui avaient survécu au jour de la bombe, décédèrent au cours des deux premiers hivers qui suivirent la catastrophe. C'est surtout le deuxième qui fit le plus grand nombre de victimes. Ce fut une saison particulièrement éprouvante. Les gens moururent de froid et de faim. Celui qui, en été, n'avait pas amassé assez de bois dans les forêts, celui qui ne possédait plus assez de vêtements chauds, celui qui tombait malade et n'avait personne pour surveiller nuit et jour son feu, celui-là mourait de froid. Celui qui n'avait pas constitué des réserves de nourriture mourait de faim (...) La nature, le paysage, ne se couvrit pas d'un manteau vert, mais d'une végétation chétive, d'un jaune sulfureux. le sapins perdirent leurs aiguilles; de nombreux arbres n'eurent pas de feuilles. Seules les mauvaises herbes les plus tenaces résistèrent."
Fidèles à leurs valeurs, le père et le fils ont ouvert une école pour combattre l'analphabétisme mais sans illusion: tous les jours les rangs des enfants se creusent et les rats, qui se développent, les empêchent de travailler:
"Il n'y a que les rats qui nous posent vraiment des problèmes. Il y en a des milliers dans le château. Ils courent entre les jambes des élèves. A Schewenborn, tout le monde se plaint de cette invasion; il est vrai qu'il n'y a plus de chats. Dans les rues, on les voit courir dans tous les sens. Il y en a de plus en plus et ils sont de plus en plus gras, de moins en moins craintifs. Ils ont même survécu à la famine du deuxième hiver, quand les Schewenbornois se mirent à en manger pour survivre. C'est dans ces conditions qu'il faut essayer de faire la classe: les enfants lèvent sans cesse les jambes, de peur d'être mordus, depuis qu'une petite fille de sept ans l'a été à un orteil."
De plus en plus, ils surprennent les regards de haine que leur lancent les enfants qui les rendent responsables de leur misère, les derniers enfants de Schewenborn.
Gudrun Pausewang a signé un récit sans concessions. Excluant délibérément les causes de la guerre, les implications géopolitiques de la Bombe, elle s'est exclusivement concentrée sur les effets individuels et sociaux de la guerre nucléaire, accentuant l'horreur en prenant comme personnages principaux de son récit des enfants. L'inscrivant dans un réalisme effrayant, elle espère, à travers une pédagogie de la douleur, éduquer son jeune public à la détestation de la guerre et le gagner au sentiment écologique. Le réalisme dans la description , qui n'est pourtant que la stricte application des conséquences du mal radioactif, n'a pas plu à tout le monde. Ainsi a-t-elle été prise à partie par des responsables politiques qui n'aiment pas que l'on connaisse l'évidence, comme l'a été , en sont temps le film de Peter Watkins, "la Bombe", censuré en France pour les mêmes raisons. "Les derniers enfants de Schewenborn" est donc encore, à ce jour, un récit conjectural dont la lecture est hautement recommandée pour qui désire connaître les désastreuses conséquences d'un mauvais usage de l'atome.
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Hell Tanner n’a pas le choix : le maire de L.A. l’envoie livrer des médicaments à Boston en proie à une épidémie de peste, ou à retourner se morfondre en prison. Hell Tanner, l’un des derniers anges de l’enfer, accepte la mission. Le monde a beaucoup changé depuis la troisième guerre nucléaire mondiale. Les Etats-Unis n’existent plus ou du moins n’y subsistent que quelques enclaves civilisées comme la Californie ou la région de Boston. Le reste du pays s’est transformé en désert radioactif parsemé de cratères, parcouru par des formes animales mutantes et monstrueuses. L’atmosphère elle-même charrie sans arrêt quantité d’objets hétéroclites que des tornades géantes projettent à haute altitude puis font retomber au sol :
« Un avion n’aurait pas pu passer. Depuis la guerre, aucun avion ne s’aventurait à plus de quelques dizaines de mètres : au-delà, il y avait les vents, ces cyclones déchaînés qui tournaient inlassablement autour du globe, arrachant la cime des montagnes et le faîte des séquoias géants, faisant s’écrouler les gratte-ciel, happant dans leur maelstrom tout ce qui arrivait à leur portée, oiseaux égarés, chauves-souris géantes, insectes monstrueux. Les Vents charriaient à travers le ciel un gigantesque enchevêtrement de débris et de détritus de toutes origines. Parfois, ils entraient en collision, fusionnaient, et quand la masse qu’ils formaient était trop importante, ils déversaient sur la terre des tonnes d’ordures. »
Enfin, ce monde effrayant l’est encore d’avantage à cause des « mauvais garçons » (d’autres « anges »), des gens sans foi ni loi, des désespérés, des psychopathes, voire des cannibales qui y prospèrent ou y végètent.
