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Bienvenue dans la Base de Données des livres !

Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !

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Livres

  1. Type: livre Thème: invasions d’insectes Auteur: Thomas PAGE Parution: 1973
    Un tremblement de terre provoque l’ouverture d’un trou, près d’une ferme dans le comté de Montgomery, au Sud des Etats-Unis. De singuliers insectes, à l’apparence blindée, noirs et maladroits, apparaissent. Ils ont la curieuse propriété de mettre le feu au bois, et incidemment au reste, afin de se nourrir des cendres. Des spécialistes sont appelés à la rescousse, Linden le biologiste, Willy King le biochimiste, et l’entomologiste le plus réputé, professeur au Bainboro Collège avec son assistant Metbaum.
    L’on entreprend l’étude de l’étrange insecte qui s’avère être une blatte, de l’espèce cafard, et, au vu de ses propriétés, Parmiter lui donnera son nom: Hephaestus Parmitera. La carapace est très difficile à écraser, l’insecte entretenant une relation symbiotique avec des bactéries. Parmitera se déplace lentement et stridule très fortement avant de frotter ses cerques l’une contre l’autre, produisant ainsi des étincelles. Il apparaît d’emblée comme un danger potentiel pour les habitats en bois. Les incendies se multiplient, sans que la police n’ait un seul soupçon des causes réelles : Parmitera avait essaimé dans le Comté:
    " La source de carbone la plus abondante de toute la terre, c’était le réseau d’autoroutes des Etats-Unis. Les cafards s’étaient sans doute glissés dans toutes les voitures, tous les camions, tous les tracteurs du pays. Ils y avaient proliféré et, silencieusement, sans être remarqués, ils s’étaient infiltrés dans d’autres véhicules.
    Pour ces animaux, une automobile, c’était un festin. Le pétrole, l’essence... quel régal! Ils n’avaient sans doute pas cessé d’éclore, et, cachés dans les voitures, ils n’avaient jamais été repérés. Ils avaient inhalé le carbone de l’air : l’atmosphère en était imprégnée. Ils n’avaient pas eu besoin de bouger : les autoroutes les transportaient partout, et bien au-delà du comté de Montgomery. Ils continuaient à éclore, changeaient sans cesse de voiture, se répandaient de plus en plus loin... "
    La lutte contre l’animal s’accentue. De nombreuses solutions sont envisagées : contamination par le DDT, contamination biologique par des champignons, recherche d’un prédateur propre. Même la tarentule Bruno sera de la partie:
    " La lutte fut silencieuse, mise à part la stridulation du Parmitera. Bruno chargea avec violence, et si rapidement que le cafard fut renversé sur le dos. Bruno mordit et griffa mais ses crocs et ses griffes glissèrent sur la carapace d’obsidienne de la blatte; et le venin de la tarentule fut épuisé après trois morsures inutiles. (...) puis Linden vit très nettement les six pattes de la Parmitera agripper fermement la tarentule épuisée et tirer contre son abdomen le corps velu de l’araignée. Les cerques se tenaient prêts pour l’hallali et bientôt une stridulation rauque retentit. Bruno, en proie à une folle agonie, essayait de se dégager des pattes étreignantes et des cerques perforants du cafard. Les pattes de la tarentule trépidaient de désespoir; une mince volute de fumée s’éleva, puis les mouvements de l’araignée se firent saccadés avant de cesser complètement. Linden ouvrit la cage et, avec tristesse, en retira les restes calcinés de Bruno. "
    Les insectes se multiplient avec les incendies. Une course contre la montre s’engage entre les savants et Parmitera. Les habitants des différentes villes infectées assistent impuissants à la destruction de leurs immeubles. Parmiter, fasciné par cette blatte extraordinaire n’abandonne plus son laboratoire. Il ne comprend pas pourquoi Parmitera ne peut se reproduire alors que les oothèques de toutes les femelles sont remplies d’oeufs.
    Grâce à Metbaum, une intuition fulgurante le traverse: la raison en est la pression atmosphérique trop faible, ces insectes ayant vécu des millions d’années sous terre sous une pression nettement plus forte. Incidemment, il découvre que le seul moyen pour venir à bout des blattes est l’action des ondes sonores émises à une certaine fréquence :
    " Parmiter transféra les cafards d’une cage dans une autre à l’exception d’un seul. Il emporta celle qui contenait cet isolé dans son bureau et prit la radio de Metbaum avec lui. Il mit le son: c’était le même sifflement de parasite avec le même bruit de fond ronflant. Il plaça la radio dans la cage avec le cafard et poussa le son au maximum. Le parmitera se jeta sur la transistor, grattant furieusement de ses pattes les haut-parleur, les cerques vrombissant frénétiquement. Au bout de quelques secondes, il tomba sur le dos. Ses pattes se replièrent puis il demeura immobile. Parmiter le ramassa : sa carapace était ratatinée et molle, fendue de milliers de craquements qui s’entrecroisaient. Il disséqua l’animal: tous les tissus étaient réduits en pulpe. On aurait dit que l’insecte n’était qu’un petit hamburger. "
    Ce moyen fut mis en action à grande échelle, des haut-parleurs installés sur les autoroutes, à l’entrée des villes, dans les divers quartiers. Le fléau sembla enrayé, les incendies cessèrent.
    De plus en plus isolé et repoussé par ses collègues à cause de son attitude hautaine, refusant de répondre au téléphone, Parmiter poursuit ses expériences sur un couple de blattes. Les ayant enfermé dans un lieu pressurisé, il constate, avec l’augmentation de la pression atmosphérique, l’augmentation de l’activité sexuelle de Clarence, ainsi avait-il surnommé son cafard expérimental.. La copulation semblant avoir réussi, quelques temps après se développent, à partir des oeufs fécondés, de petites blattes. Elles sont différentes de Clarence, au corps plus mou, mais garderont les propriétés pyrogènes de leurs parents. Quant à leur organisation intérieure, Parmiter constate que les bactéries se sont entièrement installées dans le cerveau de l’animal. L’entomologiste surveille ses créations jusqu’à ce que se présente l’inconcevable : elles entrent en communication avec lui, car elles sont devenues intelligentes:
    " Les cafards de Parmiter grimpaient lentement le long du mur. Ils se disposèrent dans un espace vide, à côté d’une marine suspendue à la paroi. Leurs corps s’agitèrent pendant un instant, puis s’immobilisèrent, dessinant deux mots très lisibles : JAMES PARMITER. "
    Le nouveau Dr. Frankenstein des blattes approfondit la relation avec eux, étant sûr que ces cafards de la deuxième génération n’échapperaient pas à son contrôle puisqu’il était l’équivalent d’un dieu pour eux. La suite lui prouva qu’il eut tort. Se multipliant de façon exponentielle, les blattes envahirent le voisinage mettant le feu aux divers pavillons jusqu’à ce que Parmiter comprenne qu’elles ne recherchaient qu’un seul but : réintégrer le trou d’où elles étaient sorties. La migration eut lieu et rien ne put arrêter les animaux, coulant en un long fleuve vers leur origine. Le savant leur facilita leur évasion en faisant sauter à la dynamite la plaque de béton obstruant le trou:
    " C’est moi! C’est moi! " La marée d’insectes se retira autour de lui. Les stridulations s’éteignirent partout à travers champs. Maintenant la dalle de béton était tout à fait nue. Les antennes, dressées et immobiles, semblaient attendre. Parmiter sentait le regard de millions d’yeux, derrière lesquels des millions de cerveaux le surveillaient, comme de fines aiguilles braquées vers lui dans les ténèbres".
    Le fléau fut enrayé quand les blattes intelligentes retournèrent à leur destin souterrain.
    Un récit-catastrophe mené tambour battant où l’auteur a montré sa maîtrise de la chose littéraire, faisant croire au lecteur que ses bestioles pourraient être réelles, par une véritable enquête scientifique sur les cafards qu’il étudie avec un regard... d’entomologiste.
