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    • La Genèse de Fallout

      La Genèse de Fallout, 20 ans apres - Le "Vision Statement" de Chris Taylor

      naossano

      Lors de notre précédent article, nous avions abordé la genèse de Fallout, grâce au témoignage de Tim Cain, chef de projet et pionnier de l'équipe. Ce dernier avait souligné à plusieurs reprises les difficultés à communiquer autour du projet avec la direction d'Interplay Intertainment et l'équipe marketing, et des risques d'annulation qui s'étaient manifestés plusieurs fois. Dans le but de mieux retranscrire les intentions des développeurs, un document fut rédigé par Chris Taylor, un des principaux designeurs, un document intitulé "Vision Statement" que l'on peut traduire par une déclaration d'intentions, d'objectifs ou tout simplement de leur vision du projet. Nous vous proposons ici la version française du document. Je vous préviens, c'est beaucoup de textes.

       
       
      Chris Taylor
       
      Moby Games - Wikipedia - The Vault
       
      Christopher Robin Taylor, alias Chris Taylor ou Chris T, designeur et producteur de jeux vidéos et de jeux de société, est l'un des principaux créateurs de Fallout. On lui doit notamment le SPECIAL ainsi qu'une large part de l'univers du jeu. Il fut également une des personnes à rester le plus longtemps chez Interplay. Il y aura travaillé sur Fallout, Fallout 2, Fallout Tactics, ainsi que Project V13 (aux côtés de Jason D. Anderson), le projet de Fallout MMO qu'Interplay tentait d'éditer alors que la licence passait progressivement entre les mains de Bethesda.
       
      GURPS

      Définition détaillée - Site Officiel - Créateur
       
      Pour rappel, GURPS, sigle de Generic Universal Roleplaying System, est un ensemble de règles de jeux de rôle sur table, qui a la particularité de se prêter à n'importe quel type d'univers fictif, qu'il soit médiéval, post-apocalyptique, fantastique, cyberpunk, etc... La première publication des règles a eu lieu en 1986, mais de nombreuses mises à jour ont été écrites depuis. Initialement, (avant même d'être post-apocalyptique) Fallout devait être une transcription des règles du GURPS en jeu vidéo. C'est ainsi que l'on retrouve de nombreuses références à ce système dans les documents de conception. Au final, le jeu fut considéré comme trop violent par l'équipe du GURPS, ce qui conduisit l'équipe de Fallout à concevoir le SPECIAL. Si vous voulez davantage de détails sur ce système, je vous suggère la définition détaillée ci-dessus.
       
       
      Avant de consulter le document de Chris Taylor, voici en bonus, une copie du premier site officiel Fallout, à l'époque où le GURPS était encore utilisé. Remercions le site Duck and Cover pour cet archivage.
       
       
      Vision Statement – Déclaration de nos visions et objectifs

      (Ou pourquoi ce jeu est sacrément cool)
       
       
      1. Un niveau de violence extrême (vous avez intérêt à  cibler vers un public mature)

      Vous pouvez tirer sur tout et n’importe quoi dans ce jeu : les gens, les animaux, les bâtiments, les portes, les murs. Vous pouvez faire des tirs ciblés, viser leurs yeux ou leur entrejambes, leur faire perdre connaissance ou provoquer d’autres effets. Quand les gens meurent, ils ne se contentent pas de mourir. Ils sont coupés en deux, fondus en bouillis, explosent en sauce rouge, ou de bien d’autres façons, en fonction de l’arme que vous utilisez. Quand j’utilise mon lance-roquettes sur un villageois sans défense, il doit le sentir. (et ses voisins passeront des semaines à nettoyer tout le sang)

      Ce sont les Terres désolées. La vie ne tient qu’à un fil et la violence est partout. Nous allons prendre le joueur aux tripes et lui rappeler cette réalité.
       
