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  • 711 livres

    1. Type: livre Thème: invasions extraterrestres, la cité foudroyée, savants fous et maîtres du monde Auteur: Léon GROC Parution: 1930
      Jean Brissot, astronome-adjoint à l’observatoire de Paris, contemple avec Edwige Frandt, laborantine, une éclipse de soleil, lorsqu’un petit météorite tomba à ses pieds. Il le ramasse pour l’étudier ultérieurement. Plus tard, chez lui, il constatera une brûlure sur sa peau à l’endroit  où il avait glissé la pierre. Il la déposera finalement dans un tiroir. Robert Persan, journaliste, également présent sur les lieux, enquêtera sur la disparition de Melle Frandt.  
      Celle-ci a disparu pendant que d’autres faits non moins mystérieux se déroulent conjointement. A  savoir : un nommé Lisbourdin est trouvé assassiné chez lui. Son secrétaire, Rosario, s’est volatilisé. Les traces de mademoiselle Frandt, qui est aussi en relations étroites avec Lisbourdin, s’arrêtent chez la vieille Hilda, tenancière de la pension de famille Jembut. Ramire, le policier, Persan et Brissot cherchent,  L’un mû par son zèle policier, l’autre par son zèle journalistique, le troisième par son zèle amoureux.
      Peu de temps après, la pension Jembut s’écroule après que les murs se soient lézardés, entraînant la vieille Hilde dans la mort. Celle-ci n’est pas si innocente que cela finalement, puisqu’elle a appris à Persan la culpabilité probable d’Edwige dans le crime de Lisbourdin.
      Le journaliste reconnaît qu’au cœur du problème se situeraient certainement les " trois pierres de lune " tombées du ciel. La première se trouve chez Brissot, la deuxième aurait été volée à Lisbourdin par Melle Frandt, la troisième serait en possession de Rosario qui, lui aussi, a disparu.
      Ces pierres donnent, à elles trois,  un " Sélénite ", c’est à dire un minéral vivant dont la radioactivité naturelle perturbe le fonctionnement de la vie terrestre. Les cirques présents en abondance sur la Lune ne seraient que les images de " cités de Sélénites " qui auraient détruit toute vie autour d’eux. Les Sélénites seraient donc  capables, à condition d’être plus nombreux, d’éradiquer toute vie sur Terre.
      Quant aux trois tiers de Sélénites (les pierres ramassées) tombées sur le sol terrien, leur seule présence cause déjà des dommages irréversibles. Toutes les trois réunies, elles seraient invincibles. C’est le but que poursuit Rosario qui souhaite imposer un nouvel ordre moral à la terre. Sachant que Persan, Brissot et Ramire sont des ennemis irréductibles, il les poursuit de sa haine. Avec le Sélénite, il fait s’écrouler les immeubles à Paris et perturbe gravement la géographie de la cité. Les Parisiens, inquiets, quittent la capitale :
      " Paris tout entier fut étreint par l’épouvante. Tous ceux de ses habitants qui purent s’enfuir le firent aussitôt. Les trains furent envahis comme à l’époque des grandes vacances. Les portes de la ville virent passer d’innombrables autos, des bicyclettes, des attelages même, et jusqu’à d’antiques véhicules – tapissières et chars à bancs – que l’on eut dit échappés d’un musée rétrospectif. "
      Rosario fuit vers son repaire, un nid d’aigle aménagé au sommet des Alpes. Il envisage de faire s’écrouler les Alpes autour de lui, d’assécher la terre comme l’a été jadis la Lune, à l’aide de nombreux Sélénites dont il attend incessamment une pluie.
      Mais le plan échoue. D’abord, parce que nos héros mettent la main sur Rosario, ensuite, parce que Melle Frandt, définitivement passée dans le camp des méchants, ne pardonne pas à Rosario d’avoir voulu tuer Persan. Brissot, lui, est guéri de son amour envers Melle Frandt, grâce à Yvette une de ses anciennes élèves, qu’il rencontre dans la région alpestre. Habituée à l’alpinisme, c’est elle qui guidera Brissot vers le repaire de Rosario.
      Devenue subitement folle, Melle Frandt sera éliminée par Rosario qui, se sentant perdu, se suicidera. Pour pallier la menace représentée par le Sélénite, Brissot le scellera dans du plomb et l’immergera dans un lac de montagne. Puisque la menace de l’invasion de Sélénites a enfin disparu, Brissot épouse Yvette, Persan rentre dans les Ordres, et Ramire enquêtera sur d’autres crânes défoncés.
      Un ouvrage daté, plus proche de l’enquête policière que de la science-fiction, dont la logique interne laisse à désirer. Avec des personnages typifiés, Groc semble avancer dans le récit en inventant au fur et à mesure les péripéties, ce qui donne un aspect décousu à l’intrigue

    2. Type: livre Thème: le dernier homme, fins du monde, fins de l'humanité, l’entropie progresse… Auteur: Cousin de GRAINVILLE Parution: 1805
      Dans les ruines de l’antique Palmyre, le narrateur rencontre un esprit céleste qui lui conte les destinées d’Omégare et de Sydérie, le dernier homme et la dernière femme.  Dans sa vision, il aperçoit l’ange Ituriel rencontrer un Adam vieilli à qui il fait voir une terre proche de sa fin. Adam en est stupéfait et attristé :
      " Il se lève promptement, et jette autour de lui ses regards avides. Le soleil commençait sa carrière. De quel étonnement le père des humains est frappé, lorsqu’il voit les plaines et les montagnes dépouillés de verdure, stériles et nues comme un rocher ; les arbres dégénérés et couverts d’une écorce blanchâtre, le soleil, dont la lumière était affaiblie, jeter sur ces objets un jour pâle et lugubre. Ce n’était point l’hiver et ses frimas qui répandaient cette horreur sur la nature. Jusque dans cette saison cruelle, elle conservait une beauté mâle, et cette vigueur qui promet une fécondité prochaine, mais la terre avait subi la commune destinée. Après avoir lutté pendant des siècles contre les efforts du temps et des hommes qui l’avaient épuisée, elle portait les tristes marques de sa caducité. "
      Puis, il l’emmène en terre de France auprès d’Omégare où il aura pour mission de lui annoncer  la fin de toutes choses puisqu’il est désormais interdit au dernier homme d’enfanter avec Sydérie, la dernière femme.  Adam, en la voyant, est tout ému :
      " Pendant cet entretien, le père des hommes avait jeté les yeux sur Syderie. Les charmes de sa figure, sa modeste retenue, ses cheveux blonds qui flottaient sur ses épaules, la noblesse de sa taille légère et majestueuse, lui rappelaient une épouse chérie dont il ignorait le sort dans le séjour des ombres. Eve avait, comme Syderie, la fraîcheur du printemps de l’âge, et surtout la même pudeur aimable et touchante, lorsqu’à son réveil Adam la vit à ses côtés pour la première fois. Cet heureux instant se retrace à sa pensée avec des douleurs vives. Il s’attendrit et verse des pleurs. "
      Omégare évoque son enfance en un passé lointain où déjà la terre était frappée à mort et où régnait la stérilité des femmes:
      " Lorsque je vis le jour, l’hymen depuis vingt ans n’était plus fécond. Les hommes avançant tristement vers le terme de leur course, sans être suivis d’une jeune postérité qui dut les remplacer, pensaient que la terre allait perdre en eux ses derniers habitants. Ma naissance fut un phénomène qui causa leur surprise et les transporta de leur joie : ils la célébrèrent par des fêtes. On dit que des femmes accoururent des extrémités de l’Europe pour voir l’homme enfant : c’est ainsi qu’elles me nommèrent. Mon père me prit dans ses bras, et s’écria : le genre humain vit encore ! ô Dieu ! dit-il en m’offrant à l’Eternel, est-ce une erreur qui m’abuse ? cet enfant sera le père d’une race nouvelle. Ce n’est point à moi que tu l’as donné, mais à la terre, mais au monde, dont il devient l’unique espérance ; conserve ses jours, il est à toi, je te consacre mon fils. "
      Pourtant, le génie de la terre, qui vit au plus profond du feu central, s’élève contre la décision divine car il ne veut pas mourir. Contactant Omégare, il le supplie de faire un enfant à Sydérie afin d’assurer sa descendance et de permettre le renouvellement de la vie :
      " Il n’est plus qu’une seule femme et toi qui pouvez aujourd’hui perpétuer la race des humains. Qu’elle périsse ou que tu meures, la terre va se dissoudre, rentrer dans le chaos , et je suis anéanti pour jamais. Le danger est extrême depuis que les hommes devenus stériles ne donnent plus à la mort de continuelles victimes, sa voracité n’est pas seulement une faim cruelle, elle se jette sur tous les êtres vivants. Cependant si tu pouvais échapper à ses coups, et t’unir par les liens de l’hyménée à la seule femme qui le rendra fécond, tu reculerais le moment de ma perte ; non que je mette un grand prix à quelques jours d’existence, je saurai mourir avec courage ; j’ai reçu des hommes cette leçon si difficile à donner. Mais je suis instruit que l’astre qui doit rallumer les soleils près de s’éteindre descendra bientôt sur notre sphère pour rendre à l’astre du jour sa chaleur et son premier éclat. Alors si la terre n’était pas détruite, elle se ranimerait aux feux nouveaux du soleil, elle se dépouillerait des vêtements de sa vieillesse pour reprendre sa robe brillante du printemps. "
      Il lui enjoint de gagner Rouen en Normandie pour rencontrer Idamas qui saura le guider. En cours de route, Omégare fait la connaissance de Policlète habitant une ville immense et vide. Avec Céphise sa compagne, ils se souvenaient de lui :
      " Quoi me dit Céphise, vous seriez cet enfant que j’ai vu : j’avais alors vingt ans. Heureux jours qui sont toujours présents à ma mémoire ! Ma mère me conduisit aux fêtes qu’on célébra pour votre naissance. Vous deviez être, disait-on, le sauveur du monde, la tige d’une race nouvelle."
