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Bienvenue dans la Base de Données des livres !

Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !

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Livres

  1. Type: livre Thème: menaces et guerres nucléaires Auteur: Philip K. DICK Parution: 1958
    Bob Foster est un anti-P (P pour Protection), peu disposé à payer le prix relatif à la loi sur la protection, obligeant chaque citoyen américain à se préoccuper de sa propre défense dans le cas d’une attaque par les missiles soviétiques:
    « Une question de concurrence entre les villes pour voir laquelle achèterait le plus de matériel dans le minimum de temps. Améliorer notre cité tout en stimulant l’activité commerciale.  Bien sûr, ils faisaient valoir que si nous devions acheter nos masques à gaz et nos abris contre les bombes, nous en prendrions plus de soin. Comme si nous avions jamais endommagé les téléphones et les trottoirs ! Ou les autoroutes sous prétexte que c’est l’Etat qui les a payées. Ou les armées. N’y a-t-il pas toujours eu des forces armées? Est-ce que ce n’est pas le gouvernement qui a toujours organisé des hommes à lui pour la défense ? J’imagine que la défense coûte trop cher. J’imagine que par ce moyen, ils économisent une quantité d’argent et qu’ils réduisent la dette publique. »
    La morale faisant bon ménage avec l’argent, le capitalisme s’est emparé de ce besoin ultime de protéger sa vie pour mettre sur le marché des abris anti-atomiques familiaux, de plus en plus sophistiqués, donc de plus en plus chers, et aussitôt démodés.
    Son fils, le jeune Mike Foster rêve d’être comme tout le monde, d’échapper à la pression sociale qui s’exerce sur lui, à son école, de la part de ses amis, de ses voisins qui le considèrent comme anormal puisque sa famille ne possède à ce jour aucun abri. Le sentant profondément malheureux et sur les sollicitations répétées de son épouse, Bob achète le dernier-cri en matière d’abri, celui de la Général Electronics 72, déjà démodé le noël suivant. Mike est aux anges.
    Envié par ses amis, félicité par Mme Cummings, son institutrice, il passe toutes ses soirées blotti dans sa fabuleuse retraite, attendant le grand jour. Mais le coût de l’objet est prohibitif pour son père qui est obligé de le faire reprendre, au grand désespoir de son fils qui devra dorénavant se contenter d’un abri à usage public pour 50 cents l’entrée.
    Une satire féroce du capitalisme américain qui spécule sur l’angoisse de la bombe et l’envie de survivre de chaque homme.



  2. Type: livre Thème: sociétés post-cataclysmiques 2 Auteur: Elisabeth VONARBURG Parution: 1981
    Une terre dévastée dont on ne connaît que peu de choses, une vision de ruines éparses et, au milieu d’elles, la Cité. Monde fermé, automatisé où quelques rares vieillards survivent, environnés de prothèses technologiques raffinées. La Cité est remplie d’ « Ommachs » (pour «Hommes -machines »), tellement sophistiqués qu’ils paraissent réels. Ils représentent, sous forme de programmes, les vieillards vivants ou morts. Efficaces et tout-puissants, au-delà des jeux de l’apparence, les Ommachs entretiennent la Cité.
    Au-dehors survivent des êtres humains primitifs, en tribus. Les catastrophes passées ont conduit à un déséquilibre génétique grave : il naît environ six fois plus de filles que de garçons. Paul, l’un des derniers Vivants de la Cité, envisage un programme de régénération de la terre, se servant du matériel génétique des femmes primitives dans le but de créer un être humain stable. Elisa, l’héroïne du roman, est cet être. Elevée par Paul (qui se fait appeler « Papa ») et Grand-Père (le scientifique « Desprats »), elle ne prend conscience que tardivement de sa nature.
    Petite fille, puis adolescente, enfin jeune femme, elle tombe amoureuse de Paul avant que d’être consciente de sa cruauté et de le désavouer. Elisa est spéciale. Grâce à son pool génétique si particulier, elle révèle des possibilités fantastiques comme celles de changer de sexe ou d’apparence à volonté. Plus tard, elle tuera Paul devenu sénile et, sur l’injonction de Desprats, quittera la Cité dont elle est désormais l’héritière pour aller à la rencontre des tribus.
    Sous la forme mâle de Hanse elle tombe amoureuse de Judith qui, des années plus tard, deviendra meneuse d’une révolte de femmes désireuses d’abolir le pouvoir patriarcal. Mais le déséquilibre homme/femme persiste. Elisa, réintégrant la Cité met au point à partir de ses propres cellules sexuelles un nouveau programme génétique. Elle produit plusieurs générations d’enfants, sortes de clones d’elles-même, destinés à essaimer à l’extérieur.
    En grandissant, les enfants s’opposent à une mère trop exigeante quoique adorée. Abram notamment, le premier-né, secoue le joug maternel et quitte la Cité sans autorisation. Sous sa forme féminine,  il se mêle à la population extérieure.D’autres enfin vont encore plus loin dans les jeux de métamorphose : pour certains, la possibilité leur est donnée d’adopter toutes les formes, y compris celles des animaux, ce qui bouleverse Elisa. Après bien des années, Elisa ressort définitivement de la Cité qu’elle inactive. Elle retrouve Judith vieillie et Abram dressés l’un contre l’autre en une lutte des sexes fratricide à laquelle elle compte mettre fin.
    « Le Silence de la Cité » est le premier ouvrage d’Elisabeth Vonarburg dans lequel se retrouvent déjà ses thèmes majeurs: conditions d’existence de la femme, combat féministe, décor post-cataclysmique. Non dénué d’intérêt mais touffu et parfois indigeste, le roman se lit comme un grand monologue intérieur axé autour de la complexe personnalité d’Elisa.

  3. Type: livre Thème: fins du monde, fins de l'humanité Auteur: G.A. MORRIS Parution: 1953
    La narratrice est sauvée par de sympathiques et peureuses créatures extraterrestres ressemblant à des lapins ou à des biches. Elle se rappelle qu’elle est l’une des dernières humaines en vie, étant protégée par une grande épaisseur de terre lors de la conflagration atomique consécutive à la guerre que la Chine  a initiée à l’encontre du monde.
    Les extraterrestres, qui surveillent la Terre depuis si longtemps, s’excusent auprès de la jeune femme de ne pas être intervenus plus tôt. Mais il faut les comprendre : comment pouvaient-ils aider des êtres ressemblant tant aux carnivores qui mettent en péril leur propre vie ?