      2. Il n’y a souvent pas de solution idéale (et c’est parti pour les dilemmes moraux)

      Les temps sont durs, les gens sont durs. Que cela lui plaise ou non, il sera impossible pour le joueur de rendre tout le monde heureux. Le joueur devra faire des choix difficiles. Nous tenons à ce que les décisions paraissent plus réelles que dans d’autres jeux. Nous voulons que le joueur ressente le monde qui l’entoure et qu’il ne se contente pas de traverser les niveaux d’un jeu.

      Par exemple, pour restaurer l’approvisionnement en eau de son abri, le joueur devra priver un autre village d’un équipement vital. L’approvisionnement en eau pure de ce village sera rompu, ce qui peut causer sa fin, à terme. Le joueur pourra essayer de les sauver, mais ce sera un autre problème, un autre challenge.

      Dans une autre ville, deux personnes se battront pour le contrôle de celle-ci. Aucun de ces types n’est un saint. Il s’agira pour le joueur de choisir lequel de ces criminels devra diriger la ville, et de se débarrasser de son adversaire.
       
      3. Il aura toujours plusieurs solutions (c’est toujours plus sympa ainsi)

      Pour reprendre l’exemple précédent, le joueur peut aussi choisir de s’en aller. Il n’est pas obligé de régler tous les problèmes, et il y aura toujours plusieurs solutions. Si un joueur souhaite parcourir les Terres Désolées en tuant tout le monde sur son passage, nous le laisserons faire. S’il souhaite faire preuve de discrétion et se faufiler en douce, il pourra le faire aussi. S’il souhaite discuter, tenter une solution pacifique, ou mentir effrontément, il peut aussi essayer.

      Aucun style de jeu ne sera parfait. Le joueur devra essayer plusieurs types d’actions pour arriver jusqu’à la fin du jeu.

      Dans un cas, le joueur devra se rendre dans un camp armé. Il peut s’y rendre en cachette, négocier son entrée, ou foncer dans le tas en tuant tout le monde.
       
      4. Les actes du joueur ont une influence sur le monde qui l’entoure (et ce monde réagit aux actions du joueur)

      Le jeu prendra en compte les actions du joueur et réagira en conséquence.

      Si le joueur tire sur quelqu’un dans une taverne, les autres clients vont le remarquer. Si le joueur paraît effrayant, les clients vont s’enfuir et le laisser faire. S’il ne paraît pas très menaçant, les autres clients ne vont pas hésiter à lui régler son compte. En fonction de la réputation du joueur, les PNJ vont le fuir, l’attaquer ou le féliciter.

      Une fois encore, nous voulons que le joueur se sente impliqué dans ce qu’il se passe dans le jeu. Si le joueur sent qu’il peut faire la différence, il voudra jouer davantage, afin de voir s’il peut changer le monde et comment s’y prendre.
       
      5. Il y a un sentiment d’urgence (le joueur bouge, s’implique. Il ne reste pas passif)

      Il y a une horloge sans cesse en mouvement. Les actes du joueur vont influer sur la concrétisation de certains évènements, accélérer ou ralentir le déroulement de ces évènements, mais il ne pourra pas arrêter le temps.

      Le principal antagoniste ne se contente pas de rester tranquillement dans son repère, en attendant que le joueur vienne le tuer. Notre antagoniste veut conquérir le monde. Plus le joueur attend, plus il va conquérir de villes, augmenter les difficultés qu’aura le joueur pour s’équiper et s’informer.

      Nous allons, bien sûr, donner assez de temps au joueur pour résoudre l’intrigue et explorer une large part du monde. Et le joueur se rendra compte de ce qu’il se passe dans ce monde. Nous voulons aussi éviter le problème du genre « Qu’est-ce que je fais ensuite ? Aidez-moi, je suis perdu et je ne trouve aucun indice ! » Nous tâcherons de toujours laisser des indices.
       
      6. Le monde sera plutôt ouvert (enfin, autant que possible, sans aller jusqu’à Darklands)


      Le joueur peut aller où il veut. Il peut ne pas avoir les outils ou l’expérience pour faire face à ce qui l’attend ou débloquer certaines zones gardées ou dissimulées, mais le joueur peut quand même explorer librement et retourner dans les lieux précédemment visités.