      Omégare, poursuivant  son voyage vers Rouen, rencontre aussi Palémos, envoyé au-devant de lui par Idamas. Il lui dit que ce grand homme ne pouvait se résigner à voir la terre mourir, surtout en se rappelant sa grandeur passée, et qu’il s’était donné pour mission d’acheminer Omégare auprès de Sydérie, en une terre lointaine, à l’aide d’un immense navire aérien :
      " La capitale de la Normandie avait été longtemps un des lieux les plus célèbres d’où partaient les vaisseaux aériens. Il restait encore, dans les magasins nombreux de cette ville, des urnes pleines de ces esprits volatils qui, plus puissants que la voile et plus vite que les ailes des oiseaux, élevaient l’homme au-dessus des nuages. Idamas avait déjà transporté ces urnes sur la place. Déjà l’air subtil qu’elles renfermaient coulait à grands flots dans les flancs du globe qui s’agitait, impatient de s’élancer dans les airs. Je considérais d’un œil avide et curieux un spectacle si nouveau pour ma jeunesse. Le globe surtout fixa tous mes regards. Sur la poupe du vaisseau, ces mots étaient écrits en lettres d’or, «j’ai fait le tour du monde». Sur les côtés étaient peints divers événements dont l’imitation était si parfaite, que tous les personnages semblaient vivre et respirer. Ici l’on voyait de hardis navigateurs franchir les mers australes par la route des airs, descendre sur des montagnes inaccessibles, sur des plages où l’homme n’avait jamais imprimé ses pas, et terminer la conquête de l’univers. Là d’affreux tremblements de terre qui répandaient au loin la terreur, renversaient les villes sur leurs fondements écroulés. Des abîmes s’ouvraient de toutes parts pour engloutir les hommes ; mais ils fuyaient, dans les airs paisibles, la terre irritée. On voyait vers le centre le ciel obscurci par des légions de vaisseaux armés qui se faisaient la guerre. Rien n’était plus terrible que ce spectacle. Les oiseaux épouvantés avaient pris la fuite. Seuls maîtres du champ de bataille, les combattants s’approchaient les uns des autres armés de faux étincelantes pour couper la corde qui tenait les nacelles suspendues, ou, plus perfides, perçaient le globe par le secours de la flèche aiguë, ou du plomb rapide. Les soldats tombaient par milliers comme précipités du ciel par la foudre. Leur sang rougissait la douce verdure des arbres. Leurs membres épars et palpitants couvraient les campagnes et les toits du tranquille laboureur. "
      Avec Idamas et ses compagnons ils s’embarquent à destination du Brésil, chez les Américains, toujours à la recherche de Sydérie. Du haut des airs, Omégare put observer à loisir les bouleversements géographiques de l’antique Europe :
      " Il nous montre dans le nord la place où fut l’Angleterre, et que l’Océan avait engloutie. Sur la gauche, il nous fait remarquer l’ancienne Hibérie, où le fils d’Alcmène crut poser les dernières colonnes de la terre ; mais il peut à peine nous indiquer ces objets, qui ne font que paraître et s’évanouir. "
      Le temps s’allongeant dans le vaisseau aérien, Idamas en profite pour raconter au dernier homme l’histoire des siècles passés et notamment la lutte âpre et gigantesque de Philantor, l’homme qui voulut s’opposer à la décadence. Ce grand savant découvrit le moyen d’allonger la vie humaine et de rajeunir les vieillards. Mais il craignit, en révélant son secret, de livrer la terre à la surpopulation et l’anéantir à coup sûr :
      " L’espace de la vie humaine fut réglé par l’Eternel, sur la grandeur du globe et la fécondité de ses habitants ; que si cet ordre était troublé, si les hommes multipliaient leur jeunesse, la terre ne pourrait plus porter leurs enfants trop nombreux, qui s’égorgeraient pour le seul intérêt de vivre. "
      Lui seul absorbera le sérum de longévité. Il put ainsi combattre la décrépitude, après s’être longuement retiré dans son temple, dans l’île de la Sérénité. Le temps passe :
      " La terre parvenue à ce haut degré de gloire et de bonheur, éprouva le sort des hommes. Ont-ils atteint la perfection de l’esprit et du corps, le feu qui les animait s’affaiblit. Bientôt succèdent les glaces de la vieillesse et de la mort. Ainsi la terre couverte de la population la plus heureuse, redevenue un second Eden, commença par perdre sa fécondité. L’homme effrayé ne songea plus qu’à sauver sa demeure d’une ruine prochaine. Il porta si loin les efforts de l’art, qu’il sut rassembler la chaleur éparse dans les airs, la concentrer sur les terrains refroidis, qu’il sut ressusciter la vigueur des terres épuisées, et féconder la poussière. Cette lutte de l’art contre les ravages du temps et de la mort, eût peut-être prolongé les jours de la terre, si le plus terrible des événements n’eût pas découragé les hommes et rendu tous leurs efforts inutiles. "
      Les hommes mêmes retombent dans leurs ornières habituelles, l’agressivité et la haine refont leur apparition :
      " Les hommes tombèrent dans le découragement en voyant des champs baignés de leurs sueurs refuser de produire la ronce stérile ; les uns furieux brisaient les instruments de l’agriculture, les autres désespérés invoquaient la mort. Alors les hommes commencèrent à se regarder d’un œil ennemi. Les lois ne pouvaient plus arrêter le meurtre et le brigandage. On dit même que plusieurs chefs liés par des serments exécrables, formèrent le projet atroce d’exterminer une portion du genre humain ; les poignards étaient prêts ; la nuit qui devait couvrir de son ombre cet horrible massacre, était sur le point d’éclore. "
      La lune elle-même, à l’agonie, disparaît du ciel :
      " La nature entière, les airs et les nuages, les plantes, les animaux et les hommes paraissaient enflammés. On crut qu’un nouveau soleil allait monter sur l’horizon, ou que le jour de l’embrasement universel était arrivé. C’étaient les approches de la lune qui causaient ce spectacle terrible. Elle se lève, sanglante, avec la forme d’une large bouche ouverte d’où jaillissaient sans cesse des torrents de feu.  A cette vue, les animaux épouvantés poussent des hurlements affreux, tous les peuples tremblants attendent la mort, et se jettent le visage contre terre "
      Heureusement, un autre grand homme, Ormus, de la race des conquérants, prend la suite de Philantor. Par une série de travaux gigantesques, il espère ralentir la décadence de la terre :
      " Les peuples croient aux paroles d’Ormus. A force de travaux, ils détournent le Rhône, la Seine, le Danube, le  Gange, l’Indus, le Tanaïs ; ils apprennent à tous les fleuves à couler dans des canaux creusés par leurs mains, et cultivent aussitôt la terre qu’ils ont abandonnée. Les moissons dorées revinrent égayer les yeux de l’homme, et les peuples comblèrent Ormus de leurs bénédictions. C’est alors qu’encouragés par ces témoignages de la reconnaissance publique, ce grand homme osa publier un projet plus vaste, et si hardi qu’il étonne encore mon esprit. Ce n’est point assez, leur dit-il, d’avoir changé les fleuves, les étangs, les lacs en des campagnes fertiles. Vous avez besoin de plus grandes ressources ; je vous ai promis un nouvel univers ; je viens vous le donner. Faites avec moi la conquête de l’Océan ; repoussons loin de nous ses ondes. (…)
      Combien de fois des princes n’ont-ils pas resserré le lit de la mer pour agrandir leurs Etats, sans que le ciel ait vengé cette usurpation. Ah ! bien loin de craindre son courroux, je pense au contraire qu’il va seconder nos efforts, et que c’est lui peut-être qui m’inspire ce projet, pour conserver le genre humain dont il ne veut pas la ruine. Enfin la terre vous appartient ; vous l’avez reçue de Dieu ; c’est un présent de sa main céleste ; vous pouvez pour vos besoins et vos plaisirs, abattre des montagnes, combler des vallées, creuser les entrailles du globe ; vous venez de changer le cours des fleuves. Chassez, si vous le pouvez, l’océan de son lit : il est comme les fleuves, sous votre domination, et créez-vous un monde nouveau sur les débris de l’ancien. "
      Pour échapper aux deux grands fléaux qui malgré tous ses efforts continuaient de menacer la vie, à savoir, la stérilité de plus en plus manifeste de l’espèce humaine et le refroidissement du soleil, Ormus se réfugie au Brésil dans la Cité du Soleil :
      " L’hymen devint stérile ; à peine une grande ville donnait le jour à dix enfants dans une année, les peuples commençaient à murmurer contre Ormus. Nous manquons de postérité, disaient-ils, les enfants qui doivent nous succéder ne seront point assez nombreux pour se nuire. Qu’avons-nous besoin d’un nouvel univers que nous ne pourrons pas peupler !(…) Ormus n’eut pas besoin d’apaiser ces murmures, l’événement le plus imprévu suspendit dans un instant tous les travaux, et les arrêta pour jamais. Le soleil donna tout-à-coup des signes de vieillesse, son front pâlit et ses rayons se refroidirent. Le nord de la terre craignit de périr, ses habitants se hâtèrent de quitter des climats dont la froidure augmentait de jour en jour, ils emportent leurs richesses, et courent à la zone torride se presser sous les regards du soleil. "
      Cest dans cette même cité qu’atterrissent enfin Omégare et Idamas. Acueillis froidement par Eupolis, Idamas dut lui expliquer le sens de la prophétie pour qu’Eupolis conduise les Français vers Aglaure, le chef de la nation brésilienne. Celui-ci se réjouit avec son peuple de l’attente que suscite la présence d’Omégare dans la Cité du Soleil.