Quant à l’Europe, les communications ayant été définitivement interrompues avec ce continent, on ne sait même plus s’il existe. C’est pourquoi, traverser le vaste territoire américain est une entreprise si risquée que personne ne s’y frotte… sauf le condamné Hell Tanner. On multiplie ses chances de survie on le dotant d’un véhicule extraordinaire, un bolide muni de fortes armes défensives, telles que des mitrailleuses, des lance-flammes, des ailes latérales coupantes et un stock impressionnant de grenades de toutes sortes.
Parti en compagnie de deux autres voitures (d’autres volontaires recrutés par les policiers qui acceptent de le surveiller), Tanner se retrouve rapidement seul en lice avec Greg, un co-pilote qu’il a récupéré de l’une des deux voitures suiveuses. Celles-ci n’ont pas suivi longtemps puisque l’une d’entre elles a été broyée par la patte d’un gila géant et que l’autre s’est envolée sur les ailes d’une tornade assassine.
Pour tenir le coup, notre mauvais garçon se bourre d’amphétamines. Sa science de la conduite lui permet d’éviter les nombreux pièges de la route tels que cratères et crevasses, attaques de chauves-souris géantes ou averses meurtrières. Peu à peu, les rapports entre Greg et Hell se détériorent. Alors que plus de la moitié du chemin a déjà été parcouru, Greg, qui prend peur, désire retourner à L.A. Pour Hell, il n’en est pas question. S’étant piqué au jeu, il souhaite livrer ces médicaments à Boston, acte qui le sauverait à ses propres yeux. :
« C’était la première fois qu’on lui demandait de faire quelque chose de vraiment important, et il espérait bien que ce serait aussi la dernière. Soudain, la certitude qu’il n’y arriverait pas le submergea. Il le voulait pourtant, de toutes ses forces. Autour de lui s’étendait l’Enfer : de la fumée, des flammes, des séismes imprévisibles. S’il n’arrivait pas à en réchapper , la moitié de l’humanité périrait, et il y aurait deux fois plus de chances pour que le reste du monde se transforme en un vaste Enfer semblable à celui-ci. Ses mains se crispèrent sur le volant, ses jointures blanchirent, et les lettres tatouées sur ses phalanges se détachèrent avec une netteté particulière. « H-E-L-L » : l’Enfer, c’était bien ça.»
Parfois, une rencontre sympathique lui remonte le moral et lui permet de survivre, comme celle avec cette famille de paysans de Denver, qui libèrent sa voiture embourbée et lui permettent de prendre quelque repos. C’est aux abords de Boston, alors que l’arrivée devrait y être facile, qu’il rencontre son pire obstacle : un gang de motards qui ont juré sa perte. Le prenant pour une proie facile, ils comptent le dépouiller mais ils ne savent pas à qui ils ont affaire.
Hell se débarrasse de ses poursuivants d’autant plus facilement qu’il connaît leur psychologie ; il les grille au lance-flammes, leur tend des pièges, les élimine les uns après les autres. Sa voiture, rendue inutilisable à une centaine de kilomètres de la ville sera remplacée par une puissante moto qui fera une entrée triomphale… et qui sera aussitôt entourée par les forces municipales lesquelles le prennent pour un trublion. Tanner, avant de s’évanouir, parvient à leur expliquer sa mission. Voilà pourquoi, aujourd’hui encore, la statue d’un homme-guerrier qui chevauche sa puissante moto, veille sur la ville de Boston :
« La statue – celle d’un Ange monumental chevauchant une énorme Harley de bronze – fut néanmoins inaugurée à l’heure prévue. On effaça pieusement les graffiti, pour la postérité qu’on espérait - sans trop y croire. Les vents furieux qui balayent les Communs s’y brisent toujours, et le ciel continue à déverser ses flots d’immondices. »
Une intrigue linéaire, un personnage exceptionnel qui gagne sa rédemption en devenant un saint, une morale humaniste permanente, servent de soubassement à ce roman d’aventures post-cataclysmique enlevé et original. Un beau récit d’un maître américain du genre.
