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Livres

  1. Type: livre Thème: menaces cosmiques, menaces telluriques Auteur: Jacques SPITZ Parution: 1935
    Des pluies continuelles tombent sur l’Europe. Surviennent les tremblements de terre, les glissements de terrain, les tempêtes sans que l’on puisse imputer ces désordres météorologiques à une cause quelconque:
    " la situation devenait entièrement anormale. L’opinion publique, sans être précisément alarmée, se montrait nerveuse et inquiète. Les nouvelles les plus invraisemblables circulaient. On disait que le Japon, qui ne donnait plus signe de vie, avait été englouti par les flots; on disait que l’Angleterre, devenue île flottante, était partie à la dérive sur l’Atlantique; on disait encore que la mer allait disparaître. Que ne disait-on pas ? "
    Les tempêtes se déchaînent à un point tel que la Méditerranée n’est plus navigable. D’ailleurs la mer reste barrée par un brouillard gris épais. Il semblerait que le niveau de l’eau ait baissé puisqu’un nouveau tracé de côtes apparaît. D’autre part, l’on est sans nouvelles de l’Amérique alors que les savants  détectent une intensité volcanique majeure de la ceinture bordant le pacifique. Tout laisse supposer des événements telluriques d’une gravité exceptionnelle. Le doute est levé lorsque des secousses d’une ampleur inouïe qui détruisent les grands centres urbains sont ressenties par l’Europe entière:
    " Paris était découronné. La chute de la Tour Eiffel avait été suivie par celle du Sacré-Coeur de Montmartre et du dôme des Invalides. Les tours de Notre-Dame n’avaient pas mieux résisté. Elles dressaient leurs deux tronçons ébréchés derrière lesquels apparaissait curieusement intacte, la petite flèche de l’abside qui, plus fine, avait plié sans céder, comme le roseau de la fable. Les voûtes des églises, en s’effondrant, avaient fait une bouillie des fidèles qui s’étaient, - contrairement à toutes les lois de la prudence humaine, mais conformément au besoin du divin que faisaient naître les circonstances, - rassemblés dans les sanctuaires. Les âmes purent s’envoler librement par les trous béants, ouverts entre les colonnes de pierre. "
    Paris semble donc condamnée et toute la société désorganisée. Puis les éléments se calment. Issus des différents pays touchés (la Russie, l’Allemagne, la France, notamment), les commentaires à propos de l’événement n’apportent aucune lumière complémentaire. L’on constate que la Méditerranée se vide lentement de son eau et l’on est sans nouvelles du Nouveau Monde. Un avion de reconnaissance envoyé vers l’Ouest, revint avec d’effarantes informations: l’Amérique est introuvable, la Terre semble s’être scindée en deux suivant une ligne méridienne. Deux blocs terrestres coexisteraient, l’un constitué par l’Europe, l’Asie, l’Afrique et l’autre par les deux Amériques. Quant à la faille, elle ne serait plus visible puisque recouverte par une mer peu profonde et plane. Les deux moitiés du monde seront difficilement franchies par voie aérienne car il fallait planer en quelque sorte pour que les avions pussent s’arracher à l’attraction de la première moitié (l’Ancien Monde) afin d’aboutir à l’autre (le Nouveau Monde).
    Les contacts entre les deux parties seront rétablis laborieusement et la première des tâches envisagées est de stabiliser les flux d’émigrants de l’une vers l’autre. La distance entre les deux blocs ne dépassant pas 56 kilomètres de large, les transports du fret aérien s’adaptèrent. La mer séparatrice fut baptisée le Grand Canal. Tout déplacement restait périlleux et le nombre de traversées strictement limité à cause d’un vent violent s’engouffrant dans la fissure. Au-dessus des rares bateaux osant s’aventurer sur cette mer nouvelle, profonde de 200 mètres, une mer symétrique remplaçait dorénavant le ciel bleu:
    " Ils purent s’engager dans cette sorte de crevasse dont les deux parois étaient revêtues par la mer maintenue de chaque côté par l’attraction de la moitié du globe qui la portait. Ils observèrent que lorsque le soleil s’engageait vers midi, heure locale, dans la fissure de la terre, de même qu’il s’engage dans la fissure d’une falaise pour l’éclairer jusqu’en son tréfonds, on voyait alors au-dessus de sa tête un ciel étonnamment bleu qui n’était autre que la mer recouvrant la face de la fissure opposée. "
    Quelques îles (plutôt des pics) apparues en même temps que le Grand Canal furent l’objet des convoitises des deux Mondes. C’est ainsi que les Britanniques accaparèrent l’île Georges, au grand déplaisir des Américains.
    Comme les deux hémisphères ne se trouvaient pas en équilibre parfait autour du centre de gravité commun, ils se séparaient lentement l’un de l’autre. La largeur du Grand canal allait s’accentuant de manière géométrique. Les conséquences physiques et humaines de ce nouveau péril furent nombreuses : la gravité diminuait en proportion, l’eau ne bouillait plus à 100°, le feu s’allumait plus spontanément. Et surtout, le franchissement de ce qui représentait maintenant un abîme devenait de plus en plus hasardeux, les avions tombant dans le vide interplanétaire.