      De partout affluent les jeunes Américaines dans l’espoir d’être choisies par Omégare pour épouse. Le génie de la terre lui-même presse Idamas de dévoiler l’identité de la promise d’Omégare car le temps presse. C’est avec l’aide de la Nature, sous les traits d’une merveilleuse jeune fille, et celle d’Eve comme marraine, que Sydérie devient officiellement la jeune promise. Omégare est sous son charme, attendant avec impatience le jour où, le peuple du Brésil étant réuni, on lui accorderait Sydérie pour épouse. Ce jour arrivé, comme elle était resplendissante, au milieu des autres jeunes filles! :
      « Sydérie était la seule qui possédait la flamme des passions; elle ne pouvait la retenir cachée ; l’incarnat le plus vif colore ses joues ; elle pousse des soupirs involontaires ; sa respiration est forte et rapide, des éclairs jaillissent de ses longues paupières abaissées. »
      Son émotion est telle qu’à la vue d’Omégare, elle s’évanouit. Forestan, son père, qui descend de la race forte des Tupiques, la plus ancienne du globe à la vigueur originelle, s’élance à son secours. Ormus, exilé dans les ruines de Carthagène, sera pressenti pour bénir leur union. Eupolis part à sa recherche, il l’aperçoit :
      « Assis sur les restes d’un amphithéâtre. A ses pieds des colonnes brisées, des statues mutilées sont confusément éparses. A ses côtés et sur  sa tête, sont amoncelés, les uns sur les autres, d’énormes débris de rempart, de temples, de palais qui forment des masses effrayantes que l’œil ose à peine regarder. »
      Coup de théâtre : Ormus n’est pas d’accord pour sceller cette union car elle serait un prélude à la fin du monde. Passant outre la funeste interdiction, Omégare et Sydérie s’unissent, sans toutefois consommer. Devant le danger de voir tout périr, Eupolis donne un seul ordre : il faut éloigner Sydérie d’Omégare  qui sera enfermé dans une haute tour. Tandis qu’Ormus réclame la tête du dernier homme, Forestan fait s’enfuir le couple en direction de l’Europe où ils vivront dans une grotte en attendant des jours meilleurs. Mais toujours Sydérie se refuse à Omégare qui n’en comprend pas la raison. Elle est prête à mourir si le jeune homme la touche. Le trop-plein d’énergie dont fait preuve Omégare le force à adopter toutes les postures du jeune romantique à la Chateaubriand:
      « Dès que l’aurore éclaircissait les ombres de la nuit, je fuyais loin de ma demeure, je m’enfonçais dans les forêts, je gravissais les plus hautes montagnes ; je ne revenais qu’après que la fatigue m’avait épuisé. Ce fut par ces efforts magnanimes, que je domptais la plus terrible des passions. Ainsi la main qui veut soumettre un coursier rebelle, le lance sur les sillons que le soc de la charrue a profondément tracés ; il se consume en efforts laborieux, bientôt il blanchit le mors de son écume, la sueur ruisselle le long de ses membres affaiblis, et sa fougueuse ardeur s’amortit. »
      Finalement, l’ombre de Forestan viendra à son secours Il  inspire à Omégare des songes d’un futur fécond et heureux,  et à Sydérie, plus prosaïquement, des scènes peintes décrivant l’acte de chair :
      « Si ta pudeur n’ose lui répéter mes ordres, va dans le temple de ce palais ; tu trouveras deux tableaux sous l’autel qui regarde l’orient : expose-les à ses regards. A cette vue, il sentira ses désirs se rallumer, et les tiens lui seront connus. A ces mots, l’ombre de Forestan se précipite dans le sein de la terre, et disparaît. »
      Heureusement, Adam, envoyé in extremis par Dieu, sauve Omégar de la folie. L’entraînant loin de Sydérie, vers Paris, il lui raconte comment le génie de la terre, empruntant les oripeaux de tous les personnages précédents, a berné le couple. Dieu ne veut pas de postérité ; elle ne pourrait être qu’une caricature d’humanité dans un monde en perdition :
      « Au même instant Dieu permet que le tableau  de sa postérité se déploie à ses regards. Il découvre dans une plaine aride, sous un ciel ténébreux, ses enfants d’une forme hideuse, aussi cruels que difformes, se faisant une guerre atroce et perpétuelle ; il les voit assis autour de tables ensanglantées, couvertes des membres de leurs frères, dont ils se disputaient les lambeaux palpitants qu’ils dévoraient.»
      D’ailleurs, les prémisses deviennent de plus en plus évidentes :
      « Déjà des présages terribles l’annoncent. Du fond des cavernes et des antres, il sort des sons lamentables et plaintifs : on entend dans les airs des voix nombreuses qui gémissent ; toutes les feuilles des forêts s’agitent d’elles-mêmes ; les animaux épouvantés poussent des hurlements, prennent la fuite et se jettent dans des précipices. Les cloches ébranlées par une force inconnue, répandent au loin les accents lugubres de la mort : on dirait qu’elles sonnent le trépas du genre humain. Les montagnes s’ouvrent et vomissent des tourbillons de flamme et de fumée. Les flots de l’océan deviennent livides, et sans être soulevés par les vents et les tempêtes, ils mugissent, ils se brisent avec fureur contre les rivages, en roulant des cadavres. Toutes les comètes qui, depuis la création, avaient effrayé les hommes, se rapprochent de la terre et rougissent le ciel de leurs chevelures épouvantables ; le soleil pleure, son disque est couvert de larmes de sang. »
      La ville de Paris elle-même s’est effondrée et a disparu de la surface de la terre, seule subsiste la statue de l’empereur Napoléon:
      « Paris n’était plus : la Seine ne coulait point au milieu de ses murs ; ses jardins, ses temples, son Louvre ont disparu. D’un si grand nombre d’édifices qui couvraient son sein, il n’y reste pas une chétive cabane où puisse reposer un être vivant. Ce lieu n’est qu’un désert, un vaste champ de poussière, le séjour de la mort et du silence. Omégare jette les yeux sur cette triste étendue, et n’y voyant que des cendres entassées, il dit tout ému : Sont-ce là les restes de cette ville superbe dont les moindres mouvements agitaient les deux Mondes ? Je n’y trouve pas une ruine, une seule pierre sur laquelle je puisse verser mes larmes ; et moi je craindrais de voir périr la terre, ce tombeau de l’homme et de ses établissements !
      Tandis qu’il marche enseveli dans ces pensées, il découvre au loin une statue échappée à ses regards. Omégare se demande par quel prodige elle survit entière à tant de monuments plus durables qu’elle, et dont les ruines même ont péri. La route qu’il suivait le conduisait à ses pieds ; il s’en approche, il la contemple ; il juge, aux divers attributs qui la décorent, qu’elle représente un ancien souverain des Français. »
      Le dernier jour de la terre vient de débuter. Omégare cessera de lutter contre la volonté de Dieu. Le sort de Sydérie, séparé de son amour, n’est pas plus enviable. Bien que tentant de retrouver sa trace à Paris, elle connaîtra bientôt sa dernière heure. Dieu, pour adoucir sa peine lui fera voir en une ultime vision , comme pour Omégare, le jugement dernier :
      « Il voit que Syderie ne survivra point à la fuite d’Omégare, et que la seule femme féconde parmi les hommes va périr. Libre de ses promesses et des lois qu’il s’imposa, Dieu donne le premier signal de la résurrection des morts. Les cieux y répondent par des cris d’allégresse ; les enfers en frémissent ; ses habitants s’enfoncent dans les flammes pour s’y cacher. Des anges placés aux pieds du trône de Dieu, sonnent les trompettes du dernier jour, dont les éclats sont entendus jusqu’aux limites de l’univers.
      Aussitôt les corps qui recèlent des substances de l’homme, se hâtent de les rendre. Au nord, la glace se rompt pour leur donner un passage. Sous les tropiques, l’océan bouillonne et les vomit sur ses rives. Ils sortent des tombeaux qui s’ouvrent, des arbres qui se fendent, des rochers qui se brisent, des édifices qui s’écroulent. La terre est un volcan immense d’où, par un nombre infini de bouches, s’élancent des ossements et des cendres.
