Bienvenue dans la Base de Données des livres !
Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !
Livres
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Pirate De La Science - Par BenF
En 2045, chez le docteur Terry Conway, un cambrioleur est arrêté. Mis en prison, on le retrouve mort sans raison apparente. Fait divers banal, attirant cependant la perspicacité de l’inspecteur Pick qui découvre plusieurs marques bizarres sur le corps du cadavre. Pick procède manière peu orthodoxe en pénétrant subrepticement dans le laboratoire de Conway où de nombreuses pièces animales disposées dans du formol attirent son attention. Après s’être entretenu avec le professeur Bud Gains, ancien confrère de Conway, Pick n’est pas plus avancé.
Parallèlement se développe une autre affaire, liée à un vol curieux de pièces d’or. La société d’assurance engage, pour découvrir la vérité, le détective Mike Arlen et son assistante Nancy Riestley. Le piège tendu par ces deux derniers révèle la nature extraordinaire du voleur, une araignée gigantesque dont le classement dans le règne animal s’avère impossible. On est en face d’une chimère.
Alors que Mike rencontre Pick, Conway disparaît. Très loin de là, la petite population –environ une cinquantaine de familles - de l’île de Toua dans le Pacifique, est sauvagement exterminée par des êtres improbables, des sortes de singes. Ces animaux, appelés « Bias » sont les créations de Conway, actionnées par ses deux complices Igor Sedov et Fred Marcus, à partir du laboratoire secret et souterrain qui sert de base retirée au savant renégat, lequel eut la précaution de l’installer préventivement dans l’île voisine de Novo :
«Cette machine –un générateur d’impulsions bio-électriques d’attaque - envoya aussitôt en direction de la plage les consignes silencieuses et invisibles qui touchèrent les monstres toujours alignés au bord de la rive. L’onde d’inhibition qui paralysait le potentiel propre des BIA’s se relâcha peu à peu…Après quinze secondes, les BIA’s –ces monstres velus et musclés- s’agitèrent. Tout en se dandinant sur place comme des ours, ils commencèrent à faire bouger leurs bras énormes. Ils tournaient la tête de gauche et de droite et les naseaux de leur face palpitaient. (…) Une ou deux minutes s’écoulèrent, puis les BIA’s se mirent à marcher. Des lueurs cruelles éclairaient leurs prunelles rondes. L’odeur du sang humain les attirait, les appelait. »
L’équipe d’intervention envoyée sur zone est elle-même accueillie par des insectes à la piqûre mortelle. D’abord des guêpes, puis des mouches géantes et venimeuses.Le capitaine Flag sera l’émissaire du gouvernement britannique pour s’occuper de l’affaire ; le danger devenant pressant, Conway et ses complices déménagent dans une île de l’archipel des Phoenix dans laquelle Flag fait la connaissance d’une nouvelle bête curieuse, une espèce de kangourou, très passif, qu’il capture pour analyse. Hélas ! Dans son avion, la bête devient brusquement furieuse et massacre le capitaine Flag.
Conway, se doutant des suites de cet événement, piège son repaire, le transformant en un fort chabrol «électro-biologique ». Après une réunion de crise, à laquelle participent Pick et Mike, décision est prise d’en finir avec le fou et d’attaquer son repaire. Nancy, partie avec les belligérants, sera fait prisonnière avec son avion par des créatures bio-mécaniques de Conway, lequel se retranche derrière une armée de babouins, sur terre, et de squales , sous mer, télécommandés.
Pourtant, à Toua, le détective progresse. Il s’approche du poste de commandement de Conway lequel utilise toutes les armes qu’il a conçues dans sa folie : mouettes explosives, poissons-volants à percussion, guêpes à piqûre létale :
« Ce fut un chaos hallucinant. Les mouettes tournoyaient éperdument autour des deux hélistats qui éjectaient leur gerbe de gaz mortels. Frappées en plein vol, elles mouraient, battant des ailes et tombant comme des projectiles. Sur le nombre, beaucoup percutèrent les hélistats et explosèrent comme des grenades atomiques. En moins de deux minutes, les deux appareils furent réduits en miettes »
Le forcené pense également se servir de Nancy comme otage pour éliminer ses adversaires : il la piège littéralement. Par une opération aux cicatrices quasiment invisibles, il introduit dans son corps, à la place d’un rein, un engin explosif devants sauter au moment voulu, anticipant (mais n’est-ce pas le rôle d’un roman « d’anticipation » ?) l’action des kamikazes islamistes actuels. Nancy relâchée et interrogée par Mike et ses amis, doit la vie sauve à Mike qui, au tout dernier instant, évente le pot aux roses, parvenant à désamorcer la bombe. C’en est trop pour les représentants de l’ordre qui ordonnent la destruction totale de l’île. Ils seront aidés dans leur entreprise par la fausse manœuvre d’Igor qui, maladroitement, lève le blocage psychologique des animaux. Conway et consort seront illico taillés en pièces par leurs créations et ne verront même pas les bathyscaphes de l’armée qui nettoient le secteur à l’aide d’un armement atomique. Le dernier mot restera à l’armée qui, avant la destruction finale, aura réussi à mettre la main sur les documents de Conway : on ne sait jamais, ils pourront toujours servir…pour le bien de l’humanité. On croit rêver ! Enfin, Le feu d’artifice final est tiré par Mike et Nancy qui se marient (même si elle n’a plus qu’un seul rein).
Un récit qui propose (assez intelligemment) l’un des innombrables avatars du thème du «savant fou» qui parsèment le champ de la littérature populaire. L’auteur fait progresser de manière vivante l’intrigue et, avec ce thème archi-rebattu, donne une intéressante description du conditionnement animal, sujet dont la science se fit l’écho durant les années d’après-guerre.
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Le narrateur consigne les faits dans un journal intime familièrement appelé "Monjournal". La situation n’est pas brillante. Isolé, avec sa femme Mary, à l’intérieur d’un phare, il attend la mort. Comment en est-il arrivé là?
Heureux père de famille, amoureux fou de Rae, sa fille adolescente, et de Mary, son épouse-peintre, il travaillait dans le cadre du domaine nucléaire. Ce qui lui a valu d’être sauf lorsque la « MaxiSuper » a été lancée. Il a juste eu le temps de se réfugier au sein du souterrain de la Base, avec sa femme, tandis qu’au-dessus de lui se déchaînaient les feux de l’enfer et que, bien sûr, Rae était pulvérisée.