      Le joueur peut se balader dans la carte du monde, et certaines zones seront cachées dans cette carte. Ces zones peuvent contenir plus de monstres ou d’équipement.

      Le jeu peut paraître grand en terme d’envergure, sans être non plus énorme.
       
      7. Le joueur aura un objectif (les objectifs sont bien, tout comme les dates de livraison)

      Le joueur doit toujours ressentir qu’il a quelque chose à faire et il doit toujours avoir une idée de ce qu’il s’agit.

      Nous allons aider le joueur à ne pas se sentir perdu en lui offrant un journal d’aventures. Ce journal sera sous forme d’un ordinateur PDA (un Newton avancé). Chaque aventure que le joueur suivra sera consignée dans ce PDA. Le joueur pourra aussi rejouer les cinématiques grâce à ce PDA. Aussi il sera possible d’y consigner des indices importants donnés par les PNJ.

      Au début du jeu, le joueur aura un objectif immédiat. Il devra survivre suffisamment longtemps pour ramener la puce d’eau à son abri. Au fur et à mesure qu’il avancera dans le jeu, il découvrira son objectif ultime, celui d’empêcher Le Maître de conquérir les Terres Désolées et de transformer tout le monde en mutants.
       
      8. Le joueur a le contrôle de ses actions (c’est un jeu de rôle, après tout)

      Le joueur peut se comporter comme un saint ou comme une ordure. C’est à la discrétion du joueur. Nous voulons éviter au maximum la réaction « Pourquoi je ne peux pas faire ça ?! » et la frustration du joueur. Nous voulons couvrir une large gamme de joueurs, et les actions que chacun pourrait entreprendre.

      À la fin du jeu, l’antagoniste pourra offrir un boulot au joueur. Ce dernier pourra l’accepter et le jeu devra le prendre en compte.


      Si le joueur veut se comporter comme une ordure avec tout le monde, nous le laisserons faire. Cela pourra rendre le travail du personnage plus difficile à certains moments, mais pourra le rendre plus intimidant à d’autres instants.
       
      9. Interface (pas, dans ta face)


      OK, cela doit être dit. Beaucoup de travail ira dans la conception de l’interface. Elle doit être facile à utiliser, mais aussi permettre des choses plus compliquées sans que le joueur se sente stupide. Elle aura une très belle apparence et permettra au joueur d’entrer en action rapidement. En général, le bouton gauche de la souris servira aux actions, tandis que le bouton droit fera apparaître des menus ou des actions alternatives.

      Une bonne interface permettra au joueur de se concentrer sur ces actions dans le jeu et non pas sur le jeu lui-même.
       
      10. Fenêtre de rencontres (ou comment parler à quelqu’un)

      Quand le joueur parle à quelqu’un d’important dans le jeu, il pourra vraiment lui parler. GURPS couvre bien beaucoup de réactions et peut les retranscrire dans le jeu. Si vous vexez quelqu’un avec vos commentaires, ce personnage va paraître et agir en conséquence, et il s’en souviendra. En fonction de vos choix dans les sujets de conversations, les PNJ vont paraître de bonne ou de mauvaise humeur. Les voix seront synchronisées avec les animations.

      L’intelligence de votre personnage déterminera ce que le joueur pourra dire. Si l’intelligence du personnage est élevée, le joueur pourra sélectionner des réponses intelligentes auxquelles les PNJ pourront répondre. Plus votre intelligence est basse, plus vous perdrez d’options de dialogues, allant jusqu’aux onomatopées pour les cas les plus extrêmes. Évidemment, les PNJ réagiront également en conséquence…
       
      11. Une large variété d’armes et d’action (et donc beaucoup d’animations)

      Le personnage à l’écran reflète comment le personnage est équipé. Le joueur dispose d’une large variété d’armes à sélectionner durant sa partie. Des armes telles que la mitrailleuse, le pistolet laser, le lance-flammes, le marteau, les couteaux, les gatling laser, les grenades, etc… Pendant le combat, le personnage peut être assommé, se faire exploser ou cribler  de balles. Le joueur pourra le voir sur son écran. Et le joueur pourra également le faire subir aux autres personnages. Et quand le joueur revêt une nouvelle armure, il doit être en mesure de se voir avec. Tout ceci devrait donner au joueur plus d’empathie pour son personnage.
       
