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Vous y trouverez des ouvrages post-apo que la communauté souhaite partager. Il vous est possible de rajouter des fiches de livres, alors partagez vos trouvailles avec la communauté FoGen ! Une grande partie des ouvrages que vous trouverez sont ici grâce au travail de Jacques Haesslé sur son site : http://destination-armageddon.fr/index.html. Un grand merci à lui pour son travail exceptionnel !
Livres
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Les Ombres De Demain - Par BenF
Rapportées du cœur de l’action, ces notes de guerre, rédigées par le narrateur-soldat, médecin de son état, représentent un effroyable témoignage. Engagé dans une guerre moderne où deux armées s’affrontent avec un arsenal scientifique, le témoin observe et étudie les bactéries nocives, les gaz inédits, les armes sophistiquées, et leurs effets sur des êtres humains qui pataugent dans la boue, la sanie et la peur. Les gaz, tout d’abord. Incolores, inodores qui, en 24 heures pourrissent le corps de l’individu. Ou, au contraire, parfumés à l’odeur de violette, d’amande amère, de réséda ou de moutarde, qui s’infiltrent dans les combinaisons, rendent aveugles, asphyxient, en bloquant les poumons :
« Gaz puants et irritants à peine dangereux, acides liquéfiés, gaz amoniac, donnant une fausse impression de sécurité, servant parfois à masquer la présence de gaz mortels, à odeur faible tel l’acide cyanhydrique, poussières impondérables de composés persistants et caustiques capables de corroder la peau à travers les vêtements. »
Ils obligent au port d’un masque lourd, gluant, incommode qui fait de l’homme un monstre. Le champ de bataille, ensuite. Terre dévastée, noire, inondée par endroits, parsemée de cadavres, où flottent des nappes de fumée suspectes : là s’affronteront les « ombres de demain ». :
« L’horizon s’est nivelé. A nos yeux se présente une plaine qui, au loin, devant nous, se perd dans une grisaille de brume où ne se devinent même pas les lointains renflements des coteaux. Une plaine, ou plutôt un cadavre de plaine, crevée d’innombrables abcès où stagne une eau bourbeuse. Cloaques parfois réunis les uns aux autres par des lignes plus sombres. Sans répit une pluie fine, tenace, hargneuse, nous harcèle. »
Les infiniments petits, végétaux ou animaux, dont l’apparente et inoffensive petitesse cache une puissance maléfique, créatures de terribles maladies, comme l’actinomycose, due à un champignon microscopique dont le siège est les poumons. La gangrène gazeuse, conséquence de la prolifération du vibrion sceptique dans une plaie infectée, provoquera, elle, le pourrissement généralisé du corps du soldat. Les effets en sont spectaculaires :
« La sueur perle à ses tempes, il hoquette doucement, un peu de bave s’échappe entre ses lèvres. Sa jambe est déjà toute noire, la cuisse est devenue énorme. L’enflure gagne du terrain, continue sans arrêt sa marche ascendante. Hier on ne songeait pas encore à l’amputation, maintenant toute intervention est inutile. »
Il en existe encore d’autres, comme le bacille de Koch, (tuberculose) ou le bacille d’Eberth (typhoïde), de toutes les formes, soigneusement concoctés par les génies militaires, expédiées sur l’ennemi à l’aide de fléchettes empoisonnées ou de grenades en verre.
Une offensive sur un terrain miné s’est terminée par la mort mystérieuse de nombreux soldats, un nuage d’hydrogène arsénié ayant eu raison d’eux. L’attaque s’est faite en fonction du vent dominant car il ne faut pas que les gaz puissent se retourner vers ceux qui les ont lancés. La famille des composés du cyanure impose le port du masque : la légèreté en ce domaine se paye au prix fort :
« Il en est qui n’ont sans doute pas eu le temps de mettre leurs masques. D’autres, peut-être pour faciliter leur fuite, l’ont enlevé, ont fait quelques mètres, et se sont effondrés là, sans blessures, la poitrine broyée par l’étau de fer des gaz. Ils tournent vers le ciel leurs yeux révulsés, leur face tordue dans un rictus d’agonie, dans un dernier effort pour respirer. »
Les vivants et les morts forment un ensemble sur le champ de bataille, paysage d’enfer sillonné de fantômes blancs ou gris :
« On s’efforce de trouver un chemin moins mauvais, et on continue à se heurter aux troncs sales et boueux, à s’empêtrer dans les lianes épineuses et rouillées des fils barbelés, à trébucher sur les cadavres, à tomber dans des fondrières insoupçonnées, à s’effondrer dans d’inextricables amas de tubes de fer de toutes formes, de toutes dimensions. On s’écorche, on se meurtrit, on se déchire, on se relève, couvert de boue. »
Aucune amitié ne dure longtemps, étouffée dans l’œuf par la mort rapide :
« Je soulève doucement la pauvre tête. La face aux yeux d’ombre se couvre d’une teinte bleu-âtre. Son corps raidi est horriblement froid, malgré les couvertures. J’essaye de lui faire prendre un peu de boisson. Il ne peut avaler. Maintenant le délire s’empare de lui. (…) Puis brusquement, il suffoque, il s’effondre, prostré.(…) Et bientôt, je n’ai plus dans mes bras qu’une pauvre chose inerte. S… a maintenant rejoint les fantômes du royaume des ombres. L’Arsenic ne pardonne pas. »
Parfois, par jour clair, il lui arrive de sentir la nature qui souffre sous le déferlement de fer et de feu, lors d’une action hors des « boyaux ». Le temps qui passe et l’inaction forcée des combattants augmentent leurs angoisses. Les armes se modifient, insensiblement, toujours plus efficaces dans leurs fonctions mortifères. Certains gaz ne seront plus utilisés. D’autres apparaissent, inédits. L’Anhydride sulfureux, par exemple, qui s’enflamme à l’air, à l’eau, au contact des tissus humains, s’alimentant de l’humidité contenue dans les corps.
Autour des combattants, s’étendent des champs laissés à l’abandon, des bourgs morts annihilés par les déluges d’obus, les gaz, les maladies. La mort à brève échéance est parfois supplantée par des épidémies que l’ennemi espère voir éclater dans la population, ce qui affaiblirait l’adversaire. Il compte sur la peste, ou le typhus, ou le choléra dont rats, puces et autres parasites seront les vecteurs de dissémination.
Ainsi va la vie quotidienne remplie de nuages artificiels qui dissimulent l’ennemi, d’attaques-surprise, de fatigue, de crasse et de peur. Parfois, lors d’une sortie, des chars précèdent les fantassins, apportant une touche fantastique à l’apocalypse :
« Les lourds chars d’assaut, non montés, commandés à distance électromécaniquement précèdent notre avance. De leur masse énorme, ils écrasent les invraisemblables amas de barres, tubes, cerceaux, fils, ferrailles jetés là, parsemés d’embûches. Quelques monstres disparaissent dans un volcan soudain surgi sous eux, à la place du mastodonte : un trou. »
Parfois, il arrive que l’on reconquiert des ruines sur lesquelles flotte un drapeau déchiré de la Croix-rouge, sans que l’on sache le nom de ce village, concassé, anéanti, disparu. nLa guerre chimique du futur ne fera que des perdants, des adversaires réunis dans un même sort. Des gaz corrosifs dont les effets ne peuvent même pas se décrire guetteront chacun d’entre nous. C’est ainsi que le narrateur, ayant respiré sans même sans douter une bouffée de ces gaz, se sentira mourir doucement, lentement et douloureusement. Il aura juste eu le temps de transmettre ces notes à un ami…
« Les Ombres de demain » représente un témoignage précieux sur les conditions d’une guerre bactériologique ou chimique «totales », si elles devaient survenir un jour. Largement basées sur l’expérience des tranchées de 14-18, sur sa pratique de médecin et ses connaissances scientifiques, les notations impressionnistes de l’auteur font surgir un monde infernal, fantastique, un enfer déshumanisé crée par l’agressivité humaine. Un ouvrage à mettre au niveau de ceux de Malaparte ou de Barbusse.
