- livre
- l’entropie progresse...
- Gabriel DE LAUTREC
-
Fragment d’un conte futur par Gabriel de Lautrec, pp.89-
97, in « la Vengeance du portrait ovale », l’Esprit des Péninsules éd., 1997, coll. « L’Alambic », 1 vol. broché, in- 8 ème , recueil de nouvelles, 240 pp. nouvelle d’expression française
1 ère parution :1922
l’entropie progresse... -
(1867-
1938). Ecrivain, poète, Humoriste. Licencié es- Lettres. Cousin de Toulouse Lautrec, disciple d'Alphonse Allais. Adhère au groupe du "Chat Noir", cabaret montmartrois. Grande amitié pour Paul Verlaine. Fondateur de l'Académie de l'Humour. Pas de consécration littéraire explicite. - 1922
Le narrateur rêve, à moins qu’il ne s’agisse d’une vision, d’un très lointain avenir, où les hommes respirent à l’aide de tablettes d’oxygène solidifiée :
« Depuis longtemps, en effet, tout l’oxygène, ou presque tout l’oxygène de l’air avait disparu. Nous nous plaignons que dans nos villes on mesure l’air et l’espace, et qu’il faille payer pour respirer, comme pour manger. Mais ici ce n’était pas un paradoxe ; on achetait l’air, rigoureusement. Il me fut impossible de savoir si cette suppression de l’oxygène avait pour cause le vouloir de l’homme ou un phénomène naturel. »
L’on achetait donc ces tablettes en fonction de sa richesse propre, prolongeant l’inégalité économique et sociale qui existait déjà en nos jours :
« Le prix de l’air variait selon le cours. S’il s’élevait trop, le peuple se révoltait. Et des hommes larges, à figures rougeaudes, respiraient insolemment, à plein nez et à pleine bouche, de belles tablettes bleues, tandis que de pauvres diables s’épuisaient sur quelque débris d’air sale et poussiéreux, qu’ils avaient ramassé au coin d’une borne. Ou bien ils s’arrêtaient auprès des passants et, timidement, demandaient l’aumône. Certains n’avaient pas respiré depuis trois jours. »
Grâce à une couche de gaz neutre remplaçant l’atmosphère de jadis, les hommes, s’adjoignant des ailes, purent voler sur des milliers de kilomètres, sans effort. Ces ailes, prises d’abord à des oiseaux d’une sorte particulière, devinrent progressivement membre naturel du corps de l’homme. Cette conquête de l’espace aérien n’alla pas sans bruit ni fureur :
« La conquête de l’espace n’avait pas été sans difficultés. On me dit les terribles guerres auxquelles cette rivalité donna lieu. Mais notre espèce, une fois de plus, avait triomphé des autres. A mesure que disparaissait l’air respirable, des cadavres emplumés couvrirent plus nombreux le sol. Tant qu’il ne resta plus rien des tourterelles et des vautours, ni des formes jamais vues qu’on vit descendre successivement des hauteurs plus ou moins lointaines où leurs poumons éclataient.Des monstres apocalyptiques tombèrent en tournoyant au pied des foules épouvantées. Et un jour il n’y eut plus que la seule race gardée par l’usage de ses ailes, et que des formes robustes avaient désignée à ce choix.»
Un conte bref, angoissant, fantastique et surréaliste en son essence. Gabriel de Lautrec, appartenant au groupe du «Chat Noir », et vraisemblablement inspiré par le « Fragment d’une histoire future » de Gabriel Tarde, esquisse une fin de l’espèce humaine onirique et poétique.
Rejoindre la conversation
Vous pouvez publier maintenant et vous inscrire plus tard. Si vous avez un compte, connectez-vous maintenant pour publier avec votre compte.
Remarque : votre message nécessitera l’approbation d’un modérateur avant de pouvoir être visible.