    Quoiqu’il en soit, la rescapée est si contente d’être tirée d’affaire qu’elle ne remarque pas tout de suite  la grande cicatrice qui lui barre le bas-ventre. Saisissant l’occasion au vol, et profitant du petit nombre de survivant(es), les «gentils » extraterrestres, dans l’espoir de se débarrasser une fois pour toutes des « carnivores humains », en ont profité pour les stériliser :
    « Ils avaient décidé un génocide : l’assassinat de notre race. Tous les survivants découverts ont été stérilisés. Il n’existera plus d’êtres humains après notre mort.(…)  Plus tard viendra le temps de la colère ou du chagrin, mais en cet instant, je les comprends. Selon toute vraisemblance, ils ont raison, entièrement raison. Nous sommes des carnivores. Je le sais, car, en cette minute de haine, j’aurais voulu pouvoir les exterminer tous. »

  4. Type: livre Thème: guerres futures 2 Auteur: Ulric BARTHE Parution: 1913
    Dans une ferme, en aval de Québec, le journaliste Paul Belmont épouse Marie-Anne Meunier, dans la paix du soir. Même l’ombre de la menace que fait planer l’Allemand Biebenheim, qui convoite aussi la jeune fille, ne peut ternir cette belle soirée.Pourtant, au moment où le notaire énonce les règles du Droit, Belmont entend des coups tirés au lointain : la ville de Québec est attaquée par des Prussiens. Interrompant sa noce, il s’élance vers le siège de son journal, le notaire lui ayant relaté comment l’arrivée « d’honnêtes » citoyens allemands, immigrés au Québec, qui ont essaimé dans des propriétés et spoliés des fermiers, ont pu constituer un grand danger.  
    En ville, les rues sont encombrées et les visages fermés. Les arsenaux en cendres, la garnison écrasée, Québec se trouve à la merci des Prussiens. Déjà, ils paradent en ville, Biebenheim en tête, chantant le bel hymne national allemand: « Die Wacht am Rhein » :
    « Mais les contre-manifestants reculèrent aussitôt. Ils s’étaient trouvés face à face avec toute une horde de gens armés, avançant militairement en colonne serrée, huit par huit, cadençant leurs pas sur l’air de marche qu’ils continuaient à vociférer à pleine bouche. Quelques-uns portaient sur la tête une manière de casque de pompier surmonté d’une pointe dorée (…) Toute la bande paraissait très fière d’elle-même. »
    A la vue de Paul, son adversaire tire sur lui, le manque, blesse à mort une innocente passante. Au journal, Belmont retrouve son collègue et ami, l’Anglais Jimmy Smythe. Ensemble, ils décident de devenir les piliers de la résistance en informant la population des menées prussiennes par des tracts clandestinement imprimés et distribués. Alors que sur les murs fleurissent les proclamations allemandes et leurs cortèges  d’interdictions, que l’Etat de Siège est décrété, que les espions s’insinuent partout, Jimmy et Paul créent le «Comité des Vigilants ». La morgue prussienne est infinie. Au château de Frontenac devenu leur quartier général, le nouveau Gouverneur Von Goelinger s’entête à convaincre la municipalité de l’excellence allemande :
    « -Suffit. Moi je vous demanderai tout simplement de voir dans ce fait stupéfiant la démonstration de la force irrésistible, surhumaine de la Kultur allemande. Avec nous, vouloir c’est pouvoir. Notre génie d’organisation fait depuis longtemps l’admiration du monde entier. Chez nous, tout marche de front : les grandes affaires et la haute politique. La guerre est l’une de nos industries nationales. Tout tend vers un but unique ; l’exaltation de la race au-dessus de toutes les autres, et devant cette poussée d’ensemble de toutes les volontés, de toutes les intelligences d’une nation supérieure comme la nôtre, tout obstacle doit fatalement crouler ; en un mot, nous avons acquis et détenons le monopole de la toute-puissance sur la terre… »
    Se voulant sympathique, Von Goelinger les convainc que toute résistance serait inutile puisque l’Ile des Sorciers ainsi que le Canada en entier est sous contrôle prussien. Il ne faut attendre aucune aide des Etats-Unis, qui appliquent le principe de neutralité, ni de l’Europe, déjà sous le feu allemand :
    « - Ne riez pas, messieurs, rugit le martial diplomate. J’avais en effet oublié de vous informer que nous frappons le grand coup exactement en même temps, j’oserais dire à la même heure, en Europe, en Amérique, partout où nos ennemis sont vulnérables. Le Canada, leur plus belle colonie, était naturellement l’un des premiers points de mire de nos canons. Au moment où je vous parle, nos superdreadnoughts enfin supérieurs à ce que la marine anglaise avait de mieux, nos centaines de sous-marins géants, nos terribles zeppelins, attaquent les côtes anglaises; nos immenses armées de terre, jointes à celles de l’Autriche, foncent sur Peters-bourg et sur Paris. »
    Malgré ces preuves convaincantes, le maire refuse de se soumettre. Von Goelinger lui laissera un délai de réflexion avant de passer à des arguments plus frappants. Paul, ayant trouvé sur une ancienne carte un sentier détourné, abandonne le centre-ville et apprend que l’invasion, préparée de longue date, n’a pas été universelle. D’Ottawa notamment, le Gouverneur du Canada en repli a constitué une milice par une levée de conscription de masse. Ces nouvelles seront aussitôt diffusées par le Comité des Vigilants. Les Allemands, persuadés que les Québécois leur sont maintenant favorables, relâchent la discipline, procédant au désarmement de façon débonnaire. Cependant Biebenheim, toujours en quête de Belmont, terrorise Marie-Anne, puis découvre les tracts subversifs.  Lors d’un contrôle, un coup de main sanglant décide Von Goelinger d’exercer des représailles dans toute la région, permettant aux soldats de commettre les crimes les plus horribles :
    « Le paysan vint alors et demanda ce qu’on lui voulait. L’officier répondit qu’il n’était pas venu assez vite et qu’on allait le discipliner comme bien d’autres. On lui lia les mains derrière le dos, et on le fusilla sur le champ.Alors, une femme accourut portant un tout jeune enfant dans ses bras. A la vue de son mari mort, elle mit le petit sur le plancher et se jeta comme une lionne sur les Allemands, leur déchirant le visage avec ses ongles. L’un d’eux l’assomma d’un coup de crosse sur la tête. Un autre tira sa baïonnette, prit le temps de la fixer au bout de sa carabine et la plongea au travers du corps du bébé. Il porta alors son fusil à l’épaule avec la petite victime au bout ; le marmot ouvrit ses bras une ou deux fois, et ce fut tout. L’officier ordonna ensuite de mettre le feu à la maison, fit apporter de la paille sur laquelle furent jetés pêle-mêle les trois cadavres.»