    Son personnage principal, le savant Parmiter, bourré de phobies et isolé dans sa recherche, à la fois savant fou, Faust et Frankenstein, est une réussite  Un film, " Bugs " en a été tiré qui a obtenu la Licorne d’Or et le prix du Public du Festival du film fantastique et de science-fiction à Paris, en 1975.

  2. Type: livre Thème: sociétés post-cataclysmiques 2 Auteur: IMAGO SEKOYA Parution: 1974
    Vol. 01 : les Iles d’Auvergne, 1993, 1 vol., in-quarto, npag., suivi de deux cartes marines. roman illustré.
    1 ère parution : 1993
    Le monde en 239 après la montée des eaux. Suite à un effet de serre généralisée, les banquises polaires ont fondu en élevant le niveau des océans de mille mètres. La planète terre s’est transformée en planète mer. La presque totalité des continents se trouvant sous l’eau, il ne reste d’émergées que les montagnes soit la chaîne andine et rocheuse, les Hautes Plateaux d’Afrique et de Chine, le Groenland, ainsi qu’une multitude d’îles, grandes ou petites, dont les îles d’Auvergne représentant les terres encore accessibles de l’ancienne France, avec les Alpes et des parties des Vosges. Imago Sekoya, entomologiste et dessinateur, est convoqué par Angelik Huila Sekmet, la Directrice Générale de la compagnie " Gevaudan Air Line " pour participer au périple autour du monde avec la " Balleine d’Ewent ", un magnifique navire volant, dans le but de découvrir peuplades, faunes et flores, devenues étranges et étrangères depuis la montée des eaux. Sa tâche consistera à prendre des notes, des croquis et des dessins techniques qui relateront, sous la forme d’une chronique, la trajectoire de la Balleine.
    Après avoir fait la connaissance avec ses différents compagnons de voyage, suivi la conférence préparatoire à l’Institut Géographique des Iles d’Auvergne, qui précise la finalité politique de l’expédition, il se permet une ultime promenade à la Chaise-Dieu , avant son départ. Il en profite pour fouiner dans la bibliothèque vaticane mise en sûreté au monastère du lieu, à cause de la submersion. C’est là qu’il apprend le rôle fondamental qu’a joué Quentin d’O, un ancêtre d’Angelik, lequel a fondé la secte du " deuxième poisson ". Son successeur, Amon Sekmet a acheté l’île de Liberty appelée depuis le " sanctuaire d’O " où personne n’a libre accès. S’y développe " l’organisme Thallophite ", une autre mystérieuse société. Sekoya, alléché, se propose d’y faire un tour. Mais pris dans une tempête, il se retrouve naufragé sur Liberty et est recueilli par les ressortissants de l’île, après avoir longuement erré dans une immense forêt où, s’élèvent, en des clairières, des champignons géants. Vaincu par la fièvre et le délire, il reprend ses esprits dans un hamac, à dix mètres du sol. Il sera d’abord soigné par une mystérieuse famille appartenant à la société des Thallophites et prend soudainement conscience que toute une ville se trouve autour de lui, nichée dans des arbres gigantesques. Des filets de sécurité, des passerelles lui permettent de circuler dans cet univers végétal où la terre ferme est remplacée par une eau sombre dans laquelle plongent les troncs et les racines d’arbres géants de plus de cinquante mètres de hauteur.
    En son appartement suspendu, il rencontre Jean Huila Sekmet, le chef de l’O.T. (l’organisation thallophyte) qui lui demande d’être son observateur durant le voyage dans un but  désintéressé d’augmenter des connaissances écologiques provenant d’une première main non manipulée par les médias. Sekoya accepte. Avant de se faire raccompagner sur la Balleine d’Ewent, l’entomologiste visite la merveilleuse industrie thallophite dont l’énergie provient uniquement du végétal par récupération du méthane, la distillation des plantes, l’utilisation des champignons, etc. Le plus étonnant est la symbiose entre qui s’est crée entre les végétaux immergés et les Mornyres, sortes de poissons électrogènes lesquels aliment en énergie la centrale énergétique de l’O.T. Avant de repartir, il participe à une cérémonie d’ordre mystique durant laquelle il voit se remettre des graines de séquoias géants. A Saugue, petit port entièrement dévolu à la pêche à la sardine, il attend la Balleine d’Ewent dont le départ est imminent. Les délégués se pressent à l’inauguration de l’appareil. Devant toutes les sommités scientifiques du monde merrien, le conseiller général des îles d’Auvergne prend la parole. Peu après, il s’effondre mort, assassiné.
    Alors que la Balleine d’Ewent appareille, l’enquête sur ce meurtre met en évidence l’agent mystérieux qui a provoqué le décès, soit des graines de séquoia porteuses d’une bactérie pathogène. L’enquêteur spécial, monté à bord, soupçonne Sekoya d’être l’auteur du crime. Celui-ci, aidé par Angelik, s’échappe du bateau.
    Le projet des " îles d’Auvergne " est étrange et correspond au genre des " objets littéraires ". Notes, croquis, dessins, photos, collages, parsèment un texte écrit à la main qui rompt continuellement la convention romanesque, donnant au récit un effet de vraisemblance rarement atteint, sous la forme d’un journal de bord ancré dans le réel. Le décor est décrit/dessiné avec minutie et l’arrière-plan de la planète merrienne dévoile par touches successives l’étrange complexité sociale, biologique, écologique de ce nouvel univers. Le trait d’union représenté par la personne d’Imago Sekoya  - à la fois narrateur, personnage, auteur de son journal -  renforce le sentiment de crédibilité.
    Une œuvre originale et attachante, promise à des développements ultérieurs, "les Iles d’Auvergne" représentent un cas unique dans le domaine cataclysmique.


  3. Type: livre Thème: menaces idéologiques Auteur: Jacques ZELDE Parution: 1988
    En plein Paris apparaissent « les Hordes ». Casquées, bottées, munies de gourdins cloutés, revêtues d’une cape noire en kevlar, elles se positionnent selon un ordre rigoureux aux divers carrefours, bloquant toute circulation :
    " Sur le trottoir, ils sont sept d’un côté et sept de l’autre sous les ordres de ce qui semble être leur chef. (…) Leur carrure est impressionnante. Ils sont vêtus d’une grande cape noire qui descend jusqu’à terre (…) Tous portent une sorte de casque noir qui semble être fait de paille tressée et dont le protège-nuque descend jusque sur les épaules. Ils sont armés de longs gourdins plombés qu’ils frappent à terre et sont chaussés de bottes ferrées, noires également, qu’ils font résonner en cadence sur le macadam en marquant le pas.
    Agencées de façon militaire, sous le commandement d’un chef de centurie , les Hordes rançonnent les automobilistes en leur faisant payer une taxe sécuritaire d’un dollar sous la forme d’un autocollant journalier à apposer sur le pare-brise. Tout réticent verra sa voiture détruite à coups de gourdin :
    " Instantanément, ce qui était une voiture s’est transformé en épave. Ils l’ont littéralement désossée en frappant à la jointure du capot et des ailes avant, du coffre et des ailes arrières, tandis que le cinquième brisait vitres et pare-brise."
