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    Bienvenue dans la Base de Données des livres !

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  • 711 livres

    1. Type: livre Thème: guerres futures 1, menaces et guerres nucléaires Auteur: Stéphane JOURAT Parution: 1968
      Le roman se partage entre trois parties dissemblables. La première est une évocation de l’évolution théorique et historique de la société politique des USA après l’engagement au Viêt-Nam. Démoralisés, les USA se retirent du conflit en y laissant leurs morts. Celui-ci aura été un champ d’expérience pour les noirs américains maintenant aguerris et capables de faire la différence selon  la manière dont on les a traités au front (toujours en première ligne) et au sein des villes américaines (toujours dans les ghettos)
      En peu de temps, l’agitation sociale se développe dans les quartiers noirs, encadrée par les vétérans noirs qui ont appris à se battre. En 1973, le fascisme américain triomphe avec l’arrivée au pouvoir du sénateur Chilson, évinçant le clan Kennedy, appuyé par l’empire militaro-économique représenté par la figure du général Klinger. Chilson utilise les gaz pour « dératifier » le quartier de Watts :
      « Il faut que le monde sache ce que cela a été : la folie collective donnée délibérément par des hommes à des hommes. Peu importe qu’il se soit agi de Noirs, ou de criminels ou d’émeutiers. Personne au monde, même pas Dieu, n’a le droit de traiter des hommes de cette manière, de les rendre fous, ou malades, ou aveugles. J’ai vu des enfants qui s’étaient crevé les yeux à force de les frotter, des femmes qui hurlaient en se tenant à deux mains les parties génitales brûlées au troisième degré par les gaz, des hommes armés, ivres de L.S.D. tourner en rond sur eux-mêmes en mitraillant tout ce qui passait à leur portée, même des femmes et des enfants de leur race. »
      Cela soulève peu d’émotion dans l’opinion américaine qui récompense Chilson pour cette action d’éclat, en le portant à la présidence, pour peu de temps, puisqu’il sera assassiné par un Noir à cause de ses hauts-faits. Le fauteuil reviendra alors à Klinger,  dont le discours reflète les idées :
      « Jamais les Etats-Unis d’Amérique n’ont été aussi méprisés et aussi combattus que depuis qu’ils se vouent corps et âme, au salut de l’humanité. Pire encore : les perversions, les vices, la pourriture morale et physique du reste du monde, et je pense surtout à l’Europe, se sont introduits chez nous et ont souillé une partie de notre jeunesse. La débauche sexuelle, l’athéisme, la subversion politique sont les cadeaux empoisonnés que nos faux amis nous ont faits en remerciement de notre aide. »
      Aussitôt, le nouveau président donne ses troupes. A l’intérieur des USA, les premiers camps de concentration apparaissent, à l’extérieur, notamment en Europe, les corps d’armées américains s’opposent frontalement à la Russie soviétique et la Chine. Tous les prétextes sont bons et toutes les armes seront utilisées avant que n’éclate la catastrophe finale. La pollution bactériologique de l’eau de New York, supposée provoquée par les Chinois (en réalité liée à la pollution agricole de terrains autour des monts Catskills), les gaz utilisés pour réduire la poche de résistance grecque dans le défilé des Thermopyles, mettent le monde au bord du chaos :
      « Leggitt donne l’ordre de charger les mortiers de têtes à gaz G.C. Le reste va très vite. Les « bérets verts » passent leur masque à gaz. Leggitt baisse les bras, les obus de mortier décrivent une trajectoire haute puis s’écrasent au fond du défilé. Dans leurs abris, les Andartès sentent s’élever autour d’eux une odeur vaguement fruitée. Ils n’ont pas le temps de s’en étonner. Leurs yeux brûlent, leur gorge se contracte, ils sont secoués de nausées, puis de vomissements, beaucoup sont saisis de diarrhée, d’autres hurlent en se tenant la tête à deux mains. Les uns après les autres ils s’écroulent sur les roches que recouvre une sorte de rosée incolore, agités de convulsions violentes, puis de plus en plus faibles et s’immobilisent enfin. Leggitt lâche ses jumelles, regarde sa montre.
      -Sept minutes seulement, dit-il à l’officier « C. and B. ».
      Un dernier sursaut de volonté des peuples qui ne veulent pas mourir, permettra -semble-t-il-  de juguler la menace représentée par Klinger et ses séides qui seront amenés à reculer faisant place à un règlement pacifique des conflits par les Nations Unies qui retrouvent de ce fait  un peu de crédibilité :
      « Dans toute l’étendue de l’Europe, les insoumissions et les désertions se multiplient. En Italie, quatre régiments prêts à s’embarquer pour la Grèce se mutinent. Les unités que l’on envoie mettre les mutins à la raison se rebellent à leur tour et une véritable guérilla commence dans la région de Bari, entre les Senza Noï (« sans nous ») et les troupes régulières. Des incidents du même ordre éclatent en France, en Belgique, en Hollande, en Allemagne de l’Ouest. »
      La deuxième partie du roman est en rupture totale avec la première. Un écrivain –nous ne connaîtrons pas son nom –, nous fait partager dans ses notes, qui ressemblent à un journal intime, l’existence d’une société post-nucléaire. Que s’est-il passé alors que tout semblait sur le point de s’arranger? Nous ne le saurons jamais. Quoiqu’il en soit, le conflit nucléaire a bel et bien eu lieu. Les bombes sont tombées en masse, en Russie, aux USA, en Chine, s’abîmant au passage sur la France et sur d’autres pays, en faisant exploser l’arsenal atomique du plateau d’Albion. Le choc électromagnétique lié à ces explosions a instauré le grand silence des ondes. La société a disparu, remplacée par une kyrielle de groupes de survivants non contaminés mais revenus à la  barbarie, à un dénuement total, à une détresse maximale.
      Le narrateur appartient à l’un de ces groupes d’une vingtaine de personnes vivotant à grand’peine dans la cave d’un village de l’arrière-pays provençal. Ils livrent une lutte continuelle aux rats qui les assiègent, au manque de médicaments, au manque de nourriture. Ils se connaissent à peine, rassemblés en ces lieux par des rencontres de hasard. Menacée par un autre groupe de survivants à qui la catastrophe n’a rien appris, menacée de l’intérieur même par certains d’entre eux  qui ne veulent pas abandonner les jeux de pouvoir, la poignée de personnes regroupée autour du narrateur-philosophe tentent, vaille que vaille, un nouveau départ dans la vie. L’aurore sera de courte durée. Les rats par millions reviennent traquer ces débris humains, contaminés par les radiations, jusqu’à la disparition finale d’une espèce trop agressive pour que l’évolution ait pu la pérenniser :
      «13 janvier. Le froid est devenu terrible et j’ai peur que la source ne gèle. Il ne peut être question de l’entourer d’un feu, la nuit, car de nouveaux groupes armés ont été aperçus sur la route de Sainte-Pétronille. D’après ce que les veilleurs en on dit, il pourrait s’agir de déserteurs italiens. Senza Noï ou simples pillards ?