      12. Des règles de création de personnages détaillées et des personnages préfabriqués. (Plus de choix, imaginez ça dans une perspective de jeu de rôle)

      Le joueur peut choisir entre des règles détaillées pour créer son personnage (comme prendre des compétences, des aptitudes, des traits avec leurs avantages et leurs inconvénients) ou il peut choisir entre trois personnages que nous aurons préalablement conçus.

      Ces personnages seront détaillés et représentant trois archétypes de personnages : Le guerrier, le discret et le diplomate. Cela permettra au joueur de concevoir son personnage pendant des heures ou bien de se lancer directement dans l’action.

      Au fur et à mesure que le joueur gagne de l’expérience, il peut améliorer les compétences et aptitudes de son personnage. Cela permettra au joueur de faire évoluer son personnage durant la partie.

      Un système de création de personnages détaillé est important pour beaucoup de jeux de rôle et l’est particulièrement pour le GURPS. Permettre au joueur d’influer largement sur l’évolution de son personnage lui permettra de se sentir davantage impliqué dans son devenir, et donc dans le jeu lui-même.
       
      13. Nous faisons ce jeu pour le public, mais nous rendrons heureux les joueurs de GURPS (cela peut devenir très moche quand ils deviennent trop heureux. Il faut beaucoup de serviettes).

      Fallout sera un jeu GURPS, utilisant les règles de GURPS. Mais d’abord et avant tout, ce sera un jeu de rôle fun. Il y aura juste assez d’éléments de GURPS pour rendre heureux le joueur de GURPS. Nous devons garder cela à l’esprit. Le jeu vient en premier.
       
      Le GURPS nous procure :

      - Du combat tactique détaillé (en tour par tour, sans être lent)
      - Des réactions réalistes chez les PNJ et des réactions basées sur les compétences.
      - Des personnages complexes, comme dans la vie (avec des avantages et des inconvénients)
      - Des compétences non liées aux combats qui restent très utiles.
      - Les rencontres équilibrées.
      - Un noyau de joueurs dévoués.
       
      Et enfin,
       
      14. L’équipe est motivée (Tim a des documents incriminants sur chacun d’entre nous)

      Ceci est extrêmement important. L’équipe de GURPS est excitée à l’idée que nous fassions ce jeu. Tout le monde dans l’équipe est satisfait de ce que l’on fait. C’est ce que l’on veut faire. Ce jeu nous est précieux et nous voulons le faire bien.

      Notre but est de travailler ensemble pour faire un jeu de rôle qui soit fun, et de le faire dans un temps raisonnable.
       

       
      Supplément Contextuel

       
      En 2007, alors que le site officiel de Bethesda consacré à Fallout était mis en ligne, une préface signée Todd Howard, un des principaux concepteurs de Fallout 3 et des The Elder Scrolls les plus récents, cite le document de Chris Taylor comme l'une de leurs sources les plus importantes, avec les bibles de Chris Avellone et les jeux eux-mêmes, tout en soulignant que leur volonté est d'aussi réinventer ces jeux. (je laisse chacun conclure si la vision de l'équipe originale a été respectée)
       
      Cette préface fut couverte par le site No Mutant allowed, dans un topic dans lequel Chris Taylor intervient, afin d'apporter quelques précisions supplémentaires. On y apprend également par Brother None que Brian Fargo se serait momentanément approprié la paternité du document, en collaboration avec Tim Cain et Feargus Urquhart. Ceci est démenti par Chris Taylor, qui précise que Feargus n'était pas encore sur le projet à ce moment-là. Chris Taylor précise tout de même que Brian Fargo a un rôle important dans l'origine de Fallout. Il proposa à son équipe de réaliser un jeu de rôle en choisissant entre trois systèmes, dont le GURPS. Chris Taylor souligne à son tour l'apport important de Tim Cain, Scott Campbell et Jason Taylor et précise que plusieurs versions de ce Vision Statement ont d'abord été rejetées, que ce document n'avait jamais eu vocation à être publié, et que cette conception a partiellement évolué au cours du développement du jeu.
       