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Les Cuirasses De Terre - Par BenF
Debout sur une hauteur avec vue sur les tranchées adverses, le journaliste, narrateur et observateur des événements, attendait l’assaut imminent. Dans cette guerre de position les deux armées se font face, en une succession de tranchées imprenables, aussi incapables l’une que l’autre de remporter la victoire sur le terrain. Cette immobilité fut soudain rompue, à la grande surprise de l’observateur, par l’apparition des « cuirassés de terre », énormes engins blindés et meurtriers, à roues et pistons multiples qui, comme des insectes caparaçonnés à pattes multiples, s’accrochaient au terrain, débordant les différentes tranchées avec une grande sûreté :
« Sous la pâleur tremblotante des rayons de lumière, l’insolite engin donnait l’impression d’un insecte de la taille d’un croiseur cuirassé, qui s’avançait en rampant obliquement vers la première ligne des tranchées, et envoyait des bordées par les sabords pratiqués dans sa carapace. Et, sur sa carcasse, les balles crépitaient avec un acharnement et un vacarme pires que ceux de la grêle sur un toit de zinc. »
Semant la mort autour d’eux avec des mitrailleuses dotées d’une visée infaillible, servis par des soldats techniciens mais sans imagination, dont la mort des autres ne représentait qu’un aspect de leur travail, se moquant des obus qui s’écrasaient sur le lourd blindage, les cuirassés, en petit nombre, se voulaient les instruments de la victoire. Le journaliste s’étant retiré loin des monstres vit à quel point la mécanique sans âme cassa la dernière charge d’une cavalerie à cheval, courageuse, fière mais fragile :
« Un mois auparavant, il avait assisté au départ de ce régiment dans toute sa gloire, on lui avait raconté ses terribles prouesses, comment il pouvait charger de front, chaque homme couché sur sa selle et tirant, et comment il balayait devant lui tout ce qui se présentait pour lui faire obstacle, infanterie et cavalerie, sous toutes leurs formations. Et ces centaures avaient eu à combattre quelques vingtaines de jeunes gens embusqués dans des machines odieusement inattaquables. – L’humanité contre la mécanique, - pensa le correspondant. »
Ainsi sonnait le glas de la guerre traditionnelle qui basculait dans « la guerre de demain », celle qui verra s’affronter plus tard drones et avions furtifs.
Une nouvelle visionnaire de Wells qui, comme Robida, détaille les engins de mort qui seront utilisés sur les nouveaux champ de bataille de 14-18.
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Les Creatures - Par BenF
Sasha se trouve chez lui avec Maria lorsque la radio annonce un cataclysme écologique majeur : dans un site nucléaire en Biélorussie, une usine chimique a explosé, entraînant au-dessus de l’Europe un immense nuage délétère.
Le lendemain, une pluie verte se met à tomber, qui fait «fondre » objets et êtres vivants, y compris Maria qui s’était imprudemment découverte. Sasha reste seul dans un monde bouleversé où ne subsistent plus que des épaves de voitures et des carcasses rongées par l’acide. Du moins jusqu ‘à la rencontre avec la petite Maria (même nom que son ancienne amie) qu’il prend en affection. Leur liberté sera de courte durée : poursuivis par une horde de rats, ils tombent entre les mains des « Créatures », sortes d’amazones vertes et terribles d’aspect, toutes semblables, suprêmement belles et sans pitié.
Capturés, Sasha et Maria rejoignent d’autres malheureux que ces créatures démoniaques ont rassemblés en une espèce de camp de concentration. Sasha fera la connaissance de Lili –avec qui il aura une aventure- et de son père, un philosophe sentencieux, du gros Roger, l’éternel humilié, du «Gynécologue », sans illusion sur la nature humaine, et ceux qui formeront le clan opposé, Odette et son mari, égoïstes et méchants, qui pensent avant tout à leur propre survie.
Les Créatures utiliseront ce pitoyable résidu humain dans le but d’extraire des pierres d’une carrière, sans se soucier des besoins de leurs esclaves. Pour survivre, ils seront cependant autorisés à boire une sorte d’eau sulfureuse, qui , tout en les nourrissant, les détruira de l’intérieur : beaucoup d’entre eux vomiront du sang après quelque temps de ce régime. A l’entrée du camp, les femmes et les enfants (y compris Maria) seront séparés des hommes. Tout le monde s’interroge sur la nature des Créatures et leur but. Tout se passe comme si les faits décrits dans l’Apocalypse de Jean étaient venus à se réaliser.
A l’intérieur de cet enfer, qui ressemble beaucoup à celui des nazis, les hommes survivront ou mourront en fonction de leurs aptitudes. Bien des morts plus tard, les pierres extraites de la carrière serviront à édifier une sorte de château, futur siège de la reine des amazones. Cependant, s’apercevant que le cheptel s’amenuise, les Créatures permettront certains soins à l’aide de médicaments qu’elles rapportent des ruines.