      Le mistral s’est levé ce matin, et nous avons couvert les feux. L’air des caves est devenu presque irrespirable, mais il ne faut pas que l’odeur de la fumée aille éveiller l’attention de ceux qui passent sur la route. D’en bas, ils ne peuvent voir que les ruines du château. Le chemin qui mène au village ne va pas plus loin. Rien donc ne peut les tenter chez nous, à condition qu’ils n’aperçoivent pas le moindre signe de vie. Il est vrai qu’il nous reste si peu de vie. Deux enfants irradiés sont morts.»
      Un récit sans concession, bien documenté (dans sa première partie notamment qui touche à l’uchronie), manifestant la peur atomique, peur récurrente de l’Occident. Proche parent de « Malevil », mais avec l’optimisme en moins, le texte de Jourat est peu connu. C’est dommage.

    2. Type: livre Thème: l’air empoisonné Auteur: Jean-Pierre FONTANA Parution: 1986
      Quelque part , au centre d’une ville, un réservoir de gaz mortel, de couleur jaune a éclaté. Le gaz, plus lourd que l’air, se répand lentement dans les divers quartiers en enroulant ses volutes. Tout être vivant entrant en contact avec lui meurt en d’atroces souffrances avec force pustules, brûlures et empoisonnement du sang. Aucun remède possible.  A peine la nouvelle connue, la ville se vide de ses habitants qui se précipitent vers sa périphérie :
      " Mardi. Dix-sept heures. La ville hurlait de toutes ses sirènes et de tous les klaxons des voitures prises au piège des rues embouteillées. Devant le monument aux morts de l’avenue des Meuniers, la circulation était littéralement bloquée. Les automobilistes occupaient toute la largeur de la chaussée, flanc contre flanc, museau pointé en direction de l’est. Même les voies qui remontaient vers le centre ville étaient garnies de véhicules roulant en sens inverse. D’ailleurs qui aurait été assez fou pour aller faire un tour du côté des lieux de la catastrophe, au cœur même du nuage de la mort ? "
      Elle laisse derrière elle, comme une vague qui se retire, ceux qui, pour une raison ou une autre, ont décidé de mourir ou de se battre contre " la Jaune ". Ils ne sont pas nombreux, mais bien caractérisés : une bande de jeunes loubards, un groupe de travailleurs immigrés noirs que l’on avait enfermés dans leur atelier, des " destroys " décidés d’en finir avec la vie.  Tout ce monde se côtoie, se tue, s’étripe et ne se vient en aide que sous la pression de la nécessité, lorsqu’il s’agit de circuler de toits en toits, par exemple. Un seul couple représente la fraîcheur et la vie en cet enfer. Doo (prononcez "doux"), le marginal au grand cœur et Elisabeth, avec sa cage à oiseaux. Ils représentent l’amour et la soif de vivre, n’hésitant pas à tuer cependant pour conserver ce droit. Progressant de toits en toits à l’aide d’une échelle, ils tentent de gagner la terrasse de la cathédrale où ils seront en sécurité le temps pour que le gaz se dilue. Cheminement risqué, puisque plusieurs de leurs compagnons de route forcés disparaîtront rongés par " la Jaune " ou tués par les destroys :
      " Elisabeth ne put retenir un cri d’horreur. La femme gisait à présent dans la mélasse orange, les jambes brisées. Au bout de quelques instants, ils la virent qui tentait de se relever. Elle souleva un bras, gémit, progressa de quelques centimètres. A présent, son corps recouvert de boue gélatineuse, paraissait grésiller. Sous la brûlure de l’acide, Roddia arracha de sa poitrine un long et insoutenable hurlement. Doo n’hésita pas. Il visa soigneusement en posant le canon du revolver sur le rebord du toit pour assurer la précision du tir et lâcha la seconde balle du barillet. Le crâne de la femme explosa. Doo ferma les yeux et ne put retenir davantage le sanglot qui  lui encombrait la gorge. "
      Finalement,  prêts de succomber sous la poussée de l’ennemi, Doo et Elisabeth seront sauvés par l’un des hélicoptères que l’armée envoie pour combattre le fléau.
      L’intérêt dramatique constant, les personnalités bien affirmées des deux personnages principaux,  renforcent  ce récit par ailleurs assez inconsistant, à l’instar de " la Jaune ".

    3. Type: livre Thème: péril jaune et guerre des races Auteur: Christopher PRIEST Parution: 1972
      Alan Whitman est professeur d’université, marié à Isabel et père d’une jeune Sally. Avec sa mentalité d’appartenir à la classe blanche moyenne, il vit bourgeoisement près de Londres, en sa maison de banlieue. Mais des menaces s’accumulent avec les désordres en Afrique, fomentés par les Chinois qui font éclater là-bas une dizaine de bombes atomiques provoquant la mort de millions de personnes. Les survivants – et il en reste !- émigrent vaille que vaille,  délaissant leur continent agonisant pour l’Europe, plus particulièrement pour l’Angleterre.  Les premières arrivées, sur des bateaux pourris, seront suivies avec intérêt par les Anglais et des associations de bienfaisance se portent au-devant des Noirs pour les accueillir :
      « Nous les considérions avec une fascination mêlée d’angoisse. Il y avait des hommes, des femmes et des enfants. La plupart d’entre eux étaient dans un état d’inanition avancée : des membres squelettiques, un ventre gonflé, distendu, des yeux hagards dans un visage creux, et, chez les femmes, une poitrine plate, des seins tombants, translucides, attiraient les regards. La plupart étaient nus ou presque. Les enfants n’arrivaient pas à se tenir debout. Ceux que personne ne voulait porter restèrent sur le bateau.»
      Cela dure peu de temps. L’arrivée continuelle des Africains (les « Afrims ») remet en cause l’équilibre sociale du pays. L’invasion pacifique sera prise très au sérieux mais divisera la population anglaise en deux camps, ceci jusque dans les rangs de la police et des forces militaires.  Les «Sécessionnistes » appuient les Afrims et les arment dans leur désir de s’implanter sur le territoire anglais. Les «Nationalistes», émanation du nouveau gouvernement d’extrême-droite du président Treghar, les combattent violemment. En cette guerre civile d’un nouveau style, d’un côté comme de l’autre, les exactions sont nombreuses et horribles, le plus grave étant que les Afrims et leurs amis conquièrent pouce par pouce les villages et villes de Grande-Bretagne, s’appropriant les maisons, tuant ou jetant sur la route des centaines de milliers d’Anglais légitimes.