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Helene Au Xxveme Siecle - Par BenF
En royaume d’Utopie, au XXVème siècle, la Terre est réunie en une fédération de républiques. Vivant en paix, elle a confié son sort à Jacques Pavie, président de la "fédération républicaine du monde." A son rival indien déçu, Diwan Gengli, l’on avait confié "le tiers de la police du monde", soit deux millions d’hommes armés répartis sur toute l’Asie. Les deux hommes s’estimaient. L’un comme l’autre, pourtant intelligent et cultivé, se laisse subjuguer par une femme, Hélène de Tarse, qui préfère Pavie "non seulement pour sa qualité de blanc, mais aussi pour son irrésistible regard de Don Juan et son front dominateur. "
Gengli en conçut une amertume, une jalousie, une rage qui le firent employer la force pour ravir la pure beauté à son adversaire, dût-il pour cela bouter le feu à un monde en paix:
" Trois jours après, cinq cents avions et cinquante dirigeables couvraient la face de la France. D’un ciel d’horreur, strié de feux tragiques, tombaient de longs et tumultueux éclairs qui électrisaient et calcinaient des bourgs entiers. La ville parlementaire en était toute criblée. On eût dit de longues épées de flamme perçant le cœur du monde. La tour de l’hôtel d’Etat croula avec un fracas de tonnerre. Plus loin, une explosion fit sauter l’unique fabrique de munitions du monde. Un cratère se creusa soudain à trois cents pieds sous terre, et toute l’Europe en trembla.(…) Cinq millions de cadavres encore chauds et de blessés couvraient l’Europe "
Est-il besoin de dire que Gengli ne l’emporta pas au paradis, que Hélène préféra s’immoler plutôt que de lui céder, et qu’il mourut son forfait accompli ? Même en pays de cataclysme les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets…
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La Survivante - Par BenF
Vol. 01 : la Survivante, Echo des Savanes/Albin Michel éd., 1986, 1 vol. cartonné, in-quarto, 51pp. BD d’expression française.
1 ère parution : 1985
Audrey Albrespy, intrépide jeune plongeuse, remonte seule à l’air libre, au sein d’une calanque dans le sud de la France. C’est pour constater avec horreur que tous ses amis proches sont morts, ainsi que bien d’autres dans les villes qu’elle traversera. Revenant vers Paris, et sans pouvoir déterminer la cause d’une telle catastrophe, elle sent qu’elle est la dernière femme vivante au monde.
Parfois déprimée, parfois exaltée, elle jouera à la princesse dans une cité vidée de ses habitants mais qui offre tous les artefacts et toutes les possibilités dont on peut rêver. Elle doit pourtant en rendre compte aux serviteurs artificiels dont le monde s’était doté pour plus de commodité, et au plus puissant d’entre eux, à forme humaine : Ulysse.
Audrey s’installera à l’hôtel de Crillon pour y vivre une vie de luxe mais n’oublie pas, lorsque la solitude lui pèse, d’errer dans Paris et de chercher le contact avec quelqu’un par émission radio. Elle échappera aussi aux mains crochues des dignes représentants du Sénat, des zombis survivants infectés. Comme elle est jeune et a le sang chaud, la Survivante expérimente de nouvelles sensations sexuelles avec Ulysse, doué d’un organe à toute épreuve, et qui semble y prendre goût.
Ainsi se poursuit une vie insipide jusqu’au miracle tant attendu : l’arrivée de Stanny, un astronaute de retour sur terre, qui a capté les ondes radio d’Audrey. Commence une période de lune de miel, vite interrompue, lorsque Audrey découvre Stanny mort et éventré par Ulysse, d’une jalousie morbide. Audrey oscille au bord de la folie.
Vol.02 : l’Héritier, L‘Echo des Savanes/Albin Michel éd., 1988, 1 vol. cartonné, in-quarto, 51pp. BD d’expression française.
1 ère parution : 1987
La jeune femme est enceinte des œuvres de Stanny. Elle donnera naissance à un garçon appelé Jonas. L’enfant, dont l’esprit est décuplé, est élevé par Ulysse qui le sépare d’avec sa mère. Plus tard, il concevra une haine implacable pour le robot qu’il désire anéantir. But difficile, puisque Ulysse est en connexion permanente avec les systèmes électroniques de toute la planète et donc, quasi-indestructible.
L’autre objectif de Jonas est de retrouver sa mère Il s’évertue à contrer les robots, se présentant devant Ulysse sous la forme d’un hologramme ou prenant la fuite dans les rues de Paris.Aude entre temps, toujours prisonnière, a pris un bain dans la Seine. Elle y fait la connaissance de créatures nouvelles – peut-être d’origine extraterrestre - sortes de phallus à pseudopodes, qui s’attachent à elle au propre comme au figuré.
D’abord écoeurée, puis confiante, elle dispose l’une de ces créatures dans un aquarium gigantesque et s’adonne avec elle – histoire de la voir de plus près !- à des caresses sexuelles prolongées ce qui a pour effet de faire sortir Ulysse de ses gonds, lequel, non seulement tue cette créature, mais réprimande avec férocité la jeune femme.
Jonas, traqué par des robots policiers, autres avatars d’Ulysse, blessé près du centre Beaubourg, sera finalement sauvé par sa mère, opportunément arrivée sur les lieux. Les deux êtres humains s’enfuient.
Vol.03 : la Revanche, l’Echo des Savanes/Albin Michel éd., 1988, 1 vol. cartonné, in-quarto, 51pp. BD d’expression française.
1 ère parution : 1988
Pour se mettre hors d’atteinte d’Ulysse, ils tentent de rejoindre la station orbitale autour de la terre où survivent encore trois hommes et une femme, tous cosmonautes. A peine accueillis à bord, ils se rendent compte que ces survivants sont psychiquement déviants, soumis à leurs instincts les plus vils, désireux de sexe, et voulant adjoindre Aude à leurs ébats. Grâce à Jonas qui convainc Horst, l’un des moins atteints, ils prennent la décision de retourner sur terre, atterrissant en catastrophe dans un lieu désertique.
Bien que leurs rapports mutuels soient toujours aussi violents, ils passent entre eux une sorte d’alliance tactique pour rejoindre un endroit civilisé. Ils se reposeront dans un bateau échoué près de la côte. Rhéa, la jeune astronaute noire, nymphomane et sournoise, entretient leur haine mutuelle jusqu’à ce que, l’un après l’autre, ils soient tous éliminés ce qui n’épargnera pas non plus la vie de Rhéa. A nouveau, Aude et Jonas se retrouvent sur terre, sous la surveillance active d’Ulysse qui a eu vite fait de les retrouver.
Vol.04 : l’Ultimatum, l’Echo des Savanes/Albin Michel éd., 1991, 1 vol. cartonné, in-quarto, 51pp. BD d’expression française.
1 ère parution : 1991
Retour à Paris. Jonas ronge son frein. Aude sert de sujet d’étude pour Ulysse qui essaye de saisir la psychologie sexuelle des humains en lui faisant revivre, attachée et nue, ses premières expériences amoureuses.
Jonas, pour tuer le temps, se promène dans la ville abandonnée mais non vide : les petits amis extraterrestres d’Aude sont toujours là et veillent au grain. Jonas veut à tout prix arrêter la main mise d’Ulysse sur les deux derniers représentants humains sur terre. Ceci est urgent car le comportement d’Aude qui s’adonne à la boisson et au sommeil cataleptique, est de plus en plus erratique, ses sentiments oscillant entre l’amour et la haine, Jonas découvre que les petits extraterrestres ithyphalliques sont capables de projeter un acide corrosif qui fait fondre les carcasses électroniques des oppresseurs.
Mais Ulysse a décidé, une fois pour toute, de se débarrasser de Jonas en déchaînant contre lui tous les robots-policiers de la capitale. L’adolescent succombera malgré l’aide que lui apportent ses petits alliés. Aude, mis au courant de la situation n’a plus qu’une seule idée en tête : le suicide ! Se revêtant de sa plus belle robe, elle se dirige vers la Seine, pourchassée par les sbires électroniques du dictateur. Pourtant ses amis lui réservent une surprise de taille, un destin grandiose et étonnant. Agglutinés autour d’elle, ils opèrent en son corps une métamorphose. Dotée d’une paire d’ailes, elle prendra son essor avec eux pour l’espace intergalactique, laissant la terre aux mains mécanisées d’Ulysse.
« la Survivante » est une belle série graphique, somptueusement dessinée par Gillon qui y mêle adroitement érotisme, science-fiction et son amour de Paris. Sur fond cataclysmique se déroule l’épopée de la dernière jeune femme en proie à des monstres cruels et pervers. Le lecteur, voyeur complice, se plaît à observer Aude dans ses ébats contre nature, à suivre le génie-enfant Jonas dans sa lutte contre les machines, à admirer la restitution des lieux archétypiques et culturels d’un Paris livré à l’abandon. Une bande dessinée qui témoigne de la maturité et de la virtuosité de son auteur.