Après la décomposition de la mini-société souterraine lui, et quelques compagnons d’infortune sont revenus à la surface, dévastée et méconnaissable. Depuis ce jour, Mary a haï son époux profondément traumatisé et culpabilisé par la responsabilité liée à son engagement professionnel. Ils ont formé dès lors un couple blessé et sado-masochiste. Sa femme qui dorénavant se refusait à lui, le poursuivait toutes les nuits de sa haine, tatouant sur son dos un portrait de Rae et empêchant, jour après jour, que les lèvres de la plaie ne se suturent :
« Chaque soir, je dénude impatiemment mon dos à Mary et ses aiguilles. Elle pique en profondeur et je gémis de douleur tandis qu’elle gémit de plaisir et de haine. Elle ajoute de la couleur au motif et travaille avec une précision brutale pour faire ressortir le visage de Rae avec plus de relief. »
Une douleur subie, acceptée par le narrateur, car c’était tout ce qui lui restait de sa vie d’avant. A l’extérieur, le paysage plat laisse apercevoir des formes de vie mutante. La mer – l’océan Pacifique- s’est retirée au loin, découvrant une immense zone pélagique sur laquelle se traînent des baleines empoisonnées. Les formes les plus dangereuses s’appellent les « Roses » , ainsi nommée de par l’aspect de leur corolle, une vie végétale carnivore, parasitaire, qui, à l’aide de vrilles, s’insinue dans tout être vivant, se coulant à la place du réseau nerveux et transformant le corps en zombie, en pantin articulé :
« Au centre de ces corolles palpitait un cerveau noir tout neuf, et une fois de plus des antennes duveteuses sondèrent l’air à la recherche de nourriture et d’aires de reproduction. Des ondes énergétiques jaillirent des cerveaux floraux et fusèrent tout au long des kilomètres de vrilles qui s’étaient nouées à l’intérieur des cadavres, et comme elles avaient remplacé les nerfs, les muscles et les organes vitaux, elles mirent les corps debout. Puis les cadavres orientèrent leur tête fleurie vers les tentes sous lesquelles nous dormions, et ces cadavres enflés, ces cadavres en fleur (encore un petit jeu de mots, monsieur MonJournal) se mirent en marche, impatients de nous rajouter à leur bouquet animé. »
Déjà, ses derniers amis Jacob, Suzan, Jane ont été atteints et parasités. Il reste donc seul en compagnie de sa femme tortionnaire, rongé par sa culpabilité et ses fantasmes incestueux, isolé au sommet d’un phare dans lequel le couple a trouvé un dernier refuge.Plus pour longtemps, hélas! Les vrilles ont découvert un interstice le long de la porte et, durant son sommeil, transformé Mary. Alors le narrateur sait que c’en est fait de lui. Après avoir consigné ses derniers mots, il ouvre la porte pour que cesse enfin l’enfer :
« A ce moment-là, je me dresserai et lui présenterai mon dos nu. Les vrilles me cingleront et m’entailleront avant qu’elle puisse m’atteindre, mais je peux le supporter. Je suis habitué à la douleur. Je ferai comme si les épines étaient les aiguilles de Mary. (…) Elle me tiendra pour que les vrilles et la trompe puissent faire leur travail. Et tandis qu’elle me tiendra, je saisirai ses mains délicates, les presserai contre ma poitrine, et nous serons trois une fois de plus, dressés contre monde, et je fermerai les yeux et me délecterai du contact de ses mains douces, si douces, une dernière fois. »
Une nouvelle originale, cruelle, désespérée qui détonne dans le champ de la science-fiction et dans laquelle l’auteur subvertit le thème de l’irradiation atomique pour en extraire toute l’horreur. Un effet stylistique particulier contribue à l’envoûtement. Un joyau bien taillé.
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Paris Se Saborde - Par BenF
« Paris se saborde » ou la chanson cataclysmique dans sa quintessence. A savoir, des « microbes purulents » qui se tordent « devant les ruines de la place de la Concorde », des « mantes religieuses géantes en rut» qui envahissent la place de l’Arc de Triomphe, un vent qui souffle sur les pierres pendant que des « créatures visqueuses » sortent des "eaux pourries de la Seine", enfin un silence de mort qui fige une capitale pétrifiée pour l’éternité :
« Détritus de pierres blanchis par le silence
Avenues d’acier rouillées par l’absence
Mélange d’asphyxie, ordures de la peur
Sous les cendres, j’ai vu dormir une fleur.»
La chanson, fortement référencée, énumère les motifs canoniques du thème cataclysmique. La voix sourde du chanteur, une cadence mélodique répétitive, participent de l’envoûtement.
Une réussite incontestable qui n’a pas eu le succès mérité, et, par conséquent, un disque strictement introuvable.
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Tisserand, avocat célèbre du tout Paris s’apprête à quitter son bureau pour déjeuner avec son ami Maître Martineau pendant que sa secrétaire mademoiselle Fanny Lebeau tapait une dernière lettre. Sur le boulevard, de légers flocons blancs se déposent sur ses vêtements. Ce sont des graines, emportées par le vent et qui finissent par recouvrir totalement les rues de la capitale. Tisserand, intrigué, poursuit son chemin tandis que des lianes, en tapis verts et serrés, croissent à vitesse accélérée. Sa marche devient pénible et, pris de peur, il assiste à une scène incroyable :
" Traverser la place en tenant les enfants par la main, il n’y fallait pas songer, car les lianes montaient à mi-jambes des grandes personnes. Une dame même qui avait cherché à s’enfuir elle aussi, avait glissé, était tombée et les herbes terribles s’étaient refermées sur elle, la faisant entièrement disparaître. "
Rencontrant Martineau en cours de route, ils rebroussent chemin. Les deux hommes se réfugient au bureau de l’avocat pendant que la végétation, de plus en plus dense, envahit les maisons, étouffant ses occupants sous une chape verte. Avec la secrétaire, ils se blottissent d’abord au grenier puis, au fur et à mesure de l’avance des lianes, épaisses maintenant comme des baobabs, ils se rendent à la cave. Là, ils découvrent des racines asséchées et y mettent le feu :
" Des caves, le feu gagna rapidement la rue, et, en quelques heures, la végétation qui avait envahi Paris se trouva complètement anéantie. Les morts se comptaient par milliers. La plupart des immeubles ne formaient plus que des amas de ruines. "
L’alerte fut chaude, aussi subite qu’inexpliquée. Des milliers d’êtres humains avaient péri sans que l’on n’ait jamais su pourquoi. Mais pour Tisserand ce fut un moment de gloire puisqu’il découvrit l’amour en la personne de Fanny.
Une petite nouvelle sans prétention et sans épaisseur psychologique. Bien qu’inédite et oubliée à juste titre, elle est à verser à notre dossier.
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Paris En L'an 3000 - Par BenF
La comète de Halley a eu raison de l’indifférence des citoyens de la Terre à son égard. Lors d’une de ses réapparitions, en 1985, sa queue balaie la surface du globe provoquant une catastrophe mondiale et notamment, le détournement du Gulf-Stream:
"New York, Londres, Paris, Pékin, Berlin, le Maroc, la principauté de Saint-Martin, le val d’Andorre et le Japon lui-même s’effacèrent de la carte du monde. Ainsi que jadis Troie, Herculanum, Pompéi, toute la terre habitée en 1985 s’ensevelit sous les couches de cendre de boue ou de glaces.