    Des " petites mains " collationnent l’argent (en rendant la monnaie !).  Ce sont les " servants ", c’est-à-dire les clochards, les délaissés, les méprisés, les laissés pour compte de la société : " Tous avaient été servants, c’est-à-dire des clodos de l’existence, mais tous n’avaient pas été clochards, même s’ils avaient cheminés d’abdications en renoncements jusqu’à ce qu’un jour, en entendant parler des Hordes, ils se trouvent assez de désespoir et de courage pour venir rejoindre l’Organisation. "
    S’ils font leurs preuves, ils pourront, en étant parrainés, accéder au grade de " Compagnons " en adhérant aux  idéaux qui fondent  cette société dont la structure oscille entre celle de la mafia, du nazisme et de la fraternité initiatique. Le cloisonnement rigoureux entre les membres, leurs valeurs extrêmes, " réussir ou mourir ", les rendent  pratiquement invulnérables :
    " Nous ne connaissons pas la clémence parce que la clémence ne nous a jamais été accordée ! continua-t-il à hurler pendant que l’homme accroupi gémissait de terreur. Tous ceux qui offensent les Hordes en les niant ou en les reniant doivent savoir que nous sommes capables d’horreurs… Car nous sommes des échappés de l’Enfer ! Couteau levé devant les Compagnons gradés qui s’étaient naturellement placés en demi-cercle dans la pièce, Salomon arracha brutalement la tunique de l’homme accroupi, l’agrippa par les cheveux, lui tira la tête en arrière et lui trancha la gorge. "
    Disparaissant et réapparaissant à volonté, ils paralysent jour après jour un peu plus la cité,et la police se perd en conjectures sur leur origine. Aucune piste sérieuse ne se dégage, même lorsque Elaine, une maîtresse  femme-flic, est nommée coordinatrice de l’ensemble des services de renseignements.
    Paul vient de sortir de prison. Ancien journaliste réputé, il a été condamné pour dettes à passer deux ans sous les verrous en une sorte de prison-citadelle à la tête de laquelle se trouvent deux directeurs, Joël Apesta et Philippe Maston qui se livrent à une expérience unique. Cette prison se veut le modèle d’un nouveau mode d’incarcération où les détenus seront totalement libres à l’intérieur d’un espace carcéral infranchissable puisque des murs-lasers entourent la forteresse, l’isolant du monde extérieur. Les deux dirigeants, pour leur expérience, ont les coudées franches. A l’intérieur, le personnage d’un détenu, le " Vieux ", s’impose à tous. Il a obtenu des deux directeurs la possibilité de constituer une salle informatique qui serait à la seule disposition des prisonniers.
    Paul prend contact avec les Hordes. Il rencontre les deux chefs, Gabriel et Salomon, qui, après probation, lui laissent carte blanche pour donner aux Hordes une nouvelle impulsion. Paul met en place une énorme machinerie, actionnant les médias en la personne d’Yvan son ancien patron, qu’il rattache à la cause. Pour façonner une nouvelle image de marque, il crée une scission arbitraire et manichéenne à l’intérieur des Hordes. Les premières représenteront le Mal, en la personne des " Hordes Noires ", les seconds le Bien en celle des " Hordes Blanches ", qui assureront un rôle de protection. Au cours d’une action contrôlée médiatiquement, les Hordes paralysent entièrement la ville. Paul assure l’interview de Gabriel, met en évidence les exactions d’une police qui, pour les atteindre, n’hésite pas à matraquer femmes et enfants. En quelques jours, les Hordes,  blanches ou noires, accèdent à la notoriété, leur trésor de guerre augmentant de manière exponentielle.
    Georges est un policier en opposition avec sa hiérarchie. Il claque la porte du bureau et décide d’infiltrer les Hordes pour son propre compte. Avec l’appui de Sarah, une prostituée au grand cœur, il joue le clochard " servant ". Il sauve même la vie de Gabriel le soir de la charge policière où la rue est mise à feu et à sang :
    " Sur les trottoirs, la panique était à son comble. Certains passants s’étaient accroupis afin que la Police soit immédiatement capable de faire la différence entre les belligérants et ceux qui n’avaient rien à voir dans l’affaire. Mais bien mal leur en avait pris car c’était sur eux que s’abattaient les coups des gardes dont la fureur décuplait minute après minute en voyant leurs collègues tomber comme des mouches à chaque fois qu’ils s’approchaient à portée de gourdins des Compagnons.
    Des siècles de civilisation semblaient avoir été gommées d’un seul coup car l’on pouvait voir les hommes se frayer passage en frappant les femmes à grands coups de poings balancés à la volée, tandis qu’elles-mêmes faisaient trébucher les vieilles gens pas assez vives pour s’enfuir. Les mères de familles encombrées de paquets voyaient leurs mioches piétinés sans que leurs supplications puissent arrêter la foule en panique… "
    Cette action promotionnelle  lui vaut une ascension fulgurante auprès de Salomon et de Gabriel. La réussite engendrant la réussite, les Hordes diversifient leurs activités. Les compagnies d’assurance sont elles aussi soumises au chantage, les meilleurs avocats se mettent à la disposition des membres tombés. L’investissement dans l’immobilier leur ramène une immense fortune.  Lorsque le monde politique s’effarouche de l’ampleur d’un mouvement qu’il prenait pour un mécontentement passager de la rue, il est déjà trop tard. La philosophie des Hordes a fait des adeptes au-delà des frontières, l’apport d’argent et l’augmentation des effectifs (60 millions de chômeurs en Europe) sont tels qu’ils deviennent inattaquables.
    Georges lui-même s’investit dans l’organisation en occupant un nouveau créneau : éradiquer les souteneurs et la drogue en contrôlant aussi la prostitution qui fonctionnera désormais pour les Hordes. Lors de l’inauguration d’un immense " Palais des Plaisirs ", centre d’une prostitution de luxe drainant la nomenklatura européenne, une immense fête est donnée conviant l’ensemble du  Gotha financier à une grande explication  sur les moyens et les objectifs des Hordes à long terme, sur l’investissement sans limites dans la misère, réservoir inépuisable de revenus. Georges, présent lui aussi, a droit à une petite leçon de morale financière :
    " Regarde-ça, lui dit-elle de sa voix de crécelle à l’accent indéfinissable tout en plongeant sa main entre ses deux seins flétris et en mettant en lumière un diamant dont Georges était incapable d’imaginer le nombre de carats. Depuis deux siècles, beaucoup de gens sont morts pour cette petite pierre. Pas seulement pour aller la chercher, se la disputer ou l’acheter mais pour la conserver. Tu ne peux pas imaginer combien cela demande de morts d’esclaves en mines, en usines, magasins et factories (sic) pour conserver ce caillou.
    Est-ce que tu penses qu’on a le temps de perdre du temps à "s’encanailler" lorsqu’il y a tellement de cadavres autour d’une seule pierre? Crois-tu que ton uniforme noir soit le seul avec qui nous ayons traité ? Et crois-tu que je sois la seule femme américaine à traiter avec des Forces Noires à travers le monde alors que 45% de la fortune US est détenue par des méchantes-laides comme moi, qui se dessèchent la peau sur les plages des Caraïbes à longueur de décennies ?
    Vos Hordes n’auraient pu être qu’une des multiples propositions offertes sur le marché de l’argent… Mais elles savent faire des " propositions qu’on ne peut pas refuser ". Sous peine de mort. Pas de mort physique mais de mort sociale. (…) Tu fais partie des Forces Noires, mon petit bonhomme. Mais la guerre se fait autour d’une tasse de thé servie dans un palace et c’est derrière un petit four pur beurre qu’on capitule et qu’on avale la pilule.
    Il découvre que ceux qu’il connaît, son ancien directeur des RG, les divers chefs de la police, des hommes politiques de poids, des financiers internationaux, font déjà partie des Hordes, arborant avec fierté leur badge d’appartenance. Mais ce soir-là est exceptionnel. C’est maintenant que doit être révélé au monde entier le cerveau qui se cache derrière toute l’organisation. Son visage apparaît sur l’écran de télévision gigantesque disposé à cet effet. Paul y reconnaît avec stupéfaction le visage du … Vieux. !
    Du fond de sa prison modèle, c’est lui qui a tout combiné avec ses deux anciens ex-détenus que sont Salomon et Gabriel pour que le monde appartienne aux déshérités. Pour cela, il a créé la subversion dans les valeurs d’argent. Grâce à ses compagnons informaticiens, et avec l’appui actif de Maston  et d’Aspéta, il a infiltré les ordinateurs des plus grandes banques pour connaître avant les autres le cours des bourses. Ce délit d’initié donne aux Hordes une longueur d’avance. Pour éviter la tentation aux grands argentiers d’intervenir contre eux, il a dynamité tous les centres serveurs en y déposant des bombes virales.