      Pour ce qui veulent en savoir plus sur Chris Taylor, voici quelques interviews sur NMA, Vault13.net, Geek of the Week, et GameOver. On apprend notamment que Fallout 1 aurait dû être 50% plus grand. Chris Taylor précise également que point le plus important pour un jeu de rôle, à son avis, c'est la nécessité que les actions du joueur aient des conséquences.
      Pour finir, voici quelques screenshots datant d'avant la sortie du jeu. On peut y constater quelques évolutions graphiques entre 1996 et 1997.




      En savoir plus…

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    • La Genèse de Fallout

      La Genese de Fallout, 20 ans apres - Temoignage de Tim Cain

      naossano

      (Tim Cain)
       
      Nous l'avons évoqué il y a quelques semaines dans un précédent >article, cela fait donc vingt ans, en 2014, que Timothy Cain, alias Tim Cain, a officiellement commencé à travailler sur Fallout: A Post-Nuclear Roleplaying Game, un jeu que l'on ne présente évidemment plus sur ce site. Une occasion pour nous de lancer une petite série de fin d'année consacrée à la genèse de Fallout. Démarrons avec quelques vidéos récentes où Tim Cain, créateur original de ce premier opus, revient sur le contexte de la naissance de notre franchise favorite.
       
       



       
      Tout d'abord, une interview en deux parties réalisée en 2010 par Matt Barton, pour une chaîne Youtube appelée Matt Chat, au sein de laquelle de nombreux développeurs tels que Tim Cain, Chris Avellone, Chris Taylor ou >Feargus Urquhart font part de leur expérience, de leur vécu. Si vous comprenez l'anglais, vous n'avez qu'à lancer les vidéos. Autrement, voici une traduction des points essentiels évoqués.
       
      Tim Cain a commencé sa carrière dans les années 1980, en participant au développement d'un jeu de cartes édité par Electronic Arts. C'était un grand fan de Donjons et Dragons dans sa jeunesse. Il appréciait notamment le côté très ouvert de ce jeu, ce qui l'a influencé dans ses productions futures. Sa première participation  au sein d'Interplay fut sur Bard's Tale. Il a également beaucoup joué à Wasteland et a énormément apprécié le fait que l'on ne pouvait pas sauvegarder quand on voulait sur ce jeu. Cela incitait les joueurs à réfléchir à leur actes et à ne pas se contenter de traverser le jeu d'un air absent.
       

      (Le Seigneur des anneaux, par Interplay)
       
      Il a aussi participé à un jeu de simulation de business, mais n'était pas doué pour ça, tandis que d'autres programmeurs participaient à un jeu tiré du Seigneur des anneaux. Tim Cain fut très frustré de ne pas pouvoir rejoindre cette équipe et proposa d'autres jeux de rôles à Interplay dès qu'il eut fini le projet auquel il fut assigné. Brian Fargo était ouvert au développement de nouveaux jeux de rôle, mais ils ne voulait pas que ces derniers entrent en conflit avec les jeux basés sur la licence Donjon et dragon fraîchement acquise. Tim et d'autres développeurs passaient pas mal de temps à jouer à d'autres jeux de rôle et étaient très fans de GURPS, qui était compatible avec plein de genres différents. Tim a fini par convaincre Brian Fargo de faire un jeu de rôle basé sur GURPS.
       