      Whitman et sa famille feront partie des spoliés. Sales et crasseux, ils vivront d’expédients, tandis que leurs conditions empirent au fur et à mesure. Leur voiture, prise immédiatement d’assaut, leur a été volée.  Dans leur errance, ils constatent la dégradation des niveaux de vie qui entraîne une dégradation morale. Whitman, se souvenant de la manière dont il a conquis Isabel, se rappelle aussi de sa frigidité et de sa mauvaise humeur. D’un commun accord, le couple décide de se séparer, Sally restant avec son père. Whitman, après une rencontre avec une bande de Blancs tirant des chariots, décide de se joindre à eux, faisant confiance au chef,  un dénommé Lateef qui, en homme avisé, prend les décisions pour l’ensemble du groupe. Grâce à un fusil trouvé dans des décombres, il deviendra même le bras droit de Lateef.  Le groupe doit être très prudent pour éviter les embuscades des Afrims ou les traquenards des Nationalistes, se terrant parfois dans les bois ou négociant leur passage.
      Un jour, Whitman menacé par des Afrims, se vit enlever Sally dont il connaît d’avance le destin : soit assassinée en peu de temps, soit mise au travail dans le grand bordel collectif noir de la banlieue londonienne. Quittant Lateef,  il tente de retrouver Sally en se dirigeant d’abord vers la côte. Totalement clochardisé, il eut cependant la bonne fortune de se refaire une santé dans un village, sorte d’enclave fortifiée où, grâce à une discipline de fer, les habitants vivaient comme à l’habitude, essayant d’oublier coûte que coûte l’immense désastre du déclin de la société européenne.  Le désir de retrouver Sally revenant en force, Whitman quitte le village, cheminant le long de la plage vers une concentration afrim où il espère avoir des nouvelles fraîches. Celles-ci lui parviendront plus vite que prévues sous la forme de deux cadavres souillés de pétrole, disposés sur le sable : les deux corps d’Isabel et de Sally :
      « Tandis que je marchais, mes pieds s’enlisaient continuellement dans les plaques de goudron qui recouvraient les galets. Les corps étaient à peine visibles de loin ; si je n’avais pas su qu’ils étaient là, je les aurais confondus avec les larges taches d’huile figée ; Il y en avait dix-sept tous noirs. Ils étaient nus  et à l’exception d’un seul, c’étaient des corps de femmes. La noirceur de leur peau n’était pas due à l’huile de la plage ou à la pigmentation naturelle, mais à de la peinture ou de la poix. J’errai parmi eux et ne tardai pas à découvrir Isabel et Sally. »
      Alors qu’il était disposé à déposer ses armes et à se soumettre à son destin, cette vue ranime en lui toute la haine dont il est capable et le fait basculer dans la résistance aux Afrims. Il s’enfonce à l’intérieur des terres anglaises…
      Sans aucune fioriture littéraire, en flash-back permanents et par le montage alterné des épisodes, Christopher Priest nous fait part du désespoir vécu au quotidien d’un être médiocre à travers l’évocation forte d’une inquiétude contemporaine largement partagée par d’autres auteurs comme Jean Raspail dans son « Camp des saints » , par exemple.

    4. Type: Livre Thème: épidémies Auteur: Arnould GALOPIN Parution: 1928
      Procas est un homme bleu. Non pas un Targui, mais un authentique malade congénital. Souffrant d’insuffisance artérielle chronique à cause d’un coeur rétréci, la moindre contrariété accentue chez lui la propension à la couleur bleue de la peau.  Or, des contrariétés, il en a beaucoup. Comme savant bactériologiste, sa seule ambition est de servir l’humanité. Il fait des communications magistrales à l’Académie des Sciences. Il est reconnu, adulé, poursuivi par les femmes. Sa maladie se fait toute discrète. En épousant Meg, une de ses plus ferventes "groupies", la déception n’en est que plus vive, quand il apprend, quelque temps après, qu’elle le trompe. Il en conçoit un choc si terrible que, de la tête au pied, la couleur bleue gagne, le coeur se rétrécissant. De crise d’épilepsie en crise d’épilepsie, atteint par un froid cadavérique, il devient objet de répulsion pour le reste de la société.
      " Qu’était cet être douloureux? D’où venait-il? Pourquoi, à son approche, détournait-on brusquement les yeux? Il fallait donc qu’il eût quelque chose d’effrayant, d’épouvantable ?... Oui... Il était laid, atrocement laid, d’une laideur qui dépassait tout ce que l’on peut imaginer, non point que sa figure fût ravagée de quelque lupus, labourée par un chancre répugnant ou couturée de plaies immondes...
      Elle n’avait subi aucune déformation, nul accident n’en avait bouleversé les lignes, mais ce qui la rendait ignoble, monstrueuse, c’était sa seule couleur... Elle était bleue, entièrement bleue, non point d’un bleu apoplectique tirant sur le violet lie-de-vin, mais de ce bleu cru, violent, presque éclatant, qui tient le lieu entre le bleu de Prusse et l’outremer. "
      Il lui faut dire adieu à sa vie scientifique, à renoncer à sa femme, à renoncer au monde, en déménageant dans un autre quartier de Paris, pour ne pas être reconnu. Son seul ami, le professeur Viardot meurt trop vite, le laissant seul sur terre.  Ses sorties nocturnes, à visage serré et recouvert pour s’approvisionner, éveillent l’animosité de la foule contre lui. Au départ on le conspue à cause de son apparence. Puis, un crime s’étant commis dans le quartier, l’hostilité se transforme en haine, attisée par trois sombres imbéciles qui jouent aux justiciers: Bézombes, Nestor le Boucher et Barouillet le politicien au petit pied.
      Sa vie est infernale. Constamment suivi, dénoncé -en dépit du fait que la police ne trouve rien chez lui-, il doit se procurer des vivres de plus en plus loin ou rester des journées entières cloîtré dans sa maison en proie à des crises à répétition. Il songe à se suicider. Mais, pour l’amour de la science, il continue ses travaux avec le modeste appareillage qu’il a pu sauver du désastre.  Il accueille un chien errant, le seul être qui lui fait confiance. Las, celui-ci est tué par le gros Nestor. Un soir,  en rentrant chez lui, il aperçoit son chien gisant dans le ruisseau, le crâne défoncé. C’en est trop pour cet être persécuté. Il en conçoit une haine terrible pour l’humanité et concocte par égard pour son ami canin une vengeance post-mortem.
