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Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !
Livres
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La famille Bennewitz composée du jeune narrateur (13 ans), de sa soeur Judith (15 ans), de sa petite soeur Kersten (5ans), de papa et de maman, partent en vacances chez leurs grands-parents, à Schewenborn, un charmant village, proche de la forêt du Fleyenhang, non loin de la ville et de la rivière Fulda, proche de la frontière de la RDA. Ils n'arriveront jamais à destination comme ils l'ont imaginé. Une bombe nucléaire explose sur Fulda et sa région et leur univers bascule immédiatement dans l'indicible. Après le flash lumineux, auquel ils échappent, la tempête soudaine les bascule dans le fossé comme les arbres autour d'eux. Choqués, ils reprennent leur route à pieds jusqu'à Schewenborn, dont la majorité des maisons brûle. Les grands-parents qui avaient fait un saut un Fulda ce jour-là, ne reviendront plus. La famille s'installe donc dans leur maison encore intacte, quoique branlante, et regardent avec horreur les gens brûlés qui titubent dans les rues:
"Je suis montée sur une colline qui domine Fulda. il n'y avait plus qu'un vaste espace noir, ondulé. Plus un arbre, plus une maison, seulement de place en place comme des traces de socles en béton, brisés. (...) J'ai rencontré des gens de Kämmerzell. Ils étaient dans un état effroyable: brûlés, mutilés, aveugles. Ils descendent la vallée de la Fulda. Ils cherchent des médecins et des endroits où ils pourraient faire panser leurs plaies, se procurer de la nourriture et des abris. Ils se traînent le long des rives de la Fulda, car les villages de la vallée, mais aussi les forêts, brûlent. les routes sont barrées par des arbres renversés, par des lampadaires; elles sont rendues impraticables par des amas de décombres (...) Beaucoup d'entre eux étaient nus. "Ca" leur a brûlé les habits directement sur le corps. Les prairies, sur les rives de la Fulda, sont couvertes de cadavres: dans les buissons qui bordent la rivière, dans les roseaux, sur les prés, des cadavres sans peau, des cadavres calcinés. Et sur les prés, partout, des cadavres de vaches."
Attendant des secours qui jamais n'arriveront, ils s'organisent. Alors que le père calfeutre la maison et la consolide, attentif aux retombées radioactives, la mère, obsédée, n'a qu'un unique désir, celui de renter chez elle à Bonames, un quartier de Francfort, bien que tout semble avoir été soufflé, là aussi. Il faut qu'ils survivent pourtant, de n'importe quelle façon. A côté des morts, des disparus, des pilleurs désespérés et en provenance du voisinage, avec une hygiène douteuse et des vivres en baisse, le jeune narrateur visite l'hôpital du village, devenu une succursale de l'enfer:
"Je franchis la porte d'entrée. Ce que je vis était horrible et pourtant je ne pus détourner les yeux. je vis une femme au visage brûlé et complètement enflé; ses cheveux étaient grillés; une de ses oreilles n'était plus qu'un minuscule bout de chair rouge.(...) A côté de cette victime, il y avait une fille, à peu près de l'âge de Judith. Elle avait déjà un peu de poitrine. Elle n'avait plus sur elle, que son jean, rien d'autre; et il était brûlé et troué en plusieurs endroits. Ses jambes étaient écorchées, le pantalon collait à cette chair à vif. A un endroit, on apercevait l'os."
Là, débordés, l'unique médecin et quelques infirmières improvisées, essaient de soulager une population condamnée qui présente tous les signes de l'empoisonnement radioactif: vomissements, brûlures profondes, anémie, taches corporelles... II les aidera en apportant de l'eau aux malades et en participant aux enfouissements des cadavres. La mort a déjà pris une dimension coutumière. Avec l'hiver qui s'approche, il est impératif de faire des provisions de bois et de nourriture, malgré les pillards de plus en plus nombreux. Le père et le fils marchent du matin au soir, rapportant surtout des sacs de charbon encore disponibles sur un ancien site industriel.
A l'hôpital, le narrateur a rencontré deux enfants, Silke et Jens, son jeune fère. Il les adopte, ce qui permet à sa mère de trouver un dérivatif à la misère ambiante. Hélas! la jeune Silke meurt très vite et Jens restera au sein de la famille. Mais voilà que Judith tombe malade à son tour. Ses cheveux s'arrachent par poignées, elle se sait condamnée:
"Le soir où ma mère se leva pour la première fois, Judith, elle, se coucha. Elle avait une forte fièvre. Son blue-jean tenait à peine à ses hanches. Elle ne voulut plus rien manger, seulement boire. Mais, de jour en jour,elle eut de plus en plus de mal à avaler. Une fois, le foulard glissa de sa tête: en la voyant ainsi, je poussai un cri: elle n'avait plus un seul cheveu (...) Son corps changea de teinte, se couvrit de taches; puis elle mourut, sans bruit, sans une plainte. Elle s'en alla, tout simplement."
Deux semaines après la Bombe apparaissent les premiers signes d'une épidémie de typhus:
"Ceux qui étaient restés en ville n'osaient plus sortir de chez eux, par peur de la contagion. Chaque poignée de porte, chaque balustrade pouvait porter des germes. Toute personne que l'on rencontrait pouvait représenter un terrible danger. Pendant des jours, la ville fut comme morte, bien qu'il y eût alors deux fois plus de monde qu'avant l'explosion"
La contagion fait le vide autour d'eux. Ne pouvant s'en préserver totalement, ils évitent au moins de se contaminer, en buvant l'eau chlorée de la piscine. Mais la famine se fait sentir davantage et hormis quelques pommes grappillées sur les arbres voisins, le butin est bien maigre:
"Les fermes s'étaient effondrées ou avaient brûlé. Les granges et la hangars avaient été comme soufflés. Et partout, encore, régnait une odeur de cendres. On ne voyait pratiquement personne. Les survivants qui n'étaient pas partis s'étaient installés dans les ruines. Les prés étaient jonchés de cadavres d'animaux, dont certains n'étaient déjà plus que des squelettes; aucun corbeau dans le ciel, pourtant. Sur les flancs des collines alors boisées, l'onde de choc avait brisé les pins comme des allumettes. un peu partout, des arbres s'étaient abattus sur les routes et celles-ci n'avaient pas encore été dégagées."