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La Venus D'asnieres - Par BenF
Une équipe de savants ouest-africains est de retour à Tombouctou en 2924, après une expédition archéologique dans les ruines de Paris. Ils relatent par le menu leurs aventures en ce lieu hostile, inhabité, en une Europe désaffectée, retournée à l’état sauvage par la faute de ses habitants. En mille ans, des guerres incessantes, des rivalités permanentes ont fait basculer le pôle de la civilisation vers les tropiques où les Noirs ont repris le flambeau.
Curieux de connaître les restes de cette grande cité que fut Paris, l’on constitue un groupe de chercheurs composé respectivement de Merkanty, archéologue d’origine franque, du prince de Fouta-Djalon, du célèbre naturaliste Benvenuto-Félix, du Dr Organdina, de Baba-Duran, l’ingénieur en chef et du Vicomte de Kassoulé-Toulouzène, sous la direction avisée de Travelling-Robinson, le chef de la mission.
Pour parvenir au but, ils prennent la direction du Nord vers la Franquie en longeant la mer saharienne avec leur caravane d’autos-limaces. Sans problèmes, Ils arrivent en vue de l’Oued Seine :
" Quel spectacle impressionnant et grandiose que celui de la Ville-Lumière éteinte sous la poussière des siècles ! Au nord, l’ancienne butte Montmartre, pulvérisée par le bombardement de 1950, recouvre entièrement les ruines. Ailleurs, quelques murailles informes s’élèvent encore de-ci, de-là au-dessus du sol ravagé. Seul, au sud, se dresse un morne mélancolique. Les anciens l’appelaient " montagne Sainte-Geneviève ". Rien ne montre mieux que ce qualificatif ridicule l’exagération des septentrionaux. "
Immédiatement, les ruines seront investies et des fouilles s’ouvrent en plusieurs points : l’Opéra, l’Hôtel des invalides et, en banlieue (afin de se documenter sur la faune). Ils installent leur quartier général à l’angle de la rue Drouot et du Boulevard des Italiens. Les critiques fusent envers les urbanistes parisiens de l’époque, dont les plans leur paraissent désordonnés :
" Les édiles parisiens faisaient vraiment preuve d’un désordre extraordinaire. Que l’Institut n’ait pas été construit rue de la Gaîté, que la rue des Dames n’ait pas précédée immédiatement celle de la Fidélité, que la rue de la Paix n’ait pas fait suite à la rue de la Victoire, que le passage du Désir n’ait pas prolongé l’impasse Traînée, je l’admets encore, mais avez-vous remarqué que la rue Madame et la rue Monsieur n’aboutissaient pas à la rue du Rendez-vous ; que la rue de Bellechasse se trouvait fort éloignée de la Butte-aux-Cailles, de l’impasse Canart et de la rue des Alouettes (…) "
Ils mettent à jour plusieurs lieux dont ils déduisent (faussement) l’origine :
" A chaque nouvelle porte que la foreuse rendait à la lumière, nous nous précipitions dans l’espoir de lire enfin une inscription vraiment franque, et les enseignes rongées, les plaques vermoulues nous révélaient le nom d’un Fritz Weissmann, d’un Zigriphidès ou d’un Politouski et Cie. Le prince de Fouta-Djallon me posa un soir la main sur l’épaule. Il avait l’air grave et inspiré : - Commandant, nos historiens sont des ânes. Bien avant l’anéantissement de la Ville-Lumière par les Germains, celle-ci ait été envahie par une horde barbare. Paris n’était plus Paris. "
La vision des ruines les incite parfois à un brin de romantisme. Ils dégagent un cimetière pour chiens (" A Mirza, sa mémère inconsolable ") dont ils mettent la coutume d’embaumement en relation avec celle des anciens Egyptiens. Obligés de se pourvoir en viande fraîche et après avoir remarqué dans les environs des traces de " buffles ", ils envisagent une chasse. Le prince de Fouta-Djalon aperçoit:
" … non pas un buffle, mais cinq, mais six, qui paissaient paisiblement l’herbe grise entre les rochers. Ils étaient d’assez forte taille, quoique bas sur pattes, et leurs robes différaient par la couleur, la plupart me semblant largement tachés de roux à la manière des chevaux savants que la foule ignorante allait applaudir dans les cirques chez les anciens. L’un d’eux , une femelle, se tenait à dix pas de nous. Cette bête avait senti le danger, car, immobile, tandis que son bufflon batifolait gracieusement autour d’elle avec l’insouciance du jeune âge, elle braquait vers nous des yeux fixes et stupides en reniflant avec force. "
A défaut de buffle, ils viennent de tirer un veau, paisible ruminant, appartenant au troupeau de vaches gardée par une merveilleuse bergère blonde, à peine vêtue, et dont la grâce captive encore plus le cœur que son accent :
" Ayant saisi le bufflon par une oreille, tandis que M. Benvenuto-Félix tirait sur l’autre, cette indigène, qui était vêtue à peu près comme les bergères d’Arcadie, hurlait : -V’là qu’ils ont tué la Rouge, et ils voudraient encore me voler mon viau. Mais qué tas de sauvages… Ainsi nous fut révélée l’existence, en Europe occidentale, d’une race survivante. "
Authentique descendante franque, barbare isolée dans ces ruines, la Vénus d’Asnières reste discrète quant à son origine et à son appartenance tribale. Elle sera adoptée par le groupe de savants qu’elle captive tour à tour avec sa gouaille:
" - Mais qué qu’vous cherchez donc comme ça dans la terre? Y a seulement point eune faillie patate par ici. Le Prince de Fouta-Djallon, lui montrant des ossements et quelques pièces archéologiques intéressantes, essaya de lui faire comprendre le but de notre mission:
« -Et c’est pour ça qu’vous êtes venus de si loin. Vous n’avez donc point grand’chose à faire chez vous !.»
Parmi les plus assidus auprès d’elle, le Vicomte de Kassoulé-Toulouzène se laisse emporter par son enthousiasme, même (et surtout) lorsqu’elle manifeste son désir de prendre un bain :
" Devant le jardin des Tuileries, l’oued Seine à cette époque de l’année, s’étale en un assez large bassin se prêtant relativement bien à la natation. Nous décidâmes d’y prendre nos ébats. Ayant, le vicomte et moi, apporté nos maillots de soie, nous nous déshabillâmes dans les ruines du Louvre, abandonnant par un sentiment bien naturel notre jeune amie sur la rive. Quelle ne fut pas ma surprise en la rejoignant de constater que, son tour de cou galopant au bord de l’eau, elle achevait de se dévêtir en lançant son trotteur aux orties, de sorte qu’elle nous apparaissait dans la pure lumière matinale plus nue que la vérité, qu’on travestit généralement, et incroyablement blonde. "
Les ruines exercent parfois une curieuse action sur l’âme humaine. En explorant les salles de la Chambre des Députés mises à jour, M. Benvenuto-Félix se mit soudain à prononcer un discours, se sentant possédé par une ardeur réformatrice. Ce qui prouva derechef aux autres que le malheureux avait bel et bien perdu la raison.Les fouilles avancent rapidement : conduites de gaz dans la rue de la Paix, exhaussement du Palais Bourdon, visite de l’Odéon, tout va bon train lorsqu’une crue inopinée de l’Oued Seine les contraint à interrompre leurs travaux. Enfin, une trouvaille sensationnelle vint récompenser leur ardeur : celle de la découverte d’un pensionnat de la rue Blondel, un authentique bordel, qui est assimilé à l’institut d’hydrothérapie d’un pensionnat pour jeunes filles par M. Baba-Duran. La Vénus d’Asnières y trouve toute une panoplie vestimentaire qui lui va à ravir bien que certaines pièces ou objets fussent fort curieux :
" M.Baba-Duran m’entraîna dans une pièce voisine que nous n’avions pas visitée encore. C’était une petite chambre dont les murs, le plafond et la porte avaient été matelassés de surprenante façon. Aucun meuble, mais un banc garni de courroies de cuir, sorte de chevalet paraissant remonter à l’Inquisition et, dans un coin, rangés sur râtelier, des martinets, des verges de tous modèles. "
Plus tard, des monuments étranges apparaissent. Progressivement se dégagent le cimetière de Montrouge avec ses statues, les ruines du Louvre, avec la traditionnelle vision de la Vénus de Milo " bien abîmée ", la place de la Concorde et son obélisque brisé, ainsi que quelques traces de la Tour Eiffel. La vie des explorateurs se poursuivit ainsi, ponctuée par les discussions intellectuelles portant par exemple sur l’assimilation par la langue franque de quelques termes empruntés " aux aïeux nord africains " :
" Les Francs, qui avaient emprunté à nos aïeux nord-africains de nombreuses expressions comme " Klebs, maboul, kif-kif, bono-besef et macache-bono " eurent le tort de ne pas créer dans leurs écoles des chaires de Sabir. Je maintiens que la langue poétique et particulièrement riche en images que nous rapportons est celle qui doit triompher dans nos universités ",
ou par les différentes intrigues sentimentales autour de la personne de la " pastourelle ".Alors que plusieurs d’entre les explorateurs pensent lui demander sa main, elle manifeste une nette préférence envers la personne de Travelling-Robinson.
