Synopsis :XXIIIème siècle. L’Amérique de " l’âge de l’espace " est un souvenir. De nombreuses ruines quasiment intactes, rappellent sa puissance d’autrefois à une cinquantaine de millions d’Américains vivant hors des métropoles. La pollution a tout envahi: l’air irrespirable stagne en énormes bancs au-dessus des cités de la Côte Est :
" Nous survolions maintenant l’ancien New Jersey.(...) Le paysage qui se déployait au-dessous de nous était insolite : une imbrication sans fin de maisons alignées, toutes identiques et ressemblant à des boîtes, toutes de la même couleur gris - bleu due à deux siècles d’exposition au smog; d’immenses et antiques routes obstruées depuis la Grande panique par des carcasses de voitures; quelques arbres gris et tordus avec, ici et là, un carré d’herbes sèches qui ont réussi à survivre malgré le smog. "
Personne ne vit plus à New York sinon les «métroglodytes», descendants dégénérés des rares citadins qui s’étaient refusés à abandonner la ville. Enfermés dans les couloirs souterrains du métro, ils respirent un air imparfaitement recyclé et se nourrissent de plaquettes d’algues, leur espérance de vie étant des plus limitée. Les autres Américains affichent une mentalité de sous-développé. Envahis par les touristes africains, les nouveaux dominants au plan mondial, ils ont besoin de cet argent. Pour une somme rondelette, les nouveaux riches du monde désirent ressentir le grand frisson en visitant les nécropoles mécanisées de jadis , bien protégés par leurs lunettes et leurs pastilles nasales:
" Devant nous se dressaient les fameux gratte-ciel du vieux New York, forêt de monolithes rectangulaires hauts de centaines de mètres. Quelques-uns, boîtes de béton vides que la lumière bleutée qui imprégnait tout transformait en sombres et titanesques pierres tombales , étaient presque intacts. D’autres, éventrés par d’anciennes explosions n’étaient que des piles de poutrelles et de décombres dentelées. Les façades d’un certain nombre d’entre eux avaient jadis été entièrement ou presqu’entièrement vitrées. Mais, à présent ce n’étaient plus que d’aériens labyrinthes de charpentes et de plate - formes de béton, où scintillaient ici et là des surfaces de verre indemnes sur lesquelles jouaient des reflets de lumière bleue. Et très haut au-dessus des sommets des édifices les plus élevés se déployait le ciel d’un bleu brouillé, taillé en facettes, du Dôme. "
Ryan , guide touristique, mène l’un de ces groupes à la découverte d’un monde disparu. Son travail est dangereux mais il se console en se disant que le gain espéré lui permettra d’émigrer vers le Sud brésilien épargné par la pollution pour y vivre le restant de ses jours. Dans son groupe, il y a Bewala , le professeur, spécialiste de l’Amérique ancienne , qui fait le voyage pour comprendre les raisons de l’auto - destruction des Américains, Kolungo, un Ghanéen, tout imprégné de "mana", et surtout Lumumba, descendant des Afroméricains, décidé à venger le sort de ses ancêtres qui ont souffert sous la botte des Américains de jadis.
Ryan et Lumumba s’affrontent. L’un, reprenant à son compte l’héritage grandiose des Blancs, très fier des réalisations technologiques du passé, l’autre, méprisant et injurieux, contestant cette soi-disant supériorité:
" Lumumba était indubitablement arrivé à la conclusion que les métroglodytes étaient véritablement des animaux sous-humains. Comme, à la suite de Ryan, nous passions devant un groupe disparate de métroglodytes accroupis à même le sol, en train de mastiquer machinalement des plaques d’une substance verte, il se mit à faire à haute voix des commentaires qui, s’ils s’adressaient ostensiblement à moi, étaient en réalité destinés à notre guide: " Regardez ces animaux répugnants qui ruminent comme des vaches! Voilà ce qui reste des êtres sublimes qui sont allés sur la Lune : quelques milliers de stupides larves blanches pourrissant dans un cercueil hermétiquement clos "
Le conflit prendra fin lorsque Ryan et Lumumba essaieront tous deux un "casque de fusion cosmique", vestige électronique encore fonctionnel, censé les mettre en rapport avec "le Grand Tout". Choqués par cette expérience, Ryan et Lumumba comprendront que la mentalité des gens de "l’âge de l’Espace" était radicalement différente et irréductible à leur vécu quotidien.
Norman Spinrad signe une belle nouvelle qui porte sur la décadence et la mort d’une nation, insistant (à ce sujet voir également " l’hiver Eternel " de John Christopher) sur la rivalité Noirs/Blancs. La description des ruines et de la pollution suggère le meilleur de Ballard. Grâce au monologue intérieur, les personnages acquièrent une épaisseur psychologique rare dans le cadre d’un texte bref.