    Malgré des communiqués officiels rassurants, ce fut un second choc: tout contact avec le Nouveau Monde (du point de vue de l’Ancien) deviendra bientôt impossible, l’Amérique évoluant comme une planète étrangère au-dessus des têtes… A l’aide de fortes jumelles, les Européens pouvaient détailler les lumières des villes américaines et suivre les activités journalières de leurs habitants.  Le temps passant, et malgré les déclarations mutuelles de fraternité, malgré la position du Vatican qui permit l’instauration d’un second pape en Amérique, toute relation entre les deux mondes cessa définitivement. La distance qui les séparait était maintenant de 1000 kilomètres et augmentait de seconde en seconde. l’Europe se replia sur elle-même, s’occupant de ses affaires, tout en s’étonnant de  l’aspect de la deuxième lune qui croisait dans son ciel:
    " A mesure que l’obscurité se fit, la plage d’argent qui occupait la moitié du ciel ressortit avec plus d’éclat. Elle commença à se dorer légèrement, et bientôt ce fut une lune monstrueuse qui se trouva suspendue sur les têtes. Invraisemblable spectacle qui donnait involontairement le frisson! Qu’était ce monstre, surgi du fond du ciel, et tournant vers la terre comme pour l’engloutir, une gueule éclatante et silencieuse? Hélas! ce monstre n’était autre que la terre enfuie! "
    De jour en jour les conditions physiques empiraient. L’air plus léger, la gravité moindre multipliaient les accidents de toute nature. L’ascension des pics devint bientôt impossible et les cités d’altitude durent être évacuées. La mer, plus facilement houleuse, présentait des tempêtes énormes. Mais le pire était à venir. Les deux moitiés de la terre, en s’éloignant l’une de l’autre, allaient fatalement croiser l’orbite lunaire qu’elles menaçaient de collision: qui, de l’Europe ou de l’Amérique allait périr? En Europe, la collision fut jugée imminente par les savants. Tout le monde se prépara à la mort définitive de la terre. Les autorités mirent en place un Comité de salut Public dont le seul but était d’encenser la grandeur humaine, bientôt réduite à néant. Chaque être humain réagissait devant le danger en fonction de sa nature propre, qui en hédoniste, qui en moralisateur, qui par la religion. Mais la fin du monde n’eut pas lieu, du moins pour l’Ancien Monde: la Lune rata cette moitié de la terre.
    Après des explosions de joie, des congratulations mutuelles, les Européens surent avec certitude que le Nouveau Monde se trouvait désormais sur le trajet lunaire: l’Amérique allait donc périr. Alors, Ils s’installèrent pour assister au spectacle, non sans tristesse:
    " la vieille lune, que la mort semblait avoir rendu plus coriace, pénétra dans la terre comme dans un ventre mou. On vit l’écorce terrestre se déchirer, voler en éclats, la lune s’embraser, et un immense globe de lumière, lançant des jets de matière ignée dans toutes les directions, enveloppa le lieu du cataclysme. Durant un instant, ce fut un vrai soleil qui s’alluma dans la nuit. L’espace en devint bleu pâle; on put croire au retour du jour; et si grande fut l’intensité lumineuse, si brusque le jaillissement, que maints observateurs terrestres qui n’arrachèrent pas assez tôt leurs yeux de la lunette en devinrent aveugles. L’éclair, la boule de foudre, où s’étaient consumées 600 millions de vies humaines, s’éteignit. "
    Un roman-catastrophe étonnant dont l’hypothèse farfelue est cependant soutenue avec rigueur ce qui fait que, insensiblement, le lecteur se prend au jeu. Encore une fois, l’angoisse de la Seconde guerre mondiale se traduit par une catastrophe d’ordre cosmique permettant à l’auteur des coups de griffes à l’encontre des régimes politiques du moment.  Récit bien documenté, " l’Agonie du Globe " reste parfaitement lisible aujourd’hui et demeure un témoin important de la vitalité française du genre durant l’entre-deux guerres.

  2. Type: livre Thème: menaces idéologiques Auteur: Albert BESSIERES Parution: 1929
    Curieux récit que "l’Agonie de Cosmopolis". Il s’agit bien de la fin d’un monde, mais d’un monde à part, celui de l’entre-deux guerres et de la Démocratie chrétienne avec la prise de pouvoir en France par un gouvernement communiste. Cosmopolis, c’est Marseille et l’Etang de Berre, région totalement industrialisée dans un futur hypothétique proche. Le lecteur y fait la connaissance d’affameurs ploutocrates, Godseels et Bassano, des fourreurs multimillionnaires. Sans scrupules et sans respect pour la vie humaine, ils exploitent les ouvriers harassés et malades:
    «Je m’affirme partisan du plus fort, là où je ne puis l’être moi-même... La dernière faute, la plus récente fut de permettre au monde ouvrier de s’organiser. Le mal une fois fait, nous avons essayé de museler l’ogre, en ne tolérant que les groupements qui se moquaient de l’ordre social. Ne pouvant vaincre de force, nous avons manoeuvré, cassant les reins aux faibles , aux syndicats des curés et des pasteurs protestants... opportunisme louable , mais dangereux. Nous comptions sans les mâchoires de l’ogre fortifiées par nous. Le voici qui rompt sa muselière ; le grabuge commence, gare à la casse, Godseels... la peau humaine est fragile..."
    Heureusement, Lucile, la femme de Godseels, et sa fille Ida, sont différentes. En véritables "anges de la miséricorde", elles s’emploient à soigner les victimes aux visages rongés par le cancer dû au travail prolongé près des cuves d’acide :
    «Ils pénétrèrent dans le taudis... Sur un sol boueux de terre battue, un grabat où une forme cadavérique râlait, expectorant ses poumons. Un gamin de six ans à moitié nu, allait du grabat à un berceau où se lamentaient deux enfants, distribuant les tisanes préparées, le matin, par le père.» « (...)
    Au lit voisin, c’est une jeune arabe emmaillotée de toile , de la tête aux pieds, voilée, invisible. La bête lui a dévoré les seins, puis le visage. A travers le suaire, un sifflement douloureux monte, descend comme le vent méchant d’une houle.... un peu plus loin, une vieille italienne pleure à sanglots convulsifs; elle n’a plus de jambes et le monstre tenace lui ronge le bassin... Elle joint, tord ses mains nouées, rabotées par les acides où, depuis des années, elle plongeait peaux de lapins, de taupes , de zibelines et de chats sauvages , dans les ateliers homicides de Godseels.»
    Elles sont  rejointes dans leur vocation par Christian, le médecin des pauvres , que la jeune Ida aimerait bien aimer si cela ne la détournait pas de sa bonne inclination. A côté de ces héros, taillés à l’emporte-pièce, et de quelques "bons ouvriers", tout dégoulinant de bons sentiments, se dressent les "bandits", tous pervertis par les idées sinistres et anti-cléricales d’Anatole France. Il s’agit d’une part des capitaines d’industrie dont l’argent est le seul dieu , anti-chrétiens, cela va de soi, et de l’autre des "métèques", les Noirs, les Chinois et les Arabes, représentant des forces du mal, communistes et anarchistes.