      A l’aspect des tombeaux ouverts, des ossements sortis des entrailles de la terre, des cendres humaines éparses dans les airs, Omégare est oppressé de terreur ; ses cheveux se hérissent, il s’arrête ; il craint de fouler aux pieds la poussière qui lui paraît vivante. Soulevé sans cesse par les mouvements onduleux de la terre, comme s’il voguait sur les flots, et  se soutenant à peine, il s’appuie contre un arbre, le serre dans ses bras, ferme ses yeux et se résigne à la mort, ainsi que des navigateurs qui, ne pouvant plus combattre la tempête, et livrant leurs voiles à la furie des aquilons, pâles et tremblants, attendent le flot qui va les submerger ou les briser contre les rochers.
      Trois heures suffisent pour l’éruption des dépouilles humaines, tant elle est violente et rapide ! sitôt que Dieu, qui sait le nombre des atomes de l’univers, et dont les regards percent les replis les plus déliés de la nature, voit que la terre a rendu les cendres des hommes, il veut qu’elle se repose. Aussitôt l’océan rappelle sur ses rivages, ses flots débordés et furieux : les vents prennent la fuite, se précipitent les uns sur les autres, et rentrent en grondant dans leurs cavernes. Un morne silence succède à cette tempête universelle ; Omégare y renaît, Omégare ose y descendre, et s’interroger sur lui-même et ses intentions. Fier des réponses qu’il en reçoit, il regarde le ciel avec assurance. Le souvenir d’un Dieu qui règle l’univers, le console. Que les anges sonnent la trompette qui doit réveiller les morts ; que la terre s’écroule, que le soleil et les astres s’éteignent, ses regards en soutiendront le spectacle avec courage ; Omégare est digne d’assister au dernier jour de la terre. »
      Pourtant, le génie de la terre, toujours à la recherche du couple, ne désarme pas. Il tente encore, dans ses cavernes, de barrer la route à la fatalité, grâce à la science :
      « Il était au centre de la terre dans ses ateliers qu’il creusa de ses mains, et qui joignent les deux pôles. Ce vaste laboratoire est l’abrégé de l’univers ; il y rassembla les instruments des arts, diverses machines dont lui seul connaît l’usage, tous les genres de corps qui couvrent la surface de la terre, ou qu’elle cache dans son sein ; là, sur des tablettes innombrables, il avait rangé des vases d’airain, où lui-même renferma les sucs et les semences des plantes, les esprits volatils des animaux. C’est dans ces lieux que l’infatigable génie combinait, depuis la création, les éléments de tous les corps, qu’il interrogeait la nature, et la forçait à lui répondre. C’est de ces cavernes que sortirent ces découvertes précieuses dont le hasard et l’esprit humain  s’attribuèrent l’honneur, et qui furent des présents du génie. Enfin, c’est là que dans un million de fournaises, il nourrissait des feux continuels dont la chaleur repoussait le froid mortel qui s’avançait de jour en jour jusqu’au centre du monde. »
      Cependant, même lui sera vaincu par la mort qui s’approche. En un dernier mouvement, il fera voler la terre en éclats:
      « La mort ne répond qu’en avançant sur lui : soudain le génie agite ses flambeaux dans sa caverne qui s’enflamme ; l’explosion en est si terrible, que la terre ébranlée, recule sur son orbite. Ses entrailles se déchirent, elle soulève les Alpes, les Pyrénées, et lance ces énormes masses jusques dans les hautes régions de l’atmosphère. »
      Si nous nous sommes si longuement penché sur l’œuvre de Cousin de Grainville c’est parce qu’elle est inclassable et originale. Apparentée au romantisme, dont on retrouve la quasi-totalité des thèmes – puissance de l’amour, mouvements du cœur, sentiments d’horreur et d’honneur, poésie des ruines, thématique de l’antique , etc.,  les descriptions novatrices sont si nombreuses qu’elles font exploser un cadre trop étroit.
      En premier lieu, le thème central, celui du dernier homme, dont c’est la première apparition en littérature (si l’on écarte « le Dernier jour du monde », écrit en 1689  et paru chez Louis Rouillard le fils à Paris, plus proche de l’apologétique que du roman). La révolte vaine d’Omégare contre son terrible destin, son impossibilité à vaincre le puissant ennemi – Dieu !- qui a juré la perte de l’humanité, imprègnent l’ensemble de l’œuvre.
      Le personnage de Sydérie n’en est pas moins touchant, dont la fragilité est vouée à la destruction. Bien que toute une pléiade de figures allégoriques ou symboliques – le Génie de la terre, l’ange Ituriel, la Nature, Adam, etc..- ou inouïes – Polémos, Idamas, Philantor- suggèrent un attirail romantique aujourd’hui désuet, elles ne sauraient cacher l’originalité profonde de thèmes repris maintes et maintes fois dans le champ de la science-fiction moderne.
      En vrac : la terre creuse (le génie et ses feux), la ville utopique (la cité du Soleil), la science modelant les paysages ( l’action d’Ormus), le changement de climat et l’orogenèse (modification des paysages de l’Europe, engloutissement de l’Angleterre), les dangers de la surpopulation, le dépérissement du potentiel génétique des peuples et les mutations (les descendants d’Omégare), la disparition des villes (Paris en ruines), les transports aériens en d’immenses vaisseaux (départ vers le Brésil), l’hibernation et l’immortalité provisoire (Philantor dans le temple de la Sérénité), l’entropie finale et le refroidissement de la terre.
      Trop originale pour l’époque, l’œuvre a eu peu de succès du vivant de l’auteur, aujourd’hui encore peu connue et difficile à trouver (un exemplaire subsiste à la Bibliothèque nationale). Pourtant ses épigones, surtout au  XIXème siècle, ne se privèrent pas de le copier, sans jamais l’égaler.
      Et en premier lieu « le Dernier Homme » de Creuzé de Lesser  qui avoue sa dette envers Cousin de Grainville, dans son poème dramatique,  et celui de Mary Shelley, dont la puissante personnalité domine le roman. Mais que dire  d’Elise Gagne, qui avec « Omégar ou le dernier homme », une « prosopopée dramatique de la fin des temps » lénifiante,  ne reconnaît pas ce qu’elle doit à son  précurseur. De même « Mada ou le dernier homme » du baron d’Aiguy,  « le Dernier homme » de Reboul, ou « la Divine Epopée » de Soumet  se veulent originaux alors qu’ils ne sont que des copies, souvent proches du plagiat. Jamais elles n’atteignent la puissance de l’œuvre originale, engoncées qu’elles sont dans un fatras poético-religieux, moralisateur et suranné, basé sur l’apocalypse de Saint Jean.
      Elles se donnent toutes une mission de dénonciation et de prophétisme que l’on ne retrouve pas dans le récit de Grainville, pur jeu littéraire. Le seul qui échappe quelque peu à la critique est le roman – bien maladroit par ailleurs- de Camille Flammarion « la Fin du Monde » dans lequel Omégar  le héros, se réincarne sur Jupiter selon les principes  du spirite Alain Kardec.
      Aujourd’hui le thème du dernier homme a fait florès. On ne compte plus les ouvrages qui le pérennisent (ou plutôt nous avons essayé de les recenser dans ce dictionnaire) jusqu’au dernier en date à ce jour, « le Monde enfin » de Jean-Pierre Andrevon. Cousin de Grainville, en deux éditions celle de 1805 et celle posthume – l’auteur s’étant entre temps suicidé ne pouvant supporter son infortune– de 1811, fonde une thématique anticipatrice dont la nouveauté, à elle seule,  imposerait l’urgence d’une réédition.

    3. Type: livre Thème: menaces végétales Auteur: M.A. RAYJEAN Parution: 1960
      Joe Maubry, reporter de télévision, est mis en selle par son patron, Robeson, pour s’occuper de l’affaire de la «mandragore», à Carson-City. Accompagné par la délicieuse Joan, à la fois son amie de cœur et sa concurrente dans la presse écrite, ils feront connaissance avec « Mandrogoras », racine à forme humaine, jaillie d’une terre légèrement radioactive , et qui est douée de mobilité, ce qui est prodigieux.
      Les barrières de sécurité en place écartent les curieux mais permettent au professeur Golson de prendre en toute sécurité des échantillon de «sève rouge comme du sang» pour analyse. Joé, futé, s’est également pourvu en échantillon afin de mettre son ami biologiste marc Kander dans le coup. Quelques jours plus tard éclate une nouvelle bombe : Golson a disparu. On le retrouvera en plein désert, en un lieu proche de Mandragoras, physiquement en voie de transformation, prêt à s’enraciner :
      « Le botaniste râlait maintenant, en se roulant sur le sol, en proie à de terribles convulsions. Ses yeux lui sortaient des orbites et son visage se couvrait de larges plaques rougeâtres. On devinait que son organisme résistait de toutes ses forces à l’invasion des homuncules. (…) Dans un terrible effort de volonté, il se redressa. Mais ses pieds semblaient rivés au sol. Quand il voulut faire un pas en avant, ses jambes ne lui obéirent plus. Il s’affaissa sur place en gémissant, le corps couvert de sueur, de poussière, de sang. Il saisit alors à deux mains sa jambe droite et tira de toutes ses forces. Son pied resta cloué à la terre. Il comprit alors que des fibres scléreuses l’attachaient définitivement au sable.»