Je dis de glaces, car la température tomba partout à 55° au-dessous de zéro. Un amas prodigieux de bolides et d’aérolithes, une pluie de scories recouvrit tout. Villes et villages, collines et montagnes, rivières et routes, tout fut ballotté, cahoté, écrabouillé."
Le Pôle Sud devient l’une des seules régions tempérées qui accueille les rares survivants , alors que l’Europe est ensevelie sous de vastes étendues glaciaires.
Mille ans après, en vue de favoriser la vérité historique, l’Académie des Sciences de Pôle-Sud dépêche " l’Obus-32", un navire volant dernier cri, pour explorer ces confins glacés et de redécouvrir Paris.
A son bord prennent place deux distingués Académiciens, messieurs Pudding et Ventrepotte, aussi dissemblables au physique qu’au figuré. L’un se réfère aux (fausses) mémoires historiques de Valtermoche pour situer la ville, l’autre analyse et déduit son emplacement à partir de preuves fossiles et géologiques.
Ils s’arrêtent tout d’abord dans leur voyage au-delà d’un équateur glacé, au-dessus d’une plaine en mettant à jour ce qui apparaît comme une ancienne boîte de foie gras, preuve incontestable qu’ils survolent bien le territoire français.
Les découvertes se multiplient, toujours plus prodigieuses et toujours plus frustrantes : une statue sans bras (c’est la Vénus de Milo), un ancien couloir de métro effondré (c’est la station Rome), le tombeau de l’empereur Napoléon, des morceaux de fer (c’est la Tour Eiffel).
Pudding et Ventrepotte se chamaillent, l’un en faveur de l’hypothèse de l’origine " romaine ", l’autre croyant indéfectiblement à l’origine " parisienne " des trouvailles:
" C’était un spectacle étrange que celui des dix hardis explorateurs, lampe électrique à la main suivant ce tunnel où mille ans auparavant circulèrent des trains de voyageurs.
On marcha pendant dix minutes ; les ferrailles, les fils tordus s’enchevêtraient de plus en plus. Puis un amas informe de débris sans nom: restes de plates-formes et de wagons assurément, car on retrouvait des roues de fer, des plaques blindées, et, spectacle horrible, sous l’amas de terre, de bois pourri, le capitaine Balthazar retira un ossement humain.
Pudding s’écria: -Messieurs, ce sont les débris d’un train... d’un train rempli de voyageurs au moment où se produisit le cataclysme. "
L’ambiguïté sera levée en la personne de Gallichard, un vrai de vrai de Pantruche, qui a décidé en son temps de se faire congeler et de ne se réveiller qu’au bout de cent ans:
" C’était en effet, entre deux rocs, une sorte de boîte, de parallélépipède de glace qu’avait aperçu le lieutenant, et dans la glace transparente, on voyait distinctement les formes d’un corps humain, admirablement conservé. On travailla toute la journée à remonter le bloc, et on décida de remettre l’ouverture au lendemain. L’aurore vit ce spectacle inoubliable, extraordinaire et pourtant véridique: les parois de la glace fondant doucement à la chaleur d’un chalumeau, et débarrassant de son enveloppe réfrigérée le corps d’un homme ayant vécu mille ans auparavant. "
Au grand contentement des savants polsudiens, Gallichard rétablit la vérité historique en traçant un portrait flatteur de l’empereur.
Pressé cependant de faire connaissance avec le doux climat de Pôle-Sud, il s’empare de " l’Obus-32 " en compagnie de Ventrepotte, abandonnant les hardis explorateurs à leur sort, en leur promettant de leur envoyer vite du renfort. Ceci fut fait. Une flottille d’engins volants viendra à leur secours, explorera en profondeur le site et tout le monde rentrera au bercail avec une ample moisson de renseignements sans prix.
Un ouvrage cataclysmique français, tout en ironie et bonne humeur, destiné au public enfantin de l’époque. Henriot y fait courir son admiration envers la personne de Napoléon. Au-delà de l’humour, subsiste l’hypothèse de l’hibernation (déjà utilisée par Boussenard dans "les secrets de M. Synthèse ").
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Le narrateur, Philippe Sorlin, nous raconte son incroyable aventure liée à la pandémie qui a frappé les pays riches du monde occidental. Modeste fonctionnaire à la DEP (Département des Etudes et Prospectives), il vivait heureux jusqu'à présent, marié à la douce Zoé, jusqu'à ce qu'un jour, comme des milliers d'autres hommes, il ne se réveille affligé d'une verge démesurée, immensément grossie:
"Un matin, je me suis réveillé avec une sensation de lourdeur entre les jambes. J'ai retiré le drap et secoué Zoé pour lui montrer ce qui m'arrivait. J'étais paniqué. Mes organes génitaux avaient triplé de volume pendant la nuit. Le moment de stupeur passé, Zoé a fait de son mieux pour me rassurer. Mais elle était pâle et sa voix tremblait. Je n'arrivais pas à me lever. Chaque tentative me causait des douleurs aiguës dans le dos et les gestes simples, que j'avais toujours faits machinalement pour sortir du lit, me demandaient de terribles efforts. Quand j'ai pu me mettre debout, le poids de mon bas-ventre faillit m'entraîner en avant. J'avais l'impression que mon corps m'était devenu étranger. Je chancelais, en équilibre instable, incapable de marcher. Je me rendis compte de la gravité de mon état et je pleurai."
L'éléphantiasis, c'est ainsi que s'appelle dans la réalité cette maladie due à un virus transmis par un moustique dans les pays chauds. Mais dans le récit, les éléphantiasiens, de plus en plus nombreux, sont tous de race blanche, vivant dans des pays développés, et sans doute victimes de la pollution:
"Le professeur Montoya confirma qu'il existait un lien direct entre certains polluants chimiques et la mutation des Hox. Des expériences effectuées avec la mouche du vinaigre -la Drosophila melnogaster- montraient que les spécimens exposés à des polluants organiques développaient des hypertrophies des pattes, des ailes et des yeux qui se résorbaient progressivement quand on replaçait les insectes dans un environnement préservé de toute pollution. Pour Montoya, les produits chimiques toxiques en suspension dans l'air étaient, à l'évidence, responsables de l'hypervergie."
Quoiqu'il en soit, cette maladie le rend inapte à une vie sociale normale. En attendant, sa honte passée de mise vu le grand nombre d'hommes atteints, adaptant ses vêtements à son état, il continue sa vie professionnelle, haï par sa chef de service Marie-Paule Boron (dite "MP" comme pour "Military Police"), et méprisé par sa voisine, la naine, dite "Goldorak", une professionnelle du sexe adepte du sado-masochisme.