      Grâce à la moelle du chien qui servira de support nourricier, il recherche le Bacillus murinus, le bacille du rat, qu’il avait déjà réussi à isoler dans ses recherches antérieures. Ce microbe, rare à l’état naturel, provoque la mort foudroyante du rat. Pourquoi pas des humains ? Il se met à la recherche de rats, en trouve, les utilise comme cobayes, isole le bacille et, par transvasement de cultures, en fait un engin de mort terrifiant qui délivre la mort en trois heures:
      " Quelle ne fut pas la joie de Procas lorsqu’il reconnut sur les rats qu’il venait de trouver morts, des lésions tout à fait semblables à celles qu’il avait observées dans l’Inde. Il fit sur ces bêtes divers prélèvements de sang, et, vingt-quatre heures après, il pouvait observer sur la gélose une strie blanchâtre avec des ramifications latérales très caractéristiques. Le doute n’était plus possible : il tenait enfin son Bacillus murinus ! Alors il prit une lamelle de verre, y déposa une goutte de culture, l’étala avec l’extrémité d’une pipette, colora la préparation avec une substance préparée par lui, et l’examina ensuite au microscope. Sur le champ de l’appareil il constata la présence de bacilles minces et courts... "
      Il prépare ainsi trois litres de ce bouillon mortel qu’il est décidé à verser dans le réservoir d’eau de Montsouris, déclenchant une épidémie sur l’ensemble de Paris :  
      " Procas attendait toujours. Il ne se souciait plus de la foule qui grondait sur son passage. Une idée l’obsédait: ce bacille sur lequel il avait compté, dont la nocivité lui avait paru évidente, aurait-il perdu de ses propriétés quand il s’était trouvé en contact avec une immense étendue d’eau? Le réservoir, il le savait, contenait, avec sa réserve, environ deux cent mille mètres cubes. Est-ce que cette masse ne renfermait pas un élément qu’il n’avait point prévu?
      Non, pourtant, son bacille devait anéantir tous les autres, car les expériences qu’il avaient faites sur cinq ou dix litres d’eau lui avaient suffisamment prouvé la virulence et la combativité de ses "colonies". Elles devaient être en train de se développer, mais n’étaient pas encore parvenues dans les canalisations. "
      Mais, ironie du sort, à peine eût-il lâché ses vilaines bêtes que le gros Nestor et Barouillet, ainsi que les habitants du quartier vinrent faire amende honorable en s’excusant pour s’être trompés: l’assassin du petit Claude vient d’être arrêté! Le savant ne put en entendre plus: il s’effondrera, terrassé, à leurs pieds tandis que des sirènes d’ambulance retentissaient un peu partout dans Paris.
      Un récit à intrigue linéaire, à trame plate, écrit en un  style qui se lit facilement, l’outrance étant dans le personnage et non dans la forme. Un personnage intéressant par ailleurs, entre le monstre de Frankenstein et Elephant Man. Les notations scientifiques précises de la préparation du Bacille déterminent l’effet de vraisemblance. Un humour s’y reflète constamment en filigrane: les coupables seront épargnés, les innocents frappés. Il est curieux de constater, au-delà des années et des pays, à quel point l’ouvrage de Galopin ressemble à celui de Frank Herbert avec "la Mort blanche": même haine de l’humanité, même démarche de persécuté, même résultat final. Un roman oublié qui ne le mérite pas.

    5. Type: livre Thème: le dernier homme Auteur: Lester DEL REY Parution: 1965
      " Un conflit éclata. Une guerre mondiale à laquelle nul n’aurait pensé, rendue plus terrible que les autres par l’emploi de l’énergie matérielle. Sa violence fut assez grande pour modifier définitivement les climats: les glaces polaires fondirent et les anciennes côtes des continents se trouvèrent à cent mètres au-dessous du niveau de la mer.
      Mais, contrairement aux légendes de Dale, c’est à dire la planète antérieurement colonisée par les Terriens, la Terre survécut. Presque tous les êtres vivants se perpétuèrent. Seuls les hommes vinrent à manquer. Il n’en resta que quelques dizaines de milliers qui tentèrent un nouveau départ. Pourtant, c’en était fait de la vieille fécondité de la race: elle avait subi une mutation dont on ne comprit les effets que peu à peu, lorsque les femmes mirent au monde de trop rares enfants viables. "
      Au moment où commence le récit, exit la race humaine. Il ne reste plus que Herndon, un vieillard, avec Cala, une jeune femme et Egon, un cosmonaute, anciennement terrien, revenu de Dale.
      Herndon, le Gardien, avait été mis en hibernation pour "survivre à l’holocauste", durant dix siècles. Egon répara le mécanisme de conservation défaillant et  tira le vieillard de son sommeil. Herdon, dernier Terrien en compagnie d’une femme stérile, meurt au moment où une nouvelle fusée en provenance de Dale atteint la Terre, à la suite d’avaries  moteur. Egon, avec l’aide de Cala, ira à la rencontre d’un groupe mixte d’astronautes en se revendiquant comme " le dernier Terrien ":
      " Vous êtes sur la Terre, répondit Egon. Et un sourire lui vint tout à coup, tandis que son regard se tournait vers la masse sombre de la forêt, en direction de l’océan, baigné de lune. La Terre. Quant à moi, je suis le dernier Terrien. Soyez les bienvenus sur votre mère - planète "
      Une nouvelle disparate entremêlant divers thèmes classiques.

    6. Type: livre Thème: menaces et guerres nucléaires Auteur: Boris VIAN Parution: 1986
      Le poète raconte les affres de la conception d’une bombe atomique domestique, à l’époque un pur fantasme, aujourd’hui une dramatique réalité. (voir à ce sujet l’essai de Mc Phee : comment j’ai fabriqué la bombe chez moi). Les préoccupations permanentes du tonton, le réalisme du quotidien,
      (« quand il déjeunait avec nous
      Il dévorait d’un coup
      Sa soupe aux vermicelles »),
      La stupeur muette de la famille qui participe au difficile accouchement, introduit la distanciation ironique nécessaire à la dénonciation d’un acte criminel. La chanson se clôt sur une double chute. L’oncle a enfin trouvé le point qui faisait obstacle à son projet :
      « Voilà des mois et des années
      que j’essaye d’augmenter
      la portée de ma bombe
      Et je ne me suis pas rendu compte
      Que la seule chose qui compte
      C’est l’endroit où c’que’elle tombe. »
      Il utilisera ce défaut pour débarrasser la terre des « grands personnages », responsables, selon lui, de la menace mondiale. Mais le meilleur reste à venir. Loin de lui en vouloir pour cet assassinat, « le pays reconnaissant » le décorera, car :
      « en détruisant tous ces tordus
      je suis bien convaincu
      D’avoir servi la France ».
      Une chanson célèbre en pays de conjecture, un bijou de la contestation anarchique et populaire qui donnera lieu à de nombreuses interprétations (Nous en connaissons une savoureuse en alsacien de  Humel et Ham à écouter ci-après!)