    Si-Hassen, l’Arabe, qui a fait ses études en France, devient le chef incontesté des révolutionnaires. En compagnie du Juif Michely et du Grec Wolf, il fomente la révolte qui  aboutira à la chute de Cosmopolis. Il tue, assoiffé de haine, en compagnie de Doucèn, la jeune maîtresse arabe qu’il a arrachée à Godseels, tous ceux qui tombent sous sa main, en une mise en scène théâtrale et abominable :
    «Soudain , les hauts-parleurs installés à tous les carrefours, reliés à l’acropole de Notre-Dame de Miséricorde , où Si-Hassen , chef du Conseil du peuple et de la tchéka , tient son quartier général, assisté de Doucèn, apportent le communiqué quotidien: "Aujourd’hui, à dix-huit heures, exécution , sur la colline, de cent cinquante contre-révolutionnaires.  Le service d’ordre sera assuré par deux cents Annamites , deux cents Sénégalais de la première centurie rouge et la deuxième escadrille rouge , commandée par Tchang-Kai-Chek. La liste des condamnés sera affichée, une heure avant l’exécution, au quartier général... On filmera l’exécution.»
    Mais il se trompe de cible. Au lieu de s’en prendre aux vrais capitalistes et autres "vipères lubriques", il assassine les prêtres, les gentils ouvriers, les bons ingénieurs, les vrais chrétiens qui acquièrent de ce fait le statut de martyrs.  Après avoir mis Cosmopolis à feu et à sang en compagnie du chinois I-Chang, Si-Hassen sera à son tour puni de ses idées impies et immolé sur l’autel de la révolution anarchiste. Quant à Wolf et Michely, ils périront brûlés vifs dans l’incendie qui ravage la cité de Marseille, véritable Nuit de Walpurgis, entraîné par leur soif inextinguible d’argent :
    «Des millions de tonnes d’essence, de pétrole, roulent vers l’Etang de Bolmon, l’Etang de Berre, vers Marseille par le canal du Rove, vers Port-de-Bouc, et la pleine mer par le défilé de Caronte. L’immense nappe de feu avance, dans des tourbillons de fumée noire et rouge, submergeant tout .  La précieuse conque, où dort la mer intérieure, n’est plus qu’un cratère hurlant, plein de flammes jusqu’aux bords.
    Les vaisseaux ancrés dans les ports, les flottilles de pêche flambent, éclatent, mêlent leurs détonations à celles des usines, docks et poudrières gorgés de matière inflammables et d’explosifs. Une pluie de pierres, de cendres, de liquides corrosifs tombe du ciel, mêlée à des blocs de cuivre, d’acier, de fonte, arrachée aux vaisseaux et aux réservoirs dynamités".
    Apuré par cette fin du monde communiste, le christianisme triomphera: «(Le prêtre) songe à Lucien Belin, à ce groupe de jeunes ouvriers catholiques, qui seront là , demain ; qui réchaufferont sa vieillesse prématurée à la flamme de leurs jeunes enthousiasmes... Le froment de mille vies , ils le portent dans leur coeur. Un goéland monte de l’Etang de Berre, le frôle de son aile ... Et il sent, en son âme, une grande aile palpiter, l’emporter , lui aussi, vers les cités renaissantes de l’Etang; une large joie vivante monte dans son coeur rajeuni , renouvelée tous les matins : l’invincible optimisme, l’indestructible espérance qui, depuis vingt siècles , à travers toutes les calamités , toutes les agonies , garde l’Eglise toujours jeune. "
    L’Agonie de Cosmopolis est un ouvrage apologétique, un brûlot contre les athées et incroyants de toute sorte installés dans les idées anti-cléricales d’Anatole France (L’auteur lui en veut beaucoup!) Il dresse dos à dos communistes et métèques, le parti de l’étranger qui sape les fondations de la France, fille aînée de l’Eglise. En un style d’une grande férocité, en un délire paroxystique, l’auteur charrie toutes les idées haineuses, racistes et xénophobes qui traînent dans la mentalité de l’époque. Continuateur de Lamennais et du christianisme social, Bessières lutte pour l’instauration d’une société ouvrière menée paternellement par des chrétiens riches et éclairés. Un roman singulier qui détonne par sa virulence dans l’ensemble des oeuvres-catastrophe de l’entre-deux guerres.

  3. Type: livre Thème: menaces telluriques, la nouvelle glaciation Auteur: Fernand HENDRICK (aucune référence) Parution: 1934
    Deux intérêts narratifs se partagent le récit. Le premier concerne l’amour qu’Henri Dartan, astronome âgé, éprouve envers sa filleule Adrienne qui veut épouser Jean Dantinne, un jeune homme plein de fougue et héros de l’histoire. Cette intrigue recoupe la deuxième, qui est l’évocation de la catastrophe frappant la terre et la description sociologique de ses conséquences. Pour une cause inconnue, la rotation de la terre diminue régulièrement , le freinage va en augmentant jusqu’à l’arrêt. La Terre présenterait alors constamment la même face tournée vers le soleil et l’autre plongée éternellement dans une obscurité profonde:
    " La lune comme vous le savez nous montre toujours la même face: fixité relative. Mais ce qui donne le plus de poids à ma conviction, c’est l’exemple des planètes intérieures Mercure et Vénus. Schiaparelli a démontré que ces deux astres, dans leur mouvement de translation, présentaient inlassablement la même face au soleil. Il est permis de supposer que cette fixité relative a succédé à un mouvement de rotation pareil à celui de la terre et des planètes supérieures. Et alors, en bonne logique, il y a lieu de penser que la cause mystérieuse qui va enrayer la giration terrestre, après avoir fixé Mercure et Vénus, agira successivement sur les autres planètes dans leur ordre distinct d’éloignement du soleil. Reste à déterminer quelle est cette cause. Jusqu’à présent je dois avouer qu’aucun indice ne nous permet de l’entrevoir. "
    Le grand problème est de prévoir quel hémisphère sera plongé dans les ténèbres et lequel sera tourné vers le soleil. Que deviendront les masses humaines stagnant dans l’obscurité et le froid? Finalement seules les deux Amériques resteront face au soleil, ce qui est normal pour l’auteur puisque l’Amérique est  "la lumière illuminant le monde ". Très vite, les campagnes deviennent inhabitables et vers tous les ports européens converge un monstrueux flot humain. Des chutes de neige se produisent sans arrêt, le gel  s’étale en couches épaisses dans les villes. Dartan, qui se sacrifie en restant en France, se promène dans un Paris moribond:
    " En traversant la place de la Concorde toute blanche sous la lumière crue des projecteurs, une impression soudaine d’indicible détresse m’a saisi à la gorge. Je me trouvais seul au milieu d’un désert glacé. Nulle vie, nul mouvement. Une bise aigre soufflait. Au-dessus de mon gros paletot d’hiver, j’avais endossé ma pelisse de loutre et je marchais d’un pas rapide, frappant le sol de mes bottes fourrées. Néanmoins, j’étais gelé, transi. Sous ces stalactites de glaçons, irisées par la lueur des lampes, le Carrousel semblait le portique irréel d’une fantasmagorique cité. Comme fond de tableau, la masse sombre du Louvre, gigantesque monstre accroupi dans l’ombre, me barrait la route."