Sasha sait que la situation est sans espoir. Pourtant, s’il veut survivre, il lui reste à jouer sa dernière carte : il pense avoir gagné la confiance d’une amazone qui, pour des raisons incompréhensibles, semble l’avoir pris sous sa protection. Alors que des règlements de compte se déroulent dans le camp, Sasha entre de plus en plus en grâce auprès de l’amazone.
Les survivants sont maintenant obligés de parachever le nid de la reine. A son arrivée, tous les détenus, à l’exception des femmes et des enfants, seront impitoyablement éliminés :
« Les corps des prisonniers avaient été entassés les uns sur les autres. Puis, un grand feu de joie avait été allumé autour duquel tournaient les Créatures dans une danse rituelle et macabre comme ils en avaient vu au cinéma.(…)
–Elles n’ont plus besoin d’eux, alors elles les éliminent. Puis elles les font disparaître pour qu’il ne reste plus aucune trace de leur passage sur cette terre. – Et nous ? demanda le tatoué. –Nous, nous avons un sursis. Nous n’avons pas terminé notre travail. »
Seul Sasha et deux autres compagnons resteront en vie, en un but précis : bichonnés, lavés, rasés, nourris, ils serviront d’étalon à une reine insatiable et mortelle. Lorsque les amazones ramènent les cadavres de ses deux amis, tués par l’aiguillon du monstre, Sasha se sait condamné à son tour. Heureusement, « sa » créature le fait s’évader avec Lili, enceinte, et la petite Maria, enfin retrouvée. Devant eux, s’étend un désert de cendres fertilisé par un orage titanesque qui détruit aussi les Créatures et leur habitat. Sauront-ils reconstruire leur vie en évitant les erreurs du passé ?
Un ouvrage facile à lire mais irritant par la volonté apologétique de l’auteur qui clôt chaque page par une citation de Pascal, de Mauriac, de Saint- Jean, … de Chamfort pour mettre en évidence la singularité de l’être humain, comme si le récit à lui seul n’y suffisait pas, transformant le roman en fable philosophique d’une lourdeur peu commune. Dommage !
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Les Cinq Sens - Par BenF
Partout dans les rues, durant les bals populaires, les gens écrasent sous leurs pieds de minuscules tubes, de provenance inconnue, contenant le germe de la peste :
" Le 5 mai 1925, jour anniversaire de la mort de Napoléon, l’agent 584 ramassa sur la place Saint-Michel un tube de verre écarlate, portant une étiquette avec ces mots : Peste. "
Les premiers morts apparaissent et l’épidémie se répand de manière foudroyante dans le monde :
"Cependant, la peste se répandait à vue d’œil. Ces rassemblements d’espèces humaines dépourvues de phénol et de morale se révélèrent étonnamment enclins à la contamination. Il mourait à Bergen trois ou quatre mille personnes par jour. De tous âges et de tous sexes. Bientôt, ce nombre s’accrut. Il passa à 5.000, puis à 7.000. Il fallut mettre sur pied toute une organisation mortuaire. On mobilisa à l’usage des cadavres une Police Noire. On embaucha " pour la durée de la Peste plus 6 mois " toute une tribu de cafres, chargés de l’inhumation, ou plutôt de l’immersion des défunts. "
Les peuples bougent et se mobilisent car l’on dit que dans les pays froids le mal est moins important. C’est l’occasion pour l’auteur, en d’interminables énumérations spécifiant les qualités ethniques de chaque peuplade, de les montrer, s’embarquant, se bousculant, se tuant, toutes en fuite vers le nord de l’Europe pour s’établir d’abord à Bergen en Norvège puis à Tromsoë en Finlande :
" Maintenant la Flotte Française longeait les côtes de la Norvège, cinglant vers le cap Nord. On croisait des cargos chargés d’Espagnols, des trirèmes pleines de Romains, des jonques, des gondoles, des monitors de Malte, des myriades de lougres et de cotres, des trois-mâts barques à foison. Il y avait des canots pleins de Cafres, des voiliers surchargés de Croates, des Tchéco-slovaques, d’Algériens, d’Afghans, de Chinois et de Canadiens. Des paquebots de la Cunard-Linie, de yachts de cuir jaune, des felouques de Constantinople voguaient bord à bord sur des eaux d’une verdeur scandinave. La grande voile latine, les quadruples cheminées à charbon, les tuyaux de dégagement de pétrole, pêle-mêle, emplissaient l’horizon nordique. Parfois, quelques cuirassés sans canons, le pont encombré de huttes de planches, passaient soufflant et crachant. Ou bien quelque tartane marseillaise, la sardine à la corne, et toute odorante d’échalotes. La terre entière avec toutes ses embarcations naviguait vers le Pôle Nord. "
Parallèlement à ces déplacements de population qui forment pour ainsi dire le fond du décor, quelques personnages bien typés s’activent au premier plan : ce sont les héros découvreurs présumés d’un vaccin. La figure héroïque et le destin d’Eléonore, d’abord bergère gardeuse d’oie à Castelnaudary, puis biologiste émérite, s’y détache en premier. De plus en plus appréciée par les populations qui s’efforcent de la protéger, elle recherche inlassablement un remède à la peste. Elle travaille dans le laboratoire du professeur Elie-Elie, un juif bon teint secrètement amoureux d’elle. Peu à peu, il essaye de briser sa résistance mais elle ne s’en laisse pas compter. Pratiquant le noble art de la boxe, elle le met knock-out lors d’une mémorable séance devant aboutir au viol d’Eléonore.