Le narrateur est frappé à son tour par la maladie mais résiste en recouvrant la santé alors que sa petite soeur Kersten en meurt. Sa mère, à moitié folle, se rabat sur Jens. Les gens changent profondément. Chacun préoccupé par sa propre survie ferme sa porte aux autres. Le père et le fils, sillonnant toute la région pour trouver à manger font l'expérience de l'égoïsme et s'aperçoivent que les réalités politiques, tellement importantes jadis, ne sont plus que du vent. A plusieurs reprises, il leur arrive de franchir sans le savoir la ligne de démarcation séparant la RDA de l'Allemagne de l'Ouest. Or, les conditions sont identiques d'un côté comme de l'autre et aucun militaire ne leur en interdit plus le passage.
Avec l'hiver qui approche, les vols se font de plus en plus nombreux. Bien que la saison ne soit pas trop rigoureuse, les gens, affaiblis, tombent comme des mouches, laissant des enfants orphelins, marqués, mendiants, qui survivent comme ils le peuvent, en chapardant de ci de là. L'assassinat d'une adolescente meneuse par un "nanti" déclenche l'hostilité générale contre les adultes. Des inscriptions telles que "Salauds de parents" fleurissent sur les murs:
"Fumiers! lui cria le garçon qui n'avait plus de jambes. C'est à cause de vous que la bombe est tombée! Vous vous en fichiez de ce qui risquait d'arriver à vos enfants. La seule chose qui vous intéressait, c'était votre petit confort. Maintenant, ça y est, hein! vous êtes contents? Mais nous, nous payons les pots cassés. J'espère que vous allez tous crever!"
Andréas, un jeune mutilé, affamé, désespéré demande au narrateur de l'aider à se suicider. Celui-ci accepte et enterre son corps dans une ravine, la terre gelée lui interdisant de creuser. En janvier, la famine est telle que les gens perdent la raison. La mère, qui se découvre enceinte, veut absolument rentrer à Francfort. Elle entraîne son mari, Jens et son jeune fils dans l'aventure:
"Mon père avait attaché les deux valises et nos sacs de couchage sur la remorque de la bicyclette et, sur le porte-bagages, il avait fixé un sac de voyage plein à craquer. Nous portâmes, lui et moi, des sacs à dos remplis de pommes de terre, de pommes, de champignons, de carottes et de navets. Je poussai le vélo; lui, la voiture d'enfant dans laquelle Jens était assis. Celui-ci ne tarda pas à geindre, car on avait posé, en plus, en travers de ses jambes, une petite valise emplie de layettes."
Lorsqu'elle aura constaté de ses propres yeux que Bonames n'est plus que cendres, le retour vers Schewenborn constituera un calvaire pour toute la famille. La neige freine chaque pas, les poux et les puces les assaillent dans les étables, Jens, pris de fièvre, meurt brutalement durant le trajet. De retour au village, ils seront jetés hors de leur maison, occupée maintenant par une voisine, Mme Kammer, et des inconnus. La mère accouchera difficilement, au milieu des ordures, dans une des caves du château, démunie de tout. Elle donnera naissance à une petite fille mal formée que le père sera obligé d'euthanasier:
"Je restai pétrifié. je ne pus même pas crier. Je demeurai paralysé. Ma petite soeur Jessica-Marthe n'avait pas d'yeux. Là où ils auraient dû être, il n'y avait que de la peau, simplement de la peau. Il y avait seulement un nez et une bouche qui explorait ma poitrine en cherchant à téter. L'horreur me glaça, au point que je ne pus même pas remettre le coussin correctement, quand le bébé se dénuda en gigotant. Elle était couchée là, contre moi, nue et couverte de sang; je vis alors qu'elle n'avait que deux moignons à la place des bras."
La mère, folle de douleur, meurt à son tour. Seuls, traversant la tourmente, subsistent le père et son fils.
Quatre ans après l'événement, ils ont récupéré leur maison, car les gens continuent de mourir peu à peu. La vie sociale a régressé vers un curieux moyen âge. L'argent n'a plus cours. Seul le troc permet des échanges laborieux. Le froid, la faim, la multiplication des insectes, la dénutrition font que les survivants s'accommodent d'un état de pauvreté insigne, semblable à celui d'un pays du Tiers Monde:
"La plupart des Schewenbornois qui avaient survécu au jour de la bombe, décédèrent au cours des deux premiers hivers qui suivirent la catastrophe. C'est surtout le deuxième qui fit le plus grand nombre de victimes. Ce fut une saison particulièrement éprouvante. Les gens moururent de froid et de faim. Celui qui, en été, n'avait pas amassé assez de bois dans les forêts, celui qui ne possédait plus assez de vêtements chauds, celui qui tombait malade et n'avait personne pour surveiller nuit et jour son feu, celui-là mourait de froid. Celui qui n'avait pas constitué des réserves de nourriture mourait de faim (...) La nature, le paysage, ne se couvrit pas d'un manteau vert, mais d'une végétation chétive, d'un jaune sulfureux. le sapins perdirent leurs aiguilles; de nombreux arbres n'eurent pas de feuilles. Seules les mauvaises herbes les plus tenaces résistèrent."
Fidèles à leurs valeurs, le père et le fils ont ouvert une école pour combattre l'analphabétisme mais sans illusion: tous les jours les rangs des enfants se creusent et les rats, qui se développent, les empêchent de travailler:
"Il n'y a que les rats qui nous posent vraiment des problèmes. Il y en a des milliers dans le château. Ils courent entre les jambes des élèves. A Schewenborn, tout le monde se plaint de cette invasion; il est vrai qu'il n'y a plus de chats. Dans les rues, on les voit courir dans tous les sens. Il y en a de plus en plus et ils sont de plus en plus gras, de moins en moins craintifs. Ils ont même survécu à la famine du deuxième hiver, quand les Schewenbornois se mirent à en manger pour survivre. C'est dans ces conditions qu'il faut essayer de faire la classe: les enfants lèvent sans cesse les jambes, de peur d'être mordus, depuis qu'une petite fille de sept ans l'a été à un orteil."
De plus en plus, ils surprennent les regards de haine que leur lancent les enfants qui les rendent responsables de leur misère, les derniers enfants de Schewenborn.
Gudrun Pausewang a signé un récit sans concessions. Excluant délibérément les causes de la guerre, les implications géopolitiques de la Bombe, elle s'est exclusivement concentrée sur les effets individuels et sociaux de la guerre nucléaire, accentuant l'horreur en prenant comme personnages principaux de son récit des enfants. L'inscrivant dans un réalisme effrayant, elle espère, à travers une pédagogie de la douleur, éduquer son jeune public à la détestation de la guerre et le gagner au sentiment écologique. Le réalisme dans la description , qui n'est pourtant que la stricte application des conséquences du mal radioactif, n'a pas plu à tout le monde. Ainsi a-t-elle été prise à partie par des responsables politiques qui n'aiment pas que l'on connaisse l'évidence, comme l'a été , en sont temps le film de Peter Watkins, "la Bombe", censuré en France pour les mêmes raisons. "Les derniers enfants de Schewenborn" est donc encore, à ce jour, un récit conjectural dont la lecture est hautement recommandée pour qui désire connaître les désastreuses conséquences d'un mauvais usage de l'atome.