    En attendant, les Américains débattent de l’opportunité d’accueillir des survivants. Ils ont beau être libéraux, les faits sont là:  tout le monde ne pourra trouver place au paradis. Quels vont être les critères de sélection? L’on tirera au sort les heureux élus en excluant les désaxés, les fous, les hommes au-dessus de dix-huit ans, les impotents et les autres (s’il en reste!). Les races américaines étant des races "saines", il est normal, comme le dit un Sénateur, que les Noirs soient exclus de la terre promise:
    " la race noire est restée , même en Amérique, une race mineure. Que dire alors des nègres d’Afrique, que soixante-dix années de contact avec les Blancs n’ont su tirer d’une demi - sauvagerie, que le christianisme même n’a pu élever bien haut sur l’échelle des valeurs morales et sociales. "(…) " C’est la préservation de la race blanche, la conservation des caractères ethniques de cette race qui fait la grandeur du genre humain ". Et, selon ce même Sénateur: "Allez-vous permettre l’altération des formes physiques, l’adultération du sang et enfin le ternissement de cette blancheur chaude et nacrée qui fait la beauté de nos femmes, le charme de nos enfants, l’orgueil de nos races? "
    Quant à la dernière catégorie d’exclus: " Numériquement, elle est de loin la plus faible. Du point de vue social, elle est la plus dangereuse. Je veux parler de ces semeurs de troubles, de ces fauteurs de désordre, de ces agitateurs, de ces fanatiques dont l’Europe et l’Asie n’ont que trop souffert: séparatistes, bolchévistes, anarchistes, extrémistes de droite et de gauche, illuminés et faux-prophètes de toute espèce et de tous acabits "
    Leur introduction en Amérique provoquerait la "démoralisation des classes inférieures, la rébellion contre l’autorité, la ruine de l’ordre social et de la civilisation ".  De la même manière, l’auteur vitupère " l’art décadent ", la mode féminine et le comportement laxiste des jeunes.
    " L’Agonie dans les ténèbres ", par son outrance rhétorique est caractéristique d’un courant idéologique ultra-nationaliste, empruntant la voie romanesque, plus particulièrement le genre utopique, pour évoquer l’émergence d’un ordre nouveau prêt à balayer la décadence. Une telle attitude n’est pas isolée. Les fantasmes d’ordre se retrouvent aussi ailleurs, comme par exemple dans " le Duc Rollon " de Léon de Tinseau. La fin du monde est prétexte à un renouvellement social selon les vœux de leurs auteurs.

  4. Type: livre Thème: guerre future 2 Auteur: Eugène DEMOLDER Parution: 1901
    « Comment finit Albion ? Mais un jour Alphonse Allais qui folâtrait en Normandie, y lança une ficelle, attachée à la balle de sa carabine. La balle tomba dans le comté d’York. Alors Allais tira. Il annexa l’Angleterre à la Normandie. Heureux, il donna un morceau à la Belgique, pour y installer les journaux boerophiles. Il céda aussi une partie à la Hollande, à cause de la belle conduite de la petite reine. Mais les Hollandais pissèrent sur le fragment d’Albion pour lui faire reprendre le large. »
    Eugène Demolder se livre à une charge féroce contre l’Angleterre sous la forme d’un brûlot ayant les apparences d’Alice au pays des merveilles. Le docteur Haringus, hollandais de souche, explique en deux temps trois mouvements pourquoi l’Angleterre est détestable et l'ennemie du genre humain. Selon un rêve fait par le docteur Haringus lui-même, rêve qu’il note et complète dans un manuscrit de sa propre main, les Anglais seront foulés au pied. D’abord physiquement, car leur apparence est immonde et effroyable, celle des hommes comme celle des femmes :
    « Les Anglais ont inventé l’habit rigide, étroit, affirme-t-il, ils ont mis à la mode le vêtement protestant. Dans ces étuis, ils ont la dignité insolente, la réserve vaniteuse, la morgue imbécile. Et dire que jusqu’en France on a imité ces façons de parapluie serrés dans leurs fourreaux et ces manières qui vous engoncent dans les faux-cols comme en des viroles ! C’est ridicule ! Mais ces bougres ont mis une baguette en fer au cul des gens, et comme ils ont des dents carrées qu’ils n’osent montrer, ils ont banni le sourire ! »
    (…)
    « Voici ce que Taine, homme juste et modéré a écrit (j’ai appris ces phrases par cœur !) : Beaucoup sont de simples «babies », poupées de cire neuve, avec des yeux de verre, et qui semblent parfaitement vides de toute idée. D’autres figures ont rougi et tournent au bifteck cru ; il y a un fond de bêtise ou de brutalité dans ces chairs inertes, trop blanches ou trop rouges. Quelques-unes vont à l’extrême de la laideur et du grotesque, pattes de hérons, cous de cigognes et toujours la grande devanture de dents blanches, la mâchoire saillante du carnivore. »
    Leur caractère bas, fuyant, lâche, cauteleux, exacerbe la haine des autres peuples contre eux :
    «Devant le Grand-Hôtel surgit un incident. Un grand négociant de Bordeaux se trouvait au balcon. Il reconnut la Cour de Londres et se rappela que lors du voyage du président Krüger un Anglais avait jeté des sous à la foule. Assoiffé de vengeance, il fouilla dans sa poche, prit une poignée de pièces blanches, les lança aux landaus. Aussitôt les ministres et les généraux se précipitèrent sur l’aumône qu’on leur octroyait. Le négociant les vit ramasser jusqu’au dernier sou dans la boue de la chaussée. Cette besogne faite, ils levèrent la tête pour voir si la pluie bénie n’allait pas retomber : le Bordelais fermait la fenêtre ».
