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Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !
Livres
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Tisserand, avocat célèbre du tout Paris s’apprête à quitter son bureau pour déjeuner avec son ami Maître Martineau pendant que sa secrétaire mademoiselle Fanny Lebeau tapait une dernière lettre. Sur le boulevard, de légers flocons blancs se déposent sur ses vêtements. Ce sont des graines, emportées par le vent et qui finissent par recouvrir totalement les rues de la capitale. Tisserand, intrigué, poursuit son chemin tandis que des lianes, en tapis verts et serrés, croissent à vitesse accélérée. Sa marche devient pénible et, pris de peur, il assiste à une scène incroyable :
" Traverser la place en tenant les enfants par la main, il n’y fallait pas songer, car les lianes montaient à mi-jambes des grandes personnes. Une dame même qui avait cherché à s’enfuir elle aussi, avait glissé, était tombée et les herbes terribles s’étaient refermées sur elle, la faisant entièrement disparaître. "
Rencontrant Martineau en cours de route, ils rebroussent chemin. Les deux hommes se réfugient au bureau de l’avocat pendant que la végétation, de plus en plus dense, envahit les maisons, étouffant ses occupants sous une chape verte. Avec la secrétaire, ils se blottissent d’abord au grenier puis, au fur et à mesure de l’avance des lianes, épaisses maintenant comme des baobabs, ils se rendent à la cave. Là, ils découvrent des racines asséchées et y mettent le feu :
" Des caves, le feu gagna rapidement la rue, et, en quelques heures, la végétation qui avait envahi Paris se trouva complètement anéantie. Les morts se comptaient par milliers. La plupart des immeubles ne formaient plus que des amas de ruines. "
L’alerte fut chaude, aussi subite qu’inexpliquée. Des milliers d’êtres humains avaient péri sans que l’on n’ait jamais su pourquoi. Mais pour Tisserand ce fut un moment de gloire puisqu’il découvrit l’amour en la personne de Fanny.
Une petite nouvelle sans prétention et sans épaisseur psychologique. Bien qu’inédite et oubliée à juste titre, elle est à verser à notre dossier.
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Les Allemands ont gagné la guerre de 14-18. Ils envahissent l’Europe, installent leurs valeurs et leur culture dans tous les pays, surtout en France :
«Le parti essaya de discuter, il éleva la voix, il en appela aux socialistes allemands, aux membres de la sozial-demokratie, à tous ceux-là qui faisaient partie de l’ancienne Internationale… O illusionnés ! Qu’attendaient-ils ? Qui sait même si ces camarades d’antan : les Wendel, les Noske, les Haase, les Kautsky, les Sudekum, les Fischer, les Barth, les Dittmann n’avaient pas poussé à ce régime, sachant précisément comment on fait marcher l’ouvrier ? – Mais nous sommes tous frères ! clamaient les hommes de la S.F.I.O. – Ja wohl, ja wohl ! Deutschland über alles ! répondaient les autres. »
Leur main-mise sur toutes les richesses, leurs manières de germaniser le pays pour l’assouplir et l’intégrer au grand Reich allemand sont décrites à travers les yeux de la famille Ferrat. Le père, Mathieu Ferrat, capitaine de vaisseau en retraite, vit avec ses deux filles Gabrielle et Emma en regrettant l’absence de son fils Lionel dont il n’a plus aucune nouvelle. Ecoeuré par la situation sociale, il envisage d’abandonner son lieu de naissance en Touraine pour terminer sa vie à Sainte-Maxence, dans le Sud, dans une «réserve» française que les Prussiens ont laissé subsister pour « l’exemple » :
« Quatre parties seulement du territoire, parce qu’elles se trouvaient en dehors de la ligne des grands fleuves, ne devaient connaître la germanisation qu’en dernier lieu, tout en étant aussi Deutschland que le reste. Ces quatre parties : la Bretagne – tout le pays entre Loire et Garonne – la Gascogne au sud de la Garonne – et la contrée à l’est du Rhône, constituaient les réserves.»