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contient les nouvelles :
les Bébêtes (Alain Duret)
le Jour se lève (Robert Bloch)
la Grand-route (Ray bradbury)
la Lune était verte (Fritz Leiber)
Vue sur l’apocalypse (Jean-Pierre Andrevon)
Le Poids du ciel (Michel Lamart)
Le Vaisseau fantôme (Ward Moore)
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Elimination - Par BenF
Siro Spadoni, le " Vieux " se trouve en compagnie de Marc Lefranc, le " Jeune ". Tous deux tentent de survivre dans un univers urbain chaotique, bouleversé par d’anciennes déflagrations nucléaires et parcouru par les " crânes rasés ", les " pillards " et la " police ", autant de groupes à la disposition des " A.A.A. " ( pour Habitants – sans le H. ?- des Abris Antiatomiques).
Seul groupe technologique organisé, les " A.A.A. " habitent un réseau de cités souterraines dans lesquelles ils vivent en égoïstes parasites entretenant des " esclaveries " pour leurs besoins personnels, traitant tous ceux qui essaient de franchir la " Ligne rouge " en ennemis irréductibles. Léa s’est échappée d’une esclaverie. Jeune femme forte, elle rejoint le couple Spadoni-Lefranc, bientôt augmenté de Patricia, une autre jeune fille fuyant des avanies de tout ordre.
Le petit groupe entreprend, grâce à un plan secret, de pénétrer dans le " Tachyon ", une pile atomique encore en état de fonctionner et source de tout pouvoir. Tel est aussi le but de " la Voisin ", patronne des A.A.A., qui, apprenant l’action de Marc, s’ingénie à le contrarier, sans y arriver. Mais Marc n’est pas ce qu’il semble être : c’est un " Trans " (pour "Transmutant") aux pouvoirs psy immenses, télépathiques, prophétiques, visionnaires, empathiques, etc., lesquels prennent de plus en plus de force au fur et à mesure qu’il se rapproche du Tachyon.
Il sera rejoint par d’autres Trans, sortes de clones de Marc qui formeront une petite armée capable d’annihiler toute résistance ennemie, ce qui déclenchera une crise grave au sein des A.A.A., annonciatrice d’une guerre civile dans laquelle crânes rasés, crânes rouges, police, pillards s’étriperont à qui mieux mieux, en assassinant la Voisin.
Léa, Spadoni, Patricia, semblent être les pièces essentielles d’un puzzle monté par Tachyon qui aurait conçu les Trans, et notamment Marc, pour redonner un nouveau départ à l’espèce humaine. Puis Marc et ses Trans, les émanations de Tachyon, disparaissent.
C’est Graziella dite " la Gazelle " dite " Marie " qui viendra ouvrir la porte ultime de Tachyon. C’est une Trans femelle grâce à laquelle Spadoni et Léa, futur couple dominant, régénéreront la terre. Quant à la Gazelle rendue féconde en toute simplicité par Marc et… par télépathie, elle mettra au monde un fils qui s’appellera " Jésus " :
" L’énorme battant pivota et dévoila Siro Spadoni, Léa Martin et Patricia Coste. Je suis la Gazelle, dit Marie. Je suis très lasse. Allons encore au Palais. Là-bas, tu prendras le pouvoir, Siro Spadoni, et Léa t’aidera dans cette tâche. Bientôt, il y aura du soleil. Patricia épousera l’un des hommes de ma suite, et je mettrai au monde un fils, l’enfant de Marc. En souvenir de l’Espagne, et parce que ce prénom est très usité là-bas, je l’appellerai Jésus… "
Quand on vous dit que rien n’est impossible à une pile atomique… ! Ouvrage navrant où le fait de tirer à la ligne par l’auteur pour raison alimentaire ne justifie pas que celui-ci prenne son lecteur pour un demeuré.
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« La France de Babel-Welche » s’étend sur une période de cent ans, jusqu’en l’an 2100.
Le roman parle de la décomposition de l’Etat français jusqu’à sa disparition complète à travers de multiples aléas sociaux, financiers, économiques, politiques, biologiques, qui, à chaque période, ont accentué le délitement du pays.
Instaurant une pléiade de personnages apparentés et symboliques des pouvoirs en jeu, mais dont on suit aussi le destin particulier, l’auteur brasse les grandes théories politiques et économiques notamment par la mise en scène d’un historien-philosophe, Joseph Duplantier, qui compare le sort de la France d’aujourd’hui avec l’Empire romain de la décadence.
Le récit débute avec Frédégonde Boisjoli qui épouse Ahmed Carvalho en l’an 2005.
Les mariages entre migrants sont devenus fréquents. Sous la pression des ligues libertaires comme la L.S.F. (Ligue pour la Suprématie des Femmes), le F.N.G.C.P. (Fédération Nationale des Groupements Contre les Pollutions), le M.U.R. (Mouvement Universel contre le Racisme), les étrangers pénètrent la France, multipliant les mariages mixtes, francisant leurs noms, faisant voter des lois en leur faveur. Les Français de souche, surnommés « Welches » seront réduits à la portion congrue et sommés de faire état de leur « francité ».
Lorsque les migrants commencent à militer au sein des syndicats, ils deviennent de redoutables adversaires de l’ordre établi, tel ce Habib Teboursouk francisé en Habib Tambour, leader du syndicat majoritaire. L’élément allogène plie la langue à ses besoins, produisant un sabir indigeste, embryon d’un néo-français méconnaissable.
La pression fut tellement forte que l’on débaptisa le pays en « Welchie » et la ville de Paris en « Cosmoble ».
En attendant, le frère de Frédégonde, Xavier du Bois-Joli, occupe d’importantes fonctions au Ministère des Impôts. Sous l’impulsion de la présidente, Ursula Porfiro (d’origine bolivienne), l’Etat-Providence atteint son maximum. Comme elle avait pour règle de ne rien refuser, jamais, à qui que ce soit, chaque libéralité devait être compensée par un impôt nouveau inventé par Bois-Joli, dont le génie en la matière atteignait la démesure :
« Mais la nouvelle taxe fut mal accueillie. Le M.U.R. s’indigna qu’on put frapper ainsi les migrants : ce n’était pas leur faute s’ils arrivaient en Welchie sans bagage intellectuel. Il n’était pas tolérable qu’on favorisât les Welches de souche et qu’on imposât injustement ceux qui n’avaient pas eu la chance d’aller à l’école.