Un jour, elle disparut. Grande inquiétude chez les savants qui mettent tout en œuvre pour la retrouver. C’est ainsi qu’ils firent la connaissance de la tribu de la Vénus d’Asnières, dont le chef, Pierre-Marie le terrible paraît bien moins barbare qu’ils ne le supposaient. Le contact établi, Robinson apprit que la pastourelle, appartenant à ce groupe, avait pris son autonomie en quittant toute seule le clan. Eux-mêmes étaient les descendants forts vieux, d’un aïeul commun, Mathurin le Grand, qui a pu échapper à la catastrophe et profiter de la découverte du Dr. Voronoff :
" La découverte du docteur Voronoff améliorée depuis par l’élevage rationel du singe, permettait d’allonger l’existence humaine de plusieurs siècles au besoin. Naturellement, le favoritisme s’en était vite mêlé. Des gens ayant de belles relations politiques faisaient jouer certaines influences pour obtenir le double ou le triple centennariat."
Depuis, lui et ses descendants vécurent au Mont-Saint-Michel et de là ils ont essaimé en Bretagne puis en Ile de France. Un certain Alcide Loupin fit dissidence, et ses affidés, les " Loups ", créèrent une nouvelle tribu antagoniste de la leur sur la côte du Cotentin. Par mégarde, au cours de cette période, Mathurin le Grand apporta de curieux spécimens d’animaux de la côte d’Afrique :
" Le capitaine avait choisi un rivage désert pour y débarquer. Mathurin le Grand ne se souciait pas de révéler au vieux monde la survivance de sa race. Les membres de l’expédition n’avaient jamais vu de singes, de sorte qu’ils commirent une erreur bien excusable. Parmi les différents spécimens qu’ils rapportèrent en Armorique figurait un sujet tout à fait remarquable dont les cris articulés semblaient s’apparenter à un langage. Et, quant au retour, Mathurin le Grand l’examina, il reconnut que ce singe n’était pas un singe mais un nègre. "
Le nègre, appelé Loufoussou, s’installa plus au sud et engendra une tribu de métis qui entretint de bons rapports avec la tribu de Mathurin. La vie se perpétuait ainsi sans problème sur le sol de l’ancienne Europe et personne parmi les " barbares " n’enviait les explorateurs noirs. Pour entretenir leur amitié et avant que de rendre visite aux lointains cousins de la tribu de Loussoufou, la Vénus d’Asnières épousa le Vicomte de Kassoulé-Toulouzène. Celle-ci, retournée au sein de sa tribu, se maria juste par dépit puisque Travelling-Robinson n’était pas sensible à ses avances. Le temps des fouilles touchait à sa fin. L’expédition retourna à Tombouctou muni de trésors archéologiques inestimables et en compagnie de la pastourelle qui s’était déjà lassée du Vicomte.
Tous furent particulièrement distingués par les sociétés savantes noires pour leur action d’éclat et Travelling-Robinson, sa femme l’ayant quitté, put enfin goûter la sérénité entre les bras de sa douce pastourelle.
La " Vénus d’Asnières ou dans les ruines de Paris " reste un roman curieux qui peut se lire à plusieurs niveaux. Basé sur la thématique des ruines, déjà fort prisée à l’époque de l’écrivain (voir " Archéopolis ", les " ruines de Paris en l’an 3000, " une exploration polaire aux ruines de Paris ", le récit de Reuze dévoile avec ironie et tendresse les efforts des savants pour reconstituer le passé ainsi que la difficulté à se rapprocher de la vérité historique.
L’ironie, toute contemporaine, est constamment entretenue dans la trame du texte et les allusions à la vie politique, à la vie quotidienne, aux mœurs des parisiens de l’entre-deux guerres traversent l’ensemble de l’ouvrage. Quant au personnage de la Vénus, il agit comme un contrepoids sentimental apte à procurer cette légèreté de ton que demande le lecteur de l’époque. La naïveté de la pastourelle est également un bon procédé littéraire pour prendre " le point de vue de Sirius ". Bref, il s’agit d’un bon roman dont on ne peut que regretter l’excessive rareté.
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L'humanite Enchaînee - Par BenF
La petite troupe regroupée autour d’Oronius, le Maître, au sein de l’extraordinaire engin volant l’Alcyon-car, se retrouve au pôle sud où l’attend une monstrueuse race d’insectes géants et intelligents inconnus jusque là de l’humanité. Perçant le camouflage opaque mis en place par ces êtres mystérieux, l’Alcyon atterrit à la base d’une haute tour entièrement close sur elle-même. L’atmosphère respirable et le froid dompté par le rayonnement solaire redirigé par des miroirs ont crée autour des tours un curieux jardin :
« C’était un parc-jardin, peuplé d’étranges arbres aux silhouettes caricaturales ou horribles. Ils n’appartenaient à aucun espèce connue et devaient avoir été obtenus par de fantastiques greffes, croisant le règne végétal et le règne minéral, même avec certains échantillons du règne animal. En contemplant les produits crées, les spectateurs ne pouvaient songer sans épouvante au jardinier dément qui avait conçu ces combinaisons diaboliques et créé ce décor de cauchemar. »
En sortant de leur véhicule pour traverser cet espace, Laridon le méccano, Turlurette sa fiancée, ainsi que Cyprienne la propre fille d’Oronius, sont agressés par des êtres mi-plantes, mi-animaux, sortes de chimères fantastiques. Oronius lui-même est happé par les tentacules d’une femme-pieuvre végétale :
« Projeté par la baie où se tenait la splendide créature, quelque chose se déroula en sifflant et s’abattit sur l’indiscret. Et successivement, comme autant de cordes souples et vivantes, neuf autres tentacules fendirent l’air pour venir l’envelopper comme autant de lassos. Il remarqua avec effroi que ces tentacules affectaient la forme du bras, d’une longueur démesuré. Faits de chair blanche, douce et tiède, ils se terminaient par de petites mains nerveuses, dont les paumes formaient ventouse. »
Il devra son salut aux insectes géants qui le libèrent, non par bonté, mais parce qu’ils ont besoin de ses services. Car ces insectes sont des ennemis de l’humanité , sur le point de passer à l’attaque, aidés par les deux ennemis mortels d’Oronius, le (gros) savant fou Otto Hantzen et sa groupie, la redoutable Yogha, arrivés sur place avant nos amis. Oronius absent et introuvable, les autres membres de l’équipage, sous la conduite de l’ingénieur Jean Chapuis, et sur les ordres mêmes du Maître qui a pu communiquer avec eux en établissant une « voûte magnétique », reprennent tristement le chemin pour Paris. Lors de leur survol de la France ils purent constater à quel point le pays avait déjà souffert d’un cataclysme antérieur :
« Des ravages causés par la vague de feu qui avait embrasé l’air et desséché les mers, puis par l’escamotage momentané de l’atmosphère respirable, Jean Chapuis ne pouvait se faire une idée. (…) La traversée du continent africain ne pouvait qu’aggraver ses inquiétudes. De tous, c’était celui qui avait le plus souffert. A la vérité, dans son étendue, l’œil des aviateurs ne rencontrait plus que mort et désolation.