      (Version de Fallout en 1994)
       
      Tim aime bien l'univers post-apocalyptique en jeu du rôle, car cet univers est à la fois très familier, et très différent, on y retrouve des repères connus, mais avec un sens altéré. Aussi, l'absence de lois ou de gouvernement central permet davantage de libertés dans le jeu. Dans Fallout, fut également ajouté le futur tel qu'il était imaginé dans les années 50, ce qui a permis d'utiliser pleinement certaines références visuelles telles que les robots de Forbidden Planet, ainsi que la propagande optimiste et son décalage par rapport à la réalité de la dévastation nucléaire. Un décalage personnifié par le Vault Boy de Leonard Boyarsky. Cela permet aussi le développement de la super-corporation très intrusive appelé Vault-Tec, qui génère des profit considérables sur la perspective d'un holocauste nucléaire. Les développeurs tenaient aussi à ce que dans toute cette exagération, cela sonne vrai, crédible, que cela donne à réfléchir sur notre société contemporaine, pousse à avoir un esprit critique.
       

      (Descent to Undermoutain, le jeu sur lequel misait Interplay, à l'époque)
       
      A l'époque Interplay considérait Fallout comme une licence secondaire et espérait beaucoup de ventes avec (Descent To Undermountain auquel participa Chris Avellone) un jeu utilisant la licence donjon et dragons et l'univers des Royaumes oubliés. La réalité fut différente. Au vu du succès de Fallout, la suite du jeu fut rapidement commandée.
       
      Tim Cain fut assez frustré par la suite des évènements. Quand Fallout était considéré comme un jeu secondaire, l'équipe n'intéressait pas les hautes sphères et ils bénéficiait de beaucoup de libertés. Dès que la licence Fallout fut considéré comme importante, toutes sortes de personnes, comme le service des ventes ou le service marketing commencèrent à vouloir apporter leur grain de sel, avec des préoccupations qui n'étaient plus celles de l'équipe originale. Cela a contribué en partie à la mise à distance de Tim Cain et d'autres membres de l'équipe originale, avec la suite de la franchise, pendant quelques années.
       
       

      Si vous êtes bons élèves, vous pouvez assister à la conférence de Tim Cain, mise en ligne sur la chaîne GameSpot en 2012.
       
      On y apprends notamment Tim Cain travaillé sur Fallout de 1994 à 1997. (Producer, Lead Programmer, Designer). En 1994, Tim Cain travaillait sur d'autres jeux comme Stonekeep, tout en développant en solo le moteur de Fallout. Il a commencé à travailler en solo pendant six mois, puis fut rejoins par deux autres personnes (deux Jason) les six mois suivants. Lors de la finalisation, ils étaient à peu près trente. Une bonne partie du travail a été réalisé hors des horaires de bureau. Fallout était un jeu réalisé en parallèle par les dévelloppeurs d'Interplay sans que les choses ne soient vraiment formalisées comme un jeu classique. Pas vraiment de budget, de planning ou d'équipe attitrée.  Le jeu était aussi très différent de ce qui était produit à l'époque par Interplay. Il ne provenait pas d'une licence connue, il n'y avait pas de moteur préétabli, et de caractéristiques techniques imposées. Fallout aura couté environ 3 milions de dollars.
       

      (Crusader: No Remorse semble être une des inspirations graphiques les plus significatives)
       
      L'équipe de Fallout ont puisés beaucoup de références de leur époque et de temps plus anciens.
      Parmi les jeux ayant servi d'inspiration, on retrouve X-Com, Crusader, Ultima, Wasteland, mais aussi des jeux de table comme GURPS, Wiz-War, Gamma World. En termes de livres, on retrouve A Canticle for Leibowitz, de Walter M. Miller, (notamment pour la Confrérie de l'Acier), I Am Legend, par Richard Matheson et On The Beach, par Nevil Shute. Concernant les films, Omega Man, de Boris Sagal, On the Beach, de Stanley Kramer, Road Warrior (Mad Max), de George Miller, A Boy and his dog, de L.Q. Jones, The Day After (TV), Forbidden Planet, de Fred M. Wilcox, La Jetée, de Chris Marker, et La Cité des enfants perdus, de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet (avec Ron Perlman) sont évoqués.