Comme le sultane et le vizir tenaient bon sur la nouvelle participation, le M.U.R. exigea qu’en contrepartie on frappât les citoyens trop instruits. Les privilégiés de l’éducation ne devaient pas être de surcroît les privilégiés du système fiscal. Toussaint Giaccomoni ne reculait jamais devant la perspective d’une taxe supplémentaire. Il manda Xavier. « Il me faut maintenant une taxe sur les diplômés. »
Alors que la pression démographique de la Welchie s’affaiblissait, celle des migrants augmentait. En 2055, tout se gâta : ce fut l’époque de la « Grande Pressure ». Avec Toussaint Giaccomoni (un Corse) comme premier ministre, surnommé le « Grand Vizir », Ursula satisfaisait tous les désirs, jusqu’à faire remettre en liberté les prisonniers avec une rente appropriée, dont le sulfureux Malabar, un criminel notoire.
Bien que les aides de l’Etat tentaient l’impossible, sous les coups de boutoir du syndicat de Habib réclamant la journée de 4 heures et la semaine de 4 jours, la récession inexorable s’accentuait. En 2058, Cosmoble était encore une ville active où les Bois-Joli (anciennement Ben Djali) avaient plaisir à résider et à aider leur amie Adélaïde Duplantin , championne de l’écologie, à lutter contre le bruit, en proposant une taxe sur les décibels.
Comme en vieillissant, Adélaïde était également choquée par la mode du nu, une taxe fut instaurée sur tout ce qui se présentait dévêtu (ce qui plut énormément aux inspecteurs chargés de l’appliquer.) Les taxes, contributions diverses, impôts, tailles, gabelles, contributions indirectes devinrent bientôt si exorbitants qu’une vague de suicide s’ensuivit jusqu’à ce qu’un Corse, rival de Giaccomoni, fit sauter le fichier informatique de tous les contribuables de la Welchie.
Un tel régime, forcément instable, fut la cause d’une hyperinflation monumentale et catastrophique. La Welchie glissa dans le rang des pays sous-développés. Les denrées ne circulaient plus. L’argent papier pléthorique ne valait plus rien. Fallait-il en revenir au troc ? fallait-il tout nationaliser ? Comment geler les prix et la hausse des salaires réclamés à grands cris par Habib ? Le 15 septembre 2070, Ursula Porfirio disparut mystérieusement de son bureau. Enlevée par un collectif de contestataires qui réclamait son poids en papier monnaie usagé (pour faire diminuer l’inflation !), elle sortit de leurs mains folle, et fut internée sans délai.
La nouvelle présidente Marigot Rosalie, une métisse martiniquaise, prit le parti de la non-intervention. Elle croyait au processus de la régulation automatique. L’absence du poids de l’Etat dans le désordre ambiant augmenta l’importance des syndicats qui préconisèrent une grève totale de tout envers tout et contre tout. Le pays s’immobilisa :
« L’asphyxie de la Welchie devint totale quand les ports furent bloqués. Furieux de ne plus pouvoir expédier le poisson sur l’intérieur, les marins pêcheurs, avec leurs chalutiers, obstruèrent l’accès des ports de commerce. Exaspérés par ce blocus, les armateurs de cargos obstruèrent les ports de pêche. Rien ne bougeait plus en Welchie, mais les télécommunications permettaient encore aux citoyens de s’informer les uns les autres.
Il n’en fut plus question quand le syndicat des agents du télévidéophone coupa tous les circuits et quand le Syndicat de l’audiovisuel suspendit les émissions. L’un et l’autre avaient de bonnes raisons, dont personne n’eut connaissance, en l’absence de tout moyen pour les communiquer.
Il restait aux citoyens du pays welche à se déplacer à pied. Les citadins sans ravitaillement marchèrent en direction des champs, en contournant les barrages, et dans l’espoir de rejoindre un parent équipé pour survivre. De longues files de citoyens affamés s’étirèrent à travers la Welchie, en de douloureux exodes. »
Mais Habib fut aussitôt débordé sur sa gauche par un nouveau venu, un certain Kuala-Kota (thaïlandais) qui créa le parti révolutionnaire du C.G.L.O. (Confédération Générale du Parti Ouvrier). Ayant francisé son nom en celui de Gaël Cotta, il partit à la conquête du pouvoir. Y étant parvenu, il mit Habib Tambour au placard et devint le «Grand Meneur » de la Welchie appliquant strictement le programme marxiste (dont il ne connaissait que le nom) de la confiscation de toute propriété privée, y compris les terres cultivables :
« Du jour au lendemain, par la vertu de l’ordonnance élyséenne, ils cessèrent d’être les propriétaires de leurs domaines. L’Etat qui les en chassait les indemnisait avec des titres de papier qui leur donnaient droit à des versements dont le premier commencerait dans dix ans, et le dernier s’achèverait dans vingt-cinq ans, après la fin du siècle. Entre-temps, fonctionnarisé, ils devenaient ouvriers agricoles sur leurs terres remembrées, dont la gestion était confié à un conseil local. »
La Welchie se mourut aussitôt par une planification généralisée, descendant encore de quelques degrés dans le sous-développement. En 2081, l’eau cessa d’être distribuée à cause du manque d’entretien et de la vétusté des conduites, ce qui obligea les Cosmobolites à puiser l’eau dans des ruisseaux comme la Bièvre (un bourbier infect), ou à des fontaines naturelles. Le Grand Meneur impuissant et en fuite sera tué par Malabar, le criminel de jadis, et qui l’était resté.
La Welchie, à bout de forces, retrouva ses particularismes locaux. Le pays se fragmenta en autant de zones autonomes qui s’entourèrent de barrières douanières. Elle glissa vers un nouveau moyen âge dans lequel les technologies d’avant et les facilités d’antan n’étaient plus que souvenirs.
En 2090, un bateau sanitaire en provenance du Brésil qui avait conservé un haut niveau de vie, apporta une maladie nouvelle due à bactérie d’origine extraterrestre ramenée par de hardis spacionautes brésiliens dans leur exploration de Titan. Elle fut baptisée « la peste mauve » à cause de la couleur des bubons qui se répandaient sur la peau des malades. La contamination se fit à une vitesse extraordinaire, sans aucune parade possible. Les différentes « nations » de la Welchie moyenâgeuse furent affectées chacune à son tour, ce qui dépeupla les régions en masse.La religion, le culte de Théa, devint le dernier refuge des Welches.