Chaque personnage, de son côté, cultive son jardin secret. Elie-Elie se sert de Mouche, une jeune turque pour assouvir ses besoins physiologiques. Eléonore apprécie énormément Gaspard, un jeune bellâtre qui s’attache à ses pas. Pendant ce temps, la peste poursuit ses ravages et pousse les peuples les uns contre les autres.
Les Sénégalais, par exemple, forment une barrière de protection autour d’Eléonore alors que les Yankees, fraîchement débarqués, cherchent à l’enlever des mains du maire de Bergen avec lequel elle coule le parfait amour.
Gaspard se rend à Londres où règne la désolation. L’Angleterre dévastée ne participera pas au concert des nations qui ont repris leur déplacement vers le pôle. Elie-Elie, toujours amoureux d’Eléonore, envoie Mouche dans les bras de Gaspard pour que celui-ci lui laisse le champ libre auprès de sa dulcinée. Celle-ci corrige le tir et reprend Gaspard en mains. Alors Elie-Elie, par l’entremise de Mouche fait sauter l’abri dans lequel se trouvent Eléonore et Gaspard. Le couple meurt. Finalement, Elie-Elie est crucifié par une foule en délire qui le torture à la chinoise en lui enlevant progressivement les cinq sens :
" Un roulement de tambour. ON VA DETRUIRE LES CINQ SENS ! L’Ouïe! Un Brandebourgeois couvert de brandebourgs, de couenne de porc et de médailles commémoratives s’approche d’Elie-Elie, lui marche sur les pieds, et lui coupe les deux oreilles. L’Odorat ! Un Napolitain au teint de homard, ayant fait trois génuflexions, lui taille le nez du fond du cœur, au son de la mandoline. Le Goût ! Un beau Russe à grands soupirs lui arrache toute la langue, au bout de ses longues mains abominables. La Vue ! Un Turc grassouillet et doux s’approche sur ses talons, et lui arrache les deux yeux. Le Toucher ! Une Japonaise ingénue, accroupie à hauteur de ses cuisses, tranche au rasoir les deux bulles d’amour. Et maintenant, devant Elie-Elie en lambeaux, le défilé du genre humain commence."
Heureusement, avant de disparaître, Eléonore a réussi à découvrir le remède tant attendu. Les hommes seront sauvés!
Le roman cataclysmique est ici prétexte à une débauche de mots, un univers-fiction où le monde évoqué rejoint Rabelais dans " l’Héneaurme ", dans l’indicible. Choc de mots, alliances de phrases, coq-à-l’âne, calembours, tropes, zeugmas, etc., les figures de style abondent sur plus de trois cents pages. Humour, contestation, xénophobie, ironie et racisme se partagent un récit inclassable mais indéniablement original.
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Les Chiens De Mer - Par BenF
La compagnie mondiale Hydror, sous l’égide du Wowo (World Water Office) gère et commercialise l’eau douce devenue un enjeu capital du fait de sa rareté :
« Le conflit entre la Turquie et l’Irak avait mis le feu aux poudres. Dès le début du XXIème siècle, on savait pourtant que les barrages construits sur l’Euphrate étaient autant de mèches allumées. Eh bien, tout avait, hélas, explosé. Des antécédents sérieux n’avaient pas servi de sonnettes d’alarme. Le Jourdain, la mer d’Aral, le Gange, le Danube et bien d’autres lieux de conflits auraient dû alerter tous les hommes politiques, mais seuls quelques-uns, en plus des scientifiques et des écologistes, conscients de la fragilité de la planète bleue, avaient à l’époque saisi l’extrême gravité des enjeux. »
Tarah, interprète d’arabe, se dirige en hélijet vers Hydror Islands, en compagnie de Gavril, assistant du directeur de la compagnie pour une réunion au sommet sur une plate-forme aquifère. La situation est grave. Les « Chiens de mer », une bande de pirates spécialisés dans le détournement de l’eau douce sévissent. Ils ont attaqués récemment « l’Offertus » un «aqualier» d’une contenance de cent mille tonnes, anéantissant son équipage.