      Le jeu a failli être annulé deux fois tant les challenges furent nombreux. Au delà du trio officiel de la première année, l'équipe s'est constitué peu à peu, entre 1994 et 1997, mais certains membres étaient aussi affectés à d'autres projets. Tim Cain et ses collègues ont eut du mal à expliquer le concept aux autres membres d'Interplay, notamment les équipes d'administration et de Marketing, qui considéraient le jeu comme trop sombre et déprimant.Ce fut finalement la rédaction d'un document appelé "Fallout Vision Statement" (le document sera traduit ultérieurement), par Chris Taylor qui permis de convaincre beaucoup d'entre eux. Pendant la dernière année, l'équipe travaillait sur le projet, sept jours sur sept. L'entité Black Isle Studios ne s'est officiellement constitué que pendant les huit derniers mois de la production, mais Feargus Urquhart a été actif très tôt sur le projet.
       
      L'univers dans lequel se déroulerait le jeu n'a pas été défini tout de suite. L'Heroïc Fantasy fut rapidement écartée tant ce genre était omniprésent à l'époque. Le voyage dans le temps ou les aliens furent notamment évoquées, entre plusieurs théories, parfois des plus loufoques (dont un concept qui rappelle étrangement Destiny). Ils se sont lancé dans le post-apocalyptique à force de jouer à Wasteland. Tim Cain insiste sur la perspective du jeu, qu'il appelle Cavalier Oblique, et non vue isométrique, bien plus adaptée selon lui au gameplay tactique. Il justifie également le choix de cases à six faces, qui permettaient une meilleure rotation et un meilleur calcul des distances, mais moins adapté pour les déplacements verticaux.
       
      Fallout failli être annulé lorsque Interplay eut les droits sur Forgotten Realms et Planescape: Torment. Fallout était considéré comme faisant de l'ombre à ces projets. Au final, Tim Cain dû supplier Brian Fargo, afin de remettre le projet sur les rails.
       
      Le fait de limiter la durée autorisé pour finir les quêtes principale était une décision très controversé que l'équipe n'a jamais cessé de discuter pendant le développement. Au final, ils ont retirer la limite de temps pour défaire l'armée du Maître, lors de leur premier patch.Les développeurs avaient tellement la propension à ajouter des références culturelles dans le jeu que cela inquiéta Tim Cain. Au final, le mot d'ordre fut que si le joueur ne comprenait pas la référence, il ne devait pas être en mesure de remarquer qu'il y avait une référence.
       
      Le jeu ne devait pas s'appeler Fallout au départ. Le titre de travail était Vault13, mais ce titre ne plaisait pas à l'équipe marketing car il n'était pas assez explicite. D'autre titres furent suggérés, comme Aftermath, Survivor, Postnuclear Adventure, mais ce fut finalement Brian Fargo qui proposa Fallout, quelques mois avant la sortie du jeu. Le nom du système de personnages fut également changé très tardivement, passant de GURPS à SPECIAL, car les détenteurs de la licence GURPS trouvaient le jeu trop violent. Ils évitèrent ainsi une autre annulation en changeant de système, en seulement deux semaines. Le système failli s'appeler ACELIPS, avant que Jason G. Suinn ne change l'ordre des lettres pour l'acronyme que l'on connait. Les Perks arrivèrent également tardivement, inventées par Chris Taylor, après que Brian Fargo ai demandé davantage d'évolution que simplement les skills. Ce fut facile à implanter. Ces perks influencèrent plusieurs jeux de rôle postérieurs, jusqu'à aujourd'hui.
       

      (A quoi aurait dù ressembler Fallout selon l'équipe marketting)
       
       
      Le jeu est sorti un an après Diablo, qui était isométrique, en temps réel et multijoueurs. L'équipe marketing insista beaucoup pour que le gameplay de Fallout ressemble à Diablo, ce qui a notamment ralenti le développement.