Le fléau dépeupla Cosmoble à la plus grande joie de Joseph Duplantin qui put enfin se livrer à ses chères études dans une Bibliothèque Nationale désertée, évitant au passage d’être contaminé.Un remède pire que le mal mit fin à la pandémie. L’incendie qui naquit à Cosmoble, sans défenses naturelles, sans pompiers, sans eau, engloutit la quasi-totalité de la ville réduisant en cendres les connaissances transmises de générations en générations.
En 2098, la Welchie se présente comme un territoire dépeuplé où la faune et la flore sauvage revivent, où subsistent des villages isolés vivant chichement sur leurs productions locales. Ce territoire, pour une raison obscure, attira soudain l’attention des Orientaux, le peuple des Hautres et de leur chef Yuluwu qui entreprit une percée vers l’Ouest à bicyclette, moyen de locomotion volé aux Chinois.
Par vagues successives les Hautres pédalèrent en direction de l’Occident en empruntant les voies d’invasion tutélaires, dirigeant leurs guidons vers le sud de la Welchie que Yuluwu savait ensoleillé. Ses troupes épargnèrent Cosmoble, ville ruinée, cernée par les brouillards et des millions d’envahisseurs trouvèrent un nouvel asile autour de la Méditerranée où ils s’établirent :
« Lassés d’avoir tant pédalé, les Hautres se débandèrent à l’approche de la Méditerranée. Leurs vélos d’ailleurs refusaient tout service. Qu’étaient devenues les machines bien astiquées des Si-Chaniens ? Roues voilées, pédaliers faussés, guidons tordus, pignons édentés. Après huit ou neuf mille kilomètres, tout ce matériel était bon pour la ferraille. Les Hautres, pour leur part, étaient bons pour le repos.
On en vit se fixer entre Bandol et Cavalaire, entre Impéria et Viareggio. Il en fut qui s’égaillèrent en Lombardie, ou qui, par le Danube, reprirent à petites étapes le chemin de l’Orient. Yuluwu se laissa ensorceler par une fille de Vérone au regard de feu ; et il en fit sa quatrième femme.»
Près d’un feu de bois, dans le petit village de Gonesse, Joseph Duplantin réchauffait sa vieille carcasse tout en exprimant l’ espoir qu’un jour son pays puisse se relever et retrouver sa dignité.
Le récit, sérieusement documenté, le style tout en finesse, une ironie mordante et une philosophie doucement désabusée, amènent le lecteur à se faire une image d’un futur national plausible dans ses grandes lignes. L’entropie dont est frappé notre Etat quand ses forces déclinent, ressemble à celle de l’individu vieillissant. Une leçon de morale en forme de roman
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L'odyssee Du Vagabond - Par BenF
Lorsque Neil le skipper et Jim le fils de son employeur et ami Frank, atteignent la baie de Chesepeake à une centaine de kilomètres de Washington, les nouvelles internationales étaient préoccupantes. Prêts pour une virée en mer, Frank leur avait fixé un rendez-vous à Christfield, de l’autre côté de la baie, où ils devraient également embarquer Jeanne, une de ses amies, et sa fille Lisa. Tous réunis, ils repartiraient en mer sur le trimaran « Vagabond ». Mais le sort en a décidé autrement. La guerre nucléaire mondiale venant de débuter, tout près d’eux, une bombe avait anéanti Washington :
« Auparavant, ils avaient tous écouté le transistor. Sur la bande AM, ils n’avaient pu capter que cinq stations là où, d’habitude, il y en avait plus d’une quarantaine. Des bribes de nouvelles chaotiques, parfois à peine cohérentes arrivaient. Ce n’était que lorsqu’une information avait été répétée plusieurs fois, et sur des postes différents, qu’ils la croyaient vraie. Ainsi, il paraissait établi que Whashington, New York et entre cinquante et cent grandes villes avaient été détruites ; que le nombre des victimes se situait dans une « fourchette » de vingt à quatre-vingt millions ; enfin, que la plupart des grandes stations de radio et de télévision ne fonctionnaient plus. Et ce n’était qu’un début… »
C’est le sauve qui peut. Neil suggère de prendre la large alors que Frank souhaite maintenir son rendez-vous. Une course contre la montre commence pour chaque personnage, liée à son destin propre :
« Jeanne regarda de nouveau son rétroviseur et vit la même lueur. Elle jeta un bref regard sur sa gauche : deux voitures la dépassaient à toute vitesse. Alors, elle se retourna carrément : la lueur grossissait à l’horizon, s’élargissait, s’élevait… le noyau central semblait baisser d’intensité à mesure que le reste du ciel s’illuminait. Les doigts de Lisa s’enfonçaient dans la chair de son bras, qui tremblait toujours. Jeanne pensa simplement : « une bombe nucléaire est tombée sur Washington. » Elle en ressentit sur le coup ni terreur ni peur, seulement une lucidité à l’égard de l’événement.»
Lorsque Neil arrive à Christfield avec, derrière lui, un immense nuage de cendres radioactives, c’est pour sauver Jeanne et Lisa menacées par la folie humaine. Déjà, des personnages douteux ont pris son bateau d’assaut, notamment Macklin, une sorte de truand, qui tente aussitôt de prendre le pouvoir à bord. Neil l’accueille malgré tout car, en ces circonstances, il a besoin d’un second à poigne. De retour du ravitaillement à quai, il s’aperçoit que Vagabond a disparu. Macklin le lui a volé, avec à son bord tous ses amis.
Le skipper légitime sait qu’il lui faudra reprendre son bien avant que Macklin ne le fasse sortir de la baie. Avec Olly, un ancien capitaine pêcheur haut en couleurs et marin émérite, qui, lui aussi, n’a plus rien à perdre, ils se lancent à la poursuite du trimaran, réussissant par ruse à investir son bord. Macklin sera désarmé et si Neil l’épargne à nouveau c’est qu’il lui sera indispensable dans les jours à venir. Il est d’ailleurs plus que temps de chercher Frank qui monte sur Vagabond avec Tony, un autre individu susceptible d’aider à la manœuvre.
Vagabond prend le large en direction du sud alors que des retombées radioactives s’abattent sur un pont que Frank et Neil nettoient scrupuleusement :
« Une terreur diffuse planait sur les équipiers de Vagabond, tandis qu’ils continuaient de descendre le Chesapeake vers l’Atlantique. Ceux qui attendaient, entassés dans le carré, parlaient à voix basse comme s’ils étaient à une veillée funèbre. De tous côtés, les monstrueuses masses grises semblaient converger avec des intentions meurtrières : tandis que l’un des nuages virait au nord, l’autre bouchait l’horizon sud au-dessus de Norfolk, c’est-à-dire la région où ils étaient contraints de passer. Ils n’échapperaient pas aux retombées. »
Les journées en mer sont très dures pour des non-marins, des êtres désespérés et qui vivent dans la promiscuité. Souvent les terribles tensions seront apaisées par la douceur de Jeanne. D’autre part, Neil, vu les circonstances, fait adopter un règlement de fer auquel tous seront soumis. Sur terre règne la désorganisation la plus complète et les nouvelles les plus insensées circulent.