    Le ressort fondamental du pamphlet est concentré dans la lutte de conquête que poursuit l’Angleterre au Transvaal, contre les Boers. Dans son rêve, Haringus imagine les Boers  vainqueurs, étrillant les Britanniques et, plus loin, toujours sous l’apparence du symbole, la « visite » d’une soixantaine de Boers en Angleterre, accueillis par John Bull lui-même :
    « Quand les soixante Boers débarquèrent en Angleterre, John Bull vint les recevoir. Il était, comme d’habitude, vêtu d’une redingote qui serrait son gros ventre de buveur d’ale ; son nez rouge, éclairé par le gin comme une lanterne de «vélo» par l’acétylène, illuminait sa face carrée. Ses lèvres étaient lippues, ses dents féroces, des dents de requin,  son nez écrasé ainsi que par le poing d’un boxeur. Il portait un fusil en bandoulière, des bottes de gentleman farmer, et un peu de sang sur sa culotte en peau de daim. »
    Ils y font la connaissance du marasme culturel des insulaires, de l‘attitude inqualifiable adoptée par les politiciens même envers leurs propres concitoyens, enfin leur effroyable mauvais goût, surtout dans le cadre de « l’art culinaire » :
    «Des rôtis ! des bouillis ! Des légumes sans assaisonnements, comme pour les perroquets ! Sur tout ça ils vident des bouteilles d’épices, qu’on dirait préparées par les Borgia ; elles contiennent des emporte-gueule et l’on ne serait pas étonné de lire sur ces fioles : « Pour usage externe ! » Pouah ! Leurs gâteaux sont durs comme des vieux châteaux-forts ! Le pudding est à la graisse de boeuf ! Les vieilles filles l’inondent de rhum ! ».
    La médiocrité des généraux anglais, leur impuissance à combattre, à élaborer des plans de campagne et à vaincre les braves Transvaaliens, est en harmonie avec les maladies qu’ils traînent derrière eux. Comme des animaux vaniteux, ils s’élèvent les uns contre les autres :
    «Mais le Dindon s’empourprait de rage : son fanon s’allongeait blanchâtre et rouge sur son bec : les plumes de sa roue comme un ressort se levèrent sur son siège :
    -Quand vous étiez à Prétoria, lança-t-il au Renard, vos patrouilles dépouillées par les Boers, revenaient chaque jour à leur camp, nues et sans feuille de vigne !
    -Est-ce ma faute ! s’écria la renard dont la queue rousse de dressait de colère derrière son dos. Vous avez abruti ces hommes avant mon arrivée. Vous ne savez, Monsieur, distinguer l’arbre de la locomotive et avez fait décimer vos troupes par vos propres canons !
    La Hyène se tenait les côtes de rire. »
    Leur rapacité sans pareille est au niveau de leur dignité :
    « Plus loin se profila un être bizarre, long, maigre, raide, vêtu d’une robe qui paraissait d’un autre régime et coiffé d’une perruque rousse. On n’eût pu dire son sexe ; d’ailleurs aucun Boer n’eut envie de lever les jupes qui étaient pleines de boue, comme si l’apparition avait été trempée dans une mare aux canards.
    -Quel est cet animal ? demanda le field-cornet.
    John Bull se redressa fièrement :
    -Cet animal ?, dit-il
    -Oui, affirma le Boer
    -C’est la dignité anglaise, dit Bull.
    Les Boers pouffèrent de rire. L’un d’eux allongea sa botte au derrière crotté par les canards. »
    Même alliés aux pires des maux que peut drainer une situation malsaine, ils ne résistent pas longtemps devant l’audacieuse volonté de reconquête des Boers, succombant à la haine universelle qu’ils ont éveillée en Europe à leur encontre :
    « Les affreuses gothons surtout leur causaient beaucoup de mal : ils avaient grande peine à se défendre contre leurs étreintes pourries et les baisers purulents qu’elles cherchaient à poser sur les lèvres de Transvaaliens. Ils apprirent depuis que ces embrassantes adversaires étaient, costumés en soubrettes, le typhus du Cap, la peste des indes, le choléra du Caire : les alliés secrets des Anglais, arrivés à l’appel de John Bull. »
    « L’Agonie d’Albion » est d’une complexité double. De par son style soutenu, ses coq-à-l’âne constants, ses références culturelles (aujourd’hui ignorées ou connues des seuls spécialistes de l’histoire), il désoriente le lecteur moderne. La haine viscérale exhalée contre les Britanniques dont il compare les exactions envers les Boers à celles des Espagnols à l’égard des Hollandais au XVIème siècle, est étrangement maquillée par les symboles. Haringus (celui qui mange des harengs ?), John Bull (figure emblématique de l’Angleterre), l’appel à des entités animales (la hyène, le renard, etc.) ou diaboliques, pour incarner l’âme anglaise, tout cela explique – indépendamment d’un petit tirage – que cet opuscule soit tombé dans l’oubli. Pourtant, rien d’aussi féroce en si peu de pages n’avait été publié sur ce même thème, et même les quatre mille feuilles de vitupérations du capitaine Danrit paraissent bien légères en comparaison.