Heureusement, en survolant l’Espagne, puis la France, Jean Chapuis éprouva, malgré tout, une sorte de réconfort. Là, le malheur n’était ni aussi grand, ni aussi définitif qu’il l’avait craint. Des hommes avaient survécu ! Il en eut la preuve indéniable en remarquant des centres habités. Si, dans son ensemble, l’humanité avait été décimée par les cataclysmes, on n’avait pu l’anéantir complètement.(…)
La vie avait donc pu reprendre et déjà, sur les principaux points du continent européen, américain et asiatique, les survivants épargnés relevaient les ruines et s’efforçaient de faire disparaître les conséquences du fléau. »
Dans la capitale même, l’ambiance est détestable. Tous les animaux de la «Fauverie », une immense réserve zoologique aménagée au sein de la cité, ont disparu, semble-t-il sur l’instigation de singes apparemment doués de facultés cérébrales supérieures :
« Les messages avaient dit vrai ; les réfugiés n’exagéraient point. Démontrant tout à coup une volonté intelligente de conquête, une armée d’animaux, parfaitement disciplinée, et opérant méthodiquement, selon les procédés humains, s’était mystérieusement concentrée et venait d’entrer en guerre contre l’humanité. »
C’est le prélude d’une invasion partout en France et surtout à Paris, d’animaux devenus intelligents et se révoltant contre l’homme :
« Ainsi, des singes humanisés commandaient cette étrange armée. Et les aptitudes particulières de chaque catégorie d’animaux y étaient utilisées avec une discipline et une intelligence tenant du miracle. (…) Le règne animal en révolte avait ses troupes de pied et ses troupes de selle, ses cohortes de jour, ses phalanges de nuit. Aux heures de ténèbres, les bêtes et oiseaux nocturnes se ruaient sur les combattants harassés. Les yeux des hyènes, des lynx, ceux des hiboux, des chouettes et des chats-huants brillaient dans l’ombre et semaient la panique. Les hommes s’imaginaient être entourés d’un cercle diabolique.
Plus terribles que les bêtes sauvages qu’elles avaient été et dont elles conservaient la force, les bêtes humanisées possédaient sur les hommes l’appréciable supériorité de la diversité des formes et des aptitudes. Elles avaient leur cavalerie, légère ou lourde, où servaient les animaux rapides, tels que les lévriers ou les chevaux de sang, ou les puissants taureaux dont la course ébranlait le sol et dont la charge était irrésistible. Elles avaient aussi leur aviation, constituée par toutes les variétés d’oiseaux. Enfin, pour la guerre de sous-bois et d’embuscade, elle avait ses grimpeurs, les singes et les chats, les félins, tout ce qui peut se couler entre les buissons, se tapir dans un fourré, se tenir aux aguets à l’extrémité d’une branche pour bondir sur l’ennemi et le déchirer de ses griffes. »
Même Pipigg et Kukuss, les deux chiens-papillons, mascottes du groupe, enlevés, leur reviennent avec beaucoup d’intelligence et d’amour (ce qui ne les change guère) dans le regard.Dans le laboratoire d’Oronius à Belleville, leur base secrète, les voyageurs entendent à nouveau la voix du maître qui leur explique que la transformation cérébrale des animaux est l’œuvre des insectes géants afin de constituer le fer de lance d’une invasion de la Terre décidée par ces êtres prêts à quitter leur repaire polaire.
Ayant pratiqué des opérations cérébrales sur une série de singes, ils en ont fait les meneurs du mouvement. Sommés par les singes de se révolter pour faire diversion, ils ne constituent que le tout début des événements, le véritable plan, initié par Hantzen et Yogha étant d’arrêter transitoirement la rotation de la Terre. Le froid et la nuit devraient désorganiser les villes européennes pour que les insectes puissent prendre partout le pouvoir sur les humains, se réservant d’intervenir en Amérique et en Asie plus tard :
« Le gel s’aggravant, il avait fallu se calfeutrer dans les appartements et vivre chichement sur les maigres provisions existant ; on pouvait à peine se risquer dans les rues glaciales enténébrées. La mort y guettait à chaque pas les infortunés mal entraînés à cette température polaire. Toute vie s’était arrêtée. On se mouvait à peine ; On grelottait en pleine obscurité, et cette ombre trop réelle qui environnait les Parisiens était en même temps l’image fidèle de celle où se débattait le gouvernement, racorni dans sa détresse. »
C’est par une mystérieuse « poussière violette », extraite du sous-sol boréal en énormes quantités que Hantzen et Yogha déclenchent un processus d’apocalypse, le flux magnétique de cette poudre ayant le pouvoir de freiner la rotation terrestre dans un délai de vingt-quatre heures :
« L’embrasement du sommet fut complet en un instant ; toute sa surface était devenue incandescente et dégageait les flammes qu’Oronius venait d’apercevoir. Violettes à la racine, elles devenaient pourpres à quelques centimètres du brasier : elles se courbaient alors et s’allongeaient en se décolorant. Ah ! quel fantastique spectacle ! Leurs langues continues dépassaient maintenant le rebord de la montagne; elles filaient toutes selon une direction horizontale, s’étirant en longues lignes blanches qui s’en allaient rejoindre l’horizon. Elles ressemblaient ainsi à une chevelure de comète, mais de comète fixe sur laquelle aurait soufflé un vent violent. Oronius put remarquer qu’elles suivaient une direction inverse à celle de la rotation terrestre. »
Le plan fonctionne à merveille et la nuit s’installe sur l’Europe :
« Dès lors, des nouvelles aussi stupéfiantes qu’alarmantes se succédèrent sans interruption : une vague de froid glacial qui croissait d’instant en instant s’abattait sur la capitale. On ne pouvait songer à remettre en action les phares du solarium, car toute l’énergie disponible devait être consacrée sans retard à sauver les Parisiens de la mort par congélation. Avant tout, il fallait parer au plus pressé ; ce premier danger conjuré, on verrait, avec les moyens réduits dont on disposait, à éclairer la situation. Paris demeura donc dans l’ombre. Car le fait invraisemblable fut confirmé: le jour n’avait pas paru ; le disque solaire, pour la première fois infidèle, ne s’était pas montré au-dessus de l’horizon. »
Les humains, désorganisés ne résistent pas longtemps aux hordes d’insectes volants investissant les centres de commandement :
« Lorsqu’une de leurs armées descendit sur la capitale des Etats-Unis d’Europe, terrorisée et transie, elle ne rencontra aucune résistance. Les Parisiens engourdis virent tout à coup leurs demeures envahies par des êtres si étranges qu’ils crurent à un cauchemar (…) L’Europe entière était au pouvoir des Polaires ; les armes avaient été détruites et les humains, dépossédés, erraient en troupeaux lamentables, apeurés, harcelés par des gardiens impitoyables. Partout, dans les palais, dans les usines, dans les ministères, les insectes géants s’étaient substitués à l’homme. » (…)
Dans les champs, des paysans, accouplés par le front avec les liens du joug, tiraient la herse ou la charrue sous la menace de l’aiguillon ; d’autres cinglés de coups s’épuisaient à entraîner les lourds véhicules auxquels leurs bourreaux les avaient attelés. Il y avait l’homme-boeuf, l’homme-cheval et l’homme-chien. Partout des colliers, des laisses et des muselières, partout la schlague domptant les révoltes de l’orgueil. Et force était bien alors à ces malheureux de reconnaître que, sans la supériorité physique, aucune autre supériorité ne compte. L’intelligence ne domine qu’à condition de pouvoir s’imposer par la précision de ses armes ou la force de ses poings. »
Mais au pôle se produit un phénomène inattendu. La partie excavée s’effondre, entraînant un large bloc de terre qui se met à dériver à l’instar d’une énorme île flottante qui entraîne Oronius enchaîné par ses ennemis tandis qu’ eux s’installent confortablement à l’abri dans leur forteresse souterraine. Alors que tout semble perdu pour le Maître impuissant près de son rocher, il sera libéré par l’Alcyon-car, transformé en sous-marin pour la circonstance, conduit par Jean Chapuis le disciple, Laridon et tous ses amis. Depuis longtemps, ces derniers avaient repéré la trace électromagnétique laissée par l’île maudite sur la mer, dérivant en direction de Gibraltar.