      Golson, déjà perdu explique l’ampleur du problème qui risque de frapper l’humanité, constat confirmé par Kander. La sève de la mandragore charrie un sang composé d’homuncules, globules de forme humaine et de couleur rouge, dont l’unique but est d’envahir l’organisme humain pour se reproduire et transformer leur support en végétal. Baptisé «Humunculus H4», l’épidémie sera extrêmement violente, les homuncules ayant la propriété, en dissolvant la peau par un acide, de s’introduire dans le corps humain par les pores. Cette transformation rapide inquiète le couple Joan et Joe, surtout lorsqu’ils auront constaté que leur ami Marc est déjà infecté et qu’eux-mêmes, dans leurs corps, commencent à subir l’influences des homuncules.
      Pourtant Kander est sur une piste. Il a localisé les homuncules, les a soumis à un appareil grossissant,  faisant d’un cobaye microbien un gnome captif et parlant. Kander disparaîtra lui aussi se cachant dans un motel, épouvanté par l’irrésistible pulsion qui le pousse à s’enraciner. Pendant ce temps Joe interroge l’ennemi, vaguement télépathe, qu’il a baptisé «Ruth». Celui-ci ne se fait pas prier pour lui annoncer que le règne de l’humanité s’achève et que celui de Mandragoras commence, qui est de transformer l’homme en végétal à son image.
      Après quelques péripéties annexes durant lesquelles le couple rattrape Ruth qui s’était échappé par les égouts de l’hôpital, ils entrevoient, sur les ultimes indications laissées par Kander, une solution au problème, soit créer un vaccin (ou un sérum) pour affaiblir progressivement l’homuncule. Les résultats dépassent toute espérance : dans le sang de Ruth naissent de nouveaux homuncules, différents du premier, de couleur blanche. Joe baptisera l’un d’eux «Scléro ». Celui-ci,  agrandi à son tour, confirmera à Joé que lui et Ruth sont des ennemis irréductibles et qu’il est fort capable, avec son acide,  de «dissoudre le Rouge» (admirons le symbolisme au passage !) Aussitôt dit, aussitôt fait. Après avoir traité leur ami Kander au sérum « Scléro », ils se l’injectent à leur tour. L’ «Invasion H» échouera. Mandragoras est carbonisé ainsi que les malheureux déjà transformés et Joe/Joan auront un beau sujet à traiter.
      Ce roman n’est pas sans rappeler celui, paru dans la même série, la « Folie verte », auquel l’auteur fait explicitement référence dans le livre même. Le récit est basé sur le mythe fantastique de la mandragore, racine magique à forme humaine, née au pied d’une potence de la semence d’un pendu, capable du pire comme du meilleur. Détournant ce thème pour l’adapter à la science-fiction, comme l’avait déjà fait auparavant le grand ancêtre Matheson dans « Je suis une légende », M.A. Rayjean commet un roman lisible mais sans grande originalité.


    4. Type: livre Thème: la cité foudroyée, savants fous et maîtres du monde Auteur: Charles RONZE Parution: 1942
      Roland Chandreau, jeune et brillant avocat, manifeste beaucoup d’inquiétude lorsque la Banque de France où travaille Suzy, sa douce fiancée, disparaît dans le trou énorme qui s’ouvre soudain dans le sol de Paris. Le drame affole ses concitoyens, la municipalité et la police,  qui empêchent l’accès au quartier. Suzy est toutefois sauve, les employées ayant été prévenues par une voix inconnue. Le mystère s’épaissit encore quand respectivement le palais du Luxembourg et la gare Montparnasse suivent le même chemin, faisant cette fois-ci de nombreuses victimes :
      « Une aube blême se leva difficilement. Une clarté grise et douteuse traîna sur une vision d’apocalypse, découvrant mieux à chaque seconde l’ampleur d’un effondrement sans nom. Le palais célèbre n’existait plus, si ce n’est qu’à l’état de magma de pierres et de terre, mêlé à des arbres déracinés des jardins. Et tout cela au fond d’un cratère d’une largeur démesurée aux parois presque lisses , comme celles qu’adoptent les entonnoirs de sable. »
      Que se passe-t-il ? C’est la question que Roland pose à Pierre Lerat, son ami,  ingénieur des Carrières, au moment où tous deux rendent visite à Suzy, habitant chez son père, rue de Champerret.  Ils seront accueillis par une jeune fille inquiète des absences répétées de son papa, M. Merlin, lequel est géologue. Un carnet abandonné sur le bureau de M. Merlin livre de terrifiants secrets à Pierre. Le coupable est le père de Suzy, son futur beau-père !
      Géologue génial mais méconnu, il en conçoit une amère déception et décide de se venger. Mettant à profit sa bonne connaissance du sous-sol parisien, percé de trous comme un gruyère, il fit construire en grand secret une foreuse géante dans le but de saper les fondations de tous les grands édifices parisiens. Lorsque Merlin se sut découvert, à l’insu de Suzy, il gagna son quartier général, les souterrains de Montparnasse, d’où il fit s’écrouler sur lui, au moyen de sa taupe mécanique, tout le quartier, anéantissant l’œuvre de sa vie. Suzy ne sut jamais rien de la culpabilité de son père car la municipalité, mise au courant de la démence du bonhomme par Pierre Lerat, camoufla ce crime en séisme localisé et naturel.
      Un petit récit sympathique et sans prétention, entièrement voué à la joie de détruire.

    5. Type: livre Thème: le dernier homme Auteur: HENRIOT Parution: 1898
      Le jeune savant et chimiste Julien Préval se livre dans son appartement de Neuilly à des expériences sur l’ozone, gaz miraculeux, désinfectant et régénérateur,  incolore et inodore.Ni Félicie, sa cuisinière, ni François son domestique ne répondent à ses appels. Il les trouve immobiles, debout, comme arrêtés en plein mouvement. Que s’est-il passé ? Pour en avoir le cœur net, il sort et se promène dans Paris. Partout se présente le même tableau digne du conte de la Belle au Bois dormant :
      « Le monde n’était qu’endormi ! Il regardait ; à droite et à gauche des gens arrêtés, presque tous debout… très peu allongés par terre ; des voitures arrêtées, avec des chevaux immobiles, la jambe en l’air. Quelque chose comme ces photographies instantanées de gens en marche, qui vous représentent cloués d’un pied au sol, l’autre lancé en avant.»
      Peut-être une comète, peut-être une trombe asphyxiante a-t-elle eu raison des Parisiens ? Empruntant une bicyclette, il croise un tramway rue de la grande Armée qui vient de heurter une automobile :
      « Je renonce à décrire  le spectacle, toujours semblable, que Julien rencontrait à chaque pas. Le silence n’était troublé que par des chocs bruyants d’automobiles qui, elles, allaient devant elles et iraient encore tant qu’elles auraient leurs accumulateurs chargés ou leur réservoir plein de pétrole. Sans direction, elles montaient sur les trottoirs, se cognaient aux arbres, entraient dans les vitrines des magasins. »
      Au Bois, un amoncellement de cyclistes tombés raide lui rappelle que la rigidité post-mortem survient plus rapidement chez des gens agités, comme les Parisiens. Laissant la bicyclette, car il ne craint plus les voleurs, il se sustente dans une pâtisserie sans payer. Le sentiment d’exaltation et de toute-puissance se transforme lentement en inquiétude : qui éteindra les incendies lorsqu’ils se déclareront ? Qui renouvellera la nourriture ?
      Il lui faut absolument trouver un autre homme vivant, bien que l’appel télégraphique à destination de l’Amérique ne donne aucun résultat. Du côté de la gare Saint-Lazare il lui vient l’idée d’emprunter un train malgré l’enchevêtrement ferroviaire :
      « l’ingénieur ne vit même pas l’amoncellement de locomotives, de wagons écrasés qui étaient venus, sans direction, se heurter aux murs en passant par-dessus les butoirs. Il avait dû y avoir là d’incommensurables accidents. Les trains qui devaient entrer en gare, sans aiguilles, sans disques, sans signaux, avaient dû arriver pêle-mêle et se téléscoper mutuellement… Julien avait vu un quai de départ, un train prêt à partir…. De la locomotive s’échappaient des flots de fumée noire. »
      Il part en direction d’Asnières. Partout, la traversée des gares offre le même aspect désolé de la mort et de l’immobilité. Soudain, vient à sa rencontre un autre train. Le choc le réveille au grand soulagement de Félicie et du docteur qu’elle avait appelé à son chevet. Toute l’aventure n’était donc qu’un cauchemar dû à l’inhalation d’ozone…
      Une petite nouvelle sans prétentions et restée inédite qui explore courageusement la thématique du dernier homme : liberté sans limites, richesses inouïes, misère de l’homme seul


    6. Type: livre Thème: péril jaune et guerre des races, guerres futures 2 Auteur: Jack LONDON Parution: 1910
      A partir de 1976, la Chine se réveille, menaçant le monde par son taux de fécondité. L’émigration chinoise se transforma en menace, d’abord pour les Européens, puis pour le reste de la planète. Rien ne semblait pouvoir s’opposer au flux énorme de la main-d’œuvre chinoise qui, en retour, assimila les technologies occidentales. Le Japon, vainqueur de la Russie, comprenant l’âme chinoise, forma les futurs cadres de la nouvelle société, la rendant d’autant plus performante et menaçante.