Zoé l'entoure de toutes les prévenances et il reste l'ami de Krapolski, un voisin anarchiste, ainsi que de Sadou, un squatter noir déniché dans l'immeuble que le couple accueillera chez lui. Avec le temps, l'ambiance de la vie quotidienne change subtilement:
"Les spectateurs ne s'identifiaient plus à des héros "plats". Les anthropologues avaient beau montrer tous les ossements prouvant que la morphologie de l'homo sapiens sapiens évoluait sous l'influence de son environnement depuis trente mille ans, l'éléphantiasis masculin n'en provoquait pas moins une rupture spectaculaire avec des millénaires de civilisation. l'homme représenté par l'art rupestre, magnifié par les artistes de l'Antiquité, dessiné par Vinci, peint par Raphaël, sculpté par Michel-Ange, chrono-photographié par Marey, avait disparu sur la moitié de la planète."
Tous les domaines, éthique, ethnique, culturel, esthétique, etc. se modifient. Par exemple, l'on adopte dorénavant un vêtement adapté à l'entrejambes des hommes atteints. Les femmes deviennent plus agressives et les hommes davantage misogynes. MP, qui connaît Goldorak, intrigue pour se hisser à un poste plus élevé dans la hiérarchie. Quant à la naine, elle crée, dans l'immeuble même, en dépit de toutes les lois, un atelier de couture appelé "Profiline", qui connaît un succès phénoménal.
La deuxième phase de la maladie sonnera le glas de l'homme occidental. Un matin, Philippe Sorlin se réveille muni d'une verge pesant vingt kilos. L'hypervergie -c'est le nom dont on la baptise - crée un objet innommable faisant du mâle un total handicapé. Celui-ci vivra dorénavant dans un fauteuil à roulettes en pensant à la cruauté de son sort. La maladie des Hox -c'est le nom des gènes déficients qui provoquent l'hypertrophie - aura des conséquences irréversibles. Les hommes, impotents, impuissants, ne servent plus à rien. Incapables de se maintenir au pouvoir, ils se trouvent à la merci totale des femmes. La société explose. Les femmes prennent le pouvoir. Tous les postes et fonctions occupés par les hommes le seront désormais par des femmes. Des lois seront votées qui favoriseront la coopération avec les PVD (Pays en Voie de Développement) et leurs populations à majorité noire non affectées par la maladie des Hox, ce qui favorisera les mariages mixtes et permettra aux femmes de compenser leur stress sexuel.
Même Zoé, la douce Zoé, quittera Philippe pour Sadou qui, cependant, restera l'ami fidèle du narrateur, avec l'humour et l'insouciance de ceux de sa race. L'amertume du narrateur est d'autant plus grande lorsqu'il apprend que MP se destine à la présidence, en passant d'abord par le ministère de la Santé, et que Goldorak se transforme en une capitaine d'industrie puissante, pliant les lois à son usage et adoubée par le nouveau régime féministe. Les malades mâles, sous le prétexte d'être mieux soignés, seront regroupés dans des ensembles médicalisés, anciennes ZUP ou ZEP, en fait des ghettos de banlieue, où atterriront également une majorité d'anciens édiles politiques.
Il y pourtant pire. Le narrateur, ayant aperçu de sa fenêtre son voisin Hitch, handicapé comme lui, atterrir sur le pavé de la cour, soupçonne un assassinat perpétré par des femmes. D'ailleurs les cas se multiplient. Les femmes songeraient-elles à se débarrasser des hommes?
"La criminalité avait augmenté" depuis le début de la pandémie. Cette recrudescence provenait essentiellement des agressions d'éléphantiasiens par des jeunes filles qui opéraient à deux ou trois, dans la journée, parfaitement renseignées sur les codes d'accès aux immeubles et les appartements où vivaient les hommes seuls. mais les complicités n'étaient pas faciles à établir. Les informations pouvaient aussi bien provenir de la gardienne que d'une ancienne locataire, une infirmière, une aide-ménagère, une postière une dératiseuse, une peintre, un plombière, une livreuse, une employée du gaz ou de l'électricité, une ramoneuse, une voisine, une huissière, une policière, une parente ou une familière."
MP, accédant à la présidence, assignera immédiatement en justice les hommes politiques du passé, responsables, selon elle, de ne pas avoir tenu compte des dangers de la pollution et de ne pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour parer à la maladie en Occident. Ils seront déclarés coupables et emprisonnés. Quant à Philippe Sorlin, soulagé par Mélanie, une gentille aide-soignante (ce qui le change de la précédente, Sylvie la féministe), il méditera amer sur son bonheur perdu, les jours enfuis, la défaite de la gent mâle et le regret de n'avoir su profiter en temps voulu des menus plaisirs de la vie.
En un style fluide, analysant avec délicatesse les sentiments et les émotions d'un malheureux soumis à son handicap, l'auteur explore les conséquences de sa pandémie avec une lucidité féroce, notamment en ce qui concerne les actions des femmes enfin libérées de la tutelle masculine. Il appuie aussi sur l'égoïsme des pays développés en inversant les situations comme l'a fait, dans un autre registre, John Christopher avec son "Hiver éternel".
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Operation Brouillard - Par BenF
Deltour, ancien lieutenant de l’armée et baroudeur interlope, est tiré de sa prison par le colonel Garnier qui lui demande d’intervenir, en ayant les coudées franches, en Suisse où les morts ne se comptent plus, autour du discret et pacifique professeur Dowsky. Sous le pseudonyme de Maubert, jouant le chien dans un jeu de quilles, notre agent secret sur mesure s’attire immédiatement toutes les foudres. Celle de Dupré, l’ami de Natacha, fille du professeur Dowsky. Acoquiné avec Seldon, un militant moldo-valache, et ses sbires, Dupré a monté une ingénieuse combinaison pour voler les plans du professeur ainsi que les échantillons biologiques de ce dernier, en vue de les revendre au plus offrant.
Car le professeur Dowsky a un passé trouble. Ancien collaborateur nazi récupéré par les Soviétiques, il élabore depuis, patiemment, les éléments d’une guerre biologique totale. De nombreux laboratoires disséminés dans le monde, et surtout dans sa maison de Lausanne, située au Chemin des Dames, contiennent de nombreux échantillons utilisables de suite :
« -Les recherches de ton père présentent donc un grand intérêt ?
-En elles-mêmes certainement ; et, en fonction de la guerre, encore plus. Il a fait équiper des laboratoires semblables à celui qu’il dirige à Neuchâtel dans la plupart des pays européens… Ce sont des laboratoires secrets, bien entendu.
-Une sorte de cinquième colonne biologique ?
-Si tu veux. »
La situation se complique lorsque Maubert tombe amoureux de la seconde fille de Dowsky, Nadia, qui elle, contrairement à Natacha, ignore tout des menées subversives de son père. Lorsque l’on saura que Dupré et l’agent ABZ7384, le contact de Maubert initié par Garnier, sont une seule et même personne, l’on comprendra que tout ce beau monde à intérêt à s’éliminer mutuellement, l’arrivée de Stephenson, chef du FBI sur le terrain suisse, servant de déclencheur. D’un autre côté, les Russes ne restent pas inactifs. La mort accidentelle de Dowsky, tué maladroitement par Seldon, donne le signal de la tuerie. Les morts s’accumulent sans que l’on sache (surtout le héros !) sur qui l’on tire et pourquoi.