    7. Type: livre Thème: disette d'éléments, société post-cataclysmiques 1, la cité foudroyée Auteur: René BARJAVEL Parution: 1943
      Dans un monde uni et feutré dans lequel l’électricité fonde le  "village planétaire"  les villes sont toutes réunies en un tissu urbain, dense vers les centres et lâche vers les axes routiers, mais continu. Au-delà des terrains vagues et des champs en friche, des monorails glissent sans bruit dans l’air conditionné, le métal est remplacé par le plastec, matière universelle qui structure l’architecture des dômes et des cités. Parfois subsistent quelques champs cultivés auxquels "s’accrochent des paysans obstinés. " François Deschamps (remarquons la transparence du nom) arrive à Paris. Il y retrouve Blanche, une amie d’enfance, laquelle, sous le pseudonyme de Régina Vox, est en proie aux assiduités de Jérôme Seita, directeur de Radio 3000. La situation dans les villes avant l’accident se caractérise par une fausse joie de vivre, une abondance, une sécurité, basées sur l’argent et les conventions sociales derrière lesquels prolifèrent toutes sortes d’arrangements économiques douteux.  Puis, c’est la sortie de la civilisation, la " Chute des villes ". L’électricité défaille et disparaît. Est-ce à cause de cet imbécile d’Empereur noir, avec ses fusées ? Qu’importe. Le fait seul compte et les événements dramatiques se suivent en cascade; c’est le schéma classique d’un monde en décomposition:
      " Alors des gens ont crié. Des hommes et des femmes sont tombés. On a marché dessus. Et puis des hommes ont voulu allumer un feu dans une voiture avec des journaux et des morceaux de banquette pour y voir clair (...) et les gens qui étaient serrés autour se sont mis à griller comme des saucisses. "
      D’abord, quelques morts, dus à l’effet de surprise. Ensuite, l’inquiétude et l’angoisse qui pèsent sur les gens, l’impossibilité pour eux de sortir de la ville et la sensation d’être pris comme des rats dans un piège. Enfin, le processus s’emballe et le manque d’eau, les morts en masse déterminent des épidémies. Le vernis culturel se fissure de toutes parts. Il ne subsiste plus que la loi du plus fort.  Dans de telles conditions, pour survivre, il faut savoir s’imposer.  
      François comprend tout cela. Rassemblant autour de lui les éléments d’une petite communauté, il en prendra la tête pour la conduire hors de Sodome foudroyée vers une nouvelle terre promise.  La ville est laissée à sa pourriture et François organise le départ de son groupe qui compte plusieurs femmes. Son but est d’atteindre la Provence, peut-être épargnée par le fléau, en une longue marche. Les valeurs sociales basculent, seule compte la survie du groupe et l’objectif à atteindre. Le groupe affûte ses armes et tue pour se procurer le nécessaire. Sans pitié, une bande rivale, celle du Boucher, est anéantie:
      " François marchait sur la chaussée, à deux mètres environ du trottoir. Il était décidé, sans colère, sans peur. Parvenu à la hauteur de la boucherie, il saisit la lance à pleine poigne, la pointa en avant et s’élança. L’homme eut à peine le temps de le voir venir. Comme il ouvrait la bouche pour crier,  le poignard, enveloppé de papier blanc s’enfonça tout entier entre ses dents et lui ressortit, nu parmi les cheveux. "
      Durant le trajet, François fait preuve de la même violence quand il abattra une sentinelle qui s’était endormie et qui avait mis par cela même, la vie de la petite communauté en péril.  Arrivé en Provence, après avoir combattu mille dangers, François , devenu patriarche du groupe, instaure un nouvel humanisme.  Toute la vie sera désormais axée sur les "vraies" valeurs, soit le travail de la terre et la mise en commun des récoltes. Une société se fonde à partir de ses cent vingt-huit fils,  le patriarche y interdisant toute nouveauté technologique (il fera mettre à mort le Forgeron inventeur d’une machine à vapeur). La nouvelle société écologique reste statique alors que les fils de François et de Blanche essaiment dans toutes les directions.  Finalement, le patriarche mourra, écrasé par la " machine "  inventée par le Forgeron coupable.
      "Ravage" est l’un des romans les plus connus de Barjavel et l’un des plus représentatifs du genre. Bien que les apparentements avec l’oeuvre de Théo Varlet " la Grande Panne " soient patents, le récit est incomparablement mieux écrit, plus dense, plus réaliste. Les personnages principaux, simples mais bien typés, sont peu nombreux. A une intrigue linéaire au temps narratif univoque présentant l’action en trois phases - avant, pendant, après, - l’auteur superpose une morale écologiste avant l’heure, renoue avec le genre utopique et élabore une trajectoire initiatique.  Le périple de François et de son groupe peut se mettre en parallèle avec la fuite d’Egypte du peuple élu sous la conduite de Moïse. L’ensemble des valeurs s’articule autour de l’idée de la mort. François n’accède aux nouvelles valeurs (la Provence) qu’après un cycle d’épreuves (le voyage dans une France ravagée), ayant au préalable écarté la Maya (la Cité radieuse) et vaincu ses peurs (les vampires).
      La mort et la renaissance sont les deux thèmes centraux du roman : mort  glacée des " Conservatoires ", mort hideuse de la décomposition des corps, mort épurée et diaphane des squelettes, renaissance dans la symbolique des travaux de la terre.  Une lecture idéologique du récit fera cependant apparaître ces mêmes valeurs prônées par le Maréchal Pétain dans une France de la collaboration.
      Pourtant, les choses ne sont pas si simples. La question posée par le livre (et à laquelle ne répond pas Barjavel) est la suivante: La stagnation d’une société, donc sa régression,  est-elle préférable au suicide technologique ? La cité de Provence est un avatar moderne de la République de Platon et des phalanstères fouriéristes. Ce qui la caractérise le plus est la mise en commun des fruits de la terre et l’horreur de l’innovation destructrice de l’équilibre social. Dans "Ravage" Barjavel redonne ses lettres de noblesse au roman de science-fiction français en égalant les meilleurs romanciers anglo-saxons du genre. Une oeuvre incontournable.

    8. Type: livre Thème: épidémies Auteur: André CAROFF Parution: 1979
      Garaway,  médecin reconnu en cette année 3000 (qui ressemble comme deux gouttes d’eau à l’année 1979), est confronté à une épidémie de « stépule », maladie infectieuse mortelle, totalisant la somme des microbes pathogènes du passé, qui se communique par le sang et le sperme.
      Or, suite à une contamination de Sunie, son infirmière préférée, par son boy-fiend Bruce, il est de plus en plus réticent à l’idée de faire l’amour avec elle. En compulsant son emploi du temps, il se rend compte qu’elle ne chôme pas en ce domaine puisque, sans s’en rappeler toujours, elle contamine par voie sexuelle de nombreux partenaires, empruntant la voie bien connue du " ping-pong " pour répandre la stépule:
      " A midi, elle était dans les bras d’un directeur de banque dragué dans un aérobus. A 14 heures, elle faisait l’amour avec un jeune garçon de seize ans, dans une cave d’immeuble du quartier ancien de Brooklyn. A 16 heures , un clochard eut la bonne fortune de la posséder sous un pont de l’Hudson. A 17h 30, Sunie capta l’attention d’un policier. Il venait de terminer son service. Il l’entraîna dans une chambre d’hôtel et lui fit l’amour en dix minutes, avec des gestes d’homme habitué à régler la circulation. "
      Tout en la surveillant de près, Garaway échappe à plusieurs tentatives d’assassinat. Un immense doute commence à germer en son esprit: et si la stépule était la manifestation d’une invasion bactérienne à l’encontre de l’espèce humaine? Il observe aussi dans son environnement proche, comme dans la totalité de la ville de New - York, un comportement bizarre des gens qui affichent le signe de la maladie, une couleur rosée qui se répand sur leur poitrine.