      L’armée chinoise fut réorganisée, puis l’infrastructure, puis les communications. La Chine ne se montra pourtant ni hostile ni belliqueuse mais continua d’envahir pacifiquement les pays voisins ou lointains, en en transformant rapidement le substrat autochtone. C’est ainsi que l’Indochine française devint chinoise, ce qui ne plut pas à la France qui tenta de s’opposer à elle militairement :
      « La France assembla une armée de cent mille hommes à la frontière chinoise de sa malheureuse colonie, et la Chine y envoya une armée d’un million de miliciens, derrière laquelle en marchait une autre composée de leurs femmes, enfants et parents des deux sexes. L’expédition française fut balayée comme un essaim de mouches. Les miliciens chinois avec leurs familles, au nombre de plus de cinq millions, prirent tranquillement possession de l’Indochine français et s’y établirent à demeure pour quelques milliers d’années. »
      Comme la Chine continuait sa progression en Asie, le nouveau gouverneur Li-Tang-Foung accentua encore la pression démographique, ce qui terrifia le monde entier qui ne savait toujours pas comment endiguer le fleuve jaune. Ce fut un obscur savant d’une officine de New-York qui conçut la solution à ce problème. En un premier temps, il s’employa à convaincre les leaders mondiaux de respecter une «Grande Trève », puis d’encercler le territoire chinois par terre et par mer, en y envoyant tout ce que le monde comptait de ressources militaires.
      Une mobilisation générale fut décrétée, en un mouvement d’encerclement qui amena le sourire sur les lèvres des Chinois lesquels attendirent l’invasion occidentale de pied ferme. Alors tombèrent, du haut du ciel, quantité d’ampoules en verre, éclatant sur une large frange du territoire,  ainsi que sur la ville de Pékin, en libérant un cocktail de microbes parmi les plus virulents : Laningdale venait d’inventer la guerre bactériologique :
      « Mais si le lecteur s’était trouvé encore une fois à Pékin six semaines après, il eût cherché en vain ses onze millions d’habitants. Il en aurait aperçu un petit nombre, quelques centaines de mille peut-être, à l’état de carcasses en décomposition dans les maisons et les rues désertes ou empilés sur des chariots funèbres abandonnés sur place. Pour retrouver les autres il aurait dû chercher sur les grandes et petites voies de communication. Encore n’en eût-il repéré que quelques groupes en train de fuir la ville empestée de Pékin, car leur fuite était jalonnée par d’innombrables cadavres pourrissant au bord des routes. Et ce qui se passait à Pékin se reproduisait partout dans les cités, villes et villages de l’Empire. Le fléau sévissait d’un bout à l’autre du pays. Ce n’était pas une épidémie ou deux: c’en était une vingtaine. Toutes les formes virulentes de maladies infectieuses se déchaînaient sur le territoire. (…)
      S’il se fût agi d’un unique fléau la Chine s’en serait peut-être tirée. Mais à une vingtaine d’épidémies, nulle créature ne pouvait échapper. Celui qui esquiva la petite vérole mourait de la scarlatine ; tel qui se croyait à l’abri de la fièvre jaune succombait au choléra, et la mort noire, la peste bubonique, balayait les survivants. Tous ces microbes, germes, bactéries et bacilles, cultivés dans les laboratoires de l’Occident, s’étaient abattus sur la Chine dans cette pluie de tubes de verre. »
      Les survivants, errants entre des millions de cadavres, furent tous exterminés et le territoire de la Chine annexé par les belligérants unis dans une même vengeance.
      «L’Invasion sans pareille» évoque une fois de plus, le Péril jaune, crainte si commune au début duXXème siècle. Aujourd’hui, alors que la Chine compte plus d’un milliard d’individus, nous sommes à même d’apprécier ces dangers liés à la mondialisation, sans toutefois y trouver une solution aussi définitive que celle imaginée par Jack London.

    7. Type: livre Thème: menaces telluriques Auteur: Rudolph WURLITZER Parution: 1972
      Le « Big One » s’est déclaré. Toute la côte Ouest des Etats-Unis subit des bouleversements dramatiques avec, pour corollaire, une désagrégation sociale et morale de l’Etat et des individus. Le narrateur, logé au moment fatidique dans un hôtel de Santa Monica, devient le témoin sans concession du retour à la barbarie de ses semblables, analysant et répertoriant les crimes les plus vils, les bassesses les plus odieuses, les actes les plus dégradants. Lorsqu’il se remet du choc causé par l’effondrement du plafond de sa chambre, il constate chez ses concitoyens un déni généralisée de la catastrophe : l’on continue de vivre comme si rien ne s’était passé ! Les uns font l’amour à côté des cadavres, les autres seront obsédés par l’unique idée d’une voiture à faire démarrer ou d’un bus à rattraper.En déambulant dans la ville sinistrée, il se montre sensible aux divers changements :
      « Des égouts éventrés montait une odeur de merde et de gaz qui rendait l’air irrespirable. Au bord de la chaussée lézardée, couverte d’éclats de verre et de gravats, une canalisation béante lâchait des flots d’eau savonneuse. Des fils électriques sectionnés se tordaient sur le trottoir comme de serpents furieux. Une Chevrolet rouge avec une plaque du Texas avait échouée dans la devanture du snack. Au-dessus du crâne écrabouillé du conducteur, aplati contre le pare-brise, un petit crucifix en plastique oscillait tristement. »
      La recherche de nourriture constitue son premier objectif. Il se méfie des gens qui, autour de lui, ne présentent plus un comportement normal. Il se fera tout de même embaucher – par qui exactement ?- pour déblayer des gravats alors que les secousses telluriques se poursuivent en répliques rapprochées. Encadré de manière militaire et coercitive, il obéit à ces parfaits inconnus jusqu’à ce que des coups de feu le ramènent à la raison. D’autres individus, armés jusqu’aux dents, prêts à assassiner tous ceux qui résisteraient, le capturent pour le mener dans un camp de regroupement à quelques kilomètres de là :
      « Nous marchions au milieu de la rue, suivis par les deux hommes qui portaient Helena. Les plaques de fibro-ciment et les poteaux arrachés ralentissaient notre progression. Puis nous arrivâmes près d’une station Texaco dont le toit venait de céder. Un homme armé d’un fusil et adossé à un break familial rouge, fit un signe de la main à Orville. Tout autour de la station on avait installé un camp provisoire, délimité par une corde de nylon jaune fixée à des piquets. Derrière, une maison en bois de style colonial achevait de brûler. Il n’y avait que trois prisonniers dans ce camp. Deux, les mains liées dans le dos, étaient allongés sur le ventre. Le troisième nous regarda approcher. »
      D’où viennent ces individus ? Qui sont-ils ? De qui tiennent-ils leur légitimité ? Nul ne le sait, car la force brute a remplacé le droit, la guerre civile venant de se déclarer sans raison, avec ses injustices et ses meurtres arbitraires :
      « Quatre hommes, torse nu, approchaient. Ils tiraient un tombereau rempli de cadavres. A chaque tour de roue, un corps basculait et venait s’écraser par terre. Ils ne s’arrêtaient pas pour autant. Ils vinrent se ranger près de notre enclos. (…) Ils déchargeaient les corps et les jetaient par-dessus la corde. Tous les morts avaient la nuque trouée.»
      Ces « volontaires nationaux » l’obligeront à marcher pieds nus, puis arrivés au lieu de détention,  à se mettre entièrement nu, comme tous les autres. Gare à ceux qui n’obéiraient pas :
      « Un couple de vieillards sortit de la colonne en titubant. Un garde les frappa à coups de crosse. Ils tombèrent l’un sur l’autre. L’homme se redressa et prit sa femme dans ses bras. –C’est notre argent que vous voulez ? On n’a plus rien. Vous nous avez tout pris. On n’a jamais fait de mal à personne, nous. C’est la faute aux types qui logeaient chez nous. On savait pas ce qu’ils faisaient. Allez, tuez-nous. Tuez-nous. Le garde posa le canon de son fusil sur le front ridé du vieil homme et pressa la gâchette. L’homme culbuta, foudroyé. »
      Tout au long du chemin, les occasions de mourir ne manquent pas. Des balles sifflent au-dessus de sa tête, tirées par des snipers isolés ; un hélicoptère survole la colonne, les menaçant tous. Sur le lieu même du rassemblement, dans une zone industrielle, une faille large et profonde entaille le terrain. Certains s’amuseront à la franchir en sautant. Quelques-uns y laissent leur peau. Le repas improvisé de grillades que se préparent les miliciens déclenche la convoitise des prisonniers démunis et affamés. S’en suit une rébellion généralisée au cours de laquelle le narrateur prend la fuite… pour tomber sur une barricade, elle-même tenue par d’autres assassins anonymes. Il sait maintenant que préserver sa vie est une entreprise désespérée. Lucide, il attend une mort qui ne tardera pas.
      « Quelle Secousse ! » qui pourrait aussi s’intituler « Scènes de guerre civile » a été publié dans la collection du «Sagittaire », spécialisée dans les textes conjecturaux sulfureux. (Voir « Plein gaz » paru dans la même collection). Ici, plus que le sexe, la violence, l’absurdité des situations, l’arbitraire de la survie en temps de crise, forment l’objet du scandale. La vision cataclysmique permet la distanciation utile à l’auteur dont le but est de dévoiler la noirceur de l’animal humain, la haine qu’il voue inlassablement à son semblable et la part prédominante que prend en son esprit le cerveau archaïque. Un texte brut de décoffrage au style halluciné.