Recomposant peu à peu le puzzle, Maubert, avec l’aide de Nadia, échappe aux meurtriers moldo-valaches et à Dupré, se sort des griffes du FBI, évite les balles de Natacha. Avec un coup de pouce de Petrov (agent russe), qui voue une admiration inconditionnelle à Nadia, il récupère les documents dans la villa du professeur, ne laissant en lice que Stephenson et Dupré :
« Stephenson a mis une chambre à ma disposition et je suis réveillé à neuf heures par le chauffeur noir qui m’apporte mon petit déjeuner sur un plateau. Je n’ai pas dormi beaucoup, mais j’ai dormi fort. Tous mes muscles tiennent encore un meeting de protestation, mais je crois qu’en faisant un gros effort, je parviendrai à me traîner jusqu’à la fenêtre. Bien entendu, si je réussis cet exploit, rien en s’opposera à ce que je le répète jusqu’au bout du monde. »
Quant à la police helvétique, totalement débordée en cet échange, elle a fort à faire avec l’occupation armée de l’ambassade de Valachie à Neufchâtel que des terroristes radicaux à la solde de Seldon tiennent, tel un fort Chabrol. Eux aussi ignorent qu’ils sont manipulés par Dupré qui élimine Seldon, lequel a fini de lui servir. Finalement c’est Maubert qui tirera les marrons du feu (en doutions-nous ?). Non seulement il gagne le cœur de Nadia (et le reste) mais aussi sa liberté définitive en remettant les documents top secrets à Garnier.
« Opération Brouillard », au titre bien trouvé, est un roman d’espionnage lisible se déroulant sur fond de guerre froide et de menace biologique. Le style savoureux et distancié ne manque pas d’humour, l’auteur s’amusant beaucoup avec l’imbroglio dans lequel il lance ses multiples personnages.
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On Va Faire Sauter Paris - Par BenF
Sarnain, garçon franc et rieur, intelligent aussi, en 1ère au lycée Ronsard à Paris, vit une curieuse aventure avec ses amis Raget, Bigounas et cie. Ayant l’amitié du professeur Philippot, il survient dans le laboratoire de celui-ci et le trouve à l’article de la mort. Le professeur, un grand savant, essaye de lui faire comprendre qu’il lui faut détruire les documents cachés de son invention, car convoités par une puissance étrangère, dans l’intention de faire sauter la ville de Paris.
Le soir venu, à l’insu des autorités du lycée, Sarnain et sa bande se glissent à nouveau dans la laboratoire, fouillent et découvrent les papiers à détruire d’urgence. Mais, à leur grande épouvante, l’ennemi est déjà dans la place, en la personne d’un lourd espion allemand du nom de Bachkorft, qui leur reprend les papiers et disparaît. Alors que le petit Thécret s’empoisonne en passant devant un appareil à rayons X surpuissants, Sarnain, sur la piste de Bachkorft, est kidnappé par ce dernier. Thécret, de son lit d’infirmerie, découvre un fil de cuivre qui sort d’une maison proche du lycée : c’est l’antenne reliant Bachkorft à l’Allemagne lui servant à communiquer sa trouvaille :
« Hoch ! Wie schwer, du heiliger Gott !!! Cela est lourd tant de saucisses coulantes… Schöne Restauration… Bon Restaurant – Sakrament – s’il savait qu’il a l’honneur de nourrir Herr Professor Bachkorft, de la section spéciale du Führer. – Heil !- Quelle gloire ! Hoch ! Je vais envoyer la dépêche, enfin ! Et sous les yeux de ce sale petit Français, Schweinhund ! Et dans huit jours, avec la grâce du Führer – Heil !- Paris kaput ! France kaput ! Europe kaput ! Hoch ! Hoch ! Kolossal !!! Et tout cela, tout cela à cause du Herr Professor Bachkorft. Heil ! Heil ! »
Avertie par Thécret, la bande passe à l’action, neutralise l’espion en expérimentant sur sa personne leurs connaissances théoriques en électricité: au moment même où Bachkorft s’apprête à émettre, il est électrocuté. Tous ses amis au complet, Sarnain en tête, révèlent la vérité au censeur du lycée Ronsard qui les félicite chaudement pour leur patriotisme.
Une courte nouvelle qui fleure bon la vieille France franchouillarde et la tartine beurrée d’un temps scolaire irrémédiablement révolu. Le style de Suquet, lisible et amusant, rachète quelque peu celui de « la Guerre des forces».
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On Se Bat Dans L'air - Par BenF
Des avions stratosphériques du type U-1236, en provenance de Minsk, bombardent sans préavis la capitale française. La Russie soviétique, avec la neutralité bienveillante de l’Allemagne, entre en guerre contre la France, une guerre essentiellement aérienne qui devrait donner aux Soviétiques la domination du ciel :
« Il était bien établi que chaque avion stratosphérique était porteur de cent bombes de cinq kilos, dénommées « bombes vertes » et terriblement offensives, en raison de leur action incendiaire immédiate et puissante. Ces bombes lancées en « arrosage » et tombant de 15000 mètres d’altitude sur une ville comme Paris, devaient provoquer une multitude de foyers d’incendie, absolument impossibles à éteindre par les moyens actuels. »
Les Français les attendent de pied ferme et lorsque l’escadre russe bombarde Metz-Frescaty, lorsque le danger se fait pressant, toujours disciplinés, les Parisiens se dirigent en masse vers leurs abris souterrains.
Le pays se repose entièrement sur ses pilotes. Ce sont les exploits héroïques d’une de ces patrouilles aériennes qui feront l‘objet du récit. Le groupe du capitaine Servin, un brin paternaliste (« En route les enfants !… »), qui compte notamment en ses rangs Anceny le héros, fonce « crânement» au-devant de ses adversaires. Audacieux dans les combats aériens, ils défont les escadrilles ennemies, porteuses de bombes mortelles. L’escadrille 135, celle de Servin, basée à Neufchâteau, se verra confier une mission particulière : détruire les immenses aérostats volants qui servent de porte-avions aux armées ennemies. Sans préavis, Paris est à nouveau sauvagement bombardé :
« Des ruines fumantes, des immeubles écroulés montaient des cris de douleur, tandis que la nappe nocive des gaz s’infiltrait par les prises d’air éventrées de certains abris qui avaient cédé sous la violence d’explosion des projectiles, des bombes vertes « Elektron » de 10 kilos, exclusivement incendiaires, dont l’incandescence dépassait très certainement 3000 degrés. »
C’en est trop. L’escadrille 135 se réunit au-dessus du SkagerRak, en mer du Nord, près du Jutland : là sont basés les dirigeables porte-avions ennemis. Une lutte serrée s’engage contre les monolithes qu’il est très difficile d’atteindre. Lorsque, désespérée, l’escadrille des Français décroche, Anceny se met en embuscade dans les nuages, attend le moment favorable et, seul, se lance à l’assaut :
« Un fracas terrible soudain déchirait l’air, Anceny avait bien placé ses bombes. Le dirigeable S-17, touché à mort, faisait explosion et de l’énorme carcasse métallique qui se repliait en deux avant de s’abattre, les hommes d’équipage atterrés, mi-asphyxiés, cherchaient à s’enfuir par toutes les issues. D’aucuns sautaient en parachute, d’autres se jetaient par-dessus bord pour ne pas périr calcinés dans l’immense brasier qui, durant quelques minutes, allait incendier le ciel.»