Hantzen et Yogha, attendus par le groupe, dès leur sortie à l’air libre, sont faits prisonniers, ramenés en leur repaire, enfermés à double-tour. Le Maître reprend avec plaisir les commandes de l’Alcyon et surtout de l’extraordinaire « main volante d’Antinéa », un artefact bio-technologique rapporté de leur aventure précédente en Atlantide, qui constituera une arme décisive pour enlever l’un des insectes conquérants, à fins d’étude :
« A présent qu’il pouvait les observer à loisir, force était à Oronius de constater quels points communs ils présentaient avec la race humaine. Les attaches et les extrémités des membres antérieurs et inférieurs offraient avec nos bras et nos jambes une frappante analogie. Ils se terminaient par des mains et des pieds absolument semblables à ceux des anthropomorphes. La solidité de leur corselet, plus semblable à du cuir durci qu’à un épiderme humain, marquait la seule différence notable entre les deux races –la forme humaine mise à part, bien entendu. Mais les poignets, doigts et phalanges se révélaient aussi parfaitement articulés que ceux des hommes. La gaine naturelle et protectrice qui les revêtait ne gênait en rien leurs mouvements ; elle constituait donc une supériorité sur la trop grande vulnérabilité de notre enveloppe charnelle. »
Durant la traversée, Turlurette prise pour Cyprienne, est enlevée par l’ennemi qui, croyant tenir la fille d’Oronius et qui espère s’en servir comme monnaie d’échange. Au grand dépit de Laridon, le Maître a pour l’immédiat d’autres préoccupations que de la libérer, comme celle de construire la machine infernale qui éradiquera les insectes, ou celle de prendre contact avec les Américains auxquels il demande d’intervenir :
« Heureusement, la race américaine a toujours su réaliser des prodiges et multiplier la main-d’œuvre pour supprimer la question de temps. Elle est de celles qui brûlent les étapes et se plaisent à achever en quelques heures ce que d’autres eussent poursuivi, lentement, pendant des années. Le caractère ouvrier n’est point partout le même. En moins d’une semaine, sous l’impulsion d’Oronius, le résultat cherché était obtenu. »
Son arme secrète sera basée sur l’extrême sensibilité des insectes à l’alcool découverte par le meccano. Oronius déclenchera des vents d’une violence extrême gorgés d’effluves alcooliques qui feront sombrer ses ennemis dans un profond sommeil d’une durée suffisante pour que les troupes américaines puissent les mettre hors d’état de nuire. Comme l’opération mise en place paraît trop longue à l’impatient Laridon, il vole l’Alcyon-car et la main d’Antinéa, dans le but de délivrer lui-même sa gentille Turlurette. Celle-ci sera libérée au cours de l’engagement mais l’extraordinaire engin avec toutes ses armes disparaîtra dans la tempête.
« L’Humanité enchaînée » est le quatrième épisode d’une série, qui en compte cinq, « les Mystères de demain », écrite en commun par Féval Fils et H.J. Magog, série de toute rareté dans le champ de la littérature populaire scientifique. Une imagination folle, un feu d’artifice d’invention plus étonnantes les unes que les autres, le rythme soutenu du texte, en font une œuvre unique de l’anticipation ancienne française, qui soutient la comparaison avec tous les pulps d’outre-Atlantique. Les thèmes les plus divers y sont traités. Evoquons dans le désordre la thématique des Grands Sages , celle des Savants fous , de la Cité souterraine, du Pôle habité, des Intraterrestres, de l’Atlantide, des Robots et de la Bionique, et, gardant le meilleur pour la fin, le thème cataclysmique, objet de notre présent répertoire. A quand une réédition grand public de l’ensemble de la série ?
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Le Meteore - Par BenF
A l’observatoire des « Monts maudits », dans les Pyrénées, quatre savants attendent des événements inquiétants. Les astronomes Blackbliss et Simpson, réticents à l’idée de céder à la panique, s’enferment dans leur laboratoire. Le jeune météorologue, Herrick Redern, en conversation avec Sophie Dupont, la passionaria de la Science métapsychique et sa mère spirituelle, se demande combien de temps il reste à l’espèce humaine avant d’être anéantie. Sophie Dupont prévoit en effet que trois « marées électromagnétiques », trois vagues létales pour la sensibilité et l’âme terrestres déferleront d’ici peu sur le globe :
« Dans trois minutes, Redern, la grande caresse somnifère passera sur nous. Pendant deux heures, la marée sera étale. Puis, une autre vague déferlera, puis une autre, et une dernière enfin, éteignant la vie par tranches successives, compliquant la torture physique des civilisations de la plaine par le martyr moral et l’épouvante. »
Envoyées par des Marsiens choqués par l’insensibilité et le matérialisme terriens, elles renverront au néant toute vie animale et humaine. Ses collègues, incrédules face à cette théorie, ne la feront pas changer d’avis :
« Voyez-vous, Herrick, si ces énergumènes m’avaient écoutée, nous eussions eu, ici, un train de cerfs-volants, muni d’un chapelet de nacelles contenant, chacune, un animal quelconque et un altimètre enregistreur, pour sonder les zones successives et mesurer l’épaisseur du fuseau des ondes meurtrières qui, d’heure en heure, enveloppent la terre de leurs tourbillons concentriques. »
Elle sait que les Marsiens provoqueront leur mort, en leur envoyant une paralysie physique et mentale, un vieillissement précoce de toutes les facultés, une corruption fulgurante de l’esprit :
« Devant l’incuriosité des terriens, ceux d’en-haut ont jugé que nous étions en parfaite décadence. Ils en ont conclu à un gaspillage, par nous, des forces universelles qui se concentrent dans les êtres pour l’action. En somme, ils ont décrétés l’originaire meurtre des vieillards. »
Ayant cru au malheur, elle seule sera en mesure d’y faire face grâce à un médicament de sa composition qu’elle injectera d’abord à Herrick, puis à elle-même. Lorsque le météorologue est atteint de plein fouet ,
« On eut juré que ce n’était plus le même être. Son dos se voûtait. Sous le poids du corps, ses jarrets faisaient une grimace géométrique. Mais ce qu’il y avait de plus impressionnant, c’était le ravage progressif de sa physionomie. Les muscles de ses joues étaient distendus. Sa lèvre inférieure(…) retombait, flasque comme la lippe d’un cheval fourbu. »
En se débattant, Herrick casse la seringue condamnant Sophie à mort. Il ne pourra plus rien pour elle au moment où la deuxième vague magnétique , à son apogée, enveloppe la terre, produisant une chaleur effrayante et une profusion de taches sur le soleil :
« Il s’agenouilla près du corps de Sophie Dupont qu’on eut déjà dit momifié. Il joignit les mains exsangues pour la prière éternelle. Il se pencha sur la sybille endormie, la baisa au front. Et il se redressa, s’inclina encore, en saluant, la main à la visière, comme lorsque l’on envoie par le fond, enveloppé dans un drapeau, le corps du marin péri en mer. »
Ouvrant la porte du laboratoire pour faire part de la triste nouvelle à ses collègues, il s’aperçoit que Simpson et Blackbliss, pris de folie, se sont entretués. Alors, comme possédé, il forge une nouvelle seringue, la remplissant du produit salvateur, s’étant rappelé que sa fiancée, Maria Pia, devait venir à sa rencontre à travers la montagne, avec un couple d’amis, Gonzalo et Juanita. Il bondit vers eux et, les trouvant inanimés, les rend à la vie :
« La bouche s’ouvrit, découvrant les dents petites et d’un pur émail. Et il y eut dans le soulèvement rythmique du buste, dans les mouvements des membres sveltes, une telle puissance de volupté que Herrick Redern se releva, épouvanté, comme s’il se méfiait de lui-même et que, dans ce monde renaissant, l’envahissait le désir impulsif qui dut cravacher le sens des primitifs à chaque fois que triompha l’espèce des cataclysmes qui modelèrent violemment, à travers les millénaires, la physionomie multiple de la terre.»