Sa fille Gabrielle l’y suivra. Emma, elle, volera de ses propres ailes. Fille intelligente, elle avait fait la connaissance d’Otto Mayer, un professeur d’université bavarois qui, sensible à sa beauté, l’encourage de s’installer à Paris d’où elle pourra continuer à suivre ses cours puisque, lui aussi, y a été nommé (par favoritisme). Car l’une des actions principales des Prussiens aura été d’interdire l’usage et la pratique de la langue française sur tout le territoire national (sauf dans les réserves). Tout manquement au règlement provoquait la mise en détention ou le bannissement du contrevenant dans une forteresse prussienne. Une dictature militaire s’était donc installée en France :
« C’est nous, les Français, qui inventons et ce sont les autres qui appliquent. Et cette invention ?… - Elle consiste à fournir le courant électrique sans qu’il soit besoin de câbles ni de fils. (…) - C’est tout bonnement merveilleux (…) Je sais ce que vous allez dire. Un progrès, n’est ce pas ? La fin de la houille, plus de mineurs, plus de ces pénibles travaux souterrains… Seulement, voilà, les Allemands sont venus. Alors, savez-vous ce qu’ils ont imaginé ? De ce servir de cette invention pour ajouter à leurs moyens de répression. Aussitôt l’installation terminée, tout autre mode d’éclairage ou de chauffage sera supprimé : gaz, pétrole, huile, alcool, bougie ; obligation d’utiliser le sans fil. Et dès lors, quand ils voudront nous courber sous tel arrêté nouveau, nous obliger à payer des contributions supplémentaires, nous contraindre à quoi que ce soit ou supprimer un mouvement d’indépendance, crac ! Ils tourneront un bouton : la ville sera privée de lumière et tous nous devrons manger nos repas froids. C’est beau le progrès… le progrès au service de la force. »
Comme un nuage de sauterelles qui s’abat et ravage tout un pays, les Allemands, portant leurs préférences sur Paris et l’Ile de France, verrouillent les postes administratifs, contrôlent tout déplacement sans visa, interdisent tout rassemblement en groupe, pratiquent la délation, encouragent la collaboration. Ils écrasent les Français avec un poing de fer, germanisent les monuments et les noms de lieux, rêvent de transformer le plus rapidement possible la France en une succursale de l’Allemagne. Emma, malgré ces difficultés, s’installera chez son amie Rose Déjean, à Paris :
« Quelque étrange que puisse paraître l’aspect des rues de Paris étiquetés en caractères gothiques, cela ne la surprenait pas trop : Tours lui avait offert le même spectacle. En approchant du centre, toutefois, des enseignes d’hôtels aux dénominations teutonnes, des réclames voyantes de maisons germaines, des affiches aux images coloriées commencèrent à l’intéresser. Mais ce fut à la place de l’Opéra, à l’intersection des grands boulevards, qu’elle ouvrit des yeux étonnés. A cet endroit s’élevait le premier monument dressé dans Paris à la gloire de la Germania. C’était, sur un soubassement en granit rose du Rhin, une colonne de marbre, sans ornements, mais lourde et massive, portant à son sommet, toutes ailes déployées, l’aigle des Hohenzollern. Aux pieds de l’aigle, sur la frise, quatre mots, la nouvelle devise de Wilhelm, I.R., Das habe Ich gewolt (J’ai voulu cela) »
Lorsqu’elle prit contact avec se nouvelle famille, Mme Déjean lui fit part du malheur qui la frappait. Son fils Victor, francophile convaincu et bon ouvrier linotypiste, venait d’être emprisonné pour des peccadilles et risquait de longues années de détention. Emma se rappelle l’existence d’Otto Mayer, elle court lui demander de l’aide. Troublé par la beauté de la jeune fille, le professeur lui promet d’agir en faveur de Victor à condition toutefois qu’une telle démarche ne soit pas défavorable à sa carrière. Victor libéré, à la grande joie de sa mère, Emma chercha un travail. Rose lui présenta Georges Dorman, imprimeur de son état, qui avait non seulement besoin d’un ouvrier typographe mais aussi d’une bonne secrétaire et correctrice pratiquant parfaitement la langue allemande. C’est ainsi que Victor et Emma furent embauchés. La pression germanique n’empêchait cependant pas la parution de nombreux journaux et feuillets contestataires, dont « la France Libre » qui occupait une place importante dans les cœurs et les esprits.
De multiples perquisitions imposant un coup d’arrêt qui aurait pu être fatal au journal, Georges Dorman fut pressenti, de le prendre en charge. En toute discrétion il installa une petite presse non répertoriée dans le grenier des Déjean et, avec Victor, se chargea de « la France Libre ». Emma, bien qu’elle fût au courant de ces actions d’opposition, avait d’autres soucis : elle venait d’avoir des nouvelles de Lionel, emprisonné à vie dans une forteresse en Germanie. Elle pensa donc, grâce à sa connaissance de la langue, se faire passer pour allemande, éviter le visa obligatoire pour voyager, et rendre une visite à Lionel.
Elle partit pour Bruxelles au moment où une perquisition s’opérait chez les Dorman et les Déjean. Trahie par Otto Mayer qui s’étonnait des fréquentations d’Emma, la jeune fille fut arrêtée par la police, tout comme ses amis. Son cas, dissocié des autres, fut considéré comme gravissime par les maîtres prussiens qui voulaient voir en elle une espionne :
« Elle entra dans la salle d’audience et prit place sur le siège réservé aux accusés. En face d’elle vinrent s’asseoir les juges, des officiers revêtus de brillants uniformes, à l’air rogue, rigides, compassés, bombant leur torse sur lequel s’étalaient de multiples décorations à commencer par la croix de Fer – le fer, symbole de la race. Autour d’elle, rien que des militaires et son défenseur d’office, un oberleutnant. Aux quatre angles de la salle, des drapeaux ; sur le mur du milieu, derrière les juges, l’oiseau de proie, l’aigle noir de la Prusse.»
Après une parodie de procès, Emma fut fusillée dans la cour d’une caserne.
Ce roman, apparenté clairement au genre de l’uchronie n’est donc, à priori, pas susceptible de figurer dans notre répertoire. Néanmoins nous avons considéré que la description quotidienne de la vie française sous la botte des allemands, les conséquences idéologiques et sociologiques d’une occupation de longue durée, la mise à mort proclamée d’une nation européenne par consomption et assimilation, l’usage de la délation et de la science en un but d’oppression, puissent être assimilés à une catastrophe. Nulle part, il nous a été donné de lire un ouvrage aussi fouillé, un réquisitoire aussi terrible contre l’Allemagne du Kaiser où, grossissant par la charge et la caricature les traits des traîtres « boches », la haine et l’esprit de vengeance jaillissent à chaque page de l’ouvrage
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Les Carnivores - Par BenF
La narratrice est sauvée par de sympathiques et peureuses créatures extraterrestres ressemblant à des lapins ou à des biches. Elle se rappelle qu’elle est l’une des dernières humaines en vie, étant protégée par une grande épaisseur de terre lors de la conflagration atomique consécutive à la guerre que la Chine a initiée à l’encontre du monde.