    Partout gronde la révolte, attisée en sous-main par les curés. Avec Gontran de Saint-Denis à leur tête, honnête citoyen canadien de vieille souche française, les troupes, entraînées, réclament un châtiment à corps et à cris. Tous les grands centres urbains voisins les entendent, Montréal en tête.Lors d’une réunion de conjurés dans une cave, à laquelle participent Belmont et Smythe, la contre-offensive se déclenche, menée par un Canadien enrôlé de force dans l’armée prussienne, qui connaît parfaitement l’emplacement des caches d’armes. Avec François Boileau à leur tête, les Québécois investissent les arsenaux de la ville :
    « Derrière cette troupe martiale se pressait, dans le chemin creux bien connu, qui mène à l’entrée principale de la citadelle, tout un peuple armé de bâtons, de couteaux de boucherie, de vieux flingots, de révolvers, de haches, de massues, de barres de fer, de tout ce qui lui était tombé sous la main. La garde avait eu à peine le temps de donner l’alarme. La garnison était prise au piège. »
    C’est la victoire. Et Paul…se réveille d’un rêve où l’avait plongé un médicament puissant, le tétronal,  administré suite à son évanouissement nerveux lors du mariage, durant lequel il avait fantasmé toute cette aventure.
    Un récit intéressant bien que vieillot, reprenant le thème de la rivalité anglo-prussienne, basé sur la description des attitudes, des comportements, de l’esprit frondeur et pro-français des Canadiens.

  5. Type: livre Thème: menaces telluriques Auteur: Maxim JAKUBOWSK Parution: 1977
    contient les nouvelles :
    Catastrophe (J.G. Ballard)
    Le Maître du rétable de Milford (Thomas M. Disch)
    L’Invasion sexuelle de l’Angleterre (Gavin Ewart)
    Il ne se passe vraiment rien d’extraordinaire (Maxim Jakubowski)
    La Fêlure (Emma Tennant)
    A l’intérieur du cube (Andrew Travers)

  6. Type: livre Thème: la nouvelle glaciation, sociétés post-cataclysmiques 1 Auteur: Gabriel TARDE Parution: 1896
    La société future, après bien des hostilités, s’installe au royaume d’utopie de la morale bourgeoise. Progressivement, la lutte contre les maladies, l’unification des langues, la prééminence universelle de l’électricité fonde un état planétaire qui se réfugie dans son passé. Il ressuscite la splendeur de Babylone, mais toute initiative qui tendrait à briser cet équilibre est bannie. Le citoyen vit heureux, mais dans l’ennui, le conformisme esthétique et la laideur bourgeoise, se confondant   en une «nauséabonde insipidité» Pour lui, l’homme d’Etat n’est que
    « la médiocrité élevé à la plus haute puissance. Le meilleur gouvernement est celui qui s’attache à être si parfaitement bourgeois, correct, neutre et châtré, que personne ne se puisse plus passionner ni pour ni contre. » Tel était ce dernier successeur de Semiramis. Sur l’emplacement retrouvé des jardins suspendus, il avait fait dresser, aux frais de l’Etat, une statue de Louis-Philippe en aluminium battu, au milieu d’un jardin public planté de lauriers-sauces et de choux-fleurs. »
    En ce monde parfait, statique et prévisible s’installe la frayeur. En 2489 le soleil donne des signes d’épuisement. Les savants concluent à l’arrivée d’une nouvelle glaciation, qui gagne du terrain:
    « En même temps les désastres se succèdent. Toute la population de la Norvège, de la Russie du Nord, de Sibérie, périt congelée en une nuit : la zone tempérée est décimée, et ce qui reste de ses habitants, fuyant l’amoncellement des neiges et des glaces, émigre par centaines de millions vers les tropiques, encombrant les trains qui s’essoufflent, et dont plusieurs, rencontrés par des ouragans de neige, disparaissent à jamais. »
    Le Sud lui-même ne sera pas épargné et le Sahara, le pays le plus peuplé du monde, sera touché à son tour :
    «Le soleil devient violacé, le blé congelé cesse d’être mangeable, le froid se fait si fort que les murs des maisons, en se contractant, se lézardent et donnent passage à des courants d’air qui tuent net leurs habitants. Un physicien affirme avoir vu des cristaux d’azote et d’oxygène solidifié tomber du ciel, ce qui donne à craindre qu’avant peu l’atmosphère ne se décompose. Les mers sont déjà solides. »
    L’extinction de l’espèce par refroidissement semble donc acquise quand apparaît sur la scène politique Miltiade, un ancien chef de guerre, atypique de par son comportement, agressif, décidé et dynamique :
    « La naissance et la dévolution du pouvoir, qui ont tant agité l’humanité d’autrefois, s’opèrent en nous le plus naturellement du monde. Il y a toujours, dans la foule de nos génies, un génie supérieur qui est salué tel par l’acclamation presque unanime de ses élèves d’abord, de ses camarades ensuite. On est jugé, en effet, par ses pairs et d’après ses œuvres, non par des incompétents et d’après ses prouesses électorales (…) C’est le caractère propre de notre République « géniocratique », de reposer sur l’admiration, non sur l’envie – sur la sympathie, non sur la haine – sur l’intelligence, non sur l’illusion. »
    Comme première solution, il propose la construction de «chauffoirs d’état», en attendant que soient creusés les puits, les galeries, les cavernes qui accueilleront les survivants. L’homme devra se réfugier sous terre en se nourrissant  d’animaux congelés :
    « Le froid rigoureux de ces régions, à peine tempéré par les millions de lampes électriques, qui se réfléchissent dans ces stalactites d’un vert émeraude aux nuances veloutées, rend inhabitable leur séjour permanent.  Il empêcherait même de les traverser si, par bonheur, les premiers pionniers n’y avaient découvert des multitudes de phoques, surpris vivants encore, par la congélation des eaux, où ils sont restés emprisonnés. »
    Le « troglodytisme» amène l’espèce humaine à se dépasser : il devient un nouvel art de vivre en tirant l’homme du conformisme et de la béatitude d’antan. Car ce qui anime l’espèce, selon Tarde,  ce sont, d’un côté, les efforts, et de l’autre, la loi de l’imitation.Ainsi, seront continuellement creusées de nouvelles galeries, énormes, qui répondront à des usages différents. La vie sera ressentie comme meilleure sous terre que jadis, à la surface.
    Il n’existe plus de microbes ni d’animaux nuisibles, les sources d’énergie, liées à l’exploitation de la différence de potentiel entre le froid du haut et le chaud du bas, s’avèrent illimitées. Comme les salles à percer sont en nombre illimité elles aussi, la civilisation souterraine en arrivera même à augmenter en nombre et à se diversifier. Deux conceptions du rôle de l’Etat se feront jour : celle de la « Cité fédéraliste» et celle de la « Cité centraliste », qui s’affronteront. Miltiade périra dans une de ces luttes.