    A défaut de pouvoir détruire les Hordes, il ne reste plus qu’à l’Establishment de collaborer avec elles. Son œuvre accomplie, le " Vieux " décide de tourner la page. Durant le temps de son incarcération volontaire, il a formé à la dure son disciple Karl, lui léguant la direction des Hordes. Dans sa prison, le Vieux se mure en une retraite spirituelle, au fond d’un cachot humide, en face à face avec lui-même, jouant ainsi le rôle d’une sentinelle suprême de " l’Ordre "
    Un récit atypique, attachant, écrit avec verve,  qui évoque la subversion totale de la société. Par le détournement des valeurs d’argent, les Hordes font émerger une nouvelle société, plus juste, à travers une violence contrôlée. S’articulant autour d’un concept initiatique, le texte,  sorte de conte philosophique, dégage un effet de réel qui inciterait le lecteur à se dire : " pourquoi cela ne serait-il pas ? "

  4. Type: livre Thème: savants fous et maîtres du monde Auteur: René DUCHESNE Parution: 1938
    Voguant dans les mers du Sud avec leur yacht « l’Exilé », le jeune Pierre Barrois et ses compagnons sont jetés sur une île inconnue, aux envions des Galapagos. Là s’élève une mystérieuse forteresse dans laquelle ils pénètreront pour ne plus en ressortir. Ils seront les prisonniers du « Maître », un savant fou de la plus belle espèce, haïssant la race blanche, ami des Jaunes qu’il veut voir dominer le monde :
    « Sachez donc qu’ingénieur, docteur en médecine, chimiste et biologiste, j’ai crée ici la plus parfaite des usines de guerre. On fabrique, sous ma direction, des gaz mortels, des balles contenant les bacilles les plus redoutables qui existent. Ces produits de mort sont vendus aux plus offrants car je ne fais pas œuvre patriotique, messieurs. Je suis sans patrie comme mes ouvriers sont sans visage. (…)
    Protégé par la « fée électricité » dont il fait un usage immodéré, il a réduit en esclavage une cinquantaine de malheureux qui, comme Pierre, ont eu l’infortune  d’aborder cette terre maudite. Sans pitié, il s’en est servi  comme sujets d’expérience ou comme ouvriers manipulateurs de ses microbes de la mort, réduisant leur visage à un masque de chair inhumain, et les obligeant tous à porter une cagoule pour ne pas afficher leur disgrâce. Les Asiatiques, très excités par les compétences du savant, le soutiennent de toutes leurs forces :
    « Le japon, très au courant des travaux du Maître, acceptait de ravitailler le savant et de respecter son secret. La Chine, quelques semaines plus tard, passait également, dans les mêmes conditions, un traité avec celui qui fabriquait la poudre de destruction. »
    Pierre, considéré comme un savant par le Maître qui se sent un génie incompris, est employé en tant que secrétaire. Il est sommé de ranger les écrits personnels du monstre, ce qui lui permet de reconstituer toute l’histoire personnelle de ce singulier personnage. Il sait à présent qu’il lui faudra le détruire, fût-ce au péril de sa propre vie, car le temps presse, le Maître étant tout près de parachever son œuvre de destruction :
    « J’ai enfin vaincu (…) La Mort est à présent mon esclave soumise. Dans cinq mois je pourrai livrer de quoi faire disparaître du globe tous les Blancs qui, dans leur sottise, ont refusé de me faire la place que je méritais. Le secret est bien gardé par mes alliés. Bientôt, tombera du ciel, par avion, un bombardement de lèpre, de choléra, de fièvre jaune. Les maux se propageront… ceux déjà connus et d’autres qui n’ont pas encore de nom et sont ma création… Le bacille qui rend aveugle et fou, celui qui paralyse les membres, celui qui brûle la chair comme ferait un fer rouge.»
    Même avec l’aide de ses compagnons d’infortune, l’entreprise serait irréalisable si le volcan près duquel était bâtie la forteresse, ne s’était opportunément réveillé, jetant à bas les bâtiments, rendant vulnérable l’odieux personnage. Sans protection électrique, ce dernier sera noyé par ses esclaves qui, se sachant trop laids pour revivre en société, auront décidé de demeurer sur une île maintenant pacifiée.
    Un beau récit de savant fou dans la belle veine de la belle littérature populaire.

  5. Type: livre Thème: menaces et guerres nucléaires Auteur: Daniel WALTHER Parution: 1979
    L’Alsace après la catastrophe atomique de Fessenheim. Le Sundgau (dit « Sund’ ») devenu une zone tropicale et contaminée. Cinq hardis aventuriers alsaciens, des durs à cuire qui mordent à l’appât du gain, sont envoyés par m. Drop, le représentant du ministre à Strasbourg, et sommés de rapporter un petit moteur atomique égaré en cette région (on se demande bien pourquoi !) Ils seront accompagnés dans leur périple par des «askaris» c’est-à-dire des porteurs «béni oui-oui» qui ont abandonné le beau dialecte alsacien pour l’usage exclusif  du «français pointu» et qui, à l’occasion peuvent rendre de menus services :
    « Jäckele Wirtz, le hetman des askaris était un grand gaillard viril et rougeaud qui essayait désespérément de s’exprimer avec l’accent du midi mais il n’y parvenait pas, à moins d’avoir bu quatre verres de brändi.
    –hé là, Jäckele ! s’exclama soudain Hazel, viens « voir » ici.
    -oui, mensahib, sur le champ !
    Jäckele était dans les petits papiers de la gironde Hazel depuis que celle-ci l’avait vu sortir son membre de sa braguette pour uriner contre un baobab.
    Les dimensions réellement « primitives » du negerbibes du caporal-chef Wirtz l’avaient tellement impressionnée qu’elle s’était juré de se garder le beau militaire sous le coude jusqu’au moment où une « occasion » se présenterait.»
    L’expédition se passe plutôt mal puisque arrivés sur les lieux, ils seront assaillis et défaits par des guêpes géantes, formes mutantes et intelligentes, purs rejetons de la pollution atomique.
    La nouvelle qui, en soi, ne présente aucune originalité (sauf, peut-être, la référence implicite aux « Furies » de Philip Wylie) offre une saveur particulière pour les Alsaciens, ouverts aux connotations régionalistes et linguistiques.
    Ainsi en est-il des noms (Caspar «Schmarotzer» signifiant «Caspar le Parasite », « Andy Firlafanz », Andy « Double Langue »), de certains mots, comme « negerbibes » (la « b… de noir »), ou d’attitudes typiquement alsaciennes (« do s’mr gbora, do welle m’r starwa », soit « c’est ici que nous sommes nés, c’est ici que nous voulons mourir »).