Les extraterrestres, qui surveillent la Terre depuis si longtemps, s’excusent auprès de la jeune femme de ne pas être intervenus plus tôt. Mais il faut les comprendre : comment pouvaient-ils aider des êtres ressemblant tant aux carnivores qui mettent en péril leur propre vie ?
Quoiqu’il en soit, la rescapée est si contente d’être tirée d’affaire qu’elle ne remarque pas tout de suite la grande cicatrice qui lui barre le bas-ventre. Saisissant l’occasion au vol, et profitant du petit nombre de survivant(es), les «gentils » extraterrestres, dans l’espoir de se débarrasser une fois pour toutes des « carnivores humains », en ont profité pour les stériliser :
« Ils avaient décidé un génocide : l’assassinat de notre race. Tous les survivants découverts ont été stérilisés. Il n’existera plus d’êtres humains après notre mort.(…) Plus tard viendra le temps de la colère ou du chagrin, mais en cet instant, je les comprends. Selon toute vraisemblance, ils ont raison, entièrement raison. Nous sommes des carnivores. Je le sais, car, en cette minute de haine, j’aurais voulu pouvoir les exterminer tous. »
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L'arrivee Des Glaces - Par BenF
Denell, le dernier homme au monde, se remémore avec nostalgie sa longue vie. S’étant prêté à une expérience supposée le rendre immortel, elle a réussi mieux que prévu en lui ôtant toute possibilité de ressentir des sentiments. Alors, stérile par nécessité, il fait de son mieux pour pallier ses manques : il s’adonne aux joies de la contemplation des concepts ; mais son esprit épuise au cours des longs millénaires le champs des découvertes et, insensiblement, les êtres humains autour de lui, le dépassent en intelligence.
Il resta pourtant un témoin muet et taciturne, assistant au lent basculement des millénaires, aux convulsions des races, aux guerres, aux transformations progressives de la terre, jusqu’au moment final où celle-ci fut recouverte par les glaces , ne laissant de libre qu’une mince bande équatoriale. La terre se transformant en un tombeau glacé, ses derniers compagnons humains, redevenus sauvages, auront disparu dans la tourmente. Denell restera le seul de son espèce sur une planète morte :
" J’ai froid. Je l’ai déjà écrit. Je suis gelé. Mon haleine tombe en petits glaçons au contact de l’air et je peux à peine remuer mes doigts gourds. La glace se referme sur moi, je ne peux plus la briser. La tempête hurle autour de moi dans le crépuscule et je sais que c’est la fin. Et moi… moi, le dernier homme…Le dernier homme…"
Une nouvelle inédite originale en son temps qui partage quelques accents communs avec celle de Campbell Jr,
"Crépuscule".
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Le professeur Richter, directeur du CNRS, et son assistant Jean Degrève, ont réussi à percer le secret de la matière. Richter est pessimiste quant à l’usage que l’humanité pourrait faire de son secret :
«Pensez que le nouveau procédé de désintégration facilement réalisable en laboratoire, mettrait à portée du premier venu, d’un inconscient ou d’un fou, le plus formidable moyen de destruction qui soit concevable. »
Il n’a pas tort. Le soir même, les deux hommes sont enlevés par les sbires de Tulax, un descendant des rois Toltèques qui a juré la mort des Blancs. Ils seront emprisonnés en son repaire souterrain, dans un îlot de la mer australe, où Tulax espère arracher son secret au professeur Richter. Celui-ci résiste, puis, de guerre lasse, se suicide. Reste Degrève, lequel, sous l’influence de Maya, une jeune étudiante indienne rencontrée jadis à Paris, est près de succomber :
« La jeune indienne, plus diaboliquement belle que jamais dans une robe légère qui moulait son corps chaud et doré, s’était faite insinuante, enveloppante et tentatrice, avec ce pouvoir de séduction qui émanait de sa jeunesse ardente et sauvage, de ses longs yeux noirs, de ses lèvres sucrées, de ses mains douces et caressantes. »
Maya joue un jeu trouble (ne serait-elle pas la compagne de Tulax ?) et Jean résiste, bien qu’il ait achevé la bombe avec laquelle il compte faire sauter l’île, et donc se sacrifier lui aussi.Grâce à son ami Pierre Thibaud, officier de marine, qui a eu vent de sa disparition , ayant réussi à le situer à cause d’une bouteille jetée à la mer par Jean, intervenant avec célérité dans son sous-marin « Le Téméraire », la vie du jeune chercheur put être sauvée. Au moment où Jean, quitte l’île en plongeant à la rencontre du submersible croisant au près, Tulax, Maya, et la société robotisée des indiens vengeurs volent en poussière.
Une petite nouvelle écrite à la gloire du génie français, dans le ton de la littérature populaire des années cinquante.