    De l’an 1 à l’an 596 du narrateur, les traits de la société souterraine ont largement évolué. Les hommes vont nus, les vêtements, liés à l’habitat se révélant inessentiels, et les besoins artificiels disparaissent progressivement. Les cités se regroupent par groupes de compétence ; celle des «Excavateurs » (les architectes) est la plus prisée. L’on recherche la perfection dans l’esthétique. Au plan psychologique, le sentiment de l’amour même a subi une mutation. Ainsi, à la nostalgie du dehors (vision des animaux pris dans la glace, audition de vieilles bandes enregistrées) se substitue un « romantisme du dedans ». Les mathématiques deviennent les sciences les plus élevées puisqu’il n’est plus besoin de voir pour prouver ; la crainte même de la mort disparaît petit à petit. Seule, dans cet ensemble harmonieux, la cité des Chinois joue des accords dissonants :
    « Un hardi perforateur (…) pénétra soudain dans un vide étrange, tout bourdonnant de voix humaines, tout fourmillant de visages humains ; mais quelles voix criardes ! quels teints jaunes ! Quelle langue impossible sans nul rapport avec notre grec ! C’était, à n’en pas douter, une véritable Amérique souterraine, fort vaste aussi et plus curieuse encore. Elle provenait d’une petite tribu de Chinois fouisseurs, qui, ayant eu, pense-t-on, quelques années plus tôt, la même idée que notre Miltiade, mais beaucoup plus pratiques que lui, s’étaient blottis sous terre, à la hâte, sans s’y encombrer de musées et de bibliothèques, et y auraient pullulé à l’infini.
    Au lieu de se borner comme nous à l’exploitation des mines de cadavres d’animaux, ils se livraient sans la moindre vergogne, à l’anthropophagie atavique, ce qui, vu les milliards de Chinois détruits et ensevelis sous la neige leur permettait de donner carrière à leur salacité prolifique. »
    Leur agressivité et leur xénophobie seront inadmissibles pour les autres cités qui réduiront la puissance des Jaunes. Et l’existence souterraine des hommes se continuera dans l’harmonie…
    Tarde fait œuvre de sociologue. La fable littéraire et les clichés du refroidissement lui permettent, d’une manière commode et ludique, de développer ses idées qui tiennent essentiellement à la supériorité de l’individu sur la société, au dynamisme personnel opposé au conformisme social, lui-même basé sur la loi de l’imitation dans le développement des sociétés. Son court récit, où se bousculent cependant de nombreuses innovations narratives rend plus concret ses concepts. Un classique.

  7. Type: livre Thème: épidémies, le dernier homme, fins du monde, fins de l'humanité Auteur: Jean-Pierre ANDREVON Parution: 2006
    les titres des nouvelles sont :
    De longues vacances en perspective
    Eau de boudin
    Le Zoo
    Une orange bleue vue d’en haut
    La Plaine aux éléphants
    Le Dernier homme dans Paris
    La Tigresse de Malaisie
    Dans la cave
    Area 267
    La Princesse des rats
    Le jeu avec Leelah
    La catastrophe qui décimera l’humanité, une épidémie violente intitulée le « PRISCA », clôt la pièce en sept jours.
    Le premier personnage à apparaître est le commandant Paul Sorvino, sélectionné pour la survie par l’armée, le PRISCA ayant déjà frappé de par le monde. Séparé de sa femme Isabel, il rejoindra la base Area 267 en Californie, où, avec une poignée de volontaires triés sur le volet, il sera mis en hibernation, seule méthode qui permettrait de dépasser la pandémie et de renaître en une époque où le virus aurait été vaincu. Sorvino, qui a ouvert le drame en prenant de longues vacances, le fermera également, réapparaissant dans la dernière nouvelle.
    « Eau de boudin » nous précipite au cœur de la catastrophe, à Paris. La petite Laurence, Lolo, se réveille un matin avec sa maman qui meurt devant elle, manifestant les symptômes d’une violente grippe. En voulant appeler du secours, elle se rendit compte des rues désertes, que le téléphone sonnait dans le vide et que partout résonnaient des sirènes d’ambulance. Le virus ESH (Processus Intercellulaire de Séparation), rebaptisé ultérieurement PRISCA, venait de fondre sur l’espèce humaine. Le lendemain, seul le silence attend Laurence, épargnée par le fléau par l’on se sait quel hasard. Laissant là sa mère morte, elle s’aventure dans les rues, livrées aux oiseaux lors d’une merveilleuse journée d’été.
    Dans cette nouvelle, au lendemain de la catastrophe, Lolo rencontre Antoine et Bastien, le futur « Voyageur». Ils prennent possession d’une ville vide, les gens ayant préféré, dans l’ensemble, mourir chez eux :
    « Mais nous avons survécu. Il y a des survivants…
    -Combien ? Un sur cent ? Un sur mille ? Une épidémie ou une catastrophe qui extermine d’un seul coup tous les membres d’une même espèce, ça n’existe pas.  La peste ou la grippe espagnole n’y sont pas parvenues. Et malgré toutes les conneries qu’on raconte sur la comète tueuse et ce genre de blabla, même les dinosaures n’ont pas disparu en un clin d’œil. Il a fallu plusieurs centaines de milliers d’années. N’empêche qu’ils ont quand même disparu. Nous devons faire partie des privilégiés ayant développé un mécanisme immunologique à la souche primale. Mais que l’ESH mute, et nous serons bons pour la prochaine fournée… »
    Ils pourront se livrer à toutes les actions que donne une totale liberté, comme, par exemple, manger des glaces, ou se gaver de pâtisseries. Soudain l’idée traverse Lolo qu’ils pourraient faire une bonne action en libérant les bêtes emprisonnées au zoo de Vincennes.
    Bastien (de son vrai nom Sébastien Ledreu) est un jeune anthropologue, spécialisé dans la vie des baleines ; donc, cette idée lui convient immédiatement. Lolo, qui adore les éléphants, libère aussi les fauves. Ainsi, pourront-ils voir quelques jours plus tard, les bêtes prendre possession de la ville :
    « Ils virent aussi, cours Parmentier, les girafes au long cou brouter l’envers des platanes ; rue des Bonnes un python réticulé enroulé autour d’un réverbère ; le gros lion folâtrer avec sa poignée de lionnes en plein milieu du parking Salvador Allende… Ils entendirent au loin le choc aquatique des hippos qui plongeaient dans la rivière depuis la voie sur berge et la course éperdue d’un ongulé, sûrement traqué par un carnivore silencieux, sur les pavés des vieux quartiers. »
    Antoine quittera le couple. Bastien, jouant le rôle d’un grand frère (amoureux) s’occupera de Lolo dans la ville désertée.