       

      (Versions initiales des têtes parlantes)
       
      La plupart des têtes parlantes fut réalisées par Scott Rodenhizer, à partir de modèles en argile. Cela demanda 8 semaines de travail par tête, et couta très cher. Les compagnons ont été implantés très tardivement et l'équipe n'a pu parvenir à l'époque à leur donner une IA satisfaisante. Tim Cain s'en excuse encore aujourd'hui.
       
      Interplay ne pu initialement obtenir la certification Windows 95, non pas parce que le jeu ne marchait pas sur Windows 95, mais parce qu'il marchait aussi sur Windows NT. Chris Jones a reprogrammé le jeu pour que l'installation échoue sur Windows NT. Mais cette version ne durera pas longtemps, car les versions suivantes de Windows étaient basées sur NT et non 95. S'ils avaient dû garder la version Windows 95, le jeu n'aurait pas marché sur les Windows suivants. La version mac fut développée en un week-end par un programmeur appelé Tim Hume. Tim Cain insista pour que la même installation marche à la fois sur Windows et Mac. Le code de Fallout fut réécrit en cours de développement, passant notamment en flat memory et sur les nouvelles puces Super VGA normalisées, ce qui a permis au jeu d'être encore compatible aujourd'hui, avec les ordinateurs modernes. Les précédentes générations avaient de gros problèmes de compatibilité.
       
      Au départ, les développeurs voulaient utiliser I don'twant to set the world on fire, des Ink Spots (utilisée pour Fallout 3) comme musique d'introduction mais celle-ci coutait trop cher. Ils ont finalement choisi Maybe, du même groupe. La musique fut complétée par la bande originale de Mark Morgan se devait d'apporter un sentiment de désolation, de dépression, qui déplut fortement à l'équipe marketing.
       
      Vis a vis de la censure, l'équipe souhaitait publier un jeu autorisé pour les adolescents, mais l'ESRB l'a classé comme jeu pour adultes et adolescents matures. Il y a eu une controverse sur le meurtre d'enfants. Pour l'équipe, s'il y avait des enfants, il n'y avait pas de raisons pour qu'ils soient épargnés. Cela a beaucoup joué sur la classification et a failli causer l'interdiction du jeu en Europe. Au final ils ont juste supprimés les enfants du jeu pour la version Européenne.
       
      Les développeurs ont opté pour un monde ouvert, fait en sorte que les joueurs puissent aller dans n'importe quelle direction. Si la zone est trop dure pour eux, ils seront tués, mais il ne seront pas empêchés d'y aller. Ils tenaient aussi à ce que l'histoire soit non linéaire, que chaque quêtes aient plusieurs solutions, incluant le combat, le dialogue et la discrétion. Tim Cain se félicite notamment du nombre de personnes qui ont rejoués entièrement au jeu, afin d'améliorer le sort de tel ou tel village qu'ils avaient négligés lors de leur première partie, ce qui avait conduit à une mauvaise fin dans les diapositives finales. Tim Cain et son équipe insistaient beaucoup pour que le joueur aie à faire face aux conséquences de ses actions, rappelant la quête de Wasteland 1, où on recherche un chien qu'un petit garçon a perdu, pour ce rendre compte que le chien a la rage et qu'il faut l’abattre, ce qui ensuite provoque l'énervement du petit garçon. (une quête à nouveau mentionnée dans le second opus) Ce genre de situation met à mal le sens moral du joueur qui pensait avoir bien fait, pour finalement saisir toutes les implications de la situation.


      Fallout est finalement sorti en 1997 en même temps que Quake 2 et Total Annihilation, et connu rapidement un succès aussi bien critique que financier, qui perdure encore aujourd'hui, deux décennies plus tard.
       
      PS: Si vous trouvez que les diapositives de la vidéos sont passées trop vite ou que vous souhaitez prendre votre temps pour les lire, vous pouvez consulter le document intégral ici.
      En savoir plus…

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