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La Derniere Bataille - Par BenF
En 1909, l’Europe est aux mains des Russes et des Allemands. Le Tsar Nicolas, sa cour, ses féaux les autres princes d’Europe, ont asservi le côté oriental en distribuant des prébendes ou en faisant régner une terreur absolue. L’autre Europe, le côté occidental, gémit sous la botte de l’empereur de Prusse Guillaume III qui tient fermement par ses affidés, les rois et consorts, la Hollande, la Belgique, la France, l’Espagne, le Portugal, l’Italie :
« Il y a dix ans, deux monarques, l’un russe et l’autre prussien, comme leurs ancêtres moins hardis avaient autrefois assailli la Pologne, se sont rués à l’improviste sur l’Europe terrifiée, et de ses dépouilles ils ont accru leurs empires, qui sont devenus l’empire de l’Est et l’empire de l’Ouest. »
Parce que la princesse Amélie, la fille du roi de France Louis Philippe III, a refusé la main du Tsarevitch, la querelle, envenimée par l’ambassadeur de Guillaume II, déboucha sur une crise politique grave et sur la menace d’un massacre généralisée. Chaque autocrate, actionnant les pays soumis à son autorité, arma ses troupes et les fit marcher les unes contre les autres. Des coups d’éclat eurent lieu de part et d’autre sans que rien de définitif ne pût arrêter la machine infernale avec des morts qui, déjà, se comptaient par millions :
« A côté de ces moyens nouveaux, les guerres d’autrefois semblent dans l’enfance de l’art. Des villes entières, avec tous leurs habitants, sont anéanties sans combat. (…) ici et là les armées en présence, sous le souffle terrible de leurs monstres d’airain, se couchent dans le sang des champs de bataille. A regarder faire les empereurs, on dirait que la Nature elle-même devient méchante. Elle manque devoir tuer tout ce qu’ils ne tuent pas. En Russie, elle déchaîne le typhus ; en Allemagne et en France, la variole ; en Italie et en Turquie, le choléra . En quatre mois, trois millions de soldats ont péri, mais rien de cela n’a fatigué l’espérance et l’orgueil des deux maîtres de l’Europe, entre lesquels la victoire continue d’osciller incertaine. »
Du côté allemand, le relieur Liebell rêve d’un « unionisme » universel et songe à créer les « Etats Unis d’Europe » qui fédéreront tous les peuples de bonne volonté. Ce rêve est partagé par le russe Mikoff, gantier de son état, du côté oriental. Ayant appris à se connaître et à s’estimer, ils élaborèrent une nouvelle Constitution, attendant le moment favorable pour l’appliquer.
Le front s’étant stabilisé vers Vienne, les deux conjurés passèrent à l’action, ayant déjà un appui solide dans les rangs des soldats unionistes des deux armées. Liebel avait réussi à s’infiltrer à un poste-clé du commandement de l’armée prussienne. Il déclencha à l’heure prescrite la «Révolution », dès qu’il sût que son homologue russe avait agi dans le même sens. Comme une traînée de poudre le même mot d’ordre circula : « Halte aux tyrans et aux rois, halte à la guerre ! » Le coup de force dissocia d’abord les généraux des pouvoirs intermédiaires, en les coupant de leur base. Puis Liebel, à la tête d’une troupe nombreuse, captura et emprisonna tous les rois d’Occident dans leurs demeures et châteaux de Vienne, comme Mikoff le fit du côté russe.
Les deux armées, gagnées à la cause révolutionnaire, fraternisèrent, brisant dans l’œuf toute velléité de résistance. La jonction s’opéra à Ragelsbrün et déjà le monde entier suivait avec passion la naissance de cette nouvelle Europe. Mais pour que l’acte fondateur pût être fécond, l’ensemble des sommités royales et bourgeoises inféodées, princes et laquais des monarques, devaient être fusillés selon un rituel précis dans la plaine de Ragelsbrün, un lieu qui se transformera ensuite en symbole éternel de la chute des tyrans :
« Tous ces poteaux improvisés seront rangés en file, mais ceux auxquels on attachera les deux empereurs occuperont le milieu de la plantation sinistre, et, distant l’un de l’autre de neuf mètres, chacun d’eux sera également planté à neuf mètres de ceux destinés aux rois. De chaque côté, six mètres seulement sépareront ceux-ci les uns des autres, ainsi que le dernier d’entre eux des premiers de ceux destinés aux princes, lesquels ne seront respectivement séparés que par un espace de trois mètres. Ainsi jusque dans l’expiation l’on conservera l’étiquette chère aux tyrans.»
La nouvelle Europe des peuples était née, une et indivisible, pacifique et travailleuse, une « Internationale » de tous les hommes de bonne volonté :
« Le libre groupement des nationalités, le divorce des Eglises et des Etats, la suppression des armées, l’absolue gratuité de l’enseignement, la création d’un impôt unique et progressif sur le capital acquis, l’abolition du salariat, tous ces desiderata si profondément justes, réfutés par d’odieux sophistes, ou éludés violemment par des exploiteurs éhontés sont proclamés en principe, et du jour au lendemain réalisés en fait ; et aucun trouble ne se produit, et pas une réclamation n’ose s’élever, car où il n’y a plus de prince la justice peut enfin régner ! »
La « Dernière bataille » , courte et introuvable épopée de Frédéric Stampf, mena son auteur , militaire de carrière, à sa destitution dans l’armée allemande, puis à son emprisonnement sur l’ordre de Bismarck, qui fut interrompue par sa mort précoce, à 35 ans. Le récit est appelé « vision» ou épopée ». Publié en 1873, il montre comment les peuples pourraient avoir l’idée de prendre en mains leurs destins afin de bannir la guerre et d’écarter les rois, seuls criminels de ce monde. Le rêve d’un « Unionisme» encore utopique qui s’appuie sur l’expérience de la Commune de Paris. Une œuvre originale, brève et puissante, mais méconnue.
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Jim Shar, brillant et jeune lieutenant, est enlevé par un savant de réputation mondiale exaspéré par les relations du susdit avec sa femme, qui le mène en une base souterraine où il règne en maître absolu. En le droguant, son but est de l’utiliser comme cobaye, le plongeant en un bain qui dissocie son corps pour le reconstituer une dizaine d’années plus tard, lorsque les menaces de guerre nucléaire se seront évanouies. Un robot sophistiqué veillera sur Jim au cas où lui, Muldauer, aurait disparu. Les résultats de l’expérience dépassent ses espérances :
« -Le temps, murmura-t-il. J’ai un peu trop volontairement oublié le temps. Combien de temps s’est-il écoulé ?