      Décidé à chercher du secours - mais où ?- il en apprend plus sur ces bactéries intelligentes par une sorte d’induction télépathique.
      Il s’agit des micro-bulles (c’est le nom de leur espèce) qui reviennent coloniser la terre dont ils étaient exclus depuis longtemps. S’emparant des corps comme véhicules nécessaires, se propageant par les relations sexuelles, ils finissent par former un être collectif dont Garaway est exclu pour le moment. Ils se servent de Sunie comme d’une arme sexuelle pour rendre le médecin inoffensif en l’infectant. Mais Garaway , après avoir tué Sunie - c’est  à dire la colonie qui l’habitait - s’échappe de New - York espérant trouver des hommes sains près de la frontière du Mexique. Malheureusement  pour lui, il se fait piéger par une jeune beauté de quinze ans qui se dit vierge mais qui, elle aussi, est porteuse des bactéries intelligentes.  Toute résistance à leur invasion étant définitivement écartée, les micro-bulles réduisent l’humanité en esclavage.
      Un récit à l’intrigue plate, les seules pages intéressantes étant celles qui relatent l’anxiété du héros solitaire dans une société d’ennemis à son image (ce qui rappelle le livre de Kinney " les Chrysalides " ou le film tiré de celui-ci "l’Invasion des profanateurs de sépultures). Un bon point cependant. Composé en 1979, le roman met l’accent sur le mode de transmission de la maladie " par le sang et le sperme ". N’est-ce pas une belle reconnaissance du sida?

    9. Type: livre Thème: menaces cosmiques, la nouvelle glaciation Auteur: Paul BERNA Parution: 1974
      Sept adolescents défavorisés ou en rupture de ban avec la société,  s’apprêtent à vivre une grande aventure. Le centre d’accueil qui les héberge leur propose une virée à cheval, dans des conditions difficiles, qui devra les amener dans le sud de la France, en Languedoc, par les Cévennes et la Lozère.
      Sous la conduite de Stève, Billie, Josette, Claris, Robin et Christian, ainsi que Raphaël, vont vivre une épopée sans se douter de ce qu’elle leur réserve, au bout d’un trajet à caractère initiatique. Car une comète, appelée Kryla, devrait croiser l’orbite terrestre cet été-là et l’on prédisait de par le monde de fâcheux événements, sans que cela n’entame en rien la détermination de vivre " à la dure " de la part de nos héros. L’ambiance du groupe n’est pas franchement gaie et l’agitation inaccoutumée des automobilistes, lorsqu’ils leur arrivent de couper des nationales, est de mauvais augure. Les gens se déplacent en masse, peut-être effrayés par la comète:
      " l’apparition de Kryla ne justifiait donc qu’à demi la frénésie collective qui s’était emparée des foules citadines, les avait lancées sur les routes, dans toutes les directions . Peut-être fallait-il chercher ailleurs l’origine de ce malaise, dans l’humanité même de cette fin de siècle, d’abord endormie, puis submergée par une vague de progrès qui l’avait dépouillée peu à peu de sa véritable force morale... "
      Nos amis continuent de cheminer ainsi, avec leurs petits soucis personnels, en s’endurcissant au fur et à mesure de leur avancée. Monsieur Anglade, le directeur de leur centre, leur a même préparé une position de repli en faisant appel à l’un de ses vieux amis, Marc Peyrolles, qui habite une ferme isolée près de Mende, l’Hospitalou d’Ajenc, laquelle pourra leur servir de base arrière en cas de problèmes.
      Or, des problèmes, il allait y en avoir! La comète se rapproche et se fait de plus en plus inquiétante: " La tête de Kryla, un noyau d’or entouré d’une chevelure de flammèches et d’aigrettes, touchait déjà un horizon crénelé formé dans le sud-ouest par les montagnes du Quercy et l’arrière-plan plus ténébreux des Pyrénées. Elle déployait en arrière une fantastique écharpe lumineuse qui s’incurvait sous la voûte du firmament, frangée à sa base par des ondulations, des frémissements de draperies multicolores, pourpres, roses, dorées, violettes, ou d’un bleu-vert très délicat, comme celles des grandioses aurores polaires. Tout au bout, ce flamboiement s’effilochait peu à peu en laissant de pâles traînées vaporeuses à travers lesquelles on voyait scintiller de nouveau les constellations. L’extrémité de la queue commençait à se détacher de l’horizon nord-est barré par le massif alpin. La nuit noire, une belle nuit d’été, remontait lentement dans ce coin de ciel. "
      Les gens qu’ils rencontrent deviennent de plus en plus agressifs et ceci les incite à rester sur leurs gardes. Stève finit par convaincre ses compagnons qu’une solution sage, pour résister à une sécheresse de plus en plus forte, serait de faire un arrêt chez Marc Peyrolles. Celui-ci les attend, heureux d’accueillir dans sa solitude des jeunes aussi débrouillards et sympathiques. Il leur fait visiter sa demeure et leur montre les possibilités offertes par des caves et des souterrains jadis utilisés par les templiers. A l’aube du 2 août, date à laquelle la comète se rapproche le plus de l’orbite terrestre, l’ambiance se détériore. L’aube n’est pas celle d’un jour d’été. Soudain, c’est le cataclysme:
      " La coupole jaune recouvrant la terre venait d’éclater comme une bulle au-dessus de l’horizon, dévoilant un pan de ciel très noir, piqueté d’étoiles. Les lèvres de cette plaie béante se distendaient à vue d’oeil, ourlées d’une lumière bouillonnante qui s’effilochait en draperies multicolores, animées d’un mouvement spasmodique. Le froid de l’espace interstellaire se ruait par cette ouverture à la même vitesse que Kryla dans sa course aveugle. "
      La comète, dans sa course, avait arrachée une partie de l’atmosphère terrestre. Le froid mortel de l’espace s’abattit à l’instant sur la Terre, congelant immédiatement l’ensemble du monde vivant. S’étant réfugiés in extremis avec leur hôte au fond des souterrains, descendant de plus en plus bas pour échapper à l’étreinte mortelle du froid, les adolescents survivent. Leur situation apparaît intenable. Par manque de vivres, ils seront obligés de remonter en surface pour y constater un spectacle d’horreur : du ciel totalement noir, même en plein jour, tombe une neige drue qui ensevelit le paysage dans un linceul blanc.