    Il est donc certain que cette nouvelle, telle qu’elle est écrite et composée, réjouira un public, certes de qualité,  mais fort restreint

  6. Type: livre Thème: Après la Bombe..., guerres futures 2 Auteur: Roger IKOR Parution: 1951
    Cette fois-ci, elle a eu lieu, la guerre totale. Russes (les Communistes) et Américains (les Yankees) s’étripent en un dernier sursaut. La guerre froide est devenue "tiède", puis "bouillante", de préférence au-dessus de la France dont il ne subsiste plus rien que des ruines éparses et quelques survivants terrés dans des abris. Marcou et sa femme Marcelle sortent à l’air libre :
    " Les grandes villes avaient été pulvérisées par les bombes atomiques, les campagnes et les villages calcinés par les pluies de rayons cosmiques. Mais les petites villes et les gros bourgs montagnards, à cause de leur situation moyenne, s’étaient trouvés quelque peu préservés. Naturellement, plus trace d’habitants : les concentrations bactériennes avaient fait leur œuvres. Néanmoins, quelques pans de mur restaient debout, quelques caves n’étaient pas écroulés; avec un peu de chance, on pouvait y découvrir ça et là un pot de confiture, une boîte de conserve que les poisons n’avaient pas gâtés. "(…)
    Toujours debout, il jeta un regard autour de lui. Des ruines, des ruines à perte de vue, un désert de ruines informes, innommables, éboulis pierreux, talus obscurs surplombant d’énormes lacs de nuit, un chaos, un moutonnement de ruines auquel nul quadrillage humain ne se laissait appliquer, voilà, c’était Paris! Il serra les poings. Beau travail, messieurs les Yankees! "(…)  
    La Seine, obstruée par endroits de monstrueux éboulis, s’étalait au milieu d’un marécage. Cependant, à mesure que le temps s’écoulait sans nouveaux cataclysmes, les îlots de décombres fondaient, les anciennes berges dessinaient plus nettement leur courbe pointillée à fleur d’eau; le fleuve, cédant à l’obstination des lois naturelles, tendait à regagner peu à peu son lit d’autrefois.  Traversé par deux bras demi morts, le Champ de Mars était crevé d’énormes étangs; des morceaux de ferraille l’encombraient, écrasés, pilés, piétinés frénétiquement, où s’embarrassait le limon jaune du fleuve. "
    Une pause (et non la paix) est finalement décrétée. Par qui? Pour quoi? L’on ne sait. Mais cet interlude permet à nos héros de mener leur vie propre et de vaquer à leurs tâches d’après le cataclysme.  Tous deux sont des communistes convaincus et prêts à sacrifier leurs idéaux humanistes pour la société meilleure d’après-demain, même si, pour l’établir, il faut passer sur des cadavres. Et des cadavres il y en a beaucoup.
    Henri se sort de ses doutes, prêt à servir de toutes ses forces le " guide suprême" en pourchassant les espions yankees. Quant à Marcelle qui n’est pas faite pour vivre dans des abris, elle sera heureuse en compagnie de Henri dans leur P.C. de campagne. Henri Marcou, monté en grade, deviendra commissaire politique dans le sud de la France. Marcelle reprendra sa profession de médecin, toute dévouée à soigner les vrais communistes, laissant les autres à leur triste sort. C’est le triste ordre des priorités!
    Hormis ce couple dont nous suivons l’ascension sociale et les hésitations psychologiques, s’impose la forte figure du "Prof." En voilà un d’un autre temps. Ancien universitaire, sensible et réaliste, déchiré par des postulations contradictoires mais prêt à transformer tout opposant en cadavre, manipulateur des foules, intellectuel anarchiste et libertaire. Désireux de survivre quel qu’en soit le prix, il endosse la défroque de chef de guerre féodal. S’entourant de gens efficaces et tourmentés, tels que Mathieu, vieux paysan catholique, et Stem, ancien curé honteux de sa charge, ou Rougon, Provençal matois qui n’espère rouler que pour soi,  "Prof" mène sa troupe de brigands de lieux en lieux, enrôlant tous ceux qui se trouvent sur son chemin.
    Il s’amourache notamment de Laurette, une jeune fille de quinze ans, qu’il viole d’abord consciencieusement, avant d’en faire sa maîtresse. Ayant découvert un château désaffecté, il l’investit pour y jouer à tous les jeux de pouvoir et pour répondre à diverses énigmes; par exemple, comment l’on peut être curé et communiste à la fois, ou quel sera le sort de la religion chrétienne dans ce monde apocalyptique.Fatalement, il se heurtera à un autre chef de bande le "Curé" (vrai ou faux),  et surtout au Commissaire Henri Marcou et ses staliniens venus "normaliser" la région. Beaucoup mourront durant les affrontements, mais non "Prof" qui profitera du désordre pour s’éclipser. Sans illusion sur l’avenir de l’homme, il survivra seul quelque temps au bord de la mer, de plus en plus attiré par la mort. Il se suicidera lors d’une plongée sous-marine.
    Quant à Henri, il perdra l’amour de Marcelle lorsqu’il donnera l’ordre à Korb, son lieutenant, de torturer Stemm, l’innocent curé, qui s’était livré de son plein gré pour adoucir le sort de ses compagnons. Marcelle n’admettra jamais les méthodes fascistes adoptées par Henri pour faire parler Stemm :
    " -Ils le torturent, n’est - ce- pas? - Marcelle, je voudrais… -Il ne faut pas, oh! Il ne faut pas!… - Elle se tordait, comme torturée elle-même, elle pétrissait les mains d’Henri.
    - Comprends - donc, mon Henri, mon chéri, mon amour, pas nous, pas nous! Pas des communistes, ou alors plus la peine de parler de… Passe encore pour des mises à mort. Si elles sont indispensables, mais pas torturer, torturer à loisir, sadiquement; voyons, voyons, voyons, Henri, nous sommes communistes, pas fascistes! Si nous torturons l’homme, un seul homme, que deviennent toutes ces…toutes ces idées qui nous ont menés au communisme, qui nous font dire qu’il faut le communisme?… "
    A la fin de la "pause", la guerre reprend, plus violente que jamais, à la grande satisfaction de Henri qui pense que pour arriver à la constitution du paradis communiste sur terre il faut déclencher la lutte finale avec "les Grands Moyens" :
    "C’était donc en toute objectivité qu’il souhaitait la reprise de la guerre. Il voulait, n’est-ce-pas, le bonheur des hommes: qui veut la fin veut les moyens, qui veut intensément la fin veut les moyens les plus énergiques. Or, qu’est la guerre sinon le plus énergique des moyens ? "
    Ikor signe un roman qui traduit la crainte d’un conflit atomique généralisé. Préoccupé par la problématique des êtres et les jeux de pouvoirs, il met plus l’accent sur une rhétorique intellectualiste que sur la description proprement dite. Un parallèle fécond pourra être tenté avec "Malevil" de Robert Merle où sont développées les mêmes peurs mais non les mêmes solutions. Celle d’Ikor - le communisme avant tout - sont aujourd’hui peu crédibles car trop datées."Les grands Moyens" est un ouvrage d’un pessimisme sauvage. Se lit encore aujourd’hui malgré une problématique " curés contre communistes " quelque peu surannée.

  7. Type: livre Thème: fins du monde, fins de l'humanité Auteur: Lester DEL REY Parution: 1955
    King se souvient confusément de Doc. S’étant suffisamment nourri de poissons, le chien se met en route vers «l’Université » où se trouve encore « la fusée » sur son pas de tir, ainsi que les bâtiments du « laboratoire » où il se rappelle être né. En y entrant, il découvre le « rat », qu’il connaît bien, lequel, méfiant, se sauve devant lui. Doc est là, sur son lit. King comprend peu à peu que son « père » est mort, à l’instar de tous ceux qu’il a rencontrés sur sa route, transformés en momies ou en squelettes :
    « King balaya le sol de sa queue et fléchit les pattes pour effectuer le bond qui l’amènerait entre les bras de Doc. Mais ce bond, il ne le fit pas. L’odeur était anormale, et la forme trop immobile.
    Sa queue retomba, sans force. Il s’assit sur son arrière-train et avança pas à pas sur le plancher, en poussant un gémissement à peine audible. Enfin, il leva le nez pour flairer l’autre main qui pendait sur le côté du lit. La main était raide et froide, et aucune caresse ne répondit à la sienne. »
    Avec le rat, derniers représentants des expériences de Doc, ils seront les seuls « gardiens de la maison » maintenant désertée par l’espèce humaine.
    Une courte nouvelle qui vaut surtout par la tentative de représentation littéraire du psychisme animal.