  5. Type: livre Thème: menaces cosmiques Auteur: Henri FALK Parution: 1919
    Une épidémie très curieuse semble affecter les animaux du Gabon , des oiseaux qui se déplument, des chiens et des chats qui perdent leurs poils, etc. C’est ce que constate le Lieutenant-gouverneur Parmesif. Ce phénomène hélas ! ne s’arrête pas à l’anecdotique. Bientôt, le gens perdent leurs cheveux tout en développant des lésions cutanées dans de nombreux pays du globe.
    Née en Afrique, la vague pandémique gagne le Nord. Parmesif, inquiet, se déplace à Paris où l’un de ses vagues cousins, astrophysicien de son état, aurait découvert la cause du phénomène. Galfo – c’est son nom - a établi par spectroscopie la preuve irréfutable que les radiations solaires sont perturbées et qu’elles affecteraient la terre entière condamnant à mort les différents règnes, végétal, animal et humain. Si l’homme ne parvient pas à se protéger du rayonnement néfaste, ce sera la fin de son aventure.
    Heureusement, le plomb est imperméable aux radiations. En vertu de quoi, le savant préconise de développer des protections en plomb ! Un capitaliste américain, accompagné de sa fille (qui tombera amoureuse de Galfo) arrachera au physicien son secret, et prendra une avance considérable sur ses concurrents en rachetant avant eux toutes les sources d’approvisionnement en plomb. Peu de temps après, dans les pays bourgeois, triomphe l’ingéniosité humaine : les gens pauvres se calfeutrent chez eux. Quant aux autres, ils s’équipent , qui d’un « pararais » (variété de parapluie anti-rayons en plomb), qui de vêtements tissés en fils de plomb, d’une lourdeur épouvantable :
    «  Ils (= les vêtements) représentaient un tel poids que la marche et même tout mouvement devenaient extrêmement pénibles : le chapeau pesait environ trois kilogs (sic !), c’était un véritable casque ; les chaussures, du poids de sept kilogs, clouaient les pieds au trottoir. (…) On traîna les enfants dès l’âge de six ans, dans des voiturettes couvertes d’une bâche plombée, et on les maintint au logis sous de petits toits de plomb en feuilles avec défense de bouger. Cette interdiction, qui entraînait celle de se livrer à leurs jeux coutumiers, entraîna une épidémie inconnue jusqu’à ce jour de mélancolie infantile. »
    Les maisons seront couvertes de toiture en lames de plomb. Les animaux familiers mêmes, chiens, chats, chevaux sortent équipés ainsi. Le mode de vie des populations se modifie car toutes ces protections, très lourdes, condamnent les gens à une démarche d’escargot. Ceci sera à l’origine d’une nouvelle mode « plombée » :
    « Dans les rues, l’aspect général des passants, qui avait d’abord été celui de pachydermes, devint, grâce à l’ingéniosité des tailleurs et des couturiers, celui de gigantesques insectes : les manteaux de toutes sortes, très amples, aux couleurs de métal sombre, semblaient les élytres d’énormes coléoptères, surtout chez les femmes qui accusaient encore la ressemblance par leurs chapeaux à aigrettes, pareilles à des antennes, et par leurs jambes fines semblables à des pattes de scarabées. »
    Quant à la végétation, elle est condamnée à disparaître :
    « la destruction des végétaux constituait le pire désastre. Car sans plantes, plus d’animaux, et sans animaux, plus d’hommes. La conception qui sembla la plus pratique fut d’élever, sur de larges étendues, des charpentes que l’on toitura de verre plombeux, et l’on rassembla le cheptel sous ces « abris à pâturages ». Sous le verre au plomb la prairie vécut ; partout ailleurs elle végéta, puis inclina vers la mort. Quant aux arbres, nul remède. Ainsi l’été naissait à peine et déjà se mourait un paysage d’automne, ou, plutôt un paysage d’aspect rude, morne et brûlé, tel qu’aux approches des grands déserts. Il semblait qu’une lèpre, issue des abîmes, rongeât lentement la chair terrestre jusqu’aux pierres qui sont les os. Et, dans les pays sauvages, les peuplades décimées s’entre’égorgeaient sans merci, chacune attribuant le fléau à la malice de ses voisines. »
    Parmesif, prévenu à temps par Galfo, et Blackhurst , le banquier américain devenu entre-temps le beau-père de ce dernier, apprennent de sa bouche une deuxième stupéfiante nouvelle: aussi soudainement qu’il s’était produit, le phénomène va s’arrêter, ce qui leur permettra de s’adapter une seconde fois à la nouvelle situation et de conserver leur richesse.
    Une petite nouvelle exécutée avec ironie et finesse axée sur un thème innovant pour l’époque, l’influence des radiations nocives sur l’être humain, qui sera appelé à un grand succès dans le genre.