      Lorsque Marc Peyrolles meurt de froid, Steve ne se décourage pas. Meneur naturel, il oblige les autres à quitter l’abri de la ferme, à avancer dans l’obscurité vers le seul salut possible: la direction du sud. S’étant fabriqués des skis, et prenant appui pour dormir dans quelques villages silencieux, ils avancent lentement et s’habituent à l’horreur quotidienne:
      " Ils aperçurent les premiers cadavres à l’entrée de Sainte-Enimie, dans la lueur jaune des falots balancés par les skieurs. Des gens débraillés assis le long du trottoir, écroulés en longue file à la porte d’une épicerie, ou dressés comme des figures de cire derrière une vitrine étoilée de givre, les yeux fixes et la bouche ouverte, pétrifiés sur place dans leur dernière attitude. "
      A un moment donné, ils suivent le couloir des gorges du Tarn dont la route, encombrée de voitures enlisées dans la neige avec leurs cadavres à bord, devient de plus en plus difficile à pratiquer. Stève, après avoir découvert Manuel, un agent d’entretien de la SNCF encore vivant, décide de continuer  la route en déblayant le terrain à l’aide d’un bulldozer remis en état par Manuel. La température augmente au fur et à mesure que les éléments se stabilisent et bien qu’il ne fasse pas encore jour, à la neige succède la pluie. Nouveau péril. Des trombes d’eau s’abattent et, sous peine d’être noyés ou en proie aux épidémies qui ne manqueront pas d’éclater, il leur faut progresser sans trêve. Le bulldozer est bientôt oublié. C’est à pieds, avec leur sac à dos, qu’à bout de force ils continueront leur chemin. A la limite de l’épuisement, ils suivent les traverses du chemin de fer vers Béziers, s’attendant à trouver un climat meilleur dans le sud, vers la mer. Mais à la sortie d’un tunnel,  nouvelle déception. Ils aperçoivent  avec horreur:
      " Une mer couleur de boue dont la surface étincelait faiblement sous le ciel blême. Elle était toute proche et puait horriblement. Ses molles ondulations poussaient un énorme bourrelet d’épaves contre le nouveau rivage. Il pleuvait moins, mais le plafond nuageux restait aussi opaque et la ligne d’horizon à peine visible se perdait dans cette grisaille. On apercevait çà et là des pitons dénudés, quelques villages émergeant comme des îlots, des clochers, des cheminées d’usine qui jalonnaient le territoire englouti et, très loin, les plus hautes maisons d’une grande ville qui semblait perdue au large.
      -C’est Béziers! bégaya Manuel. Et voilà tout ce qui reste du Bas  - Languedoc. "
      La catastrophe est donc universelle. Au moment où ils abandonnent tout espoir, ils rencontrent un groupe de survivants retranchés dans des H.L.M. sous la férule d’un individu qui s’intitule " le général " Caroube et qui compte remettre en route l’embryon de société ainsi constituée en y insufflant les fantasmes d’une organisation sociale fondée sur la loi du chef. Si Manuel consent à rester en ce lieu, Stève et ses compagnons refusent de se plier à une structure féodale. Ils reprennent la route, vers le nord cette fois - ci, et en hauteur, sur les pentes abruptes de la Valdonne, ils espèrent découvrir, maintenant que le temps s’améliore et qu’un bout de ciel gris apparaît, de nouvelles raisons de vivre.  Des idylles se sont nouées entre les garçons et les filles, êtres nouveaux dans un monde nouveau où la vie , malgré tout, persiste:
      " Tu as trouvé quelque chose? dit-il en accourant. Elle écarta l’herbe brûlée et lui montra son trésor : une mince touffe de graminées d’un vert éclatant qui commençait à remonter par-dessous l’humus. Au milieu, le bijou le plus fabuleux du monde : une minuscule fleur rouge à six pétales qui rayonnait faiblement dans le jour gris. "
      " La dernière aube " est un roman pour adolescents ni puéril ni fade. Des caractères trempées, un style sans défaut, une description terrifiante des épreuves qui attendent les héros, font de ce roman une oeuvre rivalisant avec les plus grandes du genre.

    10. Type: livre Thème: la cité foudroyée, menaces idéologiques, épidémies Auteur: Bruno JASIENSKI Parution: 1929
      Dans le monde ouvrier impitoyable de l’entre-deux guerres, Pierre se fait licencier sans espoir de retrouver du travail. Partageant la vie des sans-abris, il aperçoit les lumières de la ville comme un rêve perdu, et surtout Catherine, sa fiancée, sa promise, sortant d’un bouge, aux bras d’un gros richard. Fou de douleur, il en conçoit une haine terrible envers l’humanité qu’un ancien ami, venu juste à propos, lui permettra de réaliser. Prenant pitié de sa situation, Bernard, qui travaille à l’Institut, lui montre toutes sortes de  préparations biologiques mortifères dont le dosage minimum n’a d’égal que la capacité de nuisance :
      " Ici, dans ce verre qui ne paie pas de mine, nous avons un jardin d’acclimatation unique en son genre : toutes les épidémies terrestres. Dans cette éprouvette, à gauche, la scarlatine ; dans celle-ci, le tétanos ; à côté la fièvre typhoïde ; dans la suivante, le choléra. Hein, c’est pas mal comme collection ? Tu vois là, à droite, ces deux éprouvettes à liquide blanchâtre et trouble ? C’est la préférée de notre assistant – la peste (…) Les bacilles sont forts comme des éléphants ; (…) Représente-toi ça, si on lâchait toute cette horde pour une petite promenade en ville ! Il n’en resterait pas lourd, hein, de notre Paris !
      Profitant d’un moment d’inattention de Bernard, Pierre s’empare des tubes pestifères qu’il videra dans l’un des réservoirs d’eau potable de la ville de Paris :
      " Alors Pierre retira de sa poche deux petites éprouvettes. Il les examina attentivement. Un liquide blanchâtre et trouble les remplissait. Pierre les secoua légèrement devant la lampe. Ensuite, les éprouvettes dans une main, il s’approcha de la grande pompe centrifuge actionnée par un moteur Diesel. (…) Alors, avec la grosse clef, il se mit à ouvrir le robinet de l’entonnoir de la pompe. (…) Les deux éprouvettes débouchées, il versa lentement leur contenu dans la gorge de l’entonnoir, qui haletait lourdement. "
      Quelques heures plus tard, l’on emmène le premier pestiféré moribond à l’hôpital,  puis, la ville, prise de frénésie, constate une augmentation exponentielle du nombre de ses morts :
      " Des  milliers de robinets, comme des veines ouvertes de Paris, coulait avec bruit l’eau glacée et limpide et la ville, sans force, pâlissait de chaleur et de faiblesse. La première ambulance fut aperçue à dix heures du soir sur la place de l’Hôtel-de-Ville. (…) Le jour se leva suffocant et blafard : les magasins restaient fermés. Sur la chaussée, comme dispersées par la panique, des chaises traînaient. Les lampions se balançaient dans les rues désertes, comme des bulles gazeuses sur un marécage stagnant. La plupart des journaux ne parurent pas. Radio-Paris annonçait qu’à midi on avait enregistré 160.000 cas mortels. "
      En quelques jours, l’univers parisien se modifie profondément avec des services administratifs et policiers  totalement désorganisés.