Il regagne sa base de Neuchâteau où l’attend une surprise: l’arrivée d’une escadrille de femmes, elles aussi décidées à en découdre. Il y retrouve une amie d’enfance, Ariane de Rivet, à qui le lie bientôt un tendre sentiment. Il propose au général Hardier un plan risqué et grandiose : celui de s’infiltrer en territoire ennemi, accompagné d’Ariane (elle seule maîtrise parfaitement le russe) afin de saboter l’usine de production des dirigeables-cargos. Hardier accepte. La mission, quoique périlleuse, se déroulera sans anicroche. Près de Smolensk, leur objectif, ils camouflent leur petit avion de reconnaissance, infiltrent la base en se fondant parmi les Russes, y déposent des explosifs à retardement et reprennent la voie des airs. A Smolensk, se déchaîne le chaos:
« En dix minutes, le centre de Smolensk, si majestueux dans le calme paisible qui l’entourait alors , était devenu une véritable cité de l’horreur et du désastre. Sur la ville même, d’énormes blocs de granit ou d’acier, projetés en l’air par la déflagration, avaient crevé les toits des habitations. Femmes et enfants s’enfuyaient en pleines ténèbres et l’on n’entendait qu’un seul cri de détresse se prolongeant dans la nuit : -Smolensk brûle !… Smolensk brûle ! »
Les Russes en colère (on les comprend) ont décidé d’abattre les téméraires. Sur le chemin du retour, alors que les deux tourtereaux se croyaient déjà à l’abri, s’abat sur eux l’escadrille de Smirnoff, en embuscade au-dessus du territoire allemand. Un combat homérique allait se dérouler là, à un contre quarante… Anceny, stimulé par Ariane et l’odeur de la poudre, accomplit des prouesses, mais ne peut s’empêcher d’être grièvement blessé dans son cockpit et… sauvé finalement par ses amis de la 135 qui s’étaient portés opportunément à son secours.
La guerre se poursuit. Les Soviétiques, prêts de perdre la supériorité aérienne, engagent leur infanterie :
« Les derniers rapports reçus ce soir des groupes II et III, après plusieurs missions de reconnaissance à basse altitude, situent la position des armées ennemies sur une ligne fictive Aix-la Chapelle-Mayence-Fribourg., avec de très nombreux renforts dissimulés dans l’Eifel et dans la Forêt-Noire. »
La nouvelle cible est Le Creusot que les Russes espèrent détruire pour priver les Français de leur production d’acier. La 135, toujours d’attaque avec Servin en tête, est sommé de briser l’offensive. Dans l’engagement, les Russes fléchissent et commencent à se replier, mais, lors d’un dernier accrochage au-dessus de Lunéville, Servin est blessé à mort. Comme Bayard jadis, il meurt en héros :
« Le major, qui s’apprêtait à faire une nouvelle piqûre, se releva et à voix basse : -C’est fini, dit-il, le cœur ne bat plus. Un lourd silence suivit ces paroles. Muets, au garde à vous, ces hommes rudes et courageux refoulaient difficilement leurs sanglots, tandis que dans le ciel d’une limpidité rare, d’un bleu intense, d’une pureté due à tant d’héroïsme, montait l’âme généreuse et fière du capitaine Servin, mort pour la France. »
Grâce à l’armement perfectionné des Français, à leur courage et leur ténacité, à ses alliés tardifs (le Japon et la flotte américaine du Pacifique), les Soviétiques demanderont grâce.
Une guerre future et… rêvée, telle que les Français auraient aimé qu’elle se déroulât dans la réalité. Ce roman, écrit par un spécialiste de l’aviation, comporte tout un descriptif technique qui le rend vraisemblable et intéressant malgré les défauts inhérents à ce type d’ouvrage : sentimentalisme doucereux, patriotisme exacerbé, paternalisme et culte du chef, mythe du héros combattant.
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C’est à Cousin de Grainville qu’Elise Gagne a emprunté le personnage d’Omégar, dernier homme sur terre.
Les péripéties du premier « Omégar » se déployaient dans un environnement que l’on peut considérer comme rationnel, avec une intrigue crédible, malgré l’emphase et la boursouflure du style.
Ici, au contraire, le personnage sert de support à l’apologétique. Tout entier dévolu à sa mission, soit la défense et l’illustration de la foi chrétienne, il montre la voie de l’excellence par la pratique de la dévotion et de la vertu. Car ce qui attend le méchant, c’est la fin du monde.
L’œuvre, qui n’est pas un roman mais « une proso-poésie dramatique », c’est-à-dire une épopée théâtrale précédée et entrelardée de poèmes, prend sa source dans « l’Unitéide », œuvre de son mari, Paulin Gagne, cité en tant que « fou littéraire » dans l’excellent ouvrage d’André Blavier.
L’Unitéide est un personnage féminin, l’Eglise incarnée sur terre, missionnée par Jésus lui-même pour asseoir la foi en ce siècle impie :
« L’Unitéide, Eliavas, était, je vous l’ai déjà dit, la personnification vivante de l’Eglise de Jesus-Christ. Tant qu’elle l’a pu, ou, pour mieux dire, tant que Dieu l’a permis, elle a continué l’œuvre du divin Crucifié en ce monde ; moi, je ne suis qu’une sorte de bouc émissaire plié sous le poids des iniquités d’autrui, et chargé de les laver dans les eaux de la pénitence, de la douleur et de l’expiation. »
Le personnage d’Omégar qui apparaît à la fin de ce pesant ouvrage, a inspiré l’épouse de Paulin, qui l’en a extrait pour lui faire vivre une aventure autonome, celle de sa rédemption à la mort de toutes choses.
Le deuxième pilier sur lequel s’appuie l’ouvrage d’Elise Gagne est l’apocalypse de Jean et ses sombres visions. Omégar sera entouré d’une pléiade de personnages représentatifs et symboliques, ou du mal, ou du bien.
Théolinde, l’épouse d’Omégar, est une sainte femme, lui ayant donné deux enfants, Romualt et Nésilda. Les domestiques fidèles font partie de la famille depuis le début : Omégar peut compter sur Babolein et Fabiane pour traquer le démon sous ses divers déguisements.