    Dans la nouvelle suivante « une Orange bleue vue d’en haut», changement de perspective. Le surveillant humain d’un satellite militaire ayant pour mission de parer à une éventuelle attaque balistique, observe la terre de haut. Il dépend de la base de Vandenberg en Californie qui, après un long silence, l’avertit de passer en alerte rouge, les Chinois ayant envoyé des missiles nucléaires sur Taïpei, voudront sans doute anéantir le satellite :
    « Il est au-dessus du nord-ouest de la Chine, cette foutue putain de Chine sur laquelle se lève une aube de mauvaise augure, lorsque la voix de Vandenberg, reliée par le complexe MPSS (dans le jargon : Multi Purpose Satellit System) éclate dans son casque. Cette fois, c’est l’alerte rouge. Les Chinois ont bien décidé de jouer aux cons, un milliard quatre cents millions de cons, moins ceux que la pandémie a étendus pour le compte, un max il faut l’espérer. Les Chinois, c’est officiel, ont donné trente minutes aux Etats-Unis pour désactiver leurs NAOS… »
    L’observateur veille au grain. Il désintègre les missiles des Jaunes envoyés à son encontre mais n’a pu empêcher d’être atteint par les radiations, ce qui le condamne. Lorsque Vandenberg lui annonce que la pandémie du PRISCA a touché la Terre entière et que, dans ce cas, il importe de déclencher le feu nucléaire sur la Chine, Giordano hésite. Perdu pour perdu, l’homme livré à la destruction fait une fleur à la Chine, avant de rejoindre sa tendre Barbara en se suicidant : il anéantit la base de Vandenberg :
    « Lorsque, cent minutes (et des poussières) plus tard, il survole une fois de plus le Nouveau-Mexique qu’une météo exceptionnelle dégage entièrement, il peut observer sur l’écran de son VLT le champignon gris, au tronc noueux et au chapeau plat, qui oscille dans l’atmosphère lourde de poussière à dix kilomètres d’altitude. Le champignon est si grand qu’il peut même le voir à l’oeil nu, enraciné sur une ombre oblique plus grande que lui, qui s’étale en travers d’une plaine rousse ressemblant à s’y méprendre à la surface de Mars. Mars, il ne connaîtra jamais. Mais, au moins, Vandenberg n’emmerdera plus personne. Dites-moi merci, les Chinois. »
    Onze ans après la pandémie. Sébastien Ledreu et Laurence, devenue une spécialiste des éléphants, se sont déplacés, avec de nombreuses difficultés, en Afrique, au Burundi, sur les traces d’une harde prodigieuse de proboscidiens.
    A peine arrivés en dirigeable, et malgré l’intense chaleur due à l’effet de serre, ils se mettent en chasse en compagnie d’un guide africain, l’un des survivants. A l’approche de la harde, la vision de centaines de milliers d’éléphants est tellement intense que Laurence, subjuguée, disparaît dans le troupeau. En dépit d’une recherche désespérée, Sébastien reviendra seul en France, à Paris.
    Des années plus tard, Sébastien déambule dans la jungle qu’est devenue la capitale de la France. Il a développé des aptitudes psy : il comprend intuitivement les animaux, leurs motivations, leur sensation de faim ou de plénitude. Ces animaux relâchés jadis, ont proliféré, transformant la ville en un nouveau paradis terrestre :
    « Ainsi vide et nue autour  de l’axe central  de l’obélisque de Louqsor dressé comme une aiguille incandescente pointée vers l’infini, la Concorde, épargnée par la marée végétale, ressemblait aux gravures du XIXème siècle, ou du XVIIIème, sauf que les fiacres et les promeneurs en gibus avaient été remplacés ce jour-là par sept girafes musardant, et un pangolin solitaire qui se hâtait en diagonale, sa cuirasse de mailles luisant au soleil, vers l’ancien  ministère de la Marine. »
    Du crocodile se prélassant sur les quais de la Seine, au bison refusant avec obstination de lui céder la priorité sur le Pont Royal, Sébastien participe de la vie frémissante, étant accepté par tous les animaux.
    Il dormira avec une panthère à ses côtés, goûtera l’étrangeté rousseauiste  (tenant autant de Jean Jacques que du douanier) d’une terre où subsistent encore les fantômes des femmes qu’il a aimées jadis. Mais son don le quitte peu à peu, l’obligeant à la prudence, puis à l’abandon de la ville.
    Sebastien n’est pas le seul à rechercher un contact humain. Anne de Cloarec, une autre survivante, explore la région d’Albi, sur les traces d’un homme qui pourrait encore lui faire un enfant. Sa trajectoire l’amène d’Albi à Castres, puis, après une pause dans une ferme, elle remonte vers le Larzac où elle rencontre Sammy Vermelat, un vieil homme sale et crasseux au pénis flasque, incapable de la féconder, malgré de multiples tentatives.
    Elle reprend donc sa route, vit quelque temps avec une consoeur, Malika, son antithèse. Malika ne veut pas d’enfants, il lui est indifférent que l’espèce humaine s’éteigne. Enfin, un message d’un certain Pierre, fixé à un arbre, prouve que cet homme est encore en vie. Elle erre à sa suite dans Montpellier, Nîmes, Avignon, Arles, puis dans Marseille, à moitié sous les eaux.
    C’est dans les Causses qu’elle fera la rencontre tant attendue. Pierre disparaîtra au petit matin, la laissant enceinte. Le destin d’Anne sera semblable à celui du «  tigre de Malaisie » qui s’est éteint parce que les derniers représentants de l’espèce, trop peu nombreux sur un territoire trop grand, n’auront pu se rejoindre.
    « Dans la cave » relate l’abominable histoire d’une fillette qui deviendra « la Princesse des rats ». Enterrée sous un grand magasin – donc sans problème de ravitaillement - avec sa mère, la petite fille parcourra le chemin inverse de l’évolution :
    « Lorsque la princesse se blottissait contre elle, elle avait l’impression que sa maman était de plus en plus maigre, qu’elle fondait, que ses bras  et ses jambes étaient de plus en plus semblables à des morceaux de bois sec.(…)
    Maman vomit de plus en plus souvent. La nuit, elle l’entendait gémir, tandis qu’elle se tordait sur sa couchette comme un ver de terre coupé en deux. Le jour, elle la voyait palper son ventre creux, elle voyait les mains brunes aux doigts crevassés tâter la peau de son ventre, comme s’ils voulaient s’y enfoncer pour y chercher quelque chose, peut-être la cause de son mal. – Quelle saloperie… Quelle saloperie ! répétait-elle. »
    Restée seule après la mort de l’adulte, avec pour toute culture quelques magazines montrant le monde humain, elle entrera en empathie avec les rats dont elle deviendra la déesse tutélaire. Elle les protège, leur ouvre des boîtes de conserve, et observe, à travers un soupirail infranchissable, l’extérieur inaccessible, les premiers flocons d’un hiver à venir.