A bord, après que plusieurs d’entre eux aient souffert de la maladie des radiations, les survivants se divisent dans leurs options. Les uns souhaiteraient pousser jusqu’aux Caraïbes pour mettre le maximum de distance entre eux et la menace, les autres, dont Frank et Tony, encore mus par un esprit patriotique, suggèrent d’aborder au plus vite la terre ferme pour pouvoir se mettre à la disposition des forces combattantes.
Neil, quoiqu’ancien combattant, et Olly, savent qu’il importe de fuir mais devant la fatigue engendrée par des jours de mer sans pitié, ils se résignent à gagner le port de Morehead City, à la pointe du cap Hatteras. Dès leur arrivée, l’organisation locale de l’armée les avertit de se tenir à disposition. Vagabond devra être réquisitionné et tous les hommes valides rejoindront les rangs. Les autres, dont les femmes, seront reversés parmi les réfugiés. Ils trouveront asile dans un grand garage désaffecté. Olly, trop vieux, restera à bord en attendant. Jim et Tony touchent leur paquetage. Jeanne travaillera avec Katya, une nouvelle venue, pour soigner les nombreux grands brûlés. La situation semble désespérée :
« Une dizaine de personnes gisaient à même le sol de ce qui avait dû être auparavant une grande salle d’attente ; certains de ces malheureux gémissaient et l’un d’eux hurlait. Deux au moins étaient déjà morts. La salle sentait le vomi. Tous ces corps agonisants, sur le parquet, avaient des brûlures irréversibles. Un homme n’avait plus d’yeux et son visage était arrivé à un tel point dans l’horreur que sa vue était difficilement soutenable : la peau d’une de ses joues pendait comme de la chair sur un croc de boucher. »
Neil se résout à rejoindre la corvette commandant le port dont il croit connaître le capitaine, un ancien ami de l’école militaire, tandis que les conditions des réfugiés s’aggravent jusqu’à devenir insupportables :
«D’autres maladies commençaient à faire autant de ravages que les radiations et les brûlures. Les dysenteries, le typhus et le choléra devenaient rapidement endémiques dans de nombreuses régions du monde : en effet, l’interruption du réseau électrique avait entraîné une raréfaction et une pollution des ressources en eaux dans les régions surpeuplées. Et la maladie mystérieuse apparue dans l’Ouest des Etats-Unis s’étendait… »
La rencontre de Neil avec le commandant tourne au désastre. En lieu et place de l’homme fier dont il se rappelait, il rencontre un être brûlé, velléitaire, dont le seul objectif est d’attendre la mort, et qui lui signale que la défaite des Etats-Unis est totale. Il lui apprend aussi que de nouvelles retombées sont attendues au-dessus de la région pour les jours prochains :
«la Guerre », l’holocauste : la guerre des missiles, des bombardiers, des lasers, des satellites ; la guerre mettant en action toute une technologie sophistiquée de la science militaire moderne ; la guerre entre les Etats-Unis et leurs alliés d’une part, l’Union Soviétique et ses alliés d’autre part ; cette guerre était finie. Plus personne n’envoyait de missiles ; les explosions nucléaires avaient cessé. La mort descendait encore du ciel, mais elle tombait à présent lentement, comme une pluie molle. Les gens mouraient encore mais ils ne quittaient plus ce monde dans une lueur de feu, pulvérisés ou réduits en cendres. Ils disparaissaient d’une façon plus naturelle, plus banale : vaincus par la faim, le typhus, le choléra, la dysenterie, l’épuisement et le désespoir. Personne n’avait crié victoire, personne ne s’était avoué vaincu. »
La décision de Neil sera vite prise : il faut repartir, tout de suite ! Battant le rappel de ses compagnons avec Katya en prime, il tente de sortir d’un port surveillé jour et nuit. Feignant un naufrage qui détournera l’attention de la vedette patrouilleuse, ils se retrouveront au large, en fuite devant l’horreur.
Voguant vers les îles Saint-Thomas où ils espèrent enfin jeter l’ancre, ils subissent encore la dureté quotidienne de la vie à bord, là où les jeux de pouvoir se révèlent de plus en plus intenses. Neil est amoureux de Jeanne mais n’ose se déclarer à cause de Frank. Jim et Lisa resserrent leurs liens affectifs. La lutte pour la survie est continuelle, la pêche aléatoire. Ils apprennent aussi que de nombreux pays du sud rejettent les Américains qu’ils accusent d’avoir mis le feu aux poudres :
«Et c’est ainsi que dans la foulée de l’holocauste et du conflit Nord-Sud, une troisième guerre commença : une guerre aussi ancienne que l’est l’humanité : une guerre entre ceux qui mangent à leur faim et ceux qui ne mangent pas à leur faim. Les gouvernements d’Amérique du Sud se cramponnaient à leur pouvoir, exécutant tous ceux qui résistaient, tous ceux qui tentaient de franchir leurs frontières, tous ceux qui remettaient en cause l’état de siège par lequel ils se protégeaient. A travers le monde, les réfugiés de guerre menaient un combat le plus souvent perdu d’avance. Un combat pour survivre. Une guerre était finie. Les survivants ne l’avaient pas remarqué.»
Devant l’invasion des réfugiés, les Caraïbes se ferment, la piraterie se fait coutumière. Ils en feront l’expérience au large des Bahamas où des soldats déserteurs tentent de s’attaquer à Vagabond. Avec l’expérience acquise, le groupe les met en fuite et se fixe comme escale le port de Charlotte Amélie, capitale de l’île de Saint Thomas.
Bien que les restrictions pleuvent, ils ont quand même le droit de quitter le bord. Mais ici, rien ne peut s’acquérir sans or ou sans argent. Or, ils avaient un besoin vital de trouver des vivres dans cette société qui commençait à se désintégrer. Jim et Lisa, de plus en plus repliés sur eux-mêmes s’étaient liés d’amitié avec des jeunes de l’île et passaient leur temps à zoner. Comment reprendre la mer ? Grâce à Philip et Sheila, un couple d’anglais, désireux de partir eux aussi, un plan fut mis en place.