-Depuis quand, monsieur, demanda une voix dont le diaphragme semblait déréglé.
Surpris, Jim s’arrêta et regarda autour de lui. Rien, aucun robot en vue. Il se trouvait maintenant au seuil d’un large couloir, très long, sur lequel donnaient une centaine de portes environ. Probablement celles des appartements. Et la voix qu’il venait d’entendre était celle d’un ordinateur domestique.
-Depuis la destruction du centre, répondit-il machinalement.
La réponse lui parvint comme un coup de massue.
-Pas beaucoup plus de dix mille ans, monsieur. »
Quelque chose s’était détraquée. Prisonnier d’une électronique qu’il lui faudra reprogrammer, dans une base profondément enfouie et dont il ne peut sortir, Jim constatera qu’à la surface, la guerre nucléaire que l’on craignait tant, a dévasté l’environnement traditionnel en transformant profondément la nature par le biais de mutations.
Ici, en sûreté comme dans un cocon, choyé par des ordinateurs qui répondront à toutes ses sollicitations, Jim n’aurait qu’à se laisser vivre. Pourtant, les temps se profilent où l’envie lui prend de sortir. Avec l’aide de Joe, le robot, rampant dans une canalisation désaffectée, il surgit à la surface couverte par une forêt démesurée dont les arbres atteignent deux cents mètres de haut. Cette flore mutante va de pair avec la faune. Si l’humanité est absente de ce monde, d’autres animaux, devenus intelligents, ont pris le relais, dont les rats (appelés les « Donovan »). Gagnés par le gigantisme, ils ont évolué jusqu’à devenir présentables :
« Sous cette clarté, il pouvait mieux voir son compagnon. Il arrivait à s’y faire. Si bien même qu’il ne voyait plus les différences. Il ne faisait plus attention à ses yeux ronds, ses oreilles courtes, décollées, son pelage grisâtre et surtout ses vibrisses qui lui servaient de moustaches. »
Triss, le Donovan lui sauve la vie. Shar se laissera guider par lui. Prenant la voie des airs, le long de branches immenses, Triss le conduit vers une route, sans doute construite par des humains, qui traverse cette région hostile, et d’où il pourrait gagner une cité encore fonctionnelle. Triss ayant disparu, Jim affrontera seul deux « chasseurs de viande », des humains rusés et criminels qui traquent les Donovan. Par eux il apprendra que tous les humains ont quitté la planète à travers un mystérieux « Passage » ne laissant derrière eux que des dégénérés ou fauteurs de trouble éventuels. Jim désire absolument atteindre ce Passage pour rejoindre ses frères car cette planète lui est devenue totalement étrangère.
Au long de sa quête, il sera guidé par un robot resté en veille le long de la route. parvenu enfin dans la cité, mené devant le Passage – dont on saura rien puisqu’il est environné d’une brume épaisse – Jim Shar se rendra de « l’autre côté », abandonnant sa propre chair pour se mêler à ses frères humains dispersés « aux quatre vents de l’univers »
Un ouvrage lisible qui offre des descriptions assez fouillées d’une nature hostile, se terminant en apothéose mystique inattendue.
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Le Triomphe De L'homme - Par BenF
François Léonard décrit une vaste épopée : celle de l’espèce humaine dans un futur lointain. Avec des accents héroïques, proclamant leur foi en la toute-puissance de la science, les héros de Léonard sont des savants qui trouvent la réponse à toutes les questions que se pose l’humanité, aussi bien du passé que du futur. La terre s’est transformée en une utopie, où il fait bon vivre, le "jardin planétaire", couvert par un réseau électrique dense. Les continents sont reliés, le passé exhumé (notamment la ville de Paris). Les gens se déplacent par " électro-stryge ". Les continents sont refaçonnés. C’est dans un tel contexte que Neil, esprit ambitieux, fait une découverte d’importance : celle de pouvoir propulser la terre hors de son orbite en direction de Véga " au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau ". La proposition est adoptée et l’engin construit. La Terre se déplace pour ne plus jamais revenir sur son ancienne orbite. Mais la surface en est bouleversée, les océans bougent, les chaînes de montagnes se transforment, le froid et la glace gagnent:
" Mais déjà, le long des côtes de la Terre de Feu, de la Patagonie, de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie du Sud, roulaient, avec un bruit de tonnerre des raz de marée comme on a en avait jamais vus. Les rocs, les caps, les promontoires étaient détruits, emportés, roulés les uns sur les autres, et peu à peu s’émiettaient à la surface des golfes où les colères liquides s’entrechoquaient, énormes et lourdes, ainsi que des montagnes. Ce fut alors, parmi ceux qui le virent, une épouvante échevelée. On s’entre-tua pour atteindre les aéronefs fragiles que l’ouragan guettait; on vit fuir vers le Nord des ballons auxquels s’accrochaient, sous la nacelle, dans les cordages, au gouvernail, de véritables grappes humaines. Ainsi qu’une traînée de poudre, se répandaient des nouvelles sinistrement démoralisantes. On disait que la Nouvelle-Zélande avait été toute entière engloutie sous les flots; que l’Australie était condamnée au même sort; que l’eau s’étendait déjà jusqu’aux Monts Parker et menaçait de dépasser leur crête; on disait...Mais que ne disait-on pas ?