    Dans l’univers clos de la cave, il se passe peu de choses. L’arrivée d’une louve , qui cherche un endroit sûr pour accoucher, bouscule l’ordre établi. La présence de la petite fille est acceptée. Plus tard, la louve partie à la chasse et les louveteaux au chaud dans la cave, les rats les tuent, les uns après les autres. La louve, au désespoir de la princesse, emmène son dernier rejeton pour le soustraire au danger et disparaît de son univers.
    Retour à Area 267. Le commandant Paul Sorvino vit dans son monde virtuel, entouré de robots à ses soins. Sorvino tue le temps dans des jeux virtuels. Il se bat contre des tyrannosaures, des lions ou des éléphants, s’invente des combats, affronte ses clones, fait l’amour à des femmes de rêve, concrétisées pour que des automates puissent récupérer sa semence.
    Ancienne recrue de la SSDA (Service Scientifique des Armées), le commandant Sorvino se lasse de cette vie jusqu’à ce que, mystérieusement, la machinerie semble se détraquer. Un jour, il se réveille dans son bloc d ‘hibernation avec, à ses côtés, ses compagnons, tous morts du PISCRA.
    Il restera l’unique survivant des cinquante autres bases disséminées sur le continent américain, établies dans le même but : dépasser l’échéance fatale pour l’humanité. Enfin, les portes de l’abri s’ouvrent sur le monde réel :
    « Je suis le Pr. Saul Weinbaum. Vous pouvez me considérer comme le capitaine de ce bateau. Parce que nous sommes tous dans une arche, vous en avez conscience, n’est-ce-pas ? Vous vous trouvez à l’abri dans ce que l’on appelle dans notre jargon une Unité Autonome de survie prolongée. Il en existe un certain nombre disséminées dans le pays. Une cinquantaine, à ce que je crois savoir. Et même quelques autres ailleurs. Top secret ! Les bunkers de ce genre ont été conçus au milieu du siècle dernier, en prévision d’un conflit nucléaire avec les Russes »
    Il sera projeté hors de sa matrice, sommé de refaire le chemin de la vie aidé par quelques artefacts technologiques comme la voiture solaire ou le couteau magnétique. Il entreprend la traversée des USA vers l’Est.
    Quatre cosmonautes, Milena, Patricia, Isaac et Dayrush, chacun spécialiste en son domaine, se relèvent de leur sommeil prolongé dans leur engin spatial, quarante ans après la pandémie. Se rappelant qu’ils devaient constituer le noyau d’une colonie d’intrépides explorateurs interstellaires, ils constatent qu’ils n’ont pas bougé de leur orbite, avec une vue sur la terre où les reliefs sont subtilement transformés.
    Que s’est-il passé ? Pour le savoir, ils regagnent le sol avec leur « shuttle ». Se décidant à atterrir à Paris – une destination qui en vaut une autre-, ils posent brutalement leur engin sur l’esplanade des Invalides inondé, provoquant la mort de Patricia.
    Les trois survivants s’organisent, visitant une ville tropicale, submergée par les eaux, se servant du shuttle comme radeau, voguant dans des avenues transformées en autant de canaux. Ils éliront domicile dans un appartement de Montmartre qu’ils aménagent. Milena, enceinte d’Isaac, découvre bientôt que l’appartement est envahi par les rats qui, par milliers, s’enhardissent jusqu’à les attaquer. Repoussés avec des armes à feu puis à l’aide d’un lance-flammes bricolé, les rats battent en retraite, commandés, semble-t-il, par un être mystérieux, une sorte de rat immense :
    « La flamme fusa, déployant ses tentacules rouge et or dans la cage d’escalier, où ils s’éparpillèrent en volutes avant de s’écraser sur les murs qu’ils marbrèrent d’ombres brunes.
    Trois secondes, pas davantage. Mais, cette fois, le résultat fut à la hauteur : des dizaines de rongeurs brûlés jusqu’à l’os, globes oculaires fondus, se tordant entre les crocs de l’agonie en dégringolant les marches, poussés par ceux qui arrivaient derrière et n’avaient pas encore compris.
    Cris suraigus, prenante odeur de viande rôtie, de poils racornis. L’avalanche se tassa, le temps pour les astronautes d’atteindre le second étage. WOOOOOUSHHH! Une deuxième décharge prit de front les premiers rangs apparus à l’angle de l’escalier, Milena poussa un cri en décrochant de son épaule un gros gris qui, tombé d’on ne savait où, y avait atterri toutes griffes dehors. Un coup de crosse réduisit son crâne en grumeaux. »
    La dernière bataille sera décisive en provoquant la mort de Milena, puis la disparition de Dayshu parti à la recherche d’armes. Isaac reste seul avec, en face de lui, une marée de rats, qui, curieusement, ne l’attaquent pas. Il capture leur chef qui n’est autre que la « Princesse des rats ». Avec patience, il lui fera regagner , échelon après échelon, le stade de l’humanité,  dans son appartement de Montmartre. La Princesse, ayant à nouveau accédé au statut de femme, dira adieux à ses fidèles compagnons pour suivre Isaac dans sa conquête d’un monde vide.
    Dans la dernière nouvelle « le Jeu avec Leelah », le commandant Sorvino, couturé de cicatrices, a atteint la ville de New York. Il y fait la rencontre d’une troublante jeune noire, une Masaï, sensible et esthète, sans qu’il puisse dire si cette dernière est d’origine terrestre ou extraterrestre car elle semble en liaison avec « l’Oeil », un artefact lumineux suspendu dans le ciel qui, finalement, disparaîtra.
    Leelah lui laisse le temps de sortir de ses fantasmes avant de lui faire comprendre qu’elle deviendrait dorénavant son unique réalité. Seuls, comme quelques autres rares couples de par le monde, ils auront à vivre sur une terre qui ne leur appartient plus.
    Enfin, l’odyssée de Sébastien devenu « le Voyageur » ponctue chaque nouvelle, comme en interlude. Après la disparition de Laurence, il a pris la route du sud, témoin obligé de la disparition rapide des objets liés à l’activité humaine. Après une pause dans une commune de type utopique, il fera la rencontre de « la Folle de Valence », une vieille femme bloquée à un stade régressif de sa vie qui refuse la réalité actuelle. Elle « joue » à la télévision, vit dans les détritus, et répète à l’infini les diverses phases de la catastrophe. Peu à peu, les rencontres s’espacent. Autour de lui, les animaux abondent, sans peur.
    Il éprouve des sentiments de plénitude et de bonheur en s’endormant à ciel ouvert, dans ce monde neuf. Le temps chronologique a disparu, remplacé par la durée vécue et l’intensité des sensations. Subissant un énorme orage sur le chemin d’Avignon, il évitera prudemment trois lionnes apparues brusquement devant son cheval. Pour se sécher, il s’abrite dans une ferme déserte mais ne peut éviter le début d’une pneumonie qui le conduira à la mort, terme définitif de son long voyage.