Il se dit qu’étant seuls survivants sur une terre vide, ils seraient de nouveaux Adam et Eve… et il se réveille ! Pris de boisson la veille, il s’était endormi et avait fait ce rêve effrayant. Mais lorsque Blackbliss, goguenard, vint lui raconter les nouvelles politiques du jour, Herrick pensera que la réalité est bien pire que le rêve et songera à se rendormir :
« Ecoutez donc !… La France a conquis l’Allemagne , sans coup férir, et les Allemands s’entrecogent à-qui-mieux-mieux, un vrai charnier, mon cher, parce que ces bougres-là ne peuvent pas admettre qu’il n’y ait pas de la bidoche en charpie partout où campent des soldats !… En Italie, fascistes et communistes se sont administrés, à Milan, une de ces peignées !…(…) La Lithuanie a envahi la Pologne !… Les Lapons déferlent en Russie ! (…) L’Angleterre est occupée par l’Irlande ! »
Une nouvelle dont la théorie de base, proche de celle des «spiritualistes », rend responsable de la décrépitude et de la mort la relation anthropocentrique que le psychisme humain entretient avec l’univers. L’anglomanie dominante rend irritante une lecture d’un texte gâché par son épilogue : tout ceci n’était qu’un rêve ! Un beau rêve pourtant qui débarrasserait la terre de tous les cacochymes haineux se faisant la guerre sur le dos de jeunes lesquels pourraient prendre à leur compte le titre d’un ouvrage de Champsaur : «Tuer les vieux, jouir ! »
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Tisserand, avocat célèbre du tout Paris s’apprête à quitter son bureau pour déjeuner avec son ami Maître Martineau pendant que sa secrétaire mademoiselle Fanny Lebeau tapait une dernière lettre. Sur le boulevard, de légers flocons blancs se déposent sur ses vêtements. Ce sont des graines, emportées par le vent et qui finissent par recouvrir totalement les rues de la capitale. Tisserand, intrigué, poursuit son chemin tandis que des lianes, en tapis verts et serrés, croissent à vitesse accélérée. Sa marche devient pénible et, pris de peur, il assiste à une scène incroyable :
" Traverser la place en tenant les enfants par la main, il n’y fallait pas songer, car les lianes montaient à mi-jambes des grandes personnes. Une dame même qui avait cherché à s’enfuir elle aussi, avait glissé, était tombée et les herbes terribles s’étaient refermées sur elle, la faisant entièrement disparaître. "
Rencontrant Martineau en cours de route, ils rebroussent chemin. Les deux hommes se réfugient au bureau de l’avocat pendant que la végétation, de plus en plus dense, envahit les maisons, étouffant ses occupants sous une chape verte. Avec la secrétaire, ils se blottissent d’abord au grenier puis, au fur et à mesure de l’avance des lianes, épaisses maintenant comme des baobabs, ils se rendent à la cave. Là, ils découvrent des racines asséchées et y mettent le feu :
" Des caves, le feu gagna rapidement la rue, et, en quelques heures, la végétation qui avait envahi Paris se trouva complètement anéantie. Les morts se comptaient par milliers. La plupart des immeubles ne formaient plus que des amas de ruines. "
L’alerte fut chaude, aussi subite qu’inexpliquée. Des milliers d’êtres humains avaient péri sans que l’on n’ait jamais su pourquoi. Mais pour Tisserand ce fut un moment de gloire puisqu’il découvrit l’amour en la personne de Fanny.
Une petite nouvelle sans prétention et sans épaisseur psychologique. Bien qu’inédite et oubliée à juste titre, elle est à verser à notre dossier.
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Paris Se Saborde - Par BenF
« Paris se saborde » ou la chanson cataclysmique dans sa quintessence. A savoir, des « microbes purulents » qui se tordent « devant les ruines de la place de la Concorde », des « mantes religieuses géantes en rut» qui envahissent la place de l’Arc de Triomphe, un vent qui souffle sur les pierres pendant que des « créatures visqueuses » sortent des "eaux pourries de la Seine", enfin un silence de mort qui fige une capitale pétrifiée pour l’éternité :
« Détritus de pierres blanchis par le silence
Avenues d’acier rouillées par l’absence
Mélange d’asphyxie, ordures de la peur
Sous les cendres, j’ai vu dormir une fleur.»
La chanson, fortement référencée, énumère les motifs canoniques du thème cataclysmique. La voix sourde du chanteur, une cadence mélodique répétitive, participent de l’envoûtement.
Une réussite incontestable qui n’a pas eu le succès mérité, et, par conséquent, un disque strictement introuvable.
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Les Buveurs D'ocean - Par BenF
Le docteur Kasuga, dangereux petit nippon aux yeux bridés, poursuit la jeune Suzanne de Glandèves de ses assiduités, au grand dam de sa famille, et surtout de son fiancé Jim Sandy, qui l’éconduit sans façons. Kasuga promet une vengeance impitoyable. Le futur beau-père de Jim, américain de nationalité, est outré par une telle prétention mais effondré lorsque le Congrès américain oblige tous les membres de sa famille à s’embarquer pour le Japon où sous le titre «d’ambassadeurs» ils serviront d’otage «légaux», mis en cette situation en fonction de l’intérêt supérieur des Etats-Unis. Car le docteur Kasuga, qui n’est pas resté inactif, a proposé une alliance commerciale au gouvernement américain suffisamment attractive pour que ce dernier réponde à tous ses caprices.
Au Japon, près de l’île de Seijo, Jim est enlevé au cours d’une séance de magie, et toute l’énergie de son serviteur Guilledou ne suffira pas à le tirer des griffes de Kasuga. Il se réveille au fond d’un gouffre où des centaines de milliers de travailleurs de race jaune (Chinois, Mongols, etc.) s’exténuent et meurent en creusant des puits de plus en plus profonds sous la direction de Mister Big, un inquiétant savant américain :
«De mois en mois, des troupes, des armées d’émigrants, racolés ou enlevés par la police japonaise, disparaissaient des villes et des villages pour ne plus jamais réapparaître. C’était par milliers que ces Chinois avaient été entraînés vers de mystérieuses destinations par leurs dominateurs ».
Embauché par Kasuga, enfermé sur son lieu de travail, Mister Big a mis en œuvre le projet le plus insensé qui puisse se concevoir : vider l’océan Pacifique de son eau qui sera vaporisée par les masses brûlantes du manteau sous-jacent, puis rejetée par les volcans :
«Apprenez-donc quel but poursuivent ces hommes, que vous voyez creuser, dans le roc de cette voûte, de gigantesques fourneaux de mine. Remarquez, auparavant, que cette formidable entaille, cette calotte de près d’un kilomètre carré, coïncide avec ce gouffre qui, vraisemblablement atteint le centre de la terre.(…)
Jean fixa sur son interlocuteur des yeux hallucinés d’épouvante. L’étrange guide sourit. -Eh bien ! dit-il froidement, ils sont en train de préparer la brèche par laquelle le Pacifique se videra dans les entrailles de la terre. Ils veulent mettre l’océan à sec. »
Le but étant d’annexer le fond de l’océan ainsi mis au jour comme un nouveau continent à se partager entre Américains et Japonais. Mais Mister Big connaît un secret que même Kasuga ignore : un tel projet risque de faire exploser la terre entière avec les pressions mises en jeu, ce qui réjouit ce vieux nihiliste. Jim, destiné à mourir, est rejoint par Guilledou, enlevé à son tour. Les deux hommes sont dans l’expectative lorsque l’un des plafonds percés laisse s’échapper une gigantesque cataracte d’eau : l’opération «buveur d’océan » vient de débuter !
De leur côté, les membres de la famille de Suzanne ont échappé à leurs geôliers, aidés par Sada, la petite bonne japonaise amoureuse de Guilledou. Ils s’embarquent en vitesse pour fuir le Japon quand, au large de l’île, ils constatent avec surprise la mise au sec de l’océan. Les eaux disparaissent révélant un fond encore vaseux où se dépose leur bateau :
«Quand l’aube reparut, ils s’aperçurent qu’ils n’avaient plus devant les yeux qu’une mince nappe d’eau glissant sur le flanc d’une montagne de vase, surgie du fond de l’abîme. Puis, soudain, les eaux cessèrent de couler et la gigantesque montagne, devenant une chaîne uniforme, de très faible pente et s’étendant à perte de vue, érigea définitivement au-dessous de l’océan sa crête asséchée. »
Perdus dans l’immensité ils aperçoivent avec angoisse l’avion du docteur Kasuga qui les traque. Profitant du désarroi de Suzanne, Kasuga, qui a rejoint les fugitifs, enlève la jeune fille pour la mettre en sûreté sur un navire américain proche, toujours lié par le pacte signé avec le diabolique nippon. Mister Big, Jim et Guilledou échappent à leur tour au piège infernal en se creusant un chemin vers le haut à coups de dynamite. Ayant fini par rejoindre les membres de leur famille à bord du bateau enlisé, ils constatent la disparition de Suzanne et prendront place dans la jeep que les Américains leur envoient. Croyant à un heureux hasard, ils ne se rendent pas compte que c’est Kasuga, qui, pour mieux jouir de son triomphe, les a fait mettre sous bonne garde par le commandant américain. Proche de la victoire complète, le Japonais sera privé de tout dans un de ces renversements de situation propres à la littérature populaire. Il contemplera, effondré, la disparition de son pays dans les flammes, principale victime de sa folie :
«Le quinzième jour de ce fantastique voyage, une bande sanglante empourpra l’horizon lointain. Puis ce furent des lueurs d’incendie, d’énormes flammes rouges, qui dardaient vers le ciel leurs langues de feu ; des tourbillons de fumées noires, grises et rousses amoncelaient des bataillons de nuages, que trouaient à chaque instant des masses sombres, projetées en l’air par d’invisibles mortiers. D’incessantes et formidables détonations achevaient de donner l’impression qu’on approchait d’un camp de carnage et de désolation. Mais le font de ce gigantesque combat embrasait des lieues et des lieues ; l’œil n’en apercevait pas la fin, pas plus en largeur qu’en profondeur. »
Confondu par Mister Big, Kasuga sera finalement englouti dans les feux volcaniques, laissant Suzanne à Jim. Enfin tout finira pour le mieux, surtout pour les Etats-Unis qui annexeront le fond du Pacifique à leur territoire déjà immense.