Dans l’île s’était cachée une bande de pirates dont il fallait voler et les vivres et le bateau. Avec Jeanne comme appât sexuel, Neil et les siens attaquèrent avec succès les bandits, s’emparant du Mollycoddle et du Scorpio deux bateaux qui, avec Vagabond, allaient leur permettre de quitter l’île. Le départ se fit dans la précipitation car une émeute généralisée anti-Blancs venait d’éclater ce matin-là.Sous la mitraille, Macklin et Tony manoeuvrèrent, prenant à bord Katya et Neil en toute dernière extrémité. Avec la mer démontée et Philip blessé, la sortie du port fut un enfer :
« La première vague d’une hauteur de sept à huit mètres était une colline plutôt qu’un mur d’eau, et elle était coiffée d’une couronne d’écume blanche. Le grondement s’intensifia, puis la vague gigantesque les saisit, souleva l’avant de Vagabond et l’ensevelit aussitôt, heurtant sauvagement les trois coques : trois mètres d’eau déferlèrent sur tout le bateau, faisant voler en éclats l’arrière de la timonerie et propulsant le bateau à une vitesse d’une vingtaine de nœuds. Olly, Jim, Jeanne et Frank se retrouvèrent écrasés et entassés contre le mur et le panneau de descente vers le carré, tandis que Neil se cramponnait à la barre. »
Grâce à l’habileté de Neil le danger fut jugulé avec une seule victime, Katya, emportée par la vague gigantesque. Le convoi reprend la route du sud, vers Punta Arenas , l’extrême pointe de l’Amérique. Cependant, la peste qui vient d’éclater à bord d’un des bateaux crée une nouvelle situation conflictuelle : Macklin et Tony, subvertissant Frank, font sécession. Menaçants les autres, ils espèrent s’emparer de Vagabond laissant le groupe en perdition. Le revirement de Frank qui lui coûtera la vie, règlera définitivement le sort de Macklin écrasé entre les deux quilles de bateau. Tony, abandonnant Vagabond, cherchera la terre à bord du Scorpio. Le groupe meurtri et endeuillé aura au moins un motif de satisfaction: les guérisons de Jim et de Lisa que la peste a épargnés.
C’est donc au sein d’une famille ressoudée que Neil et Jeanne aborderont à Punta Arenas où, avec quelques autochtones indifférents au sort du monde, quelques Roumains et d’autres rescapés de l’holocauste, ils tenteront de refaire leur existence dans la paix et la sincérité :
«Au Nord, les guerres auxquelles ils avaient échappé continuaient sans doute à faire rage. Ici, au bout du monde, quelques survivants s‘étaient rassemblés. Ils luttaient encore pour survivre, mais ils luttaient ensemble et non plus les uns contre les autres : un premier pas sur la route du long retour d’Apocalypse. »
« L’Odyssée du vagabond » est un grand roman dans lequel se conjuguent l’amour de la mer et du grand large, une vision humaniste de l’homme et une description minutieuse de la folie nucléaire. C’est une œuvre aux rebondissements multiples et à l’action enlevée qui se lit d’une traite. Peu connu en France malgré sa date de parution récente, il n’en constitue pas moins une performance impressionnante dans le genre.
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Les Oiseaux Lents - Par BenF
La Terre a une époque indéterminée (La Russie s’appelle "Russ" et l’Amérique "Méric"). La grande joie des villageois survivants, notamment ceux de Tuckerton et d’Edgewood, est de pratiquer le patin à voile sur des surfaces circulaires, parfaitement planes et vitrifiées. Celles-ci sont le résultat de déflagrations des "oiseaux lents", sortes de missiles planant silencieusement à hauteur d’homme au-dessus du paysage terrestre. Depuis plus d’un siècle, leurs apparitions et disparitions aléatoires, ainsi que leur nature, demeurent mystérieuses. A la suite d’une rivalité, le jeune Daniel Babbidge se fait attacher sur l’un de ces oiseaux. En dépit des efforts de son frère Jason pour le libérer, il disparaît soudainement avec l’artefact.
L’ épisode affecte gravement la santé mentale de Jason qui transforme sa façon de penser au contact de la mort symbolisée par le cylindre d’acier. Il prêchera, le reste de sa vie une philosophie du néant et du vide, un zen désespérée, repris en chœur par nombre de ses concitoyens, la vitrification des enclaves humaines restantes accentuant la pression.
Puis, un jour, Daniel revient, toujours aussi jeune, en face d’un Jason vieilli. Il connaît maintenant la clé du mystère : les " oiseaux lents ", sont des armes, produits technologiques de deux races qui s’entretuent "ailleurs", par machinerie électronique interposée. Ne pouvant s’atteindre directement, ils envoient leurs missiles par-delà le temps terrestre avec les conséquences prescrites par la relativité : une heure de leur temps représente un siècle du nôtre. Désireux de mettre un terme à leur extermination, ils ont renvoyé Daniel sur terre avec, en sa possession, tous les plans nécessaires à la destruction des missiles et aussi ceux de la construction d’arches stellaires. Cette explication heurte trop violemment son frère Jason qui ne peut l’admettre. D’un coup de canne, il voudra tuer son frère. Celui-ci, non seulement ne meurt pas mais se transforme avec le temps en une sorte "d’anti-prophète " en suscitant ses propres adeptes. La rivalité prendra fin à la mort de Jason. Les forces de vie triomphantes mettront un point final à la période des oiseaux lents , sur une terre appauvrie et dévastée.
Un concept intéressant de guerre relativiste dont la richesse du thème aurait pu mieux s’épanouir dans une forme de narration plus longue.
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contient les nouvelles :
le Dernier terrien (Lester de Rey)
l’Ultime rencontre (Harry Harrison)
Autodafe (Damon Knight)
Université (Peter Phillips) (hors corpus - non répertorié)
Forteresse (Fred Saberhagen)
Du danger des traités (Katherine MacLean et Tom Condit)
Le Papillon de lune (Jack Vance)
Le Roi de Nivôse (Ursula Le Guin)
Les Chasseurs (David F. Galouye)
Ancien Testament (Jérôme Bixby)
Boulevard Alpha Ralpha (Gordwainer Smith)
Pour une poignée de gloire (C.M. Kornbluth)
La Main tendue (Poul Anderson)
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contient les nouvelles :
la Crevasse dans la lune (Idris Seabright)
le Chemin de la nuit (Robert Silverberg)
Sans éclat… (Damon Knight)
Danse macabre (Richard Matheson)
Adam sans Eve (Alfred Bester)
Le Collier de marrons (Jane Roberts)
Le Navire des ombres (Fritz Leiber)
Situation privilégiée (Vernor Vinge)
Neiges d’antan (James Tiptree Jr.)