    « Le Monde enfin » est un ouvrage étonnant qui, dans notre domaine, n’a aucun équivalent sauf, peut-être « Demain les Chiens » de Clifford Simak. Il s’agit d’une tentative (réussie) de mettre «en abyme » une série de nouvelles s’établissant autour d’un même thème, la fin de l’espèce humaine et la résurrection d’un monde débarrassé de l’homme.
    Chaque nouvelle peut se lire séparément mais, enfilées comme des perles sur un même fil, elles forment un ensemble gagnant en cohérence au long de l’ouvrage. Le fil conducteur rythmant la vie du roman se concrétise dans la personne du « Voyageur », un vieil homme solitaire dont nous apprendrons l’origine peu à peu, qui, à cheval, et parce que plus rien ne le retient nulle part, pérégrine de Paris vers le sud de la France, sur les traces d’une (imaginaire) compagne, car il est l’un des rares rescapés de la grande extinction :
    « Le cavalier était un homme long et sec, qui se tenait voûté au-dessus de l’encolure de sa monture. Son visage et ses bras nus étaient bronzés mais, autrement, il portait bien son âge, c’est-à-dire plutôt mal. Son crâne était protégé du soleil par un chapeau de paille tressée, à large bord,  effrangé par l’usure et par places crevé ou rongé par des bêtes. Une ganse de cuir agrafée par un petit clou rouillé tordu en épingle à cheveux ceinturait la base du chapeau.
    Sous le chapeau, le crâne du cavalier était complètement chauve, tavelé de taches de son. Une couronne de cheveux d’un blanc jaunâtre, aux mèches emmêlées par la crasse, enveloppait ses tempes et, rejetés derrière ses épaules, pendait jusqu’à ses omoplates, nouée en catogan par un fragment de cuir provenant d’une laisse. »
    Solitaire, savourant la vie nouvelle qui jaillit de partout, il connaîtra une mort paisible au bout de son voyage d’ordre initiatique, signant de manière irréfutable la défaite définitive de l’humanité dans un monde dont il a été dépossédé :
    « Au bout d’un mois, le crâne comme le tronc se montraient nets de toute trace de viande. Le squelette était encore très blanc, trop neuf encore pour avoir eu le temps de jaunir au vent, à la pluie, au soleil, au temps. Le crâne avait roulé à quelques mètres du tronc, la mâchoire désarticulée mordait la terre de ses mauvaises dents, du plantain avait poussé en travers des orbites.
    Ainsi reposait le professeur Sébastien Ledreu, autrefois chercheur en paléontologie détaché au Muséum d’histoire naturelle de Paris. Au printemps suivant, la végétation vivace recouvrait complètement le squelette qui n’eut plus, au cours des années, qu’à s’imprimer peu à peu dans la terre, comme une signature. »
    Bien que toutes les nouvelles ne soient pas inédites (comme par exemple « la Nuit des bêtes » qui a paru antérieurement dans une collection pour enfants), l’on sent que le projet d’ensemble a longtemps été caressé  par l’auteur, affiné au fur et à mesure.
    La permanence dans le thème lui a permis de polir chaque nouvelle, de la travailler ou retravailler formellement, d’en ciseler la matière verbale pour en faire des récits qui ressortent de manière unique dans le domaine. « La Princesse des rats », à travers la description insoutenable de son mode de vie, en constitue un bon exemple.
    La bonne connaissance des ressorts du fantastique littéraire, du découpage cinématographique alliée à sa culture scientifique , font de Jean-Pierre Andrevon , avec plus de cent soixante ouvrages à son actif, l’un des plus brillants représentants de la science-fiction française.

  8. Type: livre Thème: guerres futures 2 Auteur: Henri BARAUDE Parution: 1936
    Surieux, commandant à la retraite, porteur de valeurs nationalistes et patriotiques, juge son pays d’autant plus sévèrement qu’il est lui-même touché par une condamnation inique qui l’oblige à quitter son appartement parisien pour se replier dans le Berry. Que deviendra sa fille Solange ? Comment va-t-elle pouvoir trouver un beau parti en cet exil malheureux ? Le jeune ingénieur Vaudreuil est de ses amis. Honnête mais naïf, il est le bras droit de Darbel, ami d’enfance de Surieux , directeur d’une usine de pièces d’armement top secret.  La fille de Darbel, évaporée et clinquante, a jeté son dévolu sur Vaudreuil, le jugeant apte à remplir ses fantasmes dépensiers. Enfin Darbel, ami intime du député socialiste Bochet, commet une grande erreur. Ayant eu foi dans les proclamations tonitruantes de pacifisme de l’allemand Laumann, sidérurgiste de son état, il l’invite à visiter son usine où se fabrique une nouvelle goupille de fusil révolutionnaire.
    Vaudreuil s’inquiète, soupçonnant Laumann d’espionnage. La visite se fait, à son grand désespoir, et, aussitôt après, Laumann quittera le territoire français pour l’Allemagne. Alice, ayant définitivement renoncé à l’amour de Vaudreuil, jette celui-ci dans les bras de Solange, amoureuse depuis longtemps du jeune homme. Accepté par Surieux, Vaudreuil met son futur beau-père au courant des liens qui unissent Darbel à Laumann. Tous deux apprendront une autre stupéfiante nouvelle : Darbel et Bochet sont les hôtes de Laumann à Stuttgart, qui compte épouser Alice. Hélas ! leur situation là-bas, ira en se dégradant. Convaincu enfin que l’Allemand se livrait à l’espionnage en recopiant les secrets de la goupille française, Darbel apprend avec horreur la suspension du mariage d’avec sa fille et un projet d’invasion de la France :
    « La France a consenti à toutes nos demandes : abandon de l’occupation, suppression des réparations, révision du traité de Versailles. Donc, elle reconnaît l’iniquité de ces conventions. De plus elle a permis l’égalité des armements. C’est clair. Elle reconnaît nos droits à la revanche. Elle compte se mesurer à nouveau avec nous. Elle nous provoque, nous appelle en champs clos. Nous ramassons le gant. Nous sommes prêts. Hitler a fait de nous une nation unie, puissante, invincible. »
    Ils seront consignés dans la propriété de Laumann avant d’être internés dans un camp de concentration. Le déclenchement du conflit, sans préalable, se fait un 14 juillet. L’aviation allemande, qui a transformé sa flotte commerciale en engins de guerre, a pour objectif le bombardement de Paris :
    « Les gaz couraient comme des fantômes invisibles, poursuivaient les fuyards. A une station du métro, une grappe de malheureux, la figure convulsée, les mains au gosier, comme pour arracher le poison demeuraient debout dans la mort, serrés les uns contre les autres, en cascade sur l’escalier. »