  6. Type: livre Thème: menaces climatiques Auteur: Jean DANGERY Parution: 1940
    Josette, sa petite chérie, rejoint Claude Rancy, son fiancé, qui travaille avec son futur beau-père M. Duclos, au Dahomey, dans une exploitation forestière. Elle est contente de se livrer au balancement du hamac porté par la petite troupe de nègres, libérée des harcèlements de l’odieux Wezner qui l’a poursuivie de ses assiduités tout au long du trajet. S’enfonçant dans la forêt équatoriale, avec ses charmes et ses dangers, le groupe ressent  un froid inhabituel qui tombe la nuit et se transforme en gel au petit matin. Que se passe-t-il donc ? Surtout que Josette, après avoir failli passer dans la gueule d’une panthère est enlevée mystérieusement. Claude, fou d’angoisse, s’acharne à la retrouver mais tombe sur une tribu hostile aux Blancs qu’elle rend responsables du froid subit. Fait prisonnier, Claude est destiné à finir sur un bûcher (les Blancs qui brûlent dégagent beaucoup de chaleur, c’est bien connu !) Sauvé in extremis par M. Duclos, averti par Josette qui a réussi à se libérer de ses agresseurs (dont l’horrible Wezner), le jeune homme ressuscite dans les bras de sa belle. Et le froid dans cette histoire, d’où provient-il ? En toute simplicité, d’une machine « électro-frigorifique basée sur la force des marées » , inventé par deux ingénieux ingénieurs anglais Smiththaw et Blackfair, destinée à abaisser la température de certains climats tropicaux qu’ils estimaient trop élevée, en projetant des « ondes réfrigérantes » à très grande distance. Pas de chance pour eux cependant,  parce qu’ils furent massacrés par la tribu mentionnée ci-dessus  et leur appareil réduit en pièces. Ce qui fait dire à M. Duclos :
    « Ils ont révolutionné… mais pas ce qu’ils croyaient ! Ce qu’ils ont mis sens dessus dessous, ce sont les pauvres Noirs, transis, grelottants, rendus malades et furieux par ce froid du diable ! Et ils ont failli provoquer des catastrophes ! Soulèvement, incendies !... Heureusement le cauchemar est terminé à présent, puisque la maudite machine est détruite et tarie la source du froid ! Pour une fois les sorciers ont raison de prétendre que les inventions des Blancs sont des inventions maléfiques. »
    Une histoire d’aventures exotiques sur laquelle se greffe un élément cataclysmique. Pas de quoi provoquer le grand frisson !

  7. Type: livre Thème: menaces climatiques Auteur: BELEN Parution: 1966
    « Tout commença le jour où son épouse lui fit comprendre que, ses moyens de persuasion n’étant pas suffisamment développés, elle n’arrivait jamais à être convaincue. »
    Alors, il pensa développer « ses moyens de persuasion » en consultant une sorcière diplômée. Elle le traita à « l’élixir de Long V… » et, à sa profonde satisfaction, sa femme le comprit enfin. Mais la chose poussa, et poussa. Elle devint encombrante, car il s’était trompé dans le dosage et il avait beau chercher à la cacher, elle devint de plus en plus énorme. Même lorsqu’il s’isola dans une petite île, rien n’y fit : les singes, se trompant d’arbre, y grimpèrent à la recherche de dattes. Le jour arriva où elle creva le « mur du paradis. » Les Chérubins lui rendirent hommage et
    « Alors, ô malheur, un innombrable Déluge inonda pour la deuxième fois la Terre, d’une pluie perlée et torrentielle. Cela dura quarante jours et quarante nuits. Et point d’Arche prévue pour épargner quiconque. L’anéantissement fut total. L’humanité est à réinventer. J’espère que cette fois-ci l’expérience sera moins ratée. »
    Il est de ces fins du monde ! Une pochade égrillarde aux conséquences inattendues. Du grand art !


  8. Type: livre Thème: après la Bombe… Auteur: ANTOINE Parution: 2000
    Ces «flocons qui tombent» sont de nature curieuse, s’apparentant plutôt à l’hiver nucléaire et aux retombées de cendres radioactives, par suite de la bombe qui a soufflé la ville de Paris.
    Au cœur de la cité foudroyée
    « Les seuls vivants
    c’est toi et Moi »,
    qui marchent timidement
    « dans la rue du Marais »
    S’interrogeant sur ce qui a poussé les hommes à s’autodétruire, le couple veut croire encore à l’avenir d’un amour prêt à refaire le monde puisque
    « Adam et Eve ont raté le précédent »
    Par une voix douce et mélancolique mise au service de l’horreur pure, Antoine dérange en sortant de sa production habituelle.

  9. Type: livre Thème: sociétés post-cataclysmiques 2 Auteur: Eve DERRIEN Parution: 2000
    Ils sont quatre. Quatre copains qui survivent à la fin du monde. Par suite d’un conflit généralisé, tout le monde est mort, ou presque:
    " L’odeur de cadavre était pourtant particulièrement commune à ce moment-là, omniprésente et parfois presque tangible. Les restes des villes puaient la mort, les routes défoncées étaient pavées de charognes, l’air était saturé du riche parfum de la chair en décomposition. Ca va bien mieux à présent que les vers, les chiens et les oiseaux ont fait leur petit travail de nettoyage, et on tombe plus souvent désormais sur une momie desséchée ou sur un squelette bien récuré que sur la spongieuse fermentation d’un cadavre relativement récent. "
    Les rares survivants s’organisent, subsistant seuls ou en petits groupe,  par la violence. Balki, Niko, Markus et Nic sont de ceux-là. S’entendant bien entre eux, n’ayant rien à reconstruire ni à prouver, ils avouent aimer cet état de liberté absolue où tout est disponible, où le temps se structure en fonction des fantasmes individuels. Ils voyagent en moto pour le plaisir et se débrouillent parfaitement en ce nouveau monde hostile. Apparaît Léo, une de leur ancienne amie, qui a survécu, elle aussi. Léo la mystérieuse a changé. Très vite, elle domine le groupe, le cimente en se donnant à chacun:
    " Peu à peu, ce partage équitable est devenu naturel. Léo y était pour beaucoup: c’est elle, et elle seule, qui veillait à préserver nos ego. De nous-mêmes - je parle de la section mâle de l’équipe - nous aurions plutôt eu tendance à l’exhibitionnisme primaire, mais Léo a imposé rapidement, et avec des moyens très discutables, du point de vue de l’éthique, un mode de vie en alternance.