Pour venger l’homme (Lester Del Rey)
le Peuple du ciel (Poul Anderson)
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Danse Macabre - Par BenF
Le récit nous convie à un rite d’initiation à la sexualité adulte de quatre jeunes gens: Len, Barbara, Pud et Peg, âgés de 18 à 24 ans.
Peg est une petite oie blanche qu’il s’agit de débrider. Hurlant des slogans à la mode en cette année 1987, ils foncent vers Saint Louis à 200 km à l’heure dans leur puissante roto-moteur, se piquent au " vibrant ", afin de se stimuler, et n’oublient surtout pas leur masque à gaz dans les faubourgs de la ville aux immeubles ravagés par la guerre. Tout en buvant des " paludes vertes ", à l’alcool très fort, ils assistent à la danse du " néozon " ou P.N.Z. , Phénomène du Néo-Zombie:
" Peggy ne peut plus respirer. Elle reste collée à sa chaise, les lèvres arrondies d’épouvante silencieuse, le sang lui battant aux tempes, tandis qu’elle voit le néozon pivoter une nouvelle fois, battant l’air du fléau blanc de ses bras. La lividité terrifiante de son visage tombe vers Peggy quand le néozon revient se heurter à la barre, à hauteur de taille, et se pencher par-dessus. Le masque de blancheur lavée de lavande reste suspendu au-dessus d’elle, les yeux sombres s’ouvrent spasmodiquement en un regard figé et hideux. Peggy sent le sol bouger sous elle, la figure livide s’embrume de ténèbres, puis reparaît dans un éclatement lumineux. Les sons s’enfuient, chaussés de cuivre, puis lui pénètrent de nouveau le cerveau, en cacophonie visqueuse. "
La guerre bactériologique a eu des effets secondaires curieux: elle a contaminé hommes et femmes en faisant d’eux des zombies, cadavres animés au son de la musique et qui servent d’attraction dans les boîtes de nuit " branchées ". L’horrible spectacle fascine Peg qui, ce soir-là, avec deux paludes vertes supplémentaires, jettera sa virginité aux orties.
Une nouvelle brève et dense, au talent littéraire sûr. Entremêlant description d’horreur, slogans publicitaires et analyse psychologique, Matheson brosse le tableau vigoureux d’une société future proche et amorale, en quelques traits puissants. Du grand art!
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Trois soldats, dans leur forteresse roulante, derniers survivants (peut-être) d’une guerre nucléaire générale, roulent vers le Sud, dans un environnement de ruines radioactives :
«Au crépuscule, ils passèrent à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de ce qui avait été la troisième ville de France. Malgré la distance, ils découvrirent le ciel rougeoyant d’incendies, ou plutôt d’un unique foyer qui devait s’étendre sur l’ensemble de l’agglomération, chaudron de sorcière dans lequel avaient péri plusieurs millions d’êtres humains, en quelques minutes, quand trois bombes à hydrogène avaient explosé simultanément, à la verticale de la colline de Fourvière. »
Margi, le sergent, et Pilote quitteront leur blindé, le troquant contre une énorme auto à chenilles. Poursuivant leur route, ils s’interrogent encore sur le bien-fondé de leur mission quand ils recueillent Aviateur, un pilote ennemi vivant, éjecté de son appareil. Leurs relations sont tendues jusqu’à ce qu’ils aboutissent au bord d’un océan là où aurait dû se trouver la vallée du Rhône : les calottes polaires volatilisées par les charges nucléaires ont provoqué une montée brusque de la mer.
Ils longent ce terrain transformé en côte et ressentent comme une présence maléfique qui les poursuit. Dans un village, ils seront même cernés par des habitants-zombis, cadavres redevenus vivants, à moins qu’il ne s’agisse d’hallucination. Les faits étranges s’accumulent : Aviateur – censé s’exprimer en allemand - parle soudain un français parfait, comme s’il était possédé. Il explique à ses compagnons que les Dieux Anciens sont revenus pour honorer le « Maître » et qu’à eux trois, ils forment « les Prophètes de l’Apocalypse », ce qui est également le titre du roman dont rêve Pilote dans ses cauchemars. La présence obsédante se fait plus lourde, surtout lorsque Margi se transforme physiquement en cadavre. Dans le doute, Pilote le tue :
« Pilote pensa à une arme nouvelle, terrible, une sorte de bombe à neutrons perfectionnée qui aurait laissé les objets intacts en faisant disparaître toute matière organique, en l’entraînant vers le néant… Cela pouvait être une solution. Mais il y en avait une autre, trop incroyable, sur laquelle il n’osait pas se fixer. Ce n’était pas une bombe ni une arme secrète qui détruisait la vie, mais leur approche. C’étaient eux, les rescapés de l’Apocalypse, qui portaient la mort, messagers pervertis d’un nouvel Ordre, ayant reçu sans même le savoir la mission de traquer l’ancienne vie pour la faire disparaître à tout jamais. »
Avec Aviateur, il poursuit sa route vers le Sud comme s’il tenait à rejoindre Bénédicte, la femme de ses cauchemars – sa femme peut-être ! - censée se réfugier dans les Pyrénées.
Lors d’un nouvel arrêt pour cause de ravitaillement, les hallucinations guerrières le reprennent encore plus fortement. Il assiste notamment à une confrontation entre deux armées de chevaliers du moyen-âge. Les deux rescapés s’enfuient, puis rencontrent une femme-soldat, surgie du néant, survivante, comme eux, semble-t-il. Sa présence provoquera la rivalité entre Pilote et Aviateur, aboutissant à la mort de ce dernier. La femme disparaissant aussitôt, Pilote restera seul en proie à des cauchemars d’une guerre sans fin qui mélange les périodes historiques :
« Pilote comprit qu’ils avaient sombré cette fois dans la guerre totale, celle qui n’a ni frontière ni âge, celle où tous les soldats du monde, de tous les siècles, se relèveraient toujours pour célébrer le nouveau Maître en continuant éternellement leurs combats. (…) Maintenant, la Terre entière allait devenir le théâtre de gigantesques carnages et tous pourraient revivre leurs combats, savoir enfin pourquoi ils étaient morts, et tous allaient célébrer le Maître dans cette boucle sans fin. »
Ce chevauchement lui fait douter de sa propre réalité : vit-il réellement où n’est-il lui-même que le jouet des fantasmes littéraires d’un auteur ? Le récit s’achève sur cette interrogation.
Ainsi, par un manque de cohérence interne, à travers des personnages inconsistants et un prêchi-prêcha moralisateur, par une description des effets de la guerre proche du voyeurisme, par une confusion constante des plans du réel, cet ouvrage se donne comme un roman inabouti, ou écrit à la hâte, en tous les cas, de peu d'intérêt pour le lecteur courageux.
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