    Tandis que les Parisiens, tout à leur fête,  se préparent aux bals tricolores, les bombes explosent sur la capitale, semant la mort et la dévastation, brisant les monuments emblématiques de la France tels que le Louvre ou l’Hôtel de ville :
    « Le Louvre de Louis XIV et le Ministère des Finances brûlaient. D’immenses gerbes de flammes se tordaient avec des millions d’étincelles, crépitant comme une fusillade. Des pompes jetaient sur le brasier des torrents d’eau. Les jets de liquide s’évaporaient en arrivant dans la fournaise, lançaient d’immenses gerbes blanches. Des portions de toits  s’effondraient avec un bruit de tempête, et des colonnes de feu et de fumée montaient dans le ciel. La Seine coulait rouge comme un fleuve de sang. On voyait des lueurs d’incendie dans les lointains de la grande ville. Et la foule exaspérée courait, s’écrasait en hurlant:
    -Représailles ! Représailles ! Morts aux Boches !. »
    La désorganisation française est complète, devant tant d’incurie de la part des politiques de gauche, d’imprécision et de parlottes inutiles, et en face d’une cinquième colonne allemande constituée par les Juifs ( !) :
    « les Juifs chassés d’Allemagne par Hitler foisonnaient à Paris. On les connaissait bien. Les noms s’étalaient sans vergogne sur les devantures, avec même des affiches en langue allemande. Ils faisaient concurrence à nos nationaux, et les Français non seulement ne réagissaient pas, mais achetaient de préférence leurs produits, moins chers. ( …) D’aucuns plaignaient ces malheureux exilés. Les esprits désaxés faisaient de la sensiblerie bête, ne s’imaginaient pas que ces proscrits restaient allemands, sinon de race, du moins de culture, d’idées, de sentiments, de Patrie, devenaient de merveilleux espions. »
    Surieux, emmenant Vaudreuil et Solange, organise son départ pour le Berry, au moment même où les hordes germaniques envahissent le territoire français, débordant des frontières de l’Est :
    « Depuis des années la France manquait d’un homme, un homme pour balayer la tourbe des polichinelles qui la menaient aux abîmes, un homme pour détruire l’abject régime qui l’asservissait honteusement, un homme pour la relever et lui rendre sa place à la tête des nations, un homme pour prendre en mains le gouvernail et la mener au port à travers la tourmente. Et cet homme ne se rencontrait pas. Chacun l’appelait, tout le monde l’espérait, l’attendait. Dès qu’il apparaîtrait le pays tout entier marcherait derrière lui.
    Et cet homme ne se levait pas.
    Et l’on voyait poindre à l’horizon que des jours de deuil, de ruines, de misère, d’incendie et de sang. »
    Un récit écrit en 1936 où s’accumulent les rancoeurs et les craintes en face de l’Allemagne triomphante. L’anticipation de Baraude sera de courte durée puisque quatre ans plus tard la France sera réellement envahie. Par contre, les causes de la guerre sont noyées dans les haines exprimées par l’auteur qui rend responsables de la situation, pêle-mêle, les Alsaciens (espions et traîtres), les socialistes (vendus, lâches et incompétents), les Juifs (à la solde de l’ennemi), et les spoliateurs de tout poil profitant du malheur commun pour s’enrichir. Encore un récit « prophétique » qui augmente une liste déjà longue en ce domaine.

  9. Type: livre Thème: l’entropie progresse... Auteur: Gabriel DE LAUTREC Parution: 1922
    Le narrateur rêve, à moins qu’il ne s’agisse d’une vision, d’un très lointain avenir, où les hommes respirent à l’aide de tablettes d’oxygène solidifiée :
    « Depuis longtemps, en effet, tout l’oxygène, ou presque tout l’oxygène de l’air avait disparu. Nous nous plaignons que dans nos villes on mesure l’air et l’espace, et qu’il faille payer pour respirer, comme pour manger. Mais ici ce n’était pas un paradoxe ; on achetait l’air, rigoureusement. Il me fut impossible de savoir si cette suppression de l’oxygène avait pour cause le vouloir de l’homme ou un phénomène naturel. »
    L’on achetait  donc ces tablettes en fonction de sa richesse propre, prolongeant l’inégalité économique et sociale qui existait déjà en nos jours :
    « Le prix de l’air variait selon le cours. S’il s’élevait trop, le peuple se révoltait. Et des hommes larges, à figures rougeaudes, respiraient insolemment, à plein nez et à pleine bouche, de belles tablettes bleues, tandis que de pauvres diables s’épuisaient sur quelque débris d’air sale et poussiéreux, qu’ils avaient ramassé au coin d’une borne. Ou bien ils s’arrêtaient auprès des passants et, timidement, demandaient l’aumône. Certains n’avaient pas respiré depuis trois jours. »
    Grâce à une couche de gaz neutre remplaçant l’atmosphère de jadis, les hommes, s’adjoignant des ailes, purent voler sur des milliers de kilomètres, sans effort. Ces ailes, prises d’abord  à des oiseaux d’une sorte particulière, devinrent progressivement membre naturel du corps de l’homme. Cette conquête de l’espace aérien n’alla pas sans bruit ni fureur :
    « La conquête de l’espace n’avait pas été sans difficultés. On me dit les terribles guerres auxquelles cette rivalité donna lieu. Mais notre espèce, une fois de plus, avait triomphé des autres. A mesure que disparaissait l’air respirable, des cadavres emplumés couvrirent plus nombreux le sol. Tant qu’il ne resta plus rien des tourterelles et des vautours, ni des formes jamais vues qu’on vit descendre successivement des hauteurs plus ou moins lointaines où leurs poumons éclataient.Des monstres apocalyptiques tombèrent en tournoyant au pied des foules épouvantées. Et un jour il n’y eut plus que la seule race gardée par l’usage de ses ailes, et que des formes robustes avaient désignée à ce choix.»
    Un conte bref, angoissant, fantastique et surréaliste en son essence. Gabriel de Lautrec, appartenant au groupe du «Chat Noir », et vraisemblablement inspiré par le « Fragment d’une histoire future » de Gabriel Tarde, esquisse une fin de l’espèce humaine onirique et poétique.

  10. Type: livre Thème: le dernier homme Auteur: Michael MOORCOCK Parution: 1965
    Les deux derniers survivants d’une conflagration nucléaire, proches de la frontière norvégienne, se mettent à la recherche de la dernière femme supposée vivante, dont ils ont aperçu les traces.
    Nilsson est impatient de lui mettre la main dessus, Hallner le suit dans sa course vers la montagne enneigée où elle a disparu. Peu à peu, un curieux sentiment se fait jour chez Hallner, fait de résignation et d’expectative devant les beautés des sites enneigés. Le brouillard qui couvre le paysage précipite Nilsson dans un ravin, en compagnie de sa femme imaginaire. Hallner, tranquillement, s’asseoit, méditatif en face d’un paysage purifié de l’homme, pour y attendre la mort.