  8. Type: livre Thème: invasions d’insectes Auteur: Keith ROBERTS Parution: 1966
    "On peut les nommer les Gardiens. Peut-être nous avaient-ils trouvé par pur hasard, peut-être nous avaient-ils sentis et avaient-ils été attirés, et ces choses venues de l’espace découvrirent la Terre. "
    Elles prirent la forme de guêpes géantes d’un mètre de long et décidèrent l’élimination systématique de l’espèce humaine. On les appela "les Furies". Au moment où commence le récit, le héros, Bill Sampson est ignorant de ce qui se prépare. Dessinateur humoristique retiré dans la campagne anglaise, il vit en compagnie de son chien Sek, qui , plus tard , se révélera un allié précieux. Il fait la connaissance de Jane et deviendra pour un temps son compagnon dans le malheur. La première attaque sérieuse des Furies les bloque tous les trois dans la maison:
    "Je me mis à la recherche d’une arme, n’importe quoi. J’entendis un bruit de verre brisé derrière moi, puis quelque chose atterrit avec un bruit sourd dans la cuisine. Je me retournai d’un bond et vit pour la première fois une Furie de près. "
    Ils seraient perdus sans une autre catastrophe qui affaiblira l’espèce humaine, mais les sauvera eux trois. Il s’agit d’un tremblement de terre gigantesque consécutif à des explosions nucléaires, qui raye de la carte du monde de nombreuses régions habitées. C’est dans un univers bouleversé, au paysage balafré de crevasses que les trois amis, s’étant emparés d’un engin blindé militaire tentent de gagner la côte afin de fuir l’Angleterre. La ballade ne sera pas de tout repos. Ayant grillé quelques Furies à l’aide d’un lance-flammes, ils seront attaqués par les survivantes lors d’un arrêt du véhicule:
    " L’insecte était-il là depuis le début ou un bruit l’avait-il fait sortir de sa cachette ? Je ne devais jamais le savoir. Je ne perçus aucun intervalle de temps appréciable entre l’instant où j’aperçus le masque jaune et noir observant Ted du haut de la pompe et celui où ce dernier se débattait faiblement à mes pieds tandis que l’insecte lui sectionnait méthodiquement le cou. Je vis ses mains gratter futilement la terre et sa tête pendre en avant, entourée de deux jets de sang clair. "
    Malgré tout, Ils réussiront à fuir, mais le blindé ayant versé dans une crevasse, la machine deviendra un piège pour ses occupants bloqués à l’intérieur, sous le poids des Furies, et sous la chaleur torride. L’attente se poursuit et la température aug intolérable :
    " Les guêpes étaient toujours là, ces bruits grinçants et métalliques étaient certainement leurs griffes quand elles couraient sur le blindage, et ces chocs lourds dénotaient l’arrivée de nouveaux insectes venant se joindre à elles ou les relayer. Les tambourinements mous, à peine audibles, devaient être causés par leurs antennes lorsqu’elles palpaient la surface de l’engin. Et les grincement aigus et persistants étaient certainement leurs mandibules essayant de percer le blindage. Perce et tue, perce et tue, encore et toujours. C’étaient des machines programmées pour nous détruire. "
    Tout d’un coup les Furies s’en vont. Nos héros repartent à pieds, en rase campagne, leur engin étant inutilisable. Ils atteignent un hameau où ils peuvent se reposer, se restaurer et y trouvent une autre voiture qu’ils transforment en blindé. Ils repartent, victorieux d’une première bataille, tuant trois Furies d’un coup, et s’élancent sur la route tout droit. . . vers un nid :
    "On aurait dit un gigantesque chantier de ferrailleur, au-dessus duquel les Furies planaient comme une brume dorée : le bruit de leurs ailes était semblable au grondement d’une cataracte. "
    D’un coup,  les événements s’emballent ; s’échappant en direction de la mer, Jane s’embarque, Sek se fait tuer pour protéger Bill, lequel entraîne les Furies à sa suite. Devenu à  demi-fou, il se cache dans un village pour se faire ramasser par un camion rempli de gens  esclaves des Furies. Celles-ci ont fini par comprendre que des humains valides pourraient leur être d’une grande utilité. Et c’est la vie dans un camp, étroitement surveillé.
    Bill y rencontre Greg, un bagarreur, qui lui permet de s’évader avec quelques autres, pour continuer la lutte. Le groupe trouvera refuge dans un complexe de cavernes qu’ils fortifient, d’où ils lanceront des raids victorieux envers les nids de plus en plus nombreux. Les actions deviennent plus périlleuses au fur et à mesure que passe le temps. Les Furies agacées, les traquent à l’aide des "symbios", ces humains-esclaves-collaborateurs qui ont réussi à établir une communication avec les gigantesques guêpes.
    Greg meurt, Bill est capturé et emmené dans un nid-capitale où il est témoin d’un étrange spectacle: les Furies ou "Gardiens ", ces entités extra-terrestres qui ont décidé de prendre corps, sont victimes de leur propre état. Elles perdent leur nature intelligente pour se comporter comme des guêpes ordinaires. L’humanité - ou ce qui en reste - est sauvée. Tous les nids, ainsi que les Symbios, seront détruits par le feu. L’Angleterre ne comptant plus que deux millions d’habitants, l’ouvrage de reconstruction ne manquera pas. Mais jamais Bill ne retrouvera Jane, disparue dans la tourmente.
    Un roman cataclysmique " classique " se situant dans la veine anglaise et narrant une invasion d’insectes géants. Quoique le thème soit le même que celui de Spitz dans " la guerre des mouches ", ici, aucune distanciation, aucune ironie ni de mentions de type idéologique. L’action est consacrée aux personnages principaux, des individus qui se débattent dans un drame qui les dépasse, ainsi qu’à l’analyse de leurs sentiments respectifs.

  9. Type: livre Thème: guerres futures 2 Auteur: Roy NORTON Parution: 1911
    Les menées expansionnistes du Japon rendent la guerre avec les Etats-Unis imminente :
    «Depuis plusieurs années déjà, de graves sujets de dissensions existaient entre le Japon et la grande République américaine. Des troubles, provoqués d’abord par des causes purement ethniques, avaient éclaté à diverses reprises. La côte du Pacifique, fatalement vouée par sa position géographique à se voir envahie par l’armée des travailleurs jaunes – ces maigres petits hommes que l’Extrême Orient vomit par millions pour venir prendre le pain dans la bouche des autres prolétaires – la côte du Pacifique refusait nettement d’accueillir ces visiteurs encombrants.»
    Guy Hiller, secrétaire de la légation britannique à Washington, tombe amoureux de Norma Roberts, fille du «Père Roberts », un savant réputé et grognon. Cependant, Norma semble distante, préoccupée par d’autres projets. L’invasion des Philippines par les Japonais anéantira les projets de Guy. Norma et son père disparaissent pendant qu’il est demandé en Angleterre, alliée des Japonais, et sommé d’expliquer la passivité des troupes américaines en face du péril. Alors que les Japonais continuent leur avance en direction  d’Hawaï sans tirer un seul coup de canon, les journaux s’émeuvent de la situation , stigmatisant l’inaction du gouvernement. En vue de leur donner satisfaction, les Etats-Unis décrètent une mobilisation générale des troupes…en direction de la frontière canadienne qu’elles devront rendre hermétique :
    « Personne ne devait plus franchir la frontière ; les fils télégraphiques qui reliaient les deux pays en temps de paix furent coupés et arrachés de leur poteaux, par ordre supérieur, comme si l’on renonçait à jamais à communiquer avec la contrée voisine. Bien plus : à tous les points d’atterrissage d’un câble, sur cette immense étendue de côtes, un poste de soldats fut placé : les stations de télégraphie sans fil se trouvèrent brusquement fermées, l’air même placé sous le ban. Des proclamations annoncèrent qu’on tirerait sur n’importe quel ballon ou aérostat qui tenterait de communiquer de l’extérieur ou qui se risquerait au dehors ; tout aéronaute qui enfreindrait ces ordres encourrait la peine de mort. »
    De même, tous les ports américains seront bloqués, provoquant l’isolement total du pays. Guy Hiller, renvoyé aux USA pour y découvrir ce qui s’y trame, l’apprendra à ses dépens : il ne franchira pas la frontière du nord malgré de nombreuses tentatives de sa part. Un autre personnage, le comte Seigo, espion nippon infiltré de longue date aux Etats-Unis, en fera aussi les frais. Ayant découvert en Floride l’incroyable secret de la défense américaine, il ne le communiquera pourtant pas à ses concitoyens, étant abattu par les soldats alors qu’il tentait de prendre la mer.