L’Unitéide, déjà citée, est une figure extraordinaire avec laquelle Omégar s’entretient à plusieurs reprises et qui l’aide dans sa mission. Eliavas, évêque de Provence et directeur de conscience d’Omégar, est aussi son ami. Il lui donne la réplique et l’aide à découvrir son moi profond. Adam, le premier homme est le mentor d’Omégar, Rosaniel, un ange(!), amoureux de Nésilda. Enfin Satan, le tentateur, apparaîtra sous diverses formes, notamment lors du jugement final où seront aussi convoqués tous les saints et les archanges, ainsi que la Sainte Trinité, les rois de France, etc., etc.
Une quantité non moins grande de personnages porteurs de tares sociales ou anti-chrétiens, servent de repoussoir à l’auteur. En vrac, on citera Babylas, le journaliste prétentieux et médisant, Hélémus, le poète médiocre, et Berthas, l’écrivain scandaleux.
Ceux que Dieu vomit, bien sûr :
« Au courroux tout-puissant de la Divinité,
Seule, la noble France a longtemps résisté ;
Mais, se courbant enfin sous l’horrible tempête,
D’un crêpe funéraire elle a voilé sa tête.
Par vingt fléaux divers Hercule terrassé,
Du livre des vivants son peuple est effacé ;
Une trombe de feu s’est ouverte autour d’elle
Et forme un noir volcan d’où la lave ruisselle…
Maintenant sur les bords de ce volcan qui bout,
Une seule famille est encore debout !
Par le glaive divin jusqu’alors épargnée,
Elle attend son arrêt, pieuse et résignée…
Cette noble famille a pour chef Omégar. »
Cette noble famille se réunit en divers lieux, soit à l’Hôtel-Dieu, à Paris, où se réfugient les survivants lors de l’écroulement de la cité, soit dans le domaine d’Omégar, appelé le « Bouton d’or » ou la « Rose d’Or », près de Marseille, soit encore dans les ruines du vatican.
Omégar, qui est enfin arrivé au bout de sa longue route, a connu un destin extraordinaire voulu par Dieu afin qu’il puisse par sa vie, racheter à travers ses souffrances, les péchés des derniers humains. A l’instar du Juif errant, il traverse les millénaires. Très vieux, mais d’apparence mûre, il a connu bien des hommes et fait bien des sottises narrées sans complaisance par l’auteur, mais il n’a jamais perdu de vue sa mission, épaulé par Adam, et malgré les nombreuses tentations à son encontre permises par Dieu à Satan.
Il a vu mourir avant lui –ce qui est logique puisqu’il est le «Dernier Homme »- sa femme Théolinde, sa fille Nesilda, sa bru Néréline, fauchée à la fleur de l’âge, et Romualt, qui, fou de jalousie et sous l’emprise du démon, s’est suicidé; Eliavas même, son quasi-frère, dont Dieu en personne a organisé les pompes funèbres. Les prémisses de la fin de toutes choses apparaissent sans équivoque :
« Les villes, veuves des nombreux habitants qui les peuplaient, ne sont plus que des déserts sillonnés de cendres et de débris ; les plaines et les vallées ressemblent à des ravins profonds qu’une pluie sulfureuse aurait creusés ; le vent impétueux de la colère divine a tout balayé, tout anéanti, depuis le grand chêne jusqu’à l’humble violette, depuis l’aigle superbe jusqu’au timide moucheron. »
Dieu est irrité par ce siècle menteur et pervers, par les immondices que charrient quantité de littérateurs pervers, principaux responsables du mal ambiant, boucs émissaires d’Elise qui les envoient dans les feux de l’enfer :
« Entraînés sur la pente funeste de l’incrédulité, séduits par les dangereux sophismes de cette horde coupable d’écrivains dont les aïeux remontent surtout au XVIIIème et XIXème siècle, ils ont méprisé tous les signes qui leur annonçaient, d’une manière bien évidente pourtant que le triomphe du mal touchait à sa fin ; ils ont redoublé de bravades et de folies, et quand l’heure de la punition a sonné, ils ont osé se plaindre de n’avoir pas été avertis. Les malheureux !
Comment étaient-ils assez dépourvus de raison pour ne pas voir dans le dévergondage des mœurs de la société, dans les révolutions, dans les guerres, dans les pestes et les famines qui fondaient sur eux rapides comme la foudre, des preuves incontestables du courroux de ce maître puissant qu’ils bravaient avec tant d’insolence et d’audace. »
A la « Rose des Vents », Eliavas annonce à Omégar la survenue de la fin. L’agonie de la terre a commencé. D’ailleurs l’Antéchrist règne sur le monde, pourtant puissamment combattu par l’Unitéide.
Nésilda annonce à son père qu’elle est amoureuse d’une colombe qui n’est autre que l’ange Rosaniel. Omégar attend des nouvelles de Romualt se trouvant à Paris, ou plutôt dans ce qui reste des ruines de la ville-lumière :
« A la place où jadis trônait le Panthéon,
Croissent en liberté l’ortie et le chardon,
Ton Louvre colossal, tes vieilles Tuileries,
Ton Luxembourg propice aux douces rêveries,
Ton grand arc de triomphe où le nom des guerriers
Flamboyait entouré d’un cadre de lauriers,
Ta Notre-Dame au front tant de fois séculaire,
Tout cela n’est plus rien qu’un amas de poussière !... »
A l’Hôtel-Dieu encore debout, les rares survivants viennent raconter leurs bienfaits ou leurs exactions, dressant ainsi un tableau des turpitudes morales de la société française de l’époque:
« Les lois ? on les méprise ! Les enseignements que les ministres de l’Evangile laissent tomber du haut des chaires sacrées ? on va les écouter comme un drame o un opéra nouveau, sans en être touché, sans y puiser un seul motif de réformer sa conduite !... Les liens de famille ne sont plus qu’une chaîne usée ; le mariage, une association mercantile; l’autorité paternelle a perdu toute sa puissance; la vieillesse, si respectée dans les premiers âges du monde, est devenue l’objet des plus cyniques railleries ! Prêché par des livres auprès desquels ceux des Balzac, des George Sand, Eugène Sue, des Frédéric Soulié étaient des traités de haute morale, l’adultère ne prend plus la peine de se cacher (…)
Le luxe surpasse toutes les extravagances, toutes les modes ruineuses qu’on lui reprochait si justement autrefois : grandes dames, artisannes, bourgeoises, paysannes même, c’est à qui inventera les costumes les plus bizarres, c’est à qui se livrera aux excentricités les plus monstrueuses pour attirer les regards ! En un mot, le monde n’est plus qu’une vaste succursale de Charenton, de la Roquette, de Saint-Lazare, où la folie, le crime et le vice s’abandonnent sans aucune retenue à des excès qu’ont ignorés Sodome, Gomorrhe, Ninive, Babylone, voluptueuses et coupables cités que la colère divine a réduites en cendres ; »
Perpétue, une bonne sœur et Thaïs, une prostituée, se repentent, et l’une et l’autre. Gaëtan, un jeune noble, reconnaît en Thaïs l’objet de ses désordres. L’abbé Philoxène, un saint homme, a sauvé la vie de Marc, l’oncle d’Omégare. Alors que le fringant Gaëtan est stigmatisé comme symbole de la jeune impiété, d’autres personnages, encore plus lourdement pécheurs, font leur apparition.