    8. Type: livre Thème: le dernier homme, épidémies Auteur: Mary SHELLEY Parution: 1826
      "Le Dernier Homme" est historiquement le deuxième roman traitant de ce  thème, le premier  étant "le Dernier Homme" de Cousin de Grainville (1805).  Il s’agit d’une oeuvre importante, de par la qualité de son auteur, créatrice de "Frankenstein", et des éléments romantiques qui se retrouveront désormais à la base de l’oeuvre cataclysmique: poésie des ruines, agonie de la nature, héros démesuré, destruction et mort de l’espèce, pérégrinations dans le monde..
      L’oeuvre est divisée en trois livres distincts. Le premier présente les héros de l’histoire et développe les liens qui les unissent. Le deuxième montre l’éclosion de l’épidémie de peste. Le troisième insiste sur les voyages du dernier homme.
      Y sont présents de nombreux archétypes qui deviendront stéréotypes dans les romans ultérieurs: description des ruines et des cadavres, ivresse de la liberté et de la possession totale des biens de ce monde , interrogation métaphysique devant la cruauté du destin , multiplication de la nature végétale et animale enfin libérés de la tutelle humaine.
      Le récit, de pure science-fiction, est daté: il débute en 2073 et s’achève une vingtaine d’années plus tard. Il s’ouvre sur les personnages de Perdita, soeur du narrateur, et de Raymond, le héros, libérateur de la Grèce, conducteur de l’Angleterre menacée par la peste, en fait le sosie de Lord Byron . Adrian est le fils de la Comtesse de Windsor et deuxième ami du narrateur. Il prendra la relève de Raymond, après la disparition de celui-ci, pour conduire les derniers rescapés anglais hors de leur pays frappé à mort,  jusqu’à un retour en Grèce supposée épargnée par le fléau. Idriss est la soeur d’Adrian, épouse du narrateur. Enfin Evadné est une jeune Grecque amoureuse de Raymond.
      Ces personnages sont des héros romantiques, êtres excessifs par nature et entiers dans leur jugement. Raymond possède un caractère sauvage, indomptable. Il est irascible et partial. Adrian, le futur roi d’Angleterre est fantasque, chimérique, et fin politique. Il fait penser au roi fou, Louis II de Bavière. Perdita , Evadné , Idriss, se montrent des femmes indomptables et les meilleurs soutiens des héros.
      Le premier livre place les personnages dans leur décor. Il s’agit de la campagne anglaise, du château de Windsor; l’Angleterre future restant soumise à la royauté et la technologie n’y faisant aucune apparition. L’oeuvre est truffée de références littéraires et philosophiques, de rappels quant à la situation politique au début du 19ème siècle.
      Raymond s’affirme comme leader naturel ; il remporte légalement le pouvoir en battant son opposant Ryland, le populiste. En façonnant une nouvelle constitution, il apprend par Evadné le triste sort de la Grèce pliant sous le joug turc. N’écoutant que son courage, le Protecteur - c’est son titre - part libérer la Grèce. Il vole de victoires en victoires mais bute sur Constantinople. Il fait le siège de la ville, si longtemps qu’une épidémie de peste s’y déclare, ravageant tout. Ses amis lui recommandent de repartir. Lui, au contraire, force l’entrée de la ville mais saute sur une poudrière. Le héros n’est plus et le fléau se propage.
      Les compagnons de Raymond retournent en Angleterre, autant pour fuir l’épidémie que pour assurer la succession du Protecteur en la personne d’Adrian. Les nouvelles ne sont pas bonnes: la Peste progresse et dévaste tout sur son passage. Elle menace l’Angleterre au moment où d’autres signes de destruction se manifestent dans le monde comme si le septième sceau de l’Apocalypse était brisé:
      " le 20 novembre, Adrian et moi chevauchâmes une dernière fois à travers les rues de Londres. Elles étaient désertes et envahies par les herbes folles. Les portes ouvertes des maisons vides grinçaient sur leurs gonds; une végétation exubérante et une saleté dégoûtante avaient envahi leurs marches. Les clochers muets des églises s’élevaient dans un ciel libre de toute fumée, les églises étaient ouvertes mais personne ne venait plus prier devant les autels, la moisissure et l’humidité avaient déjà endommagé leurs ornements. Les oiseaux et les animaux domestiques désormais sans maîtres, avaient fait leurs nids et installé leurs tanières dans des lieux consacrés. Nous passâmes devant St Paul. Londres, qui avait étendu ses faubourgs dans toutes les directions, avait un peu délaissé son centre, et beaucoup de ce qui masquait autrefois ce vaste édifice avait disparu. Sa masse pesante, sa pierre noire et son dôme imposant lui donnaient l’apparence non pas d’un temple mais d’une sépulture. Au-dessus du portique il me sembla lire le Hic Jacet de l’Angleterre.
      Nous poursuivîmes notre route vers l’est, tenant les propos graves et solennels qu’inspirait l’époque. Nous n’entendions aucun pas d’homme, ne rencontrions aucune forme humaine. Des troupes de chiens délaissés nous croisaient; et de temps à autre un cheval sans bride ni selle trottait vers nous;(...) Si tout était désert, rien n’était en ruine. Et ce mélange de bâtiments intacts et de résidences luxueuses, encore pimpantes, contrastait avec le silence macabre des rues désertes. "
      Le pays se transforme: le commerce s’arrête, les villes sont abandonnées au profit des campagnes, l’immigration est interdite, les dissensions politiques se font jour, la guerre civile éclate.
      Dans le troisième Livre, les bouleversements sociaux atteignent leur maximum. Il reste peu d’Anglais. L’agriculture est abandonnée. Londres ne compte plus qu’un millier d’habitants. En 2096, Adrian, le Protecteur, a décidé d’aller vers le Sud, via les Alpes, avec sa famille et la dernière tribu de ce qui constitua jadis le peuple anglais. Talonné par la peste, en dépit de l’air pur des sommets, il se dirige vers l’Italie:
      " (A Venise) algues et monstres marins étaient abandonnés sur le marbre noirci; le limon salé défigurait les oeuvres d’art incomparables et les goélands s’échappaient par les vitres cassées. Au milieu des ruines impressionnantes de ces monuments édifiés jadis par des hommes de génie, la nature affirmait sa prééminence, et le contraste rehaussait sa beauté. Les eaux radieuses frissonnaient à peine, et leurs ondulations légères étaient autant de miroirs dans lesquels se réfléchissait le soleil. "
      Durant le voyage, le groupe se désagrège: les uns disparaissent, les autres se laissent séduire par les accents d’un faux prophète. Idriss meurt. Adrian dépérit, puis meurt à son tour. Le narrateur, dans la ville déserte de Rome, restera le "dernier homme":
      " J’employais mes matinées à monter à cheval et à chasser dans la Campanie. -Je passais de longues heures dans les diverses galeries- je contemplais chaque statue, et je me perdais en rêveries devant maintes Madones ou nymphes superbes. Je hantais le Vatican, où m’entouraient des oeuvres de marbre d’une beauté transcendante. Chaque divinité de pierre était possédée par une joie sacrée, et par l’éternelle fécondité de l’amour. Elles me regardaient avec une froide suffisance, et souvent j’éclatais en reproches contre leur suprême indifférence -car elles avaient forme humaine, et la beauté divine de l’homme se manifestait dans chaque partie de leur corps. Le travail parfait de l’artiste créait l’illusion du mouvement et de la couleur. Souvent, à moitié par ironie amère, à moitié dans l’intention de me leurrer moi-même, je serrais contre mon corps leurs proportions glacées, et m’insinuant entre Cupidon et les lèvres de sa Psyché, j’embrassais le marbre stérile ".
      Après avoir usé de sa liberté toute neuve, il consigne par écrit la saga de l’espèce humaine et la confie aux anfractuosités d’un rocher. C’est là, dans une caverne que l’auteur, Mary Shelley, affirme avoir découvert le manuscrit à son époque, ce qui renvoie notre époque à un futur antérieur à l’époque du roman.
      Ce récit possède pour le lecteur moderne des lenteurs, dues au développement des descriptions romantiques et au pathos qui s’en dégage. Il revivifie cependant en les réactualisant les thèmes déjà notés par Cousin de Grainville avec son personnage Omégar.  
      La quasi-totalité de ceux-ci seront repris par le roman cataclysmique moderne, à savoir, la poésie des ruines, la cité privée d’humains en proie au végétal et à l’animal, la désagrégation sociale, la montée des sectes religieuses, l’ivresse de la possession totale, le mythe du bon berger conduisant son peuple vers une nouvelle Arcadie, la description réaliste de l’épidémie et ses conséquences atroces, le thème de la culpabilité humaine.  Aucune oeuvre du genre n’ira plus loin que celle-ci, en démontrant ce que le roman apocalyptique devra au Romantisme. Autant que le "Frankenstein ", " le dernier Homme "  est le testament littéraire de Mary Shelley.