Le vrai et le faux étaient accueillis partout avec la même promptitude. Dans le désordre général, on oublia de se servir des appareils télégraphiques, et ce fut heureux, car ainsi la peur resta localisée loin des grandes masses de peuples. Les plus importantes de celles-ci s’étaient formées, selon le reflet parti de chaque continent, dans les plaines de l’Afrique septentrionale, du centre du Brésil, de l’Amérique du Nord et dans les steppes d’Europe et d’Asie. "
L’espèce humaine d’abord s’adapte, grâce à la science, puis tout au long du trajet. La route étant longue, elle oublie peu à peu l’usage scientifique et ses bienfaits, sombre dans le chaos, puis le primitivisme :
" Plusieurs générations se succédèrent; le froid ne fit qu’augmenter; les combustibles s’épuisèrent vite; une fois de plus, le travail régulier des mines fut insuffisant. Alors, de nouveau, des millions de bras abandonèrent leurs occupations habituelles pour extraire de la terre tout ce qu’elle pouvait contenir de possibilités calorifiques. On fouilla les derniers gisements de charbon et de radium; on vida les tourbières; on rechercha, jusqu’à des profondeurs incroyables, du bitume, du naphte, du pétrole; on abattit enfin des hectares et des hectares de forêts...Mais, de génération en génération, la crainte d’une lente agonie devenait plus générale et se transforma en certitude, en désespoir. Comme la goutte d’eau qui, d’année en année, creuse davantage un roc, l’obsession de la fin proche du monde usait une à une toutes les volontés. Lentement, la société se désagrégeait. Une plèbe nouvelle, égoïste, exaspérée, formant la lie d’une civilisation stagnante, apparut bientôt dans les villes, mêlant à l’épouvante de vivre le désir sauvage de tuer. Et cette vague d’humanité basse, soulevée par son destin, se heurta d’abord avec indifférence, puis avec haine, à des foules supérieures. La fraternité, cette conseillère ancienne des peuples, n’était plus. Progressivement, la vie s’écrasait; les villes devenaient silencieuses, désertes même; toutes les forces, d’autrefois dispersées, se concentraient autour de leur noyau social. L’aristocratie scientifique, isolée dans quelques rares constructions gigantesques , semblait se désintéresser de la masse populaire. Celle-ci, attachée seulement aux travaux du sol, s’enfermait dans la tiédeur des serres. Quant à la plèbe, depuis longtemps, elle négligeait tout ce qui ne servait pas uniquement son instinct de conservation. "
Enfin arrivée près de Véga après de longs millénaires, la Terre se réchauffe à nouveau, la croûte se remodèle, des espèces inconnues naissent:
" Partout, la vie, multipliant les formes, unissait la grâce à la force, l’instinct cruel à la beauté, et mêlait la joie de vaincre à l’épouvante de la mort. Le prodigieux mystère, sorti de la bataille des atomes, se développait en batailles. La vie créait et détruisait, voluptueusement, atrocement, merveilleusement, sans arrêt, sans repos, sans aucun plan visible, avec mille apparences contradictoires, toujours vers mieux, et sans raison. Même aux profondeurs vierges de l’océan, elle s’était développée. Les eaux, de plus en plus tièdes, avaient vu naître des poissons inconnus, des mollusques bizarres. Le long des côtes, dans les endroits jadis fréquentés uniquement par les hommes et les phoques, d’autres êtres ouvraient à présent des gueules monstrueuses et affamées. Déjà, nouvelles victimes servant à alimenter de nouvelles existences, de nombreux hommes avaient été broyés par les mâchoires des crocodiles. Aussi, ne pouvant se défendre suffisamment les tribus humaines, à chaque alerte, avaient fui et s’étaient retranchées dans des îles non encore envahies par la végétation, ou sur des rivages rocailleux où les herbes étaient rares. Mais les herbes avaient poussé; les îles s’étaient couvertes de mousse. L’Homme, pris entre deux dangers, avait imploré l’Ennemi Vert. "
Pourtant, à cause d’une infime erreur de calcul, la Terre se précipite vers son nouveau soleil qui la vaporise:
" Depuis longtemps, toutes les races étaient mortes. La Terre n’était plus qu’un globe tournoyant, sans atmosphère, sans eau, et dont le relief complexe rappelait à peine ce qui avait été jadis l’Europe , l’Asie, l’Afrique, l’Amérique et l’Australie. Jaune et craquelée, la surface de ce globe se modifiait tachée de feu parfois. Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, partout, des effondrements brusques entremêlaient des massifs de montagnes; des glissements, des soulèvements, des dislocations de surfaces énormes, en chaos divers, heurtaient des. houles de porphyre, de marbre, de minerais et de granit; à chaque instant, des terres veinées de crevasses, crêtées de chaînes nouvelles, se bousculaient en de fantastiques assauts; souvent, au milieu du tumulte, s’ouvraient des craères gigantesques; et l’attraction de Véga, unie aux soubresauts des forces centrales de la Terre, crispait douloureusement l’ancienne face d’un monde sous les cieux infinis.