Le roman, qui repose sur le même soubassement que « le Formidable événement » (voir ce titre), mélange adroitement courses-poursuite, personnages caricaturaux, sentiments excessifs et coups de théâtre. L’invraisemblable hypothèse de base sert à mettre en relief la vaillance économique des USA opposée à la traîtrise des Japonais. Un récit sans temps morts ni fioritures qui se lit avec agrément une fois la convention romanesque acceptée par le lecteur.
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La Terreur Fauve - Par BenF
Une délégation de Balabares est attendue à Paris. Ces sauvages d’Afrique, plus proches de l’animal que de l’humain, ayant à leur tête Ban-Bahour le généralissime, sont accueillis avec curiosité car ils sont censés exercer une grande domination sur les animaux qui les accompagnent. C’est dans ce contexte que Chabanes, un ancien journaliste et aventurier, présente au richissime Desjardies qui a de l’influence en haut lieu, le Père Paul Vierge. Ancien missionnaire, il connaît les Balabares et s’en méfie. Souhaitant adresser une mise en garde aux autorités, l’ecclésiastique prétend que les Balabares représentent une menace terrible pour l’Occident. Lucile, la fille de Desjardies, fiancée à De Lixhe, est rattrapée par le charme exotique des Balabares qui séduisent aussi les Parisiens et qui mènent grand tapage dans les lieux à la mode :
" Au fond, rien n’avait changé. Seuls quelques hommes attentifs s’apercevaient de la déplorable influence que ces étrangers exerçaient sur les mœurs. C’était une corruption certaine, lente et continue. Les journaux, les théâtres, les cinémas descendaient aux pires platitudes pour plaire à ces clients monstrueux. Un vilain goût de grossièreté envahissait les esprits. de jour en jour, la langue parlée et écrite se dégradait en un obscur et détestable jargon.(…) Les Balabares étaient maîtres de la ville. Le peuple indifférent subissait sans révolte leur odieux contact. Paris n’était plus qu’un champ de foire. Partout, sur les avenues, les places, les boulevards s’élevaient des baraques, des toboggans, des scenic-railways et des cirques. la foule se ruait aux spectacles que donnaient les dompteurs Balabares."
Lucile succombe aux avances de Kali-Dhane le commandant en chef de la place, à sa philosophie de la nature et suscite la terrible jalousie de De Lixhe. Lorsque se constitue la "Parti de la Proclamation des Droits de la Bête ", Lucile s’enfuit avec Kali-Dhane. Chabane, le Père Paul Vierge et De Lixhe se préparent à combattre les Balabares. Ils constatent une insécurité croissante dans les rues de Paris, liée à l’augmentation de la gent animale, de plus en plus féroce et primitive. :
" J’ai aperçu moi-même un requin nageant entre deux eaux à hauteur du Pont-Neuf. Il y a une semaine, un crocodile est sorti du bassin des Tuileries et a mis en fuite toutes les bonnes d’enfant. A la suite des Balabares, les bêtes de la brousse ont envahi Paris. "
De Lixhe défie Kali-Dhane en duel. Le Balabare se sert d’une guêpe pour gêner son adversaire et le transperce de son épée. De Lixhe mettra longtemps à s’en remettre puis, cherchant à nouveau querelle au ravisseur de Lucile, il se fait dévorer, semble-t-il, par des loups. La puissance des Balabares augmente. Lucile, qui se rend enfin compte du danger qu’elle court, s’enfuit pour échapper à l’influence néfaste du Balabare. Elle rejoint le Père Vierge, Chabanes et, en compagnie de Denise, sa domestique, qui se mettent en sûreté sur la butte Montmartre pendant que la ville est entièrement livrée aux exactions des animaux féroces. Finalement, les Balabares opèrent un coup d’état : le gouvernement officiel de la France est renversé, les Droits de la Bête sont proclamés, et l’avilissement des Parisiens est de plus en plus perceptible :
" A mesure que la soirée avançait, les nouvelles arrivaient désastreuses. Elles étaient apportées par ceux qui avaient pu traverser l’émeute. Paris était au pouvoir des Balabares. En moins d’une heure, ils avaient désorganisé toutes les forces dont le gouvernement disposait. Leurs armes ? les bêtes ! Elles étaient sorties par milliers des égouts et des antres où elles se tenaient cachées. Sans compter les fauves, on avait vu des serpents, des rongeurs, d’énormes crapauds, des nuages d’insectes (…)
En très peu de temps, l’aspect de Paris était devenu invraisemblable. La boue, les immondices qu’on n’enlevaient plus, envahissaient tout. Les égouts vomissaient une répugnante odeur de pourriture et d’épidémie. Plus personne ne travaillait, se soignait, s’habillait, réfléchissait, espérait. Il ne restait qu’un peuple de vauriens, de mendiants et de parasites. (…) Rapidement l’espèce humaine se dégradait et retournait à un état qui ressemblait à l’état primitif comme l’extrême vieillesse ressemble à l’enfance. Au lieu de redevenir jeune, l’homme devenait extrêmement caduc, un singe, mais un singe de la famille paresseuse des lémuriens. "
Dans l’Europe entière se produit la subversion. Partout les êtres humains régressent et les bêtes dangereuses se multiplient :
" En Allemagne, l’invasion balabare produisit des effets encore plus extravagants. Depuis un an, tous les Prussiens couraient à quatre pattes et grognaient comme des cochons; les Bavarois imitaient les daims et les cerfs ; les Saxons portaient des muselières. On affirmait aussi que les Russes changeaient en ours, les Anglais en phoque et les Hollandais en castors. Les Belges se battaient entre eux. L’Italie s’était divisée en cent petits Etats gouvernés par des potentats fastueux et bavards. De l’Amérique, de la Chine et du Japon, on n’avait que des nouvelles très imprécises. "
Les nouveaux maîtres proclament que l’économie sera uniquement végétarienne ou ne sera pas. la nature même semble en accord avec ces lois puisqu’elle envahit les rues de Paris :
" Aux premiers jours de l’année, une nouvelle invasion menaça les ruines de Paris. Maintenant les plantes descendaient vers la ville. Une sève ardente montait au cœur des arbres. Les Tuileries et le Luxembourg devenaient forêts vierges. Partout, entre les pavés, les crevasses des murs, les lames des parquets, dans les caves, les monuments déserts, les maisons inhabitées, poussaient des herbes sauvages, des lierres désordonnés, des tiges folles, des vignes grimpantes, des fougères et des champignons. "
Alors apparaissent les " Cavaliers Blancs " qui porteront des coups décisifs au Balabares. L’opposition est enfin apparue au grand jour, sous la direction de De Lixhe qui, loin d’être mort, a été le premier à reconnaître que les Balabares se servaient de la suggestion hypnotique pour faire croire à la multiplication des animaux dans le monde entier. Au moment où Le Père Vierge est arrêté, torturé et mis en croix, les Cavaliers Blancs débarrassent la ville des Balabares en tuant Ban-Bahour et son âme damnée. Partout s’écroule l’état sauvage mais, plutôt que de renouer avec le système de gouvernement du passé, nos amis participent à la création de la Libre République de Montmartre :
" Je propose plutôt de créer ici, sur la Butte, un petit Paradis Terrestre conscient et organisé. (…) Nous n’avons absolument pas besoin de fabriques, de conserves, de bottines, de complets-veston, de pièces détachées, de corsets et de papiers peints. Nous nous passerons également d’huissiers, de concierges, d’employés d’administration, de l’octroi, de financiers, de directeurs de théâtre et d’agents de change. Au lieu de construire une Rome agressive, construisons une Rome défensive où quelques rares élus seuls pourront entrer. "
Un récit tout en finesse et ironie dont les idées fusent comme des étoiles filantes. Les critique des citoyens abêtis, des mœurs sauvages et de la modernité en font une œuvre réactionnaire mais intelligente, exploitant au mieux le concept cataclysmique.
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