    9. Type: livre Thème: menaces idéologiques Auteur: Gawin EWART Parution: 1971
      En 2066, tout commença lorsque un commando de révolutionnaires « vénériens » s’empara du Roi et de la Reine d’Angleterre, les soumettant aux derniers outrages :
      « Le meneur de jeu se tenait à présent debout sur un petit tabouret devant Sa majesté, tandis que ses deux assistants se trouvaient aussi près que possible de la chaise, sur ses côtés. Chacun des aides prit alors une main de la Reine et la posa avec respect sur son membre dressé et guilleret. Automatiquement, comme mue par une profonde impulsion féminine, avec des gestes de somnambule, les doigts de la reine commencèrent à caresser ses loyaux sujets, les frottant avec une extrême douceur. »
      Ils savaient que lorsque l’on balaie un escalier, il vaut mieux commencer par les marches les plus hautes. L’attaque du Palais Royal fut suivie par la « Nuit des Jeunes Epouses », perpétrée par la Cinquième Colonne Phallique. Le 3 septembre de la même année, toutes les chambres à coucher furent prises d’assaut, les Epoux et les Epouses mises en des mains expertes. Pour des millions de jeunes Anglais, récemment mariés ou non, tout fut possible :
      « Courbées sur les chaises, elles furent prises par derrière. Elles furent battues avec des brosses à cheveux, des fouets à chien, des chaussures à haut talon, dans une symphonie de sadisme et de masochisme. Elles montèrent sur leurs amants comme des proues de navires ; les léchèrent comme des chiennes ; expérimentèrent les positions les plus incroyables; firent assurément l’amour de plein cœur, donnant libre cours à leurs désirs, les plus secrets, jusqu’ici cachés. »
      Le lendemain, tous gardèrent de cette soirée une nostalgie ardente qui se reflétait dans les comportements. Ils étaient prêts à suivre le nouvel Evangile qui venait de faire son apparition chez les libraires appelé « le grand Livre des Perversions». Mais le jour où tout bascula véritablement, fut le jour « F », pour « Fornication ». Les Vénériens s’étaient emparés des médias, augmentant significativement leur audience. Ils organisèrent et planifièrent la plus grande orgie du monde, devant absolument convaincre les classes moyennes anglaises, les plus réactionnaires,  de la justesse de leur point de vue :
      « Les hommes de quarante-cinq ans enlacèrent de bon cœur les jeunes filles de dix-sept ans, se jetant dans une forêt blanc et brun de seins et de jambes. Les femmes de quarante et cinquante ans s’enchevêtrèrent avec enthousiasme avec les garçons lascifs et adolescents, éperdus de désir et de joie. Ce fut une magnifique nuit de stupre. Tout y était permis. »
      A partir de ce moment-là suivirent les réformes politiques : tout ce qui allait dans le sens d’une diminution du plaisir fut interdit ou contingenté : l’alcool, les cigarettes, le travail excessif. Par contre, on mit en vente libre des pilules aphrodisiaques et des machines à masturber. Même les pièces de théâtre classique, comme Roméo et Juliette, intégrèrent  des scènes sexuellement explicites. La prostitution disparut. La religion elle aussi qui, au départ regardait d’un œil inquiet toutes ces nouveautés, y trouva son compte. Le changement profond des mœurs prouva la réussite irréversible de la Révolution Sexuelle :
      « Dans la bonne société, le port de dessous intimes devint même facultatif. Certaines jeunes filles préféraient voiler leurs mystères ; d’autres, au contraire, les arboraient ouvertement. Celles qui désiraient attirer un partenaire hésitant ou provoquer un esclandre viril, teignaient leur toison d’amour en rose, en bleu ou en vert. Ce n’était, bien sûr, que le début, mais c’était déjà pour les clases moyennes britanniques un grand pas en avant. »
      Une nouvelle jouissive, ironique, irrévérencieuse. Relève-t-elle du thème cataclysmique ? A chacun d’en juger  selon ses opinions et croyances.


    10. Type: livre Thème: épidémies Auteur: René SCHWAEBLE Parution: 1933
      Jérôme Horus est fournisseur exclusif de cercueils pour les habitants de la ville. Il nourrit deux passions : celle de la mort et celle de sa fille Marie. Plus il y a de morts, plus il est heureux. Plus il contribue au bonheur de sa fille, plus il est heureux.Ses plus grands ennemis sont les médecins, accusés de réduire son commerce en lui enlevant des clients potentiels. Marie bouleversera sa vie en tombant amoureuse du docteur Henri Morin, chose inconcevable pour Horus. Mais le vieil homme trouvera une solution élégante à son problème. Concoctant dans sa réserve à cercueils un immonde cocktail microbien, à partir de rats crevés, de chiens en décomposition et autres déchets censés contaminer l’ensemble de la ville – si Dieu lui est favorable !-, il gardera pour lui et pour Marie l’unique antidote, ne doutant pas un seul instant, que le docteur Morin éliminé, Marie lui reviendra.
      Peu après, les gens meurent comme des mouches. La vie se défait dans la cité. Des grèves spontanées éclatent. Des cortèges de femmes contestataires réclament des autorités qu’elles sauvent leurs enfants. Même une augmentation exponentielle de l’ivrognerie sera impuissante à contenir le fléau ! Les cadavres s’amoncellent dans les rues. Le docteur Morin, sur la brèche, et supposant que la contamination se fait par voie aérienne, préconise l’usage de masques à gaz pour tous :
      « Bref, trois jours après, la ville présentait un aspect diabolique : les passants n’avaient plus visage humain ; sur le cou, un groin s’allongeait, ignoble, repoussant. Leshommes avaient des groins de porc, les femmes des groins de truie, les enfants des groins de pourceau. Les pauvres petits s’effrayaient entre eux. Des mioches criaient et pleuraient en voyant leurs mamans aussi épouvantables. »
      Marie, qui ne soupçonne toujours pas son père, s’étonne pourtant de le voir si joyeux. Elle ne comprend pas non plus qu’il veuille à tout prix lui injecter un vaccin de sa composition sans en référer au docteur Morin. Elle pense que son père est devenu fou et s’empresse de faire part de ses craintes à son fiancé. D’ailleurs, disait-elle, mon père a également fait édifier sur le toit de notre maison un appareil constitué d’énormes cornets en étoile, comme une sirène d’alarme, destinés, d’après lui, au passage de courants d’air. (En réalité pour répandre les miasmes).
      L’épidémie prend une dimension tragique. La vie sociale et économique est arrêtée. Les vivants se terrent chez eux et attendent la mort comme une délivrance. Les rues sont livrées aux animaux :
      « Des animaux y circulaient en foule, hurlant, s’entredévorant ; des chiens au poil hérissé, la langue pendante, les yeux en feu, enragés, maigres ; des rats qui rongeaient les arbres, les bancs, les portes ; des chevaux galopants, affolés, hennissant, chargeant dans des roulements de tonnerre ; des chats sautant sur les fenêtres, s’élançant en bonds fantastiques sur les oiseaux ; des taureaux, des vaches suivies de leurs veaux, fonçant, tête baissée dans les devantures ; des ânes brayant, bêtement.
      Car le fléau n’atteignait pas les animaux. Seulement, personne ne leur donnait plus à manger, et, échappés, ils couraient au hasard, renversant les derniers passants. Un matin, l’on trouva un enfant que se disputaient les chiens et les rats. »
      Bientôt la végétation vient à la rescousse et envahit à son tour l’espace :
      « Les vergers, les jardins s’étendaient, envahissaient les maisons ; les arbres débordant de sève,poussant avec une incroyable rapidité et une force extrême, défonçaient els obstacles qu’ils rencontraient, pénétrant dans les chambres, montant, montant toujours, renversant, brisant, engloutissant, submergeant. Bientôt cette végétation folle dépassa les toits. Les habitations disparurent complètement, la ville ne fut plus qu’une immense masse de verdure, une forêt.»
      Morin, toujours vaillant –ce dont s’étonne Horus – demande conseil à ses deux confrères, Lelongt et L.andrin : Faut-il ou non utiliser le vaccin d’Horus ? Entre temps, comme les médecins mettaient trop longtemps à mourir au gré du vieillard, ce dernier décide d’aider la nature. Muni de ses bacilles en flacon et d’un soufflet, il espère infecter l’air de la maison de Morin. Ce dernier, toujours méfiant dans le cas d’une propagation aérienne, avait fait calfeutrer toutes les issues possibles et avait tendu un  piège à l’assassin dont il découvre enfin l’identité. En une ultime discussion dans l’antre du criminel, Morus menace de le dénoncer s’il ne lui donne pas l’antidote pour l’ensemble de la cité. Marie, qui a tout entendu, cachée derrière un rideau, s’évanouit d’horreur. Morin pensant que la jeune fille est atteinte par le mal, supplie Horus que ce dernier lui injecte le vaccin. Horus s’exécute de mauvais gré car il sait maintenant que jamais Marie ne renoncera à son médecin. Echappant aux deux jeune gens, il s’isolera dans sa cave, au milieu de ses cercueils, s’immolant par le feu, pendant que le couple, muni du remède, fuit cette maison maudite pour apporter la potion salvatrice aux survivants.
      Un récit populaire, parfois à la limite du grand guignol, vrai roman policier et faux roman d’anticipation, dont il présente malgré tout certains thèmes canoniques (l’invasion de la cité par les plantes, notamment). Le style est toujours soutenu et le récit propose de belles descriptions d’horreur. Que nous faut-il de plus ?

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