    Il y avait deux Léo: celle qu’on pouvait caresser, et celle qui mordait. Je l’ai vue un jour se battre jusqu’au sang avec Niko - il était plus lourd qu’elle, mais elle était plus méchante - pour une allusion plutôt amusante à leurs ébats récents. "
    Ses compétences vont au-delà de la sexualité puisqu’elle s’affirme véritable chef de guerre lors de l’épisode des "cannibales ". Tombés dans un guet-apens tendu par un groupe d’individus qui se font un plaisir d’améliorer leur ordinaire grâce à la viande humaine:
    " Je n’entendais pas un mot de ce qu’il lui disait, mais je l’ai vu détacher les mains de Balki, pendant qu’un autre le maintenait. Tout en parlant, sans quitter Balki des yeux, il l’a forcé à tendre un bras vers lui, et a commencé à lui caresser la main, dépliant ses doigts un à un. Il a terminé sa phrase, s’est penché en avant, et a porté la main à sa bouche. J’ai cru qu’il l’embrassait. Le hurlement de Balki  m’a frappé comme un coup; j’ai vu le cannibale retirer de sa bouche le doigt arraché, le contempler en riant, et en ronger la chair. Un filet de sang coulait sur son menton. "
    Seuls Nic et Léo parviennent à leur échapper. Devant cet énorme danger, Léo organise une contre-attaque précise, meurtrière, techniquement sans défaut. Les cannibales seront systématiquement tués, leurs motos incendiées,  et les amis libérés. Cette action d’éclat leur fait découvrir une autre Léo qui leur était inconnue jusque là: impitoyable et meurtrière. Tous les quatre désirent connaître la manière dont Léo est arrivé à posséder cette maîtrise dans l’art de se battre.
    Après quelques atermoiements - car elle sait que jamais plus leurs relations ne seront pareilles à la suite de sa confession - Léo leur explique comment elle a réussi à survivre dans le groupe des " Chasseurs ", individus qui ont élevé la mise à mort au rang d’une esthétique en rejouant pour leur compte les " chasses du Comte Zaroff ". Elle avait survécu à la Chasse et de victime était passé au statut de " Chasseur émérite ":
    " En dehors de ses quelques membres d’origine, la meute était constituée de ses meilleures prises; elle s’était peu  à peu développée jusqu’à rassembler une trentaine de membres, jamais beaucoup plus, jamais beaucoup moins: une bonne chasse engendrait parfois la défection de quelques-uns des chasseurs pour cause de mort violente, mais la meute se reconstituait en intégrant l’élite de ses proies; il était rare en effet que cette proposition se voie opposer un refus.
    Bien entendu, la seule alternative à l’intégration était la mort, mais jamais personne n’avait tenté de quitter, par la suite, son nouveau clan. La traque accédait à la grandeur sanglante d’un rite initiatique: celui qui passait l’épreuve non seulement y prenait l’envie dévorante de la faire passer à son tour, de devenir chasseur après avoir été chassé, mais découvrait que ce rite de passage lui accordait ce droit, et ce plaisir, en toute justice. "
    Toujours liée aux autres par la passion du sang, elle participe à de nombreuses mises à mort avec un brio inégalable... jusqu’à ce que le groupe rencontre le " Solitaire ", un psychopathe qui se pique au jeu et décide de les éradiquer tous, les uns après les autres. Seule Léo, mue par un réflexe de survie, parviendra à trancher la gorge du " Solitaire ", trop sûr de sa victoire finale. Quelque mois plus tard, elle rencontrait le groupe de ses anciens amis...
    Gênés par ces révélations, les quatre garçons ont du mal à comprendre le fond de perversité qui réside en Léo. Elle, pour leur éviter des angoisses inutiles, disparaît de leur vie. C’est l’effondrement psychologique du groupe qui passe un temps infini à la rechercher. Ils y arriveront, au bout d’un long  voyage en bord de mer.
    Ils retrouvent une Léo, nouvelle figure charismatique d’un nouveau clan. Ils réussissent même à s’intégrer à ce nouveau groupe mais jamais plus ils ne retrouveront la complicité qui les unissait à elle. Quant à l’avenir de l’espèce humaine, il n’y en aura pas puisque - sans raisons apparente - toutes les filles s’avèrent stériles:
    " Alors qu’il est bien entendu avec moi-même que je m’en fous, je ressens l’envie stupide, l’envie sans cause, sans rime et sans raison, d’écrire nos noms, juste pour moi, juste pour dire que j’aurais au moins fait ça. Nous étions le produit de millénaires d’antiques exodes, le fruit des hasards d’une histoire morte. Nous étions tous nés au même endroit, au bord de la même mer, et dans nos noms pourtant se rassemblaient des peuples. Ils finiront avec nous.  Car nous cinq, nous, Nicolas Solovki, Pascal Balcchi, Marc Hauser, Eléonore Cohen et moi, Jean-Christophe de Kerveden, dernier de ma race, nous mourrons un jour, et il n’y aura pas de suite à notre histoire. "
    Un récit à la première personne (C’est Nic le narrateur) relatant une " tranche de vie " de l’après-guerre totale. L’analyse psychologique fine des personnages compte bien plus que les explications sociologiques et que le décor. La brièveté de la durée (l’action se passe en quelques mois), l’intensité des sentiments de " l’Homo Gestalt " que représente le groupe avec comme clef de voûte la fascinante Léo permet au lecteur de négliger les stéréotypes du genre. La charge explosive des images et des situations est constamment désamorcée par un style distancié et plein d’humour qui rend ce bref roman non seulement agréable à lire mais donne aussi du souffle à un genre aujourd’hui sans surprise


  10. Type: livre Thème: archéologie du futur Auteur: Pierre DE NOLHAC Parution: 1932
    J.H. Smithson, un archéologue américain, est en visite en Europe et s’émerveille de tous les monuments laissés à l’abandon. Alors que les Etats-Unis d’Amérique sont tournés vers la contemplation spirituelle et la vie culturelle, les Etats-Unis d’Europe, en ce siècle futur, enfoncés dans le pire des matérialismes, ne jurent que par l’Economique et l’Industriel, laissant sombrer dans l’ignorance les lieux magnifiques des époques passées, comme les jardins du château de Versailles :
    « Je marchais dans les allées dont le tracé se conservait à peine parmi les herbes folles. Des rejetons poussés au hasard obstruaient le chemin. Une prairie sauvage recouvrait ce qui avait dû être du gazon. Des degrés, des bassins, des colonnades s’écroulaient sous les futaies, et laissaient deviner un plan d’ensemble qui les avait distribués. »
    Une vision de l’Europe et de l’Amérique qui semble avoir du mal à se concrétiser.