Pendant des siècles, la Terre roula, se rapprochant peu à peu de l’Etoile. Sa vitesse avait doublé, triplé, quintuplé, décuplé ; la distance à franchir était encore énorme. Mais l’espace diminuait cependant de jour en jour, de minute en minute; le temps, vainqueur de l’abîme, guidait le projectile vertigineux vers ce globe éblouissant de couleur d’ocre, de pourpre, de phosphore et de cuivre, que des hommes jadis baptièrent Véga, et qui, tournant sans raison sur son axe, se déplace sans raison vers un but inconnu. Enfin, la Terre frôla les flammes. Telle une poussière grise ou un tourbillon, elle tressaillit, tournoya, bondit, fut entraînée comme une bulle légère sur la crête déchiquetée d’une vague de feu, aux écumes d ‘ambre jaune mêlé de rubis liquide; des gerbes d’or en fusion, striées de lueurs bleues, l’entourèrent; elle crépita, tomba dans des gouffres rouges, rebondit comme une étincelle; enfin, elle éclata, et sa matière, volatilisée en clartés neuves, se perdit parmi les clartés anciennes, comme un petit groupe d’atomes dans l’infini. C’est ainsi que se dispersa, dans l’atmosphère lumineuse d’un astre plus grand, ce qui avait été un monde pour les Hommes. "
Avec une prose de type épique, ce récit vaut par sa tension, la vision qui habite l’auteur et qui s’apparente à celle de Stapledon (" les Premiers et les Derniers "), de Clarke (" la Cité et les astres) " de Campbell (" Crépuscule "). Récit héroïque écrit à la gloire de l’espèce humaine professant une totale confiance dans la science et ses applications. Oeuvre originale et importante.
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La Conquête De Londres - Par BenF
Scrells et Villiers, deux biologistes, dont l’un spécialisé dans l’étude du " microbe de la mort ", se dirigent vers Londres à bord du paquebot «l’Alexandria». La vision de la cité en ce 22ème siècle est terrifiante. D’abord apparaît:
"L’ulcère de son agglomération. Partout, le carbone, le phosphore, l’acide sulfurique, vomis par ses cheminées, tuaient le rire enfantin des fleurs, couvraient les feuilles de poussières malades, de déchets corrosifs, et empoisonnaient, en un mot, l’âme divine du printemps."
Puis, l’industrie humaine et la pollution:
"Partout, la mécanique, la vapeur, l’électricité, les Forces se bousculaient; partout, on entendait gronder les meules, rouler le tonnerre des bielles, siffler les courroies, exploser la matière sous le choc sourd des lourds marteaux-pilons; partout, s’écrasant les unes contre les autres, les usines, comme d’horribles monstres accroupis, pendaient leur visage sinistre vers le bonheur fuyant de l’eau."
Les quartiers riches établissent enfin un tel contraste avec les docks que le Londres de ce siècle futur ressemble comme deux gouttes d’eau à son frère de l’ère victorienne. Les mêmes crispations sociales se font jour, comme l’existence d’une masse prolétarienne écrasée sous le poids des trusts, notamment celui de Perkins, roi du radium:
"Ah! Combien significative de l’écrasement physique et moral subi, depuis des siècles, sous l’entassement prodigieux, magnifiques et cependant homicide des grandes forces sociales! Combien tragiquement révélatrice de l’exigence des trusts, mangeurs de chair humaine! Tout ce qui grouillait là, dans les repaires du vice et du crime, avait autrefois travaillé sur la rive droite, dans l’enfer des usines, s’y était usé, déformé, lassé, perverti."
Pourtant le cours de l’histoire a plutôt été favorable à l’Angleterre. Une nouvelle guerre contre l’Allemagne est en passe de se terminer à l’avantage des Britanniques, grâce à des engins de mort hautement techniques:
"Sous l’attaque des flottilles d’aéronefs armés de fantastiques projecteurs d’énergie, les centres industriels de l’Allemagne, un à un étaient incendiés, broyés en l’étau des forces émises par le vainqueur, ou déchiquetés à distance par l’infernale téléaction des appareils Wing."
L’armée, démobilisée a pu prendre ses quartiers de repos à Gillingham, ville voisine et adversaire économique malheureuse de la grande capitale anglaise. La présence de soldats en ce lieu va s’avérer être une pièce essentielle dans les conflits sociaux émergeants. Entraînée par les leaders syndicaux, Samfery et Graven, soutenue par la CGT internationale, la foule des prolétaires , à l’occasion des élections proches, réclame une chambre plus libérale . Le message, ponctué par quelques défilés, n’a pas été entendu par le Président Dickinson, à la solde du magnat Perkins.
Lorsqu’échouent des tractations devant desserrer le carcan de la répression sociale, les défilés se font émeutes, les émeutes, révolution. Les hordes, sous la conduite de Samfery, envahissent les lieux d’argent. La grève est générale, les banques pillées, la Bourse mise à sac. Plusieurs charges de cavalerie se brisent sur la détermination des pauvres de WhiteChapel:
"L’armée requise, impuissante à arrêter sans effusion de sang la marée montante de ces hordes, les regardait passer, apparemment paisibles, de rue en rue, de carrefour en carrefour, comme des masses d’encre et de boue, comme des alluvions gonflées de futurs cataclysmes, comme de sombres et tragiques caravanes rampant sous le poids formidable de leur destin. De tous côtés, les halls rougeoyants des fabriques, encore embués des brouillards malsains du travail, déversaient en silence leurs avalanches d’hommes."