Tarah, à peine le pied posé sur la plate-forme, est secouée par une explosion criminelle qui détruit la totalité de l’abri marin. Les Chiens de mer, responsables de l’attentat, recueillent pourtant Gavril et Tarah. Stupéfaction de celle-ci! Le chef des terroristes est Lucius, un jeune homme dont elle est tombée amoureuse à Bombay. Elle fait aussi connaissance avec Shilgg, une mystérieuse et impitoyable baroudeuse, engagée par Lucius mais qui, en réalité, mène un double jeu. Cette dernière égorge proprement Lucius devant Tarah, la libère ainsi que Gavril, et leur explique qu’elle travaille en réalité pour « Fatum » un consortium capitaliste désireux de mettre fin à la gabegie qui lèse ses intérêts dans le domaine du contrôle de l’eau douce, levier politique fondamental d’un monde en crise.
Une fable écologique portant sur la menace constituée par la pénurie d’eau douce en un futur proche A rapprocher du roman de Ligny « Aqua »
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Les Chasseurs De Cometes - Par BenF
" Or, çà, mon ami, moi je m’appelle Khan Zagan. Je suis le roi de toute la terre. Les Blancs m’obéissent comme les Jaunes, parce que j’ai le moyen de détruire, s’il me plaît, toute cette création que tu admires. Ton Boudha s’est réincarné. Boudha, c’est moi en personne. Tu n’as pas à chercher bien loin. "
Khan Zagan, le grand empereur jaune du Kara-Koroum, menace l’humanité. Si la terre ne se soumet pas à son pouvoir, il la dévastera à l’aide de sa comète téléguidée, la comète de Swanley. De son vrai nom Swen Tzuren, ancien préparateur du Dr. Granger, il a volé à celui-ci les plans de l’émetteur des rayons radio, capables de guider ou de repousser ladite comète, transformée ainsi en " piège à astres".
Plongeant Granger dans un sommeil hypnotique à l’aide d’une drogue, la tricaïne, Khan Zagan enlève Pandita Fatil, une prêtresse de Boudha dont il est amoureux. Par ailleurs, il se sert de l’argent du milliardaire américain Griggson en vue de construire son appareil émetteur. Par l’entremise du cosaque Strigine, traître-né, l’armée privée mise sur pied par Griggson, passera en son pouvoir:
" Il fallait se hâter. Le passage de la comète ayant lieu au printemps de 1928. Mais les subsides de M. Griggson aplanirent toutes les difficultés. Strigine, fourbe et traître de naissance, obtenait du milliardaire l’envoi d’une multitude d’appareils électriques, soi-disant pour parfaire l’équipement de la grande armée... En réalité, tout ce matériel constitua l’étrange usine du Kara-Koroum. Si bien que M. Griggson avait sans le savoir un droit de propriété sur le " Piège aux astres. "
Devant l’imminence du danger, un groupe de jeunes gens, les frères Lacassagne, le détective Roger Dutreil, le pilote René Brion, ainsi que les filles de Granger et de Griggson, n’hésitent pas à s’investir dans la capture de Khan Zagan et dans le démantèlement de l’appareil émetteur. Ceci se fera après moult et moult péripéties et avec l’aide d’un personnage hors du commun, le grand prêtre boudhiste Wang-Tsao, maître hypnotiseur, qui les tirera de plus d’un mauvais pas et qui subjuguera finalement Khan Zagan.