    Le Japon, encouragé par l’apparente passivité de son ennemi, progresse ainsi jusque devant les côtes orientales des USA. Soudain, toute sa flotte, qui croise au large de Seattle, disparaît brutalement. L’Angleterre, inquiète pour ses alliés, leur envoie sa propre flotte qui se volatilise dans les mêmes conditions :
    «Plus que tout autre, la Grande-Bretagne demeurait consternée. Bientôt il fut hors de doute que le puisant cuirassé Dreadnought avait disparu, emporté par quelque mystérieux cataclysme. Des milliers de braves marins, de sujets britanniques, avaient péri – et personne ne doutait que ce ne fût par l’acte de la terrible république d’outre-mer. Dans tous les cœurs s’éveilla un furieux désir de représailles. »
    Le monde entier est en transes et Hiller soupçonne le Père Roberts d’être à l’origine de cette affaire. Aucune explication cohérente ne fut avancée par une Amérique soumise à un feu brûlant de questions. La configuration géopolitique donnera illico des idées au kaiser qui déclare la guerre à une Angleterre affaiblie. Puis, le chef prussien disparaît brutalement.
    On découvrit qu’il était parti, apparemment consentant, dans la voiture de l’ambassadeur des Etats-Unis. Le roi d’Angleterre, lui aussi, lors d’une soirée au théâtre, disparut de la même manière, en accompagnant l’amiral Robert Bevins, envoyé spécial des USA. Enfin, l’effroi fut à son comble, lorsque l’on retrouva le «Dreadnought», l’un des vaisseaux de la flotte de sa Gracieuse Majesté, barbotant dans la Tamise.Que s’était-il passé ?
    Lorsqu’en plein conseil de guerre le président des Etats-Unis eut la visite du savant Roberts, il ne savait pas encore que ce dernier venait de mettre au point , avec sa fille Norma, une arme révolutionnaire qui rendrait toute guerre future impossible. Son principe, supprimant la force de la gravité, permettait à des masses métalliques immenses de se mouvoir à des vitesses énormes :
    « Un cri simultané s’échappa de toutes les poitrines. Le bloc solide, immobile, demeurait suspendu dans les airs, sans support, sans aucun étai visible ; point n’était ici question de prestidigitation ou de spiritisme.(…) Une masse de métal que tous leurs efforts combinés n’eussent pas réussi à remuer d’un pouce une heure plus tôt planait maintenant libre et seule au-dessus de leurs têtes, tel un cerf-volant gigantesque… »
    Décision fut prise de construire le plus vite possible et dans le secret absolu, des engins volants de cette nature, en Floride, et d’isoler totalement l’Amérique du reste du monde. Dans le même temps, pour respecter le plus de vies humaines, ordre fut donné à la marine américaine de fuir la confrontation avec les Japonais. Bien que Norma souffrît de l’absence de Guy, liée par son serment,  et sous la direction de l’amiral Brokton, elle s’attela avec son père à la construction de ces formidables engins, baptisés «radioplanes ». Après quelques ajustements, l’expérience fut concluante et les essais réussis :
    « Ils avaient ressenti un choc au moment où la puissante machine avait quitté la terre, et maintenant, loin au-dessous d’eux, ils voyaient se dessiner les mille lumières de la capitale. Déjà ils en étaient éloignés de plus d’un mille et ils montaient avec une rapidité foudroyante, l’horizon s’élargissant autour d’eux comme une cuvette gigantesque. La mer s’étendit soudain dans leur champ visuel ; quelques navires, sur sa surface, semblaient des jouets d’enfant ; plus loin, les lumières d’un train en marche paraissaient le sillage d’un vers luisant. On eût dit que la terre s’enfonçait, s’écroulait dans l’espace, les laissant seuls maîtres de l’immensité. Autour d’eux brillaient d’autres lumières, les étoiles vers lesquelles ils semblaient monter. »
    En peu de temps, la flotte de radioplanes prit le départ en direction de la flotte nipponne. Le combat fut rapidement expédié et la capitulation des Japonais totale lorsqu’ils virent ces immenses engins d’un type inconnu fondre sur eux à la vitesse de l’éclair, s’emparer de leurs bâtiments à l’aide de grappins magnétiques,  pour les parquer dans un lac, près de Seattle :
    « Tout alentour, sur la houle lente dont la teinte sombre prenait peu à peu un gris de plomb, les autres navires de l’escadre japonaise assistaient muets et impuissants au plus stupéfiant des spectacles. Ils avaient vu ce corps monstrueux s’abattre sur le vaisseau amiral, en briser les mâts impuissants comme autant d’allumettes, puis revenir à la charge, s’acharner comme un être vivant, briser, démolir les cheminées, et soudain s’élever d’un vol surnaturel, emportant après soi, suspendue à ses serres d’acier, cette formidable masse de métal, ce colosse de fer, le cuirassé Ito, orgueil et force de leur marine, arraché à l’océan, emporté à travers les airs avec une rapidité foudroyante (…) Bientôt la masse formidable ne fut plus qu’un point, une tache flottante dans l’azur du ciel… Puis tout s’effaça ; l’immensité redevint vide… »
    La flotte anglaise subit le même sort – sans qu’un seul soldat ne soit tué. Enfin, pour désamorcer la guerre annoncée entre la Prusse et l’Angleterre, le radioplane «Norma », le premier construit et piloté par la jeune fille, enleva les deux chefs d’état pour leur faire entendre raison. Ils réapparurent, prêts à signer un traité de paix universel sous l’égide des Etats-Unis, les Américains étant ravis de mettre leur invention à la disposition du monde entier - ce qui, entre nous, n’est peut-être pas la meilleure idée !- le mariage de Norma et de Guy concluant cette belle histoire :
    « Déjà le monstre inconnu était assez rapproché du sol pour qu’on pût distinguer les bannières qu’il portait : le pavillon étoilé des Etats-Unis, le drapeau de la Grande-Bretagne et l’étendard immaculé de la paix. La surprise des assistants fut à son comble quand le radioplane ayant atterri, ses portes d’acier s’ouvrirent, et on vit paraître le roi d’Angleterre, souriant, suivi par son premier ministre et par le premier lord de l’amirauté.»
    Le roman présente une vision utopique de la paix universelle rendue possible par l’avancée scientifique et la sagesse des politiques. La composition du texte, des plus intéressantes, présente en deux parties distinctes, selon un vécu  extérieur ou intérieur, une même réalité. L’invention des radioplanes, sortes d’immenses soucoupes volantes, est une trouvaille qui surpasse largement les fantaisies des années cinquante en ce domaine.

  10. Type: livre Thème: menaces animales Auteur: Phyllis Dorothy JAMES Parution: 1992
    Théo Faron, cousin, ami et ancien conseiller de Xan Lypiett le Gouverneur de Grande-Bretagne, s’est retiré dans sa solitude personnelle où, par le biais d’un journal intime qu’il détruira à la fin de son récit, il relate dans le détail la destinée de l’humanité.1944 est une date fatale pour l’espèce humaine, appelée ultérieurement l’âge Oméga : le début d’une stérilité absolue, complète et totale des hommes :
    «  Il y a maintenant vingt-cinq ans que naquit le dernier être humain, et rares sont parmi nous ceux qui, dans leur cœur, croient que le cri d’un nouveau-né se fera jamais réentendre sur notre planète. Notre intérêt pour le sexe va diminuant. L’amour romantique et idéalisé a pris le pas sur la grossière satisfaction charnelle, malgré les efforts du gouverneur d’Angleterre et les boutiques porno qu’il a promues à travers le pays pour stimuler nos appétits. »
    Au moment où s’ouvre le récit, en 2021, la société anglaise s’est profondément transformée. Le monde est peuplé de vieillards ou d’hommes mûrs. La criminalité recule, les fauteurs de troubles étant bannis sur l’île de Man où, sans frein, ils pourront se livrer à leurs instincts meurtriers. Des activités de substitution –baptêmes et anniversaires de chats, promenades avec des poupées disposées dans des landaus, sont courantes chez les femmes, désespérées :
    « Alors qu’il se rendait à Magdalen comme à l’accoutumée, il avait tourné St John Street dans Beaumont Street et approchait de l’entrée de l’Ashmolean Museum lorsqu’une femme s’avança vers lui en poussant un landau. La bruine avait cessé, et comme elle arrivait à sa hauteur, elle s’arrêta pour retirer la couverture imperméable et rabattre la capote. La poupée apparut, installée bien droite contre les coussins, les deux bras, mains gantées, posés sur l’édredon, parodie d’enfant à la fois pathétique et sinistre. »
    Pour ceux et celles qui s’estiment trop vieilles est instauré le « Quietus », une atroce cérémonie de suicide assisté par noyade.Dans la campagne anglaise qui se désertifie, les petites bourgades se vident,leurs habitants se repliant sur les grandes cités.La dernière génération des jeunes, les trentenaires, ceux qui  vont clore au moment de leur vieillesse l ‘épopée de l’espèce humaine, apparaissent comme des êtres étranges, sauvages, incultes, aux mœurs bizarres, incompris par les vieillards.