Ainsi en est-il de Babylas, le corrupteur des mœurs, rédacteur du scandaleux journal « le Messager des étoiles ». Et Berthas, le critique, en qui Hélémus le poète reconnaît son « assassin littéraire ». Tous mourront dans l’écroulement de l’Hôtel-Dieu, sauf Romualt et Géréline transportés à bord du char de l’Unitéide vers la « Rose d’Or ».
Durant le déplacement, le jeune couple perçoit le chœur des âmes de leurs compagnons défunts reçus malgré tout au paradis tant la mansuétude du Christ est grande; (Quoique Babylas…)
A la Rose d’Or, les événements ne s’arrangent pas vraiment, bien qu’Omégar a la certitude que c’est l’endroit du monde qui résistera le plus longtemps à la dégradation universelle, ce qui donnera le temps à Elise Gagne d’approfondir longuement le passé des principaux personnages. Elle ne nous cachera rien de l’amour éclos entre Romualt et Géréline, des soupçons que Géréline partage avec Nésilda, de la peine qu’elle a ressentie envers Gaëtan qui s’abandonna jadis à la débauche. L’arrivée de Satan déguisé en vieille femme, lequel espère attirer Géréline dans son piège, permettra au lecteur de souffler un peu, jusqu’à ce que Eliavas déjoue le complot.
Puis l’auteur se penche sur le passé d’Omégar. Celui-ci est né à Rochemaure, en Languedoc, en 1770. Nous sommes en 2800. Son enfance souffreteuse de petit garçon chétif rencontrera bientôt les annonces du curé de Candale qui lui prédit un destin exceptionnel. Plus tard, toujours épaulé par Adam (qu’il ne reconnaît pas), il s’éloigne des grands centres urbains, à la vie agitée ; son austérité et son parler-vrai le livrent à la vindicte de ses ennemis à la cour du roi de France ; sa vision de l’histoire, son abjection devant la Terreur, son horreur en face de l’exécution de Louis XVI considérée comme un assassinat, son voyage en Suisse et en Europe avec d’autres émigrés, lui permettent d’accumuler une grande expérience de vie.
Mais il ne s’arrête pas en si bon chemin. Son opinion (défavorable !) devant les grands mouvements littéraires de son époque, Romantisme surtout, l’instauration de la République, un voyage en Inde puis dans le monde entier, enfin un retour tardif en France, lui font préférer une installation en une retraite sûre qui deviendra « la Rose d’Or».
Entre temps de si profonds changements avaient affecté son pays qu’il demanda conseil à l’Unitéide. Il confia aussi à Eliavas l’histoire de ses égarements féminins ou comment il a pu être berné par la perfide Mme de Boisgonthier « une nouvelle Armide, un serpent venimeux », en espérant que Dieu lui pardonnerait ce faux-pas. Eliavas le rassure. D’ailleurs d’autres sujets de préoccupation le retiennent, dont notamment, la mort de Romualt dans les ruines du Vatican, dont il ne peut que constater le décès, après son arrivée expresse sur les lieux par ballon dirigeable. En d’ultimes instants de doute partagés par Eliavas, assis devant un décor méditerranéen, après l’agonie de sa fille , Omégar constate qu’il reste le dernier vivant. Autour de lui croule la Terre :
« Le vent hurlait, la nuit d’un lugubre suaire
Recouvrait tous les points de ce vaste hémisphère,
On entendait au loin le bruit sourd des grands monts
Qui roulaient foudroyés dans les gouffres profonds,
Les arbres se tordaient sous l’orage en furie,
Les derniers animaux râlaient leur agonie,
Des blocs de feux, poussés par l’aquilon fougueux,
Tombaient en allumant l’incendie après eux,
La terre s’enfonçait par degré dans l’abîme,
Et l’avide Chaos attendait sa victime… »
Au ciel se prépare le Jugement Dernier, le dernier acte.
En concertation avec David et Isaïe, Saint Jean, la Sainte Vierge et bien d’autres, Jésus déplore la sévérité dont il va faire preuve mais, que voulez-vous, il ne peut se délaisser de sa rigueur et remettre le jugement des iniquités à plus tard : la Terre devra disparaître, Omégar devra être sauvé en dernier, puis, tout étant consommé, la Jérusalem céleste accueillera les âmes méritantes et l’Enfer les corrompues :
« Quand la famille humaine, en deux camps partagée,
Par l’arrêt sans appel tout entière est jugée,
Il (=Dieu) se recueille et fait un geste de la main,
Auxquels les morts-vivants obéissent soudain.
A sa droite, et conduits par la paix et la grâce,
Sur des trônes d’éclairs les élus prennent place,
Tandis que précédés d’un groupe de démons
Aux pieds tors, à l’œil louche, aux impudiques fronts,
Les maudits, exhalant des plaintes sépulcrales,
Prennent le noir chemin des rives infernales.
La haine de son dard aiguillonne leurs pas,
Derrière eux les rochers croulent avec fracas ;
Comme un vaisseau géant, la terre ballottée
Sur les vagues de feu d’une mer agitée
Lutte avec l’ouragan, dont le choc furieux
Tout à tour la rapproche et l’éloigne des cieux »
Si nous avons analysé aussi longuement cet ouvrage d’une rareté extrême, c’est qu’il représente un exemple typique du dévoiement du thème du « Dernier homme », utilisé dans le seul but d’édification morale et pieuse, et considéré comme un brûlot contre les hérétiques de tous poils. Personnage préféré des « Hétéroclites », le « Dernier Homme » souffrira, jusqu’à une époque avancée de son histoire, de cette thématique religieuse et de sa proximité avec l’Apocalypse de Jean. Il lui aura fallu très longtemps pour redevenir enfin le dernier homme sur une terre libérée de l’espèce humaine (Voir à ce sujet « le dernier Homme » d’Atwood ou « le Monde, enfin » d’Andrevon).
Quoique l’ouvrage soit composé en un style soutenu, et bien que sa prose poétique ne nous émeut plus guère, malgré ses interminables digressions, romans dans le roman qui alourdissent l’intrigue – déjà bien lourde en soi – Elise Gagne possède certaines qualités de style, gâchées , hélas ! par sa monomanie anti-sexe et sa haine hystérique à l’égard des littérateurs « pervers ». Son conservatisme politique et son aigreur de n’avoir su percer dans le champ romanesque ne font aucun doute. Ce qui a pour conséquence qu’Omégar, le dernier homme dormira enfin tranquille du sommeil de l’éternité.
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