La comète percutera la Lune en la fertilisant et frôlera la terre sans lui causer de grands dommages (hormis quelques chutes de pierres sur la chaîne du Kara-Koroum et une grosse tempête en Atlantique):
" La petite troupe n’était pas à une verste de la Sphère, quand arriva le cataclysme sidéral si remarquable à voir de Kara-Koroum. Sur la montagne, au-dessus de la brume, les observateurs auraient pu noter le rapprochement de la comète et de l’arc lunaire. Puis une brève occultation de l’astéroïde aux deux panaches. Enfin eut lieu cet événement unique dans l’histoire du système solaire, la chute d’un bolide monstrueux sur notre satellite. (...) Une pluie d’énormes pierres incandescentes rayait le ciel. Toute une avalanche de météores s’abattait sur les villes, dans les océans. Tandis que la lune semblait dévorée d’un incendie gigantesque. "
Strigine disparaîtra, emporté dans l’espace avec l’ensemble des installations maléfiques. Le milliardaire américain, lui, fera toujours de bonnes affaires, et les frères Lacassagne finiront par déclarer leur flamme auprès des demoiselles Granger et Griggson.
Un récit dans la veine de la littérature populaire, préalablement paru sous forme de fascicules ce qui explique, en partie, les nombreuses péripéties et les continuels retournements de situation. Le rythme est soutenu et le style parfois pauvre. La xénophobie et le racisme anti-jaune constants dénoncent le " péril jaune " comme la soif de domination du " savant fou ", là aussi dans l’esprit de l’époque. Le thème-catastrophe n’est manifestement qu’un prétexte, une sorte de motif narratif, qui permet de relancer l’intrigue. Un roman obsolète.
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Les Carnivores - Par BenF
La narratrice est sauvée par de sympathiques et peureuses créatures extraterrestres ressemblant à des lapins ou à des biches. Elle se rappelle qu’elle est l’une des dernières humaines en vie, étant protégée par une grande épaisseur de terre lors de la conflagration atomique consécutive à la guerre que la Chine a initiée à l’encontre du monde.
Les extraterrestres, qui surveillent la Terre depuis si longtemps, s’excusent auprès de la jeune femme de ne pas être intervenus plus tôt. Mais il faut les comprendre : comment pouvaient-ils aider des êtres ressemblant tant aux carnivores qui mettent en péril leur propre vie ?
Quoiqu’il en soit, la rescapée est si contente d’être tirée d’affaire qu’elle ne remarque pas tout de suite la grande cicatrice qui lui barre le bas-ventre. Saisissant l’occasion au vol, et profitant du petit nombre de survivant(es), les «gentils » extraterrestres, dans l’espoir de se débarrasser une fois pour toutes des « carnivores humains », en ont profité pour les stériliser :
« Ils avaient décidé un génocide : l’assassinat de notre race. Tous les survivants découverts ont été stérilisés. Il n’existera plus d’êtres humains après notre mort.(…) Plus tard viendra le temps de la colère ou du chagrin, mais en cet instant, je les comprends. Selon toute vraisemblance, ils ont raison, entièrement raison. Nous sommes des carnivores. Je le sais, car, en cette minute de haine, j’aurais voulu pouvoir les exterminer tous. »
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Les Buveurs D'ocean - Par BenF
Le docteur Kasuga, dangereux petit nippon aux yeux bridés, poursuit la jeune Suzanne de Glandèves de ses assiduités, au grand dam de sa famille, et surtout de son fiancé Jim Sandy, qui l’éconduit sans façons. Kasuga promet une vengeance impitoyable. Le futur beau-père de Jim, américain de nationalité, est outré par une telle prétention mais effondré lorsque le Congrès américain oblige tous les membres de sa famille à s’embarquer pour le Japon où sous le titre «d’ambassadeurs» ils serviront d’otage «légaux», mis en cette situation en fonction de l’intérêt supérieur des Etats-Unis. Car le docteur Kasuga, qui n’est pas resté inactif, a proposé une alliance commerciale au gouvernement américain suffisamment attractive pour que ce dernier réponde à tous ses caprices.
Au Japon, près de l’île de Seijo, Jim est enlevé au cours d’une séance de magie, et toute l’énergie de son serviteur Guilledou ne suffira pas à le tirer des griffes de Kasuga. Il se réveille au fond d’un gouffre où des centaines de milliers de travailleurs de race jaune (Chinois, Mongols, etc.) s’exténuent et meurent en creusant des puits de plus en plus profonds sous la direction de Mister Big, un inquiétant savant américain :
«De mois en mois, des troupes, des armées d’émigrants, racolés ou enlevés par la police japonaise, disparaissaient des villes et des villages pour ne plus jamais réapparaître. C’était par milliers que ces Chinois avaient été entraînés vers de mystérieuses destinations par leurs dominateurs ».