La bourgeoisie, sentant tourner le vent de l’histoire, coopère en un premier temps avec les prolétaires pour tirer son épingle du jeu. Le président Dickinson, avec d’autres magnats, désertent la capitale pour se réfugier à Gillingham. Perkins, homme dur et sans scrupule, avait envisagé de faire tirer sur la foule au canon avec l’aide du croiseur formidable "Algoria". Ce plan échoua, les marins de l’Algoria fraternisant avec la foule (prémonition de l’auteur qui anticipe sur la véritable histoire du " Potemkine " ?) Devant cet échec, il parvient à canaliser une partie des émeutiers dans un quartier bas de la ville et, faisant ouvrir les vannes, les y noya comme des rats. La rage des prolétaires ne connut plus de limite, la révolution fédérant toutes les énergies - surtout à l’annonce de la mort de Samfery - ils renversèrent le gouvernement capitaliste pour y établir un Comité de Salut Public: Londres venait de tomber aux mains des insurgés:
" Kensington, Bayswater et Camden-Town avaient été pillés et dévastés. Puis le feu avait été mis au Parlement. En ce moment même, au coeur de la Cité, la bourgeoisie, d’accord avec la plèbe, pillait les banques particulières et incendiait les locaux des journaux conservateurs "
Parallèlement aux émeutes, se déroule une autre tragédie: celle des épidémies. Le laboratoire de Villiers, où il se livrait à l’étude du " microbe de la mort ", sorte de cocktail bactérien éminemment dangereux, a été la proie des flammes lors des émeutes. Les bactéries ne périrent pas dans le feu et se répandirent dans la population. De nature endémique au départ, l’épidémie n’inquiéta que Scrells et Villiers, les autres savants et médecins étant occupés par les émeutes. Mais avec les désordres et la malnutrition, elle devint explosive:
"Déjà la nourriture se faisait rare; et autour des maigres victuailles arrachées à prix d’or à l’égoïsme des terriens, la férocité des appétits criminels se déchaînait. A Uxbridge, les Chinois armés de stylets avaient poignardé, la nuit une partie de la population indigène. Les habitants qui avaient pu échapper au massacre s’étaient sauvés vers les villages voisins et cachés dans les bois, en attendant l’arrivée des secours promis de Northampton."
Les révolutionnaires, vainqueurs sur le terrain, eurent un tout autre ennemi à combattre, insidieux et terriblement présent, décimant les rangs des prolétaires, ce que n’avait réussi à faire les capitalistes. La Cité présente un visage sinistre:
" Décembre vint... Dans les palais, parmi la gloire éteinte des siècles disparus, les fantômes de la douleur erraient comme des apparitions de légende. A Hyde Park, des corps squelettiques, pâles et grelottants, tordus en des spasmes hideux, s’écroulaient, tels des troupeaux de forces vaincues, dans la fraîcheur de l’herbe. Puis ce fut la neige... A gros flocons, elle recouvrit tout de son linceul.... Dans les rues, les cortèges de la mort se suivaient comme de longs chapelets noirs sur son blanc tapis silencieux. "
Une aide internationale s’organise, impuissante à enrayer le fléau. Scrells, Villiers, Perkins ont été tués. De loin, Dickinson envisage, la mort dans l’âme, de cautériser les deux plaies - sociale et physiologique - à l’aide de l’armée basée à Dillingham, ce qui, entre autres avantages, permettra à la cité concurrente de Londres de rejouer un rôle de premier plan dans l’histoire de l’Angleterre. Il fut décidé d’éradiquer par le fer et le feu toute la racaille révolutionnaire:
" Exactement sous eux, et à cinquante mètres à peine du sol, fuyait le vol ondulé des yarsques triangulaires, armées de glouses métalliques qui se soulevaient et s’abaissaient tout à tour d’un mouvement rythmique, et ressemblaient, vues ainsi, à d’affreuses pattes d’insectes géants. Derrière la flottille des yarsques, venaient, en groupe, les sphères Pooks, lourdes et lentement tournoyantes, avec leurs yeux superposés de lentilles violettes, les fuses à radium, verdâtres, anguleuses, allongées, telles des phasmes; les gyroscopes et les barques sinéliennes avec leurs projecteurs; les aéroplanes Wing et la foule sautillante, déjà toute hérissée d’étincelles bleues, des spirigraphes. "
Le massacre s’arrêta lorsque Londres ressembla à un champ de ruines abrasé sur lequel ne souffla désormais plus que le vent :
" Au nord, du côté de Woodham Ferris, tout un campement de réfugiés, d’environ 50000 personnes, avait été à la fois brûlé et englouti en une crevasse de la terre; les cuirassés aériens, au moyen de leurs téléprojecteurs, y avaient utilisé une force telle que, en moins d’une minute, le sol avait fait place à l’abîme, et qu’en ce cataclysme, la vie humaine, telle une poussière insignifiante tourbillonnant en un incendie gigantesque, avait disparu à jamais. "
Un récit étonnant où le pire côtoie le meilleur. Le pire, un style qui se veut " épique " et qui souvent n’est qu’amphigourique, une volonté de démontrer que le bien ne peut sortir d’une justice populaire même si, par ailleurs, elle est justifiée. D’ailleurs, Dieu ne s’y trompe pas, qui envoie ses anges exterminateurs pour achever ce que les gens de bien n’ont pas réussi à accomplir. Le meilleur, la description de cette Londres du futur, impressionnante de puissance avec une imagination qui nous rend concrètes toutes les armes diaboliques et pas très éloignées de celles qui existent réellement, enfin cette prescience d’une révolution urbaine à venir qui part du désir de justice sociale jusqu’aux exactions ouvrières, telles qu’elles se développeront dans la véritable Russie tsariste de 1917.
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La Fin Du Temps - Par BenF
" Juché sur la dernière fenêtre du monde, le corbeau regardait distraitement s’enfoncer la terre comme un baldaquin de mains et d’adieux derrière la fumée lointaine du soleil, rouge de soir inutile et d’espérance trahie. "
L’expression d’une nostalgie de la finitude.
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