      Le moment est venu pour le jeune Chinois P’an Tsiang Koueï d’imposer une nouvelle loi. Ayant vécu une enfance misérable de coolie à Pékin, il a pu acquérir un niveau de connaissances qui lui a permis de connaître le sens du mot "exploitation. ". Devenu leader ouvrier reconnu dans son pays, la peste le surprend pendant qu’il étudie à Paris. Ayant déjà tissé ses réseaux et devant la faiblesse de la ville, il décrète que le Quartier latin deviendrait zone chinoise d’où serait exclue les Blancs sous peine de mort :
      " le 30 juillet, Radio-Paris diffusa une nouvelle stupéfiante : dans la nuit du 29 au 30, les jaunes du Quartier Latin avaient fait un véritable coup d’Etat. Ils avaient chassé tous les blancs sur la rive droite et proclamé une république autonome des jaunes. (…) Le gouvernement provisoire déclarait, au nom de tous les jaunes, que sur le territoire de la nouvelle république, dans le but de lutter contre l‘épidémie des Européens, aucun blanc ne serait toléré et serait passé par les armes dès sa capture. (…)
      Suivait un court appel aux jaunes, dans lequel le gouvernement leur confiait les bibliothèques et les musées, trésors inestimables de la culture européenne que l’on devait conserver intact pour les générations futures. Les proclamations étaient signées au nom du gouvernement provisoire par P’an Tsiang-koueï. "
      Suivi aussitôt par le rabbin Eel-Zéar ben Tsui qui y voit l’opportunité pour lui et ses concitoyens juifs de se faire une place au soleil. Ainsi la zone de l’Hôtel de Ville devint zone juive dont l’entrée était sévèrement contrôlée. M. David Lingslay, le grand capitaliste américain en déplacement d’affaires s’était bêtement fait piéger au moment où la ville fut déclarée en quarantaine. Comme il lui était impossible de partir, il en profita pour rendre des visites régulières à sa maîtresse parisienne qui, au bout du compte, l’infectera, l’obligeant à réviser ses valeurs de vie.
      L’occasion fut splendide pour les Russes exilés à Paris, en la personne de Solomine, un ancien chauffeur de taxi, de prendre le pouvoir sous le sobriquet de "Capitaine Solomine." Avec les siens, il tiendra une autre partie de la capitale, exigeant des royalistes de la rue de Grenelle qui ont décrété le royaume de France retrouvé, la remise de leurs prisonniers soviétiques aux Russes installés dans un édifice du Faubourg St Germain. Mais c’est autour des Buttes-Chaumont que la peste fit surgir les camarades prolétaires de la République de Belleville menée de main de maître par les camarades Laval et Lecoq :
      " le 4 août, les ouvriers des quartiers de Belleville et de Ménilmontant, poussés par la nécessité impérieuse de s’emparer de la totalité des biens indispensables à leur vie, glissant entre leurs doigts, déclarèrent leur territoire république autonome soviétique. Les soldats passèrent de leur côté. En réponse, en signe de protestation, dans la même journée les camelots du roi avec l’aide de la population catholique du faubourg Saint-Germain prirent le pouvoir sur la rive gauche, des Invalides au Champ-de-Mars, en proclamant le rétablissement de la monarchie."
      Quoique bien structurés, les prolétaires meurent de faim, enfermés dans leur quartier. Le camarade Lecoq suggère un audacieux coup de main pour s’emparer des stocks de farine situés en aval de la Seine. Avec deux péniches,  il s’approche, rompant la quarantaine, des moulins du village de Tansorel. L’aller fut un jeu d’enfants, le retour un cauchemar, sous les bombardements et les tirs russes.
      Paris continuant de mourir, le destin de chacun fut bientôt écrit. T’san Tian, qui faisait fusiller à tour de bras les ennemis de la révolution chinoise fut contaminé intentionnellement par un étudiant dont la femme n’avait pas trouvé grâce aux yeux du tyran. Les Juifs, ayant eu vent de la présence de David Lindslay, établirent avec lui un compromis : ils l’emmèneraient  avec eux aux USA à condition qu’il établisse les contacts nécessaires leur permettant d’arriver à bon port. Il accepta mais, pris de remords et pour ne pas contaminer à son tour les Etats-Unis, il trahit les Juifs en donnant aux autorités américaines toutes les indications qui leur permirent d’envoyer le navire des immigrants par le fond.
      Solomine  fut tué dans une rixe. La peste poursuivit son œuvre de désertification dans Paris, puis s’arrêta faute de combustible. Elle avait épargné les prisonniers, les malfrats, les bagnards au fond de leurs geôles. Rendus à la rue, ils constatèrent leur bonheur. Avec des mots simples, empreints de bon sens, ils décidèrent tous de garder Paris isolé du reste du monde et d’y fonder la première Commune Libre du Premier Gouvernement mondial. Ils prospérèrent, veillant scrupuleusement à maintenir le silence radio, se nourrissant avec simplicité des produits agricoles cultivés dans la ville même. Paris devint la parfaite société utopique et égalitaire rêvée par les philosophes du XIXème siècle :
      " Là où auparavant s’étendait la nappe lisse de l’asphalte, de la Chambre des députés à la Madeleine, et des Champs-Elysées aux Tuileries, au souffle léger de la brise, se balançaient les épis d’un champ de blé. Des hommes aux larges épaules, hâlés, vêtus de blanc, moissonnaient. Des hommes et des femmes, aussi légèrement vêtus, glanaient et chargeaient des camions de gerbes d’or. A l’extrémité du champ des femmes allaitaient des enfants. (…) Là où auparavant s’étendait le Luxembourg, des carrés de choux-fleurs blanchissaient au soleil, et un jardin potager immense étalait ses quadrilatères. "
      Le pot aux roses fut découvert par un avion étranger qui survola la capitale par hasard. Mais il était déjà trop tard. Le puissant appel révolutionnaire issu de Paris, courant de ville en ville, fit rapidement des émules en Europe où s’instaurèrent de nouvelles formes de gouvernement basés sur le respect de la personne humaine..
      " Je brûle Paris " est une fable utopique dans laquelle un  temps de purification  précède nécessairement la mise en place d’une société nouvelle. Un style métaphorique, des destinées individuelles qui se fondent dans l’aventure collective, rendent ce roman encore lisible de nos jours. La preuve en est qu’il a été récemment réédité.

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