Embauché par Kasuga, enfermé sur son lieu de travail, Mister Big a mis en œuvre le projet le plus insensé qui puisse se concevoir : vider l’océan Pacifique de son eau qui sera vaporisée par les masses brûlantes du manteau sous-jacent, puis rejetée par les volcans :
«Apprenez-donc quel but poursuivent ces hommes, que vous voyez creuser, dans le roc de cette voûte, de gigantesques fourneaux de mine. Remarquez, auparavant, que cette formidable entaille, cette calotte de près d’un kilomètre carré, coïncide avec ce gouffre qui, vraisemblablement atteint le centre de la terre.(…)
Jean fixa sur son interlocuteur des yeux hallucinés d’épouvante. L’étrange guide sourit. -Eh bien ! dit-il froidement, ils sont en train de préparer la brèche par laquelle le Pacifique se videra dans les entrailles de la terre. Ils veulent mettre l’océan à sec. »
Le but étant d’annexer le fond de l’océan ainsi mis au jour comme un nouveau continent à se partager entre Américains et Japonais. Mais Mister Big connaît un secret que même Kasuga ignore : un tel projet risque de faire exploser la terre entière avec les pressions mises en jeu, ce qui réjouit ce vieux nihiliste. Jim, destiné à mourir, est rejoint par Guilledou, enlevé à son tour. Les deux hommes sont dans l’expectative lorsque l’un des plafonds percés laisse s’échapper une gigantesque cataracte d’eau : l’opération «buveur d’océan » vient de débuter !
De leur côté, les membres de la famille de Suzanne ont échappé à leurs geôliers, aidés par Sada, la petite bonne japonaise amoureuse de Guilledou. Ils s’embarquent en vitesse pour fuir le Japon quand, au large de l’île, ils constatent avec surprise la mise au sec de l’océan. Les eaux disparaissent révélant un fond encore vaseux où se dépose leur bateau :
«Quand l’aube reparut, ils s’aperçurent qu’ils n’avaient plus devant les yeux qu’une mince nappe d’eau glissant sur le flanc d’une montagne de vase, surgie du fond de l’abîme. Puis, soudain, les eaux cessèrent de couler et la gigantesque montagne, devenant une chaîne uniforme, de très faible pente et s’étendant à perte de vue, érigea définitivement au-dessous de l’océan sa crête asséchée. »
Perdus dans l’immensité ils aperçoivent avec angoisse l’avion du docteur Kasuga qui les traque. Profitant du désarroi de Suzanne, Kasuga, qui a rejoint les fugitifs, enlève la jeune fille pour la mettre en sûreté sur un navire américain proche, toujours lié par le pacte signé avec le diabolique nippon. Mister Big, Jim et Guilledou échappent à leur tour au piège infernal en se creusant un chemin vers le haut à coups de dynamite. Ayant fini par rejoindre les membres de leur famille à bord du bateau enlisé, ils constatent la disparition de Suzanne et prendront place dans la jeep que les Américains leur envoient. Croyant à un heureux hasard, ils ne se rendent pas compte que c’est Kasuga, qui, pour mieux jouir de son triomphe, les a fait mettre sous bonne garde par le commandant américain. Proche de la victoire complète, le Japonais sera privé de tout dans un de ces renversements de situation propres à la littérature populaire. Il contemplera, effondré, la disparition de son pays dans les flammes, principale victime de sa folie :
«Le quinzième jour de ce fantastique voyage, une bande sanglante empourpra l’horizon lointain. Puis ce furent des lueurs d’incendie, d’énormes flammes rouges, qui dardaient vers le ciel leurs langues de feu ; des tourbillons de fumées noires, grises et rousses amoncelaient des bataillons de nuages, que trouaient à chaque instant des masses sombres, projetées en l’air par d’invisibles mortiers. D’incessantes et formidables détonations achevaient de donner l’impression qu’on approchait d’un camp de carnage et de désolation. Mais le font de ce gigantesque combat embrasait des lieues et des lieues ; l’œil n’en apercevait pas la fin, pas plus en largeur qu’en profondeur. »
Confondu par Mister Big, Kasuga sera finalement englouti dans les feux volcaniques, laissant Suzanne à Jim. Enfin tout finira pour le mieux, surtout pour les Etats-Unis qui annexeront le fond du Pacifique à leur territoire déjà immense.
Le roman, qui repose sur le même soubassement que « le Formidable événement » (voir ce titre), mélange adroitement courses-poursuite, personnages caricaturaux, sentiments excessifs et coups de théâtre. L’invraisemblable hypothèse de base sert à mettre en relief la vaillance économique des USA opposée à la traîtrise des Japonais. Un récit sans temps morts ni fioritures qui se lit avec agrément une fois la convention romanesque acceptée par le lecteur.
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