    Les Omégas - c’est ainsi qu’on les nomme - ont souvent le visage peint de couleurs rituelles et se livrent à l’assassinat collectif. La police spéciale de Xan, réagit peu contre toutes ces dérives puisque la pièce est jouée. Les échanges économiques subsistent grâce à l’action du « Conseil des Sages », cinq hommes et femmes assurant le pouvoir autour de Xan, considéré par certains comme un dictateur. Théo note les faits insignifiants d’une vie vide de sens dans un monde désespéré :
    « Même à travers la vitre, il entendait distinctement la télévision. Les vieux devaient être sourds. Il reconnut le programme : Neighbours, une série à petit budget réalisée en Australie entre la fin des années 1980 et le début des années 1990. (…) Elle jouissait d’un regain de succès et faisait presque l’objet d’un culte. La raison en était évidente. Les épisodes, dans le cadre d’une lointaine banlieue baignée de soleil, suscitaient une irrésistible nostalgie d’innocence et d’espoir. Mais surtout, ils traitaient des jeunes.
    Les séduisantes images de jeunes visages, de jeunes corps, le son de jeunes voix créaient l’illusion que, quelque part aux antipodes, cette jeunesse existait toujours, et que le monde rassurant où elle évoluait demeurait accessible. C’est dans le même esprit et en réponse au même besoin que les gens achetaient des cassettes vidéo d’accouchements et regardaient bouche bée des anciens programmes de télévision pour enfants. »
    Pour le narrateur, universitaire d’Oxford, professeur d’histoire ancienne, sa vie avec Héléna, dont il divorcera après qu’il aura tué accidentellement leur fille, constitue une grande déception. L’ambition ne l’a jamais travaillé et s’il relate longuement son amitié de jeunesse avec Xan, c’est pour humaniser un personnage devenu hiératique aujourd’hui.
    Une vie vide, des cours incompréhensibles devant de rares étudiants, une routine exaspérée par la mort qui s’avance, pas d’amitié, la solitude du célibataire, tout cela va être gommé par sa rencontre avec Julian.Ancienne auditrice de ses cours,  la jeune femme de trente ans appartient à un groupe de contestataires (ils se   dénomment les «Cinq poissons») qui espère infléchir la politique gouvernementale.
    Ils comptent sur Théo pour porter leur message auprès de Xan.  Chacun d’entre eux, Rolf, le mari de Julian, Luke le prêtre catholique, Cascoigne, l’ouvrier qui croit en l’utopie, et Myriam la Noire, infirmière et sage-femme, a des raisons différentes d’agir.
    Rolf est travaillé par l’ambition et le pouvoir. Le frère de Myriam est mort, tué par la police spéciale, après son évasion de l’île de Man. Cascoigne ne peut supporter le Quietus. Théo, sceptique quant à leur sincérité, après avoir assisté à l’horreur d’un suicide collectif, consent à rencontrer Xan pour lui faire part des doléances du groupe des Cinq Poissons.
    Le Gouverneur, sympathique et ouvert mais aussi inquiétant et mystérieux, l’accueille au sein du Conseil des Sages pour lui faire comprendre qu’il n’y aura aucun changement à espérer. Lorsque Théo rend compte de l’échec de sa mission au groupe, on lui apprend une stupéfiante nouvelle : Julian est enceinte des œuvres de Rolf !Basculant définitivement dans la clandestinité, il recherchera pour le groupe un endroit discret et sûr pour l’accouchement de Julian. Il sait que le temps leur est compté, que Xan agit probablement déjà et qu’il voudra s’approprier l’unique bébé à naître sur une terre au désespoir.
    L’arrestation inopinée de Cascoigne qui sabotait les passerelles d’embarquement menant aux bateaux du Quietus, accélère leur décision : il faut fuir au plus vite, dans la campagne anglaise déserte, vers le pays de Galle, dans une grange dont Théo connaissait l’emplacement du temps de sa jeunesse, à Wytchcrafft.Malgré la haine de Rolf à son égard et les difficultés liées à un accouchement imminent, il vole une voiture, de la nourriture, un révolver pour se défendre, et, avec le groupe, s’enfonce dans la nuit. Arrêtés en pleine forêt par des Omégas, ils trouveront leur salut dans la fuite, Luke se sacrifiant pour leur survie.
    La disparition du prêtre éclaire les circonstances de la naissance miraculeuse : c’est Luke le père de l’enfant et non Rolf. Ce dernier, mortifié et haineux, disparaît dans la nuit pour trahir Julian auprès du Gouverneur. La jeune femme arrivera juste à temps dans la grange déserte pour donner naissance à un bébé mâle, à la grande stupeur de Théo.
    Mais ils sont traqués par Xan. Myriam, après l’accouchement, s’étant éloigné du couple, sera retrouvée par Théo, étranglée. Il sait qu’ils sont piégés mais aussi qu’il ira jusqu’à se faire tuer pour la liberté de Julian.Lorsque Xan apparaît dans la clairière,  seul  - hélicoptères, médecins, police étant restés invisibles pour ne pas traumatiser la jeune mère - , sa confrontation avec Théo tourne à son avantage. Un cri de l’enfant détourne l’attention du Gouverneur, ce qui donne l’occasion à Théo de le tuer. Prenant à son doigt la bague du mort – symbole de commandement - Théo sera reconnu par les membres du Conseil comme le nouveau Gouverneur, le père du seul enfant au monde, le sauveur de l’humanité :
    « Ils arrivèrent sans se presser, sortant de la forêt (…) Parvenus à deux mètres du corps, ils s’arrêtèrent. Tenant l’anneau, Théo le passa alors ostensiblement à son doigt et leur présenta le dos de sa main. « le Gouverneur est mort et l’enfant est né, dit-il. Ecoutez ». le vagissement avait repris, à la fois pitoyable et impérieux. (…)
    Ils entrèrent d’un pas hésitant, presque comme à regret. Woolvington, qui fermait la marche, n’essaya pas d’approcher Julian mais resta planté à l’entrée comme une sentinelle. Les deux femmes, elles, s’agenouillèrent, mais moins pour marquer leur respect, semblait-il, que pour être tout près de l’enfant. En réponse au regard suppliant qu’elles levèrent vers elle, Julian leur tendit l’enfant en souriant, et elles, partagées entre le rire et les larmes, avancèrent timidement la main pour lui toucher la tête, les joues , les bras .»
    Les Fils de l’homme est un roman sombre et désespéré, d’une écriture envoûtante, qui traduit dans sa complexité une société à l’agonie.
    Traitant du même thème que « Barbe grise » de Brian Aldiss, il dépasse ce dernier par le ton intimiste appliqué à la description d’une horreur sans nom, celle de la mort de l’espèce vécue à travers un seul individu. Un chef-d’œuvre.(contrairement au film adaptant l’ouvrage,  qui est un ratage innommable!)